[CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Critiques de Jeu, Comptes rendus et retour d'expérience
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

[Inflorenza] Piano Massacre.

kF et Marine nous relatent une partie par mail, émotive et imprégnée de fantastique romantique et mégalo, avec une variante système par kF, Inflorenza scriptoria !

Image
crédits : motionblurstudio, paradigmshifter, tom natt, licence cc-by-nc, galerie sur flickr & evelyne, libre de droits & Lewis Wickes Hine, domaine public
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Message par Pikathulhu »

LES NOCES DE FEU

Situation initiale, complexité, rythme, création de personnage : quand les choses dérapent dans un lendemain de noces chauffé à blanc.

Jeu : Empreintes & Horlas, derniers grognards dans les forêts maudites de Millevaux

Joué le 11/09/15 sur google hangout
Personnages : Benz, Myra, Orcam

Partie enregistrée sur ma chaîne youtube

Image
crédits : Denise ~*~, Lady Caos, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


Personnages, statistiques connues par l'arbitre :

Orcam, druide
Cheveux en rasta maintenus dans une toile de jute. Tout nu.
Total PA : 113
DEX 15+
FOR 14

Benz, horsain
total PA : 114
Limitation EMP : attire les horlas
Limitation EGR : double personnalité
DEX 15+
FOR 17

Myra, voleuse
total PA : 110
EGR 2. limitation : pertes de conscience
CON 18
DEX 17
FOR 20


L'histoire :

Benz, Myra et Orcam se réveillent dans une grange transformée en dortoir improvisé. Ils se rappellent juste qu'ils sont dans un village normand, mais pour le reste c'est le black out. Il y a trois gros matelas à même le sol. Benz est allongé dans l'un d'entre eux, en costume de marié. A ses côtés... Mercedez, la mariée ! Orcam est au lit avec un couple dont on se rappellera plus tard qu'ils sont les amis de Myra. Myra est au lit avec un couple dont on se rappellera plus tard qu'ils sont les beaux-parents de Benz !

Il doit être autour de 4h du matin. Mais il fait anormalement chaud. Les grognards regardent par les fenêtres : le village est attaqué par une quinzaine de bandits à cheval qui brandissent des torches et mettent le feu aux maisons ! Il y a des villageois qui courent dans tous les sens. Un bandit poursuit un villageois et lui jette une torche enflammée, le villageois devient un brandon humain en un clin d’œil. Les bandits doivent utiliser un produit accélérant.

Benz repère un bandit placé en embuscade derrière la fenêtre avec un cocktail Molotov. Elle ramasse une pelle par terre. L'homme au Molotov casse la fenêtre, Myra lui plonge dessus et l'assomme, Benz lui éclate la tête à coup de pelle, mais ce faisant l'homme lâche le Molotov qui explose à ses pieds.

Orcam ausculte la porte de la grange, elle est très chaude, la paroi extérieure est sans doute en feu. L'autre mur d'angle est froid, il repère une planche vermoulue qui pourrait sauter, mais il trouve mieux : il monte à l'échelle pour arriver au stock de paille et à la lucarne qui donne sur le toit. Il passe sur le toit et va se cacher derrière la cheminée. Il voit qu'il y a une quinzaine de bandits. Leur chef, c'est l'Artificier, un gars en armure de mailles qui fonce vers la grange sur un cheval noir au poil roussi, et qui manie une lance-flammes artisanal.
Orcam prépare un rituel de druide pour invoquer un sanglier spectral qu'il pense lancer contre l'Artificier. Il fait aussi signe aux amis de Myra de monter, ce qu'ils font mais arrivés à la lucarne, ils n'osent pas monter sur le toit, pris de vertige.

L'Artificier casse la deuxième fenêtre avec son coude et crache au lance-flammes à l'intérieur. Benz a juste le temps de tirer ses beaux-parents par la ceinture avant qu'ils ne se fassent griller ! Le beau-père, espèce de gros ventre à cidre, a été difficile à tirer ! La belle-mère vient de se réveiller, mais le beau-père est toujours endormi, cuité au calva, alors Benz le ramène à la réalité d'une bonne paire de baffes.

Orcam repère un curieux manège : cinq bandits convergent vers le silo à grain. Ils sont accueillis par Silêtre, l'adjoint du bourgmestre, un pauvre type au visage couperosé par le cidre, et Silêtre leur montre une trappe cachée sous le silo.

Benz fait monter son épouse et ses beaux-parents sur la paille en face de la lucarne.

Myra s'empare d'une fourche, se juche sur la fenêtre en face du silo, et saute par-dessus la flaque enflammée du cocktail Molotov. Elle contourne la grange et plante sa fourche dans le réservoir du lance-flammes de l'Artificier et lui déchire sa cotte de mailles.

L'Artificier, impressionné, fait tourner bride à son cheval et fonce vers la forêt. Myra enflamme la traînée d'essence qu'il laisse derrière lui. Avec un peu de chance, ça peut marcher...

Une colonne de flammes au-dessus des arbres lui indique que l'Artificier a eu son compte !

Crameur, le cavalier qui avait embrasé un villageois sous leurs yeux, fonce sur Myra, et la manque de peu de son épée. Myra l'empale à coup de fourche et le fait vider les étriers.

Benz saute du toit comme une boule et éclate un cavalier d'un coup de pelle au passage. Il avise une maison en face, tout le rez-de-chaussée est en feu, il y a un gamin à l'étage !
Le bourgmestre tire le bras de Benz : les bandits sont en train de piller l'or du village caché sous le silo ! Il doit gérer ça en priorité ! Benz le regarde avec mépris. Il crie à l'enfant de sauter sur la paille qui traîne sur le sol, mais l'enfant n'ose pas. Alors Benz plonge dans la maison en feu, il monte à l'étage et attrape le gamin et fait glisser jusqu'à la terre ferme, avant de mourir de ses brûlures.

L'Artificier neutralisé, Orcam utilise son rituel différemment. Il détruit une de ses dreadlocks et invoque un sanglier spectral. Il saute du toit sur le dos de son sanglier et fonce sur Silêtre et les pillards du silo, et les met en déroute pour un temps.

Myra avise une villageoise, la Madeleine, dont il se souvient comme d'une colporteuse de ragots, alors qu'elle entre dans une cabane dont il se rappelle être la sienne. Il voit la Madeleine en sortir avec une dague sertie de pierreries : un cadeau de son mentor !

Myra fonce et rattrape Madeleine dans la forêt, il la menace de sa fourche et exige qu'elle lui rende la dague. Madeleine, terrorisée, pose la dague à terre et s'enfuit au fond de la forêt. Myra se sent observée. Il y a une présence intangible. Elle sent qu'elle va perdre le contrôle d'elle-même, mais au dernier moment elle se maîtrise et retourne vers le village.


État des règles :

+ Retour à la limitation à trois dépenses de points par carac, suite aux remarques du précédent test.
+ Une routine d'improvisation : à chaque nouveau round, je dois introduire un nouvel antagoniste, une nouvelle opportunité pour les grognards, une marelle spéciale.


Durée :

+ Briefing et création de personnages : 1/2 h
+ Jeu : 2 h
+ Debriefing : 3/4 h.


Retour des joueurs :

Retour du joueur d'Orcam :
+ Pas de cohérence dans les durées fictionnelles des rounds. On fait beaucoup de choses pendant un round, pour autant mon personnage n'a rien fait.
+ Les dépenses de points limitées à trois par carac = c'est bien car ça limite.
+ La liste d'actions est à la fois très large et très ciblée.
+ Les rounds sont trop longs.
+ Comme tu nommais les bandits, on se demandait si on les connaissait.
+ Il y a déjà beaucoup de trucs à l'écran, il faudrait passer sous silence ce qui est hors-champ.
+ J'aime le principe des missions.
+ J'aime le principe que la magie ait un coût, par exemple ici qu'il faille un round pour préparer son rituel, mais j'étais frustré parce que trop de choses se sont passées entre le moment où j'ai préparé mon rituel et le moment où j'ai pu le lancer.
+ Beaucoup d'interruptions de la fictions, avec les dépenses de points, avec les relances.
+ On n'a pas vu l'univers que tu as annoncé.
+ Y'a plein de stats. Possible d'en réduire le nombre ?
+ L'idée de que les grognards souffrent d'un black out, c'était intéressant, mais c'était unilatéral (les figurants semblent se souvenir de tout), et à un moment dans le jeu, il y a une bascule où tu as commencé à nous expliquer notre passé sans qu'on l'ait demandé ou payé pour çà.


Retour du joueur de Myra :
+ Au sujet de la limitation de dépenses à trois points par carac = tout ce qui peut limiter la durée des rounds est le bienvenu.
+ Tu as fait beaucoup de changement de règles, ou de réinterprétation de règles, pendant la partie.
+ La partie manquait de rythme.
+ Attendre une demi-heure entre chacun de ses rounds, c'est dommageable pour le rythme. A chaque fois, j'avais le temps de me faire un café, lire mes mails...
+ Tout ce qui peut structurer le jeu me paraît bon à prendre : par exemple tester 3 dépenses en tout pour le tour, plutôt que 3 dépenses par carac.
+ Je n'ai pas été convaincu par le système, je me suis ennuyé.
+ Je n'ai pas vu l'univers. Je m'intéressais aux horlas et à l'oubli, je n'ai vu ni l'un, ni l'autre.
+ Le système doit être énormément résumé et retaillé.
+ La feuille de personnage est trop foisonnante, pas lisible (par exemple, il faudrait au moins épaissir le bord des cadres dédiés à chaque carac).
+ A cause du tirage aléatoire, je joue un personnage qui ne m'intéresse pas. Je voudrais qu'on revienne à un choix de classe et/ou à une création progressive avec une banque de points.
+ La tension était élevée au début quand tu nous as décrit l'adversité, mais nos personnages se sont avérés tellement bourrins que la tension a redescendu d'un cran.
+ A chaque fois qu'on avait une idée, ça marchait, et tu nous as autorisé des retours en arrière. Du coup, tu nous avais annoncé du challenge, mais je n'en ai vu aucun.
+ Le fait qu'il y ait des mystères, ça aurait été intéressant, ça aurait pu faire comme le gris-rêve de Rêve de Dragon, il se passe des choses selon un paradigme qui nous échappe.
+ Le fait qu'on soit des grognards, c'est mineur, l'ancienneté ne se ressent pas en jeu.
+ Voir le jeu Charognards qui pose la question : est-ce que je me préoccupe que de ma survie, ou est-ce que je m'intéresse aux autres ?
+ Est-ce que tu savais ce que tu voulais produire comme effet ? Quelles sont tes intentions ludiques et narratives ?
+ L'impro était trop visible, par exemple tu disais : "je vais nommer ce figurant comme-ci, celui-là je vais le nommer comme ça."
+ On aurait davantage joué avec la mémoire s'il y avait eu plus d'enjeux visibles, comme dans le film Black out (des personnes se réveillent, certaines sont en costume de convoyeurs de fond, d'autres en costume de prisonniers évadés, tous sont armés, mais ne se rappellent de rien !) ou dans un épisode de La Quatrième Dimension.


Mon retour personnel :

Je ne donne pas tort aux retours des joueurs. Je vais retravailler le jeu sur trois axes :

+ Gestion du rythme :
On va limiter à trois actions par tour et par personnage ou figurant.
Je vais tester aussi une chose : on oublie la coordination, on oublie la gestion de tour traditionnelle où un grognard / figurant fait ses trois actions puis on passe au suivant et ainsi de suite. J'essaye la formule suivante : un grognard fait une action, puis un figurant fait une action, puis un grognard fait une action, et ainsi de suite, jusqu'à ce que tout le monde ait épuisé ses trois actions (ça implique que certains vont grouper leurs actions en début de tour, d'autre à la fin, d'autres vont les répartir tout au long du tour). On essaye un jeu plus organique, où tout le monde peut intervenir quand il veut, ou par conséquence toute le monde est absorbé par le jeu. A voir.

+ Improvisation :
Prendre deux minutes au début de chaque tour pour réfléchir, poser des enjeux, étoffer ses figurants, etc., pendant que les joueurs se coordonnent.
Partir, pour valoriser le black out, sur cette routine au début de chaque tour : placer un nouvel antagoniste, un nouveau mystère, une marelle spéciale.
Ne pas tout justifier sous prétexte de poser des enjeux (ainsi, j'ai expliqué qui était la Madeleine, à qui appartenait la dague, sans demander de points de mémoire).
Toujours pour valoriser le black out, ne pas donner toute l'explication sur une dépense d'un point de mémoire, donner plutôt un indice. Du genre : "La Madeleine sort de cette maison avec ce qui semble une dague de voleur." ou "La Madeleine a une tête de colporteuse de ragots.". Quitte à être plus précis si le joueur fait une dépense en formulant une question plus précise comme : "Quel est l'objectif de la Madeleine ?"
Toujours pour valoriser le black out, ne pas nommer les figurants, les désigner par un trait saillant : le chef, le traître, la colporteuse de ragots, etc...
D'autres jeux me permettent de fournir une impro de qualité en boucle, ce n'est pas le cas de celui-ci, où je dois prendre un peu plus de temps. Peut-être quelques tables aléatoires (notamment une table de motivation des figurants) ne seraient-elle pas du luxe.

+ Création de personnage :
La création de personnage aléatoire a montré quelques limites. D'un côté, les grognards se sont retrouvé en situation de net avantage parce qu'ils étaient costauds dans les carac les plus adéquates dans cette situation (FOR, DEX). Je ne dois pas en tirer d'extrapolations trop hâtives car dans une autre scène ils auraient pu être en difficulté, surtout si j'avais pris le temps de m'adapter, par exemple en attaquant sur le social ou le surnaturel, ou en faisant des attaques groupées.
Mais le vrai souci, c'est le regret de certains joueurs, de jouer un personnage dont ils n'ont pas choisi les points forts et les points faibles. Si je considère la création aléatoire comme un marqueur de l'OSR, à moi de voir si je conserve sans amendement, au risque de me sacrifier un public.
L'autre problème, c'est la classe de personnage aléatoire. Le joueur de Benz avait pris la peine de lire ma version playtesteur, et il avait choisi sa classe à l'aance, il avait l'air d'être déçu de se retrouver avec une classe aléatoire. Le joueur de Myra était également très déçu de devoir jouer un voleur.
Je vais tester la formule suivante, en m'inspirant des suggestions du joueur de Myra : les joueurs ont le choix entre choisir leur classe ou en tirer une aléatoire. Pour les carac, on repart sur un pool 6-7-8-9-10-11-12-13 : je connais d'avance la somme des PA pour calculer mon adversité. Le joueur annonce à quelle carac il attribue un 6, on tira sa limitation et on commence à jouer.
Pendant le jeu, à chaque fois qu'un joueur veut dépenser les points d'une carac, il attribue un score de son pool à la carac concernée. Ou il le fait tout en jouant, pendant les temps morts.
La création de personnage est un peu rallongée par le choix de classe, mais réduite parce qu'on zappe le tirage de carac.
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Message par Pikathulhu »

[Inflorenza] Réveils

Dans ce compte-rendu par kF sous Inflorenza Sei, de la fantasy poétique, des rêves, des dieux, des cycles et des corbeaux.

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crédits : ajmatthehiddenhouse, arbyreed, Kotomi,me'nthedogs, Mic the otter spotter,TwOsE, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com
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Message par Pikathulhu »

LA SUCCESSION DE SHAMAN OURS

Test du théâtre "Au Nord sous les étoiles silencieuses", entre trip chamanique et rébellion dans le Grand Nord, au sein d'un village de devoirs et de non-dits, harmonie de groupe et solipsisme.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Ce compte-rendu a été rédigé par Eugénie, un tout grand merci à elle ! Compte-rendu original sur La Partie du Lundi

Joué le 28/11/2015 à la Librairie Charybde lors de la tournée Paris est Millevaux
Personnages : Shaman Rennes, Pierre, Phénix, L'Ombre, L'épouse de l'Hiver


Image

credits (c) par Etienne-Martin, cc-by-nc par Flavio~ & trevorklatko, galeries sur flickr


Le Théâtre :

Au Nord, sous les étoiles silencieuses : un théâtre d'Epiphanie.
Tout au nord se trouve un village dont on dit que c’est le dernier avant les glaces. Les habitants y vivent dans un hiver éternel, la nuit dure dix mois et l’on n’adresse plus ses prières au soleil, trop faible ici pour exaucer les souhaits. Comment survivre entre les deux malédictions de la forêt et
du givre sinon en se réfugiant dans ses obsessions, pour ne surtout pas penser à la limite, là où la forêt s’arrêterait et où habitent les vieilles légendes du passé ?


L'Histoire :

Pas de tour préliminaire

Tour 1

Shaman Renne a lu les runes et ils sont néfastes. Les esprits du gel menacent le village. Il se dirige vers le centre du village pour faire part de ses préoccupations aux habitants.
[Légendes incarnées] Je veux lutter contre les esprits du gel qui ont décidé de mettre à mal le village
Shaman Ours, le Shaman des glaces est aujourd’hui très vieux et très faible. Il l’intercepte et lui annonce qu’il n’aura pas la force d’endosser le Costume (son costume de Shaman, une énorme structure de bois, de tissus, de peaux) pour affronter la glace. Shaman Ours fait part de ses doutes quant à la vocation de son apprenti Pierre, qui n’est peut-être pas prêt.
Shaman Renne se propose de confier la tâche à Shaman Loup, ce qui implique une promenade dans la neige, et la disparition du vieux Shaman…
[Pulsions] Le gâtisme de Shaman Ours nécessite que l’on prenne sa succession en main.


Pierre aime sculpter seul dans la forêt. Il façonne un arbre givré pour lui donner la forme d’un ours, c’est sa façon de méditer. Il ne se sent pas prêt à devenir Shaman à la suite de Shaman Ours, car il aime trop la vie qu’il mène, et refuse de l’oublier.
[Glace] Je ne veux pas devenir Shaman Ours et partir dans l’autre monde de glace car ça me ferait oublier mon passé
Il aime rentrer dans la chaleur de sa yaranga, et que sa femme Inouk l’y attende. Il ne sait pas lui parler, il n’a pas les mots, mais il a besoin d’elle, de sa présence et de son regard.
Inouk prépare le repas, ils mangent, en silence, puis alors que la nuit progresse, il taille encore des petits objets dans des ivoires narval. Enfin, quand le feu est au plus bas, ils se déshabillent et se couchent, et il lui fait l’amour, comme chaque nuit, sans mot dire, son corps dit ce que sa bouche tait. Et puis ils s’endorment sans rêve.
[Solitude] Sans Inouk, je me sens seul.


Phénix, la fille de Shaman Renne, harangue une vingtaine de villageois. Tous portent des masques bricolés à tête d’Ours noir. Elle attise le mécontentement envers les Shamans, qui seraient menteurs, alcooliques, manipulateurs et avides. Tous les hivers, ils disent combattre les « esprits du gel », mais en réalité ils ne sont bons à rien.
[Animisme] Les Shamans n’en ont plus pour longtemps
Phénix évoque une route qui mène en des lieux où le climat serait plus clément. Elle dresse un tableau idyllique des terres du Sud.
[Obsessions] Je veux conduire le peuple au Sud.


L’Ombre rôde dans le village. Il ne sait plus s’il est un humain qui a oublié sa substance ou une ombre qui aurait pris son indépendance.
[Société] Je reviens toujours au village.
[Nature] Je veux sentir le lichen sous mes pieds.


Ce qui suit s’est passé il y a longtemps : la jeune fille est morte d’une épidémie de fièvre-givre. Mais quand les Shamans ont déposé son corps pour ses funérailles célestes, c’est L’Hiver qui est venu la chercher et il l’a prise pour épouse.
Elle s’est éveillée il y a peu dans un palais de glace désert, et enceinte de l’Hiver. Elle a quitté le palais sans savoir où aller est ses pas l’ont ramenée au village. Elle s’en approche avec envie, attirée par sa chaleur.
[Glace] Je veux que la chaleur du village soit un berceau pour mon enfant
Pierre interpelle l’épouse de l’Hiver. N’étant pas encore Shaman, il vient sans arme, mais il lui demande de partir et laisser le village, le gel a fait trop de mal. Si elle revient, il la combattra pour la chasser définitivement. L’épouse de l’Hiver insiste, en échange de chaleur, elle propose de changer le village en jardin de givre, et offrir des funérailles célestes à tous ses habitants.
[Glace] Seule la glace est pure


Tour 2

Phénix vient trouver Shaman Renne dans sa hutte. Elle l’accuse de les avoir abandonnées, elle et sa mère. Lui affirme ne pas se souvenir de sa vie d’avant. Phénix essaie de convaincre Shaman Renne de considérer son projet de partir au Sud. Elle sort une carte qu’elle brandit, mais Shaman Renne la jette dans le feu.
Conflit duel (Shaman Renne & Pierre vs Phénix) : Phénix l’emporte sur un sacrifice, raye « Je veux conduire le peuple au Sud ».
En sortant la carte du feu, Phénix s’est brûlé la main.
Pour Shaman Renne : [Pulsions] La vie d’avant est finie, il n’y a rien à regretter… il ne faut rien regretter


Tandis que Pierre contemple Inouk dormir et voit qu’elle n’est pas heureuse.
[Ténèbres] Si Inouk reste dans la nuit, elle sombrera
Phénix va trouver Pierre pour achever de le convaincre de ne pas devenir Shaman et de laisser Inouk partir au Sud avec les Ours noirs. Pierre acquiesce en échange de son aide : deux horlas hantent le village, l’un d’ombre, l’autre de glace ; il veut endosser le Costume pour les chasser, mais il ne peut pas le faire seul.
[Pulsions] Ce soir j’aurai le courage d’endosser le Costume


Phénix et Pierre se glissent dans la grotte de Shaman Ours pendant son sommeil et tentent de faire endosser le Costume à Pierre à l’aide de poulies.
Shaman Loup vient chercher Shaman Ours pour l’entraîner dans la forêt et l’y perdre, comme disparaissent les Shamans trop vieux. Shaman Ours se réveille à peine, pendant que Pierre et Phénix paniquent. De l’intérieur, Phénix renvoie Shaman Loup en criant que Pierre va devenir leur nouveau chef, et que le temps des Shamans est terminé.

Conflit duel (Phénix & L’épouse de l’Hiver vs Shaman Renne & Pierre) : Shaman Renne l’emporte.
[Solitude] Le destin du Shaman : être seul et endosser la responsabilité collective
Pour Pierre : [Société] Même si j’en déteste l’idée, je dois devenir le chef
Phénix est subjuguée par la force qui émane de Pierre.
[Société] Le village va avoir un nouveau chef qui guidera la peuple vers la vérité de l’esprit.
[Chair] Il faut que j’apprenne à résoudre mes conflits autrement que par la violence.
Pour l’épouse de l’Hiver : [Ténèbres] J’ai peur que les Shamans me renvoient à la nuit.


L’Ombre n’a trouvé qu’une personne à qui parler. C’est Inouk. L’Ombre lui parle (ou c’est Inouk qui parle) de solitude, de silence, de froid. Ce qu’Inouk ne peut pas dire à Pierre, ou entendre de lui, c’est L’Ombre qui s’en charge. Et Inouk sombre, petit à petit.
[Solitude] La solitude est une tempête qui nous assaille, Inouk et moi.


L’épouse de l’Hiver a longtemps tourné autour du village, attirée par sa chaleur et craignant les menaces de Pierre. Elle a fini par s’approcher de la grotte de Shaman Ours, et se coller contre la porte, sans oser entrer.
Shaman Renne s’en vient à son tour chercher Shaman Ours devenu trop vieux. Les villageois l’accompagnent. En les voyant arriver, l’épouse de l’Hiver panique, la porte contre laquelle elle s’appuyait vole en éclats de givre, et elle tombe à l’intérieur, aux pieds de Pierre dans le Costume.
Dans le monde des esprits, elle voit se dresser trois silhouettes au-dessus d’elle : Pierre en ours monumental, Shaman Renne dont les bois sont ornés de houx, et Phénix.
L’épouse de l’Hiver tente de supplier, elle demande de la chaleur pour son enfant à naître. Pierre lui propose un compromis : il lui donnera sa chaleur la moitié de l’année, il élèvera l’enfant. Inouk partira avec Phénix pour le sud, pour la durée de l’Hiver, pour éviter de sombrer. Mais quand elle reviendra, l’épouse de l’Hiver devra partir.
Au moment où l’épouse acquiesce, l’Hiver s’en vient reprendre son bien.

Conflit duel (L’épouse & Pierre vs Phénix) : l’épouse de l’Hiver l’emporte sur un sacrifice et raye « J’ai peur que les Shamans me renvoient à la nuit ».
Au moment où Pierre la prend dans ses bras, l’épouse de l’Hiver subit sa délivrance. Les premiers cris de son enfant sont un gazouillement d’oiseau et d’eau qui court, son nom est Printemps. Et à son cri, l’Hiver se détourne et s’enfuit.
Pour Phénix : [Ténèbres] Printemps doit mourir
[Obsessions] Ma place n’est plus dans le village, ni du côté de mon père, ni côté de Pierre


Tour 3

Shaman Renne félicite Pierre d’avoir accepté de devenir Shaman. Pierre se défend, il n’a pas vraiment accepté il a juste endossé le costume… Mais Shaman Renne est confiant, les Shamans ont tous commencé comme ça. Et puis ils s’assagissent.
Phénix vient parler de sa mère à Shaman Renne : elle est seule et sombre petit à petit depuis qu’il les a oubliées toutes les deux.

Conflit duel (Pierre & Phénix vs Shaman Renne). Shaman Renne remporte sur une puissance. Il refuse le souvenir.
[Ténèbres] Mes dernières attaches à l’humanité disparaissent les unes après les autres
Pour Phénix : [Nature] La glace m’a définitivement pris mon père.


Pierre veut chasser le horla d’ombre. Il demande à Phénix de la conduire à la maison de sa mère, l’ancienne épouse de Shaman Renne. Il l’accuse d’être la cause de l’Ombre qui rôde autour Inouk, mais la vieille ne comprend pas. Dans son dos, L’Ombre les observe. Phénix tente de tuer sa mère, devenue l’ombre d’elle-même, pour la délivrer. Pierre veut l’en empêcher..

Conflit duel (Phénix vs Pierre). Phénix l’emporte sur une puissance.
[Animisme] L’ombre étend son emprise ?
Pour Phénix : [Troupeaux] Le troupeau des ours noirs est prêt pour le départ
[Solitude] La solitude est une tempête qui nous assaille
L’Ombre reste seule, penchée au-dessus du corps sans vie de la mère de Phénix.


Épilogue

Les Ours noirs de Phénix ont fini par prendre le départ vers le Sud. Inouk s’est jointe à eux. Ils atteignent l'épave d'un cargo échoué.

Pierre a été incapable de formuler un adieu, enfermé dans son mutisme, mais débordant d’amour pour elle.

L’hiver a passé. L’Ombre rôde toujours au sein du village, elle a remarqué que certaines personnes se mettaient à briller. L’épouse de l’hiver brille particulièrement fort.

Cette dernière attend le retour d’Inouk avec inquiétude. Elle ne veut pas qu’on la chasse mais elle a accepté.

Shaman Renne regarde sa yourte brûler, abandonnant ses dernières traces d’humanité. Les ours noirs partent au sud avec celle qui fut sa fille. Prenant dans ses bras celle qui fut son épouse, il se rend dans un grand cimetière de glace où gisent dans de grands blocs translucides les morts du village. Au milieu d’une rangée, une place vide, celle qu’occupait la femme qu’il a aimée et qui n’est désormais plus là. Il y installe celle qui fut sa femme et se détourne vers l’est, la forêt et la nuit.

Le printemps approche. Pierre attend Inouk sur le seuil de sa Yaranga. Elle ne vient pas. Il regarde en face de lui l’arbre où il sculpté l’ours. A côté, L’épouse hivernale sculpté un arbre de glace, qui commence à fondre. Pierre a sa hache en main. Il s’approche de l’arbre-ours. Et frappe !


Feuilles de personnage :

Shaman Renne
[Légendes incarnées] Je veux lutter contre les esprits du gel qui ont décidé de mettre à mal le village
(barré) [Pulsions] Le gâtisme de Shaman Ours nécessite que l’on prenne sa succession en main
[Pulsions] La vie d’avant est finie, il n’y a rien à regretter… il ne faut rien regretter
[Solitude] Le destin du Shaman : être seul et endosser la responsabilité collective
[Ténèbres] Mes dernières attaches à l’humanité disparaissent les unes après les autres

Pierre
[Glace] Je ne veux pas devenir Shaman Ours et partir dans l’autre monde de glace car ça me ferait oublier mon passé
[Solitude] Sans Inouk, je me sens seul
[Ténèbres] Si Inouk reste dans la nuit, elle sombrera
[Pulsions] Ce soir j’aurai le courage d’endosser le Costume
[Société] Même si j’en déteste l’idée, je dois devenir le chef
[Animisme] L’ombre étend son emprise ?

Phénix
[Animisme] Les Shamans n’en ont plus pour longtemps
(barré) [Obsessions] Je veux conduire le peuple au Sud
[Chair] Il faut que j’apprenne à résoudre mes conflits autrement que par la violence
[Société] Le village va avoir un nouveau chef qui guidera le peuple vers la vérité de l’esprit
[Ténèbres] Printemps doit mourir
[Obsessions] Ma place n’est plus dans le village, ni du côté de mon père, ni du côté de Pierre
[Nature] La glace m’a définitivement pris mon père
[Troupeaux] Le troupeau des ours noirs est prêt pour le départ
[Solitude] La solitude est tempête qui nous assaille

L’Ombre
[Société] Je reviens toujours au village
[Nature] Je veux sentir le lichen sous mes pieds
[Solitude] La solitude est une tempête qui nous assaille, Inouk et moi

L’épouse de l’Hiver
[Glace] Je veux que la chaleur du village soit un berceau pour mon enfant
[Glace] Seule la glace est pure
(barré) [Ténèbres] J’ai peur que les Shamans me renvoient à la nuit


Débrief Thomas (Carte Rouge et solipsisme) :

Une des choses qui m’ont plu dans la partie de samedi, c’était qu’entre joueurs on évitait d’imposer notre façon de voir les choses aux autres joueurs.

Plusieurs exemples :
Phénix dit que le Shaman Renne ment sur plusieurs points (de tête, sur le fait qu’il n’aurait regret de sa vie passée, sur le fait qu’il manipule le village et invente des menaces pour garder la suprématie), mais R. évite de dire à Epiphanie comment il doit jouer Shaman Rennes où quels faits sont vrais au sujet de Shaman Rennes, Epiphanie a fait lui-même le tri dans les propositions de R. formulées à travers son personnage
Je pose des questions à J. sur ce qu’est son personnage, il dit qu’il n’est pas encore décidé, et on le laisse se maintenir dans son indécision
Pierre dit à l’épouse de l’Hiver qu’elle est dangereuse pour le village, mais moi j’évite de te demander si tu veux jouer une antagoniste, c’est toi qui décide si Pierre psychote ou si ses craintes sont fondées.
Pierre pense qu’Ombre et la vieille sont une seule et même personne, et en tant que joueur je laisse J.t en décider ou laisser planer le doute.

Où je veux en venir :
Quand on voulait donner notre patte à l’univers émergent et au roleplay des autres personnages, on évitait de formuler des propositions en tant que joueur, on faisait des suppositions en restant dans le personnage. D’une, ça laissait la possibilité au joueur de refuser la proposition sans recourir à la violence du véto, de deux ça créait une impression de solipsismes, chaque perso avait une vision différentes du monde, et ces visions coexistaient. J’ai trouvé ça élégant, et non-violent, et mind-fuck.
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

[Inflorenza] Caverne Carnage

Le groupe de kF s'essaye au chair et sang dans ce huis-clos cavernicole sans tabou et sans pitié.

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crédits : Alf Igel, Samovaari, sctatepdx, TiZ, Zoriah, licence cc-by-nc
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

DAR-EL-ASWAD

Débauche organique, métaphysique et mémorielle pour un commando familial à la recherche de la souche parfaite.

Jeu : Innommable, horreur métaphysique par Christoph Boeckle

Joué le 26/09/2015 à la Convention Scorfel
Personnages : Joseph Emerson, Javier Emerson, Jonas Emerson


Image
crédits : augustusoz, chaley420, extraviam, silverbat, swamibu, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


Contexte :

La Casa Negra, ville engluée dans les algues au large de l'Atlantique, battue par des vents chargés de spores.
La Casa Negra, cité des mystères et des mosquées, cité des assassins mystiques et caches des hérétiques
La Casa Negra, cœur grouillant de l'Entre-deux-zones, déversoir de toutes les cames du mondes, aventuriers drogués jusqu'à l'os

La Casa Negra, dernière beauté de l'orient, le parfum des dattes, la voix douce de la prière et le chuintement du singe-vampire.

La Casa Negra, dont on ne revient pas.


L'histoire :

Les garçons de la famille Emerson sont les descendants d'une vieille lignée post-raciale américaine, et travaillent tous pour la firme Monsanto. Jonas, le grand-père, est logisticien. A six mois de la retraite, on lui colle une mission de terrain : infiltrer le territoire interdit de Millevaux, par-delà le Mur de la Honte, précisément à Dar-el-Aswad, pour dénicher une souche végétale qui aurait la bienveillance de pousser sans eau, sans terre, sans engrais, d'être résistante à toutes formes de ravageurs, et si possible pouvoir accepter un gène de stérilité afin que Monsanto en fasse la nouvelle nourriture de l'Amérique, la seule qui pourrait remplacer le Soleil Vert depuis que les yankees ont détruit leur environnement.

Pour cette dangereuse expédition, il a choisi les deux seules personnes en qui il a confiance : Javier Emerson, son fils, commando militaire de l'armée privée de Monsanto ; et Joseph Emerson, son petit-fils surdoué de vingt ans, botaniste chez Monsanto.

Javier a une dévotion aveugle envers Monsanto, et surtout envers la bannière étoilée. Jonas est encore bercé par les illusions de sa jeunesse.

La première difficulté, c'est de franchir le Mur de la Honte. Les trois commandos voyagent léger, un petit sac avec des habits de rechange, des armes de poing, un médikit, des téléphones à ondes courtes, une caisse d’échantillonnage pour la souche. Et pour négocier avec les autochtones, des choses qui ne valent rien aux USA et cher derrière le Mur : des composants électroniques et des figurines à collectionner. Et, pour les transactions vraiment sérieuses, quatre diamants.

Ils embarquent à bord d'un cargo mauritanien, une embarcation rouillée jusqu'à l'os construit en Inde il y a des décennies. Le cargo cabote le long de l'Atlantique, il est sensé faire une pause du Mur, et de là un sous-marin peut les emmener de l'autre côté par un tunnel de contrebande.

Dans le cargo cohabitent plusieurs tribus qui s'en disputent le contrôle. Ils croisent notamment Mama Samba, prêtresse vaudou avec une tête de mort peinte sur le visage. Elle porte en sautoir une masse de colifichets et de trophées organiques qui défient les connaissances de Joseph : assurément Mama Samba doit faire des passages en Al-Milval. Ils croisent aussi des américains, certains sont des safarimen arrogants et armés jusqu'aux dents, d'autres sont des narcoterroristes attirés par les rumeurs folles au sujet des substances qu'on peut consommer à Dar-El-Aswad : orgones, jus de scolopendre, viande noire... D'autres encore sont des migrants qui regrettent déjà leur départ. Une femme américaine va les voir, elle dit s'être faite dépouiller, elle leur demande un peu d'aide ou d'argent, ils l'éconduisent sans ménagement.

Aux postes de vigie, c'est l'effervescence. La famille va voir de quoi il retourne. La vigie est un jeune mauritanien efflanqué et nerveux, il colle tout le temps ses yeux sur une paire de jumelles customisées. A ses côtés, le chef de la tribu dominante, coller d'oreilles et cartouchière en bandoulière. Ils disent qu'un navire de garde-côtes, une dizaine de personnes à son bord, patrouille aux abords du Mur de la Honte. Il faut renoncer à franchir le Mur car si les gardes-côtes voient le cargo s'approcher davantage, ils vont appeler des renforts, un porte-avions par exemple.

Joseph leur dit de prétexter une avarie mais ils refusent le stratagème. Javier et Joseph descendent en douce saboter la dérive du cargo à coups de barre à mine. Le cargo dérive alors vers le Mur. Les gardes-côtes arraisonnent le navire, ils demandent à monter sur le pont pour procéder à une inspection, on les laisse faire.

Javier part dans les soutes. Il trouve le sous-marin, un petit submersible jaune d'exploration scientifique tenu par Loïs, la pilote, une noire africaine avec des cheveux tressés qui lui descendent jusqu'aux genoux. Il lui dit que le chef de la tribu dominante a ordonné un départ du sous-marin. Loïs gobe le baratin, elle monte sur le cockpit et actionne des commandes à main pour faire descendre le sous-marin dans l'eau.

Sur le pont, Jonas et Joseph organisent une émeute contre les gardes-côtes ; ils excitent les migrants contre eux, ils expliquent à Mama Samba qu'ils peuvent franchir le Mur ensemble si elle coopère, alors elle soulève aussi sa tribu.

Jonas et Joseph profitent de cette panique qui occupe à la fois les gardes-côtes (certains sont blessés ou tués) et la tribu dominante. Ils descendent aux soutes avec Mama Samba et deux de ses hommes. Javier pousse Loïs sur le quai et Jonas, qui a fait un stage en océanographie, s'installe aux commandes. Avec Mama Samba et ses hommes, ils s'entassent dans le submersible et partent vers le Mur. A l'intérieur, l'équipement a connu des jours meilleurs, tout est rafistolé, recouvert de graisse et de chatterton. Jonas donne un diamant à Mama Samba en paiement de sa collaboration, qu'elle fiche sous une dent factice.

1. Un océan de verdure

Les phares du sous-marin éclairent le Mur. Ils repèrent l'entrée du tunnel de contrebande. Des algues vertes en rayonnent et commencent à couvrir le Mur à l'extérieur. En passant dans le tunnel, ils constatent que les algues ont tellement colonisé la paroi que le passage sera bientôt impraticable. Déjà, le sous-marin est frôlé par des filaments verts. Joseph manipule les pinces du submersible pour placer un câble de télécommunication le long de la paroi.

Alors qu'ils arrivent à l'autre bout du tunnel, un spectacle inédit s'offre à eux : ils entrent dans une véritable Mer des Sargasses, où naviguent des bancs de poissons. Une telle biomasse marine a tout pour les surprendre, quand il ne reste plus que des méduses et des sacs plastiques dans le reste de l'Océan Atlantique.

2. Fougères

Le sous-marin suit les balises de contrebande et refait surface dans une rade de Dar-El-Aswad aux pontons vermoulus et couverts de moules immenses. En arrière-plan, on aperçoit la masse végétale de Dar-El-Aswad, seuls les minarets et les terrasses émergent de la canopée, noirs de moisissures. La ville est quasiment enfouie sous la jungle. Joseph reconnaît des variétés sub-tropicales qui n'ont rien à voir avec la flore réputée locale, et des espèces de fougères arborescentes disparues depuis l'Ère du Crétacé !

Le sous-marin s'engage dans le quai d'accueil tenu par des trafiquants berbères armés de longues carabines. Leur chef est installé derrière une table, sous un auvent. Il a un drôle de strabisme. Au-dessus de sa tête, une trentaine de papiers tue-mouches crépis d'insectes, et il en vient d'autres que le chef écrase du plat de la main dès qu'il en a l'occasion. Le chef réclame un paiement pour la traversée. Jonas, qui est le seul Emerson à parler arabe, lui donne des figurines et des composants électroniques. Le chef ricane un "Choukran !" ironique, en teste un en le cassant avec ses dents. Il écarte toutes ses bricoles d'un revers de main : "Vous devez me payer !", et ses hommes braquent Jonas avec leurs carabines. Jonas répond que c'est à Mama Samba de payer, Mama Samba prétend que ce n'est pas ce qui était prévu, elle dit au chef des trafiquants qu'ils ont des diamants. Jonas riposte : il précise que Mama Samba a un diamant dans une dent creuse. Mama Samba se retrouve obligée de le céder aux trafiquants, puis elle s'éloigne avec ses hommes, drapée dans sa fierté. Les Emerson viennent de se faire une ennemie.

Jonas demande aux berbères s'ils peuvent lui indiquer une auberge à moins de dix minutes d'ici. Tahar, l'un des berbères, grand et mince, barbu, avec de grands yeux noirs, lui dit qu'il a un cousin en ville qui tient une auberge, et qu'il peut les y conduire. Jonas le prévient que ça a intérêt à moins de dix minutes, comme il a demandé. Les berbères rigolent. "Ici, on ne compte pas en minutes.", précise Tahar.

3. L'autobus

Suivant leur guide, les Emerson longent la ville par la côte. C'est une grande plage avec du sable comme de la cendre où s'échouent de gigantesques méduses. Tahar leur dit de ne pas s'en approcher, mais Joseph ne peut s'empêcher de prélever un échantillon de venin de méduse dans une pipette.

Ils passent devant une longue jetée de bois putréfié. Au bout de la jetée, il y a un autobus jaune. Joseph le reconnaît avec stupeur : c'est l’autobus qui l'amenait à l'école quand il était enfant. Tahar leur dit ne pas s'en approcher non plus.

Ils s'enfoncent à nouveau dans la jungle, évitant de gros crabes mous à la carapace blanchâtre et translucide. Ils avancent sous les palmes et quand ils voient du linge à pendre tendu au-dessus de leurs têtes, ils comprennent qu'ils sont dans une rue. Il y a une femme agenouillée devant sa maison, qui vend des insectes vivants dans des pots en terre, grouillant de cafards et de gros scolopendres enroulés comme du boudin. Joseph est tenté de goûter mais Javier et Jonas l'en dissuadent. Ils montent une série de rues et de terrasses indéchiffrables sous la végétation, en fait ils progressent dans la ville végétaliser pendant des heures avant d'atteindre une courelle où jappe un chien à trois pattes, très maigre. Il est attaché au mur et devant lui, une gamelle désespérément vide.

Tahar montre l'entrée obscure d'une casbah aux murs ocres. Ils sont arrivés. Une odeur de cuisine en émane, à la fois agréable et écœurante, et pas du tout familière pour les Emerson qui n'ont connu que le Soleil Vert de toutes leurs vies.

Javier entre le premier. Planquée de l'autre côté, une vieille berbère au crâne recouvert d'un foulard noir abat un couteau de boucher sur sa poitrine. Jonas tente d'agir, Tahar lui tire une balle de plomb dans le bras. Jonas crie à Javier de se défendre, de tirer comme quand il était petit, qu'il avait joué avec une carabine à plombs pour tirer sur le chat des voisins. Il l'avait manqué, mais il n'avait pas manqué le voisin ! Javier se ressaisit, il donne un coup de crosse à la vieille pour la neutraliser. Il voit une bête sauter dans les escaliers en feulant. C'est un chat. Le chat des voisins ?

Joseph ceinture Tahar d'un bras et lui cale la pipette de venin de méduse sous la gorge. Il a cassé l'extrémité pour que la pipette devienne une lame. Tahar dit à la vieille, qui est sa mère, de rendre les armes. Il explique leur geste par le fait qu'il fallait bien manger ! La garniture du couscous est prête, mais il manque de la viande. Joseph leur dit qu'ils n'avaient qu'à manger le chien, Tahar répond qu'il ne faut surtout pas manger le chien. Jonas, dans la fougue de sa jeunesse, se comporte comme il a vu dans les films. Avec sa pipette ébréchée, il sectionne l'oreille de Tahar et la jette à la vieille : "Tu n'as qu'à faire çà à manger !". Tout le monde est sous le choc. Jonas lui dit de lâcher Tahar.

4. Le couscous

Aussi étrange que cela puisse paraître, Tahar considère que comme ils l'ont épargné, il leur doit la vie, et par conséquent qu'il a une dette d'honneur envers eux. Les Emerson demandent à manger, et la vieille leur sert le couscous. La semoule est un mélange de boulghour et d'autres céréales. Ce sont les "légumes" qui sont spéciaux. On dirait des étoiles de mer spongieuses, de teintes différentes. Les Emerson mangent cette nourriture étrange, c'est la première fois qu'ils mangent quelque chose qui a du goût (le Soleil Vert n'en a aucun). Quand ils les mâchent, les étoiles de mer semblent prendre vie. Et une fois dans leur estomac, elles semblent interagir avec leur métabolisme.

Ils décident de rester dormir là. Mais Javier pense à sa grand-mère (la mère de Jonas). Il la voit dans sa maison, elle est vieille, autour de quatre-vingt ans, elle est attablée à son bureau, elle tient dans sa main un formulaire et un stylo. C'est un formulaire pour l'accession au pensionnat de fin de vie. On raconte que les personnes âgées y coulent leurs derniers jours heureuses, peut-être qu'elles sont dans des rêves narcotiques. La grand-mère hésite, elle s'apprête à signer. Javier s'agite, et alors tout le monde voit la grand-mère, elle est dans la casbah avec son bureau, son formulaire et son stylo. Jonas explique à Javier ce que signifie le pensionnat de fin de vie : en fait les vieux finissent en Soleil Vert ! Javier se rue sur le stylo et l'arrache de la main de la grand-mère. Il vient de la sauver ! Comme la vision est terminée, la grand-mère et son bureau tombent en cendres. Pas une cendre gris, fine, homogène, mais une vraie cendre d'incinération, avec des teintes différentes, des grumeaux, des morceaux d'os, une odeur.

5. Tout se mange

Le chien aboie toujours. Tahar lui jette des cailloux pour qu'il se taise. Joseph demande à Tahar pourquoi il ne le nourrit pas. Tahar répond qu'il ne faut surtout pas le nourrir. Les Emerson lui demandent d'où viennent tous ces prodiges : l'autobus, le chat, la grand-mère, les étoiles de mer qui interagissent avec le métabolisme.

Tahar est sur le pas de la porte, il les regarde et dans la nuit on voit presque plus que ses yeux. Il dit : "C'est l'emprise, la transformation. Ici, tout ce que tu manges finit par te manger. Et tout se mange, ici." Il démontre ses dires en grattant un peu du mur ocre de sa casba et en le mangeant sous leurs yeux. Joseph essaye à son tour. C'est comme un biscuit rance, mais ça se mange.

Jonas demande auprès de qui ils peuvent en savoir plus sur ce phénomène, que Tahar appelle l'emprise. Il leur dit que les sheitanites en savent long sur le sujet, mais qu'ils sont corrompus, impurs. Sinon, ils peuvent aller voir la doyenne de la ville, celle qui a absorbé le plus d'emprise dans sa vie. Elle vit dans le harem.

Le chien à trois pattes aboie toujours. Joseph, poussé par sa curiosité, lui donne les cendres du souvenir de son arrière-grand-mère à manger. Le chien se met alors à gonfler, gonfler, pas sa tête, seulement son corps. Ses trois pattes grandissent et se désarticulent comme celles d'une araignée, et il se rue sur Joseph la gueule grande ouverte ! Il lui vomit les cendres sur le visage. Tahar les admoneste pour avoir ignoré son avertissement.

Joseph demande à Tahar de les conduire à la doyenne. Guidés par leur hôte, ils partent dans la nuit. Il n'y a plus de rues que la jungle n'ait rendue impraticable ou dangereuse. Tahar leur fait escalader les toits, traverser des casbas, monter de terrasse en terrasse. Ils aperçoivent les cimes de la ville sous les étoiles, comme une cité inca perdue dans la jungle. A l'ouest, l'océan ondule et soupire comme une chevelure.

Sur une terrasse, ils croisent un mendiant assis par terre. Mendier ici, à cette heure. Autre bizarrerie de Dar-El-Aswad.

Ils montent encore, et soudain, arrivés sur une nouvelle terrasse, voient des points rouges glisser sur leurs fronts. Ils se jettent à couvert ! Une voix leur dit de jeter leurs armes dans la rue en contrebas. Ils s'exécutent pour ce qui concerne leurs flingues, mais Javier garde son couteau, bien planqué. ça discute en chinois depuis le parapet d'où viennent les snipers. Ils tirent un filin vers la terrasse des Emerson, et une chinoise s'en sert pour descendre en tyrolienne jusqu'à eux. Elle est vêtue d'une combinaison noire, elle a un visage très pur. Elle se présente comme faisant partie de la firme Corail, le concurrent asiatique de Monsanto. Elle leur demande de lui confier tous leurs échantillons et de leur relater tout ce qu'ils ont appris depuis leur arrivée. Joseph leur confie son échantillon de venin de méduse, elle ouvre sa combinaison et en sort une capsule pour ranger ça. Ils repensent à Tahar. Il a été empoisonné quand Joseph lui a tranché l'oreille. Peut-être est-il un mort en sursis ?

Quand les Emerson relatent qu'ils ont mangé de la nourriture locale, la chinoise semble abasourdie par leur amateurisme. "Nous avons amené notre nourriture de Chine. Hors de question de manger local, c'est bien trop risqué !". Elle leur explique que l'emprise est partout en Al-Milval, elle rayonne, c'est une particule qui peut altérer l'ADN, un peu comme un virus, mais elle peut traverser la chair, comme une radiation. Quoiqu'il en soit, c'est par la nourriture qu'elle se transmet le plus. Javier commence à douter de son patriotisme. Les USA l'auraient-ils mandaté pour une mission-suicide ?

Javier profite que la chinoise soit surprise pour la ceinturer et lui plaquer son couteau sous la gorge. ça s'affole, ça tire dans tous les sens. Jonas se prend une balle dans le genou ! Il voit la perspective de sa retraite s'éloigner. Lui qui voulait tant retrouver sa cabane de pêche dans l'Oregon... Même s'il n'y avait rien à pêcher ! Ce sera quand même bon de faire semblant.

Alors, dans un bruissement, sortant des fenêtres sur le parapet des snipers, navigant entre des palmes, passent des carpes.

Les snipers crient en chinois : "Chef, permission de vous tuer ?", une langue que connaît Joseph. La chinoise répond par la négative, elle laisse les Emerson dicter leurs conditions. Ils demandent que les snipers leur confient leurs fusils en échange de la chinoise, ce qu'ils font, puis les deux groupes se séparent, Monsanto et Corail partent chacun de leur côté.

Tahar peut donc finir de conduire les Emerson au harem. C'est un édifice qui est dans les sommets de la ville, un palais arabe à l'architecture complexe et audacieuse. Les Emerson négocient l'entrée avec les eunuques en promettant de laisser leurs fusils de sniper en paiement.

A l'intérieur, ce sont des colonnes ouvragées et des rosaces arabes aux détails somptueux, des plafonds hauts en fractales démentes. C'est au final moins un harem qu'un gynécée : on ne voit pas l'homme qui serait le maître des lieux, on ne voit pas non plus d'eunuques. Ce sont de grands bains environnés de vapeurs. Ils croisent des femmes uniquement vêtues de bijoux. Certaines sont sublimes, d'autres, entraperçues à travers les vapeurs, sont beaucoup moins regardables.

On les conduit au cœur du harem, une très grande salle au plafond très haut, une vraie nef soutenue par un entrelacs de poutres blanches qui forment une rosace.

Installée sur les poutres, la doyenne. Son corps occupe presque toute la surface de la salle, elle n'est qu'une masse de bourrelets et de cheveux blancs qui pendent jusqu'au sol comme des lianes. Les Emerson prient pour que les poutres soient solides.

Au centre de la salle, un grand bassin, et flottant sur le bassin, ce que la doyenne leur nommera "le Lotus", une énorme fleur vivante, comme faite de peau et de mycélium, avec en son centre un sphincter qui pulse.

La doyenne leur parle, et c'est comme une multitude de voix différentes sortaient de ses bourrelets, toutes très douces et très calmes, et elles s'expriment dans une langue que les Emerson comprennent d'instinct, car c'est la mère de toutes les langues. La Langue Putride.

Ils lui demandent de leur expliquer comment trouver la Souche, elle leur demande de leur offrir un souvenir chacun, elle en a besoin pour se nourrir. Jonas raconte la fois où Javier a voulu tirer sur le chat, et il oublie le souvenir à mesure qu'il le raconte, alors que la doyenne l'absorbe. Une forme poilue et humide remonte à la surface du bassin. C'est le chat des voisins, mort.

Joseph raconte la tarte aux citrons que lui faisait son arrière-grand-mère, la mère de Jonas. Remontent à la surface des yeux de crème au citron et des morceaux de pâte imbibée.

Javier raconte un moment qu'il avait passé avec sa grand-mère, la mère de Jonas. A la surface du bassin remontent un formulaire et un stylo, puis une masse de cheveux blancs. C'est la grand-mère. Javier la sort de l'eau. Elle est nue.

La doyenne exulte. Elle leur dit que la Souche est là, au cœur de la ville, au cœur de l'emprise. La Souche, c'est le Lotus.

Joseph coupe une feuille de lotus et la place dans sa caisse d'échantillonnage. Mais le métal de la caisse fond comme du plastique. La doyenne jubile. Ce n'est pas comme ça qu'on transporte le Lotus. La boîte, c'est eux. Ils doivent manger du Lotus.

Tahar se met à tousser. Il recrache de l'eau de mer. Un tentacule de méduse lui sort de la bouche, puis un autre des narines, un autre de l'oreille ! Le venin fait son effet ! Tahar vomit des méduses, son visage est enflé par le venin, il s'écroule et tombe dans le bassin, raide mort.

Des coups de feu, étouffés par des silencieux. Surgissent alors les snipers et la chinois de Corail. Ils se sont ré-équipés et les ont suivis jusqu'ici, se frayant un chemin par les armes. La chinoise leur hurle de ne pas toucher au Lotus, mais Joseph a le temps d'en croquer un pistil.

Il offre à la doyenne toutes ses connaissances en biologie afin d'obtenir de la puissance en échange. Les Emerson s'emparent des fusils qu'ils ont extorqués aux chinois. Le combat s'engage. L'emprise est à son comble dans la salle. Une fleur de chair ensanglantée pousse sur la blessure de Javier. Jonas crache du sang mélangé à des caillots nécrosés. Il se fait blesser à la colonne vertébrale. Devenu paraplégique sous le choc, il tombe dans le bassin. Il sent la perspective de sa retraite s'éloigner de plus en plus. Dans le bassin, il y a des carpes, il y a sa femme, nue, elle n'aimait pas pêcher avec lui, elle avait peur de monter en barque, elle avait peur de tomber à l'eau, elle ne savait pas nager. Jonas fait ce qu'il peut pour la récupérer, Javier les tire tous les deux hors de l'eau.

Ils ont neutralisé les snipers et Joseph a capturé la chinoise de nouveau. Il lui demande de manger du Lotus. Elle servira de réceptacle, il l'épousera, elle sera sa femme, ils auront un enfant. Joseph sent comme des dizaines de petites explosions dans son crâne. La chinoise refuse de toutes ses forces. Joseph mange une feuille de Lotus. C'est comme manger un gros concombre de mer, ça a le même goût de mollusque, ça remue pareil.

Il est temps de partir. Mais que faire de la femme de Jonas et de sa mère ? Ils comprennent qu'elles ne sont pas des illusions, elles se sont vraiment matérialisées ici, il faut les ramener. Javier se dit : "Heureusement que je n'ai pas pensé à ma femme !". Alors des cheveux noirs remontent à la surface du bassin. Javier est écœuré. Il se prend la tête dans ses mains : ne pas penser à ma femme, ne pas penser à ma femme, ne pas penser à ma femme...

Joseph tente de participer à l'effort de concentration pour ne pas se souvenir. Des taches de sang éclatent dans son champ de vision. Toute sa jeunesse lui repasse devant les yeux. C'en est fini des illusions de ses vingt ans. Javier s'exclame : "Monsanto, ils savaient ! Ils avaient prévu dès le départ qu'on serait le réceptacle ! Les salauds ! Le pays nous a sacrifié !". C'en est fini de sa foi en la patrie.

Jonas regarde sa femme et sa mère, nues, ruisselantes. Elles l'entraînent dans le fond du bassin, il se laisse faire. La voilà, sa retraite. Javier a un flash. Il se voit en écrivain. La chinoise, c'est son éditrice, il lui remet un manuscrit qui raconte cette histoire.

La réalité
se délite

complètem en t !

"Vous ne comprenez pas", exulte la doyenne. "Oubli, emprise, égrégore, tout ça c'est la même chose !". Des fleurs de Lotus poussent sur tout le corps de Joseph.

Javier regarde le bassin, impuissant.

Il en sort une belle femme

nue

aux longs cheveux noirs

c'est sa femme


Outrages infligés aux personnages :

Joseph Emerson :
Perte de ses connaissances
Explosions dans le crâne
Tâches de sang dans la vue
Fleurs de lotus qui poussent sur le corps

Illusions de la jeunesse (attache) :
Sacrifiée

Javier Emerson
Hachoir dans la poitrine
Fleur-Blessure

Patriotisme (attache)
C'est une mission-suicide
Monsanto nous a trahis
Monsanto nous a sacrifiés

Jonas Emerson
Blessé à l'épaule
Balle dans le genou
Necro-hemorragie
Colonne vertébrale paralysée

Retraite (attache)
Hallucination de carpes
Maman dans l'eau
Mère et femme qui l'entraînent au fond du bassin


Retour des joueurs

Joueur de Javier :
+ Très agréable
+ Il faut être réactif (don de dés)
+ Un débutant aurait du mal
+ Mais pour un joueur confirmé, la feuille de perso, ce serait la pire chose qui soit.
+ Il faut un bon échange au niveau des idées

Joueur de Jonas :
+ Cela faisait penser à une version moins technologie d'eXistEnZ, et encore plus au Festin Nu.
+ Peut-être que la progression est prévisible et linéaire. C'est intéressant pour les premiers one-shot. Quand on découvre l'équilibrage du système, on va jouer différemment.
+ Le côté métaphysique, c'était bien (les souvenirs...).
+ Sacrifier son attache, c'est faible en terme d'attrition narrative si on le joue pas.
- Réponse de Thomas : Mais c'est fort en terme d'attrition mécanique.
- Joueur de Jonas : Il faudrait une conséquence narrative.

Joueuse de Joseph :
+ Le côté illusion en joker, c'est bien.


Retour personnel :

Mes trois joueur.se.s étaient plus à l'aise avec le partage de narration que les joueur.se.s de Jérusalem.
Et le contexte de Dar-El-Aswad prêtait au foisonnement d'horreur organique là où le contexte de Jérusalem était sec. Cela a donné un résultat beaucoup plus baroque et mind fuck.
L'écrit ne rend pas forcément la sensation de tempêtes sous des crânes qu'il y a eu lors du climax.

De ce que j'ai compris des règles, la prise directe de dés au cours d'une confrontation est interdite, mais un.e joueur.se pouvait prendre un dé dans le bol (et alors se faire inscrire sur la liste du sort) et le donner à un.e autre joueur.se en lui faisant une suggestion de monologue. Donc il y en a eu beaucoup, et elles étaient beaucoup plus étoffées que dans Jérusalem.

J'ai eu du mal à présenter le contexte, vu l'absence de scénario par scène (ne connaissant pas à l'avance les objectifs des personnages, je n'avais pas préparé mes Symptômes ou mes Antagonistes à l'avance, juste ma Source, qui était l'emprise). Et j'avais aussi le trac, ne sachant pas si je saurais improviser. Pourtant, j'ai été en forme au-delà de mes espérances, je pense que c'est grâce à la structure, et surtout à l'agenda (symptômes, agissements des antagonistes...) que propose le jeu. J'ai créé tous les symptômes à la volée, mais au moins, je savais où j'allais, c'est-à-dire vers un empilement des révélations, un emballement de l'adversité. Y'a juste un moment où j'ai eu un coup de mou, alors j'ai juste posé quelques questions aux joueur.se.s : ce que leurs personnages craignaient le plus, les questions qu'ils se posaient... et je suis reparti avec ça.

J'ai même créé de l'adversité en rab, puisque Mama Samba n'a pas resservie, et je n'ai pas exploité les drogues ou les sheitanites. Les chinois de Corail étaient des antagonistes intéressants, dans la mesure où je les ai joués plus prudents, plus conscients des risques de la Source que l'étaient les personnages.

C'est agréable de jouer en 4h, au lieu de 2h pour Jérusalem. Cela nous a laissé le temps de bien développer. On s'est même permis une intro très axée mission commando, qui a potentialisé l'horreur métaphysique qui survient juste après (le premier symptôme n'apparaît qu'au bout d'une heure de jeu).

J'ignore si Innommable permet systématiquement d'aborder la métaphysique d'un univers fictionnel, je trouve en tout cas qu'il nous inspire, qu'il nous motive à le faire. Ainsi, c'est la première fois dans une partie de Millevaux que j'aborde aussi frontalement le concept qu'oubli, emprise et égrégore sont trois facettes d'une même force.

J'ai eu l'impression que les joueur.se.s ont eu plaisir à créer le groupe de personnages, je suis très peu intervenu là-dessus. Le fait qu'ils aient choisi un lien de famille entre eux trois a été très fertile pour le jeu, notamment parce que les trois personnages étaient forcément impliqués dès qu'il arrivait quelque chose à l'un d'eux, et aussi parce que ça ramenait le thème de la mémoire en contrebande.
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Message par Pikathulhu »

ODYSSÉA 1/3 : LES DERNIERS JOURS DE TROIE

Nous avons revécu l'Odyssée dans une mer en ruines envahie par la forêt. En voici la légende. 15 heures de jeu en table ouverte, 28 personnages, 25 personnes.

Jeu : Odysséa peut être vu comme un jeu à part entière (à paraître prochainement) ou comme un théâtre pour Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 29 octobre aux Utopiales à Nantes

Personnages :
Le protecteur, l'incertaine, le vengeur, le déserteur, la justicière, Athléos, Alistène, Achille, Andréas, Inos, Clélia, Emera, Ulysse 1, Thésias, l'enfant, Circé, Ulysse 2, le mycénien, le père de famille, le frère, l'oracle de la mer, celui qui ne voulait pas souffrir, Callisto, Hélène, Ulysse 3, le charpentier, l'oracle de la guerre, Télémaque, Énée


Image
crédits : Bushman.K, chaley 420, Chrisgold NY macroscopic solutions, sarah sitkin, streetweeper, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


L'histoire :

Partie 1 : les derniers jours de Troie

Dix ans que la guerre de Troie s'enlise. Ulysse a un plan pour y mettre fin. Le Cheval de Troie. Il fait construire un cheval de bois assez grand pour qu'il puisse s'y dissimuler avec ses meilleurs soldats. Ils offriront le cheval en tribut aux troyens. Le peuple de Troie croira que les grecs se rendent et feront rentrer le Cheval dans la ville. Alors, à la faveur de la nuit, Ulysse et ses braves sortiront du Cheval et ouvriront les portes de la ville aux troupes grecques. Mais Ulysse confie son problème à ses hommes : les troyens ne tomberont jamais dans un tel panneau, pas tant que les dieux les protégeront. Alistène, champion grec qui voue sa vie à la guerre, sait comment faire pour que Troie perde la faveur des dieux. Il faut tuer le prêtre d'Apollon, protecteur de la ville.

Mais d'abord, il faudra passer les gardes qui protègent le temple. Alistène va voir l'oracle d'Arès, le dieu de la guerre, pour qu'il lui assure de passer les gardes. L'oracle est un fou exubérant, qui porte une cuirasse défoncée, les cheveux et la barbe en bataille, et qui exhorte les soldats à se lancer dans des charges meurtrières au lieu de se reposer. L'oracle lui dit : "Pour faire réussir une ruse aussi sournoise, je te demanderai de combattre un taureau dans l'arène au nom d'Arès. Mais ce taureau te prendra ton œil."
Alistène accepte. L'oracle le fait entrer dans une modeste arène construite au milieu du campement grec avec des charpentes de bateau. Il referme la porte de l'arène derrière lui, le laissant seul face au taureau et au sable blanc. Ce qui devait arriver arriva : Alistène remporte le combat contre le taureau, mais l'animal lui éclate un œil avec sa corne.

A la faveur de la nuit, Alistène et ses hommes de confiance longent le chemin sur la falaise hors des murs de Troie qui conduit au Temple d'Apollon. Les rochers de la falaise sont en pleine croissance. On entend le grondement de la pierre qui travaille et on voit à l’œil nu des excroissances grossir de la falaise. Depuis le début de la guerre de Troie, la terre est devenue folle. Elle grandit et dévore la mer, petit à petit.

Grâce au sacrifice d'Alistène, ils trouvent devant le temple les gardes troyens en plein sommeil et peuvent au-delà en silence.

Dans le temple, il n'y a que le prêtre et son enfant. L'enfant se présente devant eux, et pointe un couteau sur sa propre gorge. Il menace de se tuer si l'on porte la main sur son père. S'avance vers lui un guerrier grec, qu'on appelle le protecteur, parce qu'il voulait gagner la guerre en épargnant les civils. Comprenant que c'est un sacrifice nécessaire, il passe outre ses convictions et tue l'enfant.

Les grecs sont devant le prêtre, maintenant. C'est un homme à la barbe blanche. Il écarte sa tunique et leur montre son torse nu. Il s'adresse au guerrier grec le plus proche, celui qu'on appelle le vengeur : il veut gagner la guerre parce qu'on lui a dit que les grecs devaient se venger de Troie. "Frappe en plein cœur, si tu l'oses !". Le vengeur hésite un instant, puis se résout à planter son épée dans le torse du prêtre.

Alors que le prêtre s'écroule, il reste à renverser la vasque qui contient le feu sacré d'Apollon. Celui qui commettra un tel sacrilège aura certainement un assassin d'Apollon à ses trousses. S'avance celui qu'on appelle le déserteur, parce qu'il veut avant tout fuir la guerre. La réussite du stratagème du Cheval de Troie lui paraît la seule façon de mettre fin à la guerre, et donc de s'enfuir. Alors, c'est un risque à prendre. Il renverse la vasque.

Ils sont maintenant à l'intérieur du Cheval de Troie, avec Ulysse. Sans la protection d'Apollon, les troyens ont été dupes du stratagème. Ils ont fait rentrer le cheval dans la ville. La nuit est tombée, maintenant, il est temps d'agir. Ulysse ordonne à ses soldats de tuer les gardes troyens qui campent autour du Cheval et au pied des portes des remparts.
Celle qu'on appelle la justicière, parce que dans cette guerre, elle veut avant tout protéger les innocents, voit une garde qui lui tourne le dos, et Ulysse l'ordonne de la tuer maintenant. Mais la justicière reconnaît cette garde : c'est Sofia, sa meilleure amie.

Elle se rappelle quand Sofia était une guerrière grecque comme elle. Sofia lui expose son projet de déserter au profit des troyens. Troie est la dernière grande civilisation du monde : une nation de paix et de prospérité. Si suffisamment de grecs se rendent aux troyens, c'en sera fini de la guerre et de la souffrance. Sofia lui demande de déserter avec elle, sa meilleure amie, mais la justicière refuse : sa loyauté reste à la Grèce.

Ulysse presse la justicière de passer à l'action, alors elle descend du Cheval, épée en main. Il faut en finir avec cette guerre. Sofia a le temps de se retourner, elle sourit quand elle reconnaît la justicière, puis elle a une expression de surprise quand la justicière lui plante son épée dans le ventre et lui couvre la bouche.

Les compagnons d'Ulysse essayent d'ouvrir la porte, mais c'est impossible. Il faudrait vingt hommes pour y parvenir. Ou un colosse. Une force de la nature que les grecs auraient infiltrée dans Troie pour leur être utile à ce moment précis.

C'est ce type de personne qu'Ulysse a demandé à ses hommes de recruter il y a des mois de cela. Il s'est tourné vers celle qu'on appelle l'incertaine, parce qu'elle ne s'est pas assignée de quête, pour qu'elle leur trouve un tel homme.

Elle a cherché un homme très fort, et elle a trouvé Antaclès. Antaclès est un guerrier grec très puissant, une montagne de muscles, mais soumis à l'hubris, l'orgueil héroïque. C'est un fou de guerre, une bête sauvage. Antaclès est enfermé dans une des prisons du campement grec, car il a mené des actions de guerre inconsidérées qui ont causé la mort de ses hommes inutilement.

L'incertaine lui explique qu'elle va le libérer, il va alors devoir déserter et rejoindre le camp des troyens. Un jour, plus tard, ils feront appel à lui pour qu'il trahisse les troyens. Antaclès accepte mais oblige l'incertaine à prêter le serment des dieux : en échange de ses services, et pour compenser le déshonneur qu'il accepte, dès lors qu'elle fera appel à lui, elle devra lui confier le commandement de cent soldats grecs. L'incertaine hésite. Confier des hommes à ce fou dangereux, c'est les envoyer à la mort. Mais elle ne voit pas de meilleure solution pour ouvrir les portes, alors elle accepte.

Elle s'enfile en ville et va trouver Antaclès devenu troyen. Il l'accompagne et ouvre les portes à lui tout seul alors qu'il faut vingt hommes d'habitude.

Il ouvre les portes, triomphant, sans se cacher d'éventuels tirs de flèches grecques. Déjà les grecs se précipitent dans la brèche. Il y a cent guerriers spartes en tête, les troupes d'élite de Ménélas. Antaclès se tourne vers l'incertaine : "Respecte ton serment !". La mort dans l'âme, l'incertaine fait signe à Ulysse, et Ulysse use de son autorité pour mettre les cent guerriers spartiates aux ordres de ce monstre sanguinaire.

Alors, Antaclès mène ses nouvelles troupes vers le quartier des civils. Ils se précipitent vers les dortoirs où femmes, enfants et vieillards se reposent. Ils vont faire un bain de sang qui restera marqué dans la légende !

Le justicier ne l'entend pas de cette oreille. Il faut empêcher ce massacre. Il court vers le temple de Poséidon qui est dans ce quartier. A l'intérieur, les colonnes du temple ont enflé à cause de l'emprise. Bientôt, le temple sera entièrement refermé. Bientôt, les dieux ne seront plus, puisque comme le dit la légende, le jour où la Guerre de Troie sera finie et qu'Ulysse rentrera en Ithaque, les dieux disparaîtront et la mer se refermera. Le justicier trouve dans le temple l'oracle de Poséidon, un homme frêle aux yeux globuleux, simplement habillé d'un filet de pêche. Il demande à faire un pacte avec lui pour tuer Antaclès. En échange, l'oracle lui demande de tuer le premier guerrier grec qu'il verra en sortant.

Alors qu'il sort du temple, le premier guerrier grec que le justicier aperçoit, c'est Éphyle.

Le vengeur se rappelle bien d'Éphyle. C'était un frère d'armes. Il se rappelle du jour où Éphyle lui a parlé de ce qu'ils feraient ensemble quand la guerre serait terminée. "Quand la guerre sera terminée, on construira un bateau, on ira en mer, et on pêchera la crevette ensemble. On aura le calme de la mer et le bleu du ciel pour nous seuls, et on deviendra riches en vendant les crevettes. T'en pense quoi ? Tu es d'accord ?".

Quand le justicier s'approche d'Éphyle, avec son épée tirée, le vengeur comprend ce qui est en jeu. Tous les autres compagnons d'Ulysse tirent aussi leur épée. Alors le vengeur fait de même. Ils encerclent Éphyle. Éphyle se tourne vers le vengeur, son ami, il lui lance un regard incrédule. Et tous le frappent. Le vengeur le frappe.

Les compagnons d'Ulysse reprennent leurs esprits, et courent vers les dortoirs pour retrouver Antaclès. Antaclès est là avec ses hommes, dans un instant ils vont passer des dizaines et des dizaines d'innocents par le fil de l'épée. C'est alors qu'Hector, le champion de Troie, beau, grand, rutilant dans son armure, fait irruption dans le dortoir, et tue Antaclès sous leurs yeux : il était sans doute l'un des rares hommes sur terre à pouvoir le faire. Antaclès mort, les spartiates se dispersent. Hector s'approche du déserteur, il reconnaît en lui l'homme qui a renversé la flamme d'Apollon. Hector est l'assassin, celui qui dédie sa vie à retrouver le profanateur et le punir de mort pour leur avoir soustrait la faveur d'Apollon. Mais il retient son épée si les compagnons d'Ulysse acceptent d'accomplir une mission délicate pour lui : faire sortir de la cité Priam, le roi de Troie, en toute discrétion.

Ulysse a découvert dans quels quartiers se trouvait Hélène. Il perd son sang-froid. Hélène, la plus belle femme du monde, est la seule femme qu'il ait jamais désirée. Il abandonne temporairement ses compagnons pour aller la retrouver.

Hector conduit les compagnons dans les étages supérieurs de Troie, dans le palais de Priam. Ils franchissent une salle immense au plafond retenu par cent colonnades. C'est une sorte de hammam géant, la vapeur recouvre tout le sol. Ils y croisent des enfants, garçons et filles, certains adolescents, d'autres très jeunes. Ils sont parmi les trois-cents enfants de Priam. Un jeune enfant demande à Hector ce qu'ils font ici. Hector lui dit : "Nous allons faire sortir Priam de la ville." Puis il se couvre la bouche. Il a commis une erreur fatale, il a divulgué leur plan. S'ils veulent que les grecs ignorent la fuite de Priam, il faudrait tuer tous les enfants témoins. Les compagnons d'Ulysse sont fatigués du meurtre d'innocents : ils préfèrent que la fuite de Priam soit chose publique plutôt que de se résoudre à passer ces enfants par le fil de l'épée.

Ils franchissent la salle des enfants et avant d'atteindre Priam, ils trouvent Cassandre, la prophétesse. Cassandre est une belle femme, quoique le regard trop grave. Elle est drapée dans une toge blanche. Athléos, l'un des compagnons d'Ulysse, lui demande de lui faire profiter de ses dons de divination. Cassandre lui annonce qu'elle ne lui dira une vérité qu'à chaque fois qu'il lui sauvera la vie. Athléos dit qu'ils vont l'exfiltrer avec Priam, déjà cela fait une première fois qu'il lui sauve la vie. Alors Cassandre lui dit une première vérité : il ne sera heureux que s'il sert Poséidon. Que faire de cette nouvelle quand on est un compagnon d'Ulysse, dont Poséidon a juré la perte ?

Ils trouvent ensuite Priam, juché sur son trône, dans une salle de palais aux colonnes couvertes d'or. Priam est majestueux, il porte sur sa tête la tiare qui symbolise tout le savoir, la science et la poésie de Troie, ses yeux sont fardés de noir, et sa barbe est ceinte dans un fourreau.

Priam n'accepte de les suivre que s'ils le laissent tuer Ulysse. La légende dit que celui qui tue Ulysse devient Ulysse. Priam deviendrait alors l'héritier d'Ithaque, où il pourrait fonder la Nouvelle Troie.

Ils partent avec Priam et retrouvent Ulysse, qui a emporté la belle Hélène avec lui. Priam enfonce son couteau dans le cœur d'Ulysse, et la prophétie s'accomplit : il devient le nouvel Ulysse. Il conserve l'amour d'Hélène et conserve aussi le passé de Priam : il porte le nom et la science de Troie avec lui. Alistène convoite le nom d'Ulysse et de Priam, pour faire d'Ithaque une nouvelle Troie et ainsi perpétuer la guerre. Cassandre menace de se suicider si Alistène devenait Ulysse/Priam, alors Athléos s'oppose à Alistène, car la vie de Cassandre lui est précieuse au point d'accepter de l'abandonner pour lui donner une chance de survie. Ils se précipitent sur Ulysse / Priam pour le tuer, mais ils le tuent en même temps, alors le nom d'Ulysse / Priam ne saute dans aucun de ces deux meurtriers : il saute dans le corps du déserteur. Hector regarde le déserteur. Priam est mort sous ses yeux. Les compagnons d'Ulysse n'ont donc pas rempli leur part du marché. Alors, de toute sa force de héros, il tue le déserteur, pour venger la profanation du temple d'Apollon.

Hector devient alors Ulysse ! De Priam, il ne conserve pas le nom, mais seulement la science de Troie, un élément fondamental pour refonder une Nouvelle Troie qui soit aussi grande que l'ancienne, la dernière grande nation de l'humanité, maintenant que les grecs sont retournés à la barbarie.

Hector montre un passage secret à ses compagnons, qui permet d'accéder directement au port de Troie et s'enfuir en bateau. Ils peuvent partir aussitôt s'ils le veulent. Hector veut quant à lui retrouver Énée, l'un des fils adultes de Priam, pour emporter avec lui quelqu'un qui porte le nom de Troie. Mais retourner dans les palais de Troie à sa recherche, c'est prendre le risque de rencontrer des grecs. Les compagnons décident pourtant de l'accompagner. Alistène a une idée derrière la tête : tant que le nom de Troie survivra, la guerre se poursuivra, et c'est faire honneur au dieu de la guerre, comme Alistène l'entend.

En repartant à la recherche d'Énée, ils tombent face à Achille, le plus grand guerrier du monde grec. Achille sait par les enfants qu'ils ont prévu d'exfiltrer Priam, et leur somme de lui dire la vérité, sans quoi il les tuera. Athléos tient trop à sa vie pour mentir : il lui annonce la mort de Priam.

Achille se tourne vers Ulysse / Hector : ce moment au coeur de la bataille est l'occasion de se venger de lui. Lors de la guerre de Troie, Achille était tombé amoureux d'une femme, Briséis. Mais dans un accès d'hubris, d'orgueil guerrier, le roi grec Agamemnon a exigé que Briséis lui soit offerte comme concubine. Achille avait caché Briséis pour qu'Agamemnon ne l'obtienne pas. Mais le rusé Ulysse l'avait retrouvée et l'avait livrée à Agamemnon.

Aujourd'hui, Achille va lui rendre la pareille : il va lui dérober un être cher. Il engage le combat avec Ulysse. Athléos sait qu'il doit servir Poséidon pour être heureux, et servir Poséidon, c'est nuire à Ulysse. Athléos demande à Cassandre d'user de ses pouvoirs divins pour lui permettre d'assommer Ulysse. Cassandre accepte, mais en échange Athléos devra lui rendre sa liberté. Athléos accepte : il pense que la devineresse lui en a assez dit sur son futur. Il laisse Cassandre s'enfuir seule vers le passage secret, et profite du combat pour aller dans le dos d'Ulysse et l'assommer.

Pour se venger d'Ulysse, Achille lui dérobe Hélène et va la livrer à Parîs, l'autre fils de Priam, celui qui avait séduit Hélène et l'avait dérobé au roi grec Ménélas, provoquant la Guerre de Troie.
Quand Achille arrive en face de Parîs, celui-ci pointe vers lui un arc à la flèche empoisonnée. Parîs a consacré toute sa vie à apprendre comment tuer Achille, ce fleuron de l'armée grecque qu'on dit invincible, il ne veut pas louper cette occasion.

Achille propose de négocier. Alors Achille lui fait jurer le serment des dieux. Il n'engage pas le combat entre lui, mais en échange Achille jure protection à Hélène. Puis Parîs et Hélène s'en vont ensemble, pour fuir Troie qui est maintenant à feu et à sang.

Quand Ulysse reprend ses esprits, Achille lui dit qu'Hélène est maintenant prisonnière de Ménélas, le roi de Sparte qui a franchi toute la mer et levé une armée pour la retrouver à Troie. Ulysse exige qu'on se précipite par le passage secret, qu'on regagne le port de Troie, pour retrouver Ménélas avant qu'il ne prenne la mer.

Ulysse et ses compagnons descendent sur le port, déjà en proie aux combats. Achille les accompagne, car il veut assister aux souffrances d'Ulysse.

Parmi les rares bateaux encore en état de prendre la mer, ils voient celui de Ménélas et celui d'Agamemnon. Des guerriers grecs qu'ils croisent, ils apprennent qu'Agamemnon reprend la mer car il croit que Ménélas a emporté Hélène sur son bateau, et Ménélas reprend la mer car il croit qu'Agamemnon a emporté Hélène sur son bateau et le retrouvera en mer pour la lui redonner. Parîs a certainement fait un pacte avec un oracle pour que les grecs avalent une telle supercherie.

Ulysse croit toujours qu'Hélène est dans le bateau de Ménélas. Il veut rejoindre ce bateau à tout prix, mais ses compagnons préfèrent prendre le bateau d'Agamemnon. Alors Ulysse se sépare d'eux. Mais la légende dit que la déesse Athéna assigne toujours des compagnons pour protéger Ulysse. Du moment où Ulysse se sépare d'eux, son nom reste parmi eux. L'homme qui les quitte n'est déjà plus Ulysse, c'est juste Hector. Le nom d'Ulysse se réincarne dans un des compagnons qui le désire le plus, Alistène le fou de guerre, qui porte donc avec lui la science de Troie et l'héritage d'Ithaque, deux choses dont il pourra faire usage pour perpétuer la guerre.

Quand Ulysse / Alistène, Athléos et Achille arrivent au bateau d'Agamemnon, c'est pour assister à une funeste scène. Agamemnon est debout sur l'avant du navire. Homme massif et superbe, son visage caché par un masque d'or à la barbe bouclée, il tient Briséis, la bien-aimée d'Achille, qu'il lui a jadis volée pour en faire sa concubine et sa bien-aimée, et il s'apprête à lui trancher la gorge. Il ne le fait pas par cruauté ou par châtiment. Il le fait parce qu'en ces temps crépusculaires, les dieux ont soif de sang pour survivre, et les offrandes animales ne les contentent plus. Aucun bateau ne peut partir en mer si l'un des membres de l'équipage ne sacrifie pas un être cher aux dieux. Alors, Agamemnon, qui aime sincèrement Briséis, s'apprête à lui trancher à gorge.

Achille ne supporte pas l'idée de voir mourir sa bien-aimée. Il préfère qu'Agamemnon tue Cléos, le fils de Briséis.

C'était il y a quelques années. Ulysse avait trouvé la cachette de Briséis, mais Briséis était enceinte des oeuvres d'Achille. Elle s'apprêtait à accoucher. Alors Ulysse a accepté de laisser Achille assister à la naissance, avant qu'il n'aille livrer Briséis à Agamemnon.
Achille et Ulysse assistaient Briséis en plein travail, au coin d'un feu. Il y avait là aussi l'oracle d'Aphrodite, la déesse de l'amour, une toute jeune adolescente aux cheveux blonds bouclés, au regard innocent : elle apportait son savoir de sage-femme.

Cléos, l'enfant de Briséis et d'Achille, vient au monde. Briséis laisse Achille le prendre dans ses bras. Elle lui demande quel sera le sort de cet enfant. Achille veut-il l'emmener avec lui ou le laisser à Briséis ? Achille préfère lui laisser l'enfant, il sait que c'est nécessaire pour qu'Agamemnon le sacrifie, plus tard. Briséis lui demande ce qu'il préfère : elle peut élever l'enfant en lui inculquant la vénération de son véritable père, Achille, et la haine de son faux père, Agamemnon. Ou alors elle peut s'arranger pour qu'Agamemnon élève et aime Cléos comme son propre fils, mais alors Cléos ignorera qu'Achille est son père. La mort dans l'âme, Achille lui dit d'opter pour cette deuxième solution.

Agamemnon refuse de sacrifier Cléos. Sous l'injonction de Briséis, il l'a élevé et aimé comme si c'était son propre fils, et en réalité, il l'aime trop pour le sacrifier. Il explique à Achille que Briséis est d'accord pour mourir. Elle comprend que ce sacrifice est nécessaire pour qu'Agamemnon, Cléos, et tous ces hommes grecs survivent et rentrent chez eux. Une vie contre tant d'autres.

Mais Achille ne peut se résoudre à voir mourir sa bien-aimée. Il se dit qu'il va tuer Agamemnon, ses marins l'aiment, ce sera lui le sacrifice. Mais Achille a beau être un grand guerrier, Agamemnon est lui-même un héros qui a la faveur des dieux, il n'est pas assuré de le vaincre. Il va voir l'oracle de la guerre, qui est dans ce bateau, toujours en cuirasse, toujours le cheveu et le regard fou, à exhorter les hommes à remettre pied à terre et poursuivre les combats. L'oracle de la guerre promet de favoriser le bras d'Achille dans ce combat, mais en échange il veut plus de sang, il veut que Cléos meure aussi. Achille est désespéré, mais à choisir entre plusieurs êtres chers, il fera tout pour que Briséis survive, alors il accepte le pacte.

Achille défie Agamemnon en duel, et, favorisé par le dieu de la guerre, il terrasse le roi de Mycènes. Les marins sont plongés dans une grande tristesse. Ils ont perdu leur roi, leur général, leur capitaine. C'est alors que l'oracle de la guerre prend la parole, et ment sciemment aux marins : "Mes amis, le sacrifice d'Agamemnon n'a pas suffi ! Votre ferveur envers lui n'était pas assez grande ! Le bateau ne partira pas, à moins de sacrifier également Cléos, l'enfant d'Agamemnon !"

Briséis se tourne vers Achille. L'oracle de la guerre l'a convaincue que le sacrifice de Cléos est inévitable, alors comme elle aime cet enfant plus que tout, c'est elle qui va le tuer. Mais elle demande à Achille de le faire avec lui. Ensemble, ils étreignent l'enfant, et Achille le tient tandis que Briséis lui tranche la gorge. Achille comprend alors que Briséis ne pourra plus l'aimer. Il va voir l'oracle d'Aphrodite, la déesse de l'amour, il demande à faire un pacte pour regagner l'amour de Briséis. Elle accepte à condition qu'Achille fasse un nouvel enfant à Briséis. Briséis revient voir Achille, elle lui dit qu'il faut réparer aussitôt cette perte, elle l'entraîne dans une cabine et alors que le bateau prend la mer, ils conçoivent un nouvel enfant. Puis ils mettent une chaloupe à la mer et quittent le navire. Achille n'a plus en tête d'assister aux souffrances d'Ulysse. Il a une nouvelle vie à mener avec sa bien-aimée.
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

LE CŒUR DE LA FORET ENSORCELÉE

Les Remémorants en table ouverte, pour un voyage dans la tristesse, les histoires croisées, les souvenirs cruels et apaisants

Jeu : Les Remémorants, chasseurs de souvenirs dans le monde sans passé de Millevaux, par Steve Jakoubovitch

Joué le 10/10/15 au Festival du jeu à Noyal-Pontivy
Personnages : Cerbère, Dragen, Heart, Elrich, Sanka, Kalika, Igor, l'ami, le brûlé, le père, le bûcheron, le charpentier.


Image
crédits : arsen guschin, publienergy, road less trvled, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


Personnages :

Cerbère, communautaire
Rôle dans la communauté : protecteur
Ce qui se passera s'il ne revient pas : il y aura des morts

Dragen, vagabond
Blessure : une malédiction, les gens ont peur de lui.
Étincelle de vie : volonté de conjurer la malédiction

Heart, vagabonde
Blessure : je porte le deuil de ma famille
Étincelle de vie : Kit-kat, mon chat noir posé sur mon épaule
Jamais plus son chat ne bougera

Elrich, vagabond
Blessure : cicatrices bras droit
Étincelle de vie : un doudou ayant appartenu à ma fille Fiona
Jamais plus il n'entendra les enfants
Jamais plus il ne pourra s'approcher du feu
Jamais plus il ne verra sa fille

Sanka, vagabonde
Blessure : cicatrices sur le visage
Étincelle de vie : Réa, ma sœur jumelle qui m'accompagne

Fléo, vagabond
Blessure : dents pourries
Étincelle de vie : se transforme en loutre

Kalika, vagabonde :
Blessure : addict au jeu
Étincelle de vie : je porte bonheur

Igor, vagabond
Blessure : une seule personnalité, mais deux têtes
Étincelle de vie : veut sauver le monde

L'ami, communautaire
rôle dans sa communauté : tout le monde l'aime
ce qu'il se passera s'il ne revient pas : ils le rechercheront

Le brûlé, vagabond
Blessure : visage brûlé
Étincelle de vie : recherche sa famille
Jamais plus il n'aura d'argent
Jamais plus il ne pourra utiliser son poignet droit

Le père, vagabond
Blessure : balafre
Étincelle de vie : à la recherche de son fils aîné.

Le bûcheron, vagabond
Blessure : un bras en moins
Étincelle de vie : souvenir d'un foyer
Jamais plus il ne reverra son père
Jamais plus il ne reverra ses frères et sœurs
Jamais plus il ne reverra sa mère

Le charpentier, vagabond
Blessure : une balafre
Étincelle de vie : il veut se souvenir d'où il vient
Jamais plus il ne reverra sa femme
Jamais plus il ne reverra son aîné


L'Histoire :

Cerbère et Dragen arrivent dans la forêt ensorcelée. Le monde est en ruines, la forêt a tout envahi, et comme beaucoup de gens, ils ont perdu leurs souvenirs. C'est la forêt ensorcelée qui les a volés. Ils y sont allés pour les retrouver.
Il y a tellement d'arbres qu'on ne voit rien à cent mètres, cinquante mètres, hormis des lueurs grosses comme des têtes d'épingles. Entre les racines des arbres, pendus dans leurs branches, il y a des feux follets, des souvenirs.

Cerbère prend un feu-follet dans ses mains. Le protecteur prononce la phrase magique : "Je veux me rappeler... de mon enfant."

Dragen souhaite se rappeler de pourquoi il a été maudit. Avant, il était mercenaire. Il a persécuté une caravane de gitans. Il était venu pour exercer une vengeance. Il a torturé le chef des gitans, un vieillard, celui-ci l'a supplié d'épargner sa famille, mais Dragen n'a rien entendu. Il a tué tous les gitans qu'il a pu. Mais certains se sont échappés. Il voit une fille gitane, dans ses rêves, elle a le visage très pâle. Elle dit qu'elle le maudit pour ses crimes, que plus personne ne pourra plus le regarder dans les yeux. Qu'il ne sera délivré que le jour de sa mort.
Dragen se tient le cœur. Il tombe, raide mort. Son visage est enfin apaisé.

Cerbère est reparti quand les autres arrivent. Il ne pouvait pas s'arrêter, sa communauté était en danger sans son protecteur.
Ceux qui trouvent le corps de Dragen, ce sont quatre vagabonds : Heart, qui porte le deuil de sa famille, un deuil si lourd qu'il se voit sur elle, avec un chat raide planté sur son épaule : Kit-kat. Elrich, avec son bras droit barbelé de cicatrices. Et les plus jeune, les jumelles Sanka et Réa. Réa ne dit rien, ne fait rien, elle observe sa sœur prendre les feux-follets et se rappeler.

Sanka veut se rappeler de son chat qui a disparu. Elle le cherchait, lui il a grimpé au bord d'un précipice. Il suivait un oiseau, une perruche bleue, animal exotique qui le fascinait.

Elrich est venu pour se rappeler de Fiona, sa fille. Mais la forêt ne l'entend pas de cette oreille. Il se rappelle de son fils, Bastien. Ils étaient saltimbanques, il allait de ville en ville avec lui. Arrivés à l'entrée d'une ville, ils n'avaient pas les moyens de payer le garde. Alors le garde a exigé de garder Bastien en caution pour laisser rentrer Elrich. Il le lui rendrait si Elrich gagnait en ville de quoi rembourser le prix d'entrée. Mais Elrich sait bien qu'il n'a pas pu récupérer Bastien. Alors qu'il reprend ses esprits, il n'entend pas la voix des jumelles qui lui demandent s'il va bien. Jamais plus il n'entendra la voix des enfants.

Quand Heart attrape un feu-follet, c'est pour se rappeler de l'incendie où elle a perdu sa famille. Elle revit les flammes qui dévorent leur maison, elle entend leurs cris. Elle se revoit, se tenant devant la maison, avec son chat sur l'épaule. Elle se voit observer sans intervenir, puis partir.

Sanka veut se rappelle d'une chose, mais au lieu de ça, elle se rappelle de la petite fille qui voulait jouer avec elle. Cette petite fille avait fugué de chez ses parents pour la rejoindre. Sanka a essayé de la convaincre de rentrer chez ses parents, mais elle ne se souvient plus si elle y est parvenue.

Heart se rappelle de Bastien, elle s'en rappelle parce qu'elle l'a connu, plus tard. Son père n'était jamais venu le chercher, il avait survécu, certes, mais il était aigri et violent. Heart a connu une romance avec Bastien, mais pour exprimer toute sa colère, il la battait. Heart a essayé de le fuir, mais elle n'est plus sûre de savoir si elle y est parvenue, ni même si elle a réussi à prendre cette décision.

Trois nouvelles personnes les rejoignent dans la forêt ensorcelée, des vagabonds également, eux aussi venus glaner leurs souvenirs dans les feux-follets.
Il y a Igor, un homme avec deux têtes. Il pense d'une seule âme, mais ses deux cerveaux, le rendent deux fois plus intelligent, et aussi deux fois plus effrayant. Il y a Fléo, l'homme aux dents pourries qui peut se transformer en loutre, et Kalika, qui ne pense qu'aux jeux d'argent.

Igor est venu pour se rappeler de son enfance, mais encore une fois la forêt est joueuse. Il se rappelle d'avoir assisté à un incendie. Il y avait toute une famille dans la maison, mais il ne se souvient plus s'il est intervenu pour les aider, si c'était seulement possible, ou même s'il est responsable ou non de l'incendie. Il se souvient seulement d'avoir vu une femme avec un chat sur l'épaule se tenir au dehors, et observer la scène.

Kalika est venue pour se rappeler d'un grand tournoi de poker. Elle avait gagné gros, pas le premier prix, mais pas mal quand même. L'un des hommes qui l'a battu, un homme au chapeau noir dont l'ombre lui dissimule le visage, l'a accusé de tricherie et l'a menacée de mort.
Elle a caché son butin dans les toilettes et elle a fui le tournoi pour lui échapper.

Fléo est venu se rappeler de pourquoi ses dents sont pourries, mais à la place il se rappelle qu'il était aussi dans ce tournoi. Il a aussi été menacé par l'homme au chapeau noir. De peur, il s'est transformé en loutre et a fui vers les toilettes.

Heart était aussi à ce tournoi de poker. Elle aussi a gagné gros et a caché son butin dans son chat, elle sen rappelle maintenant, son chat est mort ce soir là et s'en rendant compte, elle comprend que jamais plus son chat ne bougera. Mais elle n'a pas voulu rester jusqu'à la fin. Elle est allée vers les toilettes, elle se rappelle avoir aperçu une queue de loutre ou d'un autre animal s'y faufilé, et elle a fui par la fenêtre des toilettes. Elle a vu l'homme au chapeau noir qui recherchait l'autre gagnante du tournoi de poker. Elle aurait juré avoir vu son visage, ou plutôt les deux bosses qui formaient son visage.

Elrich veut toujours se rappeler de sa fille, mais la forêt, cruelle lui impose un autre souvenir. Il était dans la maison avant l'incendie. Il n'avait pas gagné d'argent en faisant le saltimbanque, et il lui en fallait absolument pour racheter Bastien au garde, alors il est entré dans cette maison pour la cambrioler, et une personne l'a surpris, un homme, il lui semble, et il y avait d'autres personnes dans la maison, il a entendu des cris, et dans la panique il a mis le feu et il s'est enfui. Il n'a jamais pu récupérer Bastien. C'est dans cette maison en feu qu'il s'est fait cette blessure au bras, dont il garde la cicatrice. Et quand il reprend ses esprit, il réalise qu'il ne pourra plus jamais oser s'approcher du feu, de la moindre flamme de bougie, de braise ou de briquet. Il ne peut plus s'approcher que de la flamme froide et vénéneuse des feux-follets.

Heart se rappelle son entrée dans la ville. Le garde, avait-il un chapeau ?

Kalika se rappelle avoir couru dans la forêt, elle se rappelle de l'homme au chapeau noir qui la pourchasse. Il la rattrape enfin, un couteau à la main. Que s'est-il passé ensuite ?

Igor veut toujours se rappeler de son enfance, mais au lieu de ça il se rappelle comment ses parents ont dû, pour cause de misère, le confier à son oncle. Il est persuadé que ses parents l'ont élevé dans la bonté. Son oncle était forain, il l'a emmené pour le montrer comme une bête de spectacle, il lui a appris des tours aussi, il lui a appris des tours de poker. Il lui a enseigné l'aigreur et la méchanceté. Que tout le monde détestait les forains, et que tout le monde détestait les monstres. Qu'il devrait se montrer impitoyable. Et s'il perdait au jeu, il devrait toujours accuser son adversaire de tricherie et le menacer de mort.

Kalika frémit. Qui est cet homme qui l'a rejointe dans cette forêt ?

Elrich se rappelle enfin de sa fille, Fiona, sa fille adorée. Il jouait à la balançoire avec elle, elle riait. Ce qu'il ne voyait pas, c'était Bastien, dans l'ombre, entre les arbres, qui les épiait. Bastien, son beau-fils, le fils de sa femme, pour qui il n'a jamais éprouvé d'affection. Bastien pleurait, esseulé.

Sanka s'en souvient, de cette fille. Elle lui avait dit de rentrer chez ses parents, de ne pas fuguer au nom de leur amitié. Réa l'avait encouragé à le faire, peut-être ne voulait-elle pas que Sanka ait une amie ? Mais apparemment la fille n'est pas retourné chez ses parents, il y a eu une battue. Sanka l'a recherché également, et finalement c'est elle qui l'a trouvée. Elle jouait au bord du ravin, avec le chat de Sanka dans ses bras. Elle a dit à Sanka : "Je vais me jeter dans le ravin, comme ça mon père n'aura plus que mon frère, il sera bien obligé de faire attention à lui, maintenant.". Sanka pense l'en avoir dissuadé. Alors la fille aurait dit : "D'accord, je ne saute pas, mais dans ce cas, je vais fuir, le résultat sera le même. Donne-moi ton chat pour me tenir compagnie." Sanka a refusé, elle a dit : "Prends plutôt celui qui passe par là". Alors, la fille lui a fait un regard tout drôle, et elle a dit : "Voilà ce que j'en fais de ton chat, puisque tu ne veux pas me le donner". Et elle a lancé le chat de Sanka dans le ravin !

A ce moment là, Elrich a voulu se rappeler de ce soir la. Il s'est alors rappelé qu'il cherchait sa fille désespérément et qu'il l'a finalement trouvée au bord du ravin. Mais quand il voulut s'approcher, il vit alors Bastien avancer vers elle. De loin, il les a vu discuter, voire s'engueuler, puis après il a cru le voir la pousser dans le ravin (il n'est plus sûr de ce qu'il a vu). Sa fille serait donc tombée et morte sur le coup. C'est à partir de cet événement qu'il a commencé à perdre ses souvenirs.

Et quand Elrich reprend ses esprit, c'est pour être assiégé par une terrible douleur morale : la certitude que c'est la dernière fois qu'il voit sa fille, qu'il ne le reverra jamais.

Suite à ce souvenir retrouvé, il quitte la forêt le cœur lourd pour aller se recueillir sur la tombe de ma fille... L'histoire ne dis pas s'il a eu le courage de rester en vie. Il a juste demandé à partir, il n'avait plus rien à faire ici. Alors Heart et Sanka l'ont accompagné, au dehors de la forêt ensorcelée.

Igor s'est rappelé du moment où il est devenu adulte. Son oncle lui a laissé le choix entre rester parmi les forains, mais alors il devrait selon leur code, être impitoyable et sans cœur, ou alors il pouvait partir de la caravane. Alors il pourrait vivre selon sa propre morale, mais les forains le considéreraient alors comme un étranger, un ennemi. Igor a choisi de partir. Il a pris son chapeau noir qui couvre sa tête double, et il est parti.
Quand il a participé et perdu à ce tournoi de poker, les vieux réflexes inculqués par son oncle sont revenus. C'est pour cela qu'il a menacé Kalika et l'a pourchassée dans la forêt. Mais quand il est arrivé face à elle, il s'est rappelé de son enfance, des valeurs de ses parents, et il a laissé tombé son arme.

Igor n'est pas comme ça. Il regarde Kalika, dans le présent. Le fait qu'elle soit toujours vivante prouve qu'il n'est pas comme ça. Il n'est pas un monstre. Alors, une de ses têtes meurt et se nécrose. Jamais plus il n'aura deux têtes.

Il y eut un homme pour les rejoindre, on l'appelait l'Ami. Il venait d'une communauté, mais quand on lui demandait son rôle, il n'en avait aucun, il n'avait aucun métier. Mais tout le monde l'aimait. C'était sûrement ça son rôle. Il savait que s'il s'absentait trop longtemps, tout le monde partirait à sa recherche. Et finalement, à voir les ravages que faisaient les souvenirs sur les autres, il a préféré rentrer les retrouver, et maintenir ce statu quo.

Quand le brûlé et le père arrivent dans la forêt ensorcelée, les autres sont partis, il ne reste que le cadavre de Dragen. Les souvenirs ne sont plus dans des feux-follets. Il faut se blesser le doigt à des ronces et les souvenirs sont dans le sang qui coule de la blessure.

Le brûlé a un visage déformé par la marque du feu, c'est ça chez lui qui faisait peur aux autres. Il recherche sa famille, et il est venu pécher des feux-follets de souvenirs pour retrouver sa réponse. Il se rappelle de la troupe de mercenaires qui attaque son village. Il se rappelle d'avoir été encerclé par des mercenaires, de leur avoir vendu sa famille pour sauver sa peau, pour quelques sous. Il reprend ses esprit et tâte les pièces dans ses poches. Les trente deniers de Judas. Et ces pièces se mettent à pourrir. Il comprend qu'il ne pourra plus jamais toucher d'argent sans qu'il ne tombe en moisissure. Il devra vivre le reste de sa vie sans argent.

Le père voulait se rappeler de son fils aîné. Il s'est surtout rappelé de comment il a eu cette balafre, alors qu'avec son fils ils ont été attaqués par trois mercenaires. A leur tête, c'était l'Artificier, un fou furieux au visage brûlé. Il a tué deux mercenaires mais l'Artificier s'est enfui en emportant son fils.
Le père a compris alors que les souvenirs de la forêt ensorcelée ne lui sauraient d'aucun secours pour retrouver son fils, qu'ils ne lui causeraient que du mal, alors il est reparti d'où il est venu.

Ensuite, le brûlé s'est rappelé avoir traqué la bande de l'Artificier, les avoir vu attaquer un autre village pour y capturer des esclaves. Il a suivi la caravane des mercenaires, il s'est approché de la roulotte où étaient emprisonnés les membres de sa famille. Il a forcé la serrure et il est entré, il les a retrouvés... Mais sa femme et ses enfants ne voulaient pas l'accompagner. Comme il les avaient vendus comme esclave, ils n'avaient plus confiance en lui.

Plus tard, plus loin, en plein centre de la forêt ensorcelée. Le bûcheron et le charpentier sont arrivés au cœur battant de la forêt, un entrelacs de branches et de ronces gros comme une maison, vivant.

Le bûcheron et le charpentier sont deux vagabonds, qui tout deux ont l'air d'avoir tout perdu. Le bûcheron a perdu un bras, le charpentier a une grande balafre qui lui déforme le torse.

Le bûcheron est venu pour se rappeler de son foyer, il lui semble qu'il est venu pour ça. Il commence par se rappeler de sa mère. De son beau visage. C'était une femme courageuse et indépendante. Il voit son père, un bûcheron, entrer dans la maison, et demander à sa mère qui elle est. Il ne la reconnaît pas. Il l'a interrogé pour comprendre ce qui a pu arriver, et le père a dit qu'il s'est blessé dans la forêt en allant bûcheronner pour nourrir la famille.

Le charpentier veut commencer par se rappeler quelles ont été les prémisses de la fin du monde. Alors il se rappelle d'un médecin qui lui confie, anxieux, l'existence d'une nouvelle maladie qu'il vient de constater. Les personnes qui se blessent au contact d'un végétal ou d'un animal perdent la mémoire. Elles perdraient un souvenir par blessure. C'est comme ça que la fin du monde a commencé.

Le bûcheron s'est rappelé avoir refait le parcours avec son père dans la forêt, pour comprendre ce qu'il se passait. Le père lui a montré l'endroit où il s'est blessé. Il lui a dit : "Je ne me rappelle pas ce qu'il y avait avant, les vingt ans de mariage avec cette femme que vous m'avez expliqué. Je me rappelle juste que quand j'ai été blessé, je me suis senti beaucoup plus léger. Comme si des années d'aigreur, de mensonges et de disputes s'étaient envolés de mon dos." Et il a poursuivi : "tu sais, j'ai eu des joies de vous avoir élevé, les enfants, mais aussi beaucoup de peines. Les responsabilités, les cris... ça aussi ça pèse très lourd sur moi." Et il a fait signe de se blesser à nouveau dans les épines. Et son fils l'a laissé faire, parce qu'ainsi, il serait plus heureux. Une fois blessé, son père l'a regardé et lui a demandé : "Qui êtes-vous ?". C'est vrai qu'il avait l'air plus léger. Mais plus jamais il ne reverra son père.

Le charpentier se rappelle que le médecin est revenu le voir. Il lui a dit : "Vous devriez abandonner votre profession de charpentier. Vous risquez de vous blesser à tout moment, et ce sera une blessure végétale, vous allez oublier. Peut-être oublier votre femme, ou vos enfants." Mais le charpentier a ignoré cet avertissement. Il fallait bien qu'il travaille pour nourrir sa famille.
En reprenant ses esprits, il sait déjà qu'il ne reverra jamais plus sa femme.

Le fils se rappelle être revenu voir sa mère, et quand elle lui a expliqué que le père les avait oublié et était parti, et le rôle qu'il a joué dans cette histoire, sa mère a été catastrophée. "Pourquoi l'as-tu laissé faire ? De quel droit t'es-tu permis ça ? J'avais l'occasion de tout redémarrer de zéro avec lui ! ". "Et son libre arbitre, tu y as pensé ?", a-t-il répondu. "Mais maintenant, qui va nous nourrir ?". "J'irai dans la forêt, je me ferai bûcheron comme mon père, et je vous nourrirai." "C'est très dangereux, tu le sais, reviens-nous vite. Dès qu'on pourra se débrouiller sans ça, tu abandonneras la carrière de bûcheron." Et le fils est parti dans la forêt, avec la hache de son père sur l'épaule.
Il sait qu'il n'a jamais plus revu ses frères et sœurs depuis.

Le charpentier s'est en effet blessé en travaillant. Il s'est entaillé en rabotant une poutre. Il a commencé à oublier le visage de sa femme.

Le bûcheron a continué longtemps à couper des arbres dans la forêt. Il a fini par rencontrer un charpentier. Un médecin est venu les voir. Il leur a dit que la seule façon d'enrayer l'épidémie d'oubli, c'était d'aller au cœur de la forêt ensorcelée, celle qui capture les souvenirs, et de détruire ce cœur. Les souvenirs volés seraient perdus à jamais, mais au moins les gens arrêteraient peut-être d'oublier. Il comptait sur les capacités du bûcheron et du charpentier pour réussir cette mission, alors ils ont pris la route tous les deux.

Le charpentier se rappelle que le médecin lui a aussi donné une méthode pour enrayer une blessure végétale ou animale : il fallait qu'il aggrave volontairement sa blessure avec une lame forgée, pour que la blessure redevienne une blessure minérale et non végétale ou animale. Alors sur le chemin, il a emprunté la hache du bûcheron et il a creusé sa blessure, en profondeur, pour que le visage de sa femme ne s'efface pas de son esprit.
Mais maintenant, il sait qu'il ne la reverra plus jamais.

Le bûcheron se rappelle être allé voir une dernière fois sa mère avant de partir vers le cœur de la forêt. Il a demandé ce souvenir pour avoir une chance de savoir où la retrouver quand il reviendrait de sa mission. Mais il s'est juste rappelé qu'il s'est disputé avec elle, car elle ne voulait pas qu'il prenne ce risque d'aller au cœur de la forêt. Elle lui a fermé la porte au nez, et elle lui a dit qu'elle déménagerait le lendemain pour aller chercher du travail pour nourrir ses frères et sœurs. Il ne sait pas où elle est allé. Jamais plus il ne la reverra.

Le charpentier sait déjà qu'il ne reverra pas son aîné. Il a perdu son visage. Il se rappelle avoir dit au revoir à son enfant cadet avant de partir vers le cœur de la forêt ensorcelé. L'enfant était triste à l'idée que son père parte. Il serrait fort contre lui le chat de la maison, ce chat qui avait tendance à sortir les griffes quand l'enfant jouait avec lui. Alors le soir avant son départ, le charpentier a dit à son fils cadet : "le chat veut faire un tour dehors", il a sorti avec le chat dehors, et comme l'enfant était resté dans la maison, il a tué le chat, pour qu'il ne griffe pas son enfant, pour que son enfant se souvienne de lui.

Et la douleur de ce souvenir lui a fait très, très mal, le charpentier a senti la vie le quitter à toute vitesse, comme l'eau d'une baignoire quand on retire la bonde. Il a dit au bûcheron : "Arrête de te souvenir, tu dois fuir d'ici !", et il est mort.

Le charpentier a écouté cet avertissement. Mais avant de partir, il a soulevé sa hache, et frappé le cœur de la forêt.

Frappé,

frappé,

frappé !


Commentaires sur le jeu :

Quand je suis arrivé au festival du jeu de Noyal Pontivy, dont c'est la première édition, j'ai eu peur de ne pas réussir à recruter une table fixe de joueurs sur tout l'après-midi. Alors j'ai décidé de plutôt jouer en table ouverte. Je me suis fait violence, et je suis allé voir toutes les personnes qui étaient debout sans jouer, pour savoir si elles voulaient faire du jeu de rôle, sans durée imposée. Quand on a commencé à jouer et que des personnes tournaient autour de la table, je les invitais à rentrer dans le jeu. Et quand ma table se retrouvait vide, je repartais à la recherche de joueur.se.s. Au final, j'ai dû jouer cinq heures d'affilée, avec 13 personnes en tout, 6 en simultané à un moment.

On a raconté beaucoup de choses et c'est sûr que je ne me rappelle pas tout. Un comble pour un jeu sur la mémoire ! Si c'était à refaire, j'aurais pris des notes sur l'histoire dès que j'avais un instant de libre, plutôt que de repartir aussitôt à la pèche aux joueur.se.s

J'ai eu le sentiment de jouer un peu plus dans l'esprit du jeu que lors de mes deux premiers tests. Notamment, j'ai assez peu intervenu dans les souvenirs, en n'interprétant pas trop de figurants, en posant beaucoup de questions à la place. Les joueur.se.s n'ont pas forcément toujours beaucoup posé de questions au remémorant.e, ou interprété beaucoup de figurants, mais quand même c'était plus équilibré. Surtout, j'ai très très peu narré au présent, j'ai juste dit à quoi ressemblait la forêt, donc a joué des souvenirs 95 % du temps. Finalement, mes principaux outils pour influer sur la narration a été le contrôle du souvenir en début de souvenir, et le "jamais plus" en fin de souvenir pour poser des enjeux, une tension.

Le joueur du père n'a pas adhéré à la proposition du jeu, qui était de jouer dans le passé, d'explorer des souvenirs, sans réel enjeu dans le présent. On peut pas séduire à tous les coups ! Je pense que lui comme moi avions compris la proposition du jeu, mais il n'était simplement pas client, ce qui est quelque chose que je peux comprendre tout à fait.
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

LA TRAVERSÉE

Le périple d'Ulysse et de ses compagnons comme il n'a jamais été vécu auparavant.

Jeu : Odysséa peut être vu comme un jeu à part entière (à paraître prochainement) ou comme un théâtre pour Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 30 octobre aux Utopiales à Nantes

Personnages :
Le protecteur, l'incertaine, le vengeur, le déserteur, la justicière, Athléos, Alistène, Achille, Andréas, Inos, Clélia, Emera, Ulysse 1, Thésias, l'enfant, Circé, Ulysse 2, le mycénien, le père de famille, le frère, l'oracle de la mer, celui qui ne voulait pas souffrir, Callisto, Hélène, Ulysse 3, le charpentier, l'oracle de la guerre, Télémaque, Énée


Image
illustration (c) : Thibault Boube, pour le jeu Odysséa


L'histoire :

Le navire d'Agamemnon est maintenant en pleine mer, en route vers Mycènes. Agamemnon est mort, tué en combat singulier par Achille. Puis Achille a sacrifié son enfant Cléos pour que le bateau puisse prendre la mer, et il a quitté le navire avec sa bien-aimée Briséis, pour mener une nouvelle vie auprès d'elle.

Parîs, fils de Priam le roi de Troie, qui a enlevé Hélène et a fui de Troie avec elle, a conçu un pacte avec les dieux pour que Ménélas, le roi de Sparte, l'époux légitime d'Hélène, croit que son épouse est sur le navire d'Agamemnon.

Les voiles rouges d'un navire pointent alors à l'horizon. Celui du puissant roi spartiate. Le navire arraisonne celui d'Agamemnon, et abat une passerelle garnie de crochets sur son pont. Ménélas monte à bord du navire presque comme s'il faisait un abordage. Le roi de Sparte est un géant aussi gras que musclé, il cache son visage sous un masque de fer qui lui donne un air imperturbable et sinistre. Il exige de parler au capitaine du navire.

A bord du navire d'Agamemnon, il n'y a pas que de véritables grecs. Il y a Andréas, un espion troyen qui a profité de la débâcle des navires grecs au partir de Troie en flammes, pour monter à bord. Andréas est au service de Parîs. Sa mission est de s'assurer que la nation troyenne perdure. Il est dans ce navire pour rapporter des renseignements à Parîs, le dernier porteur du nom de Troie avec Énée.
Jadis, à Troie, il est allé voir l'oracle de Poséidon, cet homme grêle aux yeux globuleux vêtu d'un simple filet de pêche. Il lui a demandé de lui accorder un pouvoir de communication télépathique avec lui, afin qu'il puisse lui envoyer des informations stratégiques qu'il relayerait à Parîs. L'oracle a demandé qu'Andréas lui offre sa langue en échange, et Andréas a accepté, alors l'oracle lui a arraché la langue.
A bord du navire d'Agamemnon, Andréas est donc vu comme un simple marin. Un marin muet.

Quand Ménélas demande qui est le capitaine du navire, une femme s'avance. C'est Clélia, la plus âgée des bâtardes d'Agamemnon. Ulysse s'avance aussi pour prendre la tête du navire à sa place, mais les autres compagnons ne le soutiennent pas, et les marins non plus, emmenés par Inos, le petit frère de Clélia, qui place les valeurs familiales au-dessus de tout.

C'était pendant la guerre de Troie, au moment où les combats faisaient le plus de victimes. Clélia va voir son frère Inos. Elle le supplie de déserter, pour qu'au moins un des bâtards d'Agamemnon survive à cette guerre et revienne au pays, colporter la légende de leur père. Inos refuse cette offre. Ce n'est pas là sa vision de l'amour filial. Il doit se sacrifier, comme Clélia, avec elle combattre aux côtés de son père, quelles qu'en soient les conséquences. C'est cela sa vision de l'amour filial.

Alors, c'est bien Clélia qui prend la tête du navire. Elle a alors la difficile tâche d'annoncer à Ménélas deux mauvaises nouvelles : Hélène n'est pas à bord de ce bateau et Agamemnon est mort. Apprenant la perte de son frère adoré, le roi de Sparte demande qui est responsable de ce désastre. Ulysse dénonce Clélia : après tout, en tant que capitaine du navire, c'était son devoir de protéger Agamemnon. Ménélas, ivre de colère et d'hubris, décapite Clelia d'un coup d'épée, et plaque sa tête contre le visage de son petit-frère Inos en tonnant : "Voilà ce qui se passe à ceux qui faillissent à leur devoir !".

Ménélas ne quitte pas le navire pour autant. Il exige de savoir ce qu'il est advenu d'Hélène, et projette d'interroger tous les marins. Il fait monter à bord une oracle d'Hadès, le dieu des Enfers. Cette oracle est une femme d'âge cacochyme, drapée dans une capuche. C'est l'une des trois Parques en personne.

Deux personnes savent ce qu'il est advenu d'Hélène, c'est-à-dire qu'elle a fui avec Parîs : Ulysse et Andréas. Andréas sait même dans quelle direction a fait voile le couple maudit . Ulysse va voir Andréas ; ils doivent s'associer pour tromper la Parque : Ulysse ne veut pas encourir la colère du puissant Ménélas et Andréas ne veut pas que Parîs soit découvert. Ulysse présente l'oracle de la guerre à Andréas, il lui dit de pactiser avec lui pour déjouer l'interrogatoire de la Parque. L'oracle de la guerre accepte d'occulter la clairvoyance de la Parque, à condition qu'Andréas lui révèle la position de Parîs, c'est-à-dire l'île des mangeurs de lotus.

Andréas est alors interrogé par la Parque, qui lui tend une carte pour qu'il lui indique où se trouve Parîs. C'est une carte où le dessin change tout le temps, au gré des caprices des dieux et de l'emprise. Andréas pointe du doigt l'île des cyclopes.

Andréas n'est pas le seul espion troyen à bord. Il y a aussi Emera. Emera veut que le nom de Troie survive dans la légende, mais il pense que la nation troyenne doit disparaître pour que sa légende demeure. Il veut donc contrecarrer tout projet de fondation d'une nouvelle Troie.

Emera va voir l'oracle de la guerre pour savoir à quel endroit Andréas lui a révélé que Parîs se cache réellement. L'oracle de la guerre lui dit qu'il accédera à sa demande s'il révèle à l'équipage sa filiation avec Priam.

C'était au tout début de la guerre de Troie. Emera était un soldat troyen. Le grand roi Priam l'a convoqué dans son palais. Il lui a révélé qu'il était son père, une chose qu'il avait gardé cachée. Tous ceux qui porteraient son nom seraient en danger, et il avait voulu en préserver un. Priam confie à Emera une tablette de pierre qui atteste de sa filiation. Il lui confie également la mission de perpétuer la légende du nom de Troie, et lui demande de déserter des rangs troyens pour rejoindre les rangs grecs. En cas de victoire grecque, il sera ainsi l'homme dans leurs rangs qui sera capable de perpétuer le nom de Troie dans la légende. Emera accepte toutes ces charges et cet honneur secret, avec piété.

Emera répond alors à l'oracle de la guerre : "Tu m'en demandes trop. Je ne peux m'y résoudre. Garde ton secret pour toi.".

Inos sait que quand Ménélas atteindra l'île des cyclopes, il n'y trouvera pas Hélène et comprendra qu'il a fait fausse route. Il a promis que s'il revenait bredouille de l'île des cyclopes, il descendrait aux Enfers pour retrouver sa sœur Clélia et la torturerait pour lui faire avouer où est Hélène, et comme Clélia ignore où est Hélène, ce supplice ne connaîtra pas de fin.
Alors, il va voir l'oracle de l'amour, et lui demande qu'elle échange sa place avec celle de Clélia aux Enfers. L'oracle lui demande s'il est prêt à subir une torture sans fin. Elle le projette un instant dans le futur pour qu'il en mesure toute la douleur. Inos accepte.

Il perd connaissance, et se réveille dans le corps de Clélia, et Ménélas le torture.

Clélia perd connaissance, et se reveille, bien vivante, sur le bateau, dans le corps de son frère Inos, qui s'est sacrifié pour elle.

Sur le navire, il y a aussi Thésias. Il est parti de Mycènes avec son roi Agamemnon, il a fait toute la guerre, et maintenant il rentre au pays. Ce qu'il veut par-dessus tout, c'est retrouver sa famille, mais dix ans ont passé depuis qu'il est parti. Dix ans de chaos. Il n'est pas du tout sûr que sa famille soit toujours à Mycènes. Alors il demande à l'oracle de l'amour où ils sont. Elle lui répond : "Es-tu prêt à le savoir, même si la réponse pourrait te déplaire ?". Thésias insiste. Alors l'oracle répond : "Ta famille est aux Enfers." Et elle lui explique la direction pour gagner l'Île des Morts, où se trouve sa famille.

Il est difficile de naviguer sur cette mer devenue folle. Finalement, seuls deux personnes connaissent une direction : Andréas la direction de l'île des mangeurs de lotus, et Thésias la direction des Enfers. Ils votent et Andréas l'emportent : le navire fait route vers l'île des mangeurs de lotus.

Quand le navire accoste sur l'île, les marins sont accueillis par des enfants, tous mutilés de guerre, qui leur tendent des fleurs de lotus. Ils disent que cette île est l'île de la paix, et que tous ceux qui veulent en fouler le sol doivent déposer leurs armes. L'oracle de la guerre est si belliqueux qu'il ne peut même pas descendre du navire. Il s'adresse alors à tous les marins et leur promet une récompense pour la capture de Parîs ; il leur promet d'accomplir leur rêve le plus fou, et chacun sait qu'il en a le pouvoir en tant qu'oracle divin. Retrouver Parîs et Hélène, c'est perpétuer la Guerre de Troie, et chacun se doute que l'oracle est prêt à offrir gros pour que cela soit possible. Andréas se tourne vers Inos / Clelia. Il pense qu'il/elle ne pourra résister à une telle offre, s'il peut obtenir en échange le retour de sa soeur/frère des Enfers. Alors Andreas tente de le/la tuer, mais Ulysse et Emera s'interposent.

Arrive l'oracle de Poséidon, le dieu de la mer, cet homme frêle aux yeux globuleux, vêtu d'un filet, celui-là même avec qui Andréas est en liaison télépathique, et qui était censé accompagner Parîs et Hélène. Il est escorté par un enfant, mutilé de guerre comme les autres. L'oracle de la mer vient solliciter l'aide d'Andréas pour sauver Parîs. L'enfant accompagne l'oracle parce qu'il veut voyager, il veut repartir à bord du navire.
L'oracle se tourne vers Ulysse et lui prophétise qu'il sera tué par son fils. Ulysse n'y prête qu'une oreille incrédule. Pour autant, le poison est déposé. Il sait plus que quiconque qu'il est difficile d'échapper à son destin.

Le garçon se rappelle quand le prêtre du lotus l'a recruté. Il est alors, avec d'autre enfants troyens, prisonnier dans un camp de travaux forcés installé par les grecs. Le prêtre du lotus est un homme énigmatique, en cape rouge. Il a un visage fixe mais un regard exalté, et un lotus tatoué sur le front. Il explique à l'enfant qu'il vient le sauver de la guerre, qu'il peut partir avec lui sur une île où il vivra en paix et en sécurité. Mais pour cela, il doit accepter de manger du lotus, au moins une fois, avant de partir avec lui. Le lotus le plongera dans un de ses meilleurs souvenirs. L'enfant accepte.

Dans ce souvenir de lotus, l'enfant vit avec ses parents en bordure de Troie. Ses parents vivent dans la misère, alors l'enfant travaille à la mine pour leur compte, là-bas ils ont besoin de personnes de petite taille pour s'aventurer dans des filons. C'est le soir, alors qu'il rentre de la mine pour retrouver ses parents, sur la crête en face de la mer, noire de pins. L'oracle de la mer vient le trouver là, sous la bénédiction de ses parents. Il lui révèle qu'il n'est pas le fils de misérables citoyens troyens comme il le croit. Il a été confié à cet homme et à cette femme quand il était tout petit, mais ce ne sont pas ses vrais parents. En réalité, il est le fils d'Ulysse, l'héritier du plus beau royaume du monde, Ithaque, le seul qui subsistera quand l'emprise aura complètement engorgé la terre, la mer et le ciel. C'est cela la bonheur qui l'attend, être héritier d'Ithaque. Et il est le fils d'Hélène, la plus belle femme du monde, car à l'époque où Hélène était courtisée, elle a accordé une nuit à Ulysse, et l'enfant en est le fruit, et il a dû vivre caché, car ensuite Hélène n'a pas épousé Ulysse, mais Ménélas, le roi de Sparte.

L'enfant considère Ulysse. Il est en colère contre lui, de l'avoir abandonné. Mais il n'ose rien dire pour le moment.

Ils suivent l'oracle et l'enfant au cœur de l'île, dans le village des mangeurs de lotus. Ce sont là de très modestes huttes, où enfants et adultes vivent cloîtrés dans les rêveries du lotus.

L'oracle les conduit à la hutte où sont couchés Parîs et Hélène, complètement hagards, plongés dans leur rêve de lotus. Ils semblent conscients de la réalité en parallèle de leur rêve, mais ce n'est pas possible de communiquer avec eux. Andréas demande comment pouvoir parler à Parîs, on lui répond qu'il n'a pas d'autre choix que de manger du lotus à son tour, et Andréas se résigne à manger l'une de ces fleurs narcotiques dont la texture et le goût rappellent la chair des mollusques.

Andréas se retrouve dans le rêve de Parîs. Comme tout rêve de lotus, c'est un de ses meilleurs souvenirs. C'est au temps de la gloire de Troie, au tout début de la guerre. La lumière du jour pénètre à pleins poumons dans le palais de Priam, il pleut des pétales de roses, et toute une foule acclame le descendant de la grande cité. Parîs est en train de remettre les honneurs à ses meilleurs guerriers, Hélène est à son bras, rayonnante, elle n'est jamais autant la plus belle femme du monde qu'à ce moment là, et Parîs remet une couronne de lauriers sur le front d'Andréas.

Pendant ce temps, Ulysse et Emera chargent les corps de Parîs et d'Hélène sur leurs dos, ils les portent vers le navire.

Andréas dit à Parîs qu'il faut se réveiller. Parîs lui dit que cet endroit, c'est le meilleur endroit où ils puissent être. C'est la meilleure cachette. Andréas insiste, il lui rappelle sa loyauté, sa volonté de le protéger. Parîs dit qu'Andréas peut rester à ses côtés, et le protéger dans le rêve.

Mais tous deux savent que si on charge leur corps dans le navire alors qu'ils sont encore en proie à la rêverie du lotus, ils mourront sous le choc. "Qu'importe, dit Parîs. Alors nous serons libres et heureux pour l'éternité, dans le rêve du lotus, dans cette époque glorieuse. Je suis d'accord pour qu'Hélène soit réveillée, j'en ai discuté avec elle. Elle sera à mes côtés pour toujours dans le rêve, et dans la réalité, elle pourra rejoindre Ulysse, qui est l'autre homme de sa vie. Dans les deux cas, elle sera heureuse, et je ne veux que son bonheur."

Andréas ne veut pas rester protéger Parîs dans le rêve, car il n'y a rien qui le menace ici. Parîs comprend alors que c'est le serviteur qui choisit son maître et non pas l'inverse. Andréas choisit à qui va sa loyauté. Elle ne va pas à Parîs mais au nom de Troie. Alors Andréas abandonne Parîs à sa rêverie, il reporte ses espoirs sur son frère Énée, l'autre porteur du nom de Troie, qu'il va devoir retrouver pour le protéger et l'aider à fonder la Nouvelle Troie.

Emera les rejoint dans le rêve de lotus. Lui aussi, à ce moment, se fait revêtir le front de la couronne des lauriers qui revient aux braves. C'est avant sa mission secrète et avant sa désertion. Il converse avec Parîs, puis va voir Priam et lui demande ce qu'il doit faire pour que soit conservé le nom de Troie. Alors que Priam lui répond, il est plongé dans le futur.

Emera est maintenant vieux, il a une longue barbe. Il se tient sur les marches d'un temple avec Priam à ses côtés, bien sûr ce n'est qu'une projection de Priam. Des centaines de personnes sont massées au pied du temple. Des vasques enflammées éclairent la nuit tombée. Le public semble attendre les paroles d'Emera avec impatience. Priam lui dit : "Si tu veux que le nom de Troie perdure, tu dois limiter toute opportunité de fondation d'une nouvelle Troie. Parîs est déjà hors course. Il reste Énée... et il reste toi... Tu devras briser les tablettes qui t'identifient comme mon fils, comme porteur du nom de Troie. Tu changeras de nom pour garder l'anonymat. Emera, tu te feras appeler Homère, et tu consacreras ta vie à propager la légende de Troie."

Andréas et Emera se réveillent du rêve de lotus. Emera brise ses tablettes, comme Priam le lui a demandé.

Ulysse charge Parîs à bord du navire, qui en meurt. Il est désormais enfermé dans un éternel rêve de lotus. Il réveille Hélène, et elle est prête à reprendre la mer avec Ulysse, à tout recommencer avec lui. L'oracle de la mer monte dans le navire aussi, car il ne veut pas rester dans l'île des mangeurs de lotus.

Ulysse et l'enfant se regardent en chiens de faïence. L'enfant est en colère, mais il ne le dit qu'à demi-mots, et Ulysse ne sait pas expliquer non plus ses regrets ou sa peur. Est-ce le fils parricide dont parlait l'oracle de la mer ? Ulysse laisse monter l'enfant à bord.

Le navire reprend la mer. A bord, il y a trois personnes qui veulent retrouver Énée : Andréas, pour le protéger et refonder une nouvelle de Troie, Emera, pour tuer Énée et empêcher la fondation de la nouvelle Troie, et celui qu'on appelle le père de famille, qui veut retrouver sa famille et sait qu'elle accompagnait Énée dans sa fuite. Ils veulent faire un pacte avec l'oracle de la mer pour aller sans encombre dans l'endroit où se trouve Énée. L'oracle de la mer exige en échange qu'ils le laissent saborder le navire une fois qu'ils y seront arrivés, et ils acceptent. Guidé par l'oracle de la mer, le navire passe entre Charybde, une tempête de transformation, ou eau, terre et chair se transmutent les uns en les autres en permanence, et Scylla, où pleut en permanence du sang et des nouveaux-nés.

Le navire accoste sur une île minuscule. Il y a une toute petite plage de galets, où une femme vêtue de noir les attend, équipée d'un flambeau pour les guider et éviter qu'ils ne se naufragent sur les récifs qui entourent le reste de l'île. Le reste de l'île n'est qu'une haute falaise. Sur son sommet verdoyant paissent des cochons. Dès qu'Ulysse a le dos tourné, l'oracle de la mer saborde le bateau avec la bénédiction d'Andréas, d'Emera et du père de famille. Ulysse sombre alors dans une profonde dépression. Il a perdu le goût de lutter.

La femme se présente : elle s'appelle Circé, elle est la gardienne de l'île. Quand on lui demande où sont Énée et la famille qui l'accompagnait, elle répond qu'elle les avait accueillis comme elle accueille aujourd'hui l'équipage d'Ulysse, et qu'un d'eux lui a fait... du mal. Alors elle a utilisé son savoir en sorcellerie, elle a fait comme si de rien n'était, comme si c'était pardonné, et elle leur a préparé un festin. Mais c'était un festin empoisonné, qui avait le pouvoir de les transformer en ce qu'ils étaient vraiment, et elle les a transformés en cochons. Malgré sa rancœur qui demeure, elle accorde à l'équipage d'Ulysse l'autorisation de tenter de communiquer avec ces personnes devenues des cochons.

Le père de famille va voir l'oracle de l'amour, il lui demande de pouvoir parler la langue des cochons, elle lui répond que c'est langue pour langue, et il accepte. Elle plonge alors sa main dans la bouche du père de famille, et quand elle la retire, sanglante, la langue du père de famille s'est transformée en une langue de cochon : il a sacrifié le parler humain pour savoir parler cochon.

Parmi les compagnons d'Ulysse, il y a celui qu'on appelle le frère. Il veut se venger d'Énée car il pense qu'il a tué son frère. Il demande à l'oracle de l'amour qu'Énée redevienne un homme juste assez longtemps pour qu'ils aient une conversation, et elle le lui accorde à condition qu'il sacrifie sa vie. Le frère n'a que quelques minutes pour parler avec Énée redevenu homme. Énée lui explique qu'avant même la guerre de Troie, les grecs ont envoyé son frère l'assassiner. Il allait le frapper dans le dos, Énée a juste eu le bon réflexe, il a lutté pour sa vie, et il a tué son frère en état de légitime défense. Le frère rend son dernier soupir, il sait la vérité et il a perdu l'envie de lever son épée sur Énée.

Andréas sacrifie sa vie en offrande à l'oracle de l'amour pour qu'Énée redevienne un homme. Le père de famille va voir l'oracle de l'amour, il veut aider sa famille. Elle lui propose d'emporter son frère, parce que c'est lui qui a fait du mal à Circé. Le reste de sa famille lui en veut car c'est à cause de son forfait, parce qu'il n'a pas su freiner ses pulsions, qu'ils sont tous devenus cochons, et depuis ils le maltraitent et ils finiront par le tuer. Mais si le père de famille emporte son frère dans le bateau, il y aura forcément un jour où... - et l'oracle de la mer le projette dans ce futur pour qu'il visualise les conséquences - le bateau est perdu en pleine mer. Les marins n'ont plus rien à manger. Ils se tournent vers le cochon.

Le père de famille répond : "Je ne veux pas que ça se passe comme ça. Je préfère devenir un cochon, alors je resterai ici, auprès d'eux, pour les protéger tous." L'oracle de la mer est trop émue pour lui demander une contrepartie. Elle le touche, et déjà il est devenu un cochon. Il peut enfin revivre aux côtés des siens.

L'enfant décide de rester sur l'île auprès de Circé, ce qui arrange bien Ulysse.

Mais pour les autres, il faut repartir, et ils n'ont plus de bateau. Le charpentier du navire supervise la reconstruction d'un bateau à partir des débris des précédentes épaves naufragées sur les récifs. L'oracle de la mer sacrifie un cochon pour favoriser cette reconstruction.

L'une des marines, Athéia, discute avec Ulysse et celui qu'on appelle le mycénien. Elle leur explique que quelqu'un va de nouveau devoir sacrifier un être aimé aux dieux, sinon le nouveau bateau ne partira pas. Qui va se dévouer ? Ulysse, qui veut que le bateau reparte, et enfin rentrer à Ithaque, envisage de tuer Hélène, puis finalement propose à Hélène de le sacrifier lui. Le mycénien, tout ce qu'il veut au départ, c'est revoir sa famille. Et ne pas souffrir.

Il se rappelle quand il court sur les quais de Troie aux côtés d'Ulysse à la recherche d'un bateau. Il voit Athéia sur le pont du navire d'Agamemnon, elle leur lance un filet pour qu'ils puissent monter à bord.
Le mycénien est blessé. Durant toute la traversée, Athéia lui prodige des soins. Elle lui murmure des chansons pendant qu'il délire, pour l'apaiser.

Le mycénien reprend ses esprits et regarde Athéia, dans le présent. Athéia lui dit : "Je crois que tu tiens à moi, alors tu pourrais me sacrifier pour que le bateau reparte, pour que tu puisses revoir ta famille. Moi, je n'en ai aucune." Mais le mycénien ne veut pas souffrir, il ne peut pas se résoudre à tuer son amie Athéia. Il lui demande de le tuer lui. Ceux qui souffrent, ce sont ceux qui restent. Elle accepte et annonce qu'elle fera le chemin pour aller sa voir sa famille et leur expliquer quel homme il a été, ainsi son nom restera dans la légende, et sa famille se souviendra de lui.

Mais le mycénien imagine ce futur possible. Il voit Athéia rencontrer sa famille et leur annoncer la mauvaise nouvelle. Et sa famille assassine Athéia, car quand on tue le messager, on annule la mauvaise nouvelle. Il se voit revenir auprès d'eux à cause du meurtre d'Athéia.

Alors, il dit à Athéia : "Non. Tue-moi, mais ne retourne pas voir ma famille. Tant pis, mon nom ne sera pas dans la légende, ils m'oublieront."

Hélène approche son couteau de la gorge d'Ulysse. Athéia approche son couteau de la gorge du mycénien.
En même temps, l'oracle de la mer est allé voir Énée. Il lui dit : "J'ai toujours protégé la lignée de Troie, et je veux que tu puisses reprendre la mer pour fonder une nouvelle Troie, car j'ai l'espoir que les dieux s'y réfugient et survivent ainsi au crépuscule. Énée, sacrifie-moi, tu es le seul qui puisse le faire."

Quand Ulysse voit Énée sortir son épée, il fait signe à Hélène de reposer son couteau, et il sauve aussi le mycénien du sacrifice in extremis.
Ainsi meurt l'oracle de la mer, celui que personne n'aimait. A part Énée. Et le bateau reprend les flots.
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Message par Pikathulhu »

[Arbre] Les Poupées Rousses

Le remake millevalien de Des souris et des hommes par Simon « Angeldust », CR et enregistrement en musique à l'appui !
CR par Simon "Angeldust"

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Message par Pikathulhu »

ITHAQUE OU L’ÉTERNEL RETOUR

Dernière journée de la campagne d'Odysséa, où tout se dénoue, où tout recommence.

Jeu : Odysséa, revivez l'Odyssée dans une mer en ruines envahie par la forêt.
Peut être vu comme un jeu à part entière (à paraître prochainement) ou comme un théâtre pour Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 31 octobre aux Utopiales à Nantes

Personnages :
Le protecteur, l'incertaine, le vengeur, le déserteur, la justicière, Athléos, Alistène, Achille, Andréas, Inos, Clélia, Emera, Ulysse 1, Thésias, l'enfant, Circé, Ulysse 2, le mycénien, le père de famille, le frère, l'oracle de la mer, celui qui ne voulait pas souffrir, Callisto, Hélène, Ulysse 3, le charpentier, l'oracle de la guerre, Télémaque, Énée


Image
illustration (c) : Thibault Boube, pour le jeu Odysséa


L'histoire :

C'est l'heure du départ d'Ulysse pour la Guerre de Troie, sur le port d'Ithaque, le plus beau royaume du monde. Le ciel est d'un bleu immaculé, les familles couvrent les marins de fleurs, le vin coule à flots. Pénélope se rend auprès d'Ulysse et lui présente Callisto, son homme de confiance. "La famille de Callisto sert ma famille depuis des générations. Je veux te confier à sa garde pour qu'il te protège durant tout ton périple avant que tu reviennes et reprennes le royaume d'Ithaque en mains. Je vous demande de prêter tous les deux serment de mutuelle protection. Faites-vous mutuelle offrande d'un objet qui vous est précieux."

Callisto se rappelle de sa jeunesse. Sa mère lui confie une épée. "C'est l'épée de notre famille, elle est au service des héritiers d'Ithaque depuis des générations. J'ai protégé Pénélope pendant toutes ces années, maintenant il est temps que je te transmette cet honneur et cette charge. Voici mon épée. J'ai fait un pacte avec les dieux, sache qu'elle peut porter un coup fatal à coup sûr, une seule fois. Utilise-là à bon escient."

Callisto donne son épée à Ulysse.

Ulysse se rappelle quand il a sculpté son lit dans le bois d'un olivier. Avec un morceau de souche qu'il avait détourné, il sculpte un taureau. Télémaque, son fils adoré, est à ses côtés, ce n'est encore qu'un enfant. Ulysse lui apprend à poncer le bois. Il sait qu'un jour, il léguera ce taureau à son fils, Télémaque, et alors il ne sera plus attaché au royaume d'Ithaque, il pourra voyager et vivre sa vie en homme libre.

Ulysse donne le taureau à Callisto.

Sur les récifs qui entourent l'île de Circé, le charpentier ramasse des morceaux d'épaves, pour reconstruire le bateau. L'oracle de la guerre vient le voir, il lui propose des aménagements pour le futur bateau. Le charpentier l'écoute. Il fabrique un véritable navire de guerre, avec une corne de fer sur l'avant, avec des renforts de métal, avec des balistes.

Ulysse, Callisto et le charpentier s'entretiennent de la direction à prendre avec les oracles. L'oracle de la guerre propose de passer par le territoire du Kraken, c'est plus court mais bien sûr c'est dangereux, mais bien sûr c'est glorieux. L'oracle de l'amour leur conseille de passer par le territoire des Sirènes. Leur chant peut faire couler le navire, mais si suffisamment de marins se bouchent les oreilles, il n'y a aucun danger, et pour ceux qui écoutent le chant, les Sirènes leur révéleront les secrets nécessaires pour accomplir leur quête.

Le charpentier brûle d'éprouver son navire de guerre en affrontant le Kraken, mais Ulysse et Callisto préfèrent faire voile vers les Sirènes. Ulysse demande à l'oracle de l'amour de lui permettre d'atteindre Ithaque sans souci. L'oracle lui prend l'amour d'Hélène en échange : désormais Hélène sera amoureuse d'elle et non plus d'Ulysse. C'est le prix à payer pour atteindre Ithaque sans souci.

Ulysse est désespéré : ce qu'il voulait vraiment, c'était atteindre Ithaque, mais pas trop vite, car il voulait profiter le plus longtemps possible de l'amour d'Hélène, et voilà qu'il l'a perdu.

La nuit, il fait irruption dans la cabine de l'oracle de l'amour, il porte l'épée que lui a offerte Callisto, il veut tuer l'oracle pour lui reprendre l'amour d'Hélène.
Il y a deux personnes qui surveillent les agissements d'Ulysse. Callisto, pour le protéger, et Alistène, le porteur de guerre, car il sait que s'il peut y avoir une nouvelle guerre après la guerre de Troie, c'est à cause d'Ulysse qu'elle arrivera. Alistène s'est tenu tranquille pendant la traversée, mais alors qu'Ithaque semble se rapprocher, il redevient actif.

Callisto et Alistène s'interposent, alors Ulysse blesse simplement l'oracle. De cette blessure, l'amour d'Hélène en coule : Hélène n'aime plus l'oracle, mais elle n'aime pas non plus Ulysse en retour.

Le navire traverse la région de la mer hantée par les Sirènes. Les eaux sont grosses de tempête, au loin on entend une rumeur semblable à des pleurs. L'oracle de l'amour a fait fondre toutes les bougies du navire. Il est temps que les volontaires se bouchent les oreilles avec de la cire pour manoeuvrer le bateau alors que d'autres se feront ligoter aux mats pour écouter le secret que les Sirènes ont à dire. Alors que Callisto s'apprête à se faire ligoter à un mât (il a grand besoin de savoir comment mener Ulysse à Ithaque sans encombre), Silas le marin vient le voir. Il veut revoir ses parents. S'il n'entend pas les sirènes, alors il y a eu peu de chance qu'il les revoit. Il demande à Callisto de prendre sa place à la manœuvre, ou alors de lui offrir une contrepartie. Qu'il prenne le sort de Silas en pitié où qu'il craigne le prix de la contrepartie, on ne le sait pas, mais Callisto cède à la demande de Silas : il se bouche les oreilles avec de la cire, prend son poste à la manoeuvre du bateau et encorde Silas au mât.

Le bateau progresse en plein territoire sirène. Des brumes lèchent la coque. Les Sirènes, femmes sensuelles, écailleuses, à corps de faucon ou de pieuvre, approchent leur visage de ceux qui sont encordés.
Le charpentier, encordé, demande aux Sirènes d'arriver à bon port avec son bateau mais les cruelles Sirènes demandent un prix de chair humaine, et le charpentier refuse de payer un tel prix : le bateau arrivera à Ithaque après le passage des Sirènes, mais il sera détruit.

Ulysse, encordé, demande aux Sirènes d'arriver à bon port mais le plus tard possible. Une Sirène lui explique ce qui se passera alors.

Sept ans plus tard. Ulysse et ses compagnons sont sur une plage qui semble ne pas avoir de fin. Des bénitiers immenses montent la garde. Le bateau n'est plus. Il n'en reste que des planches de bois éparses, léchées par les vagues.
Ulysse est allongé sur la plage, Hélène est à ses côtés, la tête penchée contre la sienne. Avec le temps, il a pu la reconquérir, un peu, ils sont encore dans une relation d'amour-haine. Énée est mort du scorbut.

Pendant ce temps, à Ithaque. Les prétendants au trône d'Ulysse perdent patience. Ils disent qu'Ulysse est mort en mer, ils pressent Pénélope de prendre un nouvel époux, de désigner un nouvel héritier au royaume d'Ithaque. Pénélope a jadis annoncé qu'elle choisirait un nouvel époux le jour où elle aurait fini de coudre le suaire de son père. Mais le suaire n'était jamais terminé. Les prétendants ont fait pression sur les servantes de Pénélope pour qu'elles l'espionnent. Ils ont harcelé la plus fidèle d'entre elles, la sœur de Callisto, jusqu'à ce qu'elle craque, et qu'elle dénonce Pénélope. Dans le palais ravagé par les prétendants, où brûle le méchoui des meilleures bêtes du royaume, elle a désigné Pénélope, et elle a déclaré qu'elle défaisait le suaire chaque nuit, et que par cette entremise magique, les prétendants croyaient être toujours le même jour.
Un prétendant, fort et gras, s'empare du bras de Pénélope. Télémaque s'emporte et se jette sur lui avec son épée pour défendre l'honneur de sa mère, mais le prétendant est plus fort et enfonce son épée dans le ventre de Télémaque.

Voilà l'avenir dont rêvait Ulysse, et en voilà les conséquences. Ulysse demande à la Sirène comment il peut éviter un tel avenir. La Sirène lui dit qu'il lui suffit de se presser de rentrer à Ithaque, mais ce faisant, en rentrant dans son royaume, il mourra dans son lit, le lit qu'il a taillé de ces mains dans le tronc d'un oliver. Ulysse accepte un tel prix, pour sauver Télémaque.

Alors le bateau franchit le passage des Sirènes. Il navigue encore, et à la nuit tombée, s'échoue sur une crique cachée du royaume d'Ithaque. Comme les Sirènes l'avaient prédit, le bateau, comme fatigué par une telle traversée, se disloque en touchant le large. Le bel ouvrage du charpentier est détruit.

Avant que quiconque descende du bateau, Alistène achète à l'oracle l'amour d'Hélène. Une passerelle est jetée sur la plage. Alistène s'apprête à débarquer, avec Hélène à son bras.

Dans le futur. Sparte a déclaré la guerre à Ithaque pour reprendre Hélène, et les autres nations du monde pour s'emparer du royaume d'Ithaque, le seul qui a survécu au crépuscule des dieux.

Des navires de guerre propulsent des boules de feu sur l'île. Tout le pays est la proie de la coalition, seul le palais résiste encore. Des guerriers-monstres dans des armures de bronze envahissent le palais.

Au coeur du palais, autour de Pénélope et de Télémaque, Callisto, Énée, Alistène et le charpentier, au milieu des corps ensanglantés de leurs proches, forment le dernier carré. Ulysse est mort dans son lit, comme c'était écrit. Le fracas des combats résonne dans tout le palais. Une odeur épouvantable prend le charpentier aux tripes : l'odeur des oliviers d'Ithaque, qui brûlent. Alistène est en proie à la furie guerrière.
Les guerriers-monstres investissent le cœur du palais. A leur tête, Ménélas, gigantesque, aussi gras que musclé, son visage couvert d'un masque de fer à la barbe aiguisée.

Alors qu'Hélène descend la passerelle au bras d'Alistène, le charpentier et Ulysse se précipitent sur elle pour la tuer, mais Callisto s'interpose. Ulysse use alors du pouvoir mortel de son épée et tue Callisto, son protecteur. Avec sa propre épée. Ulysse reprend sur le corps de Callisto le taureau qu'il avait sculpté dans le même bois d'olivier que son lit, et qu'il avait promis de remettre à Télémaque pour lui rendre sa liberté d'adulte, ce taureau qu'il avait offert à Callisto en gage de mutuelle protection.

Le charpentier ne veut pas qu'Hélène débarque sur cette crique en catimini. Se sachant impuissant à franchir la protection d'Alistène, il s'immole par le feu sur le pont de son cher navire.
Le brasier attire l'attention de Pénélope, Télémaque, et des prétendants qui se rendent sur la crique avant qu'Ulysse, Énée, Hélène et Alistène n'aient pu se cacher. Ulysse sort le taureau de bois de sa besace, il s'apprête à le remettre à Télémaque pour lui rendre sa liberté d'adulte, pour le libérer de son obligation de rester à Ithaque, pour lui permettre de voyager et de prendre femme où il voudra, pour le délivrer de la pesante destinée d'être l'héritier d'Ithaque.
L'un des prétendants, celui qui est fort mais a le visage gras, accuse Ulysse de n'être pas Ulysse. Télémaque veut le frapper pour le punir de son impiété. Ulysse voit déjà le prétendant répliquer, et tuer son fils, alors il empêche le combat, mais ce faisant, il perd l'occasion de remettre le taureau à Télémaque. Pour calmer les prétendants, Pénélope annonce qu'elle mettra tout le monde, y compris cet homme qui prétend être Ulysse, au défi de bander l'arc d'Ulysse et de tirer une flèche entre sept haches.

Dans le passé, pendant la Guerre de Troie. Alistène a subi son baptême de sang. L'oracle de la guerre et Ménélas sont auprès de lui. Ensemble, ils discutent des différents scénarios de guerre possible en fonction de qui pourrait gagner le défi des haches. Une guerre des prétendants si Ulysse échoue, une guerre pour reprendre Hélène si Ulysse gagne, une guerre pour conquérir Ithaque si Hélène meurt.

La discussion se poursuit dans le futur, quand Ménélas investit la cour du palais et qu'ils tiennent le dernier carré. Une discussion de fer et de sang.

Le défi des haches prend place le lendemain. C'est l'occasion pour Ulysse et ses camarades de constater l'incurie dans laquelle les prétendants ont laissé le palais. Le sol est jonché d'ordures, on a fait un méchoui des meilleures bêtes d'Ithaque dans le cœur même du palais, le vin coule à flot, et l'oracle de Dionysos, le dieu des orgies et de la fertilité, tient pour ainsi dire cour dans le palais, hirsute, barbu, toujours ivre au dernier degré, vomissant et harcelant les servantes.

L'un après l'autre, les prétendants tendent de bander l'arc d'Ulysse, sans y parvenir. L'un des prétendants, un homme fielleux, parvient à tendre l'arc un instant, mais avant de pouvoir encocher une flèche, il se prend la corde en pleine figure.

Le prétendant au visage gras s'avance vers l'arc. Il a fait un pacte avec l'oracle de Dionysos pour favoriser sa fortune. Il parvient à bander l'arc, ses muscles sont gonflés, les veines saillent à en craquer... Il encoche une flèche... et tire !
Mais ce n'est pas la flèche qui part, mais son bras. Le prétendant se roule à terre en hurlant, son moignon expulse du sang et asperge les personnes les plus proches.

Télémaque murmure à Ulysse : "Je brûle de massacrer tous ces fumiers.". Il est en proie à l'hubris, l'orgueil guerrier. Déjà il porte sa main à son fourreau. Ulysse lui fait le serment qu'une fois le défi des haches remporté, ensemble ils tueront les prétendants et les servantes, innocentes, mais suspectes, si Télémaque lui conserve son amour.

Ulysse va voir l'oracle de guerre. Lui même n'est pas assuré de remporter la prouesse que représente le défi des haches, sans la faveur des dieux. L'oracle de la guerre jubile. Il le favorisera pour le défi des haches, si Ulysse s'engage à provoquer une guerre. Ulysse accepte, la mort dans l'âme.

Il empoigne l'arc et tire entre toutes les haches, du premier coup. Puis il encoche de nouvelles flèches et embroche les prétendants un par un. Avec Télémaque, il les massacre, ainsi que les servantes, comme la sœur de Callisto, qu'il empale avec les cornes du taureau de bois, la sœur de Callisto, servante fidèle. Sa seule défaillance, elle l'aurait commise un jour, dans sept ans, dans un futur déjà révolu.

Ulysse, couvert de sang, prend sa couronne des bras d'une Pénélope dévastée, il s'en ceint le front et s'assied sur le trône aux côtés de son épouse.

Ulysse a accompli son destin.

L'oracle de la guerre crie. Il n'entend plus son dieu ! L'oracle de l'amour se jette du balcon, tous les oracles de l'île mettent fin à leurs jours. C'est le crépuscule des dieux, ainsi donc les dieux sont morts car Ulysse est rentré chez lui, mettant fin à la dernière légende.

Reste l'oracle de Dionysos, qui ricane. Qui ricane.

Un grondement ébranle l'horizon. Par les balcons du palais, on voit des branches et des troncs surgir de la mer. Une immense forêt pousse dans la mer et menace de la combler.

Ulysse, fourbu de toute sa traversée, va se coucher avec Pénélope dans le lit en olivier. Il sait qu'il va mourir, cette nuit, dans ce lit. Il convoque Télémaque. Il lui demande de passer le reste de sa vie à pourchasser Énée, afin de signaler sa position à ses poursuivants, afin que perdure la guerre de Troie, ainsi Télémaque remplira la promesse qu'Ulysse a faite de déclencher une guerre. Télémaque refuse. Il veut être libre ! Ulysse lui avait promis qu'il le libérerait de son destin ! Maintenant que les dieux sont morts, les hommes devraient être affranchis, et Ulysse lui imposerait cet esclavage éternel ! Télémaque n'en peut plus, son visage est rouge de colère et d'incompréhension. "Je refuse, je refuse !". Il étrangle Ulysse, et Ulysse se laisse faire, et il meurt ainsi, dans le lit qu'il a fait de ses mains, dans le tronc d'un olivier.

Il se rappelle quand il fabriquait le lit, et qu'il montrait à Télémaque, alors un tout jeune enfant, comment poncer dans le sens du bois. Et ce soir, il meurt dans ce même lit, des mains de son propre fils, comme l'avait dit la prophétie.


C'est le lendemain de cette triste nuit. Télémaque veut se consacrer à la protection de Pénélope. Ithaque est encerclée par la forêt.

Énée, quand à lui, fait des plans pour reprendre la route et fonder la nouvelle Troie. Ensemble, ils vont voir l'oracle de Dionysos, puisque c'est le dernier oracle qui ait un quelconque pouvoir. Il conseille à Télémaque de partir avec Pénélope et d'accompagner Énée dans son exil. Télémaque comprend alors que si Pénélope meurt ou quitte Ithaque, alors la forêt contaminerait aussi le royaume, et que c'est exactement ce que veut l'oracle. Qu'Ithaque se referme.

Ils veulent tuer l'oracle mais il les arrête en disant que s'il meurt, alors Ithaque se transformerait en désert. Ils décident alors de l'enfermer. Il leur confie une fleur de lotus, matière spongieuse qui ressemble à une chair de mollusque, et leur dit qu'en consommer serait la seule façon de vivre aux côtés de Pénélope et la protéger pour toujours. En effet, le lotus permet de se plonger dans un de ses meilleurs souvenirs. Télémaque et Énée emportent le lotus, mais ils refusent d'en consommer.

C'est alors qu'ils se rappellent de la journée entre l'arrivée d'Ulysse et le défi des haches. C'était un moment de trêve, les prétendants étaient trop occupés à préparer le défi pour leur nuire. Ulysse marche aux côtés de Télémaque et d'Énée. Il n'y a qu'eux, et puis les oliviers, les cigales, le ciel et la mer. Ulysse leur dit de prendre le lotus, de les rejoindre dans ce souvenir, dans ce moment où ils sont ensemble et heureux en sécurité, et qui n'arrivera plus, puisque ce soir Ulysse sera mort et la mer va disparaître.

Il dit : "C'est ça, l'éternel retour. C'est ici, maintenant, à Ithaque, ensemble, avec les oliviers, les cigales, le ciel et la mer". Énée rétorque : "Je ne peux pas rester ici, je dois partir, fonder la nouvelle Troie." Ulysse lui tend les bras : "Ici, c'est ta maison si tu veux."

Alors Énée et Télémaque consomment le lotus.


Après la défection de Télémaque, Pénélope est seule au palais pour gérer les affaires courantes. Ithaque n'est plus qu'une oasis de nature harmonieuse au milieu d'une forêt sans limite. Les gens qui ont débarqué du navire d'Ulysse n'ont pas été reconnus par leurs familles : c'est comme si la corrosion atteignait déjà Ithaque, par la mémoire.

Mentor, le sage qui a élevé Télémaque, va voir l'oracle Dionysos en prison. Il lui demande de rendre leurs souvenirs aux familles. L'oracle demande du vin pour entrer en transe et parler à son dieu. Au sommet de l'ivresse, il entend la voix putride de Dionysos. Il lui explique comment préparer un vin qui rendra des souvenirs aux familles concernant les marins qui leurs étaient proches, mais seulement les pires souvenirs. Les familles se sentiront coupables vis-à-vis des marins.

L'oracle sort de sa transe et dit à Mentor qu'il peut préparer un vin qui rende la mémoire, mais en échange il dit que son dieu exige la mise à mort de Pénélope. Ceci, bien sûr, est une invention de l'oracle, pour que Pénélope meure et qu'ainsi la forêt envahisse Ithaque.

Mentor convoque tous les habitants dans la cour du palais, là où il y avait eu le défi des haches. L'oracle est suspendu dans une cage. Mentor explique les exigences de l'oracle pour obtenir le vin du souvenir : sacrifier Pénélope.

C'était au départ des marins d'Ithaque pour la guerre de Troie. Le jour où Pénélope a demandé à Ulysse et Callisto de prêter serment de mutuelle protection. Celui qu'on appelle le marin dit au revoir à sa famille. Sa femme, qui mourra pendant son absence, sa fille de 8 ans, son enfant de 4 ans. Celui-ci chante pour lui, sa fille lui donne un bracelet de cuir qui se détachera quand les côtes seront en vue.

On fait une fête pour le départ Ulysse. La nourrice d'Ulysse sermonne Pénélope : la nourrice a veillé sur le héros de son enfance à son mariage et aujourd'hui elle a le sentiment de le confier entre de mauvaises mains.
Ulysse dit au revoir à Pénélope. Il lui promet de revenir lui faire un nouvel enfant.

C'est la dernière nuit d'Ulysse. Il va voir l'oracle de Dionysos pour qu'il favorise la fertilité de Pénélope. L'oracle lui demande en échange de lui laisser servir un vin d'oubli aux familles qui sont massées dans le palais pour fêter son retour. Ulysse hésite à accepter un tel prix. Il retourne voir Pénélope pour lui demander son avis. Pénélope refuse de répondre, elle lui fait couler un bain pour le faire patienter. Il repart. La nourrice arrive et donne du raisin empoisonné à Pénélope, mais Pénélope comprend ce qui se trame et refuse d'en manger. Ulysse revient pour lui dire qu'il a pris la décision lui même : l'oracle est déjà en train de servir le vin d'oubli aux convives. Pénélope lui dit alors que ce n'était pas le fait de servir du vin d'oubli qu'elle refusait. En réalité, elle refuse de lui refaire un enfant. Ulysse a permis l'empoisonnement de son peuple pour rien !

De retour à la cour du palais, avec tout le peuple d'Ithaque réuni, marins fourbus comme familles oublieuses, avec Mentor et l'oracle dans sa cage, la nourrice et Pénélope sur son trône. La nourrice laisse Mentor ouvrir la cage de l'oracle. L'oracle et le marin tuent Pénélope.

Alors que Pénélope s'écroule sur les dalles de la cour, un grand tremblement secoue toute l'île.

Ithaque se referme.

Adieu les oliviers,
Adieu les champs de blé,
Adieu les cigales.


Personnages :

Le protecteur
Quête : protéger les civils

L'incertaine :
Quête : trouver la meilleure attitude dans la guerre

Le vengeur :
Quête : venger l'honneur des grecs en remportant la guerre

Le déserteur :
Quête : fuir la guerre

La justicière :
Quête : protéger les innocents

Athléos :
Quête : sauver Cassandre pour lui poser des questions

Alistène :
Quête 1 : perpétuer la Guerre de Troie
puis Quête 2 : provoquer la guerre entre Sparte et Ithaque

Achille :
Quête 1 : Se venger d'Ulysse
puis Quête 2 : protéger Briséis

Andréas :
Quête : rétablir Troie
Symbole : loyauté

Inos :
Quête : faire honneur à sa famille
Symbole : famille

Clélia :
Quête : sauver Inos des enfers

Emera :
Quête : S'assurer que Troie soit détruite pour mieux en sauvegarder la légende

Ulysse 1 :
Quête : ramener la science de Troie à Ithaque

Thésias
Quête : rejoindre sa famille
Symbole : le retour

L'enfant :
Quête : voyager et découvrir le monde

Circé :
Quête : se protéger des agresseurs

Ulysse 2 :
Quête : reprendre la mer pour se rendre à Ithaque

Le mycénien
Quête : revoir sa famille à Mycènes sans sacrifier personne

Le père de famille :
Quête : retrouver sa famille

Le frère :
Quête : se venger d'Énée qui aurait tué son frère.

L'oracle de la mer :
Quête : permettre l'avènement de la Nouvelle Troie et la fin d'Ulysse

Callisto :
Quête : protéger Ulysse

Hélène :
Quête : ne plus être le prétexte d'une guerre.

Ulysse 3 :
Quête : arriver à Ithaque... mais pas trop vite.

Le charpentier
Quête : rentrer à Ithaque... avec son bateau en bon état.

L'oracle de la guerre :
Quête 1 : ramener Hélène à Ithaque pour provoquer la guerre de Sparte
puis Quête 2 : provoquer la guerre des prétendants

Télémaque :
Quête : protéger Pénélope

Énée :
Quête : fonder la Nouvelle Troie


Contexte :

En 2014, j'ai animé aux Utopiales une séance d'Inflorenza, le jeu de rôle des héros, des salauds et des martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux. C'était une séance de trois jours, en table ouverte. Le thème était Les Chemins de Compostelle et nous avions joué avec les règles d'Inflorenza première édition. J'avais pour matériel :
+ douze d12
+ deux tableaux des thèmes
+ un tableau de 144 exemples de phrases d'historique de personnage
+ un tableau de 144 exemples de phrases de pouvoir de personnage
+ un scénario de 2 pages
+ des feuilles et des stylos pour les joueur·se·s

L'expérience m'a tellement plu que je souhaite la renouveler pour 2015. J'ai refusé un stand pour me focaliser à nouveau sur cet exercice de la table ouverte, éprouvant mais combien riche.

L'idée pour 2015 est de tenter un challenge dans le challenge : jouer sans matériel.

Je m'explique. Lors de ma table ouverte en 2014, j'ai très largement improvisé à partir d'un vague scénario de situation. J'avais cependant de nombreux supports matériels pour cette improvisation. Les feuilles de personnage sont une suite de phrases sur l'histoire du personnage, elles fertilisent la narration. La résolution par dés amène beaucoup de conséquences imprévues aux conflits, le tableau des thèmes et les scénarios sont une source d'inspiration pour moi et pour les joueur·se·s.

Depuis, j'ai conçu une variante, Inflorenza minima, qui se joue sans matériel, sans écrit, sans chiffre et sans hasard. Dans cette variante, chaque personnage est défini par sa quête, et chaque fois qu'il veut progresser dans sa quête, il devra en payer le prix fort ou renoncer pour l'instant. Ma contribution personnelle au jeu de rôle freeform (formes de jeu de rôle sans modélisation mathématique). J'ai testé Inflorenza minima sur une vingtaine de parties, il est complètement rôdé, en revanche je n'ai jamais dépassé les 3 heures de jeu consécutives sur le même scénario, parce que jouer en freeform accélère la narration et parce que c'est le format habituel de mes parties.

Jouer Inflorenza minima en table ouverte aux Utopiales me met au défi de jouer en impro, sans matériel, sur une partie d'une vingtaine d'heures cumulées. C'est un défi à ma capacité d'impro et une démonstration de jeu freeform. Pendant trois jours, le public des Utopiales assistera et participera à une table d'un jeu de rôle basé uniquement sur la conversation.

Le défi posé, il me fallait choisir un thème, un scénario de situation. Un jeu en table ouverte, qui plus est sur une telle durée, se base sur une quête de longue haleine et implique des arrivées et des départs de protagonistes : en bref, un voyage. Le parcours de Nantes à Compostelle avait bien fonctionné dans ce sens en 2014.

Dans le jeu en table ouverte, l'entrée des joueur·se·s dans l'aventure doit être immédiate : on réduit au minimum les informations nécessaires pour commencer. Les Chemins de Compostelle faisaient le boulot : je disais juste qu'on refaisait le pèlerinage de Compostelle dans un futur obscurantiste où la forêt a tout envahi. Dans ma réflexion pour cette nouvelle table ouverte, j'ai hésité entre deux voyages : L'Enfer de Dante ou l'Odyssée.

J'ai écarté L'Enfer de Dante. Le thème était trop sombre et n'aurait pas parlé à tout le monde. Peu de personnes connaissent les péripéties de cette œuvre, encore moins l'ont lue. Tandis que presque tout le monde connaît l'Odyssée, au moins son héros Ulysse ou ses principales péripéties : le Cheval de Troie, le Cyclope, Circé, les Sirènes. De plus, il y a un passage aux Enfers dans l'Odyssée, donc je pourrai donc recycler mon envie de descente au domaine des morts. Et ne serait-ce qu'avec Ulysse 31, on se fait bien à l'idée que le mythe de l'Odyssée soit retravaillé selon les codes d'un autre genre, ici l'horreur forestière de Millevaux.

Le résultat à été Odysséa, qui de théâtre pour Inflorenza minima, est finalement devenu un jeu-campagne à part entière (on dirait un burst, vu sa durée), une nouvelle porte d'entrée dans l'univers de Millevaux.


Commentaires sur le jeu :

J'ai bien rempli mon défi de jouer toute une campagne sans matériel. J'avais élaboré des tables aléatoires à destination des personnes qui voudraient jouer Inflorenza avec un livre et des dés, mais pour ma part je les ai apprises par cœur, et donc j'ai joué sans dés et sans texte, et les joueur·se·s n'ont pas utilisé de stylo, à part quelques irréductibles de la prise de notes.

Ce fut un souvenir de jeu très intense, et j'espère que les joueur·se·s ont pris autant de plaisir que j'en ai eu à les accompagner dans cette traversée. J'imagine que ça n'a pas été optimal pour tout le monde, soit parce que le lieu de jeu était bruyant, soit parce que les personnes ne pouvaient pas rester assez longtemps pour être bien investies dans le jeu, mais j'espère au moins que les personnes qui n'ont souffert ni de l'un de l'autre ont passé un bon moment.

Au final, j'ai dû utiliser moins de 50 % des règles, j'ai notamment zappé les pouvoirs (l'épée d'Ulysse est juste une réminiscence de cette règle, elle fonctionnait comme un pouvoir), et il est très rare que j'ai demandé aux joueur·se·s de définir des symboles, et dans ce cas-là, je n'en demandais qu'un au lieu de deux. Je pense que ces règles auraient été utiles si j'avais joué sur la même durée mais avec un groupe de joueur·se·s persistant. En table ouverte, je me devais d'aller à l'essentiel, et les joueur·se·s en restaient pas longtemps, de 5 minutes à 3 heures, je dirais.

De même, je suis loin d'avoir utilisé tout l'univers, il faut dire que certains éléments avaient beaucoup de potentiel (le fait de devoir sacrifier un être cher pour faire partir un bateau, par exemple), et donc sur une période de jeu de 15 heures, ce qui est au final assez court pour une campagne, on pouvait zapper un certain nombres d'éléments. Le système de choix cornéliens fait aussi qu'on zappait forcément des rencontres (ainsi, le Kraken, ainsi les Cyclopes, ainsi Charybde et Scylla.). Et puis les joueur·se·s amenaient leurs propres connaissances de l'Iliade et de l'Odyssée (Cassandre, le lit d'Ulysse en bois d'olivier...), ça faisait des éléments en plus à exploiter, et qui pour moi avaient la priorité sur les éléments que j'avais préparés, puisque le jeu suit les quêtes que les joueur·se·s ont imaginées pour leur personnage.

On a certainement fait des entorses à la mythologie grecque, mais ça ne me pose aucun problème. D'une parce que c'est un jeu de rôle uchronique, de deux parce que tant que ça ne gêne personne à la table et que ça crée du jeu, c'est acceptable.

J'espère que ce compte-rendu de partie est agréable à lire, pour autant j'ai conscience qu'il ne rend pas complètement honneur à l'aventure qu'on a joué. Avec mes règles de choix cornéliens, 30% du temps de jeu était consacré à des cogitations de joueur·se·s pour choisir la moins pire issue, je pense que c'était central dans le fun du jeu, et on le retrouve très peu dans le compte-rendu de partie, il aurait fallu que je retranscrive toutes les pensées des personnages que les joueur·se·s vocalisaient, ce qui n'est pas la chose que je mémorise le mieux. Idem, on a parfois l'impression dans le compte-rendu que certains personnages agissent tous seuls ou en tout cas tirent la couverture à eux, mais en réalité, il y a eu beaucoup de conflits duels pour trancher des litiges, qui souvent impliquaient tous les joueur·se·s à la table.
Une partie de jeu de rôle, c'est une aventure et un jeu, pas une histoire, et donc l'histoire qu'est le compte-rendu de partie ne peut restituer tout le sel de cette aventure et de ce jeu.

Enfin, la chose dont je suis le plus fier, c'est d'avoir expérimenté des règles qui imbriquent des choix cornéliens et des allers et retours dans le passé et dans le futur. Ces voyages dans le temps potentialisent énormément les choix cornéliens : les flash-back montrent aux joueur.se.s à quel point ils tiennent à telle ou telle chose, et les flash-forwards leur font expérimenter les conséquences des choix qu'ils s'apprêtent à prendre.

Et par moment, ces voyages dans le temps étaient si fréquents que ça donnait un côté mindfuck à l'expérience de jeu, que j'ai personnellement adoré.

Enfin, la combinaison des choix cornéliens et des voyages dans le temps (dynamiques, les joueur.se.s avaient un grand pouvoir d'action pendant ces voyages) m'a révélé qu'Odysséa était, avant tout, un jeu sur le combat entre l'essence et l'existence. Les joueur.se.s avaient un pouvoir de choix absolu et pourtant, une fois sur deux ils reproduisaient le destin qu'on avait prédit pour leur personnage, alors qu'ils voulaient au départ tout faire pour l'éviter.
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Message par Pikathulhu »

[Inflorenza] Le Dernier César.

Premier acte d'un marathon sériel à joueurs tournants par kF en convention, qui réinvente la décadence de l'Empire Romain.

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Message par Pikathulhu »

[Inflorenza] II. La ville sans mémoire, suivi de III. Le Mausolée

La suite de la campagne Rome par kF. Post-apocalypse romaine et PMT lovecraftien au programme.

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Message par Pikathulhu »

LA CARAVANE

Chaos, fumée et road-movie pour ce premier test de Millevaux motorisé par l'Apocalypse !

Jeu : Apocalypse World de Vincent Baker, post-apocalyptique avec du cuir, de l'essence et des flingues, ici joué dans l'univers forestier de Millevaux

Joué le 10/10/2015 au Festival du Jeu de Noyal-Pontivy (Morbihan)
Personnages : Duke, Tonton Jack, Mort, Liz, Jag, Flingueur

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crédits : *_*, Kurdish Struggle, n8wood, tom jervis, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


L'histoire :

La Caravane est une ville sur roues. Un bric à brac de camions, de caravanes, de mobil-homes entassés les uns sur les autres, rafistolés, avec des passagers jusque sur les toits qui file à travers la Voie Déchue depuis l'Auvergne. Les gens de la Caravane sont comme des criquets. Là où ils passent, tout trépasse. Ils pillent toutes les communautés qui se trouvent sur leur chemin. Sur cinq-cents personnes qui composent la Caravane, il y a une soixantaine de guerriers, de vrais sauvages, et pour les maintenir un peu en laisse, Tonton Jack, le chef de la Caravane, un type en fringues paramilitaires qui pense pouvoir régenter tout ce bazar, et qui mène la Caravane vers Arcachon, soit-disant que ce serait l'Eldorado là-bas.

On dit que la Caravane file, mais en ce moment, c'est plutôt dans les trente, quarante à l'heure. La Voie Déchue est vraiment accidenté, les arbres gagnent du terrain de partout et il y a des nids de poules gros comme des piscines.

Liz, la toubib de la Caravane, s'affaire dans son véhicule médicalisé. Il y a des compresses et des paquets de médoc qui tintent de partout sous le tangage de la route. Elle s'occupait de malades mineurs quand on lui emmène une femme de la Caravane qui s'est fait rouler sur la jambe par un des bikers. Les bikers, c'est un gang de 15 types en Harley, menés par Flingueur. En théorie, ils sont libres comme l'air, en pratique, ils patrouillent souvent autour de la Caravane en échange de carburant. Liz l'entraîne dans le petit fourgon aseptisé amarré à son véhicule médicalisé, elle prend un de ses deux assistants avec elle. La nana dit que le biker qui lui a roulé dessus s'appelle Brute. Elle exige de se faire indemniser. Liz confie la garde de la nana et du fourgon chirurgical à son assistant, un gars qui a fait ses preuves, à qui elle n'hésite pas à laisser ce genre de responsabilités. Elle passe de caravane en caravane et va se placer à proximité des bikers. Elle interpelle Flingueur, le chef des bikers. Ensemble, ils retournent vers le fourgon chirurgical.

Pendant ce temps, Mort, le gars de la Caravane qui a des pouvoirs psychiques, qu'on laisse en vie parce qu'il peut être utile, mais dont Tonton Jack se méfie, va voir l'infirmier qui garde le fourgon chirurgical. Il lui touche l'épaule avec son gant de violation et lui ordonne mentalement de tuer la nana, puis il s'en va. Mort a-t-il voulu aider Flingueur à sa façon ou juste s'amuser ? On ne le saura pas.

Quand Flingueur et Liz arrivent en face du fourgon sécurisé, ils voient l'infirmier porter la nana, apparemment inconsciente ou morte. Il la tient devant la porte du fourgon ouverte, et la jette par-dessus bord. Son corps passe sous un certain nombre de véhicules de queue, ni Flingueur ni Liz n'ont le cœur d'aller le récupérer. L'infirmier leur dit qu'il lui a diagnostiqué la Chienlit, une bactérie mangeuse de chair extrêmement virulente et contagieuse, alors il a dû l'euthanasier et jeter le corps. Bien sûr, sans corps, pas moyen de vérifier ses dires.

Duke, le Chien de Guerre, le bras armé et sadique de la Caravane, fait une petite reconnaissance. Il a le pressentiment qu'il faut se méfier de la route. Il se concerte avec Tonton Jack, et ils décident d'envoyer Jag l'éclaireur en avant avec son pick-up. Mort se porte volontaire pour l'accompagner.

Le pick-up monte un kilomètre en avant du convoi, mais ni Jag ni Mort ne sont plus vigilants que ça, sur le coup. Quand Jag aperçoit la mine anti-personnel au milieu de la route, il a juste le temps de tourner le volant et d'éviter le pire. Il tire sur la mine pour la faire péter, déflagration que tout le monde entend depuis la Caravane. Jag fait son rapport à Tonton Jack via la CB, et ils reprennent leur reco.

Jag veut vérifier s'il y a des communautés au bord de la Voie Déchue, Mort veut d'abord trouver une entrée vers les forêts limbiques, un raccourci par le monde spectral qui devrait leur faire gagner du temps. Jag gare le pick-up au bord de la forêt. Il pourrait s'enfoncer dans la forêt avec, mais pas sans l'endommager. Mort ouvre son esprit à l'égrégore, il entend tout un tas de voix qui s'agglutinent dans la forêt, et elles lui disent où se trouve une entrée vers les forêts limbiques, une sorte de fente organique dans un des arbres. Celui qui entre le premier choisit la destination, Mort passe en premier et Jag le suit. A l'intérieur, c'est la même forêt, mais comme en négatif. On entend des bruits de course au fond des bois. Soudain, Jag est agressé par la chose qu'il craint le plus... Mort ! En réalité, c'est un horla, un clone astral de Mort qui s'en prend à lui. Mort arrive à le dompter, et l'oblige même à le promettre de le protéger lui et ses amis lors de ses prochaines traversées des forêts limbiques. Il demande à aller à Arcachon, plus précisément "une entrée discrète vers Arcachon avec vue sur ce qu'il y a de plus intéressant à connaître". Ils marchent quelques temps dans les forêts limbiques et le clone leur indique une sortie par un arbre. ils arrivent dans des bosquets derrière une dune, d'où ils peuvent observer une communauté de pécheurs installés sur la plage. Il y a une cinquantaine de familles. La sécurité est essentiellement composée de barricades qui donnent sur la mer, et de deux miradors qui surveillent les environs. A l'horizon, sur l'océan, on voit une grande barre de béton : le Mur de la Honte.

Mort s'approche d'une femme qui se trouve seule dehors à ravauder des filets de pèche, et avec son gant de violation, il lui ordonne de lui dire ce qu'elle sait sur les ressources et les défenses de la communauté. Il a maintenant de précieuses informations pour les attaquer, et vu l'intérêt d'infiltrer un commando par les forêts limbiques, il se montrera indispensable à la Caravane.

Troy, un des bikers, revient de l'avant de la Caravane pour trouver Flingueur. Il lui explique qu'il était allé en reco avec Gus, un autre biker, et que Gus s'est fait choper par des pillards. Flingueur décide de remonter en reco avec Troy.

Ils dépassent l'endroit où la mine a explosé. Quand soudain, une détonation crible l'air et Troy vide les étriers de sa moto. Flingueur descend pour voir ce qui lui est arrivé. Troy a un gros trou dans le casque. Il s'est fait avoir par un sniper embusqué dans la forêt. Il entend une voix féminine et rauque lui ordonner : "avance-toi mains en l'air dans la forêt où t'es le prochain sur la liste !". Flingueur a le temps d'envoyer un message de détresse à Liz avec son talkie, puis il se résigne à avancer.

Dans la forêt, il arrive devant une petite bande de pillards. Ils ont la moto et le corps de Gus avec eux... et ils sont en train de dévorer Gus ! ça pue le sang et la merde, on voit les tripes et les côtes de Gus à l'air, c'est dégueulasse. Et déjà ils tirent Troy pour lui faire pareil. Il y a le sniper dans les arbres, il a une sorte de gros fusil customisé pour tirer des balles de plomb. Dans les branches, il y a aussi une femme avec des grands dreadlocks où sont pendus des crânes d'animaux. C'est Rossa, la cheffe des pillards. Elle ordonne à Flingueur de filer son casque et son blouson. Mais Flingueur refuse de filer son blouson. Un blouson de biker, c'est sacré. Elle demande combien de bikers il a dans sa bande, il bluffe et dit 8, elle arrondit à 16, elle est pas loin du compte. Le talkie de Flingueur crachote. C'est Tonton Jack, alerté par Liz, qui appelle. Rossa prend l'appel. Elle dit à Tonton Jack qu'elle ne leur rendra Flingueur que si au petit matin, ils déposent 16 Harley démolies au bord de la route. Rossa a l'air de prendre la menace des bikers au sérieux et c'est sa façon de s'en débarrasser. Tonton Jack va voir Brute, qui n'a pas attendu longtemps pour profiter de la défaillance de Flingueur pour prendre sa place à la tête de la bande. Il lui ordonne de commencer à démonter les Harley. Pas à les démolir, à les dé-monter. Ils seront bien capables de les re-monter après, n'est-ce pas ? Tonton Jack a un plan.

Les pillards embarquent la moto de Flingueur, lui bandent les yeux et le guident à travers la forêt.

Ils l'emmènent dans un endroit et là ils l'enchaînent et lui enlèvent son blouson. Quand ils lui enlèvent le bandage, il réalise qu'il est dans une sorte de cabane creusée dans un arbre géant. Même s'il déteste l'idée de faire un truc pareil, il ouvre son esprit à l'égrégore, et il a le temps de contacter Jag par ce biais, pour lui dire qu'il est enfermé dans un arbre géant. Puis la fenêtre se referme. Il se retrouve confronté à Rossa et au bourreau, un type avec une cagoule et une hache, le truc classique. Rossa pense d'abord à le torturer pour lui faire avouer le point faible de la Caravane, puis elle a une meilleure idée. Elle installe le blouson de Biker sur une table et elle positionne son couteau au-dessus. Elle menace de déchirer la manche si Flingueur ne lui dit pas qui est le chef de la Caravane, et qui est la personne à laquelle il tient le plus. Flingueur, malgré sa peur de voir son précieux blouson détruit, a le réflexe de bluffer : il dit que c'est Mort, le chef de la Caravane, et que la personne la plus précieuse à ses yeux, c'est Duke. Il y a un fond de vérité dans le sens où Mort a déjà sauvé une fois la vie à Duke et que Duke lui en doit une.
Rossa a l'air de le croire, mais comme c'est une grosse sadique, elle déchire quand même le blouson en lambeaux ! Flingueur vient de perdre son blouson, sa raison de vivre ! Il est complètement dévasté.

Quand Jag et Mort ressortent des forêts limbiques, il ne s'est pas passé plus de temps : le voyage a été instantané. Mais c'est pour constater que le temps qu'ils étaient en reco à Arcachon, on leur a fauché leur pick-up ! Ils aperçoivent une trentaine de sauvages du gang, Tonton Jack, Liz et Duke qui sont rassemblés entre eux et l'endroit où la mine a pété. Ils vont les retrouver et leurs exposent la situation, et apprennent la disparition de Flingueur par la même occasion. Tonton Jack est sur les lieux mais les pillards ont filé à l'anglaise. Il confie à Jag et Mort quatre de ses hommes, les Déglinguos, et ils vont suivre les traces qu'a laissé le pick-up en partant.

Ils s'enfoncent dans la forêt en suivant les pistes, quand les quatre déglinguos marchent sur un filet tendu au sol. Jag et Mort ont juste le réflexe de se jeter hors du piège, quand déjà les quatre déglinguos sont soulevés à quatre mètres du sol, pris dans une nasse : les pillards s'attendaient bien à ce qu'on suive les traces du pick-up et ils avaient prévu le coup. Une détonation résonne : l'un des Déglinguos vient de se prendre une balle à travers le filet. Il y a un sniper dans les branches. Jag le détecte au bruit et lui tire dessus, le sniper tombe au sol. On entend des éclats de voix : il y a trois autres hommes dans les branches. Mort se précipite vers le sniper et lui plaque son gant de violation sur le visage, lui ordonnant de dire : "Laissez-les ils sont avec moi !". Mais les trois hommes dans les branches interprètent ça comme une trahison de la part du sniper, ils criblent Mort de flèches avec leurs arcs. Jag arrive à faire tomber un archer et le capture. Les déglinguos ont profité de cette diversion pour crever le filet avec leurs machettes, ils sont retombés au sol, prêt à faire feu. Les archers jugent que la situation n'est plus en leur faveur, ils se barrent par les hauteurs.

La nuit est tombée quand Jag et Mort et les trois Déglinguos survivants reviennent faire leur rapport à Tonton Jack, Liz et Duke, restés en surveillance sur le lieu de l'enlèvement des bikers, avec une trentaine de gangers. L'archer capturé leur fait un plan de la base forestière des pillards, en échange de la parole d'honneur de Tonton Jack qu'il l'épargnera.

Tonton Jack change le plan : il faut attaquer maintenant. Il rappelle Brute au talkie et... lui ordonne de faire re-monter les Harley ! Brute est désespéré.
Tonton Jack veut faire un assaut classique, mais Mort lui expose l'intérêt de passer par les forêts limbiques. Ils savent que Flingueur est détenu dans un grand arbre creux. Par les forêts limbiques, on peut se téléporter directement avec un commando. ça lui fait mal, mais Tonton Jack reconnaît que le plan de Mort est valable. Sauf que Mort pisse le sang, et que si Liz essaye de le stabiliser, elle sera obligée de le mettre sous narcodoses et il sera pas en mesure de coordonner le voyage dans les forêts. Alors Mort endosse le risque de faire le voyage sans se faire soigner.
Arrivent à l'entrée des forêts limbiques Tonton Jack, Mort, Jag, Liz, Duke, les trois Déglinguos et Mox, l'autre assistant de Liz. Ils rentrent tous dans les forêts limbiques, sauf Mox, qui reste en arrière. L'effort mental que ça lui requière lui fait péter des éclats de sang dans les yeux : les blessures de Mort s'aggravent.

Mais ça marche. Ils débarquent dans l'arbre, alors que Rossa et le bourreau s'apprêtaient à découper Flingueur en apéricube. Ils défoncent le bourreau, libèrent Flingueur et prennent Rossa en otage. Ils jettent un oeil dehors, voient tout le campement des pillards, et le pick-up. Mais ils voient aussi Mox, qui s'est fait embarquer par les pillards alors qu'il était posté à l'entrée de la forêt limbique. Il est attaché à un tronc ! Ils demandent à Flingueur s'il veut récupérer sa moto, qui doit bien être planquée quelque part, mais pour Flingueur, maintenant qu'il a perdu son blouson, plus rien n'est important. Liz fait les premiers soins à Mort, mais ça le fout complètement dans le coltard. Il ne peut même plus tenir debout, deux déglinguos doivent le porter. On oublie le retour par les forêts limbiques.

Ils rushent à travers le campement en utilisant Rossa comme bouclier humain. Jag se prend quand même des flèches, Mort perd son gant de violation et un des déglinguos se fait choper par les pillards, mais ils arrivent sur le pick-up. Duke s'apprête à partir en trombe, mais Tonton Jack lui ordonne de faire des ronds, le temps pour lui de gueuler aux pillards qu'il veut faire un échange : Rossa contre Mox + le déglinguo + le gant.

Ils obtiennent ce qu'ils veulent, et se carapatent du campement avec le pick-up en vitesse. Mais maintenant, la guerre est déclarée.


Personnages :

Duke, Chien de Guerre
Homme, armure faite main, fusil de précision avec silencieux, magnum, machette, visage brusque, regard sage, physique épais.
cool -1, dur 2(x), sexy -2, rusé 1, zarb 2(x)
Hx : Tonton Jack 1, Liz 1, Flingueur 1, Jag 1, Mort -1
Actions : gros malade, soif de sang, ne pas faire chier

Tonton Jack, Taulier
Homme, fringues militaires, fusil d'assaut, visage sévère, regard froid, physique massif
cool 1 dur 2(x) sexy 1x) rusé 1 zarb -2
Hx Liz 3, Flingueur 3, Jag 2, Mort -1, Duke 2
Domaine : sujets nombreux, pillage très lucratif, gang gros, sujets décadents et pervers, gang de sales hyènes
dégats : 6h

Mort, Céphale
genre dissimulé, manteau déchiré de mangemort (tenue de protection inadaptée à l'environnement local), lames dissimulées, visage osseux, regard mort, lunettes de soudeur, physique anguleux et brisé
Actions : entretien cérébral surnaturel, murmure par projection cérébrale, marionnettiste cérébral
Matos : drogues de réceptivité, gant de violation
Cool 0, dur 0, sexy 1, rusé 0, zarb 3
dégats : 10h, puis stabilisé et redescendu à 6h

Liz, Ange Gardien
Femme, fringues de travail (plastron), taser, visage usé, regard attentionné, physique sec
cool 2(x) dur 0 sexy 1 rusé 2 zarb -1(x)
Hx Tonton Jack 0, Flingueur 0, Jag 1, Mort -2, Duke -1
Actions : Infirmerie, médecine de guerre

Jag, Passeur
Homme, fringues décontractées, magnum, visage à l'ossature légère, regard calme, physique fin
cool 1(x), dur -2, sexy 0, rusé 2 (x), zarb 1
Hx : Liz 2, Mort -1, Duke 0, Tonton Jack 1, Flingueur 1
Actions : as du volant, j'ai laissé mon tank au garage
Bagnole : puissance 2, pickup rapide, robuste, vintage, rigide.
[avec son action "tank", Jag était censé avoir une bagnole de plus, avec des mitrailleuses et des lance-grenade dessus. On l'a complètement oublié...]
dégats de la bagnole : 6h (dégâts inquiétants).

Flingueur, Biker
Homme, combi pouilleuse, pistolet mitrailleur, machette, visage sévère, regard aimable, physique noueux
cool 1(x), dur 2(x), sexy 1, rusé 0, zarb 1
Hx : Tonton Jack 2, Liz 0, Jag 0, Mort -1, Duke -1
Gang : 15 personnes, discipliné, aime la liberté et peut rafistoler et entretenir ses bécanes sans base fixe, a une grosse dette envers quelqu'un de puissant (la Caravane, à qui le gang ponctionne de l'essence).


Durée de jeu :

Création de personnage : 3/4 d'h. Jeu : 3h.


Commentaires sur le jeu :

Apocalypse World est moi, c'est l'amour et la haine. J'aime beaucoup de choses dans ce jeu, et il y a beaucoup de choses que j'aime moins. Après un test en joueur, c'est mon premier test en meneur de jeu. J'avais lu deux fois le bouquin, et là je me suis appuyé sur les livrets du Maître de Cérémonie, mais je n'étais clairement pas rôdé sur les règles. On n'a joué qu'avec les actions de base, pas d'actions spéciales ni même de fronts. Je n'ai pas forcément joué le quotidien des personnages comme on devrait le faire pour une première partie, j'ai plutôt accumulé les dangers, one-shot oblige. J'ai joué quelques actions de MC (régurgite des descriptions de la fin du monde, pose des questions comme un malade, crée des triangles PJ-PNJ-PJ, annonce des emmerdes à venir, prends-leur du matos, etc...), mais vraiment juste celles que j'avais en tête, en fait en jouant je ne trouvais pas le temps de me replonger dans les livrets pour étoffer en jeu.

Sur les six joueurs, j'avais deux débutants complets, et aucun n'avait jamais joué à Apocalypse World ou dans l'univers de Millevaux. Le joueur de Jag avait joué sa première partie tout récemment, et le joueur de Flingueur n'avait jamais joué. C'est là où je trouve que les livrets de personnages sont très bien, la plus grande réussite de ce jeu à mes yeux, parce que la création est guidée de A à Z, il nous a fallu moins d'une heure pour créer six personnages, et je suppose que ça aurait été deux fois plus rapide avec des joueurs. Quand le joueur de Flingueur a vu qu'on pouvait jouer un biker, il n'a pas hésité car il est aussi motard dans la vraie vie, donc ça lui a donné des repères, même si les bikers de ce monde imaginaire en ruines n'avaient pas tout à fait la même vie que les vrais bikers.

J'ai été incapable de me rappeler dans quelles circonstances exactes les figurants pouvaient infliger des dommages aux personnages, et en plus je ne savais jamais trop si je devais utiliser "agir face au danger" ou "prendre de force" dans les situations de coups de feu, donc j'ai géré ça au feeling, comme les joueurs ne connaissaient pas les règles, ça passait, mais çà m'a empêché de leur fournir un jeu vraiment transparent sur les conséquences.

Bon, malgré ces problèmes techniques, la partie s'est bien passé, et les joueur.se.s ont dit avoir été immergés et divertis ! On va dire que ma maîtrise des règles était suffisante pour un one-shot, joué ici comme un épisode pilote de campagne, mais si j'avais dû remettre le couvert avec la même équipe, je me serais activement replongé dans le bouquin.

Moi aussi, je me suis beaucoup amusé durant cette partie. Après, ce que propose le jeu diffère parfois de mes attentes. Ainsi, j'ai le sentiment que les archétypes de personnage conduisent vers des histoires qui vont toujours être un peu les mêmes. Après, ça ne pose aucun problème aux joueur.se.s qui ne verront pas une autre partie, mais en tant que meneur, si je dois souvent jouer avec des groupes différents, j'ai peur de voir cette répétibilité nuire à mon plaisir. Bien sûr, j'ai de la ressource personnelle pour varier les plaisirs. Et peut-être aussi que mon impression serait démentie si je jouais plus souvent : le livret d'archétype n'est qu'un point de départ, après tout c'est que les joueurs vont en faire qui va marquer la différence. Et de mon côté, j'ai un univers (Millevaux) à valoriser, qui va étoffer le squelette d'univers d'Apocalypse World. Pour l'instant, j'ai eu le sentiment que c'était l'univers d'Apocalypse World qui étouffait celui de Millevaux, mais finalement je m'en suis servi pour ça : je voulais faire faire du Millevaux avec des flingues et des moteurs. Si je devais rejouer, nul doute que je préparerais dans ma tête de nouveaux éléments de l'univers de Millevaux à intégrer, et je créerais des fronts pour amener de la variété.

Sinon, je suis content de la tagline qui m'a servi à vendre la partie : Mad Max : Fury Road + Le Projet Blair Witch + Hunger Games. Je n'avais pas besoin d'en dire plus pour attirer du monde !

J'ai aussi trouvé une méthode intéressante pour recruter dans ce genre de conventions où le public rôliste est clairsemé et où les inscriptions aux parties du soir ne sont pas formalisées (pas d'horaire précis, pas de liste d'inscription). Quand j'ai décidé de m'y mettre, autour de 21h, j'ai fait le tour des personnes désœuvrées, et j'en ai bien invité une douzaine à jouer. Je leur ai dit que je m'installais, et que ce serait les premiers arrivés, les premiers servis. Au final, j'ai rempli ma table au taquet, six joueurs, et très rapidement.
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

[Inflorenza] De l'Empire à la poussière

Un acte III dissident de la campagne Rome, narré par Piouh. Où l'Empire tombe en poussière par la force de la décadence des hommes et des choses.

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crédits : seamoor, thomas hawk, xerones, zoriah, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com
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