Suite et fin de la séance :
Malgré les dizaines de décharnés les dévorant de leurs yeux morts de l’autre côté de la ligne de menhirs, Le Capitaine et Face d’Ange, bientôt rejoints par Sang Mêlé, veulent revenir en arrière pour tenter de sauver frère Meril.
La jeune archère aux cheveux roux leur étant venue en aide s’interpose, leur déconseillant vivement cette folie : personne ne sort vivant de Mortelande, et n’avoir qu’un mort à déplorer est un miracle. Mieux vaudrait qu’ils mettent fin à leurs jours sur le champ qu’y retourner la nuit tombée. Elle parle la même langue qu’eux, mais avec un fort accent guttural. De son côté la jeune femme trouve du charme à leur façon de parler, comme si ces étrangers chantonnaient au lieu de parler normalement.
Décontenancés les Ashtariens finissent par céder. Le Capitaine, boitant, s’enquiert de l’état de ses « hommes », tandis que Sang Mêlé tente d’obtenir des informations de la « rouquine ». Mais Lorane repart à la charge : il ne faut pas rester ici, c’est trop dangereux. Des bandits en maraude attaquent les imprudents qui s’aventurent sur la route. Il faut s’en éloigner au plus vite et trouver un refuge pour la nuit.
Faisant à nouveau confiance à cette inconnue, les explorateurs suivent la jeune femme au milieu des collines plongées dans le noir, marchant transis de froid pendant un temps qui leur semble interminable.
En chemin le Capitaine, Sang Mêlé, et même la Sorcière assaillent de questions la
rouquine, qui leur apprend peu à peu qui elle est - une druidesse vivant seule dans la forêt initiée auparavant par un ermite qui l’a pris sous son aile - et où ils se trouvent – la Ceinture Verte, contrée loin des cités des hommes. Dès que l’un ou l’autre monte le ton le loup manifeste son hostilité, calmé par sa celle qui se dit sa « sœur » et qui l’appelle « Fougère ».
Au cœur de la nuit, Lorane finit par trouver un refuge sous un rocher plat émergeant d’une colline. Malgré la protection contre le vent glacial du septentrion, les Ashtariens grelottent et veulent trouver de quoi faire un feu. Mais à nouveau Lorane leur intime d’oublier leur idée, le risque d’être repérés étant trop grand.
Le Capitaine serre des dents en s’asseyant, la douleur vive de sa blessure à la jambe s’étant transformée en sensation de brûlure et une fièvre maligne gagnant son corps. Sang Mêlé s’enquiert de son état, et se souvient affolé de légendes parlant des victimes de morsures de morts se transformant elles aussi en créatures non-vivantes…
[En Ashtar point de "monstres", de créatures non-humaines, ou autres bizarreries ; seuls des humains, des animaux, et des histoires imaginaires pour faire peur aux enfants qui ne finissent pas leur soupe ; dans les cosmes conquis on a bien croisé quelques peuples étranges en périphérie des provinces, mais pour l'Ashtarien n'ayant jamais quitté l'archipel, ces anecdotes sont peu vraissemblables]
Lorane propose de lui soigner sa blessure en lui posant un cataplasme sensé chasser tous les maux. Le Capitaine se laisse faire, non sans méfiance, et au bout d’un moment ressent les bienfaits de la médecine de la sauvageonne.
Finalement les uns et les autres se serrent tentant de se protéger tant bien que mal contre le froid. La nuit se passe sans heurts, et seul le froid de l’hiver s’évertue à les agresser encore et encore…
[M4+ : Nuit glaciale. Test de Vigueur (-5 si blessé). Echec : -1 PE ; si 0 PE, -1d6 PV. (effet continu).]
Au petit matin, la Sorcière – toujours frigorifiée et portant son collier cadenassé - monte lentement sur le haut de la colline, et observe le ciel dans toutes les directions. Elle finit par voir une nuée noire d’oiseaux croassant au loin, qui telle une vague s’élance dans une direction, puis se brise sur une falaise imaginaire avant de repartir dans l’autre sens. Cette vision semble lui réchauffer le cœur, et elle redescend tant bien que mal vers le refuge naturel.
En bas, le chef de l’expédition qui a retrouvé ses couleurs, a commencé un interrogatoire en règle du jeune prêtre. Lui et son fils adoptif ont remarqué d’étranges traces de sang séché sur sa manche droite ainsi qu’au pommeau d’un stylet dont le fourreau ouvragé pend à sa ceinture. Le gamin, malmené par les questions et la fermeté du Sang-Azur, finit par craquer : il raconte comme enflammé toute son histoire (tentative de viol par le Grand Pontife… mais en omettant de parler de sa tentative d’assassinat)
[NdMJ : le roleplay du joueur en tant que victime était particulièrement percutant (suivi par celui de ses partenaires) ; d’ailleurs ça m’a surpris qu’il confie aussi vite ses secrets ; comme quoi il ne faut jamais prétendre pouvoir anticiper toutes les actions/réactions de ses joueurs…].
Le Capitaine, prenant à cœur son rôle de juge – pour rappel il a tout pouvoir en tant que chef des émissaires dans un cosme non conquis – réplique en remettant en question de telles accusations salissant la réputation d’un prélat du Temple. Puis demande à Face d’Ange les noms de témoins de la scène. Ce dernier en appelle au témoignage de la Sorcière, qui s’empresse d’intervenir. Avec force le Capitaine remet totalement en question le témoignage de la condamnée, soulignant le fait que sa présence au sein du Palais de la Maison Ashtar ne tient pas debout. Cette dernière cherche du regard le soutien de celui qui pourrait confirmer ses dires… mais seul le silence lui répond. Elle n’en dira pas plus…
[NdMJ : pour rappel Sang Mêlé aurait pu corroborer en partie les dires de son amante, puisque c’est lui qui lui permettait d’entrer au Palais le soir venu ; mais il ne tient pas à ternir son image auprès de Maistre Gal (c’est ainsi qu’il s’adresse au Capitaine)].
Au final le Capitaine sursoie son jugement à plus tard
[NdMJ : de l’aveu hors séance du joueur, il ne leur accordera pas sa confiance sans de solides preuves]. A ce moment Face d’Ange sort une baguette effilée de sa besace et la tend vers la Sorcière en disant qu’il l’a trouvée dans les jardins le lendemain de la scène. Mais avant que la Sorcière ne puisse récupérer son bien, d’un geste vif le Capitaine l’arrache des mains du jeune prêtre en prétextant qu’il est hors de question que l’on donne à la prisonnière quoi que ce soit tant que son jugement n’aura pas été rendu.
Pendant toute cette scène la druidesse se tient à distance avec son loup, non sans observer de façon réprobatrice le comportement curieux des « civilisés »…
Le groupe se tourne alors vers elle, pour lui demander à nouveau de plus amples informations sur sa contrée (elle leur parle de créatures magiques de plus en plus présentes depuis quelques printemps, mais peine à les renseigner précisément sur les collines et le méridion de la forêt). Ils lui précisent également leur désir d’explorer son monde et d’y apporter paix et richesse. Ce à quoi elle répond qu’elle leur ait venue en aide uniquement à la suite d’un présage sous forme de rêve. Néanmoins elle ne voit pas d’un bon œil leurs aspirations : elle tient à sa contrée telle qu’elle est et ne fait guère confiance à leurs « paix et richesse ». Elle veut bien leur venir en aide suite à son présage, mais les prévient qu’elle ne les laissera pas faire s’ils outrepassent ce qui lui semble juste.
[NdMJ : la joueuse de la "rouquine" m'a également épaté par ses improvisations qui collaient parfaitement à l'histoire ; j'ai particulièrement aimé le fait qu'elle représente de façon passionnée l'aspect "Nature" ou féminin de la campagne (alors même qu'elle n'en sait rien) opposé à l'aspect "Civilisation" ou masculin, pour reprendre la pertinente analyse d'Erwan dans le fil "Comment je mène mon KM"... C'est d'autant plus agréable que je n'avais guère prévu de présenter ces deux aspects aussi tôt, et qu'elle a choisi une druidesse comme elle aurait pu choisir un tout autre type de rôle via les illustrations mises à sa disposition...]
Elle finit par leur présenter une carte protégée par un cartouche en cuir bouilli. Sur celle-ci on ne voit pas grand-chose, à part la route au septentrion, un comptoir près de celle-ci, une immense forêt tout le long du couchant, des collines à l’opposé, ainsi que des rivières et lacs ici et là, sans oublier les noms de ces différents lieux.
[aide de jeu : carte A2 et demi sur parchemin maison dans son cartouche ; les joueurs étant invités à y ajouter leur propres annotations au fur et à mesure de l’exploration]
Les Ashtariens demandent des détails sur le comptoir. Elle leur répond qu’elle s’en tient éloignée, tout comme des trappeurs qui arpentent la région. Il lui semble que son mentor lui avait parlé de celui qui à l’aide de sa femme tient le comptoir depuis quelques printemps : un certain Oleg il lui semble. Le vieux druide avait précisé que cet homme avait un accent bizarre… chantant (!).
De suite le Capitaine demande à la jeune femme si elle peut les conduire au comptoir. Lorane fini par accepter, mais les prévient tout de même qu’elle a aperçu les brigands qui s’y rendaient parfois : comme le comptoir est toujours debout cela voudrait dire qu’Oleg est complice des hors-la-loi…
[Fondu au noir :
Frère Meril ouvre les yeux. Allongé sur le dos, il retrouve peu à peu ses sens tout en ressentant des douleurs de plus en plus vives dès qu’il tente de bouger comme si son corps était brisé en plusieurs points. Il se mord la lèvre jusqu’au sang pour ne pas hurler. Il est au fond d’un trou et à plusieurs mètres au-dessus de lui la lumière du jour se met à poindre peu à peu. Il finit par appeler à l’aide, encore et encore, mais seul le vent lui répond… L’espoir cède la place à l’abattement. Il se met à prier en silence attendant la fin de son calvaire : la mort… ]
Suite de l'aventure (arrivée au comptoir) vendredi soir...
[Conclusion : je suis plus que satisfait de ce démarrage. Et mes partenaires sont accros (au point d'avoir déplacé notre séance hebdo du mardi au vendredi pour que la nouvelle joueuse puisse intégrer le groupe durablement).
Je n'apprends rien à personne en disant que la réussite de la première séance d'une campagne est cruciale : c'est elle qui donne le ton pour les séances à venir, qui donne une impulsion essentielle. Ou pas. Ce fut le cas, et je suis aux anges... ]