L’Afghanistan d’un XVIème siècle alternatif en mode R.E Howard
Imaginez que les Portugais aient mis la main sur l’Afghanistan suite aux différents voyages de Vasco de Gama pour l’ajouter à leur empire colonial.
Imaginez que la Perse et les autres puissances régionales souhaitent mettre la main sur les routes commerciales du pays.
Imaginez que dans les régions montagneuses, une guerre secrète se livre entre puissances mystiques.
Ajoutez une figure qui, à première vue, rappelle furieusement Sonia la Rouge de R.E. Howard… (non, pas le personnage en bikini de mailles de Marvel, l’autre, la guerrière qui combattit au siège de Vienne).
Dans cet Afghanistan agité d’un XVIème siècle alternatif à celui de notre propre Terre, se joue peut-être bien le destin du monde.
Les Coureurs d’Orages, qu’incarneront les Pjs, sont des mercenaires intéressés d’abord à leur propre survie, mais confrontés à l’impensable et aux dangers de toutes espèces ils sont appelés à devenir des héros (ou des scélérats).
Présentation et organisation
Ce module présenté à la façon très particulière et très efficace des suppléments pour Coureurs d’Orages est clairement l’aboutissement d’un processus de création poussé dans ses retranchements.
Les modules de cette collection ont pour ambition de présenter des aventures riches mais suffisamment courtes pour être rapidement lues et intégrées par le meneur.
Les modules précédents présentaient à mon sens quelques faiblesses (mineures) : un contexte régional un peu trop restreint (encore que La Mort Bleue dispose de son propre setting gratuit en .pdf) et surtout l’absence de cartes. Voilà qui est réglé, l’environnement régional peut difficilement être plus étoffé (sans tomber dans l’étouffe chrétien) et des cartes on en compte pas moins de trois dont deux pour les villes de Kaboul et Peshawar qui sont appelées à être visitées par les Pjs, en toute logique.
Le module est organisé avec une efficacité redoutable :
Factions, lieux, tables aléatoires, « donjons », règles additionnelles, bestiaire, prétirés. Tout y est, il y avait plus, on nous l’a mis quand même et pour le même prix. Imbattable : on retrouve les habituels parchemins et sorts (assez gores et rigolos, parfaitement dans le ton « exotisme indicible » du module) et des événements modulaires à ajouter.
Hommage à Howard et Lovecraft
Yimsha c’est aussi un hommage à une excellente nouvelle de Howard (Le Peuple du Cercle Noir, une aventure de Conan) et une réappropriation / recréation de certains personnages… aussi bien vue que particulièrement vicieuse. Surprise garantie. Mais chut.
Notez que l’ombre de Lovecraft et de ses créatures n’est jamais bien loin, mais c’était déjà le cas dans la nouvelle d’Howard.
Si les « donjons » , les sortilèges et les capacités des personnages non joueurs font froid dans le dos c’est qu’ils sont fondamentalement dans la thématique de l’indicible et de l’horreur lovecraftienne dite « Weird Fantasy » mâtinée de l’esprit très pulp des écrits d’Howard.
Amis en quête d’ambiances aventureuses, amateurs de la poussière des chemins, de soleil impitoyable, de sang versé dans l’ombre d’une grotte ou d’un palais princier corrompu par la plus sombre des magies, vous êtes ici chez vous.
Ramage et plumage
C’est court, efficace, riche, évocateur, inspirant et il faut également le remarquer : c’est beau !
C’est évidemment l’homme-orchestre John Grümph (aussi éditeur de la collection Chibi) qui est à la manœuvre tant à la maquette qu’aux illustrations, il a trouvé un design très en accord avec l’évocation de l’architecture moghole et on sent le travail de recherche sur les personnages.
La maquette est claire et d’une lisibilité parfaite. Les illustrations pleines pages très réussies et parfaitement dans le ton. On peut aussi se laisser aller à admirer les petites miniatures et personnages dont l’ouvrage est parsemé. Je me suis surpris à reconnaître les prétirés en pleine chevauchée dans un le cassoulet c'est bon aussi. L’ouvrage est parsemé de petits clins d’œils très drôles ou curieux.
Quant à la couverture, hé bien quand vous aurez lu le module, vous comprendrez pourquoi elle est si amusante…
Conclusion et verdict
A la lecture on sent bien que cette aventure a un potentiel ludique assez extraordinaire et que si nécessaire on peut « rallonger la sauce », des outils sont d’ailleurs proposés pour cela.
Pour donner une vague indication sur la durée de vie de l’ouvrage : l’auteur principal, Patrick Perret a mis près de dix séances à terminer sa campagne.
Elle pourrait même être considérée comme un nouveau chapitre annexe de… Non, c’est tentant, mais n’en disons pas trop.
Je me contenterais de dire pour finir que ce supplément contient si peu de technique qu’il est jouable avec un système tout à fait différent de Coureurs d’Orages, et je pense en l’occurrence à tout système un peu pulp, voire à Cthulhu Pulp lui-même.