
Le Combat
Avant-propos : dans la critique suivante je ne tiens pas compte d'un composant incontournable et essentiel de tout système de combat : les capacités d'animateur du MJ. Aucun système ne se suffit à lui-même. Mais plus important, nous ne fonctionnons pas tous de la même manière, et nous n'avons pas tous besoin des mêmes outils, ce qui rend le concept de "meilleur jeu" complètement à côté de la plaque. Certains ont le verbe si fleuri et le sens de l'improvisation si aiguisé, qu'ils ont besoin tout au plus d'un pile-ou-face pour les assister dans leur mise en scène. D'autres - au contraire - réclament des règles ultra-précises prenant en compte une foule de paramètres - et comportant des tables décrivant par le menu toutes les meurtrissures possibles et imaginables - pour rendre crédible une scène d'action martiale. Les premiers peuvent se sentir handicapés par les outils des seconds, et l'inverse est tout aussi vraie.
Mais il ne faudrait pas oublier les autres participants autour de la table. Certain•s•es joueu•rs•ses n'arrivent pas à se projeter quand les mécanismes sont par trop présents, là où à l'opposé d'autres ne peuvent se passer d'une myriade de détails techniques pour parvenir à y croire. De plus, les uns peuvent se sentir bridés par les choix techniques à effectuer, là ou d'autres sont perdus face à tant de liberté narrative.
L'Anneau Unique se trouve quelque part entre ces deux extrêmes, alors qu'il est considéré par certains comme trop simulationniste, et rangé par d'autres parmi les jeux narrativistes (sic). Un jeu "modéré" que les radicaux des deux bords trouveront trop frileux et pas assez engagé sans doute. Personnellement - bien que mon cœur balance au gré des jeux - dans le cas présent je considère cela comme un avantage qui permet de réconcilier les rôlistes les plus ouverts de ces deux écoles, facilitant la vie du MJ sans le noyer sous les détails ni au contraire en le laissant démuni de tout soutien. C'est donc pour moi une qualité et certainement pas une faiblesse ou un défaut.
Dans un jeu où l'on joue uniquement des guerriers (avec quelques touches de couleur pour les différencier), le système de combat est crucial. Il ne peut se borner à un mécanisme simpliste, se bornant à faire jeter les dés pour baisser des points de "je joue encore" jusqu'à être le seul à en disposer. Il lui faut obligatoirement proposer l'essentiel des pistes de réflexion au cours de la partie (et pas principalement en amont lors de la création du personnage), des choix tactiques, des opportunités stratégiques, des prises de risques, sous peine de lasser les participants, et en premier lieu les joueurs.
L'Anneau Unique possède plusieurs atouts à ce niveau. Et s'il n'est pas exempt de défauts à mon goût, ceux-ci se corrigent en bonne partie en disposant des mécanismes complets (livre de base + suppléments) et en procédant à quelques retouches mineures.
L'aspect global
Au cours du premier contact avec le jeu, on peut avoir l'impression que les auteurs cherchent à gérer le combat de façon abstraite sans tenir compte des positions sur le terrain. Seul compte la posture des PJ (plus ou moins offensive et donc risquée), l'éventuelle position arrière d'un tiers des combattants qui leur permet de se battre à distance, et c'est parti. Le danger en appliquant ce principe au pied de la lettre est de donner l'impression aux participants qu'ils jouent à un jeu de plateau abstrait, au lieu de simuler un combat furieux, tumultueux et mortel.
Quand on relit plus attentivement les règles, on découvre que les auteurs se dédouanent lorsque leur système coince : protagonistes plus ou moins difficiles à atteindre au contact selon le terrain, archers trop éloignés de leurs alliés pour être couverts, etc. Mais au lieu de donner les billes pour s'en sortir, on refile la patate chaude et on passe à autre chose.
Pourtant le principe des postures est intéressant. Il permet à chaque joueur•se de s'engager plus ou moins dans la mêlée, de prendre un risque plus ou moins mesuré selon la situation, les capacités du PJ et son état, la puissance des adversaires.
Il rappellera à certains le partage entre bonus offensif et défensif de Rolemaster, mais d'une manière bien plus simple et rapide.
Tout ce qui manque c'est une gestion claire des positions sur le terrain. Mais au lieu de s'y frotter, de manière simple - voir abstraite - et sans tomber dans la gestion figuriniste, Francesco et Marco ne s'en préoccupent pas.
Personnellement - comme vous avez pu le voir plus haut - je règle le problème avec une esquisse du terrain et des pions. Je danse donc entre les postures et le plan, accordant ou pas le couvert à un archer, attaquant ou pas tel PJ, permettant ou interdisant la retraite à un autre. C'est assez fluide. Autant qu'un D&D5 par exemple.
L'Initiative
C'est une partie qui fonctionne, mais sans pour autant me séduire. Ici c'est le MJ qui utilise son bon sens pour accorder l'initiative à tel ou tel camp. Oui, c'est en premier lieu une initiative de groupe et non une initiative individuelle que l'on établit. L'individuelle sera déterminée par les postures choisies par les PJ.
Ca fonctionne, aucun problème avec ça. Mais ça manque de piquant et de surprises.
Les Manœuvres
Ce sont des options de combat intéressantes permettant de fournir des choix tactiques aux PJ, mais au nombre ridicule. Il en existe une par posture (plus une générale) dans le livre de base. En ajoutant celles du Compagnon, on passe à trois ou quatre (plus la générale) par posture, et le système de combat devient beaucoup plus intéressant et vivant. Je les listerai dans un autre message plus bas pour ceux que cela intéresse.
Les Coups Précis
C'est un genre de manœuvre, mais comme elles ne sont pas liées aux postures mais aux armes, on les a regroupées sous un autre nom. Comme pour les manœuvres ces "options" sont ridiculement peu nombreuses (une par arme). Heureusement le Compagnon change la donne (on passe de une possibilité à six par arme !). La liste plus bas.
L'Endurance et les Blessures
Dans LAU on ne gère pas de points de vie aux définitions aussi nombreuses que de MJ, mais des points d'Endurance (PE).
A part la couleur ça change quelque chose ? A première vue non : comme chez l'ancêtre, les PE sont des points de défense qui vous permettent de ne pas passer votre tour. Mais contrairement à lui ils permettent de gérer la fatigue résiduelle de manière simple et efficace. Ils correspondent au souffle, à l'énergie, et ne gèrent pas les lésions létales (coups, empoisonnement, ...). Celles-ci sont prises en compte par un état préjudiciable nommé Blessé. Une Blessure est un cruel handicap dans LAU, non pas au cours du combat pour un PJ (merci l'adrénaline), mais dès la fin de celui-ci (pas de récupération en soufflant), et par la suite (au mieux récupération lente si l'on a bénéficié de soins). Deux Blessures pour un PJ et c'est le début de la fin. Deux Blessures et zéro en Endurance et on mange les pissenlits par la racine.
Ce double système marche très bien, est simple à gérer et rend les combats très différents d'un D&D.
Hémorragie (règle maison) : quand une Blessure est infligée par un succès supérieur, -1 en Endurance à chaque tour. Par un succès extraordinaire, -2 à chaque tour. Traiter la Blessure permet d'arrêter l'hémorragie.
Les Armures
C'est un système particulier où à première vue les armures ne servent qu'à encombrer leurs porteurs, n'étant là ni pour réduire les chances d'être touché, ni pour réduire les pertes d'Endurance subies. Le seul intérêt est de se prémunir des Blessures...
Si ça a quelque peu surpris mes comparses au début, il leur a suffit de se faire réveiller sans armures par un Troll des Cavernes (péril suivi de l'échec du test de vigilance du guetteur) pour ne plus s'en plaindre.
A ce propos, faire effectuer un test de Fatigue à tous ceux qui ont passé la nuit à dormir en armure (SR10+2 par dé de Protection), leur coupe l'envie de recommencer.
Les Armes
Obtenir l'ensemble des résultats en un seul jet de dés est non seulement plaisant, mais en plus cela fluidifie les combats.
Les spécificités des armes sont intéressantes, notamment grâce aux coups précis.
La Parade
Un score fixe, passif, qui n'évolue (pratiquement) pas avec l'expérience. Mouais... On a vu pire, mais bien mieux également.
Les Capacités Spéciales et les Points de Haine
Heureusement le MJ a de quoi s'amuser de son côté, et sans être noyé sous des tonnes de données techniques à retenir, ou des listes interminables de sorts à mémoriser. Les antagonistes sont différenciés, intéressants et agréables à mettre en scène.
Mes bémols portent sur la maquette comme abordé précédemment.
Conclusion
En dehors de la non-gestion spatiale, le système tourne très bien. Enrichi avec les options du Compagnon, il permet d'obtenir des combats dynamiques, pleins de tension et originaux à chaque fois. Le niveau de danger est tel (qu'il soit réel ou ressenti), que les PJ évaluent toujours chaque situation, mettant toutes les chances de leur côté, avant de s'y risquer. Ils n'hésitent pas non plus à battre en retraite si nécessaire, sachant parfaitement ce qu'il leur en coûterait s'ils allaient trop loin.
C'est clairement un des points forts du jeu.
