OÙ EST JOHN FEUERFREÏE ?
Une partie solo textuelle par Damien Lagauzère à l’ampleur d’une longue nouvelle, fresque autour du pire serial killer des États-Unis et de la mystérieuse secte qui a inspiré ses crimes : le Choeur Noir. Joué avec Psychomeurtre, Le Témoignage, Quill, Muses et Oracles, Imagia, les cartes Folies de L’Appel de Chtulhu, Terres de Sang et Lacuna.
Avertissement : contenu choquant (voir trigger warnings après l’illustration)
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thomas hawk, cc-by-nc, sur flickr.com
Trigger warning : meurtre, viol, séquestration, violence
L'histoire :
En 2008, l'agent du FBI John J. Feuerfreïe procède à l'arrestation du serial killer qui sera par la suite plus connu sous le nom de Butcher's Harem.
Quelques mois plus tard, John J. Feuerfreïe disparaît sans laisser de traces. L'enquête menée par le bureau ne donne rien. Feuerfreïe s'est volatisé, il est introuvable. Il laisse derrière lui son ex femme et sa mère, âgée et dont il avait la charge, souffrant de diverses phobies et manies.
En 2014, le Butcher's Harem purge sa peine dans un établissement psychiatrique de haute sécurité. Il est conduit d'urgence à l'infirmerie en proie à une crise de démence. Les propos qu'il hurle sont incohérents. Des témoins rapportent néanmoins qu'il a évoqué la disparition de celui qui l'a arrêté. « Il est dans le Chœur ! Il est dans le Chœur Noir ! » hurla-t-il avant de sombrer dans un coma dont il ne s'est jamais réveillé. Le Butcher's Harem est en effet décédé quelques jours plus tard, d'un arrêt cardiaque inexplicable.
En 2018, un anonyme poste sur un forum ce qu'il déclare savoir quant à l'arrestation du Butcher's Harem par l'agent Feuerfreïe. Il signe son post « l'Agent Noir ».
Quelques temps plus tard, de nouveaux « Agents » font leur apparition sur la Toile et postent ce qu'ils déclarent savoir sur l'affaire et ce mystérieux Chœur Noir.
Au cas où l'agent Feuerfreïe serait toujours en vie, il est reconnaissable aux brûlures cicatricielles qu'on peut voir au niveau de son cou. Elles sont la conséquence d'un accident de voiture qui lui valu d'être brûlé sur une grande partie du corps. Par miracle, son visage a été épargné. Il a depuis une peur panique du feu. À l'époque, il se rasait le crâne.
Notons l'intérêt de l'agent Feuerfreïe pour les sciences occultes. Il s'intéresse à biens des aspects de l'ésotérisme et de l'occultisme, mais dans une perspective mêlant l'analyse par le prisme des sciences humaines et le jeu. Il a coutume de dire que ces ouvrages sont son « Star Wars » à lui. Il sait que c'est faux mais il prend du plaisir à s'y plonger.
Par respect pour les victimes et leur famille, certains noms ont été changé.
Pour préserver la tranquillité des habitants, les Agents ont pris soin de ne pas mentionner les localités où le Butcher's Harem a sévi.
Voici le compte-rendu aussi détaillé que possible que ce que moi,
Agent Noir, a pu apprendre concernant les investigations menées par John J. Feuerfreïe et qui l'ont conduit à l'arrestation de celui qu'on a surnommé depuis le Butcher's Harem.
Le 14 avril 2008, l'agent John J. Feuerfreïe (JJFf) débarque sur une scène de crime dans un petit patelin en Arizona, proche de la frontière mexicaine. Le FBI a été contacté car, d'après le VICAP, des crimes similaires à celui-ci ont été commis dans d'autres états. JJFf est là pour le confirmer.
Il est donc midi quand JJFf arrive au cimetière local. Son humeur est comme le ciel, nuageux. Un cordon de sécurité a été installé autour de la tombe où on a retrouvé la victime. Le corps est d'ailleurs également toujours là, à la demande du FBI et au grand dam du légiste qui craint qu'une éventuelle averse ne souille le cadavre et ruine son travail.
JJFf note que la victime est sur le dos. Elle porte toujours ses vêtements, à savoir une robe courte et un léger débardeur. On devine aisément qu'elle ne porte pas (plus?) de soutien-gorge. Elle est blonde. On dirait bien que c'est sa couleur d'origine. Elle doit avoir environ 35 ans mais fait visiblement des efforts (réussis ?) pour en paraître moins.
Il n'y a pas beaucoup de sang sur les lieux. Toutefois, des plots numérotés indiquent quelques traces de pas (de lutte?) et de sang. Une piste à remonter ? Il n'y a pas de blessure apparente sur le corps. Se remémorant une autre scène de crime, JJFf pense que la victime a dû se débattre et être étranglée sur place. Les traces de sang seraient donc le reste d'une lutte entre la victime et le tueur.
À part ses vêtements, la victime ne porte aucun autre effet personnel.
Il y a un nom sur la tombe : Alfonso Diaz (1938-2003). un indice ?
JJFf fait finalement enlever le corps en vue de l'autopsie. La police scientifique commence à relever tout ce qu'elle peut d'empreinte et d'échantillon.
D'après le VICAP, ce crime fait écho à 7 autres présentant un nombre significatif de similitudes. Mais a-t-on pour autant nécessairement affaire au même meurtrier ? JJFf est convaincu que oui ! Il se rappelle en effet le dossier d'Ekaterina Caine, une femme dans la quarantaine dont la scène de crime présentait le même genre de traces de luttes près de la tombe où on l'a retrouvée.
À ce stade de l'enquête, JJFf pense qu'il est possible que le tueur travaille et que son emploi lui permette de voyage d'état en état. Aussi, il en profiterait pour tuer. À moins, qu'il ne vagabonde et tue au gré de ses voyage. Ou alors, il peut aussi planifier ses voyages en vue de commettre ses crimes. Pour autant, ses crimes restent centrés non loin de la frontière mexicaine. On a trouvé des corps en Arizona, en Utah, au Nouveau-Mexique et en Californie.
Dans la perspective d'un tueur exerçant une profession lui permettant de voyager, JJFf envisage alors de lister les entreprises dont le cercle d'activité s'étend aux états où on a trouvé des victimes.
Conformément à une de ses hypothèses, il s'avère que la victime a été empoisonné, puis étranglée au cimetière, comme miss Caine. Les victimes sont violées avant mais aussi après le décès, sur la tombe. Mais pourquoi déposer le corps sur une tombe d'ailleurs ? Cela montre que soit le tueur se sent assez puissant et en sécurité pour ce livrer à cet acte nécrophile au risque d'être surpris à tout moment, à moins qu'il ne perde là toute notion de prudence.
En tout cas, il semble que là, comme pour Miss Caine, il se soit trompé dans le dosage du poison. Il est donc possible que la victime se soit réveillée au cimetière et que le tueur ait été contraint de l'étrangler.
Voici ce que je sais, moi,
Agent Rose, des agissements de Steve Franklin Seaburn, celui qu'on allait mieux connaître sous le nom de Butcher's Harem, avant son arrestation par l'agent Feuerfreïe.
21 février 2007, Nouveau-Mexique. Le temps est sec et doux. Une voiture est stoppée en plein carrefour à cause d'un embouteillage. Le chauffeur est agité. Le passager a l'air ailleurs. Faisant mine de reprendre ses esprits, il farfouille dans ses poches et en ressort un petit sachet de poudre qu'il jette sur les genoux du chauffeur. Celui-ci, nerveux, lui demande à quoi il joue. Le passager lui dit de rester cool. Il paie juste la course. Il n'est plus très loin, il finira à pied. Il n'y a pas de problème.
Le passager ouvre la portière et quitte le véhicule. Steve Franklin Seaburn, qui sera plus connu sous le nom de Butcher's Harem, se faufile entre les voitures en direction de sa prochaine victime.
À mesure que le tueur s'éloigne, le chauffeur retrouve son calme. Il sait ce que Seaburn va faire. Ce n'est pas la première fois qu'il fait le chauffeur pour lui. Il n'aime pas ça mais Seaburn le fournit en drogue alors...
Il reconnaîtra les faits devant la cour lors du procès du Butcher's Harem. Il sera par la suite condamné pour complicité.
Extraits des archives de
l'Agent Noir :
La victime a été identifiée ! Il s'agit de Nina Ruiz, 37 ans, opératrice sur machine dans l'usine de pâte à papier implantée à la sortie de la ville. Son petit ami est pour l'instant injoignable. On s'est toutefois qu'ils se sont rencontrés dans une boite SM qu'ils fréquentent régulièrement.
Nina Ruiz n'est pas du coin. Elle est originaire de la côte est. Mais elle est en froid avec sa famille (rapport avec ses orientations sexuelles?) qui ne semble pas pressée de récupérer le corps.
L'autopsie a mis en évidence un petit tatouage entre les omoplates. Il ne s'agit pas de la zone d'action du tueur mais elle se situe non loin, un peu plus à l'est. La carte est entourée de petits symboles apparemment sans signification.
La victime a bien été empoisonnée. Mais le légiste n'a pas pu identifier le poison. Des analyses plus poussées sont nécessaires.
Concernant le profil des victimes, JJFf note les points communs suivants :
-elles ont toutes les cheveux longs (même s'ils sont de couleurs différentes).
-elles ont toutes les yeux noirs, sauf 2 victimes portant des lentilles colorées.
-si elles sont de tailles différentes, elles ont toutes la même corpulence plutôt fine et élancée.
-elles appartiennent toutes à la même classe sociale, plutôt populaire ou frange basse de la classe moyenne.
-elles étaient toutes connues pour fréquenter les bars et boites de nuit.
De son côté, JJFf ne trouve aucune entreprise dont le rayon d'action recouvrirait celui du tueur. Toutefois, la chronologie des meurtres montre qu'il change d'état à chaque passage à l'acte. Pour autant, il n'y a pas d'ordre qui apparaisse. Il n'est donc pas possible de faire une quelconque prédiction quant au prochain meurtre (sauf à dire que ce sera dans un autre état).
JJFf fait alors l'hypothèse que le tueur posséderait des planques, voire des complices, dans chaque état. Il avait tout d'abord pensé à un représentant de commerce ou au cadre d'une entreprise qui utiliserait l'avion pour se déplacer rapidement. Mais il finit par penser qu'il s'agit peut-être plutôt d'un routier. Dans ce cas, c'est du côté des entreprises de transport qu'il faut chercher. De plus, il n'est pas exclu que le tueur possède son propre véhicule, pourquoi pas aménagé en planque.
Il contacte donc les diverses entreprises de transport du sud de la Californie et proche de la frontière mexicaine. Pendant ce temps, la police locale écume les bars et relais routiers du coin à la recherche d'indices. Après plusieurs jours d'enquête infructueux, JJFf jette l'éponge et reconnaît s'être trompé quant à son profil.
Toutefois, il reste convaincu que c'est sa nécrophilie qui motive le tueur. Certes, il viole ses victimes aussi de leur vivant, mais l'autopsie révèle qu'elles sont alors inconscientes. Il s'agirait peut-être alors d'une sorte de répétition du fantasme, avant la mise en scène définitive durant laquelle il abuse du cadavre dans un cimetière.
JJFf contacte alors le bureau afin qu'on lui fournisse une bibliographie relative à cette paraphilie.
Voici le compte-rendu aussi détaillé que possible que ce que moi,
Agent Vert, a pu apprendre concernant les investigations menées par John J. Feuerfreïe à propos du Chœur Noir.
John J. Feuerfreïe est passionné d'occultisme et d'ésotérisme depuis qu'il a lu, par hasard, Le Matin des Magiciens. Il a coutume de dire que c'est son Star Wars à lui. Les fans des trilogies sont capables de discuter pendant des heures des implications scientifiques et philosophiques de tel ou tel passage d'un film. John J. Feuerfreïe est capable d'en faire autant à propos d'un texte de Mme Blavatski ou de Papus. Et comme un fan de Star Wars, il sait bien que tout cela n'est que fiction. Mais ça l'amuse. Ça le stimule même. Il se surprend à interrompre sa lecture pour réfléchir et ça lui plaît. Bon enfant, il enchaîne les ouvrages sur les soucoupes volantes, les spirites et autres sociétés secrètes. Pour ne pas paraître trop farfelu aux yeux de son entourage, il met tout ça en lien avec son cursus en sciences humaines. L'ésotérisme comme objet d'étude, ça passe mieux.
Ce soir, il parcourt un article de la revue L'Univers de l'Alchimie – L'Alchimie de l'Univers. Il est fasciné par ce mème récurrent qu'on retrouve dans bien des traditions hermétiques selon lequel l'homme est un microcosme du macrocosme qu'est l'univers. Il s'intéresse notamment à la « plasticité » de ce mème qui lui permet de se transformer, muter, pour rester adapté à un environnement socioculturel en perpétuelle évolution tout en « restant lui-même ». C'est un des thèmes dont parle cet article. Comme souvent, c'est bourré de références aux soi-disant expériences occultes menées par les nazis durant la guerre. Toutefois, son regard se pose sur un terme qu'il lit pour la première fois : Le Chœur Noir.
Ce « Chœur » est juste mentionné. L'auteur ne dit rien de plus à ce sujet. John J. Feuerfreïe poursuit sa lecture, se promettant de googler cette expression dès que possible. Est-ce un groupe ? Une société secrète ? Un lieu ?
C'est à partir de ce moment là que John J. Feuerfreïe a commencé à développer ce qui allait être diagnostiqué par la suite comme une monomanie concernant ce fameux Chœur.
Extraits des archives de
l'Agent Noir :
Après plusieurs jours sans avancer dans son enquête, JJFf finit par comprendre son erreur. Trop occupé à vouloir trouver dans quel état aura lieu le prochain meurtre, il s'est focalisé sur les déplacements du tueur et a oublié de se poser une question essentielle : s'agit-il d'un tueur organisé ou désorganisé ? Pour le savoir, il fallait repartir de la scène de crime.
Le tueur enlève ses victimes, les viole, les empoisonne, les conduit dans un cimetière et le viole à nouveau pour les abandonner sur une tombe. Et ce, 7 fois sans jamais se faire surprendre. Hasard ? Peu probable. Il doit connaître les habitudes des gardiens des cimetières. Pour ça, il a dû passer du temps à les observer eux aussi pour préparer sa mise en scène. Il a donc tout planifié.
Il apparaît alors possible, et même probable, que le meurtre soit précédé d'un séjour en ville plus ou moins long, le temps de choisir sa victime et d'observer les différents témoins possibles.
Comme il a tout planifié, et ne s'est toujours pas fait prendre, il doit avoir une certain assurance renforcée par le sentiment de toute puissance que lui confèrent la nécrophilie et le meurtre. Notons pour autant que l'empoisonnement montre une certaine « distance » par rapport à l'acte. On est très loin de la sauvagerie de certains tueurs. Là, il y a un côté « clinique » dans la chose. Le meurtre n'est pas une fin en soi. Ce n'est qu'une étape nécessaire. De plus, il convient de garder le corps dans le meilleur état possible en vue de la consommation du fantasme final. À ce titre, le viol ante-mortem de la victime inconsciente peut être perçu comme une répétition afin que tout soit parfait le moment venu.
C'est à ce moment là que JJFf s'est demandé s'il n'y avait d'autres victimes qu' on n’aurait pas retrouvées ou qu'on aurait par erreur attribuées à un autre tueur. C'est possible, mais il ne faudrait pas pour autant attribuer à celui-là les victimes d'un autre. Il s'est alors mis à éplucher les fichiers du FBI et des polices de chaque état où on avait trouvé une victime. Il a ainsi trouvé mention de 6 femmes empoisonnées puis violées dont les corps furent retrouvées dans des terrains vagues, des parkings isolés... Des répétitions ? De plus, le fichiers des disparitions mentionne 25 femmes dont le profil correspond à celui des 7 victimes du tueur.
Le dossier le plus ancien date de 1989. Partant du principe qu'un tueur en série passe à l'acte aux alentours de 25 ou 30 ans, le tueur doit avoir aujourd'hui environ 45 ans. Aussi, JJFf établit le profil d'un tueur auquel sa longue expérience du crime a donné l'assurance qui lui manquait et qui l'a conduit à la nécrophilie. Il est fort probable qu'aujourd'hui il présente bien (mieux que par le passé ?). il doit se tenir droit et paraître serein. Il est probable qu'il prenne soin de lui. Il est méticuleux. Il fait attention aux détails. Il s'entretient physiquement et soigne sa garde-robe. Pour autant, il reste discret. Il parle peu. Il est introverti. Il aime le calme, le silence. Le bruit le gène. Mais avec le temps, il a appris à être compétent socialement et s'est créé un réseau étroit mais sûr (des complices ?). Il ne travaille pas auprès des morts, sinon il ne tuerait pas. La chasse et la mise à mort ne sont pas une fin en soi. Ce ne sont que nécessité. C'est la relation qu'il noue avec sa victime qui le motive, qui l'obsède. Il doit toujours être célibataire.
Alors qu'il finalise cet ébauche de profil, il prend en note qu'il va devoir interroger les gardiens de 7 cimetières afin de savoir s'ils ont vu une « tête nouvelle », quelqu'un de « bizarre » dans les jours précédant chaque meurtre.
Extraits des archives de
l'Agent Vert :
31 décembre 2007. John J. Feuerfreïe passe les fêtes de fin d'année chez sa mère, comme tous les ans depuis son divorce. Il préférerait être ailleurs, mais que faire d'autre ? Depuis le décès de son père, sa mère s'enfonce peu à peu dans une sorte de folie douce. Ou plutôt plusieurs folies douces. Elle collectionne les petites manies et les petites phobies comme d'autres collectionnent les timbres ou les pièces de monnaie. Par exemple, elle ne jette plus rien. Les étagères et commodes croulent sous les livres et les bibelots. Mais ce n'est pas le pire. Aujourd'hui encore, c'est un parcours du combattant pour atteindre sa chambre, qu'elle ne veut plus quitter. Ce sont des dizaines de sacs poubelles empilés dans les couloirs qu'il faut enjamber, contourner. Comme à chaque fois, ils se sont disputés quand il a voulu se débarrasser des poubelles.
« Tu n'as pas de cœur ! »
« Mais si j'en ai un. Si j'en avais pas, c'est avec papa que je passerais les fêtes. »
« Oui, tu as un cœur. Mais le tien est noir. Tu as le cœur noir ! »
Il a l'habitude et ne prend pas cela trop au sérieux. De toute façon, elle finit toujours par céder car elle a trop peur de finir abandonnée.
Plus tard dans la soirée, alors qu'elle s'est endormie et qu'il fait la vaisselle, il repense à ce qu'elle a dit. « Tu as le cœur noir ! » Le cœur noir. Le Chœur Noir ! Pourquoi a-t-elle dit ça ? Est-ce une simple coïncidence ?
Extraits des archives de
l'Agent Noir :
Je sais de source sûre qu'à ce stade de son enquête, JJFf pense que les gardiens de cimetière ont forcément vu le tueur roder à un moment ou à un autre. Voire pire, certains seraient même ses complices, lui laissant le champ libre au besoin.
Il a affaire à un tueur organisé. Il œuvre depuis de longues années. Son modus operandi est bien rodé. Il n'est pas du tout exclu qu'il bénéficie de tout un réseau de planque et des complices dans différents états. Et peut-être que ses complices n'ont même pas conscience d'aider un tueur en série.
Il donne donc des consignes afin que les gardiens des 8 cimetières soient entendus. Et bingo ! 4 d'entre eux se rappellent d'un nouveau visiteur venu assez fréquemment avant et après les meurtre. Tous décrivent un homme aux alentours de la quarantaine, très maigre et avec les cheveux gris. L'un d'entre eux se rappelle même d'un doigt surnuméraire à la main droite.
Il n'est pas rare que les tueurs en série aient par le passé fait un passage par la case prison ou hôpital psychiatrique. JJFf épluche donc les fichiers des prisons et établissements psychiatriques des années 1970 et 80, en vain !
Retour à la case départ ? La case départ ! Le tueur revient toujours sur les lieux du crime. Et s'il était toujours en ville ? Et s'il devait revenir rôder autour du cimetière ?
Extraits des archives de
l'Agent Rose :
11 juillet 2007, un routier à la périphérie d'un patelin paumé de l'Utah. Steve Seaburn a rendez-vous avec Barney Meadow. Cet ex-biker reconverti en routier a tout gardé de son attirail d'Hell's Angel, sauf la moto. Accoudés à un bar, ils échangent des chopes de bières chaudes et de grandes claques dans le dos. Seaburn ne l'aime pas. Il le trouve trop brutal, sans finesse. Mais il est loyal. Et ils partagent la même passion, ils se rendent des services.
Meadow lui remet un trousseau de clés et l'assure avoir pris soin de son « coffre à jouets ». Tout est propre. Personne n'est venu fouiner. En échange, Seaburn lui remet une enveloppe grand format. Il stoppe le geste du biker quand ce dernier va pour l'ouvrir. Ce n'est pas vraiment l'endroit. L'enveloppe contient les clichés de sa dernière « lune de miel ».
Extraits des archives de
l'Agent Noir :
À ce stade de son enquête, JJFf est convaincu que le tueur est toujours en ville, soucieux d'observer les conséquences de son crime... et d'en jouir. Faire la publicité de ses actes serait alors un fait nouveau et récent dans son MO. Il prendrait plus confiance en lui à moins qu'agir en secret ne soit plus suffisant à satisfaire son fantasme.
JJFf organise donc une surveillance discrète des abords du cimetière. Vis-à-vis des médias, il envoie des signes comme quoi l'enquête se relâche, touche à sa fin.
Mais, après plusieurs jours de surveillance, rien ! JJFf ne peut concevoir que le tueur ait quitté la ville. Il en arrive à soupçonner des complicités au sein même des forces de l'ordre. S'il ne se montre pas, c'est que le tueur a été mis au courant de son plan. Il étudie donc les dossiers des policiers affectés à cette affaire et découvre... rien !
Extraits des archives de
l'Agent Rose :
Le 7 septembre 2008. Le soleil se lève sur le parking de l'hôpital d'une petite ville du sud de la Californie. Jenna Lynnway termine son service de nuit. En ce moment, elle enchaîne les heures supplémentaires. Elle est crevée. Elle va crever.
Sur le parking, elle remarque qu'une fine couche de givre recouvre le capot des voitures. C'est un peu bizarre en cette saison. Mais c'est vrai qu'il fait frais ces derniers jours, surtout ce matin. Pourtant, la nuit a été chaude. Mais sa voiture est froide. Le moteur tousse, refuse de démarrer. « Pourquoi moi ?! » Elle tape du plat des mains sur le volant quand une voiture passe devant la sienne et s'arrête. Le conducteur baisse la vitre. Un homme au cheveux gris d'une quarantaine d'années lui demande si elle a besoin d'aide.
Quelques instants plus tard, il a la tête dans le moteur. Elle n'a aucune idée de ce qu'il fabrique et s'en fiche éperdument. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que lui aussi se moque éperdument de ce qu'elle lui raconte. Soudain, il se redresse et tente de la gifler. Elle évite la baffe de justesse et le regarde avec de grands yeux plein d'incompréhension. L'homme ne sourit plus. Il s'apprête à lui décocher un coup de poing. Elle s'enfuit en courant.
Elle se précipite vers l'hôpital, espérant trouver un vigile. Elle ne pense même pas à crier. De toutes façons, à cette heure, le parking est quasiment désert. Et surtout, elle vaut mieux que ça. Elle n'est pas une pleureuse. Mais l'homme est rapide. Il la rattrape, la plaque au sol et lui fracasse la tête contre le bitume. Elle se débat, en vain. Il lui plaque un linge humide sur le visage. Elle sombre dans l'inconscience.
Elle se réveille à bord d'une voiture. Elle est sur le siège passager. Ses poignets sont attachés mais elle pense pouvoir se défaire de ses liens assez facilement. Dès qu'elle ouvre les yeux, elle voit qu'il la foudroie du regard. Envolé le gentil beauf compatissant ! Qui est ce type ? Que lui veut-elle ?
Elle tente de lui faire peur en lui racontant qu'un petit ami imaginaire l'attend et a certainement déjà appelé l'hôpital, voire même la police. D'un ton sec, il lui ordonne d'ouvrir la boite à gants. À l'intérieur, c'est l'horreur. Une horrible poupée de chiffon, exactement comme celle qui la terrorisaient quand elle était enfant. Elle les déteste. Elles la détestent ! Depuis... depuis ? Ses yeux se remplissent d'effroi. Il sourit ? Il savait. Comment ? Elle se mord les lèvres pour ne pas crier. Un filet de sang coule le long de son menton. Elle va pour refermer la boite à gants, il le lui interdit. Elle la referme quand même. Soutenir son regard à lui et plus simple que soutenir le regard de ce... truc !
Mais, comment pouvait-il savoir ?
Durant le trajet, Jenna se rappelle cette femme qui avait réussi à sauver sa peau en racontant sa vie. Elle était parvenue à apparaître aux yeux de son kidnappeur comme un être humain et non plus un simple objet. Elle tente donc de l'apitoyer en lui racontant ses erreurs de jeunesse, notamment celles qui l'ont conduite en prison. Elle pense, espère, l'attendrir en évoquant ces 3 longues et difficiles années. Elle raconte comment elle a tenu le coup, comment elle s'en est sortie à force de volonté et de travail. C'est elle qui aide les autres maintenant. Elle pourrait l'aider, lui.
Il la regarde avec circonspection. Elle remonte plus loin dans sa vie. Elle parle de son enfance, de sa famille. C'est dur pour elle. Remonte en elle la succession de malheurs qui l'ont conduite à la drogue, puis à la délinquance.
D'un coup sec, il ouvre la boite à gants. Et Jenna est de nouveau prisonnière du regard de cette horrible poupée. Elle bredouille, tente de retrouver une certaine constance. Mais cette poupée fait remonter des choses de son enfance. Ces choses qu'elle était parvenue à enfouir, à enterrer. Et maintenant, à cause de cette poupée, ça remonte, comme un cadavre de mort-vivant. Le Chœur Noir...
Elle pleure en silence.
Le soleil est maintenant bien haut. La voiture se gare devant une petite maison complètement isolée. On la distingue à peine de la route. Si on ne sait pas qu'elle est là, on passe à côté sans la remarquer. Elle constate alors qu'elle n'a fait aucun effort pour mémoriser le trajet. Et elle constate aussi que ce type n'a fait aucun effort pour l'empêcher de le faire. Elle comprend alors qu'il n'a jamais été question qu'elle s'en sorte vivante.
Dans un ultime réflexe de survie, elle ouvre la portière et se met à courir. En quelques secondes, l'homme est sur elle et lui plaque de nouveau un linge sur le visage.
Quand elle se réveille, Jenna est attachée à une chaise, devant une table. Sous son nez, une assiette fumante. Saucisse purée. L'homme est en face d'elle. Il sourit. Il lui présente les quatre autres convives attablées. Ses épouses. Quatre cadavres attachés, comme elle.
Elle tourne la tête et fait la connaissance avec deux autres mortes, vautrées sur le sofa devant un programme de téléréalité.
Il se saisit de ses couverts. « Bon appétit ! »
Elle hurle.