Donc, comme l’a dit Kyorou, on a testé
Maggus, vendredi dernier. ^^"
Quand Corinne (la femme de l’auteur) a proposé Maggus sur le forum du club, j’ai tout de suite été assailli de souvenirs des nombreux commentaires sur ce jeu que j’avais pu entendre ou lire, les blagues de Nowel Casus, un jeu si mauvais qu’il en était légendaire,
tout ça… Ce qui s’est bien évidemment mué en intense curiosité.
Je suis donc retourné sur
la fiche GROG du jeu, et je suis aussi tombé par hasard sur
cette vieille interview. J’étais vraiment intrigué par cette dichotomie entre le discours du créateur et les retours sur le GROG, qui donnent tous (ou presque) 1/5 mais après tout le jeu est vieux, peut-être que les attentes ont évolué, le jeu aussi d’ailleurs, et puis j’arriverai bien à retirer une ou deux idées intéressantes dedans ?
Je m’inscris à la table, où on devait jouer des GNistes belges qui vont se retrouver projetés dans le monde de Maggus, et ainsi découvrir le jeu tranquillement petit à petit.
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Au moment où j’arrive, un peu en retard, Kyorou était en train de se faire lister les différentes magies qui existent (heureusement, c’est presque fini quand j’arrive). Je remarque tout de suite que certaines font un peu tout (tu as la magie de "tu connais mille milliers de sorts, il te faudrait cent ans pour réciter tous leurs noms d’affilée sans pause") et d’autres très restreintes (comme la magie des pierres "si tu enchantes un diamant, comme un diamant c’est résistant ben si tu portes ce diamant enchanté tu as un bonus de résistance." "
Ah, et par exemple, si l’ambre c’est un symbole de mémoire, en enchantant une ambre j’aurais bonne mémoire ? " "
Non, acquérir les propriétés des symboliques des objets c’est une autre magie, là c’est que les pierres et c’est que leurs propriétés." "(Ah, donc ça va de friable à résistant alors…)
Ah, d’accord."). Certaines sont originales, d’autres clairement moins inspirées. À la question de l’intérêt, Corinne m’explique que les magies plus larges sont moins puissantes, et les plus spécialisées plus puissantes pour moins d’efforts. Bon… On verra en jeu…
Je remarque quelques tableaux Excel oubliés sur la tab… Ah non, c’est
les pré-tirés ! Ben on va en choisir un chacun alors. Le tableau Excel a pour chaque ligne un nom de compétences, un pré-requis (une autre compétence), puis 5 ou 6 colonnes de chiffres (oui oui…). À vue de nez, il y a bien une trentaine de compétences (dont 5 pour les 5 sens, 2 compétences de Survie : Survie en milieu continental forestier (ou un truc comme ça) parce que ça correspond à la Belgique, et Survie en milieu Tropical chéplukoi parce que… euh, on a forcément passé des vacances au chaud ???) et
QUE ces lignes de compétences.
"
Euh, y a rien d’autre ?" demandè-je, espérant avoir, je ne sais pas, un descripteur physique, un métier, un prénom…
"
Ah, si normalement y a beaucoup plus de compétences, mais là je vous ai mises que celles que vous avez !" me répond-on. Bon, je suis un peu mauvaise mangue, on était censé avoir une autre page avec les caracs et la "fiche d’identité" (les infos personnelles comme le nom et le métier tout ça, j’imagine) mais elle n’a pas réussi à les imprimer.
Dur de choisir une feuille de chiffres plutôt qu’une autre, Kyorou se concentre sur une ligne, et choisit celui qui a le meilleur score en "résistance à l’alcool". ^^’
Après clarification, un seul des 5-6 scores est utile, les autres servent juste à calculer ce dit score. Je demande quelle est l’échelle (quand on voit des compétences à 13 et d’autres à 147, véridique, vu sur ma fiche), j’apprends qu’il n’y a pas de valeur maximum, pas d’échelle de difficulté bien établie.
Après insistance pour que je puisse "visualiser" ces chiffres, on apprend que 10 correspond à un niveau Bac (ou quelqu’un qui vient juste d’avoir le permis pour une voiture), 20 correspond à un niveau licence, 50 un master et 100 un doctorat. OK.
Une fois les fiches choisies on attaque le scénario. Je passerai sur l’histoire, mais effectivement, ça ne présentait rien de Maggus. Pour le jeu de toutes les magies, on n’a vu que très peu de magies à l’œuvre ("
Oh ! Un type qui parle toutes les langues, même le français d’une autre dimension et qui n’existe pas sur Maggus, c’est de la magie !?" "
Ah ça non, c’est juste un Avantage, vous aussi vous pourrez l’avoir en allant prier au temple de Maeva." "
… OK."), et celles qu’on a vues étaient à la fois très classiques et très peu inspirées (guérir les blessures, nous donner un +10 en défense, nous téléporter chez nous…).
On n’a même pas joué des magiciens, du coup on n’a rien pu voir du système de magie, là encore, le scénario n’était pas adapté à faire découvrir du Maggus, je pense.
Pas testé la magie, mais on a quand même testé le système, et notamment le combat. Je précise à toutes fins utiles qu’on a apparemment joué avec un système simplifié.
Si on relit la fiche du GROG, on peut voir "système de jeu que l'auteur veut à la fois très complet (surtout lorsqu'on utilise les règles avancées), très souple et très simple".
… Dissipons tout potentiel malentendu. Maggus N’EST PAS
simple.
Même en ignorant le fait qu’il y a des centaines de compétences, il y a toute une tripotée d’additions et soustractions à faire,
à chaque jet. Déjà, 2d10-10 c’est tout sauf une bonne idée. Ça saute peut-être pas aux yeux comme ça mais à la table c’est pénible. En plus, si un dé fait 10, on relance et on additionne, si un dé fait 1 on relance et on soustrait (encore des opérations). Si on fait un 10 et un 1, on relance chacun pour additionner et soustraire. Tout ça pour faire en moyenne plus ou moins 0, que l’on va additionner à une compétence qui variait chez moi de 13 à 147 avec une majorité de comps autour de 80. Autant dire ques les +/-5 du 2d10-10 pèsent pas lourd. À ça s’additionne des bonus de caracs ou de races (y compris humain) et plusieurs facteurs extérieurs (s’il fait sombre, c’est moins 50 !) dont bien sûr les magies que vous êtes censés manipuler. Tout ça pour devoir faire plus que 0 (le seuil de difficulté) !! >_<
C’est typiquement le genre de système comptable très lourd avec lequel
seul le créateur est à l’aise, et qui fait que ses joueurs finissent par juste balancer leur dé sans trop réfléchir ni trop savoir et laissent le MJ faire sa sauce et leur dire si ça passe ou pas. (Et tout ça pour pas grand-chose, parce que comme tous ces vieux systèmes, au final on a intégré une dizaine de petits facteurs qui n’apportent rien à l’histoire, d’ailleurs si on en oublie, ça change un peu rien à la suite mais ça c’est subjectif).
Et puisqu’on a pu tester la baston, je confirme là aussi un système archaïque, avec une init’ lancée à chaque tour juste pour savoir qui tape avant qui, un jet d’attaque contre un jet de défense, un jet de dégâts… Ouais, ton nombre de points de vie, c’est ton poids en kilos. C’est drôle, mais pas plus que le temps de la surprise de l’apprendre.
Le jeu cumule toutes ces lourdeurs qu’on peut imaginer d’un jeu qui aurait sauté à pieds joints dans tous les travers de l’ultra simulationnisme à outrance.
L’univers, inventé de toutes pièces, est un disque dans une sphère avec des plans souterrains et des plans de la lumière et des plans élémentaires, etc. Avec 3 soleils rouge jaune bleu et 7 lunes qui tournent pas toutes à la même vitesse, des races et des pays par centaines. Ça cumule donc l’original pour chercher à faire original sans réel intérêt, et classicisme d’un univers de fantasy donc avec forcément des elfes, des nains, des dragons, des morts-vivants…
Rien pour vraiment justifier tout ça que l’envie de faire différent pour faire différent, et l’envie de mettre tout (absolument tout) dans l’univers pour pouvoir absolument tout faire et tout mélanger.
Bon maintenant, ça sent quand même l’amour, cet univers. Corinne nous a allègrement raconté comment elle adorait partir d’une civilisation/pays existant pour le twister et en faire une version Maggus. D’ailleurs, nos persos étaient des brutes en histoire et en littérature parce que c’est des rôlistes, et donc ils ont lu plein de choses sur plein de sujets.
Elle-même dans chaque description du coin où on a joué, c’était 35 % sur l’empire de Karelien 65 % sur la vraie Bourgogne sous le vrai Charlemagne.
Et tout l’univers est comme ça, plein d’inspiration de tout ce qui existe comme civilisation réelle ou fantastique (et leur magie !) sans tri ni cohérence. Le genre d’univers qui ne peut parler là encore qu’à ses créateurs qui prennent plaisir à l’éto(u)ffer encore et toujours plus, comme des démiurges qui se pencheraient sur chaque brin d’herbe et chaque insecte… mais complètement indigeste et surtout inattractif pour quiconque d’extérieur.
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Donc oui, sans surprise, Maggus est un mauvais jeu sur tous les plans. D’un point de vue subjectif, il n’y a que des choses que je n’aime pas (système simulationniste poussé, background hyperdense, paradoxalement un manque d’originalité frappant, jeu sans aucun propos). Mais même objectivement, c’est un mauvais jeu ; ce qu’il veut faire
(cf. entretien et fiche GROG) il le fait mal. Le jeu n’est pas simple ni souple, la magie est artificiellement pléthorique (le nombre de trucs redondants, avec des règles différentes pour chaque) et permet mal de faire tout ce qu’on veut (il y a des listes de sorts, pour chacune des 40 magies
(oui, même celles aux mille milliards de sorts… x_x Elle a une liste de… 10 sorts !), pas de free form ou presque), je suis sûr qu’elle n’est pas harmonisée et équilibrée (j’ai pas fait le test, mais j’en connais un au club qui pourrait voir ça très vite ^^’), l’ensemble n’est certainement pas digeste pour les maîtres de jeux, et je doute fortement que cet intimidant pavé en patchwork frankensteinesque de monde donne du plaisir de découverte à quiconque tant il manque d’attrait, d’originalité et de saveur (et les notes GROG vont dans ce sens).
C’est le genre de jeu amateur comme on en trouve dans divers clubs et qui ne devraient jamais dépasser les frontières de la table de son créateur ; le genre de jeux dont le créateur peut donner envie à sa table de continuer à le découvrir et jouer dedans, parce que sa passion est communicatrice et que c’est lui qui gère tout (le monde compliqué, les règles compliquées) et que c’est un pote, mais sorti de ce contexte il n’a d’intérêt pour personne.
Je dis ça sans méchanceté, et durant la séance j’ai repensé à
la note GROG de Cedric Ferrand. Je suis totalement d’accord avec lui. C’est un jeu de passionnés, et il y a des années de temps investi dedans. Et personne ne les a empêchés de vouloir le sortir. D’après
l’interview , 12 personnes (l’auteur et des proches) ont investi 126 000 francs (± 19 200€), l’auteur a quitté son job pour se lancer dans l’édition quand même…
Pour
ça !! Pour un jeu qui sera certes entré dans la légende rôlistique française, mais pas pour les bonnes raisons (et pas pour le bonheur du porte-monnaie de son auteur). Et il y a des gens qui l’ont acheté, sans doute sans savoir ce que c’était, qui ont dû se sentir sacrément floués, eux aussi…
Mais on ne peut pas dire à une mère que son bébé est laid.
J’ai bien essayé de lui montrer où c’était lourd, et pourquoi c’était inutilement complexe.
Mais à mes "
ça fait plein de calculs : deux dés, moins dix, plus la compétence, plus le modificateur de race, plus les…" je me faisais répondre "
mais non ! le modificateur de race, normalement il est déjà inclus dedans, t’as pas à le recalculer après. Et le 2d10-10 ça fait une moyenne de 0, c’est pas compliqué".
À nos "
mais ça sert à rien de lancer un 2d10-10 compliqué à calculer au regard de compétences qui se comptent en dizaines (genre on a 80 partout) alors qu’il faut juste faire plus de 0" on s’est fait expliquer que "
mais non ! Parce que des fois y a des modificateurs de -50 ou -100 et là y a un risque de faire moins de 0. Et puis le résultat (en valeur absolue) du jet de dés, c’est le nombre de points d’expérience que tu gagnes dans la compétence, donc c’est important !". (Oui, à
chaque fois qu’on jette les dés, on gagne des points d’XP. Plus à chaque fin de scénar. Et il en faut vite des dizaines pour continuer à augmenter des compétences, un des chiffres à côté sert de multiplicateur pour savoir combien de XP pour un +1, et comme c’est exponentiel ça change à chaque +1. Et du coup on a demandé à la création comment ça marche : 40 000 points d’XP à répartir… °.° Comme l’a dit Kyorou apparemment il lui faut juste 1h pour faire un pré-tiré. Chapeau.).
Bref, tu peux pas dire à un fabriquant d’arcs du moyen-âge que ses armes ont une cadence pourrie et font bien peu de dégâts, il te sortira ses plus belles flèches de guerre alors que toi t’as un FAMAS en tête mais ça te prendrait des jours pour lui expliquer le concept même du FAMAS…
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Voilà, c’était mon expérience sur Maggus, un jeu qui n’aurait ne méritait que l’anonymat, ou une refonte de A à Z, mais qui est tout de même entré dans la légende. ^^’
Je suis assez déçu, parce que malgré ce que j’espérais, non je n’ai rien tiré d’utile de mon expérience de Maggus (rien d’utile rôlistiquement, mais c’était intéressant quand même).
Ah, et une anecdote assez troublante, pour la fin. Apparemment, si Maggus n’a pas rencontré le succès, c’est parce qu’à l’époque de sa sortie Multisim a fait du chantage aux boutiques pour qu’elles ne vendent pas Maggus. Chez Multisim ils avaient peur que ça empêche le succès de leur jeu concurrent.
Une petite recherche sur le GROG avec comparaison de dates de sortie plus tard (merci le GROG !), je vois que le "concurrent" de l’époque, c’était Agone.
C’est vrai que ce sont tous les deux ont un univers de fantasy, vantent une approche de la magie originale malgré qui se résume en fait à diverses listes de sorts, et sont motorisé avec un système dont la sexytude est directement proportionnelle à leur logique comptable. Mais honnêtement, je doute qu’un éditeur qui existait depuis 7 ans à l’époque, connu pour des jeux comme Dark Earth, Deadlands, Guildes, Nephilim et Reve de dragon (à l’époque), et dont le nouveau poulain était issu d’un bouquin de Mathieu Gaborit (qu’on aime ou qu’on n’aime pas)…
Nan, on peut vraiment pas dire à une mère que son bébé est laid...