J’AI TUÉ POUR TON NOMBRE
Une suite multipliant les jeux, les mises en abîme, la contagion forestière et le délire numérologique.
Joué le 27/10/2018
Jonathan Gray, cc-by-sa, sur flickr
Épisodes précédents :
1. Le Peuple des Ruines (joué avec The Quiet Year)
Damien Lagauzère reprend sa cosmogonie personnelle de Millevaux avec l’intro d’une troisième campagne solo qui amène beaucoup de pistes intrigantes et fait à nouveau planer la menace des Cœlacanthes et la perspective de nouveau cauchemars !
2. Un clou dans la main, deux trous pour les yeux (joué avec Omniscience)
Souvenirs psychotiques d’un futur antérieur où la menace horla prend des allures de guerre totale.
Et voila donc le dernier CR en date

celui-là a été joué avec
Dans La Nuit Longue et Glaciale (un mini PBTA) et 2 jeux Protocol (
le Tueur du Calendrier et
Eons). j'ai aussi joué un cauchemar de
Cœlacanthes, réutilisé le contexte de
Lacuna, rajouté un p’tit intermède avec
Omniscience et un article rédigé selon les règles des
Forges d'Encre. Pour vraiment conclure ce chapitre, je dois d'ailleurs encore en écrire un mais bon, ça attendra un peu, y a pas urgence ^^ maintenant, je dois trier toutes mes notes et préparer ma partie avec le personnage du Kraken et... préparer aussi tout ce qui concernera
La Trilogie de la Crasse. j'attends d'ailleurs de recevoir
Mantra et
Mantoid que j’inclurai là dedans
L'histoire :
DLN...
Je suis l'agent Damon Haze. Je travaillais pour le FBI. Aujourd'hui, je travaille pour la Compagnie. Je possède un niveau d'accréditation Vert. Je n'ai donc pas encore vraiment accès à Blue City. Je dois encore faire mes preuves. Je suis d'ailleurs en train de les faire.
On m'a chargé d'une affaire digne de celles sur lesquelles je travaillais au sein du FBI, le Tueur du Calendrier. Un cas difficile puisque ce tueur n'opère que le 13ème jour du 13ème mois. C'est dans le cadre de cette enquête que je me suis retrouvé avec... ça !
Alors que je voyageais à bord d'un hélicoptère avec un dangereux virus, une violente tempête a éclaté. J'ai eu le temps de sauter de l'appareil avant que celui-ci ne s'écrase sur le flanc d'une montagne. Je suis seul, perdu au milieu d'une forêt brumeuse et enneigée, à plusieurs kilomètres du crash. À mon réveil, j'entends des coups de feu. Avec pour seules ressources du matériel d'escalade et quelques rations, je vais devoir survivre, découvrir la vérité sur ce lieu et découvrir ma vraie nature. Mais pour l'heure, j'ai froid. Et plus encore, je me sens terriblement déprimé.
EONS
Nom : Damon Haze
Rôle : Enquêteur. Il a le truc pour poser les bonnes questions et repérer ce qui n'est pas à sa place.
Motivation : Récompense/Provocant : ce n'est pas pour rien qu'il a quitté sa place au FBI pour la Compagnie. Il veut en savoir plus sur cette affaire « Millevaux » et il est convaincu que c'est en gravissant les échelons de la Compagnie qu'il en apprendra plus. Il n'est pas prêt à tout mais presque et prendra les initiatives nécessaires.
Relations : Romance/Folie : tout a changé pour Johanna Ackermann depuis que la lumière a été faite sur l'existence et le rôle de Sodek NoFink dans toute cette histoire. Sur le plan légal, rien n'a pu lu être reproché. Aussi, elle est libre. Mais son équilibre psychologique est plus précaire que jamais et maintenant qu'il n'appartient plus au Bureau, Haze entretient une relation de proximité relativement ambiguë avec celle dont il ne sait plus si elle est victime ou bourreau dans cette affaire.
LE TUEUR DU CALENDRIER
Nom : Damon Haze
Rôle : Enquêteur. L’enquêteur a le don pour poser les bonnes questions et repérer ce qui n’est pas à sa place.
Motivation : Impulsif/Envie : ce n'est pas pour rien qu'il a quitté sa place au FBI pour la Compagnie. Il veut en savoir plus sur cette affaire « Millevaux » et il est convaincu que c'est en gravissant les échelons de la Compagnie qu'il en apprendra plus. Il n'est pas prêt à tout mais presque et prendra les initiatives nécessaires.
Relations : Romantique/Argent : si Haze entretient une relation ambiguë avec Johanna Ackermann, c'est également le cas avec Edes Corso, l'héritière de la famille Corso qui a fait fortune dans la fabrication et la vente d'armes. Ils se sont connus au moment où Haze quittait le FBI pour la Compagnie. Il ne peut s'empêcher de se demander si c'est vraiment par hasard que leurs chemins se sont croisés. Edes Corso n'est pas seulement riche, elle est aussi très pieuse et se sent investie, comme tous les membres de sa famille, d'une sorte de mission. Elle accorde beaucoup d'importance aux questions de foi et de morale, ce qui ne manque pas d'attirer l'attention de Haze qui, depuis Millevaux et Ackermann, navigue en eaux troubles aux frontières de l'occulte.
XxXxX
Haze n'attend pas d'en savoir plus quant à ces coups de feu. Spontanément, il court dans la direction opposée et se retrouve à dévaler à toute vitesse ce flanc de montagne enneigée. À mesure qu'il s'éloigne de l'origine des détonations, il prend un peu plus le temps d'observer son environnement. Quelque chose cloche. Une forêt sous la neige, OK ! Mais pas une forêt comme ça. Haze finit par s'arrêter pour examiner un arbre. Il s'agit d'un arbre typique d'un forêt tropicale. Il n'y connaît rien, certes, mais il sait reconnaître un arbre tropical et il sait que ces régions ne connaissent jamais de périodes de neiges. Donc, quelque chose cloche.
L'espace d'un instant, il se demande si... mais non, impossible ! Son niveau d'accréditation est vert. Il n'a pas accès à Blue City et même dans ce cas, il faudra que ce soit une méga-interférence pour que la ville apparaisse sous cette forme. Où a-t-il atterri ? Quel est cet endroit ?
Haze vérifie le contenu de ses poches et de son sac. Du matériel d'escalade, super ! Des rations, mieux ! Le Virus, le plus important. Il doit l'emmener quelque part, mais où ? Curieusement, sa mémoire lui joue des tours. C'est comme quand on cherche un mot qu'on a sur le bout de la langue. On le connaît, pas de problème là-dessus ! Mais pour l'instant, impossible de s'en rappeler. Ça reviendra, on le sait. Mais quand ? Pas trop tard espère-t-il.
Par contre, il se rappelle bien de quelque chose. Le Virus. Le Cruel Centipède. Le Virus a été conçu à partir d'extrait du Cruel Centipède. Ce n'est pas facile, mais Haze rassemble sa mémoire. Il doit fixer ses idées quant au Virus avant d'oublier. Il sait que ce lieu, cet endroit, cette forêt va tenter de lui faire perdre la mémoire. Parce que cette forêt est... Millevaux. Et le Cruel Centipède est issu d'une variation, d'une interprétation de Millevaux. Le Virus est une variation de Millevaux. Une mutation de Millevaux. Parce que Millevaux est une maladie. Une maladie qui altère le temps et l'espace. Une maladie qui se répand d'autant plus facilement que, sous licence Creative Commons, l'accès à ses diverses interprétations est gratuite. Auteurs comme joueurs peuvent s'en emparer sans problème pour créer et répandre leurs propres versions de Millevaux. Mais déjà il a oublié comment il avait mis la maison sur cette version, le Cruel Centipède. Est-ce la Compagnie qui lui a donné ordre de le remettre à quelqu'un, quelque part ? Ou alors, l'a-t-il dérobé à quelqu'un et doit-il le remettre à la Compagnie au plus vite ?
Ces pensées dérivent alors vers les deux femmes qui partagent ses pensées et sa vie actuellement. Johanna Ackermann d'abord. Il culpabilise de cette relation car il sait au fond de lui qu'il l'entretient en grande partie pour percer le mystère entourant son « autre » personnalité : Sodek NoFink. Et Edes Corso. Il ne sait pas ce qu'elle lui trouve. Elle a tout. L'argent, le pouvoir, la beauté. Pourquoi s'être intéressée à lui ? Et lui, pourquoi s’intéresse-t-il à elle, si différente, issue d'un monde si lointain. Un monde si lointain ?
Sans s'en rendre compte, il a repris sa marche dans la neige et est arrivé dans une clairière. Là, un autre fait étrange. Au milieu de cette forêt tropicale, un arbre qui une fois de plus n'a rien à faire là : un Noyer. Haze se sent bizarrement attiré par l'arbre. Quelque chose en lui... Non, quelqu'un à l'extérieur de lui sait que ce qu'il s'apprête à faire est complètement stupide et que cela va le précipiter dans un monde de cauchemar. Il sait que toutes ses interrogations ne sont que de futiles tentatives de gagner du temps car il va le faire. Il ne peut pas faire autrement. Il tente de se convaincre que cela lui permettra de mieux comprendre ce qu'a vécu Johanna. De mieux cerner la personnalité d'Edes. Une étrange association d'idées lui fait songer à l'Hadès. Et si la belle héritière était son monde des morts ? Alors, Johanna serait la vie. Non, elle est la folie. Après Éros et Thanatos, il y aurait Hybris et Thanatos ? L'Hybris ? Dionysos ?
Haze soupire et regarde la Noix qu'il trouve dans le creux de sa main. Dans son sac, il se saisit d'un mousqueton d'escalade et s'en sert pour en briser la coquille. Une soudaine rafale de vent lui arrache quelques larmes. Il songe alors à cette chanson de Laibach, Hell Symmetry et à ces quelques mots relatifs à la « 7 deadly sins industry ». Sans même songer à s'essuyer les yeux, il gobe la Noix...
Il ouvre les yeux. Il est là mais n'est pas là. Il se voit quelques mètres devant lui. Il se souvient. C'était avant de venir profiler au FBI. Il était alors négociateur. Il intervenait là sur une prise d'otage. Cette grande avenue. Laquelle ? Quelle ville ? Il a déjà... oublié... Cette grande avenue avait été bloquée, évacuée par les forces de l'ordre. Le forcené, un braqueur en fuite, s'était réfugié dans un bus et avait pris les passagers et le conducteur en otage. Des snipers avaient été placés en des endroits stratégiques dans les immeubles de chaque côté. Des SWAT, positionnés dans les rues perpendiculaires, attendaient le feu vert pour intervenir. Lui, tentait de gagner du temps, d'obtenir qu'il libère les otages et de détourner son attention pour permettre aux SWAT, menés par son coéquipier, de s'approcher sans être vus. Qu'est-ce qui avait cloché ? Tout semblait bien se passer puis la situation a dégénéré. Le braqueur a été abattu mais des otages sont morts et son coéquipier a reçu une balle qui lui a sectionné la moelle épinière. Haze revoit la scène de loin mais la revit de l'intérieur. De loin, il voit cette petite porte d'environ 1m de haut. Était-elle vraiment là ce jour ? Il ne sait pas. Et s'il l'avait emprunté ? Où l'aurait-elle mené ? Quelque part d'où il aurait pu sauver son coéquipier ? Et si... Il fait un pas dans cette direction. Et ce retrouve au milieu d'un cercle composé d'hommes et de femmes nus à tête de sanglier, le corps couvert d'humus, de mousse et d'asticots. Ils se tiennent debout, les bras croisés, sans mot dire. Autour de lui, la moisissure a pris des proportions dantesques : buissons de mousse et masses fongiques. Le limon coule de partout. On entend un grondement et on sent la terre trembler. Il pense alors à Johanna, à Sodek et, va savoir pourquoi, à Shub-Niggurath. Puis, les hommes et femmes sangliers disparaissent. Il n'en reste plus qu'un, avec une verge d'une taille monstrueuse qui pend entre ses cuisses et deux seins gonflés de lait. Verge comme seins dégoulinent de pus. Immobile, inerte, il se contente de dire : « Fais pire, au nom des Abysses. »
Pire ? Qu'est-ce qui peut être pire que ce fiasco à part avoir tiré lui-même sur son coéquipier ? À part l'avoir... tué ?
De tout cela, rien n'est réel. Haze le sait et c'est pour ça qu'il pointe son arme en direction du crâne de son coéquipier et qu'il tire. Il garde les yeux fermés si fort que ça lui fait mal mais il ne veut pas les ouvrir. Il attend d'entendre siffler les coups de feu. Il attend d'entendre les cris. Il attend de se sentir projeté au sol et menotté par les SWAT.
Il attend et... rien ne se passe...
Le siège, ou en tout cas un des sièges, de la Compagnie. Depuis cette affaire qui l'a confronté à Millevaux, Haze a quitté le FBI. Il a été recruté par la Compagnie. On ne lui a pas présenté les choses ainsi mais il a compris qu'il devait remplacer un autre agent, Paul Singer, lié lui aussi à toute cette histoire. Haze sait, mais comment ?, que sous l'influence de Millevaux il a tendance à perdre la mémoire. Ou, du moins, certains éléments deviennent flous, disparaissent. Il sait qu'il connaît Paul Singer. Mais d'où ? Se sont-ils rencontrés ou a-t-il seulement entendu parler de lui ? Il ne sait plus. En tout cas, Singer est aujourd'hui porté disparu et Haze sait qu'ayant travaillé sur cette même affaire il est tout désigné pour remplacer Singer au sein de la Compagnie. Pour autant, il doit faire ses preuves. Pour l'instant, son niveau d'accréditation est Vert. Il n'a pas accès à Blue City. La Cité Bleue. Le bourreau de Johanna en avait parlé dans un de ses messages délirants. Le bourreau de Johanna ou l'instrument de Sodek NoFink ? Les dirigeants de la Compagnie savant-ils qu'il la fréquente ? Il n'en serait pas étonné. De même qu'il ne serait pas étonné qu'on le fasse suivre, qu'on l'espionne et que, comme lui, on cherche à percer le mystère de Johanna/Sodek. Le mystère de Millevaux. Enfin, un des mystères de Millevaux.
La mission de Singer a montré une chose. Millevaux est contagieuse. Millevaux n'aurait pas dû s'infiltrer dans Blue City, même au titre d'interférence. Quelque chose, quelqu'un, a volontairement contaminer Blue City en y introduisant le concept de Millevaux pour le pervertir, en faire la proie de Shub-Niggurath et du Roi en Jaune. Le Jaune contre le Bleu. Dans cette histoire, la Compagnie a perdu l'agent Singer. Et l'agent Singer, lui, a perdu... la raison ?
Pour l'instant, en tant qu'agent à la cravate verte, Haze doit « simplement » éplucher toutes les sources d'informations à sa disposition pour se faire l'idée la plus précise de la situation concernant Millevaux. D'une façon ou d'une autre, il faut « protéger » Blue City, ramener l'ordre. Ou au moins, ramener le niveau d'interférence à un degré plus convenable. Gérable ? Haze avait bien compris ce qu'on attendait de lui.
Haze reprend ses esprits. Il est toujours près du Noyer. Il n'a aucune idée du temps qui a bien pu s'écouler. Toutefois, il fait maintenant presque nuit et de plus en plus froid. Un vent glacial l'éloigne de l'arbre. Alors qu'il va pour se réchauffer les mains et les frottant l'une contre l'autre, il remarque que sa paume gauche saigne. Il se rend alors compte que sa main a été transpercée. Comment ? Quand ? Par qui ?
Alors que le vent le pousse, l'éloigne encore plus de l'arbre et de la montagne, un grincement attire son attention. À cause du vent, il a du mal à savoir d'où cela provient. Il tourne sur lui-même et son regard tombe alors sur un homme en fauteuil roulant. Son ancien coéquipier ! C'est forcément une illusion, une hallucination ! Comment il aurait pu arriver jusqu'ici en fauteuil roulant ? En plus, il porte un costume-cravate complètement inadapté à la situation. Spontanément, Haze porte la main au niveau de son aisselle gauche mais ne trouve rien. Il n'a aucune arme sur lui.
Son ancien coéquipier sourit. À mesure que sa bouche s'élargit, s'ouvre, du sang en coule et inonde sa chemise. Il ouvre grand les yeux. Son sourire se crispe. Ses traits se figent. Il articule quelques mots que Haze saisit mal à cause du vent.
« Le nid de serpents géants... Là est le Niaucheur... Il parle le Langage Noir... ou le Langage Jaune... Il mange de la Viande Noire... ou fume l'Opium Jaune... »
Haze se précipite sur son coéquipier. Il se jette sur lui et renverse le fauteuil ! Il se réceptionne mal et une douleur aigue lui vrille la main. Il se relève et se rend compte qu'il est seul. La nuit est maintenant tombée. Haze se retrouve au bord d'un fleuve gelé. Il ne sait pas comment il est arrivé là. Il distingue l'ombre d'un bâtiment au loin. Il y a de la lumière.
Après une marche finalement assez courte, Haze se retrouve devant un portail en fer forgé. Le mur d'enceinte est haut mais en ruine. Il trouve facilement un passage et s'introduit à l'intérieur de cette ancienne propriété. Un peu plus loin s'élève la bâtisse. La porte d'entrée est ouverte. La neige a envahi l'accueil. Il s'agit bien d'un accueil, Haze reconnaît un comptoir. Il y a même un téléphone. Au cas où, il s'en empare : « Contrôle ?
Agent Haze ?
Oui. Contrôle ?
Oui. Que faites-vous là ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas où je suis.
Je... Je ne sais pas non plus.
Mais, si vous êtes Contrôle, c'est que je suis à Blue City, non ?
Oui, non. Normalement. Enfin, vu votre niveau d'accréditation vous ne devriez pas être à Blue City. Mais, si nous avons cette conversation c'est que vous êtes à Blue City, non ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas où je suis. Mon hélico s'est écrasé en pleine montagne. Il y a une tempête de neige. Je suis redescendu dans la vallée et me suis réfugié dans une propriété en ruine. On m'a tiré dessus. Enfin, j'ai entendu des coups de feu. J'ai le Virus. J'ai le Cruel Centipède.
Vous avez le Cruel Centipède ?!
Oui, je ne sais pas comment je l'ai eu mais je l'ai. Et je ne sais pas ce que je dois en faire. Contrôle ?
Surtout n'y jouez pas !
Y jouer ?
Oui, savez-vous ce qu'est le Cruel Centipède ?
Non. Un ver ? Une limace ? Un insecte dégoûtant ?
Non ! Oui, d'une certaine façon. Le Cruel Centipède est une maladie du temps et de l'espace. Une corruption, un corrupteur. Un jeu.
Comment ça, un jeu ?
Agent Haze, souffrez-vous de pertes de mémoires ?
Je ne sais pas. Oui, peut-être, à cause du crash...
Ou à cause de Millevaux. Vous êtes dans une forêt, n'est-ce pas ?
Oui, j'ai traversé une forêt.
Millevaux est LE jeu, la corruption qui menace Blue City. Vous avez oublié ?
Je crois bien que oui.
Le Virus que vous transportez, agent Haze, cet extrait du Cruel Centipède, est un nouveau jeu de rôle dans l'univers de Millevaux. Et Millevaux est une maladie d'autant plus contagieuse que, sous licence Creative Commons, sa gratuité fait qu'il est facile et tentant pour les auteurs et les joueurs d'investir cet univers, de le faire vivre, de l'explorer, le faire muter, le répandre. D'après ce que nous savons, un joueur qui se fait appeler Demian Hesse a introduit Millevaux dans Blue City, contaminant ainsi la Cité Bleue. Blue City et l’Hôpital sont des portes entre Millevaux et... un certain niveau de réalité que souhaitent atteindre les Cœlacanthes. Pour ce Demian Hesse, tout ceci n'est qu'un jeu. Mais pour nous, c'est une menace réelle. Si les Cœlacanthes... Agent Haze, vous êtes à l'hôpital, hein ?
Je ne sais pas. Il y avait une grille en fer forgé et là tout est en ruine.
C'EST UN HÔPITAL, AGENT HAZE ! NE ME MENTEZ PAS ! VOUS ÊTES A L’HÔPITAL !
Je ne sais pas, Contrôle, je ne suis pas sûr. C'est possible que cet endroit soit un ancien hôpital. Ce n'est pas une maison en tout cas. Contrôle ! Je dois vous laisser ! »
Haze raccroche précipitamment. Une ombre vient de lui passer devant. C'était fugace, presque translucide. Ça portait un masque... et des cornes. Ça s'est jeté dans les escaliers en direction de l'étage. Haze sent qu'il doit monter lui aussi.
En haut, Haze entend des rires et des chants. À mesure qu'il gravit les marches, la neige est remplacée par des algues et une indescriptible odeur de poisson mort. Plus il monte et plus il est difficile pour lui de se rappeler que rien de tout cela n'est normal. Il jette un œil, aussi discrètement que possible à travers la porte d'où proviennent les chants et les rires. Dans une grande pièce, une troupe d'hommes et de femmes, à moitié nus, chante et danse au pied d'un trône de fortune. Sur ce trône, un homme revêtu d'une toge grecque et d'un énorme masque à tête de scarabée. Au dessus de son épaule, sur sa gauche, une bouche dessinée sur le mur scande : « Je suis Dionysos ! La Voix de la Bouche ! Dansez ! Chantez, les ivres et les fous ! »
Haze fait un pas en arrière, de peur qu'on le remarque. Alors, il distingue un fragment de miroir brisé encore fixé à un mur. Il y plonge son regard mais n'y trouve pas le sien. Qui est cet homme au masque étrange, le connaît-il ? Il ne sait plus. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il est celui qui porte la maladie ! Le Cruel Centipède !
« Entre, Haze ! Entre en scène ! Rejoins mon petit théâtre ! La Bouche ne te veut aucun mal. »
Haze croit reconnaître cette voix. Il n'est sûr de rien, à cause de ce masque mais... Paul Singer ? Cet homme est-il l'agent Paul Singer ? Cet agent de la Compagnie qui a disparu après cette étrange affaire ? C'est lui qui avait retrouvé Johanna dans Blue City puis dans Millevaux. Il ne sait plus trop, sa mémoire vacille.
« Paul... Singer ?, hasarde Haze en approchant lentement.
Oui, non. Je suis Dionysos, la Voix de la Bouche et la Bouche a des choses à te dire. »
Dionysos change alors de voix. Autour de lui, les hommes et les femmes dansent et chantent toujours en riant et buvant du vin à même la bouteille.
« Agent spécial Haze, les tueurs qui tu as arrêtés vont à l'hôpital ou en prison. Le Tueur du 13ème Jour du 13ème Mois n'est pas ici. Tu dois aller le chercher en prison. La Prison du Roi-Volcan. Le Roi-Volcan te donnera un nombre et ce nombre sera le 13. En chemin, arrête-toi devant les nids de serpents. Parles au Niaucheur. Parles-lui le Langage Noir ou le Langage Jaune. Partage avec lui la Viande Noire ou l'Opium Jaune. Écoute sa plainte. Maintenant, va, Agent Haze. La Bouche a parlé. »
Haze plonge sa main dans sa poche et en tire un jeu de cartes. Il en sait pas ce que ce jeu fait là. Il n'aime pas jouer aux cartes. Enfin, pas spécialement. Juste comme ça, il en tire 2 au hasard : 10 de cœur et 5 de trèfle. Il a envie d'un café. Dans ce parc, la température vient de chuter brutalement. Un café le réchauffera. Il fait signe a un des agents en uniforme, celui qui tient le petit plateau garni de gobelets en carton fumant. Une tasse à la main, il parcourt de nouveau la scène de crime des yeux.
La victime est un homme dans la cinquantaine. Légèrement en surpoids. Est-ce par coquetterie qu'il a les cheveux teints ? Il devait faire son jogging dans ce parc. Il porte encore ses vêtements sportswear. Pourtant, le tueur lui a baissé son pantalon. Ils se sont visiblement battus. Le visage de la victime est couvert d'hématomes. On voit aussi des marques au niveau de ses cuisses. Haze parcourt les environs du regard. Cette partie du parc n'est pas la plus exposée aux regards. Pour autant, ce n'est pas non plus l'endroit le plus opportun pour une agression. Haze se laisse aller à penser que le tueur savait ce qu'il faisait en agissant ici. Peut-être a-t-il procédé à quelques repérages. Au fait du parcours de cet homme, il a estimé que c'était le meilleur endroit pour l'agresser. Oui, le tueur savait parfaitement où et quand attaquer. Avec un peu de chance, ça faisait plusieurs semaines que le sort de cet homme était scellé et personne ne le savait. À part le Tueur du Calendrier, celui qui tue le 13ème jour du 13ème mois. C'est SON calendrier. Il y a déjà eu 4 victimes, que des hommes dans la cinquantaine. Et les briseurs de codes du Bureau, en examinant les dates des meurtres, ont mis en évidence ce cycle de 13 mois et 13 jours. Toujours le même modus operandi. La victime est rouée de coups puis étranglée. Le tueur lui baisse son pantalon mais ne procède à aucune agression sexuelle. Visiblement, il s'agit surtout d'une dernière humiliation consistant à laisser la victime dans cette posture pour le moins inconvenante. Les corps ne sont ni dissimulés ni spécialement mis en évidence. Le tueur les laisse là. Il sait qu'on les trouvera. Il veut qu'on les trouve, mais pas trop vite. Les autopsies ont montré que, vu les angles des coups portés, le tueur devait être plus petit que ses victimes mais en meilleure condition physique. Pourquoi s'en prendre à des hommes plutôt âgés ? Haze pense que le tueur a peut-être été victime d'un pédophile et qu'il se venge. Il a même demandé à ce qu'on fouille le passé des victimes à ce sujet. Pour l'instant, cela n'a rien donné mais cela ne prouve pas grand chose. Il y a tant de criminels qui ne sont jamais inquiétés... Et si le tueur s'en prenait aux membres d'un réseau ? Ou alors, il fait une simple projection sur ces hommes-là ? Ou alors, Haze fait totalement fausse route... Il n'exclut pas non plus que l'assassin soit une femme ou un enfant, un adolescent. Cela expliquerait sa taille. Haze soupire et boit une gorgée de café. Soudain, son téléphone sonne. C'est Johanna. Il la rappellera plus tard.
Haze ne fait plus partie du Bureau. Aussi, un de ses anciens collègues lui signale le plus courtoisement possible qu'il va maintenant devoir quitter les lieux et... laisser la police faire son travail. Haze comprend. Il lui sourit et le remercie pour... le café. Il lui promet de le tenir informé si, de son côté, il devait apprendre quelque chose. Il prends ensuite un taxi et se rend à l'Auberge, ce café à thème où il doit retrouver le Chef-Instructeur Snyder. Son niveau d'accréditation est Indigo/Blanc. Il n'est plus envoyé à Blue City mais il joue, parfois encore, le rôle de mentor pour les nouveaux agents de la Compagnie comme Haze. Snyder n'est pas un rigolo. C'est un dur. Mais il est réglo et il connaît son boulot. Il est convaincu que ce Tueur du Calendrier a quelque chose à voir avec les affaires de la Compagnie et Haze lui fait confiance à ce sujet. Le 13ème jour du 13ème mois. Ce ne peut pas être une coïncidence. C'est forcément lié avec cette histoire de Patient 13. Que ce serait-il passé si Coleman était parvenu à tuer 13 femmes ? Il voulait ouvrir une porte vers Millevaux, pour les Cœlacanthes. Et Johanna...
Snyder tire Haze de ses pensées d'un claquement de doigts. Il interpelle la serveuse et lui commande café et donuts. Haze est ravi. Il fait si froid en ce moment. Il est gelé, même à l'intérieur de l'Auberge. Un café lui fera du bien. Alors que la serveuse revient, il se rappelle avec amusement le chef DiCompain de la police d'Olympia, grand amateur de donuts devant l’Éternel.
« Et que vient faire Ackermann dans cette histoire ?
- Pardon ?
- Oui, Ackermann... Vous la... fréquentez si je ne m'abuse.
- Oui, non euh... Oui, nous nous... fréquentons, comme vous dîtes, Chef-Instructeur Snyder.
- Bien, alors, quel est son rôle dans cette histoire ? Quelque chose m'échappe.
- Et bien, pour faire court, Johanna... Miss Ackermann est une des victimes de Coleman. Il la retenait prisonnière, en vue de son exécution à venir, quand les forces de l'ordre sont intervenues dans sa planque. Elle a été admise en soins intensifs. Sauf que, d'après les rapports de la Compagnie que j'ai lu, l'Agent Singer a eu au même moment un « contact » avec elle dans Blue City. Poursuivis par une créature, ils se sont retrouvés à Millevaux. C'est là que Johanna s'est révélé posséder une double personnalité. L'autre, nommé Sodek NoFink, semblait alors être un complice de la Magicienne, ou du Magicien, ce n'est pas... plus très clair... NoFink aurait en fait manipulé Coleman afin qu'il tue. Il aurait fait en sorte, malgré tout, de garder Johanna en vie, nécessité oblige. Mais, les investigations de Singer notamment tendent à montrer que les choses étaient en réalité plus complexes. Finalement, Johanna ne serait plus vraiment une victime. Elle aurait joué le rôle de la victime auprès de Coleman pour rester près de lui et serait passée par l'intermédiaire de la personnalité de Sodek NoFink pour le manipuler. Dans cette nouvelle configuration, Sodek n'est plus qu'un pion et Johanna n'est plus du tout une victime. Elle serait même, finalement, à l'origine des meurtres. Toutefois, aucun examen psychiatrique n'a pu mettre en évidence l'existence cette personnalité de Sodek NoFink. Aussi, les réflexions de l'agent Singer sont restées lettre morte et Johanna continue d'être considérée comme une victime et uniquement comme cela.
- Bien, et votre opinion ? Sachant que vous... fréquentez Johanna Ackermann.
- Aucune trace de NoFink. Avec moi en tout cas, elle est à 100% Johanna. Je ne remets pas en cause l'existence de Sodek mais je ne peux qu'affirmer ne l'avoir jamais vu depuis la fin de cette affaire. Je pense, mais je n'ai aucun élément pour étayer ce point de vue, que Sodek ne peut se manifester que dans Blue City et Millevaux. Coleman était fou et obsédé par Millevaux. C'est sans doute pour ça que Sodek a pu lui apparaître. Il faudrait, je pense, ramener Johanna à Blue City puis à Millevaux pour pouvoir accéder à Sodek.
- Et pensez-vous qu'elle ait quelque chose à voir avec cette affaire du Tueur du Calendrier ?
- Non, mais je pense par contre que cette affaire est liée à Millevaux d'une façon ou d'une autre. Pour Coleman, Blue City était un sas entre Millevaux et notre réalité. Il est possible que le Tueur du Calendrier partage un délire similaire. Vous prenez le dernier donut ? »
Suite :
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