[CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

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Taho
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

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Voici le troisième chapitre. La prochaine partie aura lieu le 5, soit dans 3 jours.
 
CHAPITRE 3 - L’Ombre
 
Journal de Jorren Blacksword
 
La vie, cher journal, est un duel judiciaire permanent. On y prend des coups : des coups durs, des coups de chance, des coups du sort. Parfois, on s’en relève. Parfois, non. Mais pour la foule des anonymes, peu se soucient de l’issue. Quelles conséquences aura la chute d’un traîne-savate ou d’un éleveur de chèvres ? Il en va autrement d’un jeune homme comme Helman Tully. S’il ne sort pas victorieux de sa lutte avec la mort, quelles répercussions cela aura-t-il sur nos terres, et sur le royaume du Nord ?
Il nous faudrait encore quelques jours pour l’apprendre. D’ici là, nous avions une joute à conclure, et une foule de seigneurs mécontents à apaiser. Le festin tenu ce soir-là pour mettre derrière nous le triste accident fut aussi froid que l’hiver qui, comme le disent si bien les Stark, finit toujours par arriver. Chez nous, il avait pris la forme d’un coup de sang et d’un poignard. Les convives n’avaient qu’une envie, parler de l’incident, mais s’évertuaient avec ingéniosité à éviter le sujet. Cette gymnastique cérébrale laissa tout le monde sur le carreau avant minuit.
Tandis que le château ronflait (excepté mon auguste personne, bien entendu : de nombreuses femmes m’ont assuré que je dors comme un enfant), une ombre se faufilait à l’insu de tous. Entre chien et loup, ma mère s’éveilla soudain, inquiète sans en connaître la raison. Dans les pâles rayons de la lune, elle aperçut sur le bureau de son étude une feuille de parchemin qui ne s’y trouvait pas la veille. Elle descendit du lit discrètement pour ne pas réveiller Torgo, qui dormait du sommeil des braves, et avança vers le document, sur lequel figuraient les mots suivants, écrits de sa plume, mais pas de sa main :
« Lady Lyanna,
J’étais venu vous rendre visite, mais vous dormiez si profondément que je n’ai pas voulu vous déranger.
Nous nous reverrons bientôt. »
L’encre était tout juste sèche.
 
Au cours de ma vie, j’ai eu l’occasion de voir ma mère traverser de nombreuses épreuves. Et toujours, je l’ai vue y faire face, guidée par ses émotions habituelles, souvent de la colère, voire de la fierté, pas toujours bien placée. Mais malgré l’admiration que je lui voue, c’est en toute objectivité que je vous assure que jamais je ne l’avais vue avoir peur. Jusqu’à ce matin. Croyez-moi, la peur, et toutes ses déclinaisons, du frisson à l’horreur, en passant par l’effroi, la tension, le relâchement des sphincters, moi, j’y connais un rayon. Et lorsque ma mère me narra l’épisode de cette nuit là, la main froide de la terreur rampait entre ses organes. Elle se démenait pour le cacher, mais sa détresse ne m’échappa pas.
Torgo, tiré du sommeil par le remue-ménage dans la chambre, se sentit submergé par la rage, et c’est de justesse que ma mère parvint à le calmer avant qu’il ne transforme le mobilier de la pièce en sciure de bois.
Les soldats de garde dans le couloir furent immédiatement accusés de laxisme, mais ils s’en défendirent avec véhémence. Par loyauté, et pour prouver leur bonne foi, ils se mirent d’eux-mêmes aux arrêts en attendant l’interrogatoire du général Stillgar, mais nous parvînmes vite à la conclusion que ce qui venait de se passer ne relevait pas d’une faute de leur part. Ferrego en appela à ses talents mystiques, et, malgré un instant d’hésitation pendant lequel il sembla chasser de la main des papillons imaginaires, il nous révéla qu’une ombre s’était faufilée dans la pièce, comme à travers un mur. Cependant, il nous mit lui-même en garde contre la clarté de ses visions, qui sont toujours chargées de symboles et de métaphores.
Une ombre ! Dans le château ! Je dus m’accrocher à mes sphincters pour ne pas transformer le couloir en latrines. Nul n’était à l’abri, surtout si ce monstre pouvait traverser les murs. L’envie de faire mes bagages pour fuir à la cour du roi Bran de King’s Landing se fit furieusement sentir.
 
Alors que la rumeur se répandait à travers le château, et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, nous apprîmes que les Fer-nés avaient pris la poudre d’escampette cette nuit même, non sans piller le stand de leur voisin au passage, le bon marchand Wilman Damper d’Old Town. Voilà qui allait apaiser les tensions entre nos deux grandes Ladies, Lyanna et Illirya. Goldrick rassembla immédiatement une escouade de cavaliers pour aller à leur poursuite. Torgo se joignit à eux, car il avait grand besoin de prendre l’air, et Dacey s’ajouta à l’équipée, ma chère sœur aussi attirée par le danger que moi par les cuisses des ribaudes.
Malgré les événements, il nous fallut faire bonne figure devant notre cour grandement élargie par le tournoi. Mon frère Jeor dut remonter en selle pour défendre ses chances de remporter la joute. La fatigue joua contre lui, sans doute, et, après une lutte âpre, il dut s’incliner contre son adversaire, notre banneret Alec Brand. Il faudrait ajouter aux vœux de nos vasseurs celui de ne jamais battre leur suzerain en tournoi…
 
Ferrego et sa mère semblaient eux aussi très préoccupés par la situation. Les incidents inexplicables commençaient à se multiplier, et cela ravivait de vieux souvenirs de persécution qu’ils auraient préféré oublier. Le temple de R’hllor était-il de retour pour se venger, après toutes ces années ? Mais si c’était le cas, pourquoi toutes ces circonvolutions ? S’ils avaient le pouvoir de lever une plume pour écrire un message, ne pouvaient-ils pas simplement nous trancher la gorge ? Rien que de l’écrire, je sens mon cœur se serrer.
Ferrego s’inquiétait aussi de la présence qu’il avait sentie lors de sa vision, et qui semblait l’observer. Celle-ci prenait la forme d’un grand papillon de nuit, noir comme la suie. Lui et sa mère vinrent à moi pour savoir si je connaissais la nature de ce symbole, mais force est d’avouer que je n’ai du ménestrel que la musique et la gouaille, pas vraiment la connaissance. Notre mestre Tyler fut de meilleur conseil, et il conjura de je ne sais où une obscure légende des Premiers Hommes, où le papillon de nuit noir symbolise l’annonce du mauvais sort pour les héros.
Alors que nous nous entretenions à ce sujet, un corbeau vint se percher dans la tour, porteur d’un message venu du seigneur Tully de Riverrun.
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le Zakhan Noir
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

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ça claque toujours autant les CR... mais Lyanna qui a peur, j'y crois pas beaucoup beaucoup... à part pour ses enfants
Expliquer une blague, c'est comme disséquer une grenouille. On comprend le mécanisme, mais elle n'y survit pas (Mark Twain, un peu modifié)
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Taho
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

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Voici la suite. =)
 
CHAPITRE 4 - L’effet papillon
 
Journal de Jorren Blacksword
 
Il y a des jours où il vaut mieux rester au fond de son lit ; qu’on y soit seul ou bien accompagné. La paranoïa qui règne au château me donne la migraine. À moins que la cause de mes maux  ne soit ces interminables leçons de méditation ? Depuis que la menace des fidèles de R’hllor s’est faite plus pressante, lady Illirya nous impose ce régime proche de l’esclavage, soi-disant pour nous protéger, mais pour l’instant, elles ne font que me vriller le cerveau. Ça ne pourrait pas être la faute des pichets de vin qui accompagnaient la séance… je n’y ai qu’à peine touché !
J’en tiens pour preuve que Jeor ne s’en est pas davantage tiré que moi. Histoire de prolonger l’humiliation, il a même choisi de poursuivre la leçon en privé avec Ferrego. Je ne me joins pas à l’expédition ; selon ma philosophie, la flagellation doit toujours être ludique et jamais auto-infligée.
 
Bien au chaud sous ma couette, je rassemble les souvenirs flous de la veille. Il me semble que nous avons reçu une missive de la part du seigneur Tully. Nous n’en attendions pas moins, après la nouvelle de l’attentat contre son fils. Son message cochait un peu toutes les cases attendues au vu des circonstances. En résumé, ça ressemblait à ça :
« Horrifiés ceci, déçus cela, le Nord est un royaume de moins que rien, bla bla bla, délégation truc, rapatrier l’enfant machin, et s’il meurt, t’arta gueule à la récré. »
Seul élément inquiétant là-dedans, son attaque à peine déguisée envers la légitimité du Nord à se gouverner en tant que royaume indépendant, d’autant plus indigeste lorsqu’on sait que Tully fait ouvertement partie de ceux qui souhaiteraient réunir à nouveau les Sept Couronnes.
Que s’est-il passé d’autre, hier ? Goldrick n’a-t-il pas ramené ces chiens de Fer-nés ? Ah si, cela me revient, maintenant. Ma chère sœur est rentrée avec son premier scalp, sa première victime, un fuyard Fer-né abattu d’une flèche en pleine tête. Je sens que cet acte l’a profondément troublée, et il faudra que nous ayons une longue conversation à ce sujet, elle et moi, de jumeau à jumeau. Au moins, j’ai pu constater que ma mère avait essayé de la soutenir et pas de l’envoyer paître, comme cela peut lui arriver lorsqu’elle n’a pas la patience pour nos petits tracas.
J’imagine que mon frère et les autres ont dû interroger les prisonniers, mais il me semble que rien de probant n’en est sorti, à part les propos peu crédibles du chef de ces pirates, qui s’est vanté être un ami personnel d’Asha Greyjoy, qu’il appelle « sa reine ». Pour vérifier ses dires, ma mère a décidé de couper la main à tous ses compagnons et de les renvoyer aux Îles de Fer afin d’y porter notre demande de rançon pour ce pauvre bougre. Ainsi, notre loi est respectée, et nous avons une chance d’en tirer profit. Si Asha ne daigne pas nous répondre, il sera toujours temps de jeter cet ahuri depuis la muraille avec une corde au cou.
 
Comme je suis bien dans mon lit douillet. D’autant plus lorsqu’il y demeure le parfum salé de mes ébats nocturnes. Comment s’appelle-t-elle, déjà ? Mais si, ça va me revenir… La petite servante des cuisines que j’ai fait nommer l’autre jour. Une petite paysanne tout à fait délicieuse. Elle était pressée, alors nous avons commencé dans le cellier avant de finir dans ma chambre. Le reste de la nuit est un peu brumeux, mais, dans tous les cas, au réveil, j’étais revigoré. J’aime quand les roturières ont la décence de s’éclipser d’elles-mêmes avant le lever du soleil. Peut-être a-t-elle gagné un deuxième ticket pour le grand soir.
Avant de me replonger dans les intrigues du château, je me remémore les leçons de la veille pour essayer de verrouiller mon esprit. Malgré mon apparent manque de bonne volonté, il ne me sied guère qu’un sorcier de R’hllor prenne possession de mon corps ; mon anatomie, dont les mots peinent à décrire la majesté, est mienne. Me nem nesa.
 
Le reste de la journée est passablement ennuyeux, du moins pour moi. Mais à ce qu’on dit, Ferrego a connu davantage de péripéties. Lors de sa méditation, il a à nouveau senti cette présence, aux aguets, ce papillon noir voletant à la limite de son champ de vision. Incapable de dénouer le mystère de cette vision, il retourne voir cet illuminé de Borren qui garde le Bois Sacré. Apparemment, ses rêves ont été peuplés de papillons, lui-aussi, et il encourage Ferrego à se plonger dans l’esprit des arbres pour en apprendre davantage. Mon ami déploie ses talents et s’échappe de son corps. Les arbres le guident jusqu’à une petite forêt, apparemment non loin d’ici. Et dans les ombres de cette forêt, de petites formes humanoïdes aux yeux luisant l’observent, dont une, une femelle, qui semble être la véritable incarnation de ce papillon de nuit.
De retour dans son corps, Ferrego comprend qu’il doit réaliser un rituel pour en apprendre davantage. Avec l’aide de Goldrick, qui, à ce qu’on raconte, connaît très bien la région (bien mieux que ses occupantes), ils parviennent à estimer où doit se trouver cette mystérieuse forêt.
 
Cet après-midi-là, à la joute, nous assistons à la victoire de Damren Brok. Le champion de la maison Poole défend donc son titre, sans grande surprise. Lors du tournoi d’archerie, ma sœur Dacey s’illustre en se maintenant dans la lice plus longtemps que Cerrah Lannister elle-même, tenante du titre de l’an passé. Finalement, c’est Goldrick qui l’emporte, à plus de deux cents pas de la cible, d’une flèche en plein mille. Encore une victoire de l’Île des Ours.
Après le dîner, nous nous retrouvons pour une deuxième séance de méditation. Cette fois-ci, je produis les efforts nécessaires et parviens à un début de résultat. Les serviteurs de R’hllor vont devoir s’accrocher pour briser mes barrières !
Nous finissons plus tôt que la veille, ce qui permet à Ferrego de s’isoler pour pratiquer sa thaumaturgie. Les mécanismes de ses sortilèges m’échappent, mais je sais avec certitude, pour le lui avoir demandé personnellement, que cela n’implique aucune jeune vierge sacrifiée. Tant est que, peu importe les méthodes, il parvient à transférer sa volonté dans le crâne de piaf d’un corbeau et à s’envoler à la rencontre de ce mystérieux papillon de nuit.
Ses ailes noires le portent vite à destination. Il se pose sur un arbre et croasse. Des silhouettes humanoïdes, pas plus grandes que des enfants, se montrent peu à peu. Leur peau est grise et écailleuse. Leurs yeux perçants ont la couleur de l’ambre, et leurs cheveux ébouriffés sont épais comme du crin de cheval. Ils contemplent le messager à plumes et semblent voir au-delà de sa forme, directement vers Ferrego. L’une d’entre elle, notamment, parvient à entrer en contact avec lui.
Son sortilège les précipite tous les deux dans les ténèbres. Ferrego est à nouveau lui-même, et il fait face à cette étrange enfant aux yeux sans âge.
« C’est toi que nous cherchons. Mais pourquoi es-tu seul ? N’as-tu pas un frère ou une sœur, un enfant de la forêt comme nous ? C’est impossible ! Pourquoi es-tu seul ? »
L’agitation de l’inconnue met fin au sortilège, et Ferrego est à nouveau projeté dans son propre corps.


 
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le Zakhan Noir
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

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Il est beau mon fils!!  Continuez, bravo!
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Taho
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

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CHAPITRE 5 - Briser la cage
 
Journal de Dacey Blacksword
 
Pourquoi naît-on homme ou femme ? Enfant des rois, enfant des rues, qui détermine de quoi sera faite notre âme ? La voie que je me forge dépend-t-elle de mon sang, ou de ma propre volonté ?
Ma mère n’a de cesse de défendre que nous nous élevons de nos propres mains, mais jusqu’où ? Aurait-elle pu devenir ce qu’elle est aujourd’hui sans son statut, sans sa beauté ? Sa volonté, aussi ferme soit-elle, n’a eu d’emprise ni sur l’un, ni sur l’autre.
Quant à moi, des années durant, je n’ai été qu’un fantôme. Bousculée par la présence écrasante d’une mère qui croit tout savoir mieux que tout le monde, j’aurais trouvé davantage d’équilibre si j’avais eu quelqu’un d’autre pour m’aider à me relever. Mais mon père n’est plus, emporté par un mal étrange et inexplicable, et, lorsque nous abordons le sujet, ma famille se ferme comme une huître. Et quand bien même serait-il en vie, rien ne me prouverait qu’il est réellement mon père, si l’on en croit les bruits de couloir qui circulent au château.
Bancale. Voilà ce que je suis. Comme les nombreux éclopés laissés dans le sillage de la guerre qui a ravagé le Nord lorsque je n’étais qu’un bébé. Et lorsqu’on est bancal, il n’existe que deux solutions, soit l’on chute, soit l’on s’appuie sur quelqu’un. Pendant des années, je n’ai fait qu’enchaîner les gadins. Je suis tellement tombée que je ne parvenais plus à me reconnaître moi-même. Jusqu’à ce que je trouve ma voie. Jusqu’à ce que je trouve ma voix.
Lorsque personne ne comprenait ma détresse, c’est Goldrick qui m’a relevée. Il m’a montré que les courbettes des emplumés de la cour ne sont que de la poudre aux yeux. La vie, la vraie, c’est en dehors des murs qu’elle se passe. Lorsqu’on chevauche au grand air, entouré de ceux qu’on aime, on touche du doigt quelque chose de vrai, sans faux-semblants, sans masque.
J’ai pu à nouveau en faire l’expérience ces derniers jours.
Ferrego est venu nous voir pour nous apporter deux informations. La première, c’était qu’il avait découvert qu’un groupe d’enfants de la forêt vivait sur nos terres, et qu’ils lui étaient liés ; celle avec laquelle il était entré en contact le lui avait dit, et avait demandé à savoir où était son frère ou sa sœur, qui aurait dû être un de leurs semblables et les guider vers la liberté. Mais Ferrego est enfant unique, et nous n’avons jamais entendu parler d’un enfant de la forêt dans notre famille. La deuxième information était que, lorsque Ferrego avait partagé sa vision avec sa mère Illirya, elle avait perdu connaissance et ne s’était toujours pas réveillée.
À l’annonce de Ferrego, je vis le visage de ma mère se cailler comme du vieux lait. Elle nous apprit ce que Ferrego avait déjà glané en visitant les cauchemars de sa mère : près de quinze ans plus tôt, Illirya avait perdu un enfant, mort-né, à la peau rugueuse et écailleuse. Volken l’avait avoué à ma mère, sans doute sur l’oreiller.
Pour en apprendre plus, Ferrego demanda notre aide pour se rendre jusqu’au Child’s Wood, où les enfants de la forêt avaient trouvé refuge, en toute logique. Je m’attendais à ce que ma mère envoie Jeor et Goldrick se charger d’en apprendre plus, mais la situation semblait la toucher de près, et elle souhaita s’y rendre elle-même. Elle confia la cité à Jeor, et Torgo lui assura qu’il se chargerait de le protéger. Évidemment, je me devais de participer à l’expédition, et ma mère ne rechigna pas. Il fut décidé que nous partirions dès le lendemain à l’aube, après que Ferrego eut pris un peu de repos. Cela laissa le temps à ma mère de prendre part à la mêlée et de clôturer le tournoi. Sans grande surprise, elle l’emporta contre l’Aigle en finale, sur un coup de chance, d’après lui.
Le lendemain matin, Ferrego eut du mal à se séparer de sa mère, encore alitée et en proie à de terribles visions. Finalement, il nous rejoignit à l’écurie et nous prîmes la route. Après toute une journée à chevaucher, je m’endormais sur ma selle. Il était grand temps de monter le camp. Pendant la nuit, ma mère et Goldrick omirent de me réveiller pour que je prenne mon tour de garde, et leur manque de confiance me mit en colère. Le reste de la matinée, je galopai loin devant eux pour évacuer ma frustration.
Quelques heures plus tard, nous étions dans la forêt, et peu de temps après, nous trouvions le camp des enfants de la forêt. Les lieux étaient étrangement calmes, comme si les animaux avaient pris la fuite. Ferrego plongea son regard dans celui des arbres-cœurs et découvrit qu’une bande de braconniers avait poursuivi un cerf jusque dans ce bosquet et avait surpris les enfants de la forêt. L’une d’entre eux avait été capturée. Goldrick et moi-même débusquâmes les traces des chasseurs et nous nous lançâmes à leur poursuite.
Alors que nous approchions du but, Goldrick partit en éclaireur et découvrit un village entouré d’une palissade de rondins caché à l’orée du bois. Il devait contenir une vingtaine de personnes. Nous étions quatre. En comptant Ferrego. Et malgré le respect que je lui dois, fallait-il compter Ferrego ?
Tant pis, il fallait agir vite. Dès que nous fûmes tous sur les lieux, ma mère s’avança, et nous nous tînmes à ses côtés, prêts à la défendre.
« Je suis Lady Lyanna, maîtresse des Barrowlands. Vous êtes des braconniers et des hors-la-loi. Mais je ne suis pas là pour vous punir. Nous souhaitons récupérer la prisonnière que vous avez capturée dans la forêt. Si vous la libérez, et que nous n’entendons pas parler de vous, nous oublierons votre existence. »
Une fois de plus, sa piètre aisance à parler en public nous joua des tours. Peu convaincus par son discours, ou par ses menaces de renforts prétendument déjà en route, les rustres campés derrière leur palissade sortirent une arbalète et nous tirèrent dessus. Le carreau fusa vers ma mère, qui esquiva juste à temps ; une longue entaille se dessinait sur son surcot.
La fumée me sortit des narines. Ils avaient osé ! Sans même y réfléchir, je bondis pour m’accrocher au sommet de la palissade, basculer par-dessus et prendre pied sur le chemin de ronde. Goldrick me suivit en jurant. Les défenseurs ne parvinrent pas à nous arrêter, et nous engageâmes le combat.
Un instant plus tard, le verrou de la porte de l’enceinte volait en éclat. Ferrego, main dressée devant lui, venait de faire appel à la magie. Ma mère s’engouffra dans la brèche, lame au clair, prête à en découdre. Mais elle eut fort à faire face au plus brave, ou au plus chanceux, de tous les guerriers du Nord. Il lui fallut utiliser toutes ses astuces pour venir à bout de cet insolent, qui la tint longtemps en échec. Heureusement pour elle, l’autre braconnier qui allait la flanquer fut happé par l’air et propulsé loin de là. Bas les masques, Ferrego ! Il révélait enfin sa véritable puissance.
De notre côté, Goldrick et moi parvînmes à nous débarrasser de nos adversaires (je réussis même à mettre le mien hors d’état de nuire sans le tuer) pour nous joindre ensuite à l’avancée de ma mère et de Ferrego. Il restait cinq combattants dans le village, et, malgré leur supériorité numérique, ils baissèrent les armes et implorèrent notre clémence. Ma mère fit preuve de compassion et ne les fit pas exécuter. Les femmes du village l’en remercièrent avec ferveur. Ferrego libéra l’enfant de la forêt, une toute petite fille, haute comme trois pommes, à la peau rugueuse comme l’écorce et aux yeux pâles comme un ruisseau. Elle se jeta dans les bras de Ferrego comme s’il était un frère.
De retour au campement, le reste de la bande des enfants de la forêt nous attendait. Ils ne parlaient pas notre langue, mais, en vision, Ferrego et leur meneur parvinrent à se comprendre. Notre ami nous transmit plus tard leur conversation : les enfants de la forêt étaient réapparus il y a treize ans, enfin réincarnés après s’être perdus pendant de longs siècles. Mais ils avaient à présent besoin de Ferrego pour les guider, car ils étaient encore jeunes et vulnérables. Ils attendaient également son frère ou sa sœur pour les mener, et sa mort les frappa de stupeur et de tristesse, car leurs âmes sont toutes liées, et perdre l’un d’entre eux équivaut pour nous à voir un proche disparaître pour toujours.
Il fut décidé que, pour le moment, les enfants de la forêt devraient rester ici. Il nous incombait de découvrir quelle menace pesait sur eux et comment nous pourrions les protéger.
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le Zakhan Noir
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par le Zakhan Noir »

Hé hé  j'ai l'impression qu'il y a eu quelques jets  improbables dans les combats à vous lire...

C'est bien bon en tout cas, il a l'air costaud en magie le fiston...
 
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Taho »

Bonne année à tous nos chers lecteurs (c'est à dire plus que le Zakhan, on dirait  :P, mais s'il y en a d'autres, on est bioen content aussi). Un CR qui est, d'ailleurs, spécialement dédié à notre Zakhan national, car la plume du Jorren y ressemble tant à celle de son grand cousin Volken qu'on se demande s'il n'y a pas anguille sous roche...  :??:

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CHAPITRE 6 - Le fantôme du passé
 
Journal de Jorren Blacksword
 
Ça y est. L’hibernation commence. Après quelques semaines de réjouissances sucrées et salées, le château et ses environs vont à nouveau se vider de tous ces beaux étrangers venus apporter à notre terne quotidien un peu d’exotisme. Ce matin, alors que les délégations commencent à nous quitter les unes après les autres, je me sens mou et vide. Ma mère, ma sœur, Ferrego et Goldrick ne sont toujours pas de retour ; et il sera de notre responsabilité, à Jeor et à moi, de subir une autre journée de doléances interminables.
Qu’on se le dise ! Si Kevan se présente à nouveau avec une énième histoire de poules volées, je vais le passer par le fil de mon luth (ce qui me forcera, faute d’estoc, à utiliser l’un de ses orifices déjà existant, je vous passe les détails).
Heureusement, nous sommes sauvés en fin de matinée par le retour inespéré de nos fiers aventuriers. Ils reviennent les mains vides, mais la tête haute, visiblement satisfaits de leur expédition. Ferrego est exténué et s’en va se reposer pour se remettre de ses émotions. Il ne manque toutefois pas d’aller faire un compte-rendu complet de ces derniers jours à sa mère, qui a repris conscience la veille.
Finies, les doléances ! La séance est annulée, vos seigneurs ont autre chose à faire qu’écouter vos histoires de clôtures et autres atermoiements de pécores. Nous nous rassemblons dans la salle du conseil, ma mère, Goldrick, Dacey et moi, Jeor, Torgo et lady Illirya, pour entendre le récit de leurs aventures. Malheureusement, beaucoup de nos questions restent en suspens. Comment naissent les enfants de la forêt ? Pourquoi n’en avons-nous pas entendu parler avant ? S’ils sont si liés les uns aux autres, pourquoi ignorent-ils ce qui est arrivé à ce mystérieux leader disparu, le frère ou la sœur de Ferrego ? Une fois de plus, il leur aurait fallu un compagnon d’armes à la langue un peu plus affûtée que la leur pour poser les bonnes questions. Ma mère est certes une brave guerrière, mais je commence sérieusement à me demander comment, balourde dans les mots comme elle est, elle a été capable de produire une merveille du calibre de votre humble serviteur, j’ai nommé moi-même.
Bref, nous restons sur notre faim et reprenons notre vie au château en attendant de pouvoir en apprendre davantage dans les plus brefs délais.
 
Les jours passent. Nous retrouvons nos tâches respectives, c'est-à-dire bien peu de chose, en ce qui me concerne. J’apprends toutefois que, parmi les derniers marchands à avoir remballé leurs étals, des hommes de lady Estian Ironwolf ont été aperçus. Cette vieille bique a décidément une belle dent contre nous. Il en ressort que ses larrons ont tenu des propos séditieux et encouragé les camelots à repartir insatisfaits, voir à répandre la rumeur que notre tournoi n’était pas sûr ! Tout ça pour quoi ? Une pluie de flèches enflammées ? Une tentative d’assassinat ? Un cambriolage et quelques mains tranchées ? Rien de bien extraordinaire, en soi.
Outrée, ma mère demande à Estian Ironwolf de « venir boire le thé » (à lire entre les lignes : ramène tes rides, mamie, ou je t’écharpe). Mais la pauvre Estian a eu l’outrecuidance de décliner l’invitation, sous prétexte qu’elle était « occupée ». J’ai vu de la vapeur sortir des narines de ma mère, et elle s’est déplacée elle-même pour lui sonner les cloches, accompagnée de Jeor. Au même moment, Goldrick allait s’entretenir en personne avec les larrons qui avaient osé tenir de tels propos.
Estian a fait la sourde oreille. Elle nie avoir forcé ses gens à véhiculer des rumeurs, et elle estime que, s’ils ont discuté avec des marchands, pour ne parler que de faits réels et avérés, qui plus est, elle ne voit pas où est le mal. Jeor et ma mère l’ont menacée, à mots couverts, de la jeter dans les geôles si elle s’entêtait, mais Estian a rétorqué qu’elle aimerait bien connaître quelle loi elle avait enfreint pour être ainsi menacée. S’en est suivie une joute verbale entre les deux femmes, a priori pour se remémorer les bons moments passés dans les cachots du château. Elles se sont quittées ex-æquo, et personne ne doute qu’il y aura bientôt un match retour pour les départager.
En partant, ma mère et Jeor ont aperçu Harrow Ironwolf, le fils d’Estian, qui avait épié leur conversation. Jeor est resté un peu pour s’entretenir avec lui, mais l’a trouvé fermé et froid, tiraillé entre ses allégeances. Mon grand frère a voulu savoir jusqu’où pourrait aller Estian, mais Harrow semble l’ignorer lui-même. Jeor m’a rapporté le reste de leur conversation, qui ressemblait à cela :
« Si ta mère tramait quelque chose, tu me le dirais ? a demandé Jeor.
— Et toi, Jeor ? Si ta mère voulait faire exécuter ma mère, est-ce que tu me le dirais ? »
Jeor a lu dans les yeux de Harrow qu’il s’attendait à une réponse négative. Mais mon grand seigneur de frère a répondu :
« Oui, je te le dirais. »
Et Harrow, qui, malgré ses nombreux défauts, sait lire les gens comme des livres ouverts, a été surpris de voir la sincérité et la spontanéité avec laquelle Jeor lui avait répondu. Si cela avait été un habile mensonge, ç’aurait été parfait, mais, connaissant Jeor, il serait capable de mettre sa promesse à exécution. Il faudra s’assurer que, quand nous nous débarrasserons d’Estian Ironwolf, notre projet ne passera pas par lui.
Parallèlement, j’apprends que les hommes d’Estian ont été rossés par des soldats à la solde de Goldrick. Au moins, ce message-là a été franc et direct.
 
À peu près en même temps, j’ai appris que Ferrego s’en était allé, en rêve, ou en vision, je ne saisis pas bien la différence, jusqu’à la tombe du bébé perdu par lady Illirya. Grâce à l’excellente mémoire de la dame d’Ash Harbour, il est parvenu à retrouver l’endroit exact, et a été surpris de découvrir sur les lieux un jeune arbre-cœur bien singulier. Ses deux yeux sont fermés. Tous les experts sont unanimes (et, comme vous pouvez vous en douter, je n’en suis pas un) : les arbres-cœurs n’ont jamais les yeux fermés. Encore un mystère à élucider…
 
Quelques jours plus tard, une rumeur fort alléchante est venue me titiller l’oreille : une beauté sans précédent aurait été aperçue dans l’enceinte du château. Apparemment, c’est Jeor qui l’a repérée le premier, alors qu’il perdait son temps à s’entraîner avec Harrow (je reposais moi-même dans les bras de Morphée… entre autres). Les deux lascars l’ont vue passée, accompagnée d’une dame de compagnie qui tenait plus du lutteur professionnel, et leur mâchoire inférieure a plongé d’une demi-toise. Je n’ai jamais vu mon frère aussi époustouflé par la beauté d’une femme (habituellement, il s’émoustille plutôt pour une lance bien longue, ou un gourdin bien dur ; chacun ses goûts). Même Harrow était rouge comme une pivoine, et il bégayait encore plus qu’à l’accoutumée.
Jeor s’est immédiatement proposé pour accompagner la demoiselle, qui souhaitait rencontrer lady Lyanna. Lorsque ma mère l’a aperçue, son cœur a fait un saut périlleux, un double Lutz et un triple axel. Cette péronnelle ressemble comme deux gouttes d’eau à lady Astreïa Ryswell, feue l’épouse d’un jour de mon grand frère Edrick ! Lady Illirya a eu la même réaction que ma mère, et a à nouveau frôlé la syncope.
La jeune femme, Ashera Greyhearth, nous apprend être la petite fille de Roger Ryswell, détestable et libidineux oncle de notre ami Andre « l’Aigle » Ryswell. Elle n’a pourtant pas la même dot que son aïeule. En effet, si elle est ici, c’est pour quémander une place en tant que dame de compagnie dans la suite de ma mère. Elle semble être au courant de sa ressemblance avec lady Astreïa, et indique à ma mère qu’elle comprend le désarroi qui l’habite. Sa seule arme, outre sa beauté, c’est une lettre de recommandation impersonnelle signée par Andre Ryswell, qui ne l’a plus vue depuis son enfance, avant que sa ressemblance avec Astreïa ne devienne aussi frappante.
Malgré Jeor, qui souhaite immédiatement octroyer à Ashera la place convoitée, ma mère et Illirya flairent l’entourloupe. Incapables de se décider sans une mûre réflexion, elles décident d’un commun accord (une première historique qui restera dans les annales) de lui accorder l’hospitalité pour l’instant, mais dans l’une des chambres les plus éloignées des nôtres, plus proche des quartiers des domestiques, et de discuter de son sort à tête reposée.
Alors que nous nous faisons passer le message de nous retrouver en salle du conseil pour réfléchir à ce problème, mon frère Jeor croise Ashera errant dans les couloirs de l’aile seigneuriale, un peu perdue dans ses pensées. Lorsqu’il nous en informe, ma mère et Illirya commencent à vraiment douter de ses intentions. Ils pensent d’abord à un maléfice, un artifice de nos ennemis, mais Ferrego ne détecte aucun enchantement.
Pour satisfaire les penchants morbides de notre jeune invitée, ma mère la mène dans la chambre d’Edrick, pour lui montrer un tableau d’Astreïa rangé sous son lit. La ressemblance est en effet sidérante. Ashera semble très émue, et nous commençons à penser que, peut-être, elle ne représente pas une menace pour nous.
Ce n’est qu’après que nous comprenons où réside la véritable menace : Edrick lui-même. En effet, ma mère et lady Illirya sont toutes les deux persuadées que, si mon frère tombe nez-à-nez avec la donzelle, son petit cœur blessé n’y survivra pas. Les dieux seuls savent comment il réagirait. Leur priorité sera donc de d’envoyer Ashera suffisamment loin du regard du jeune Immortel pour que jamais il n’entende parler de son existence. Je crois que par « envoyer », elles entendent la placer dans une autre famille vaguement noble, mais, vu l’histoire de notre famille, rien n’est à exclure.
Cela tombe somme toute assez bien, puisque nous avons justement reçu il y a peu une missive de White Harbour nous proposant de venir y effectuer un séjour diplomatique. Nous aurons alors tout le loisir de l’y abandonner… si seulement Jeor parvient à effacer cet air béat qui lui éclaire le visage chaque fois que nous parlons de cette mystérieuse intrigante.
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Ravortel »

Si, si, dans les endroits sombres et glauques se dressent encore des oreilles pour ouïr cette histoire...
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par le Zakhan Noir »

Hé hé c'est vrai qu'il me rappelle quelqu'un le Jorren...

J'imagine bien l'ambiance autour de la table en mode "mmm, Denis essaie de nous entuber, c'est sûr, mais  comment.....???

Je me rappelle bien de ce sentiment!
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Taho »

le Zakhan Noir a écrit : sam. janv. 04, 2020 2:31 pm "mmm, Denis essaie de nous entuber, c'est sûr, mais  comment.....???

Moi ? Jamais ! :ange:
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Harfang »

Taho a écrit : ven. juil. 05, 2019 10:47 am Si jamais il y a des vieux de la vieille qui se rappellent de cette vieille campagne, voici le compte-rendu de l'ultime séance (qui a maintenant 4 ans... ça pique), qui est plutôt un épilogue qu'un compte-rendu.
Oui, on s'en souvient et on est content, enfin moi. :)
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Taho »

Cool ! Ça fait plaisir d'avoir encore des lecteurs.

Voici la suite de nos aventures. On passe enfin la seconde, ça va commencer à chauffer !
 
CHAPITRE 7 - Smoke on the water and fire in the sky
 
Journal de Jorren Blacksword
 
La nuit est tombée. Le château sommeille, moi y compris ; seul, pour une fois, car même les braves ont parfois besoin de repos.
Le cri nous prend tous à la gorge. Il provient de la chambre de Ferrego. N’écoutant que mon courage (sic), je me rue dans le couloir, où je trouve toute ma famille réveillée en sursaut. Ma mère en tenue de nuit, une épée nue à la main, flanquée de son amant, nu lui aussi. Mon frère et ma sœur, Ferrego, et des gardes un peu interdits. Lady Illirya dans mon dos est en train de charger son arbalète.
Soudain, une main immense, noire comme de la poix, surgit de la chambre de Ferrego. Elle empoigne l’un des gardes par la tête et l’attire dans la chambre. Le pauvre homme a à peine le temps de crier.
La forme ténébreuse fait alors irruption dans le couloir et nous fait face, immense, hideuse, toute d’ombre et de fumée. Elle avance vers Ferrego. Ma mère s’interpose.
« Pas la peine de la frapper, elle ne peut pas être blessée ! » hurle Ferrego, soutenu par Illirya.
Ma mère se prépare à éviter la frappe, mais les doigts d’ombre lui percutent le coude et elle s’effondre. Torgo attire son attention et esquive de justesse le revers. Ma mère ne peut plus bouger son bras d’arme, et du sang commence à imbiber le tissu blanc de sa robe. Si elle est tombée à la première attaque, que va-t-il advenir de nous ?
Ferrego lève alors la main et sa concentration semble condenser l’air dans le couloir. La créature s’immobilise.
« Disparais ! » ordonne-t-il.
L’ombre se tord, puis se replie sur elle-même et s’évanouit.
Nous poussons un soupir de soulagement collectif. Le garde dans la chambre de Ferrego s’est fait sectionner une partie de la tête. Fort heureusement, nous avons des gens qui pourront nettoyer ce fatras. Je me vois mal mettre les mains dans le sang et les éclats de cervelle au beau milieu de la nuit ; mais la noblesse de mon rang en est-elle la cause, ou la conséquence ?
L’autre urgence, c’est l’état de ma mère. Son articulation est fracassée. Même avec les doigts de fée de lady Illirya, rien ne nous assure qu’elle récupérera l’usage de son bras. À la tour du mestre, la maîtresse d’Ash Harbour fait de son mieux pour sauver sa suzeraine. Elle replace les morceaux d’os dans la plaie avec minutie et immobilise le coude blessé avec une attelle. Elle pense que lady Lyanna devrait récupérer l’usage de son bras, mais il lui faudra bien huit semaines de convalescence. Ferrego se propose de réduire cette durée en traitant magiquement la blessure, mais ma mère se montre réticente. Elle se donne la nuit pour réfléchir, et nous la laissons se reposer.
Une fois l’opération terminée, Ferrego nous explique que l’attaque s’est produite alors qu’il s’entretenait avec ses amis enfants de la forêt. Il commençait tout juste à entrer dans le vif du sujet avec son interlocutrice, Ramma de son prénom, lorsqu’il a senti l’ombre se manifester dans leur vision et commencer à tâtonner pour se saisir de lui. Impossible de savoir si elle l’a ensuite suivi ou bien si elle savait déjà où Ferrego se trouvait et avait choisi d’en finir. En l’état, on ne pourra pas tellement le lui demander.
Avant d’être interrompu, il a tout de même eu le temps d’apprendre de Ramma la raison du retour des enfants de la forêt. La terrible vérité est que ce sont eux qui ont donné naissance au Night King, grâce à leur magie. Son existence monopolisait toute leur essence et les empêchait de reprendre forme. Lorsqu’il a été détruit, ils ont pu reprendre leur cycle de réincarnation. Ramma lui a aussi dit que se rendre jusque l’arbre cœur aux yeux fermés ne servirait à rien.
Le lendemain, cependant, Illirya décide de partir quand même, et Goldrick se propose pour les accompagner. Mais, avant leur départ, ma mère demande à Ferrego d’utiliser la magie sur sa blessure. Il ne lui faut que quelques heures pour accomplir son rituel miraculeux. Dès qu’il a terminé, la douleur commence à s’estomper.
Ferrego, Illirya et Goldrick nous quittent le lendemain. Ils traversent le Saltspear et débarquent dans le Neck, où ils pataugent à travers les marais pendant plus d’une dizaine de jours. Illirya retrouve le chemin de l’auberge où elle avait accouché presque les yeux fermés, comme dans un rêve ; ou plutôt, un cauchemar. De là, elle se laisse porter par ses jambes jusqu’à la tombe de fortune. L’arbre-cœur mérite à peine ce nom. Il n’en reste qu’un arbrisseau-ventricule, voire une pousse-valve. Sec et cassant. Il ne tiendra pas longtemps. Grâce à sa magie, Ferrego tente d’y insuffler un peu de vie, mais le coût est trop grand, et il risquerait de s’autodétruire s’il s’entêtait. La mort dans l’âme, Illirya fait le deuil de son enfant et ils rebroussent chemin.
De notre côté, le château est étonnamment calme. Après tous ces événements, le retour à notre routine paraît presque choquant. Ma mère en profite pour se rendre à Ash Harbour pour s’assurer que tout le monde se souvienne de la véritable suzeraine des lieux. De mon côté, je me replonge dans les légendes de Westeros et d’ailleurs afin d’élargir mes horizons musicaux. J’espère croiser la jolie Ashera, pour lui faire comprendre que, ce qu’elle désire depuis le début, c’est que je la trousse sauvagement dans un coin de la bibliothèque. Malheureusement, mon plan échoue, car bien que friande de livres, elle ne se rend jamais elle-même à la tour, préférant envoyer sa suivante à la place ; et, soyons honnête, je préfèrerais enfiler un livre que cette trollesse.
Seul élément marquant, si je puis dire, c’est le départ du jeune Tully. Enfin réveillé, bien qu’un peu pâlot, il est embarqué par une délégation menée par un mestre de sa famille. Bon débarras.
 
Quelques jours après le retour de nos aventuriers, nous recevons un corbeau de White Harbour. Lady Wylla Manderly nous annonce que, par notre truchement, elle a accédé à la requête d’Illiryo Mopatis. Afin de sceller leur partenariat, une grande célébration sera organisée dans une douzaine de jours, et lady Manderly aimerait nous y voir. Voilà l’occasion rêvée de se rendre à White Harbour. Ma mère, bien remise de sa blessure, mènera le cortège, et nous serons tous de la sortie. Le général Stillgar se chargera d’administrer le château.
Les bannerets se précipitent pour se joindre à l’aventure, mais aucun plus vite que Harrow Ironwolf, qui semble en pincer lui aussi pour la belle Ashera, et vient demander à Goldrick s’il peut le prendre dans l’escorte. Notre bon garde-chasse a d’abord envie de l’envoyer paître, mais, puisque ses pairs sont eux aussi de l’aventure, la diplomatie exige que nous acceptions. Ce sera d’autant plus amusant ; j’imagine sa tête quand il entendra les cris de bête que poussera sa bien-aimée lorsque je la déflorerai dans son chariot !
Une fois les préparatifs terminés, nous nous mettons en route, avec une cinquantaine de fantassins, une vingtaine de cavaliers et une dizaine d’éclaireurs, plus pour la démonstration de force que pour notre sécurité, je présume. Nous pouvons donc voyager sans crainte, et je vais pouvoir me concentrer sur la partie plus intéressante du voyage : les jupons de lady Ashera, où plutôt ce qui s’y passe. Malheureusement, ma mère m’a doublé, et elle me monopolise jour après jour pour des leçons de diplomatie, avec mon fidèle acolyte Jeor. Puisque Dacey est absente de ces petites réunions, je flaire un complot ourdi par la gente féminine.
 
Enfin, nous arrivons en vue de la cité de White Harbour. Je ne l’ai plus vue depuis notre retour de Braavos il y a quelques années. Je me représente déjà l’accueil au château, les lits de plume, les demoiselles de compagnie naïves et faciles. Porté par ces songes, je m’aperçois à peine que nous avons déjà franchi les murs. Dans le port, une ribambelle interminable de navires arbore fièrement la bannière marchande d’Illiryo Mopatis. Nous voyons sans comprendre des trappes amovibles s’ouvrir dans les flancs des bateaux. Lorsque les bouches noires en sortent, nous ne stoppons même pas nos montures.
Puis la première détonation. Puis une autre. Et une autre. Du feu, des cris, et de la poussière en gros nuages. Le vacarme des bâtiments qui s’effondrent. Des centaines et des centaines d’explosions réduisent le port en cendres. Et soudain, une tour, percutée par une salve, se consume dans un tourbillon de flammes vertes, avec une déflagration plus violente qu’un coup de tonnerre.
À moitié aveuglé par la fumée, je cherche en vain les membres de notre convoi. Le sifflement dans mes oreilles couvre les plaintes de la cité blessée. La poussière et les cendres tentent de se frayer un chemin à travers ma bouche et mon nez jusqu’à ma trachée.
On me saisit le bras. Mes compagnons m’ont trouvé, et ils ordonnent déjà à nos troupes de se mettre en ordre. Au milieu du chaos, ils parviennent à discerner des nuées de guerriers aux armures noires vomis par les bateaux directement sur les quais en ruine.
« Des Immaculés… » murmure ma mère, et l’abattement dans sa voix me glace le sang.
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Ravortel »

:yes:

*reste suspendu au cliffhanger...*
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par le Zakhan Noir »

Euh... même 100000000 de zombis n'ont pas réussi à exterminer les Immaculés.

Du coup, les gens, comment dire.....   bon chansssse?


Et il est bien ce petit Jorren, vraiment... dommage que ce ne soit pas mon fils lui, hin hin
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Taho
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Taho »

Et hop, voici la suite de nos aventures, et pour une fois, c'est Lady Lyanna qui reprend du service pour nous rédiger son petit compte-rendu !
 CHAPITRE 8 – Dans la tourmente (Lyanna Blacksword)
 
Au milieu des cris et de la fumée, le choc me frappe de plein fouet : nous avons été trahis. J’ai été trahie. Par un homme que je croyais mon ami, ou tout du moins mon allié. Mon manque de discernement et mon aveuglement diplomatique viennent d’ouvrir une immense brèche dans la défense du Nord… Illiryo Mopatis, je te tuerai de mes propres mains !
Tandis que la panique gagne la population de White Harbour, j’ordonne à mes hommes de redresser les chariots renversés par l’explosion et de se mettre immédiatement en ordre de marche. L’heure est à la fuite. La ville va tomber, c’est certain ; nous devons nous trouver loin quand cela arrivera. C’est alors que Jeor pointe du doigt une bannière qui flotte un peu plus loin, de l’autre côté de la porte qui nous sépare du quartier portuaire : les Manderly, Wylla à leur tête, se trouvent à deux pas des premiers bataillons d’Immaculés vomis par les galères braavosi.
Ni une ni deux, j’ordonne à Goldrick de prendre en charge la fuite de notre délégation, tandis que j’entraîne à ma suite une dizaine de cavaliers, direction le port. J’ai à peine besoin de solliciter Jeor qu’il est déjà lancé au galop devant moi, suivi de près par Torgo. Dacey, Ashera et Harrow suivent le mouvement. Tant pis ! Je n’ai pas le temps d’ergoter avec une bande d’adolescents entêtés. Jorren, en revanche, n’a pas besoin de mes ordres pour se joindre à la foule en fuite, bien protégé par Goldrick. Illirya et Ferrego ne sont pas en reste, et je les vois vite disparaître en tête du convoi.
Nous franchissons la porte au grand galop, ovationnés par les soldats de White Harbour, qui ont bien compris notre intention de secourir leur suzeraine et son fils. Mais c’était compter sans la ruse des Braavosi. Nous voyons grimper sur les toits une trentaine d’archers, visiblement des infiltrés, grimés en paysans locaux. La moitié d’entre eux se précipite vers la ville haute et commence à arroser la foule. Les autres se concentrent sur le groupe qui entoure les Manderly. C’est donc sous une pluie de flèches que nous nous ruons vers Wylla, protégés par nos boucliers, ainsi que par Dacey et Torgo, qui ont sorti leurs arcs pour nous couvrir du mieux qu’ils le peuvent.
Alors que je crie à Wylla de fuir avec nous, sa première réaction est de reculer. Heureusement, son fils la fait changer d’avis aussitôt, et je parviens à la hisser sur mon cheval, malgré son gabarit fort impressionnant. Jeor, à mes côtés, s’est chargé du petit Manderly. Nous faisons volte-face, mais les Immaculés sont déjà là. Les gens de Wylla, bannerets compris, se mettent en formation de défense, prêts à payer de leur vie pour protéger la fuite de leur suzeraine.
Nous en profitons pour galoper vers la porte, où continuent de s’engouffrer des flots de fuyards, difficilement contenus par les soldats de faction. Hélas ! Une escouade de six Immaculés nous a devancés. Une ligne de lances et de boucliers empêche désormais toute fuite. Jeor, aussitôt, ordonne à nos cavaliers de se mettre en formation pour briser la défense adverse en enfonçant le milieu de la ligne. C’est une opération risquée, et nous savons que les cavaliers qui la mèneront n’y survivront pas, mais c’est notre seule option. Je n’ai jamais été aussi fière des talents de chef de guerre de mon fils !
A mon grand dam, c’est Harrow qui se porte volontaire pour mener la charge : je m’imagine déjà annoncer la nouvelle à sa mère, et les conséquences désastreuses que cela aura, mais je n’ai pas le temps de l’en dissuader. Il a choisi son destin. Dans un galop terrifiant, nous chargeons vers la porte.
Les premiers cavaliers parviennent à percer une brèche, et Jeor s’y engouffre, à grands renforts de lance. Je m’apprête à le suivre quand un coup bien placé me jette à bas de mon cheval. Je roule dans la poussière, suivie dans ma chute par Wylla.
Alors que je vois fondre sur moi une lance fatale, mes réflexes prennent le dessus et je parviens à parer le coup et à écarter l’arme de mon chemin. C’est suffisant pour m’extirper de ma mauvaise position, mais pas pour passer la porte. Je suis néanmoins soulagée de voir que Jeor est parvenu à franchir le barrage et à transmettre son petit protégé à Dacey, pour faire demi-tour aussitôt et se porter à mon secours, gonflé d’une énergie soudaine qui ne me semble pas liée au combat.
Mais il ne parviendra jamais à temps jusqu’à moi ! Heureusement, Torgo est à mes côtés, et il nous reste encore l’espoir de nous enfuir sur son cheval. Soudain, une voix m’interpelle :
« Lady Blacksword ! »
C’est celle du général Alecto Serel, un homme que j’ai connu à Braavos et qui fut tour à tour mercenaire, première lame de Braavos et que sais-je encore… Un des plus fins bretteurs d’Essos. Il s’avance à la tête d’une phalange d’Immaculés. Dans quelques secondes, ils seront sur nous.
Mon sang se glace dans mes veines. Ma fierté me pousse à rester sur place pour l’affronter. Mon instinct de survie me dicte de fuir. C’est le second que j’écoute, et je tourne les talons pour me hisser sur le cheval de Torgo. Las ! Une flèche fait s’écrouler notre monture, et nous roulons à terre dans un fracas assourdissant. Je n’ai pas le temps de me relever que je sens Torgo m’empoigner pour m’entraîner dans une chute acrobatique dont il a le secret et qui me projette à travers la ligne d’Immaculés, de l’autre côté de la porte. Sonnée, je me relève et aperçois à travers le rideau de mercenaires mon Torgo qui se redresse, l’arme à la main, et se tourne vers Alecto Serel.
Mon cœur se décroche dans ma poitrine quand je le vois se jeter contre le Bravoosi. J’ai à peine le temps de lui crier mes derniers mots d’amour que l’épée de Serel, dans une manœuvre incroyable de maîtrise et de subtilité, glisse contre l’arakh de Torgo et vient s’enfoncer droit dans sa poitrine. Je détourne les yeux et me précipite vers Jeor, qui est venu à mon secours.
Avec les survivants, nous galopons vers la sortie. Je remarque qu’Ashera, malgré la poussière qui la recouvre, dégage une aura de commandement incroyable. Je sens que mes hommes seraient prêts à la suivre au bout du monde. Et elle n’a pas hésité à se jeter dans les crocs du lion, armée d’une simple arbalète et d’un minuscule bouclier. Je comprends mieux maintenant l’attraction qu’elle exerce sur mes fils !
A la sortie de la ville, nous retrouvons notre convoi. Nous avons perdu quelques hommes, et des blessés ont déjà été installés dans les chariots, mais les plus grosses pertes sont celles que nous avons essuyées dans le port. Après une courte étreinte, Goldrick m’indique discrètement qu’Illirya et Ferrego ont profité de la confusion pour quitter le cortège et tenter de fuir par leurs propres moyens. Ils sont revenus tout aussi discrètement, dès qu’ils ont pu franchir la porte et retrouver le convoi. Leur lâcheté n’a d’égale que leur aplomb !
Tandis que le convoi se met en branle, accompagné des réfugiés de White Harbour, nous voyons s’élever au-dessus de la ville la bannière de Braavos, accompagnée de celle du temple de R’hllor. Mâchoire serrée, je décide d’envoyer immédiatement un corbeau à Deathwatch pour rendre compte de la situation et alerter la reine, ainsi que toutes les forteresses du Nord. Quant à nous, nous mettons le cap vers Moat Cailin, non sans avoir pris soin de mettre aux fers Saharon Taptis, l’infâme ambassadeur de Mopatis, qui a l’air pourtant aussi surpris que nous de la traîtrise de son maître.
A la nuit tombée, nous installons un campement sommaire, que je fais organiser de façon militaire, afin d’accueillir et de protéger au mieux les 800 réfugiés qui nous accompagnent. Nous rationnons les vivres, et Wylla envoie des éclaireurs dans les fermes voisines. Bien qu’ébranlée par la situation, elle ne semble pas m’en vouloir outre mesure pour le rôle que j’ai joué dans cette attaque. Elle paraît plutôt inquiète pour son peuple et en même temps prête à prendre les décisions qui s’imposent pour endiguer l’invasion, à savoir brûler les champs sur notre passage après avoir récolté tout ce que nous pouvons.
Je suis épuisée, dévastée par la peine, et je dois lutter constamment pour ne pas laisser voir la détresse immense qui m’étreint, maintenant que je me prends de plein fouet la réalité de la mort de Torgo. Mes enfants ne sont pas en meilleur état. Dacey et Jorren sont en larmes. Ils pleurent à la fois un camarade d’enfance et celui a joué le rôle de père pour eux depuis tant d’années. Je vois bien que Jeor est aussi brisé que moi mais, avec l’âme de chef qui le caractérise, il n’en laisse rien paraître. Illirya a disparu auprès des blessés. Ferrego traîne sa silhouette dégingandée dans l’ombre de ses amis, difficile à lire, comme toujours. Si j’en crois ce qu’il a raconté à Jeor, lui et sa mère se sont retrouvés en mauvaise posture lors de leur fuite dans les bas-fonds de la ville, et ils ne doivent leur survie qu’aux pouvoirs du jeune sorcier, sans quoi ils auraient fini peu glorieusement, étripés par une bande de brigands qui voulaient profiter de l’occasion pour leur faire les poches.
Je ne rêve que de m’écrouler dans ma tente, mais je trouve encore la force de faire le tour de nos gens pour les rassurer et leur montrer que leur suzeraine est encore là, debout avec eux dans l’épreuve. Tandis que le camp s’abandonne peu à peu au sommeil, une rumeur court dans les rangs : la silhouette d’un dragon aurait été aperçue là-haut, passant devant la lune…
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