[CR][REIGN] A La Découverte d'un Nouveau Monde

[Cédric Jeanneret]

Et nous te remercions (enfin nous, eux je sais pas, mais moi si), car ce CR est super interessant.

[XO de Vorcen]

Si si nous. On est tout plein à te lire, à attendre la suite. Et je suis sûr qu'il y en a autant voir plus qui le font également sans se manifester.

[Fragada]

Pareil, je lis toujours avec plaisir, sans me manifester !
Mais je suis là, continue, c'est vraiment un très bon CR !

[Acritarche]

Oui, nous voulons la fin! Sinon, nous lançons une pétition pour forcer la production à nous la livrer!

[Sammael99]

Oui, nous voulons la fin! Sinon, nous lançons une pétition pour forcer la production à nous la livrer!

Laissez moi un peu de temps!

Ca fait même pas une semaine qu'on a fini la campagne!

(Bon, ça fait plaisir, je dois dire...)

[Sammael99]

Dans la chaleur oppressante de l’été de Terre-Neuve et sous une accablante humidité, alors que les colons se sont pour la plupart réfugiés dans les hauteurs de Ferraille pour y chercher une fraîcheur toute relative, un bâtiment reste pourtant en activité. Il est un peu à l’écart de la ville, sur une hauteur et donne sur la mer, comme un souvenir mélancolique d’une vie de marin. C’est un bâtiment bien construit, plutôt mieux que les nouvelles maisons qui poussent en quelques jours pour accueillir les nouveaux émigrants, toujours plus nombreux.

Au dessus de la porte d’entrée, battu par le vent et luisant sous la pluie de cette fin de journée, on peut lire l’enseigne de l’établissement : ‘Notre Dame des Algues’. A l’intérieur, un homme d’une cinquantaine d’années, corpulent et le visage buriné par le temps s’affaire à arranger les tables, changer les tonneaux de bière, vérifier le stock de vin du Sud et surveiller la cuisson d’un ragoût odorant. Une jeune femme surgit des cuisines :

- « Patron, j’ai terminé les pâtisseries comme vous m’avez demandé, tout est en place. »

- « Merci Brune. Tu peux t’en aller, je t’accorde ta soirée. »

- « Vous êtes sûr, Patron ? Je veux dire, je pourrais rester, vous aider… »

- « Tu sais bien que non. Les gens qui viennent fêter avec moi les 5 ans de la Colonie ont envie de pouvoir discuter tranquillement sans être dérangés par des soubrettes qu’ils ne connaissent pas. Et puis ils ne sont que quatre, je pourrais très bien gérer tout seul… »

- « Bon, si vous le dites… »

- « En sortant tu mettras le panneau ‘soirée privée’ sur la porte. »

- « Oui Patron, à demain ! »

- « C’est ça, à demain… »

Une fois la jeune femme partie, l’homme continue à briquer l’établissement. Il pose sur une grande table une bouteille d’un alcool blanc sur laquelle on peut lire écrire à la main ‘Prune de Concorde – Cuvée Spéciale’. A ce moment là, la porte s’ouvre et un peu de pluie chaude s’engouffre dans la taverne, portée par le vent.

L’homme qui vient de rentrer est grand et musculeux. Il porte un chapeau de cuir dégoulinant qui cache ses traits. Il esquisse un mouvement de la main droite, puis lève la main gauche pour retirer le couvre-chef, laissant apparaître son visage intégralement tatoué et cisaillé d’une longue balafre. Il esquisse un sourire en voyant le tavernier se retourner.

- « Malbert, ça fait plaisir de te revoir, vieille raclure ! »

- « Tout pareil, Martin. Je suis bien content qu’on se revoie tous ce soir, surtout à cette occasion. »

- « C’est vrai que c’est un peu tes cinq ans ici aussi. »

- « Trois ans pour moi, mais oui… »

- « Dis-donc, c’est qui la jeunette que j’ai croisée sur le chemin en arrivant ? »

- « C’est la serveuse que j’ai récemment embauchée. Elle est hors limite, Martin ! »

- « Bah, tu sais bien que je suis rangé maintenant. La patronne m’écorcherait vif si elle savait même que je lui ai jeté un œil. »

- « Ouais. J’ai du mal à le croire moi, que le meilleur client de tous les temps de Chez Lulu soit rangé, mais bon… »

- « En tous cas, je suis bien content qu’on ait eu l’idée de s’inventer des tatouages claniques un peu moins envahissants que ceux des natifs. Ça défigure moins nos beautés à la peau claire… »

A ce moment-là, la porte s’ouvre de nouveau et entrent deux hommes. L’un, petit et maigre s’extirpe d’une cape de cuir. L’autre, plus grand et au visage barbu lui dit :

- « Alors Jehan, tu vois que la graisse de ces piscus giganticus est un excellent imperméabilisant ! »

- « C’est clair. Et sous la pluie, ça pue même pas. Par contre, pas question de mettre ça au coin du feu sinon on va mourir étouffés ! »

- « Messieurs », salue Malbert avec une fausse déférence.

- « Salut Malbert », répond Jehan. « Alors, elle tient toujours cette bâtisse ! »

- « Elle tient toujours. Y a des jours ça craque tellement que je me demande si ça va encore durer longtemps, mais pour le moment, je me plains pas. »

- « Je jetterais un œil un de ces quatre pour m’assurer que tout reste intègre ».

- « Volontiers. Bonjour Pierre ! Ou est-ce que je dois dire Académicien L’Ange ? »

- « Pierre, ça ira bien. J’avale assez de poussière pendent les deux mois par an que je passe à Concorde ! »

- « Allez vous installer en tous cas. On attend plus que monsieur Henri. »

- « Ha ! Lui tu l’appelles monsieur Henri !!! »

En effet, quelques minutes plus tard entre Henri l’Œil Bleu, vêtu plutôt richement, les cheveux blanchis, mais le même pétillant dans le regard.

- « Sénateur » dit Malbert au nouvel arrivant.

- « Malbert, bien content de vous retrouver ! »

- « Veuillez nous rejoindre ! J’ai quelques boissons dont vous me direz des nouvelles et j’ai préparé de quoi nous restaurer également. »

- « Bien volontiers. Je n’ai pas particulièrement froid, mais cette insupportable humidité me transperce de part en part. Je ne sais pas si je m’y ferais un jour. »

- « Ça n’est pas la saison où vous siégez à Concorde d’habitude ? »

- « Si, mais cette année avec les commémorations, je me devais d’être ici. De plus nous allons recevoir sous peu une délégation du Sénat, il faut un peu préparer les colons et les natifs… »

[Acritarche]

Excellent!

[Sammael99]

Les cinq hommes s’asseyent autour de la table préparée par Malbert, qui leur verse à tous un petit verre de Prune.

- « Alors Henri, qu’est-ce que tu deviens ? » demande Jehan avec entrain.

- « Bah, tu me connais, je suis toujours en vadrouille. J’ai beaucoup été dans les territoires du sud ces derniers temps. Les tribus au sud des Montagnes sont fascinantes. Il faudra que je vous ramène certaines de leurs plus petites sculptures, mais les plus spectaculaires sont gigantesques, à même la roche. Fascinant… »

- « Faudra que j’aille y faire un tour… Ça serait un bon sujet de bouquin ça, surtout si je peux ramener quelques pièces à l’Académie… » dit Pierre pensivement.

- « Martin, félicitations pour le petit quatrième ! » reprend Henri. « Je n’ai pas eu l’occasion de te voir depuis que j’ai appris la nouvelle. Comment va Line ? »

- « Elle se remet bien. Elle est bien entourée quand même, être chef de Clan a ses privilèges… » répond Martin.

- « En tous cas, vous avez pas perdu votre temps ! Quatre mioches en trois ans… » reprend Malbert.

- « Bah, ça aide d’avoir des jumelles dans le lot ! »

- « Il s’appelle comment ce petit dernier alors ? »

- « Gonzague »

- « Ça, je trouve ça bien. » dit Jehan. « Espérons qu’il sera moins grossier que l’original ! »

- « On y veille ! »

Tous partent d’un grand éclat de rire.

- « N’empêche, j’ai du mal à croire que ça fait cinq ans qu’on a fondé la ville, quand même… » dit Pierre.

- « C’est vrai que ça fait bizarre. Il y a des jours où j’ai l’impression que c’était hier, et d’autres où je me dis que c’était il y a une éternité… » répond Jehan.

- « D’autant qu’on a quand même failli pas être là pour en profiter… L’armada, c’était pas de la petite friture quand même… » renchérit Malbert.

- « Ah, c’est sûr que malgré l’aide de ton patron et les pièges qu’on leur a tendu, on était à un contre dix en mer, ça a pas été simple… » dit Martin.

- « D’ailleurs, j’ai jamais su comment vous aviez évité la ‘tenaille’ avec Santerne au sud qui avaient décidé de rallier l’Empire pour l’occasion… »

- « C’était quand même très opportuniste. Ils voyaient l’occasion de nous éliminer à peu de frais. Mais on avait un peu prévu cette possibilité. Pendant les quelques mois qui ont précédé l’offensive impériale, on a beaucoup travaillé à infiltrer les natifs au Sud, à les armer et à préparer une rébellion des esclaves. Dès qu’on a appris que les navires de Santerne avaient pris la mer, la population entière, aidée par des natifs de chez nous a pris les armes. Les Santerniens ont dû rentrer dare dare pour sauver les meubles. Ils ne sont toujours pas revenus… »

- « Heureusement, parce que sinon résister à une attaque soutenue par la mer pendant que le gros de leurs troupes attaquait par la terre au Nord, ç’aurait été plus que délicat. » reprend Jehan.

- « Oui, mais finalement ils nous ont rendu service, les Impériaux au Nord, si on peut dire. Les clans du Nord de la Jungle, c’est ceux qui résistaient le plus au changement. Ils voulaient mener une guerre honorable, traditionnelle, bouffer les yeux des vaincus et tout le tralala. Ils ont vite été balayés. Mais la tactique Impériale de la terre brûlée a soudé les autres clans autour de nous, et le Grand Chef Martin a pu enfin faire appliquer les tactiques adaptées à la situation… » renchérit Pierre.

- « Oui, et finalement on a pu bloquer leur progression au Nord de la Grande Rivière. Entre les approches commando, les pièges – surtout les magnifiques fosses camouflées par les pouvoirs de Pierre – et les soins abondants des Sœurs on a résisté. On a perdu des hommes, évidemment, et pas mal de villages, mais ils n’ont jamais réussi à casser le front. » interjette Martin.

- « Y a une rumeur sur les Sœurs », intervient Malbert. « Je sais pas si c’est vrai, mais on raconte qu’en plein milieu du conflit elles ont menacé de retirer leur magie. Enfin, je suis pas sûr d’avoir bien compris… C’est vrai cette histoire ? »

- « C’est vrai oui », répond Henri. « Je m’en souviendrais longtemps… Comme j’ai moi-même quelques pouvoirs de divination, j’ai été mis en charge de gérer les mystes qui avaient accepté de se joindre à nous et de les alimenter en obsidiane, à la fois pour le conflit et comme récompense pour leurs services. Un soir où les combats avaient été particulièrement sanglants, la jeune Sœur qui semble être la patronne de la Sororité (je n’ai toujours pas compris leur bizarre hiérarchie) est venue me voir dans ma tente. Elle m’annonce de but en blanc que toutes les blessures qu’elles ont guéries, elles peuvent les faire réapparaître à volonté et qu’elles le feront si on leur montre pas la source d’obsidiane qu’on a trouvée. »

- « Merde ! Euh, pardon Sénateur…» s’exclame Malbert.

- « Pas de souci mon brave. Après quelques années autour de Martin et de notre regretté Gonzague, les grossièretés ne me choquent plus… »

- « C’est sûr que des grossièretés, elles en ont entendu de ma bouche, les Sœurs, ce soir-là! », reprend Martin.

- « Vous avez cédé ? »

- « Absolument pas. Je les ai envoyées se faire voir. Aller simple pour la jungle et les sympathiques versicolores. Ça les a calmé direct ! » répond Martin.

- « Oui, enfin après le petit discours bien senti de Martin, on a quand même négocié. Mais on ne leur a jamais montré les monolithes. » dit Henri.

- « Ah oui, c’est vrai qu’il y en a plusieurs… » dit Malbert.

- « C'est de notoriété publique maintenant, malheureusement. Quand on a compris que les Impériaux avaient trouvé une autre source, on a tout fait pour leur en limiter l’accès. Depuis on a exploré, et on sait qu’il y en a tout le tour du désert. Des dizaines. C’est devenu impossible de tous les surveiller, et il y en a quelques-uns qui sont presque réduits à néant maintenant. Une des choses que j’essaie de comprendre dans mes explorations du continent c’est justement qui les a construits et pourquoi. »

[Cédric Jeanneret]

yes !

[Sammael99]

- « C’est marrant quand même », s’interroge Malbert. « Vous présentez les choses comme si finalement battre l’Empire ça avait été facile. Alors que Terre-Neuve en a quand même sérieusement cagué, pardonnez-moi l’expression, Sénateur… Le raid de nuit qui a rasé Terre-Neuve pour la seconde fois, c’était pas rien quand même…»

- « C’est sûr. Le seul avantage c’est que j’ai pu faire reconstruire les fondations sur un meilleur concept a posteriori… » répond Jehan avec un petit sourire.

Martin lui, ne sourit pas :

- « Ca a pas été une période très drôle, c’est sûr. On savait bien que le port n’était pas défendable contre l’Armada. Jehan nous avait quand même dégoté Gonzague avant de repartir de Concorde, et malgré tous ses défauts, on a jamais vu un meilleur capitaine de vaisseau que lui. »

- « Il avait quand même la réputation d’être un furieux ivrogne, non ? » intervient Malbert.

- « Il avait eu une traversée sans une goutte d’alcool pour se sevrer », répond Jehan. « J’y avais veillé en substituant ses caisses de gnôle au départ. Les premiers jours ont été assez chauds, mais après ça il a progressivement retrouvé ses moyens et sa niaque. »

- « En tous cas, » reprend Martin, « entre lui et Sharquenoir qu’on arrosait de tombereaux d’obsidiane, ils avaient bien affaibli la flotte Impériale. Mais on restait terriblement vulnérables par la mer. Du coup on avait évacué l’essentiel de la ville vers les hauteurs. Ils ont tout rasé, mais il y a eu très peu de victimes de notre côté, alors que Gonzague qui avait anticipé le coup les a pris à revers et a coulé cinq de leurs navires avant qu’ils ne puissent se reprendre. »

- « Mais ils ont fini par l’avoir, non ? »

- « Oui. Gonzague nous a quitté pour partir au fond des mers qu’il n’avait jamais voulu quitter » conclut Henri d’une voix mélancolique.

- « Et c’est pas lors de ce raid qu’ils ont capturé ta fille, Martin ? »

- « Si. La petite avait faussé compagnie à sa nourrice pour venir rechercher une poupée de chiffon qu’elle avait laissé derrière elle. Heureusement, ils l’ont prise pour une native et n’ont pas compris à qui ils avaient affaire. Là, pour le coup, je suis allé la récupérer tout seul, à la bite et au couteau. Et je l’ai ramenée. Je suis revenu avec une fièvre de cheval, la courante comme jamais et une main en moins, mais ma fille vivante… »

- « T’inquiètes pas Martin », interrompt Jehan, les prototypes de main mécanique avancent. Sous peu tu pourras manier l’épée de la main droite comme à la grande époque. »

- « Bah, tu m’as déjà fait une main en métal qui fait bien mal quand on gifle avec, c’est un début ! »

Un silence s’installe pendant que Mabert amène des victuailles et des bouteilles de vin sur la table. Chacun sirote son verre en se servant du ragoût, et l’atmosphère est au contentement.

- « Y a un truc que j’ai jamais su, c’est comment vous avez découvert que Sharquenoir n’était autre que le Sénateur Lassègue. » s’interroge Malbert.

- « Pour ma part, ça faisait un moment que j’avais des doutes. » répond Pierre après un moment. A chaque fois que j’essayais de voir Lassègue dans la vasque sur l’île, il n’était pas à Concorde. J’avais commencé à poser quelques questions, y compris à toi Malbert si tu te rappelles… »

- « Ah oui, je me souviens, maintenant que tu le dis. Mais moi non plus je savais pas que c’était Lassègue ! »

- « Non. Toujours est-il que Henri a eu une vision de l’avenir qui l’a pas mal troublé… »

- « C’était juste avant qu’on reparte de Concorde avec la flotte agrandie par les navires de Lassègue, justement. » raconte Henri. « Je ne m’en étais pas ouvert aux autres à l’époque parce que j’avais du mal à interprêter ce que je voyais, mais j’ai moi aussi commencé à me poser des questions sur son identité. Du coup, quand on a fait escale sur l’île de la Vasque, Pierre et moi sommes tous les deux allés à la Vasque. J’ai essayé de visualiser Sharquenoir, et lui a visualisé Lassègue. Ils étaient au même endroit, donc on a rapidement compris que nos soupçons étaient justifiés. »

- « Moi ça m’a quand même bien soufflé. » intervient Martin. Il nous avait bien manipulé le bougre… Mais bon, connaître son identité nous permettait de négocier de manière un peu plus équilibrée avec lui. On avait besoin de lui, il avait besoin de nous et on connaissait un secret qu’il ne voudrait pas voir révélé… »

- « Mais quand même sénateur, ça a pas été difficile pour vous d’accepter qu’un criminel à qui vous aviez fourni de la drogue soit en fait un associé de votre compagnie ? »

Henri regarde Malbert d’un air étonné. Martin, Jehan et Pierre quant à eux le fusillent des yeux !

- « De la drogue ? »

- « La Martinique n’est pas une drogue, c’est un médicament. » intervient Pierre avec un discours visiblement bien rôdé et qui ne sert pas pour la première fois… « Les apothicaires malhonnêtes qui en faisaient une substance addictive à Concorde ont été emprisonnés, et c’est justement pour éviter que cela se reproduise que nous avons mis en place la distillation ici, sous notre contrôle. »

- « Absolument. » renchérit Martin. « L’Apothicaire qui nous a rejoint a d’ailleurs engagé ma femme Line pour s’occuper du commerce de ses activités qui ne se résument évidemment pas au distillat de Martinique. Il a commencé à travailler sur des parfums très prometteur et Line pense que le tout Concorde va s’arracher ces essences lorsqu’elle commencer à les distribuer sur le vieux continent. »

- « Pour répondre à ta question Malbert, je n’approuve évidemment pas les activités passées de Sharquenoir, mais il a maintenant une activité officielle, légale et œuvre pour le bien commun. J’ai toujours pensé qu’il fallait pardonner à ceux qui tentent de se faire une nouvelle vie dans l’honnêteté, et c’est le cas du sénateur Lassègue. Donc non, je n’ai pas de souci à le voir ni comme associé de la Compagnie ni comme collègue au Sénat. »

[Sammael99]

La tension est retombée, et Malbert, un peu penaud, est allé chercher une nouvelle bouteille de vin et les pâtisseries préparées par sa serveuse plus tôt dans l’après-midi.

- « Dis-moi Pierre », demande Henri « tu travailles sur un nouvel ouvrage ? »

- « Plus précisément, on travaille pour moi sur un nouvel ouvrage. Je m’étais trouvé un nègre extraordinaire pour les premiers, maintenant il dirige lui-même une équipe de nègres. »

- « Ca n’est pas très éthique, ça ? »

- « Et pourquoi donc ? C’est bien moi qui explore sur le terrain, qui analyse, qui fait tout le travail. Eux ne font que rédiger les résultats de mes découvertes. »

- « Et le dernier alors, il porte sur quoi ? »

- « ‘Propriétés thérapeutiques de la flore tropicale du nouveau monde’, c’est le titre. C’était aussi l’intitulé de mon dernier cours à l’Académie.»

- « Tout un programme ! » intervient Malbert qui est revenu. « C’est pas que je les lise, mais j’aime bien les montrer sur mon étagère, tu m’en feras passer un exemplaire ? »

Tous se retournent pour admirer les 8 tomes in-quarto qui trônent sur la seule étagère qui contienne des livres. Malbert a un sourire d’enfant qui montre sa collection.

- « Ils supportent bien l’humidité ? L’encre n’a pas coulé ? » demande Pierre.

- « Euh… j’en ai aucune idée, je sais pas lire. Je trouve juste que ça fait bien… »

Nouveaux éclats de rire.

- « On jurerait mes élèves de botanique de l’Escole Angelienne… » reprend Pierre en rigolant.

- « Pas à ce point-là quand même ? » demande Jehan.

- « Non, pas sur la lecture, mais pour le reste… C’est pas compliqué, pour leurs travaux dirigés, je les ai envoyé dans la jungle il y a quelques semaines pour me retrouver des échantillons. Deux groupes de cinq élèves, formés, ils ont tous fait des expéditions avec moi. Eh bien croyez-le ou non, un des deux groupes n’est jamais parti, et j’ai bien cru que l’autre n’allait pas revenir. Sur dix élèves, sept blessés ou empoisonnés. Des vrais branquignols… »

- « En même temps, je me souviens de nos premières expéditions… On a aussi perdu des hommes, du temps…» répond Jehan.

- « Bien sûr, mais on ne savait pas à quoi s’attendre. Eux, ils sont sensés savoir ! »

Après un silence, Henri change de sujet :

- « Martin, c’est quoi la situation avec nos voisins du Nord ? Ça fait presque six mois que je suis de l’autre côté… Des évolutions ? »

- « Pas notable, mais on sent bien que la tension n’est plus la même. Ils ont été lâchés par l’Empire. Enfin, c’est ce qu’ils pensent puisque la principale raison c’est que nous et nos alliés coulons la plupart des navires Impériaux qui tentent la traversée. Du coup, ils ne peuvent pas écouler leurs marchandises ni recevoir les denrées vitales du pays. Donc ils se tournent vers nous. Selon les derniers calculs de notre comptable, nous écoulerions plus des deux tiers des fourrures qu’ils produisent. Et laisse-moi te le dire, même en leur laissant une bonne partie du revenu, on se fait des cou… »

- « Oui, merci, j’ai compris. Mais est-ce que tu crois qu’ils soient prêts politiquement à un rapprochement plus conséquent avec nous ? »

- « Je pense que c’est encore trop tôt. Il n’y a plus beaucoup de fanatiques dans leurs rangs, mais il en reste. Il faut qu’ils les purgent naturellement, ensuite on pourra commencer à discuter. En attendant on est les bons voisins. On leur a même donné des vivres lors du dernier hiver qui a été particulièrement brutal pour eux. »

- « Et toi, tu refuses toujours de devenir le grand chef de la tribu des Eteotaraoji ? »

- « Oui, c’est trop d’emmerdes. Et puis j’ai peut-être été un bon chef de guerre, mais je ne serais jamais un bon gouvernant. »

- « Peut-être que tu te sous-estimes ! Le Cogneur est bien devenu le chef du clan de la Rivière Bleue, et de ce que j’entends il se débrouille plutôt pas mal… »

- « Oui, enfin la Rivière Bleue c’est quand même surtout des brutasses, ils avaient juste besoin d’une brute plus balaise qu’eux. Michel était un don des Dieux pour eux! »

- « Et il en a bouffé, des yeux… » rajoute Jehan en secouant la tête.

Nouveau silence pendant que l’on sirote le vin cuit que Malbert a mis de côté. Jehan se tourne vers Henri :

- « Et de ton côté Henri ? C’est quoi l’ambiance à Concorde ? »

- « Politiquement, on est biens. Depuis que Terre-Neuve est représentée au sénat, on a une légitimité qui rend les tentatives de prise en main politique beaucoup plus difficiles à fomenter. D’autant qu’en affaiblissant considérablement la Grande Armada on a aussi éloigné la menace de l’Empire de Concorde. Non, le souci c’est surtout qu’ils préfèreraient qu’on éradique la colonie Impériale au Nord et qu’on colonise à tout va. »

- « J’imagine que la 'Charte de Préservation des Cultures Indigènes' que tu as réussi à faire voter a dû rester en travers de la gorge de quelques sénateurs… » répond Jehan.

- « Sans aucun doute. Mais pour le moment tout le monde profite financièrement du commerce accru, on peut encore contrôler les choses pendant un certain temps. L’urgence pour moi c’est justement de sensibiliser les indigènes aux changements inévitables pour qu’ils s’y préparent et puissent y répondre autrement que par les armes ou la soumission. C’est un nouveau monde pour eux aussi… Enfin, j’ai quand même dû céder sur un point, et un des objectifs de la Commission Sénatoriale des Intérêts Ultramarins est justement à travers la délégation qui arrive dans quelques jours de regarder le potentiel d’expansion au-delà de Terre-Neuve… »

- « Tu n’es pas inquiet qu’ils viennent mettre la grouille chez nous ? »

- « Pas trop non. On les laissera entre les mains de quelques-uns des élèves de Pierre pour aller découvrir les villages indigènes. Ils ne reviendront peut-être pas tous, mais ceux qui reviendront comprendront que seuls des fous comme nos peuvent faire fructifier cette terre, et qu’on ne peut le faire que suivant nos règles… »

- « D’autant que maintenant que le port est proprement terminé on va pouvoir mettre à quai cinq navires en eaux profondes à partir du mois prochain. S’ils veulent voir du commerce arriver, ils vont en voir ! » reprend Jehan.

- « Beau boulot d’ailleurs, j’ai vu ça en arrivant. » répond Henri. « Ils ne vous a pas trop rendu fou ? » demande-t’il aux autres.

- « C’est peu de le dire ! » rétorque Pierre en éclatant de rire. « Je crois qu’il y a eu 16 versions du plan initial et quatre démarrages de chantier avant qu’il ne soit satisfait de la direction que prenaient les choses. »

- « Un boulot à faire mérite d’être bien fait » répond Jehan tout sourire. « C’est ce que me disait toujours mon père. »

Une nouvelle bouteille de vin cuit est ouverte. Tout le monde est plutôt joyeux. On rigole, on se souvient de quelques moments de bravoure ou de quelque bévue épique.

- « N’empêche », dit Malbert, « je trouve ça quand même assez incroyable toute cette histoire. Moi je n’ai été que spectateur, et encore que de la fin, mais vous vous êtes les acteurs de Terre-Neuve depuis le début. Ça me fait un peu bizarre de dire ça vu comment on s’est rencontré, si je puis dire, mais je suis fier de vous connaître, de vous considérer comme des amis et d’avoir fait ce bout de route avec vous. »

- « Honnnêtement Malbert, j’aurais jamais pensé quand on te cuisinait au fond du cellier de la Lulu qu’on deviendrait amis non plus. Mais ça prouve ce que je savais au fond depuis longtemps, c’est qu’il y a aussi des gens bien chez les crapules ! »

Tout le monde rigole, tape dans le dos de Malbert. Puis Henri se lève et annonce qu’il prend congé. Les obligations liées à l’arrivée de la délégation du Sénat le forcent à trouver son sommeil quand il le peut.

- « Sénateur, ce fut un grand plaisir. »

- « Appelez moi Henri, Malbert. »

- « Et bien Henri, au plaisir de vous revoir. Et si vous voulez offrir à vos sénateurs une soirée de colon typique, n’hésitez pas à venir leur faire découvrir ‘Notre Dame des Algues’ ! »

- « J’y songerais ! A bientôt. »

Henri parti, Malbert se fait gentiment tirer les oreilles pour avoir parlé de la Martinique de façon un peu trop directe.

- « Il a jamais su, lui, que c’ était la Martinique de Sharquenoir qui était transformée en Craqueline… » attaque Jehan en riant.

- « J’étais pas au courant ! Je pensais qu’en tant qu’associés vous vous disiez tout ! »

- « On jurerait que t’es pas dans les affaires depuis longtemps. Comment tu fais pour tenir ton établissement ? Tu racontes tout à ta jolie soubrette ? Va falloir que je l’interroge alors ! » renchérit Martin.

- « Martin ! » rétroque Malbert en fronçant les sourcils.

Peu de temps après ce sont Jehan et Pierre qui quittent l’établissement de Malbert pour aller chercher un sommeil difficile en ces temps de chaleur humide.

Malbert et Martin sirotent encore quelques verres en parlant de leurs aventures communes, et puis finalement Martin aussi se lève et s’apprête à partir. Il met son chapeau de cuir et enfile son manteau.

- « Dis-donc j’avais pas fait attention. C’est quoi ce cuir clair là ? Il est nouveau ce manteau, non ? »

- « C’est du Gorille Blanc… »

- « Du Gorille Blanc ? Je ne comprends pas. »

- « Je te raconterais un jour ! »

Martin s’éloigne sur la petite route de la corniche. Il a cessé de pleuvoir, même si l’air reste terriblement humide et chaud. Des hauteurs, il aperçoit les lumières de Terre-Neuve : feux de cheminée, lumières du port, quelques torches qui se meuvent dans les ruelles d’une ville qui ne cesse de s’étendre. Il croit apercevoir sa maison, où l’attend Line et leurs quatre enfants. Plus loin, il le sait, il y a les trois collines où vit sa fille ainée.

Il a du mal à croire qu’il y a seulement cinq ans il n’y avait là que la jungle, dense et oppressante. Il est soudain saisi d’une bouffée de fierté pour ce que lui et ses compagnons ont accompli, fierté teintée d’une lointaine tristesse. Gonzague n’est plus avec eux pour partager cette fierté, malgré sa contribution vitale à la survie de la Colonie.

Et puis le moment d’émotion passé, Martin se met en route d’un pas un peu hésitant.

Il a la tête encore un peu dans les nuages de Terre-Neuve.

[Sammael99]

ET VOILA, C'EST FINI PUTAAAAAIN!!!

Hum...

Désolé.

[Arkady]

Ca valait la peine d'attendre aussi longtemps.
Un grand merci au scénariste-rédacteur-meujeu, ainsi qu'à tous les acteurs-pjs pour cette saga épique. Du grand art !!!






Bientôt la saison 2 ???

[Acritarche]

Standing ovation! Et longue avec ça.

Je me suis bouffé pas mal de CR, mais celui-ci fait partie du top 3. Assurément!
Félicitations à tous!

Je pense ne pas me tromper en disant que vous parlerez encore longtemps de cette campagne.

Bravo! Et, merci!

[Sammael99]

Bientôt la saison 2 ???

Vous allez rire, mais les germes de la Saison 2 sont posés dans la Saison 1.

Ce qui ne veut pas dire qu'elle sera jouée un jour, et en tous cas si elle l'est c'est clairement pas pour tout de suite!

Merci pour vos retours, les gars.