Review : L'oeil noir / The Dark Eye / Das Schwarze Auge ( 1/4 ) :
Le livre de base
Bien que les Etats Unis possèdent Donjons & Dragons et nombre de licences connues, que la France s'en tire bien avec nombre de jeux de rôles de qualité. Il reste des pays qui se sont fait connaître via d'autres jeux. C'est par exemple le cas de la Suède avec Kult ou Symbaroum. Nous allons parler aujourd'hui de l’Allemagne, connue pour Shadow of the Demon Lord ( de Robert Schwalb ) et surtout de Das Schwarze Auge, que l'on peut traduire en L'Oeil Noir de Ulrich Kiesow et dont la première édition date de 1984. Connu en France via les éditions Schmidt Spiele ( fait intéressant, l'éditeur de DSA en anglais se nomme Ulisses Spiele ) grâce à sa fameuse « initiation au jeu d'aventure », le D&D Allemand a une certaine réputation, certains jeux vidéos et autres ressources depuis le temps. Pourtant, à l'instar de Darkrunes, c'est un univers dont je me suis intéressé que très récemment ( Honte à moi ! ). Lors de cette longue multi-review en quatre parties, nous allons dans un premier temps nous intéresser au livre de base, un beau bébé de 414 pages qui a de quoi faire peur. Mais comme Zweihander RPG ( tiens, encore de l'allemand… ) me l'a montré, le nombre de page n'est pas une preuve de la complexité d'un jeu.
L'Oeil Noir dans sa 5ème édition est un superbe livre, épais, lourd, mais également très bien organisé, assez didactique et surtout ( et je pense que c'est l'une des caractéristique du jeu ) extrêmement précis ! Vous voulez un exemple ? Il existe sept niveaux de puissance ( ou de maîtrise ) de personnage ! Pas deux ou trois….Sept ! A la page 39, nous avons respectivement et dans l'ordre : inexpérimenté, ordinaire, compétent, maître, brillant et légendaire. C'est pour moi une bonne chose car je n'aime pas voir mes joueurs jouer des bras cassés comme dans Warhammer ( quoique la quatrième édition nuance cela ). La plupart des personnages pré-construits sont d'ailleurs « expérimentés ». Le livre sera sans cesse comme cela, plein de tableaux, d'exemples, de détails ( dans la monnaie par exemple, les armes, les sorts, les coutumes et autres ) et de précision. Mais, contrairement à un Anima ou Pathfinder, il ne s'agit pas de précision de règles, mais bien de d'apprentissage ou d'univers.
Avant de nous aventurer dans le système, la création de personnage ou les règles, on va parler ( un peu ) de l'univers.
L'Aventurie est un grand continent ou l'on fera jouer. On sait rapidement quelques sont les royaumes présents et rapidement le ton de chacun et donc l'univers est presque que mentionné. C'est dommage car un supplément ( L'Almanach de L'Aventurie ) fait le boulot, on sent le triptyque à la D&D ou Atlantis The second age. Heureusement, avant de m'intéresser au détails de l'univers, j'ai surtout cherché le ton du jeu. Et pour cela, rien de mieux que d'aller tâter les OSTs des jeux de DSA.
D'après ce qu'on m'a dit et ce qui expliqué dans le livre, les héros ( donc les Pjs ) de DSA se feront surtout remarquer par leurs capacités. En fait, DSA propose un ton bien précis, mélange entre un quotidien morne ( mais pas nécessairement gritty ou ( kikoo ) dark, parfois un peu glauque, et un merveilleux qui l'est vraiment ( pensez à la définition littéraire du fantastique ) mais est également dangereux...On peut également coller dessus une profondeur faisant réfléchir les joueurs, et j'aime ça. Pour revenir aux héros, ils ne seront pas surpuissants, mais peuvent être diablement capables et surtout, on mettra en valeur certaines de capacités. Vous voulez un exemple ? Dans Chains of Satinav, l'un des jeux vidéos de DSA qui est un point & click, le héros a comme pouvoir de briser et de reconstruire des objets, ceci sera au cœur du gameplay de l'histoire et de l'enquête. Vous voulez un autre exemple ? L'un de vos Pjs peut parler aux animaux grâce à un sort, vous pouvez faire maintes choses avec ça ( aider à dresser un animal, en faire fuir pour ne pas avoir à le tuer, découvrir que ce n'est PAS un animal, obtenir des informations pour découvrir qui est le tueur en série qui sévit en ville ect ). L'univers de DSA se prend finalement bien en main, du moment que l'on saisit cette saveur qui est proche des contes de Grimm ( voire de l'Europe de l'Est ), ce côté quotidien un peu morne et très ordinaire, et cette relation au merveilleux. Car ce dernier, est vraiment particulier, souvent caché, peu propice au contact avec les humains et surtout, pas nécessairement dangereux ou hostile comme on le verra dans ma review sur le bestiaire.
L'Aventurie est une terre de différentes cultures ( un peu à la Conan avec ses différentes ethnies ) et qui permet tous genres de scénarios. Bien sûr, on peut faire du donjon, mais ce serait passer à côté du sel du jeu selon moi car les combats de DSA sont dangereux ( la parade part sur une base de la moitié du score de combat ! ) et on tient à la vie. Des enquêtes, de l'exploration, du culturel ou la relation avec le merveilleux sont pour moi les éléments de DSA.
Parlons maintenant de la création de personnage. Elle peut être extrêmement longue, pas parce qu'elle est compliquée ( loin de là même ), mais justement parce que le jeu est très riche au niveaux des possibilités et que c'est une création avec un budget en points d'aventure et l'on va TOUT acheter ( espèce et profession comprises !), et donc, cela peut prendre du temps, heureusement, des pré-construits sont proposés. Pour en avoir fait un de A à Z tout à l'heure, j'ai mis moins d'une heure, et encore j'ai perdu bêtement du temps en ayant oublié qu'on peut acheter des scores de caractéristiques déjà établis.
Pour le système, rien de compliqué, mais c'est un peu tricky. Les tests de caractéristiques et de combat se font avec un dé à vingt faces et ou il faut faire bas. Pour les tests de compétences, on lancera trois dés à vingt faces et ou il faudra faire bas contre deux ou trois caractéristiques, par exemple, un test de « Body Control » ( équivalent d'Athlétisme ) qui est sous Agilité / Agilité / Constitution. Vous lancez trois dés à vingt faces et ou il faudra faire en dessous d'agilité deux fois et constitution une fois. Si Vôtre Agilité est de 14 et 13 en Constitution, il faudra faire par exemple, 11, 12 et 10. Et si vous faites au dessus, vous ratez ? Normalement oui, mais c'est là que les compétences entrent en compte. Votre score de compétence vous permet de compenser l'écart en cas d'échec. Par exemple, Vous avez 10 en « Body Control » et vous faites 19, 12, 10. Vous assignez le 12 et 10 à la Constitution et l'Agilité, soit deux réussites sur trois. Le troisième dé vingt pose un échec, et ben, pas tout à fait, car vous pouvez dépenser de votre compétence comme un budget ( qui se réinitialise à chaque test ) pour compenser, vous pouvez donc dans ce cas précis passer de 19 à 14 grâce à 5 points de « Body Control » et il vous restera donc 5 points en « Body Control ». A quoi cela peut-t-il bien servir ? A mesurer la qualité de la réussite ( en cas d'opposition par exemple ). A noter que cette échelle de réussite est sur la seconde page de personnage, au dessosus de TOUTES les compétences.
Pourquoi donc alors, dans les tests de compétences, on doit se coltiner trois dés à vingt faces ? Et bien parce que cela permet au maître du jeu, voire au joueur de comprendre en quoi son personnage a foiré. Gardons nôtre exemple de « Body Control » plus haut. Si le PJ a raté le côté Constitution de son test, c'est parce qu'il s'est fatigué trop vite. S'il a raté le côté Agilité c'est parce que le personnage n'était pas assez souple sur le moment.
Tout ceci donne à la fois un côté « personnage compétent » et un autre côté « terre à terre ». Ceci se ressent notamment dans la magie et les chants liturgiques ( magie divine ) qui sont puissants mais couteaux, demandant parfois du temps et pas excessivement puissants. En terme de comparatif, l'équivalent de la boule de feu de D&D se nomme Ignifaxius ( il faudra d'ailleurs que le joueur le dise façon rôleplay ) et touchera une cible, pas trop loin et les dégâts seront modérés par la réduction de dégâts de l'opposition. Sur le point règles, ce n'est pas si compliqué que ça, mais ne vous attendez pas à faire des vœux, boules de feu et autres portails à tout bout de champs…
Le livre de base manque un bestiaire ( par exemple les fidèles de Rhondra peuvent se transformer en lion, et ben y'a pas de lion dans la partie bestiaire du livre ) même si les familiers des sorcières ( crapauds, corbeau, chat ) sont présents.
J'ai pu ce dimanche soir, faire une session d'essai grâce aux personnages pré-construits du livre ( à savoir : une sorcière à chat, une voleuse avec du charme et une chasseresse elfe ). Le scénario impliquait des enlèvements d'adolescentes dans le village des Pjs ( petite précision : l'une des Pjs était la fille du maire ) par une bestine qui obéissait à des nymphes qui vivaient dans la forêt ( que la chasseresse elfe était habituée à parcourir, sans avoir jamais vu lesdites nymphes ). Loin d'un scénario violent et bourrin, l'idée était après d'avoir retrouvé les adolescentes de les laisser partir dans le royaume des fées, ce qui n'était qu'un aller simple ou de les rendre à leur parents et au maire, qui avaient conclu un sombre accord avec un noble libidineux. Les joueurs ont pris la décision, non seulement de laisser les jeunes femmes libres de partir, mais on été jusqu'à dénoncer publiquement les agissements du maire, à le tuer, à livrer le noble aux villageois ( qui l'ont battu à mort ) et enfin, la gestion du village a complètement changé. Petit fait amusant, un ami qui jouait la sorcière au chat a demandé que mon chaton noir ait comme personnage son familier et le chat a miaulé plusieurs fois, lors de débats et discussions entre Pjs ou entre Pjs et Pnjs. On dirait qu'il a, lui aussi, aimé la session.
C'est donc une franche réussite car, une fois la création de personnage faite, la magie du ton du jeu a opéré direct et rien n'a rebuté les joueurs une fois la session lancée. Ils ont demandé une campagne ( et je remercie mon beau-père, qui est d'origine polonaise, de m'avoir parlé de l'histoire du dragon de Cracovie ).
Au final, on a un jeu très détaillé, pointu, qui manque de contenu sur l'univers qui sera bien couvert par le bestiaire et l'Almanach. Une petite perle ( c'est le second jeu allemand que je connaisse et qui tacle D&D et Warhammer aussi bien que ce soit sur l'univers ou le système ) qui a une saveur particulière, car, en plus de certaines features ou précisions de l'univers, on est très loin d'un D&D en terme de contenu. Et si je ne suis pas d'accord avec le fait qu'il s'agit du JDR avec le plus de contenu, force de constater qu'il y a en énormément dessus et que trouver des inspirations se fait plutôt facilement. C'est donc un excellent jeu que l'on a là ( top tiers pour moi ), faussement complexe, riche et avec un brillant passé et avenir.