KRAKEN
Un homme-tentacules en quête de l’extinction de Millevaux parcourt les mondes autour d’une ange ni morte ni vivante. Avec une rencontre effarante au final.
Un festival de jeux utilisés pour ce grand final de la troisième campagne Millevaux solo multi-systèmes par Damien Lagauzère !
Joué le 10/11/2018
Les jeux utilisés pour cette partie
Mantra/
The Name of God
La trilogie de la crasse
Cœlacanthes
Avertissement : contenu sensible (voir après l'image)
Reva G, cc-by-nc, sur flickr
Contenu sensible :viol, violence sur enfants
Épisodes précédents :
1. Le Peuple des Ruines.
Damien Lagauzère reprend sa cosmogonie personnelle de Millevaux avec l’intro d’une troisième campagne solo qui amène beaucoup de pistes intrigantes et fait à nouveau planer la menace des Cœlacanthes et la perspective de nouveau cauchemars !
2.
Un clou dans la main, deux trous pour les yeux
Souvenirs psychotiques d’un futur antérieur où la menace horla prend des allures de guerre totale.
3.
J’ai tué pour ton nombre
Une suite multipliant les jeux, les mises en abîme, la contagion forestière et le délire numérologique.
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L'histoire :
Je suis le Kraken. Ce n'est pas mon nom. J'ai oublié mon nom, mon passé, mon histoire. Je sais seulement que je suis le Kraken. Cet oublié est la cause de ma solitude. Je vis dans cette pyramide abandonnée par les Horlas mais au fond de moi, je me sens comme abandonné au fond de l'océan. Retrouver mon nom, connaître mon histoire, voilà qui apaiserait mon âme.
Comme chaque jour, je quitte la chambre obscure où je m'abandonne aux rêves et viens contempler ce cauchemar qu'est Millevaux. Cette année, les Bergers du Givre sont venus... et ils ne sont toujours pas partis. Cela fait bien trop longtemps maintenant que dure l'hiver. Et jamais hiver n'a ici été aussi rude. Jusqu'alors et autant qu'on s'en souvienne, les Bergers du Givre apportaient avec eux le froid de l'hiver et repartaient avec au printemps. Là, ils sont venus avec la neige et le vent. Et ils semblent décidés à ne plus quitter ces lieux.
Millevaux sous la neige. Ce serait presque beau...
Aujourd'hui, j'ai décidé de rendre visite au Niaucheur. Avant, je savais qu’il existait mais je ne savais pas où le trouver. Maintenant, depuis que cet hélicoptère est passé dans le ciel, je le sais. Et depuis, je lui rend régulièrement visite. Le Niaucheur se terre non loin des nids des serpents géants. Avec cette glace, ils sont soit partis, soit morts de froid. Je ne les crains pas. Je crains plutôt que le Niaucheur n'ait finalement rien à m'apprendre et que ses plaintes lui fassent plus de bien à lui qu'à moi. Nous verrons bien. Je serais peut-être le témoin d'un événement inédit, qui sait ?
Je descends les degrés qui me séparent du sol millevalien. Je sais qu'il fait froid mais n'en ressens aucune gêne. Cela vient peut-être de ce que le Kraken est habitué à errer dans les fonds glacés de l'océan.
Il me faut plus de deux heures de marche pour atteindre les rives du fleuve gelé. Il se jette dans un gouffre sans fond. Un jour, je me rendrai là-bas. Demain, peut-être. J'aperçois le Niaucheur. Il est là, allongé dans la neige, face contre terre, rampant vers la glace, répandant des traînées de sang noirâtre derrière lui. Je le rattrape rapidement. Dès qu'il perçoit ma présence, il se retourne sur le dos et exhibe son torse calciné et écorché vif. Dans sa main droite, la lame de son couteau est dégoulinante de sang. Il a recommencé. Il est accro à la Viande Noire. Et dès qu'il me voit, il commence à se plaindre et à pleurnicher sur son sort. D'un côté, je le plains effectivement. Je pourrais l'aider mais il ne le veut pas. De quoi aurait-il à se plaindre si je panse ses plaies ? Et où trouverait-il sa Viande Noire ? Mais, que va-t-il me raconter aujourd'hui ? Va-t-il se mettre à délirer ou seulement s'apitoyer sur son sort ? Ou va-t-il enfin me dire quelque chose d'intéressant sur... moi ?
« Bonjour, Niaucheur. Est-ce le jour ?
Le jour ? Quel jour, Kraken ?
Le jour où tu me donnes un début de réponse.
Mon pauvre ami... Regardes-moi. Regardes dans quel état je suis. Je suis pitoyable. Qu'est-ce qu'une loque comme moi peut bien avoir à donner ? Non ! Je n'ai rien à donner. J'ai tant besoin de recevoir. Mais je ne suis qu'une loque dégoûtante et repoussante. Personne ne voudrait me témoigner la moindre compassion. Toi, Kraken, tu viens me voir car tu veux des visions. Tu veux la Viande Noire. Tu ne m'aimes pas vraiment. »
Le Niaucheur a raison. Je ne l'aime pas vraiment. Je compatis à son malheur mais je sais aussi qu'il en est responsable et qu'il s'y complaît. Je n’éprouve aucune pitié ni aucune compassion pour lui. Je voudrais qu'il me donne sa Viande Noire, celle qui me donnera la connaissance. J'ai été patient. Mais aujourd'hui, je ne vais pas vainement espérer qu'il me donne. Je suis venu prendre.
« Niaucheur, donne-moi la Viande Noire. Donne-moi la Vision et la Connaissance. »
Je sors de ma réserve naturelle. Je brise ces chaînes qui me retiennent. Elles se matérialisent entre mes mains. Mon Karma est comme le lac dans lequel on vient de jeter une grosse pierre. Il y a des remous et il lui faudra du temps pour retrouver son calme mais... Je veux la Viande Noire. Je la veux maintenant.
Le Niaucheur est trop affaibli pour esquiver ou parer mon coup. Les chaînes s'abattent sur son corps déjà meurtri et le sang coule à nouveau. Pourtant, quelque chose d'imprévu arrive. Un casque translucide apparaît au niveau de son visage. Ce n'est pas comme s'il portait ce casque, non ! C'est plutôt comme si le casque s'interposait entre lui et moi. Qu'est-ce que cela signifie ? Je tends la main pour m'en saisir mais il disparaît aussitôt. Je lis dans le regard du Niaucheur qu'il ne comprend pas non plus ce qui vient de se passer mais il a quand même une idée derrière la tête.
« Expliques-toi, Niaucheur ! Qu'est-ce que ça veut dire ?
Je ne sais pas Kraken. Je te le jure !
Mais ce n'est pas la première fois que tu vois ce casque. Ne mens pas !
C'est vrai. J'ai déjà vu ce casque et le chevalier.
Le chevalier ?
Oui, l'Homme-Libre, libre comme le feu, celui des champs de feu !
Donnes-moi la Viande Noire, Niaucheur ! Je dois savoir ce que sont ces champs de feu ! »
Alors que j'abats de nouveau mes chaînes sur son visage, le casque apparaît de nouveau. Je ne lutte pas. Aujourd'hui encore, je n'aurai pas la Viande Noire, mais j'aurai le casque de l'Homme-Libre. Je fais disparaître mes chaînes. Je me penche lentement en direction du Niaucheur. Je me saisis du casque. La configuration de ma tête m'empêche de l'enfiler. Toutefois, je peux lui ménager une place au centre des mes tentacules. Une fois délicatement posé, j'enroule autour de lui mes longs appendices et attends la révélation.
Je vois ce que le Niaucheur appelle les Champs de Feu. Il y fait effectivement une chaleur accablante. Un être tel que moi, profondément attaché à la mer, ne pourrait espérer y survivre. Une fois ce constat fait, je remarque également qu'il n'y a aucune trace de Millevaux. Aucune forêt. Seulement du sable. Des dunes à perte de vue. Et ces dunes se déplacent. Elles sont vivantes. J'ignore comment et pourquoi le Niaucheur est entré en possession de ce casque mais cette vision me donne une idée. Je dois trouver l'Homme-Libre, celui qui vient des Champs de Feu. Ensemble, nous dompterons les Dunes Vivantes et chasserons la neige de Millevaux. Puis, nous chasserons Millevaux.
J'ai abandonné là le Niaucheur. Je suis reparti sans aucune des réponses auxquelles je m'attendais. Une fois de plus... J'ai même des questions supplémentaires. Qui est cet Homme-Libre ? Où sont les Champs de Feu ? Pourquoi ce casque ? Pourquoi est-il apparu au Niaucheur ? Mais surtout, et plus qu'avant, j'ai maintenant un but véritable. Libérer les Colonnes de l'influence néfaste de Millevaux et des Horlas n'est pas un but. C'est un rêve. Trouver l'Homme-Libre et lui demander, le contraindre si nécessaire, de m'apprendre à dompter les Dunes Vivantes pour chasser la neige et Millevaux, ça c'est un but ! Mais où trouver un passage vers ces Champs de Feu en ces terres gelées par les Bergers du Givre ? Le gouffre ! Là où le fleuve gelé s'enfonce dans les ténèbres. Le fond des océans est glacé. Mais en dessous, sous la croûte terrestre, le magma est brûlant. S'il reste une source de chaleur ici, c'est là que je dois chercher.
Longue est la marche qui me mène au gouffre mais j'y parviens sans effort. Je suis le Kraken. Je ne suis pas soumis à ces rigueurs comme le sont les humains. Mais, peut-être ai-je été un humain, avant ? Je ne l'exclue pas. Je le saurai, un jour.
Arrivé au bord du gouffre, je ressens pourtant une sorte de malaise diffus. Le temps est plutôt doux en comparaison des jours précédents. Mais il y a dans l'air quelque chose de corrompu, de hanté... Un Horla ? Mes sens sont en éveil. Les Yeux vont me dire si je suis effectivement en danger. Ils sont mes yeux, d'une certaine façon.
Cet endroit est désolé. Il n'y a ici que neige et glace. Cette végétation caractéristique des climats tropicaux ne supporte que difficilement les rigueurs anormales imposées par les Bergers du Givre. Leurs feuilles, courageusement, ne sont pas tombées mais leurs branches plient sous le poids de la neige. Ce fleuve jadis tranquille et source de vie est maintenant gelé. Le calme et la tranquillité d'une vie paisible et sereine ont laissé la place à l'immobilité de la mort. Plus rien ne vit ici, pas même les serpents géants. Et ce gouffre... Alors que les rayons du soleil ne percent que rarement et difficilement l'épaisse couche de nuages, la glace s'enfonce dans des ténèbres insondables. Je devrais m'y sentir chez moi.
Malgré les apparences, je ne suis pas seul. Dissimulés sous la neige, camouflés grâce à leurs vêtements de cuir blanc, ils m'observent. Mais moi aussi je les observe. Je sens leur présence. Je veux en savoir plus. Dans la paume de main, une Noix. Je fais craquer la coquille entre mes doigts et porte la chair du fruit à mon bec.
Je pensais que la Noix me dirait comment vaincre mes ennemis mais elle me fait pressentir la nécessité de la défaite. Qu'il en soit ainsi. Je demeure immobile et laisse les Bergers du Givre, car il s'agit bien d'eux, se saisir de moi. Alors qu'ils me soulèvent du sol et se dirigent vers le gouffre, je comprends. J'écoute leurs imprécations scandées en Langue Putride. Ils comptent me sacrifier, m'offrir à leur Dieu : Ithaqua, le Marcheur du Vent. Je devrais mourir. Cette chute devrait m'être fatale. Mais, je ne sais ni comment ni pourquoi, j'ai eu accès par le passé aux pensées et aux connaissances du Joueur. Je sais qu'il ne souhaite pas ma mort. Je sais qu'il joue pour savoir ce qui va se passer. Il me sauvera de cette chute mortelle pour que je continue mes aventures. Mais je sais aussi que les Bergers du Givre sont des adorateurs d'Ithaqua. C'est lui qui maintient cet hiver perpétuel sur Millevaux. Pourquoi ? Ça, je dois encore l'apprendre.
Hurlant, les Bergers du Givre me jettent dans le gouffre glacé. Confiant, je me laisse bercer par cette sensation de chute. Ithaqua veille sur les Bergers du Givre. Le Joueur veille sur moi. Au moins pour cette fois. Je n'ai pas fait l'expérience de l'impact de cette chute. C'est comme si la réalité avait cligné des Yeux. Je chutai et maintenant je suis debout, au fond du gouffre, dans le noir et le froid.
Mais je ne suis pas seul. Elle est là, la Magicienne. Elle me sourit mais son sourire est triste. Elle est préoccupée. À ses côtés gît un ange aux ailes de bois et de feuilles. Edes Corso. Je la croyais morte...
Je me penche sur Edes. Ses ailes de bois sont brisées. Les feuilles qui lui restent sont brunes et rousses. Elle a de la fièvre. Je ne suis même pas sûr qu'elle ait conscience de ma présence. Je suis le Kraken et, à ce titre, je peux me régénérer. Mais comment la régénérer elle ? En faisant comme les shamans. Je vais lui raconter une histoire. Nous allons la vivre ensemble. Ce sera une aventure symbolique et elle en ressortira guérie. J'espère. Mais quelle est cette histoire ? Je ne la connais pas moi-même...
Le Joueur a relu Immondys cette semaine. Une bande dessinée aux accents lynchesques teintés de Bacon avec, peut-être, un arrière goût de Giger. Le personnage principal, un dénommé Ange, y explore cette ville étrange mais aussi sa vie, son inconscient. Et si je lui racontais une histoire de ce genre ?
« Écoutes-moi, Edes Corso. Tu n'es pas morte. Tu es affaiblie, certes, mais tu vas t'en sortir. Nous allons tous les deux explorer une ville étrange. Nous y ferons peut-être des rencontres. J'espère qu'elles seront bénéfiques. En tout cas, nous vivrons une expérience au terme de laquelle tu reviendra parmi nous en bonne santé, régénérée. Mais avant de savoir à quoi ressemble cette ville, ta ville, interrogeons les Yeux. »
On dirait que mes mots ont fait mouche, Edes tourne son visage vers moi. Elle ouvre les yeux, ou plutôt son œil valide et la Noix que la Magicienne a placé dans l'autre. Je suis tenté de la prendre. Est-ce une bonne idée ? Qu'en pensent les Yeux ?
Une image se dessine dans l’œil valide d'Edes. La réponse !
Un couteau ! Un œil, encore ! La lame du couteau s'abat sur un visage, transperce un œil, l’œil d'Edes Corso. Mais pas l'Edes aux ailes de bois et de feuilles. Une autre. Une Edes qui a très peur. Peur de mourir. Une Edes qui vit loin de la forêt, loin de la crasse mais qui est rattrapée par la Crasse. Il y a cet homme et son couteau. Et le porc... Cet homme est le Diable. Il est déchaîné. Il faut être déchaîné, libéré des chaînes et des entraves de la morale, de toutes vertus pour l'avoir contrainte avec ce porc, pour l'avoir lardée d'autant de coups de couteau. Et pour avoir permis au porc de recommencer, après ça...
Mes tentacules frissonnent d'effroi. Pauvre Edes. Est-ce cela qu'elle doit revivre ? Peut-être ? Mais cette fois, je serai là. Je me saisis de la Noix et la remplace par une Bille. Je vois mon reflet dans la Bille. Je gobe la Noix.
Un terrain vague. Le corps d'une femme, Edes. Pas l'ange. L'autre Edes. Non loin, celui du porc. Pauvre bête... Je regarde autour de moi. Le meurtrier a disparu. Mais il y a du bruit. Des gens approchent. On dirait des mortels mais je sens que ce n'est pas le cas. Amis ou ennemis ? Ils approchent du corps d'Edes. Je suis le Kraken, je me fonds dans le décor et j'observe.
« Quelque chose cloche, dit l'un d'eux. Un homme aux lèvres minces. Tout est là mais... ça devrait être un homme. C'est toujours un homme d'habitude, non ?
Si, répond un autre homme. »
Au premier regard, j'ai l'impression qu'il a une tâche de naissance sur le visage. Puis, je me rends compte que ce n'est pas une tâche, c'est... autre chose. L'homme est mort. Et il marche. Et il parle.
Les deux hommes font le tour de la scène de crime, prenant soin de relever le moindre indice sans pour autant nuire au travail de la police qui ne devrait plus tarder à intervenir.
Le 1er homme se retourne ensuite vers celui dont je pense qu'il est mort.
« Les Mouches Cosmiques sont catégoriques. Ce meurtre est LE Meurtre. Même si la victime est une femme. C'est... l'exception qui confirme la règle.
Et tes mouches t'ont dit qui était l'assassin ?
Oui, il s'agit d'un certain Sodek NoFink.
On intervient ?
Non, la police va le trouver et l'arrêter. C'est après. Après, on reprendra le dossier. Pour l'instant, nous devons partir et laisser la police faire son travail. Ce meurtre nous apportera son lot de révélations mais plus tard. Viens, on rentre... »
Les deux hommes s'éloignent. Je sors de l'ombre. Sodek NoFink. Ce nom ne m'est pas inconnu. Pourquoi faut-il que ma mémoire me fasse tant défaut ? Que sont ces Mouches Cosmiques dont a parlé cet homme ?
Si ce Sodek s'est montré suffisamment déchaîné pour infliger ces tourments à Edes, est-ce parce qu'il s'est libéré des entraves des conventions, de la culpabilité ? Ce déchaînement et cette libération sont-ils un moyen ou le but en soi ? Et si c'était Sodek NoFink cet homme-libre que je dois trouver ? Il connaîtrait le secret des Dunes Vivantes ?
Sodek vit ici, comme vivait Edes. Edes le connaissait peut-être. Elle pourrait me le dire mais elle est morte. Elle est morte aujourd'hui mais elle n'était pas morte hier. Je me rappelle qu'il y a longtemps, ailleurs, j'ai su ouvrir des Portails à travers le temps et l'espace. À l'époque, je m'appelais Tad Corso. Si, aujourd'hui, je prenais ce nom, pourrais-je remonter ne serait-ce que quelques jours dans le passé pour trouver Edes et lui poser la question ?
Mes tentacules sourient. J'aime cette idée. Que dois-je faire pour ouvrir un Portail ?
Oh ! Les yeux sont cruels avec moi. Une Brume s'étend. Tad Corso connaît cette Brume. Et Damon Haze craint ce qui s'y cache. Les Gargouilles. Tad Corso était aux commandes d'une sorte d'exosquelette surarmé. Moi, je n'ai que mes chaînes. Et les Yeux exigent que je perde quelque chose qui m’est cher. Mes chaînes ? Et si cela me... libérait ? Deviendrai-je moi aussi un homme-libre comme Sodek NoFink ?
Je fais tournoyer mes chaînes au dessus de ma tête et les jette sur les gargouilles. Je ne sais pas si cela les blesse ou les même les ralentit. Les Yeux sont beaux joueurs. J'ai perdu mes chaînes mais... J'ai huit jours devant moi pour trouver Edes Corso et savoir si elle connaît son assassin, Sodek NoFink.
J'erre dans les rues de cette ville que je ne connais pas. Pourtant, j'ai le sentiment que je devrais. Conscient que mon apparence pourrait me causer des problèmes, j'use de cette capacité de mon totem, le Kraken, pour changer mon apparence, me camoufler, me fondre dans le décor. Alors que je prends une apparence humaine, j'entends un effroyable fracas. La terre tremble, se fend en deux presque sous mes pieds. Je manque de tomber dans une terrible gorge dans laquelle s'engouffre un blizzard des plus violents. J'entends une explosion, des coups de feu ! Les montagnes, au nord de ma pyramide ! Je suis... de retour ? Non ! C'est une hallucination due à la Noix. Mais je vois cet hélicoptère s'écraser. Je vois le Niaucheur s'extraire de la carcasse. Je le sens, il porte sur lui le Cruel Centipède. Un reflet attire mon regard qui se porte sur le canon d'une arme à feu. Impossible ! Ce ne peut être qu'un sosie ! L'Ange-Paon de Yézédis ! Que fait-il ici ? Et pourquoi tenter de tuer le Niaucheur ?
Quand je reprends mes esprits, la rue est redevenue comme avant. Et moi, j'ai un visage humain. Je ne sais plus où je suis. Je sais que ce monde n'est pas la réalité. C'est un voyage shamanique pour guérir Edes. Serais-je donc revenu, l'espace d'un instant dans la réalité. Ma réalité de Millevaux ? Mais pourquoi dans les montagnes et non auprès d'Edes ? Était-ce le présent, le passé ou l'avenir ? Je ne sais plus. Ma mémoire me joue des tours. J'y réfléchirai plus tard. Pour l'instant, je dois trouver Edes.
Savoir où la trouver ne devrait pas être très compliqué. Après tout, je suis le Kraken. L'atteindre sera peut-être plus difficile. Je fouille dans ma mémoire et y trouve mon amie, la machine-cafard. Elle écrira pour moi ce qui va arriver. Dans ma pyramide, je sais où la trouver. Mais ici, où est-elle ? Forcément, elle n'est pas loin. Mais où ? Comment la voir ?
La Noix ou la Bille ? La Bille ou la Noix ? Laquelle me donnera la vision la plus précise ? Je choisis la...
...jeunesse ! Pourquoi ce mot s'impose-t-il à moi ? Spontanément, je la cherche autour de moi, la jeunesse. Il est peu probable de la trouver ici et à cette heure de la nuit. D'autant plus que cette pluie fine chasse la plupart des noctambules. Et pourtant, elle est là, la jeunesse. Camille ! Je te reconnais ! Pourtant, ce n'est pas lui. Ce n'est plus lui. Ce n'est plus le protégé de la Magicienne. Je vois à l'intérieur de lui. Le cafard ! Immonde et énorme ! Est-ce mon amie ? Un craquement sec secoue le petit garçon. Il se secoue. Son corps se retrouve penché en avant, à la limite de tomber. Le craquement s'amplifie. Son dos s'ouvre en une béance horrible. Je vois le détail de son anatomie, comme celui d'une grenouille clouée sur la planche d'un biologiste. De là, de cette cavité, s'extrait un cafard. Un gigantesque cafard de près de 2 mètres de haut. Son « visage » est totalement inexpressif mais je ressens pourtant une certaine joie qui en émane. La joie de me revoir mais également une autre... plus malsaine.
« Les souffrances de ce petit garçon sont un délice, Kraken. Les Carogne ne l'ont pas loupé. Tu en veux ? »
Les mots ne parviennent pas à sortir de ma gorge. Je pointe du doigt la machine que le cafard porte sous le bras. Il... sourit ? Il produit une espèce de bruit de bouche puis lève la machine au dessus de sa tête. Il l’abat ensuite violemment et l'enfonce sur ce qui lui sert de crâne. Il secoue un peu la machine, la fait tourner, fait craquer ses cervicales. La machine a trouvé sa place. J'ai retrouvé mon amie, ma fidèle Clark Nova !
Je m'approche de Clark Nova. Mes doigts glissent le long des lignes de la machine. Je commence à pianoter. C'est le moment ! Le moment de (me) taper une vision d'enfer !
Je suis dans une chambre d'hôtel propre et vide. Elle donne sur une ruelle, vide également. Il pleut. Je sais que je fuis une menace. Mais je sais aussi qu'ici règne une menace tout aussi grande. Les deux menaces sont-elles liées ? Quelles sont leur nature ? C'est cela que je dois comprendre. Alors, je trouverai Edes.
Je sens que cette menace va bientôt se manifester. Je ne peux pourtant pas quitter cette chambre. D'une part parce qu'une autre menace m'attend dehors. D'autre part, il y a ici quelque chose que je dois trouver. La magicienne a l'habitude de cacher des Billes et des Noix un peu partout. Est-ce cela que je dois trouver ? Je commence par les tiroirs.
Un... pénis (?!) de métal chromé, strié de veines rouges, de 18 cm au garrot. Je ne peux m'empêcher de penser que c'est effectivement menaçant.
Mais mon sourire se fige. Je comprends ce que signifie la présence de cet objet, à qui, ou plutôt à quoi il appartient. Je connais ces êtres dominateurs et pourtant esclaves de leurs pulsions les plus viles et les plus basses. Un Soar ! Un homme-porc. J'ai trouvé dans ma pyramide des textes à propos de ce peuple, de son histoire, de sa magie... Les Soar peuvent se rendre invisibles. Il est là ! L'homme-porc est là et il m'observe. Qu'attend-il ? Pourquoi ai-je peur ? Va-t-il m'attaquer ? Attend-il seulement que je quitte les lieux ? Sait-il ce que je cherche ? Sait-il que j'ai compris qu'il était là ?
J'ouvre un autre tiroir...
Un petit sachet en plastique. Des petits morceaux de papiers découpés. Un mode d'emploi. J'ai 2 mn !
J'ai réussi !!! mais qu'est-ce que ça veut dire ? Dans tous les sens, des séries de chiffres et de lettres. C'est un code. Je le mémorise et, l'air de rien, remetd le tout à sa place en tentant de repérer le Soar. Si je devais me battre, l'emporterais-je ?
Je dois me rappeler que tout cela n'est qu'une vision, une illusion. Ce n'est pas vraiment réel. Je dois garder la tête froide. Je suis le Kraken. Je sais ce qu'est ce code. Il m'indique là où je peux trouver Edes Corso. La question n'est pas tant de savoir pourquoi ce Soar détient une information concernant Edes. Il n'y a peut-être, d'ailleurs aucun lien entre les deux. Le lien, c'est la vision. Ma vision. Le lien, c'est moi ! Cette vision me permet de trouver Edes et me met en garde contre les Soar. Mais aussi contre autre chose qui m'attend dehors. Je ne dois pas douter un seul instant de ma capacité à aller au bout de ce voyage. Je ne dois pas douter de ma capacité à guérir Edes. Mais je ne dois pas douter non plus de la réalité de la menace qui pèse sur nous. Et cette menace semble plus grande que je ne l'imaginais au départ. Quels étaient donc les plans de Sodek NoFink ?
Le Soar ne se manifeste toujours pas. Peut-être pense-t-il que je n'ai pas percé le code, que je ne suis pas une menace. C'est aussi bien. Mais peut-être tout simplement prolonge-t-il l'extase qui le cache à mes yeux ? Je ne veux pas vraiment le savoir. Ces hommes-porcs sont un mystère et j'aimerais autant qu'ils le restent. Pour l'instant, je dois sortir. Par la fenêtre, la rue semble déserte. Pourtant, je sais qu'une menace m'attend à l'extérieur. Une menace extérieure... alors que je me saisis malgré ma peur de la poignée de la porte, je comprends. Une menace extérieure. Un Dieu Extérieur ! Nyarlathotep ! Le messager et le message ! Le code ! J'ai mémorisé le code. C'est lui la menace ! Et je l'ai dans la tête. Je pâlis. Je suis tombé dans le piège du Soar. Oui, ce code va me permettre de trouver Edes, mais il va aussi me ronger. Ce code est une maladie ! C'est le Cruel Centipède !
Je tourne la poignée... Elle refuse de plier. Je dois forcer. Je tremble sous l'effort. Une horrible puanteur envahit soudain la chambre. JE DOIS SORTIR D'ICI !!!
Je suis de nouveau dans la rue. Cette pluie fine tombe toujours et se mélange à la sueur qui court le long de mon dos et trempe ma chemise. Sous mon visage humain illusoire, je sens mes tentacules s'agiter. Je le regarde sans le voir. Le cafard me tourne le dos. Il a ôté Clark Nova de sa tête et s'en retourne à l'intérieur du petit Camille afin de se repaître des horreurs qu'il a subi dans la maison Carogne. Je sens un très très mauvais Karma ! Je cherchais Edes pour la sauver et j'ai le sentiment de m'être fait avoir. Je cligne des yeux. Devant moi, une voiture aux vitre teintées me barre le chemin. Derrière, la même chose. Un homme sort de la 1ère voiture. Il porte un costume sombre, des lunettes de soleil et une coiffure mohawk teinte en orange vif qui détonne avec son look de men in black. Brodé sur son épaule gauche, je crois reconnaître ce symbole. Une swastika déformée sur une croix copte. J'ai le cafard mais... peut-être ne devrais-je pas prendre la mouche... Qu'en pensent les Yeux ?
Je suis en danger. Pour de bon, pour de vrai ! Ces types sont au mieux des humains adorateurs des cafards et au pire des cafards eux-mêmes. Dans tous les cas, ils seront moins bienveillants à mon égard que ma fidèle Clark Nova. Les Soar, les cafards ! Dans quel pétrin s'est mise Edes ? Mais pour l'instant, je dois me sortir de là. Je reprends mon apparence de Kraken. Mes tentacules se déplient et savourent cette pluie fine. Je lève les bras et les fait onduler lentement, au rythme de mes tentacules.
« Je suis le Kraken ! Ici et maintenant, je vous plonge tous dans l'obscurité. Vous allez sombrer dans le sommeil. Et à votre réveil, vous serez au plus profond de l'océan. Je suis le Kraken ! »
Alors, j'écoute les Yeux. Qu'attendent-ils de moi ?
« Kraken ! Nous sommes les Yeux. Tu dois avaler l'anarchie ! Ton sang doit couler ! »
Est-ce sous l'influence des yeux ? : ma main droite se pare de griffes longues et acérées. Le temps semble s'être figé mais c'est faux. Je dois agir maintenant ! Je lève ma main et laboure mon torse. Mon sang coule. Il est sombre comme le fond de l'océan. J'avale l'anarchie. Je la fais mienne. Je rejette toute forme de gouvernement concernant mes pensées et mes actions. Désormais, je sors de ma réserve. Je cesse d'être un témoin passif. Mon sang coule en vagues énormes et déchaînées. Il entraîne les adorateurs des cafards par le fond. Quand le calme revient dans cette ruelle. Je suis seul et je suis un autre. Ces griffes ont disparu de ma main droite. Je me saisi alors de cette clepsydre trouvée dans ma pyramide. Le temps s'écoule plus vite. Non, pas le temps. Le Karma. J'ai 8 jours pour trouver Edes mais beaucoup moins avant la catastrophe.
Malgré tout, la réalité, le monde, l'Hommonde (?), ont tenu parole. Je sais où trouver Edes ! Je vois une cathédrale. Des dunes. Tout cela se mêle dans ma tête. Edes assiste ce soir à un vernissage. Un peintre italien expose ses nouvelles toiles. Elles représentent des temples et autres lieux sacrées, mais aussi des paysages désertiques.
« Taxi ! »
A l'entrée de la galerie, je parviens à tromper la vigilance des hommes de la sécurité mais cela me coûte une nouvelle Noix. Il ne m'en reste que deux pour sauver Edes. À l'intérieur, je la cherche parmi les invités. Je ne la vois pas mais j'entends un groupe de personnes parler d'elle. Je m'approche et tente de capter leur conversation. Ils parlent d'un orchestre dans une autre salle. Elle s'y serait rendue. Je trouve effectivement cette salle mais la porte est fermée. Je colle mon oreille à la porte. Il y a effectivement de la musique. Que cette porte soit close m'intrigue. Et je me demande si les affaires dont on traite ici ont vraiment à voir avec l'art. Je dois absolument entrer. Par acquis de conscience, je tourne lentement la poignée mais la porte refuse de s'ouvrir. Et si elle était en danger ? Il ne me reste que 2 Noix. Je colle à nouveau mon oreille à la porte, tentant de capter une conversation par dessus la musique. Des gémissements étouffés. Un bruit de chute. De la vaisselle, des verres qui se brisent. Quelqu'un vient de tomber. Je le sais maintenant, je peux être brutal à l'occasion. Et j'ai renoncé à obéir à cette réserve qui était la mienne jusqu'à présent. D'un coup d'épaule, j'enfonce la porte.
Alors que je fais une entrée fracassante dans le petit salon, l'orchestre enchaîne spontanément sur une adaptation de Wagner. Edes Corso, magnifique dans cette robe de soirée, me jette un regard des plus dédaigneux. Au sol, un homme-porc en smoking est en train de se relever. D'un geste agacé, il refuse l'aide de ce congénères. Edes est la seule humaine présente mais elle ne semble pas en danger. Le Soar se relève, lisse sa veste de smoking et tente de retrouver une certaine contenance. Contre toute attente, personne ne semble gêné par le spectacle offert par ce porc ivre. Au contraire même, ils semblent attendre quelque chose. Le Soar va parler.
« Hum, désolé Edes. Je... J'ai vu... Des innocents vont périr. Et il y a... plusieurs assassins. Prends soin de toi. »
Puis, enfin, tous se tournent vers... moi !
« Qui êtes-vous ? demande Edes, calmant d'un geste les Soar s'emparant de leurs armes.
Je suis le Kraken. Le Soar a raison. Des innocents vont mourir. Tu vas mourir. Dans une semaine. Je suis là pour t'aider, Edes. Je suis le Kraken. »
A ma grande surprise, l'ambiance se détend. Les Soar rangent leurs armes et Edes s'approche de moi, visiblement très à l'aise avec la nouvelle que j'apporte. Dans un coin de la pièce, des Soar chuchotent en me regardant. Je n'entends pas bien ce qu'ils racontent mais j'entends parler de Black Rain. Ça me dit vaguement quelque chose mais impossible de faire le lien avec quoi que ce soit. Edes m'invite à m’asseoir et me tend un verre. Elle veut tout savoir. Mais avant, elle congédie les hommes-porcs. Ceux-ci refusent. Ils veulent eux aussi entendre ce que j'ai à dire. J'espère qu'elle va refuser. Je n'ai aucune confiance en eux. Heureusement, Edes reste ferme et leur intime l'ordre de quitter la pièce. L'orchestre joue toujours. Du Bach, maintenant. Le Soar ivre tente de négocier sa présence et agitant sous son nez un vieux carnet. Edes répond qu'elle aussi sait des choses qu'ils veulent savoir. Elle explique que ce que j'ai à dire ne concerne qu'elle seule et qu'ils reprendront leurs transaction là où je l'ai interrompue quand nous en aurons fini. Tenir ainsi tête à une délégation d'hommes-porcs, je reconnais ma Edes Corso.
Les Soar quittent finalement la pièce, apparemment sans rancune. Edes se retourne vers moi. Je la sens pleine d'entrain. Je lui raconte tout. Comment je suis revenu dans le passé pour empêcher sa mort. Comment je suis arrivé sur les lieux du crime en provenance de Millevaux. Et surtout, comment, de mon point de vue, sa réalité n'est qu'une vision fantasmatique, un voyage onirique afin de délivrer l'Edes Corso de Millevaux de sa fièvre. Comment va-t-elle réagir à ça ? Va-t-elle me croire ? Va-t-elle me prendre pour un fou ? Je suis... anxieux. Ma vision se trouble. Autour de moi, l'air se fige, se cristallise et forme une suite de mots. « La répétition est une forme de changement. Une malédiction. Elle ne veut pas être sauvée. »
« … serait un certain Yézédis Corso, tu comprends ? »
Edes a poursuivi son récit. Elle n'a, dirait-on, rien perçu de mon trouble passager. Mais je comprends alors certaines choses moi aussi. Edes, ici, trafique avec les Soar afin d'en savoir plus sur un de ses ancêtres. Un certain Yézédis Corso. Les hommes-porcs auraient des informations le concernant. En échange, ils veulent des informations sur Damon Haze. C'est donc pour ça qu'elle s'est approchée de lui. Yézédis Corso ? L'Ange-Paon de Yézédis ? C'est lui qui a tiré sur Haze quand son hélicoptère s'est crashé dans les montagnes millevaliennes. Je le lui dis. Et elle me confirme que Haze a quelque chose à voir avec Millevaux, qu'une de ses enquêtes, quand il était agent du FBI, lui a fait toucher certains des mystères de cette forêt. Elle sait aussi que cela est en lien avec un certain Sodek NoFink. « La répétition... » J'ai l'impression d'une boucle, d'un cycle dans l'espace et le temps entre Millevaux et cette réalité. Quoi qu'il en soit, dans ces deux mondes, Edes est liée à tout ça. Et dans ces deux mondes, son sort est des plus précaires. Et elle ne voudrait pas être sauvée ? Dois-je vraiment la laisser mourir ? Dois-je la laisser au fond du gouffre ? Et est-ce possible que ce Yézédis Corso et l'Ange-Paon soit une seule et même personne ?
Edes se tait maintenant. Et moi, je réfléchis. Peut-être dois-je me résoudre à renoncer à la sauver, dans ce monde comme dans le mien. Sa mort ici serait, comme l'a dit l'homme sur la scène de crime, l'exception qui confirme la règle. Changement et répétition... Et sa mort au fond du gouffre de Millevaux ? Quel sens cela pourrait-il bien avoir ? Peut-être n'y a-t-il finalement aucun moyen, ni aucune raison de la sauver ? Et si, pour en savoir plus maintenant, et sauver les Colonnes, je devais trouver l'Ange-Paon de Yézédis ? Et si c'était lui l'Homme-Libre ? Et si c'était lui qui pouvait m'apprendre à dompter les Dunes Vivantes ?
La malédiction... Le Soar m'a fait ingérer le code du Cruel Centipède. Il me ronge. Mon temps ici est compté et... Edes ne veut pas être sauvée. Elle est un élément du cycle. L'exception qui confirme la règle. Je pense avoir mes réponses. Je dois maintenant retourner à Millevaux. Retourner au fond du gouffre et lui annoncer qu'elle va mourir, pour le cycle.
Je suis de retour au fond du gouffre. Edes est toujours en proie à la fièvre. Est-ce un effet de l'obscurité mais je lui trouve l'air méfiant. Et elle a raison. Je suis de retour pour lui annoncer mon échec. Pour lui faire part de son souhait de mourir. De la nécessité de sa mort pour que se poursuive le cycle. Je sens des images se former à l'arrière de mon crane. Cela parle d'oubli, d'amnésie. Je les refuse. Je vacille. Je me tourne vers la Magicienne. Elle s'agite dans l'ombre. J'ai le sentiment horrible d'avoir oublié quelque de primordial. Mais quoi ? Je sombre... Est-il possible de tomber encore plus bas ?
Je suis de nouveau à la surface. Au bord du gouffre, celui-là même où j'ai abandonné Edes et la Magicienne. Une assemblée de corbeaux est attroupée autour de l'abîme aux parois garnies de racines et grouillantes de vers. Au fond, j’aperçois les Abysses qui remontent pour envahir Millevaux. Alors, certains corbeaux se transforment en humains et en humaines. Leur mutation est horrible. Leurs corps se tordent, se déchirent. Les os saillent et le sang coule. Les chairs sont à vif. Ces craquement et crissements sont effrayants. Je les reconnais. Ce sont des Corax. Peuvent-ils m'apprendre quelque chose ? Je ne suis pas leur ennemi. Mais le savent-ils ?
Je m'approche de l'un d'entre eux, nouvellement transformé en être humain. Ses gestes sont lents et mesurés. Il émane de lui une odeur parfumée plutôt agréable. C'est étrange en ce lieu. Il m'a l'air sympathique et j'essaye de lui paraître sympathique également. Pourtant, quand il parle, il me prend de haut. Il dit qu'eux, les Corax, sont la race à venir, et que l’humanité a démérité de sa suprématie. Je lui rappelle que ces propos ne sont nullement provocateurs me concernant puisque je ne suis pas humain. Je suis le Kraken. Pas un humain. Et si les humains ne méritent plus d'être les maîtres de cette terre, doivent-ils pour autant disparaître ? Ne peut-on pas tout simplement les laisser en paix ? Aujourd'hui, il ne s'agit pas tant de maintenir les humains au sommet de cette hiérarchie que de chasser cet hiver qui n'en finit plus et qui tue même les Horlas. Je lui parle de l'alliance entre Ithaqua et Shub'Niggurath. Je lui parle aussi des Dunes Vivantes et de l'Ange-Paon de Yézédis. Je lui dis que la Magicienne et Edes Corso sont au fond du gouffre et qu'Edes n'en sortira pas. Mais moi, je dois trouver l'Ange-Paon. Les Corax peuvent-ils m'aider ? Il me dit que oui. Je lui demande s'il a quelque chose pour moi. Mais non ! Il n'a rien à m'offrir. Au contraire même. Il exige de moi... une épidémie ? Je ne comprends pas. Ou plutôt, j'ai peur de comprendre. Aurais-je ramené avec moi le Cruel Centipède ? Ou une « version » ? Le code trouvé dans la chambre du Soar serait toujours dans ma tête ? Et le Corax le veut ? Il tend la main dans ma direction. Je ne peux pas lui donner ma tête ! Mais lui, peut-il extraire ce code ? Non ! Et il m'explique même que cela me tuerait de le faire. Ce code risque donc de me tuer à petit feu et cela me tuerait de tenter de l'extraire. Mais, si je ne l'extrais pas, puis-je l'effacer de ma mémoire, le remplacer par autre chose, l'écraser ? Oui, mais... par quoi le remplacer ? Un autre code, je lui dis. Ou par ce que je cherche. Au-delà des Dunes Vivantes, de l'Ange-Paon et de l'Homme-Libre, ce que je cherche par dessus tout, c'est mon nom ! Mon nom... Je réalise alors que cela forme un palindrome. Je m'en ouvre au Corax. Il sourit et sa main tendue vers moi en attente de quelque chose devient une main tendue en attente d'être serrée. Je crois m'être fait un nouvel ami. Il se sépare alors de la chaîne pendant à son cou. Il me ta tend et m'explique que cette pépite lui permettra de me retrouver où que je sois. Alors, il me viendra en aide, mais une seule et unique fois. J'ai compris et le remercies.
Je regarde au fond du gouffre. Point de Magicienne ni d'Edes. Les ténèbres continuent de progresser lentement mais sûrement vers la surface. Plus que jamais, je dois retrouver l'Ange-Paon. Et plus que jamais je dois retrouver mon nom.
Je quitte alors l'assemblée des Corax. Je me dirige vers les montagnes. C'est là, pour ce que je m'en rappelle, que l'Ange-Paon a tiré sur Haze. Sur le trajet, je fais toutefois un détour par le Noyer. Je n'ai plus ni Noix, ni Bille. Et la Magicienne ne m'en a pas donné d'autres.
La route conduisant aux montagnes me fait m'arrêter dans cette clairière où s'élève un gigantesque Noyer. Malgré l'hiver, il regorge de fruits. Aussi, je m'autorise à en manger une et à en garder une autre pour plus tard. Je n'ose en prendre plus. Je croque la Noix et m'enfonce dans un profond sommeil.
Je suis le Kraken. Tout n'est que ténèbres autour de moi. Il fait froid et sombre comme au fond de l'océan. Je me sens seul, si seul. Et soudain, alors que je commençais à me perdre dans ma solitude, je sens une présence. Elle est diffuse, lointaine. Mais elle est bien présente et je la sens bien intentionnée à mon égard. Je pointe mes tentacules dans ce que je crois, ce que j'espère être sa direction. Mais c'est de la folie que je ressens alors ! Je vois d'horribles Gargouilles s'animer dans les Brumes de Millevaux. Qu'est-ce que cela signifie ? Qui s'interpose ainsi entre mon nouvel ami et moi ? Où est-il ?
Horreur ! C'est une vision d'horreur ! Comment ai-je pu me retrouver sur le territoire de Celui Qui Rêve Au Fond de l'Océan ? Chtulhu ! Je le vois ! Je le sens ! Sa menace plane sur nous, sur moi ! Mais il y a toujours de l'espoir. Je me concentre et cherche mon étrange ami. Je veux lui transmettre cet espoir qu'au-delà de la mort et de la folie, il y a... l'amour ?
Quelque chose fonce vers nous ! C'est lui, le Messager, Nyarlathoptep !
Je suis en proie à une terreur indicible. Mais, je sens toujours la présence de mon ami et cela me donne de la force. Nyarlathotep peut venir, je suis prêt ! Quel que soit le message des Dieux, je suis prêt à la recevoir. Je suis le Kraken.
Et mon ami du rêve est une amie. Un ange. Edes Alom. Qui es-tu ? Es-tu liée à Edes Corso ? Si oui, je suis désolé d'avoir dû la laisser mourir mais c'était son choix. Au fond d'elle, elle souhaitait participer du cycle. Mais, ô Edes, j'aurais vraiment voulu faire plus. Je voulais te sauver. Crois-moi !
J'ouvre les yeux. Je suis assis, dos contre le Noyer. Sur mes genoux, un vieux carnet. Il n'y a pas de titre. Je l'ouvre et crois reconnaître l'écriture. Mais en vérité, je ne suis sûr de rien. Est-ce la mienne ? Peut-être ? Peut-être pas ? Ma mémoire me joue des tours.
Non, ce n'est pas moi. Ce n'est pas mon journal. C'est celui d'un certain Dorso, un légionnaire romain. Je lis qu'enfant il a été mordu par un serpent. Un Horla ? Un de ces homme-serpents à 7 têtes ou un serpent géant comme ceux qui nichent sur les abords du fleuve ? Ce Dorso s'est ensuite engagé dans la légion. Envoyé combattre en Germanie avec son ami Lento, c'est là qu'il se fait mordre et devient un être de la nuit se nourrissant du sang d'autrui. Il serait donc ainsi devenu une sorte de Horla lui aussi. Le journal raconte aussi comment il s'est disputé avec son ami Pavo au sujet d'une pierre, d'une amulette. Un peu comme celle que m'a donné le Corax ? Pavo ? Le Paon en latin. Cet homme serait-il l'Ange-Paon ? Quelle horreur ! Quelle froideur lorsqu'il raconte comment il s'est nourri de sa propre mère. Puis comment, de retour à Rome, il n'a cessé de tuer pour survivre. Qui est ce Thot-Hermès ? Ce serait à son initiative qu'il aurait étudié l'alchimie. Sous son influence involontaire, il aurait appris à créer des goules, s'ajoutant à ses serviteurs mortels. Ce fragment de journal se conclut par ces mots : « En effet, je relis les lignes de mon journal et constate que ces souvenirs ne sont plus les miens. Ce ne sont plus que des mots... Je gagne en âge et celui que j'étais disparaît. Il devient une... fiction ! »
C'est un étrange cadeau que tu m'as fait là Edes Alom. Tu as bravé le territoire de Chtulhu. Tu as risqué de subir le courroux de Nyarlathotep pour me transmettre ce fragment de journal. Dorso, Pavo le paon, Thot-Hermès... Qui m'attend au sommet de ces montagnes ?
C'est un bien étrange spectacle qui s'offre à moi alors que j'approche du sommet. Un hélicoptère est la proie d'un assaut mené par un essaim de gargouilles. Au sol, des cris attirent mon attention. C'est lui ! Je le reconnais à la couleur de ses ailes. L'Ange-Paon de Yézédis ! Yézédis Corso. Le légionnaire Dorso. Il pointe son fusil en direction de l'engin volant mais ne tire pas. Nul besoin. Les gargouilles font du bon travail et le pilote a manifestement perdu le contrôle de l'appareil qui perd très- trop ? - rapidement de l'altitude. Il est à bord ! Je le sens. Je ne sais pas qui il est mais je sens que lui aussi, comme moi, est porteur du Cruel Centipède. Qui est-il ? Dois-je lui porter secours ou le laisser mourir ? Le Kraken est un témoin, pas un acteur... Mais peut-être qu'aujourd'hui je suis l'Homme-Libre, celui des Champs de Feu, le Dompteurs des Dunes Vivantes. Je dois agir. Je veux savoir comment cet homme c'est retrouvé en possession du Cruel Centipède. Et je veux que l'Ange-Paon accède à ma requête et m'enseigne. Mais ce dernier semble vouloir que l'homme meure. J'ai une idée !
Je m'approche calmement de l'Ange-Paon. Il ne semble pas avoir pris conscience de ma présence. Il continue de tirer en hurlant et je dois faire attention à ne pas prendre une balle perdue. Une fois à porter de voix, je lui dis :
« Je suis le Kraken ! Je repose à plus de 6 000 mètres au fond de l'océan. Je me sens si seul depuis que j'ai perdu la mémoire. Retrouver au moins mon nom apaiserait mon âme. Je suis le Kraken ! »
Un dernier de coup de feu claque comme un coup de fouet. L'Ange-Paon se tourne alors vers moi, l'air étrangement conciliant.
« Je suis l'Ange-Paon de Yézédis. Je vis au sommet des montagnes du Roi-Volcan. Moi aussi, je me sens seul. Moi aussi, je ne sais plus qui je suis. Mais je me suis fabriqué un peuple, le Peuple des Gargouilles. Je ne suis plus seul. Je suis l'Ange-Paon de Yézédis ! »
Je le regarde, circonspect. Devrais-je moi aussi me fabriquer un peuple de pierre pour ne plus être seul ?
« Tu as raison, Ange-Paon ! Moi aussi, je veux me fabriquer un peuple. Et si cet homme qui tombe du ciel devenait le premier membre de mon peuple ?
Non, Kraken ! Lui, Haze, doit mourir !
Pourquoi ?
Je dois tenir ma promesse.
Soit ! Je ne ferai pas de toi un parjure. Mais puis-je te faire cette proposition ? Laisses moi conduire cet homme vers la mort et, en échange, apprends moi à dompter les Dunes Vivantes. »
L'Ange-Paon a l'air intrigué.
« Et comment comptes-tu t'y prendre, Kraken ?
Je compte lui faire ce qu'on nous a fait. Un être peut mourir même si son corps ne meurt pas. Il lui suffit de perdre tout ou partie de son identité. Pour toi, je vais altérer cette identité, sa mémoire, et cela le conduira vers la mort. Je n'ai qu'à m'approcher de lui pour ce faire. »
L'Ange-Paon ne se dépare pas de son expression amicale mais pointe néanmoins son fusil vers moi.
« Non, Kraken ! Haze doit et va mourir ! Ici et maintenant !
Soit, mais accepteras-tu malgré tout de m'enseigner?
Non ! Jamais ! Les Dunes Vivantes transformeront Millevaux en désert et moi seul serai le Roi-Soleil de ce désert à venir !
Soit, dans ce cas, je te volerai tes secrets. Je les prendrai par la force ! »
Et alors, je sers dans ma main l'amulette offerte par le Corax. J'espère qu'il saura comment s'y prendre contre Yézédis. Ai-je vraiment raison d'agir ainsi ? Ne vais-je pas le payer plus tard, ou même... maintenant ? Il me reste une Noix. Une dernière. Je la croque pour forcer le destin, mon Karma, ? et obtenir ce que je désire... Étrange sensation de quitte ou double ! Je … Glisse...
...le long d'un intestin géant avec tout un tas d'espèces fossiles ou disparues : des limules, des ichtyosaures, des ammonites et des choses gerbantes avec des tentacules écumantes de foutre primordial.
Cœlacanthe !
J'émerge dans la poche à merde du Cœlacanthe, qui est pleine à ras bord de fange liquide et de squelettes de dinosaures morts. Je mourrais étouffé si je n'étais pas le Kraken. Je mourrais écrasé par la pression si je n'étais pas le Kraken. Je ne suis pas chez moi au fond de cet océan de merde mais je peux y vivre, y survivre.
Une silhouette au loin. Je la reconnais. La Magicienne ! Que fait-elle là ? Elle est... étrange. Elle a des branchies à la place du sexe et sous les joues. Et ses mains et ses jambes commencent à évoluer en pseudo-nageoires. Elle me fait un signe de la main. Elle me montre une direction. Le bas. Je lui fais confiance.
Je me retrouve maintenant aspiré dans une forêt immergée. Il y a de l'eau à perte de vue, dans tous les sens, au-dessus de ma tête, en-dessous. L'effet de la pression est titanesque. Je mourrais si je n'étais pas le Kraken ! Il y a des arbres gigantesques aux branches moisies par l'eau. Des milliers de cœlacanthes mous et fluorescents remontent des Abysses. Je suis au fond de l'océan mais je ne suis pas chez moi. Cet océan est celui des Cœlacanthes. Je veux retrouver ma pyramide. Je veux retrouver mon nom. Peu m'importe maintenant d'être l'Homme-Libre, le Dompteur des Dunes Vivantes. Je suis le Kraken et je veux retrouver mon nom ! Je remonte vers la surface.
Je suis maintenant à la surface. Mais il n'y a pas d'eau. Par où suis donc arrivé ? Je ne sais pas. C'est une petite pièce aux murs blancs. Il y a peu de meubles mais tout est propre. Par la fenêtre, je vois que je ne suis plus à Millevaux. Derrière moi, j'entends du bruit. Il y a quelqu'un dans ce petit appartement. Silencieusement, je m'approche. Il y a une porte entrouverte. Je l'ouvre doucement. Je suis accueilli par l'ombre d'un Soar. Pas tout à fait un Soar. Un homme-sanglier. Son corps translucide est dans un état de putréfaction avancé. À deux pas devant lui, je vois un homme, de dos, penché sur son bureau. Il tape sur le clavier de son ordinateur. Je me tourne vers l'homme-sanglier. Il s'appelle NoAnde. Je ne sais pas comment je le sais mais... Quand je le dépasse, il disparaît. L'homme qui tape à l'ordinateur est le Joueur. Ça aussi, je le sais. Et je sais qu'il sait que je suis là. Pourtant, il ne se retourne pas. Il sait que s'il se retournait, il ne me verrait pas. Pourtant, je suis là. Nous le savons tous les deux. Je suis là, hein ? Ne te retournes pas, Joueur ! S'il te plaît !
Le Joueur est tenté de se retourner mais résiste !
Je m'approche et lis par dessus son épaule.
« Bonjour Kraken. C'est un peu bizarre de (ne pas) te voir ici. Tu n'as pas besoin de parler. Je sais ce que tu veux. Tu veux retrouver ton nom ; je vais te le dire. Tu veux dompter les Dunes Vivantes pour chasser Ithaqua et les Bergers du Givre. Je vais les chasser. Ne t'inquiètes pas pour Haze. Finalement, il n'est pas mort. Et l'Ange-Paon de Yézédis ne semble pas disposé à mourir non plus. Son histoire va continuer encore un peu. La tienne, par contre, va s'arrêter là. Pour l'instant. Tu reviendras, Kraken, en tant que Kraken ou... qui sait ? Je ne sais pas encore. Je t'aime bien, Kraken. Je pense que ce serait bien que tu reviennes. Mais plus tard. Pour l'instant, j'ai d'autres projets. Je vais laisser les Dunes Vivantes s'occuper de Millevaux. Moi, nous, nous allons devoir nous occuper d'autres mystères planant aussi autour de Millevaux mais peut-être plus vastes encore. Je te parle de la Crasse, de l'Hommonde. Tu le sais, Millevaux contient bien des mondes en son sein, les Forêts Limbiques, les mondes des Déités Horlas. Même cette région des Colonnes est un peu comme une « poupée russe », un Millevaux dans Millevaux. Et bien, j'ai découvert que Millevaux était également une partie d'un univers plus vaste composé lui-même de bien des mondes. Et ces mondes ont été tués. Je sais que les Mouches enquêtent. Je veux percer ce secret. Je veux explorer ces mondes. Et j'aurais besoin de toi pour ça Kraken ; donc, ne t'inquiètes pas, tu reviendras. Mais, j'ai l'impression de tourner autour du pot, Kraken. Je repousse ce moment car même si elle n'est que provisoire c'est quand même une fin et ça me rend un peu triste. Mais bon, je t'ai promis de te dire ton nom alors je vais te le dire. Je vais même faire mieux. Je vais te dire TES noms, car tu en as deux !
Le premier nom que je te révélerai est Demian Hesse. Mais Demian Hesse est lui aussi une sorte d'avatar. C'est le pseudonyme que je prends, parfois, pour jouer ; car oui, c'est un jeu. Un jeu de rôles dont toi, Kraken, est un personnage, présenté à d'autres par celui qui se fait appeler Demian Hesse mais qui est en réalité, et c'est le deuxième nom que je te révélerai, Damien : le Joueur ! Et oui, je suis le Joueur ! Et tu es mon personnage que joue en utilisant, parfois, le pseudonyme de Demian. Tu comprends ?
Les Dunes Vivantes vont certainement ravager les Colonnes. Mais Millevaux reviendra d'une façon ou d'une autre car j'aime cette univers. J'ai encore envie de l'explorer. Nous aurons donc encore des Horlas et des Coelacanthes à combattre. Nous croiserons encore la route de la Magicienne, ou du Magicien, je ne sais pas encore. Et maintenant, nous croiserons aussi des Mouches, dont je pense qu'elles seront nos alliées ; Nous croiserons aussi des Cafards et des Soar. J'ai un peu plus de doutes les concernant.
Il est 17h02. Il pleut. C'est la fin, pour l'instant. Je vais me retourner et il n'y aura personne derrière moi. Ni Kraken, ni fantôme de NoAnde. Haze est perdu quelque part mais je sais qu'il va s'en sortir. L'Ange-Paon de Yézédis n'est pas encore mort lui non plus. SiAber a toutes les qualités requises à mon goût pour être recruté par Black Rain. Et Edes et Tad pourraient bien m'être utiles de nouveau...
Je n'ai pas besoin de me retourner. Je sais bien qu'il n'y a personne derrière moi. Pas vrai ?
Commentaires de Thomas :
A. "Retrouver mon nom, connaître mon histoire, voilà qui apaiserait mon âme." En effet, dans Millevaux il y a tout un tas de personnes qui ont comme quête personnelle de retrouver leur nom de naissance
B. "Cette chute devrait m'être fatale. Mais, je ne sais ni comment ni pourquoi, j'ai eu accès par le passé aux pensées et aux connaissances du Joueur. Je sais qu'il ne souhaite pas ma mort. Je sais qu'il joue pour savoir ce qui va se passer." Le retour de la mise en abîme > On attend une confrontation plus directe avec le joueur !
C. "Le Joueur a relu Immondys cette semaine. Une bande dessinée aux accents lynchesques teintés de Bacon avec, peut-être, un arrière goût de Giger. Le personnage principal, un dénommé Ange, y explore cette ville étrange mais aussi sa vie, son inconscient. Et si je lui racontais une histoire de ce genre ?" Cool que le personnage plonge dans la mémoire du joueur pour raconter une histoire à Edes !
D. " Je suis tenté de la prendre. Est-ce une bonne idée ? Qu'en pensent les Yeux ?
Une image se dessine dans l’œil valide d'Edes. La réponse !
Un couteau ! Un œil, encore ! La lame du couteau s'abat sur un visage, transperce un œil, l’œil d'Edes Corso." Intéressant la symbolique que tu développes autour des yeux... Je suppose qu'ils symbolisent entre autre le regard du joueur ?
E. "Un craquement sec secoue le petit garçon." Dans Coelacanthes, le sexe de Camille est inconnu.
F. "La malédiction... Le Soar m'a fait ingérer le code du Cruel Centipède. Il me ronge. Mon temps ici est compté et... Edes ne veut pas être sauvée. Elle est un élément du cycle. L'exception qui confirme la règle. Je pense avoir mes réponses. Je dois maintenant retourner à Millevaux. Retourner au fond du gouffre et lui annoncer qu'elle va mourir, pour le cycle." Le mystère s'épaissit alors que les protagonistes se multiplient tout comme les lignes temporelles. Mais le fait de devoir reconstituer la mort d'Edes Corso rappelle le scénario de Mantra avec Euridyce. A cette étape de la lecture, je me demande si ce n'est pas le Kraken lui-même qui va la tuer pour boucler ce cycle.
G. "Ce n'est pas mon journal. C'est celui d'un certain Dorso, un légionnaire romain. Je lis qu'enfant il a été mordu par un serpent. Un Horla ?" En théorie, Millevaux (et donc les horlas) n'existait pas dans le passé, mais on peut interpréter l'intervention d'un horla à cette époque comme une contagion chronologique opérée par Millevaux, ou une prémisse de Millevaux.
H. "Et alors, je sers dans ma main l'amulette offerte par le Corax. J'espère qu'il saura comment s'y prendre contre Yézédis. Ai-je vraiment raison d'agir ainsi ? Ne vais-je pas le payer plus tard, ou même... maintenant ? Il me reste une Noix. Une dernière. Je la croque pour forcer le destin, mon Karma, ? et obtenir ce que je désire... Étrange sensation de quitte ou double ! Je … Glisse...
...le long d'un intestin géant avec tout un tas d'espèces fossiles ou disparues : des limules, des ichtyosaures, des ammonites et des choses gerbantes avec des tentacules écumantes de foutre primordial." OK, je viens seulement de comprendre que pour obtenir un effet désiré, Kraken doit croquer une de ses noix et affronter un cauchemar de Coelacanthes
I. "À deux pas devant lui, je vois un homme, de dos, penché sur son bureau. Il tape sur le clavier de son ordinateur. " Ah, ben la voilà cette confrontation directe avec le Joueur que j'appelais de mes voeux
Réponse de Damien :
Hey, salut:) oula, clair que ça remonte oui ^^ je me rappelle pas de tout (l'effet Millevaux sans doute ^^ ) [Note de Thomas : mes commentaires ont été écrits 5 mois après cette partie...]
pour la symbolique de l'oeil, elle tient entre autre à ce que dans The Name of God les autres joueurs incarnent... les Yeux. Autant reprendre ça donc ^^
et pour le sexe de Camille, certes il est indifférencié mais va savoir pourquoi, ça s'est mis comme ça. Donc, j'ai pas cherché plus loin. Et puis je me suis dit qu'il était indifférencié justement pour qu'on puisse choisir.
Sinon, pour les paradoxes temporels, comme j'ai introduit des éléments relatifs à Mantra et la Trilogie de la Crasse, je suis parti d'une vision un peu quantique de l'espace temps. Tout est partout et en même temps mais c'est notre nature humaine qui nous oblige à ordonner toutes ces expériences dans l'espace et le temps, créant ainsi les notions de passé, présent et futur. Mais là, comme on peut voyager d'une réalité à l'autre, d'une époque à l'autre, que tout est entremêlé et confus... ben... rien n'est vrai, tout est permis quoi ^^
Pour l'instant, j'ai mis de côté ce mix Millevaux/Mantra. J'attends d'avoir fini de relire la Trilogie de la Crasse et de recevoir Mantra et Mantoid pour partir dans un nouveau truc.
En ce moment, je joue un 2nd Grey Cells avec des bouts de Bois-Saule et Coelacanthes dedans. Ensuite, je compte partir sur du Chtulhu plus « classique », notamment pour tester le Solo Investigator Handbook et divers mini jdr relatifs à Lovecraft. Mais, j'aimerais en profiter pour caler des outils des Vertiges logiques et ainsi, à voir, donner finalement une sorte de cohérence à tous ces petits one shot. Mais bon, déjà, finit Grey Cells entier ^^
ah ouais, non sinon quand m^me... pour le final, j'avais que ça a été un grand moment pour moi ? c'est con à dire mais... je ne suis pas sûr qu'on puisse faire ça lors d'une partie sur table classique à plusieurs. c'était quand même une première pour moi et je trouve dingue ces émotions qu'on peut finalement ressentir en jouant... tout seul ?