[CR] Des nouvelles d'Itras By

Critiques de Jeu, Comptes rendus et retour d'expérience
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Emöjk Martinssøn
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Acte 8 : Retour à la boîte à chapeaux

Quelques temps plus tard…

Scène 1 : Shlik shlik shlik shlik…

C’est le milieu de l’automne à Itras By : de fortes bourrasques de vent parcourent la ville, n’arrangeant pas le travail des balayeurs de feuilles qui sont obligés de recommencer leur travail encore et encore tout au long de la journée. Nous sommes jeudi, assez tôt le matin ; Marek est en train de faire le tour des trafiquants qu’il a dans sa poche depuis qu’il a repris les affaires de Jeff l’Usurier, et son trajet l’amène naturellement jusqu’au zoo de la ville. Georges, l’ancien majordome de Jeff, l’accompagne en traînant des pieds continuellement. Sur le chemin, il tient Marek au courant des affaires en cours, en essayent tant bien que mal de tenir le rythme vif du marin :

« Comme je vous le disais… Vos employées, Géraldine… et Chesterfield… se sont brièvement réunies… et sont devenues la même personne… suite à l’union avec l’Étranger… mais elles sont de nouveau séparées, et… elles habitent dans l’immeuble de l’Entité noire… Eh bien sinon, ce départ en bateau, à bord duquel… il y avait Cléanthe Brumaire, Jonas StJones, Amandine Beaulieu… et sœur Augusta… et le gorille prophétique… Ah, et les bananes de madame Beaulieu.
– Est-ce qu’on sait ce qu’ils sont partis faire ? demande Marek.
– Eh bien, euh… d’après un témoignage… je crois qu’ils sont partis à l’aventure. Mais je peux me permettre un avis personnel, monsieur Marek ? Je crois qu’ils sont surtout partis pour fuir leur vie en ville. Ah oui, et puis il y a l’attentat récent dans les locaux des adorateurs de Nindra, qui a fait quelques morts…
– On a à voir avec ça ?
– Je ne crois pas, c’est plutôt les Futuristes il me semble… Euh, on peut pas s’arrêter un peu ? »

Marek emmène Georges boire un verre à un bar non loin, le Galion doré (dont l’enseigne est couverte d’urine suite à un douteux concours) et lui demande de se trouver une paire de rollers quatre-roues. Il faut dire que Jeff l’Usurier n’avait pas l’habitude de sortir autant, et Georges a les jambes bien faibles… Mais comme Marek estime que « les affaires se mènent sur le terrain », il promet de s’y mettre.
« Ah, ajoute Georges, et pour la boîte à chapeau ?
– Récupérez-la.
– Très bien, je fais passer le message à nos agentes sur place. »

Georges va passer un coup de fil au bar à l’aide d’un gros téléphone orange en plastique.
« Trouve-moi aussi de la bibine de marin, lui demande Marek à son retour.
– Combien ?
– Une seule flasque, pour moi. Vas-y tout de suite. On se retrouve au bureau. »

Georges sort du bar d’un pas énergique, puis, dès qu’il pense que Marek ne le voit plus, ralentit considérablement l’allure et se tient la poitrine.

Marek finit son verre puis entre dans le zoo pour tourner autour de la cage du gorille.

Scène 2 : La vie ruinée d’Ida

Ida, chez elle, a traîné la table basse au milieu de son salon, en piétinant des fraisiers ; elle a mis un petit tabouret bancal dessus, puis une chaise sur laquelle elle est sur la pointe des pieds. Elle est occupée à passer un nœud coulant sur le crochet qui d’habitude tient l’ampoule, mais il manque trois centimètres.

Géraldine frappe à la porte, et passe timidement la tête par l’embrasure.
« Ah, Géraldine, vous tombez bien ! Vous qui êtes musclée, vous pourriez soulever légèrement la table basse ? Il ne me manque pas grand chose…
– Mais vous ne pouvez pas faire ça ! Je vous avais fait une tarte aux quetsches !
– Vous pouvez la poser sur le guéridon, là.
– Ida… C’est parce que notre voisine, madame Beaulieu, est partie ?
– Ouiiiii, avec mes bananes !! Mais y a pas que çaaa… Y a Alfred qui avait piétiné mon cœur en petits morceaux, il est moooort… Et puis mes bananes ont attaqué Francis, mon meilleur amiiii… Et puis y a eu des histoires pas claires avec des nonnes et une Entité noire… Et Cléanthe, dans la boîte à chapeau j’avais décrété qu’il ne pourrait jamais élever des bananes, que c’était pas un bon modèle… Il les a adoptéééées !!
– Mais peut-être vous trompiez-vous ! Ça va bien se passer, et…
– Et quand j’ai été raconté tout ça au gorille prophétique, il était partiiiii… Et je viens de me faire renvoyer du Lilith parce que mon partenaire de scène est parti aussi… Géraldine, franchement, qu’est-ce qu’il reste ? Il me manque mes trois centimètres…
– Moi, je suis là, Ida. Écoutez, je veux bien vous aider à déplacer la table, mais avant… je veux que vous goutiez ma tarte. Si vous devez partir, au moins, que ce soit avec quelque chose de délicieux dans la bouche. Moi aussi, je pourrais dire qu’il me reste plus que vous, que tout le monde est parti…
– Mais vous, vous avez l’Étranger… Il a été maladroit une fois, mais il va revenir s’excuser… Il vous rendra heureuse à nouveau, et vous serez le plus beau duo d’Itras By…
– Je ne sais pas si je suis prête à lui pardonner, vous savez… Comme dirait ma sœur, à force de pardonner, on se fait piétiner comme des quetsches.
– On fait moitié-moitié, alors ? »

Ida descend avec souplesse de son tabouret et rejoint Géraldine sur le canapé.
« Quand même, vous faire renvoyer du cabaret… Moi qui me faisais une joie de venir vous voir…
– Mais c’est pas une joie qu’il faut se faire, c’est une tristesse !!!!
– Une joie d’être triste, pardon !
– C’est gentil, je vois bien que vous faites des efforts, mais ça ne sert à rien… Si vous saviez l’énergie que j’avais mis à m’enfuir de ce couvent pour vivre une vie formidable…
– Ida. Votre souhait le plus cher, c’est de retrouver vos bananes et la mère de vos enfants, n’est-ce pas ?
– Ah bon ?
– Si je peux vous aider en quoi que ce soit… même si cela veut dire prendre un bateau… je suis prête à le faire.
– Et qu’est-ce que je vais leur dire si je les retrouve ?
– Eh bien, vous leur direz que vous êtes très fâchée, que cela ne se fait pas de partir comme ça sans prévenir, et voilà ! »

Ida s’imagine faisant un scandale magnifique et outragé devant un parterre d’admirateurs.
« Vous avez tout à fait raison, Géraldine. Les bananes méritent une bonne fessée, et Amandine… »

Ida défonce à coups de cuiller sa part de tarte pour toute réponse. À cet instant, Chesterfield passe à son tour la tête dans l’embrasure et apostrophe sa sœur. À cette vision, Ida se recroqueville sous son canapé.
« Psst ! Eh, Didine ! Tu lui as dit pour la boîte ?
– Non Chesterfield, c’est pas le moment.
– Bon, tu lui rabiboches le cœur et puis on y va ! Parce qu’il a pas l’air commode, le nouveau patron…
– Ah bon, vous avez un nouveau patron ? demande Ida.
– Oui, lui répond Géraldine, c’est un marin, un sacré personnage… mais il a l’air plus gentil que Jeff, quand même. La gentillesse, c’est ça qui nous sauvera toutes. »
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Emöjk Martinssøn
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Scène 3 : « Alors mon p’tit, on est venu voir sa mamie préférée ? »

Comme depuis quelques temps, Monsieur Crane est fourré à la bibliothèque, cherchant d’un air hagard toutes les informations possibles sur la tempête qui a frappé Itras By jadis et suite à laquelle il a fait son entrée en ville. Il feuillette les tours de livres amoncelés devant lui, mais n’y trouve que des pages à moitié arrachées, sur lesquelles est griffonné « Voyez ça avec Miss Wellington ». Monsieur Crane décide d’amener l’une de ces pages au rat de bibliothèque, pour savoir si c’est bien Miss Wellington qui a écrit cela. En échange du livre Les 1001 variétés de fromage, le rat tapote sur plusieurs boutons au fond de sa cage, et un minuscule pneumatique finit par arriver, contenant la lettre « F », ce qui n’éclaire guère l’explorateur. Il avale le papier, reprend sa boîte-déjeuner, et part chez Miss Wellington. Malgré le froid, sa chemise est entrouverte sur son gilet froissé et son monocle pendant, pour se donner une contenance.

Dans les locaux de la Ligue de vertu, Miss Wellington, sur l’estrade, harangue le public depuis son pupitre, comme à son habitude.
« C’est pour ça, faut qu’on aille fermer ces établissements d’mauvaise vie ! On perd tous nos adhérents ! Cette ville va pas bien, j’vous l’dis ! Tiens, bonjour mon p’tit ! Jacqueline, prenez la suite. »

Pendant qu’une petite vieille se hausse très difficilement sur l’estrade, Miss Wellington en descend, attrape fermement le bras de monsieur Crane, et l’entraîne vers l’arrière-boutique.
« Alors mon p’tit, on est venu voir sa mamie préférée ? lui demande-t-elle en lui caressant la joue.
– Oui, euh… absolument… J’adore votre compagnie, c’est, euh… Une stabilité dans ma vie…
– Ah oui, c’est tout moi ça !
– Oui, voilà… Comme les chênes, les bâtiments d’antan…
– Moi aussi j’ai b’soin de chênes bien dressés, je vois c’que tu veux dire, mon p’tit ! En ce moment, y a pas grand monde qui m’rend visite, tu sais… L’Étranger est avec des jeunettes, et même mon livreur préféré, le grand dur, y vient plus…
– Je lui en toucherai deux mots, si je le croise…
– Ah, tu m’fais bien plaisir, mon p’tit. Tu veux pas m’faire plaisir d’une autre manière, pendant qu’on y est ?
– Si si ! Je vous ai apporté un cadeau… »

Monsieur Crane lui donne un livre qui présente des filles de mauvaise vie dans des postures lascives.

« Tu veux pas v’nir le lire avec moi, mon p’tit ?
– Euh… Je vais consulter mon agenda… D’ici une douzaine de jours, par exemple ?
– Je vois, tu veux faire monter l’désir petit à p’tit… Coquin, va…
– Et sinon, j’avais une petite question… Auriez-vous, par hasard, des informations sur une grande tempête qui serait arrivée dans la ville ?
– Bien sûr, mon p’tit, la grande tempête originelle… J’connais des gens qui l’ont vécue… D’abord, y a les jumelles, Géraldine et Chesterfield ! Et puis y a tous ces marins… Et puis y a moi, bien sûr ! »

Miss Wellington se tapote l’œil de verre pour ponctuer ses paroles.
« Mais quelle est la nature de cette tempête ?
– Assieds-toi sur mes g’noux, mon p’tit, j’vais tout t’raconter… »

Sans sourciller, monsieur Crane s’exécute.

« Vois-tu, mon p’tit, avant, Itras By était une forêt. Et puis un jour, le temps s’est gâté, et tous les habitants de cette forêt, vlan ! Emportés par la grande tempête. Certains ont été déposés sur l’rivage, d’autres dans la cité d’Itras… Ils ont perdu des choses par-ci, des choses par-là… Moi, j’y ai perdu… bien des choses… mon pauvre Olaf…
– Et qu’est-ce qui a provoqué cette tempête ?
– Olaf, pourquoi tu m’as quittée ?! Mon Olaf ! J’me sens tellement seule depuis qu’t’es parti…
– N’avez-vous jamais pensé que si nous faisions revenir cette tempête, nous pourrions aussi faire revenir Olaf ?
– Mais… mais c’est qu’t’es pas bête, mon p’tit ! En voilà une idée ! Ah mon p’tit, viens là que j’t’embrasse ! Ah, j’me sens rajeunie de 80 ans !

Scène 4 : Marek, agence d’emploi

Sur les grilles du zoo, Marek tombe face à une pancarte : « Zoo fermé pour cause de dépression ». Des gros sanglots débordent de la roulotte du gardien. Marek rentre sans frapper et demande à Francis de lui ouvrir la porte du zoo.

« Ils sont tous partis ! sanglote le gardien.
– Mais c’est pas grave, le réconforte Phil le lion, ils vont revenir… Et puis on peut trouver un autre gorille…
– C’était mon ami !
– Ouvrez-moi la porte.
– Je vous reconnais, vous ! Vous êtes le marin qui m’a appris que mon amour n’était pas mon amour… Qu’est-ce que vous voulez ?
– Rentrer dans le zoo. Je suis là pour enquêter. Je vais retrouver le gorille.
– Vous êtes de la police marine ?
– Oui.
– Vous feriez ça pour moi ?
– Pas pour vous.
– Je suis sûr qu’il est parti avec cette… Amandine ! La pire erreur de ma vie, celle-là. »

Pendant que Francis se lève pour ouvrir les grilles du zoo, Marek l’entend marmonner : « Et puis qu’est-ce que je vais faire avec un grand manoir comme ça, moi…
– Un manoir ?
– Oui, mon employeur est parti aussi, et d’après mon avocat, c’est à moi de récupérer… Enfin il faut que je voie avec sa femme.
– Je peux vous employer, moi. Allez voir Georges.
– Et je ferais quoi, pour vous ?
– La même chose qu’avant. Gardien de zoo et de manoir.
– Bon, eh bien, d’accord… Mais si vous m’employez, ça veut dire que j’aurai plus d’ennuis avec la police ?
– Oui. »

Francis met la casquette de gardien sur la tête de Phil et quitte les lieux. Phil ouvre le zoo à Marek et l’amène jusqu’à la cage ; Marek décide de se mettre en état quantique pour obtenir quelques informations.

[Je demande à Boris de tirer une carte « Résolution ». Eugénie lit : « Oui, mais… Vous réussissez, mais les conséquences de votre action sont différentes de ce à quoi vous vous attendiez ».]

Marek sent quelque chose fourmiller dans sa poche : ce sont les petites coches que le gorille avait fait sur sa prophétie. Elles glissent le long de sa jambe et vont se fourrer dans un arbre ; la prophétie est désormais lisible et on peut lire sur le carton : « Faites confiance aux noyés ». Au dos, embossé, « Maman les p’tits bateaux », le nom d’une compagnie portuaire que Marek connaît bien. Il reste silencieux quelques minutes, puis s’en va, à moitié pas là, vers le port, sans saluer Phil.
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Emöjk Martinssøn
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Scène 5 : De ce qu’on va bien pouvoir faire de cette boite à chapeaux

Ida finit sa tarte aux quetsches, qui lui a redonné un peu le moral ; elle essuie ses larmes avec ses mains pleines de sucre.

« Bon, dit Géraldine, ça va mieux ? Dans ce cas, j’ai quelque chose à vous demander… Vous savez, le nouveau patron dont je vous parlais tout à l’heure, monsieur Marek ?
– Aaaaaaah, c’est Marek ! Il est pas si gentil… Mais vous vous souvenez, on l’avait rencontré ensemble au zoo… Je pense que vous avez refoulé ce souvenir à cause de Jonas StJones qui a replongé, mais vous savez, c’était pas contre vous… Il fallait qu’il parte.
– Monsieur StJones… est parti ?
– Ouiiiii, lui aussiiiii ! »

Toutes deux se mettent à pleurer.

« Bon, oh ! crie Chesterfield. T’as fini un peu, Ida ? On t’entend à l’autre bout de l’immeuble ? Géraldine, tu lui as dit pour la boîte à chapeau ? Toi, la cracheuse de feu, t’en as bien une chez toi ?
– Ça va très mal se terminer, cette histoire… La dernière fois que vous m’avez posé cette question, il s’en est suivi tout un tas de drames…
– Mais non, Ida, la réconforte Géraldine, c’est comme ça qu’on s’est rencontrées ! Sans cette boîte à chapeau, on serait jamais devenues amies !
– C’est vrai ! Elle est sous mon lit.
– Très bien, son propriétaire veut la récupérer.
– Comment ça ? C’est une propriétaire !
– Mais non, elle appartenait à Jeff l’Usurier, et à monsieur Marek maintenant.
– Ah, c’est pas la même alors ! La mienne elle appartient à mon ancienne voisine, une femme magnifique qui habitait dans votre appartement… Je vous assure qu’on pourrait pas la confondre avec Jeff l’Usurier !
– Bon, c’est pas compliqué. Y avait une boîte à chapeau chez la femme magnifique, oui ou non ? La réponse est oui. Cette boîte à chapeau, elle appartenait à Jeff. Y veut qu’on la récupère, Marek. OK ?
– Je ne sais pas… pleurniche Ida. Vous allez trop viiiiite…
– Bon, je vais faire court et simple. Nous vouloir boîte à chapeau. Toi avoir boîte. Toi donner boîte.
– Bin, c’est que je dois la rendre à la femme magnifique après… Bon, je peux vous la prêter, vous me la redonnerez en remettant le ruban exactement pareil, et personne saura qu’elle aura été ouverte ! Mais je le fais pour Géraldine, hein.
– Bon, Didine, on va causer dans le couloir. »

Dès qu’elles sont parties, Ida colle un verre sur la porte pour espionner la conversation.

« Bon c’est pas compliqué : j’lui pète la gueule, et puis après on retourne sa maison et on prend la putain de boîte ! On va pas se faire chier quand même !
– Je ne peux pas te laisser faire ça. C’est une amie, tout de même. Peut-être la seule, maintenant. On n’a qu’à lui dire qu’on prend sa boîte et qu’on la rendra à la femme magnifique quand elle reviendra ! Elle reviendra jamais, de toute façon. Et puis tu m’en dois une avec tous ces Futuristes qui rentrent par la fenêtre sans s’essuyer les pieds… »

Chesterfield rouvre la porte à la volée et dit à Ida de les accompagner chez Marek, munie de la boîte. Toutes trois descendent les escaliers et sortent de l’immeuble ; en passant devant la porte de la cave, Géraldine et Chesterfield font un pied-de-nez.

Scène 6 : Le spleen du jouet sexuel

Monsieur Crane finit par se libérer des griffes de miss Wellington, des courbatures partout et des traces de rouge à lèvres partout.

« Ligue de vertu, mon œil oui… » grommelle-t-il alors que miss Wellington prend congé de lui avec un clin d’œil obscène. Il décide d’aller descendre un bon verre de bourbon-qui-aurait-pu-être au bar du coin ; plus il le sirote et plus il se voit en grand explorateur dans la jungle, qui vend ses mémoires par milliers et est adulé par tous.

« Eh, mon gars ! le réveille le serveur. Attention, ça peut amener loin ce truc-là…
– Désolé, je pensais au bon vieux temps qui aurait pu être…
– Ouais, j’comprends…
– J’vous en sers un ?
– Si j’étais pas serveur… Pourquoi est-ce que j’ai donné ma candidature ici, quelle erreur…
– Vous savez, il y a une rumeur qui circule : dans une version d’Itras By, tout est possible, et on pourrait y accéder en passant par une certaine tempête…
– Tu parles de la fameuse face B ? Tout le monde en parle, jamais personne l’a vue…
– Mais si c’était vrai ? Ça vaudrait pas le coup d’essayer ?
– Non, non. Faut pas que je vous écoute ! Les rumeurs, ça mène trop loin ! J’ai pas besoin d’être président, je suis très bien dans ce bar ! Réglez votre consommation, et laissez-moi tranquille.
– Pensez-y, lui dit monsieur Crane d’un air intense.
– J’entends rien ! Lalalala ! »

Le serveur se met des bouchons de liège dans ses oreille et lui tourne le dos.

« Vous pouvez chercher à ne pas m’entendre, mais je sais que l’idée va germer dans votre crâne… Vous pourriez faire de grandes choses pour m’aider à retrouver cette tempête… Quand vous aurez enfin changé d’avis, je serai là. »
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Scène 7 : Une tempête ? Pareil mais en plus grand.

Monsieur Crane se lève, jette un sonnet sur la table, et quitte le bar alors que le serveur éclate en sanglots. Se sentant beaucoup mieux, il décide de rendre visite aux adorateurs de Nindra, en passant par le raccourci secret que tous les membres connaissent. Depuis le passage de l’Étranger, les adorateurs, par miséricorde, prolongent les souffrances de leurs victimes le plus longtemps possible, aussi les cris et les hurlements résonnent-ils encore plus qu’auparavant.

« Pitié, crie une des victimes au passage de monsieur Crane, achevez-moi ! Je vous dirai tout ce que vous voulez ?
– Ah oui ? Que sais-tu de la tempête ?
– Euh, c’est quand les nuages se regroupent, et puis il y a un phénomène météorologique… Je sais pas comment il s’appelle, j’suis pas allé à l’école, pardon !! Il se met à pleuvoir très très fort, y a des éclairs, et ensuite une tempête ! C’est tout ce que je sais !
– Non. La grande tempête.
– Euh, je sais pas… Pareil mais en plus grand ?
– Je pense que tu n’as pas encore accepté Nindra dans ton cœur. »

Un des collègues de monsieur Crane, frère Lenny, le salue au passage.
« Alors, ça torture bien ?
– Oui, j’ai trouvé un nouveau moyen de faire souffrir nos hôtes, je leur inflige une énigme en même temps que leurs sévices physiques…
– Super idée ! Il faut en parler au service Recherche et Développement ! C’est quoi l’énigme ?
– Je souhaiterais des renseignements sur la grande tempête d’il y a quelques années.
– Ouais enfin tu sais, entre toi et moi… Je crois que les gars qu’on torture, ils nous racontent ce qu’on veut bien leur faire dire…
– Il faudrait s’assurer qu’ils disent la vérité sous la torture… C’est pas facile…
– Ah non, si c’était facile, tout le monde le ferait… Tu restes manger, au fait ? C’est cancrelat à la cantine !
– Le vieux cuistot nous a fait sa sauce spéciale ?
– Attends, c’est encore mieux ! Il paraît que le vieux cuistot est mort et tombé dans la casserole ! »

Scène 8 : Marek à la pêche

Au port, Marek cherche l’un de ses indics, mais il n’y a pas grand monde ; il va donc directement voir le contremaître, Clothaire, avec qui il va parfois faire des affaires.

« Salut Marek ! Dis-donc, t’es sacrément translucide… Alors il paraît que ça y est, t’es un gros poisson maintenant ?
– Mais la mare est petite.
– Ça je comprends, faut pas trop faire de vagues.
– Je viens à la pêche, d’ailleurs. »

Un public de marins commence à se former autour d’eux, acclamant chaque réplique.

« Euh… Ah… continue Clothaire. Vas-y, je mords à l’hameçon !
– Je cherche des vers pour pêcher, et je veux savoir où on trouve les gens noyés ?
– J’ai peut-être un appât à noyés, effectivement… mais… euh… on va voir si tu m’asticotes suffisamment !
– J’ai beaucoup de filets à tirer, ce matin, et si tu continues je vais t’envoyer par le fond.
– Oui oui… euh… Et moi, je… J’en ai gros sur la patate ! »

La foule hue Clothaire, qui tire Marek à l’intérieur de sa cahute, remplie d’appâts : appâts à filles, appâts à chiens, appâts à gorilles, appâts à poissons… et appâts à noyés.

« Tu cherches un noyé en particulier ?
– Un qui répond.
– Oh, ils répondent tous, tant qu’on les remue suffisamment… »

Il sort une petite bouteille à l’étiquette délavée.

« Tiens, des regrets de noyés, c’est parfait. Tu leur fais croire qu’ils ont pas tout liquidé, et ils reviennent aussitôt à la surface. »

Clothaire tend la bouteille, en demandant à Marek son prix : une plus grosse part dans les trafics du port. Marek lui dit d’aller voir avec Georges.
« Tu as aussi des appâts à gorilles ? À gorilles prophétiques ?
– Attends. »

Clothaire sort un bouquet de fraises ; pour que ça appâte les gorilles prophétiques, il faut y ajouter les larmes d’une amie proche.

Marek prend la première barque à quai qu’il trouve, vole une paire de rames et s’éloigne au large. Il pêche son noyé à la traîne, en tirant derrière lui la bouteille à laquelle il a noué une ficelle.

Une noyée finit par se hisser à bord de son embarcation : une femme cadavérique, au corps décomposé, bleu et boursouflé, couvert d’algues.
« Mon regret… mon regret… Je ne lui ai pas dit que je l’aimais… mon fils… Jeff…
– Vous allez pouvoir lui dire bientôt. Il va venir vous retrouver. Vous avez quelque chose à me raconter ?
– Que veux-tu savoir, homme de la surface ?
– Où sont mes amis et le gorille ?
– J’ai été heurtée par un bateau, récemment. Il y avait des bananes, dessus… Ce bateau partait vers le large… Vers les archipels de l’amour heureux…
– Et est-ce que tu connais un bon moyen de cuisiner les bananes ?
– Oui… avec… avec du chocolat…
– Merci. »

Marek remet la noyée à l’eau, en lui répétant que son fils va bientôt la rejoindre, puis retourne au port.
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Scène 9 : « Ils sont partis parce qu’ils étaient pas dignes de nous »

Ida, Géraldine et Chesterfield arrivent au bureau qui appartenait jadis à Jeff. Tout est décoré à la mode marine : des cordages, des gouvernails, des gardes habillés en pirates de l’ancien temps, des coffres remplis de (fausses ?) pièces d’or… Sur une enseigne au bois pourri, auquel pend une sirène, on peut lire « À la sirène heureuse » ; c’est le nom du bar qui abrite désormais le bureau. La sirène salue Géraldine et Chesterfield, se tire une oreille, et un pan de mur dévoile des escaliers moussus sentant le varech.

Dans le grand bureau tout en longueur, Georges est en train de ronfler, les pieds sur le bureau. Chesterfield lui hurle dans les oreilles en imitant Marek, ce qui manque de donner une crise cardiaque au serviteur.
« Qu’est-ce… que vous… venez faire… ici ? souffle Georges.
– C’est madame, elle a un p’tit cadeau pour Marek !
– Alors techniquement, proteste Ida, ce n’est pas un cadeau, c’est un prêt.
– Oui, bon. Il est là le patron ?
– Non, il est de sortie.
– Ah bah vous voyez, c’est dommage ! »

Ida commence à reculer avant que Chesterfield ne l’arrête.
« Hop hop hop ! Reste ici avec Géraldine, j’vais appeler le patron. »

Elle disparaît dans une pièce derrière le bureau, tandis qu’Ida fait la conversation avec Georges.
« Vous avez bonne mine par rapport à la dernière fois ! Ça vous réussit le grand air !
– Oui, enfin mon docteur m’a dit de pas trop m’agiter quand même… À mon âge, on a le cœur fragile…
– Vous devriez essayer la tarte aux quetsches de Géraldine, ça vous requinque un homme !
– Ah bon, mais elle m’en fait jamais !
– Oui, eh bien il faut la mériter, ma tarte, je ne la fais pas à n’importe qui.
– Bon, dit Chesterfield, le patron est au port, je lui ai dit qu’on arrivait. Allez, en route, il aime pas attendre.
– Mais vous, vous savez où elle est partie Amandine ?
– Ah, dit Géraldine, je crois qu’elle est partie avec… avec… avec Jonas !
– Allons… Moi aussi il me manque, mais… Parce que je peux pas faire mon numéro en attendant, mais vous inquiétez pas… Mais où ils sont partis ?
– Ça, si je le savais… »

Chesterfield roule des yeux devant ces minauderies et s’impatiente.
« Allez, on y va oui ? Ils sont partis parce qu’ils étaient pas dignes de nous, et voilà… »

Géraldine et Ida la suivent en se soutenant par les épaules.
« Elle est dure quand même, votre sœur… Je comprends que la vie puisse abimer les gens, mais bon…
– Vous savez, je crois que secrètement, elle souffre elle aussi…
– Ah bah j’espère, parce qu’avoir un aussi sale caractère sans l’excuse de la souffrance, c’est difficile !
– Vous savez, je crois que… Je crois qu’elle préférait quand on était ensemble… »

Scène 10 : Nouvelles étreintes pour Monsieur Crane

Après son déjeuner chez les adorateurs, à la fois délicieux et amer (car il n’y avait qu’un seul cuistot), monsieur Crane se dirige vers l’immeuble de Géraldine et Chesterfield, où il ne les trouve pas. Il pense à demander au gardien, mais celui-ci a accroché à sa porte un écriteau : « Ça suffit, on ne me dérange plus », et personne ne lui répond à part des bruits étranges de clapotis visqueux. Derrière les carreaux en verre dépoli, une masse sombre lui ouvre lentement la porte en dégoulinant : « Qu’est-ce que c’est, hmm ?
– Euh, b… bonj… bonjour… »

Monsieur Crane s’enfile une lampée de whisky pour se donner du courage.
« Pardonnez-moi de vous déranger, euh… monsieur ?
– Hmm…. Vous cherchez la puissance, hmm…. Vous cherchez la connaissance ?
– Euh, je cherchais surtout Géraldine et Chesterfield, mais…
– HMMM, GÉRALDINE, CHESTERFIELD ! TRAÎTRESSES ! PAS BON, PAS BON, HMMM !
– Pourriez-vous… m’indiquer la direction où elles sont parties ? »

La masse se dilate et se reforme plusieurs fois, et commence à lui tourner autour, s’accrochant à ses chevilles, puis à ses flancs, ses épaules, jusqu’à ce qu’un pseudopode lui rentre dans l’oreille. Des voix murmurent dans sa tête : « On le mange – on le mange pas – il a l’air bon celui-là – il a l’air bon – il vient d’ailleurs – c’est peut-être lui – NON – c’est une femme qu’on cherche – Géraldine – Chesterfield – au port – au port comme la nonne – oui – OUI »…

L’Entité finit par libérer monsieur Crane, en laissant des traces noires sur ses vêtements.
« Tu reviendras, hmm, comme les autres… »

Elle se retourne vers l’arrière du bureau en sifflant : « Martin, c’est l’heure de la traite ! ». Pour toute réponse, une vois d’homme éclate en sanglots.

Monsieur Crane s’éponge le front, retire fébrilement sa veste, la roule en boule et l’envoie au loin. Puis il rajuste le col de sa chemise et se remet en route.
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Emöjk Martinssøn
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Scène 11 : « Je ne casse rien. – Mon utérus un peu, monsieur Marek »

Marek se met en route vers son bureau. Sur le chemin, il lui prend soudain une envie de boire à nouveau de cette bouteille noire qu’il avait trouvé sur le costume de Jeff l’Usurier, qu’il réprime à grand mal : il en boira, mais seul et en sécurité. Avant qu’il puisse y réfléchir davantage, il voit Géraldine, Chesterfield et Ida arriver au loin.
« Monsieur Marek, lui dit Géraldine, je crois que vous connaissez Ida Jerricane…
– Oui, on s’est déjà vu, répond Marek.
– Ça m’a fait très mal, ajoute Ida.
– Ça vous a fait du bien. Où sont les bananes ?
– Elles sont partiiiiiies ! Elles ont pris un bateau, je sais pas pour oùùùùù, avec toute ma vie : Amandine, Jonas StJones…
– Les gens avec qui vous couchez, en fait.
– Comment ? Mais vous me prenez pour qui, monsieur Marek ? Vous croyez que je mélange ma carrière et ma vie privée ?
– Oui.
– Mais pour quel genre d’artiste me prenez-vous ? Je ne laisserai pas ma réputation être traînée dans la boue par le remplaçant pâlichon de Jeff l’Usurier !
– Faites attention à quoi vous dites. Je suis pas pâle, je suis transparent.
– En tout cas, monsieur Marek… Voilà, madame Jerricane vous apporte la boîte à chapeau. Enfin, elle vous la prête.
– Oui, il faut me promettre de pas l’abîmer, et que si vous l’ouvrez, vous remettez bien le ruban exactement pareil, pour que ça ne se sache pas.
– Oui oui, c’est ça. Donnez.
– C’est très important, je sais que vous avez tendance à casser des choses et…
– Je ne casse rien.
– Mon utérus un peu, monsieur Marek, et vous avez tapé sur des gens dans la foulée.
– Je vous ai libérée des bananes. Elles sont dangereuses. C’est connu, je le dis depuis le début. »

Ida en lâche la boîte ; Marek la récupère et se met en route.
« Oh, mais même avec une bonne éducation et quelques valeurs fortes ?
– Les bananes sont mauvaises, sauf avec du chocolat. C’est un noyé qui me l’a dit.
– Et si on les élève au chocolat… Je crois qu’Amandine avait fait de grandes réserves… Et qu’on leur donne des modèles positifs… Vous pensez pas qu’on a une chance de les sortir de ces mauvais réflexes ?
– Vous pouvez essayer, mais avec les bananes vous serez la seule à avoir des problèmes de toute façon. Les bananes n’aiment pas leur mère, c’est connu, quand même. Vous les abandonnez toujours. »

Scène 12 : Où l’on commence à trouver que Monsieur Crane se fait bien triturer lors de cette aventure

Monsieur Crane croise alors leur route. Marek se souvient vaguement l’avoir croisé en mer.
« J’ai quelque chose à vous faire boire, lui dit-il en lui tendant sa fiole noire. Ne buvez pas tout, salaud.
– Euh non, c’est gentil, j’ai ma propre bouteille…
– C’est qui ce zigue ? demande Chesterfield.
– Eh bien je mène actuellement une enquête historique, dans le cadre de mes recherches archéologiques, sur la fameuse tempête survenue il y a quelques temps… Vous voyez ? Celle où des gens ont perdu des choses…
– Oui oui, on…
– Hop hop hop ! On va pas commencer à tout raconter à monsieur alors qu’on le connaît pas. Pourquoi ça t’intéresse, mon p’tit gars ?
– Eh bien, j’y ai moi-même survécu de peu, et j’aimerais comprendre… D’où elle vient, que signifie-t-elle…
– T’étais dans la tempête, toi ? Prouve-le ! »

Monsieur Crane commence à se masser la main.

[Eugénie demande à tirer une carte « Chance ». Elle lit : « Défaut de caractère. Le dernier PNJ croisé a un sombre secret, une faiblesse ou un aspect négatif. Les personnages ne savent pas forcément de quoi il s’agit, mais c’est à vous, en tant que joueuse, d’inventer et de décrire ce défaut de caractère ».]

Le regard de Chesterfield va de la main de monsieur Crane à son visage.
« Non ! Crane ! »

Elle le prend dans ses bras dans une étreinte bourrue, et pour la première fois, on la voit sourire en versant quelques larmes.
« J’croyais que t’étais mort !
– Eh bien moi aussi, je l’ai parfois cru… Pas plus tard qu’il y a un quart d’heure, d’ailleurs…
– Mais moi je m’en souviens pas… balbutie Géraldine.
– Mon vieux Crane ! Mais où t’étais depuis tout c’temps ?
– Chesterfield, tonne Marek, qui c’est lui ?
– C’est monsieur Crane ! Il était dans la tempête, sur un bateau, et puis y a eu la grande vague, et il avait disparu…
– Je… j’ai échoué sur… Je me suis retrouvé dans la lande, et ma main avait disparu… J’ai vu les lumières de la ville, et j’ai fui par là…
– Ah bah comme nous avec Géraldine. Quand on s’est réveillées, on est allées s’installer à Itras, ça semblait la seule chose à faire… Oh là là, mais ça me ramène en arrière tout ça !
– Mais… vous vous souvenez d’où nous venons ? Si nous nous connaissions avant la tempête ?
– “Avant la tempête” ? Il n’y a rien avant la tempête…
– Excusez-moi, intervient Ida, moi je crois que j’étais là avant la tempête…
– Mais oui, se moque Marek, avec les bananes aussi…
– Pourquoi vous me ramenez toujours à çaaaaaa ?
– Mais comment ça, il n’y avait rien ? demande monsieur Crane. Vous voulez dire que le monde n’existe que depuis quelques mois ?
– Non, ça fait beaucoup plus longtemps… On était jeunes à l’époque, pas vrai Didine ?
– Mais… mais oui ! s’exclame Géraldine. Je vous reconnais maintenant, monsieur Crane ! Mais vous étiez beaucoup plus jeune ! Ça me fait sacrément plaisir de vous voir !
– Mais… mais… mais je… »

Monsieur Crane s’évanouit.
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Scène 13 : « Vous n’allez pas descendre dedans, hein ? »

Marek le prend sur son épaule et se dirige vers son bureau, la boîte à chapeau sous l’autre bras, Géraldine et Chesterfield sur ses talons qui se donnent des coups de coude. Ida suit les autres en trottinant, par réflexe.
« C’est un très vieil ami qu’on pensait avoir perdu, lui explique Géraldine. Vous voyez, il a fini par revenir ! Ils finissent toujours par revenir…
– Ouais, c’est ça, tranche Marek, sauf s’ils se perdent.
– Vous m’aviez dit qu’il était gentil, Marek… dit Ida à Géraldine.
– Oui, c’est-à-dire qu’il faut savoir comment le prendre… Il a ses moments… »

Au bureau de Marek, le marin examine la boîte à chapeau, qu’Ida ouvre délicatement et en prenant son temps.
« Vous n’allez pas descendre dedans, hein ?
– Bah si. Pourquoi je te l’aurais empruntée sinon ?
– Parce que la dernière fois qu’on est descendus, il y avait une tempête qui se préparait, et… »

Monsieur Crane se réveille à ces mots, en même temps que Francis, à l’autre bout du bureau, reconnaît la voix d’Ida. Celle-ci se tourne vers lui, et Marek profite de la confusion pour rentrer dans la boîte avec monsieur Crane sur l’épaule.
« Francis ! Je croyais que tu étais mort ! »

Francis et Ida courent l’un vers l’autre et se prennent dans les bras. Géraldine en lâche le plateau en argent sur lequel elle transportait une théière pour se mettre à pleurer.
« Je suis vraiment désolée pour les bananes, Francis ! J’aurais jamais dû les confier à Amandine… Avec une mère qui se drogue, elles ont eu un mauvais exemple, forcément…
– C’est pas grave Ida, tu pouvais pas savoir qu’Amandine était aussi démoniaque qu’Alfred.
– Ils m’ont fait beaucoup de mal tous les deeuuuuuux, pleurniche Ida.
– Allez, c’est fini tout ça… mais… mais attend, il est où le marin ? Je lui amenais mon contrat, moi !
– Ben, ils doivent être dans la boîte à chapeau… On peut aller les récupérer, mais la dernière fois, c’était compliqué pour ressortir…
– Moi je retourne pas là-dedans ! dit Chesterfield. C’était horrible !
– Mais pourtant, vous étiez complète…
– Oh non, moi, je ne retournerai là-dedans pour rien au monde, renchérit Chesterfield en mentant très mal. C’était horrible et j’ai pas du tout envie d’y retourner !
– Pas de problème, dit Ida, j’accompagne Francis et on ressort dans quelques minutes.
– Ouais, c’est ça, on va attendre sagement ici que vous alliez dans cet endroit horrible ! J’m’en fous de cette boîte à chapeau ! Je suis très bien dans cette ville de merde !
– SOIT VOUS DESCENDEZ, SOIT VOUS VOUS TAISEZ ! Crie Marek depuis le fond de la boîte. »
Ida et Francis descendent donc dans la boîte à chapeau.

Scène 14 : Histoires d’âmes

[Je décide de tirer une carte « Chance ». Je lis : « Le train des rumeurs. La rumeur va vite ; chuchotez une rumeur à propos de la scène en cours à la personne à votre gauche, qui la répète en changeant et en exagérant quelque chose. Lorsque la rumeur revient, elle devient vérité ». Je chuchote à Boris : « C’est le vrai Henry Bludgeon dans la forêt ». Boris chuchote à Pierre : « C’est le vrai Henry Bludgeon dans la marée ». Pierre chuchote à Eugénie : « Eusébie bastonne dans la grande marée ». Eugénie me chuchote : « Eusébie la lionne se cache dans les fourrés ». Cette rumeur devient donc vraie, comme on le verra très vite.]

Ida, Francis et monsieur Crane se réveillent à l’orée de la forêt, au centre de laquelle se dresse une tour. Il pleut à verse, une sorte de pluie acide qui grignote les arbres haut de plusieurs dizaines de mètres. À côté d’eux, une mare remplie d’une eau croupie, avec un cabanon qui tombe en ruine non loin. Marek, qui ne dormait pas, est allé vers la mare et a attaché quelques fraises à une canne à pêche, pour tenter de pêcher un gorille prophétique. Il pousse le cadavre qui est plongé la tête dans la mare ; Ida se précipite pour le tirer hors de l’eau, et se rend compte que ce n’est pas un cadavre, et qu’il s’agit d’Henry Bludgeon.

« Mon âme ! J’ai fait tomber mon âme dans la mare !
– Mais vous n’étiez pas en train d’en pêcher des centaines ?
– Mais pourquoi vous dites ça ? Non, j’en cherche une seule, mais elle est tombée, et l’eau est trop trouble !
– Peut-être qu’elle ne vous manquera pas tant que ça… Vous savez, là-haut vous n’arrêtez pas de la confier à des inconnus !
– J’en ai une, dit Marek.
– Vous avez mon âme ?
– Euh non, répond Ida, je ne l’ai plus, désolée…
– Je vais me débrouiller, vous inquiétez pas. Bon, je serais vous, je m’abriterais, ça tombe fort aujourd’hui. La tempête ne va pas tarder. »

Le petit homme rajuste son costume trop grand pour lui (et trempé), et s’éloigne. Marek se tourne vers Ida car il lui manque les larmes d’une amie proche ; il lui agite le bouquet de fraises sous le nez : « C’est de votre faute si le gorille est parti avec vos bananes.

– Comment vous pouvez dire çaaaaaa ! C’est pas gentiiiiiiiiil ! »

[Je demande à Boris de tirer une carte « Résolution » pour savoir ce que donne sa pêche. Pierre lit : « Non, mais… Vous échouez, mais une autre chose positive arrive à la place, sans rapport avec ce que vous tentiez de faire ».]
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Scène 15 : La banane égarée

Marek tire sur sa canne, quelque chose de gros. Il sort soudain une banane du fond de la mare, une banane qui est tenue à bout de bras par le gorille prophétique. Marek tire d’un coup sec : le gorille lâche la banane et replonge au fond de l’eau. « Mama ? » piaille la banane, grande de quelques millimètres de plus que la dernière fois. Marek la regarde d’un air méchant et commence à l’écraser, immédiatement interrompu par Ida.
« Écoutez, j’ai pleuré sur vos fraises ! À un moment, il faut savoir donner en échange !
– C’est vrai ça, Marek ! dit Francis. Sois chic ! »

Marek jette la banane à quelques mètres. Ida la ramasse délicatement en essayant d’imiter Amandine (sans grand succès).
« Mama ?
– Attention, on n’agresse pas les étrangers, on n’agresse pas les amis des mamans, on n’agresse personne ! C’est compris ?
– Oui mama ! Mama ? Ils sont où les autres ?
– C’est une bonne question. Tu sors d’où, toi ?
– La tempête !
– Mais enfin ! déclame Ida d’un air théâtral. Suis-je la seule à ne pas avoir connu cette tempête à Itras ?
– Bin, y a moi… commence Francis.
– Ça ferait de moi quelqu’un d’exceptionnel, vous ne trouvez pas ? continue Ida en ignorant Francis.
– Pas plus que ça », tranche Marek.

Le tonnerre résonne au loin.
« Mais dites-moi, demande monsieur Crane, ces bananes n’ont-elles pas le don de prophétie ?
– Je ne crois pas, non, dit Ida.
– Mama, j’aime pas ici !
– Chesterfield, dit Marek, allez me chercher du chocolat.
– Mais ?! Chesterfield ? Je croyais que vous ne vouliez pas retourner dans cette boîte !
– Ouais bah j’ai menti, voilà ! J’étais bien ici, je veux y retourner !
– Mais enfin, il n’y a que de la forêt, pas un seul cabaret à la ronde…
– Tu comprends pas ! Ici j’étais qu’une seule personne, c’était bien ! J’ai… j’ai assommé ma sœur et je l’ai attachée, je ne veux pas qu’elle descende ici.
– Bin comment vous voulez n’être qu’une seule personne alors ?
– Je… je voulais savoir si ça marcherait quand même…
– Oooooh ! Chesterfield, vous êtes jalouse ! C’est ça votre côté rêche, vous avez peur qu’on ne vous aime pas ! Mais moi je veux bien, enfin, j’ai assez d’amitié pour Francis, Géraldine et vous ! Il faut ouvrir son cœur !
– N’importe quoi ! J’ai pas besoin d’amies, je me débrouille très bien toute seule ! L’écoute pas, Crane !
– Oh vous savez, moi, je n’ai rien à y redire, avec tous les trucs dingues que je vois ici de toute manière !
– Mais enfin, je n’ai pas besoin d’amis ! »

Scène 16 : Retour sur un chemin connu, mais sous la pluie

Un éclair tombe à ses pieds pour ponctuer ses paroles. Marek suggère d’aller se réfugier dans la tour, pourtant entourée de gros nuages noirs, vigoureusement approuvé par monsieur Crane qui se met à courir vers la forêt. Chesterfield regarde Ida d’un air apeuré.

« Faut pas qu’on y aille… C’est pas bon… Ceux qui sont jamais passés par leur première tempête… Tu vas pas en ressortir pareil…
– Mais s’il y a le gorille là-bas ! C’est ce qu’il a dit, Marek !
– Non, c’est des chimères tout ça ! Y a rien dans la tempête, que la mort et la séparation !
– Oh, si vous saviez par quoi je suis passée ! Allez, on y va.
– Mais je veux pas y aller, moi ! »

Ida l’entraîne sans l’écouter. Francis les suit en maugréant : « Je voulais juste donner mon contrat à m’sieur Marek, moi ! Ida, si je vais dans cette tempête, je vais retrouver Amandine ?
– Je n’en sais rien… Elle était sur le même bateau que le gorille, alors… »

Francis sort un poinçon de son vêtement et se met à courir vers la forêt.
« Si je la retrouve, je vais me la faire… »

Il fait extrêmement sombre dans la forêt ; les arbres sont agités de grandes bourrasques et des feuilles mouillés collent au visage des coureurs, qui piétinent dans la boue. On ne voit plus grand chose, mais assez pour distinguer Marek qui devient de plus en plus diaphane. Monsieur Crane court comme un dératé à travers les arbres, sans faire attention à où il va, jusqu’à ce qu’un énorme serpent lui barre la route.
« Ne vous en faites pas, monsieur, je ne fais que passer !
– Tu ne passsssseras nulle part…
– Pourquoi donc ?
– Parccccccce que les intrus ne ssssssssont pas autorisssssssés ici.
– Mais vous ne vous comprenez pas, tout ce que je veux, c’est m’en aller !
– Oui, va-t-en ! Quitte cccccccccette forêt !
– Non ! Je veux quitter cet endroit, ce monde ! S’il vous plaît, dites-moi comment rentrer chez moi !
– Fuis avant que je te dévore.
– Non, je ne fuirai pas ! J’ai trop souffert pour reculer ! »

Monsieur Crane sort un harpon de ses affaires, des larmes de rage aux yeux et la bave aux lèvres.

[Je demande à Pierre de tirer une carte « Résolution ». Eugénie lit : « Oui, malgré que… Un ou plusieurs facteur(s) imprévu(s) vous barrent la route, mais vous réussissez malgré tout ».]

Au moment où monsieur Crane lève son harpon au-dessus de sa tête, Ida crie derrière lui : « Ah bon, vous avez souffert ?! Vous croyez que vous avez souffert, monsieur Crane ?! Est-ce que quelqu’un a ruiné votre vie par exemple ? Non parce que ça, c’est de la vraie souffrance ! »
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Scène 17 : Ida tue un serpent géant en en faisant des tonnes

Ida attrape son harpon tout en continuant à parler.
« N’utilisez pas des mots qui n’ont pas le vrai sens, parce que votre petite tempête, là, c’est de la gnognotte à côté de l’ouragan qui a dévasté ma vie !
– Mais enfin arrêtez, je suis en train de me battre contre un serpent géant !
– Oh oui, c’est ça ! Eh bien allez-y, battez-vous ! »

Ida plante le harpon entre les deux yeux du serpent, qui s’écroule sur le coup en un râle sifflant. Marek arrive sur place, sort une petite bouteille d’une des multiples poches de sa vareuse, et récolte quelques gouttes de venin. Francis arrive à son tour, l’air interloqué.
« Ida ? T’as tué un animal ?
– Mais pas du tout, c’est pas moi ! Je… C’est pas… Ooooh… Expliquez-lui, monsieur Crane !
– Euh, écoutez… Je pense que c’était un accident…
– Voilà, parfaitement !
– Bon, il faut l’enterrer.
– Mais on n’a pas le temps, y a la tempête ! gémit monsieur Crane.
– Écoute-moi bien mon p’tit gars, on a toujours le temps d’enterrer un animal, d’accord ?
– Vous n’avez aucun respect, monsieur Crane, renchérit Ida.
– Aucun respect.
– Vous avez une pelle, monsieur Marek ? »

Marek sort une minuscule pelle de sa vareuse, la déplie, et la tend à Ida. Elle commence à creuser tandis que Francis l’assiste avec une truelle. Autour d’eux, la tempête fait de plus en plus rage ; un arbre est déraciné juste à côté d’eux et est emporté par le vent en maugréant : « Oh là là, ça souffle… ». Là où il était planté, monsieur Crane aperçoit des escaliers qui descendent et commence à s’y engager. Marek, lui, continue à se diriger vers la tour.

Ida et Francis finissent par creuser un trou suffisamment profond au bout de quelques heures et y poussent le serpent. Francis enlève sa casquette et improvise une croix avec quelques branches.
« Bon, dit-il, tu veux dire quelques mots ?
– Vas-y, tu connais mieux que moi les animaux.
– Serpent géant, je ne te connaissais pas, mais je sais que tu étais du sous-ordre des serpentes, tu étais un reptile au corps cylindrique et allongé, sans doute quelqu’un de bien… et je sais que sous tes écailles se cachait sans doute un cœur, qui battait, mais c’est fini à présent. Tu as rempli ta tâche, serpent. Tu voulais juste protéger ta forêt, tes proches…
– … et nos pensées vont vers eux…
– … mais tu n’as pas réussi. »

Scène 18 : Tentatives de fuite

Francis lance une pelletée de terre sur la tombe. Lui et Ida relèvent la tête et se rendent compte qu’ils sont tous seuls, entourés par la tempête qui fait rage partout, sauf à l’endroit où ils se trouvent. Un mince rayon de soleil traverse les arbres.

« Où sont les autres ? demande Ida.
– Ils ont couru à leur perte.
– Ils n’ont pas pu disparaître comme ça… Ils sont peut-être allés vers la tour ? Il va falloir sortir d’ici de toute façon…
– Ça c’est pas compliqué, il suffit de prendre l’échelle.
– Mais contre quoi on va l’appuyer ?
– Zut, je sais pas…
– Je peux peut-être faire quelque chose. »

Ida sort un long, très long morceau de tissu de sa veste, puis une nacelle (qui coince un peu au sortir de la poche), puis un briquet et une flasque.
« On peut remonter en montgolfière, mais ça veut dire qu’on les abandonne ici.
– Tu tiens à eux ? Tant de gens nous ont abandonné, il est temps pour nous de faire de même…
– Tu as raison. Mais, et Chesterfield ?
– Je crois qu’elle a le cuir coriace, elle s’en sortira. Au pire, si on la voit de là-haut, on lui jette une corde. »

[Boris demande à Eugénie de tirer une carte « Résolution » pour savoir s’ils arrivent à s’enfuir. Il lit : « Non, et… Vous échouez, et un autre élément complique la situation, pour vous ou pour tout le monde ».]

Le ballon se gonfle, il commence à s’envoler, et Ida et Francis sont aussitôt pris dans les tourments de la tempête. La montgolfière se prend dans quelques branches et fait tomber des arbres de-ci de-là, notamment au-dessus de l’escalier par lequel est descendu monsieur Crane, tout en barrant la route de Marek.
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Scène 19 : Non, mais en vrai ? Vous êtes un monstre ?

Les escaliers en colimaçon qu’explore monsieur Crane l’amènent au bout d’un temps indéfinissable dans une sorte de crypte, silencieuse et tranquille. Des torches bornent les murs de pierre, et une tombe se trouve au milieu de la pièce. On peut lire sur le tombeau : « Ci-gît _________, terrassé par ses illusions ». Un burin est posé par terre, à côté.

Une voix murmure à monsieur Crane :
« Qui est là ? Qui es-tu ?
– Je m’appelle monsieur Crane… Je cherche mon chemin… Vous pourriez éventuellement m’indiquer la sortie ?
– Monsieur Crane… Il n’y a pas de sortie autre que la mort…
– Euh… Il doit bien y avoir une porte de service…
– Monsieur Crane… Ce que tu cherches est en toi… Endors-toi dans ce tombeau et tout te sera révélé…
– Écoutez, c’est pas que je me méfie, mais néanmoins, pourriez-vous me dire qui vous êtes ?
– Je suis ta conscience, monsieur Crane…
– Non, mais en vrai ? Vous êtes un monstre ?
– Tu ne fais pas confiance à ton subconscient, monsieur Crane ? Monte dans cette tombe, je vais t’expliquer…
– Je… je… »

Monsieur Crane parcourt la crypte des yeux : aucune autre sortie en vue. Un bruit sourd retentit soudain, et il comprend que le haut de l’escalier vient d’être obstrué. Il boit un coup de sa flasque.
« Je pourrais vous voir avant de me décider ?
– Bien sûr… Je suis déjà là, tu ne me vois pas ? Approche-toi… »

Monsieur Crane s’approche de la tombe, et voit une femme de l’autre côté, qui ressemble à s’y méprendre Alicia StJones.
« Ah, je n’aurais jamais pensé que mon subconscient puisse prendre une telle forme.
– Allonge-toi avec moi, monsieur Crane. Comme au bon vieux temps.
– Je… je… je ne vous crois pas ! Vous allez me tuer ou je ne sais quoi ! Je veux juste rentrer chez moi…
– Tout va bien se passer. Allonge-toi. »

En pleurant, monsieur Crane s’allonge dans la tombe. Il voit la main d’Alicia renfermer le tombeau, puis plus rien.
« Ne t’inquiète pas… Tu vas rentrer chez toi… »

Scène 20 : Deux fois plus d’interversions… la situation s’embrouille

Francis s’extirpe des restes de la montgolfière en maugréant. Plus bas, Ida est accrochée à la nacelle, elle-même pendant sur à la branche d’un arbre. Marek attrape Francis par le col de sa chemise, lui permettant de tendre la main à Ida, qui se récupère avec une position parfaite de gymnaste.

« Bon, où est monsieur Crane ?
– Je sais pas, dit Francis. Et Chesterfield ? Qu’est-ce qu’on va faire ? Qu’est-ce qu’on fait, patron ?
– On rentre dans la tour.
– Mais si ça se trouve, il y a Nindra dans la tour…
– Vous avez raison, attendons dehors sous la pluie.
– Oui, je préfère.
– Mais non, Francis, enfin ! Monsieur Marek fait de la rhétorique ! »

Les trois continuent à patauger dans la forêt, leurs vêtements couverts de boue et de feuilles, glacés jusqu’aux os, jusqu’à arriver en vue de la tour, au centre de la forêt. La tour n’est plus que ruines ; seuls deux étages sont debout, le reste s’est écroulé.

[Pierre demande à tirer une carte « Chance ». Il lit : » Deux fois plus. Quelque chose dans la scène en cours (une personne, un objet, un sentiment) est doublé, physiquement ou en termes de valeur ».]

Ida se souvient soudain qu’elle n’a fouillé que dans une de ses poches ; dans l’autre se trouve une montgolfière deux fois plus grosse que l’autre. Elle propose de la lancer du deuxième étage de la tour pour augmenter leurs chances.

À l’intérieur, il fait un silence de mort. Un escalier en colimaçon fait le tour des murs, et des piliers et des statues jonchent le sol, ainsi que des nuées de toiles d’araignée. Marek examine les parois avec son briquet ; il y voit des fresques à moitié effacées. Ida, elle, se planque derrière le marin et refuse catégoriquement de brûler les toiles d’araignée (il lui faut économiser son carburant, dit-elle à Marek, ce qui le laisse coi pour la première fois).

Marek, d’un air mal assuré, boit un peu de la flasque contenant un liquide noir avant de la tendre à Ida, qui en prend également, avec la sensation d’avaler du goudron froid. Elle relève alors les yeux et aperçoit des pierres d’ébène qui forment les murs de la tour jusqu’ici invisibles, et qui s’étendent sur plusieurs étages. Francis, lui, rechigne un peu, avant d’être convaincu par Ida qui lui promet que c’est nécessaire pour sortir d’ici. Quant à la banane dans la poche d’Ida, elle n’en boit pas une goutte.

« Elle devrait en boire également », dit monsieur Crane dont la voix parvient jusqu’à leurs oreilles sans qu’ils sachent comment.

[Boris décide de tirer une carte « Chance ». Il lit : « Tout le contraire. Remontez le temps de quelques secondes. Ce qui a eu lieu juste avant que vous tiriez cette carte n’a pas eu lieu. C’est l’inverse qui se passe. À vous de décrire exactement ce qui est inversé ».]

Ida, Marek et Francis se rendent compte que ce sont eux qui sont dans la tombe, alors que monsieur Crane se tient dans les ruines de la tour. Il monte immédiatement dans les étages, jusqu’à atteindre un plateau qui mène à l’extérieur ; la tour ne semble pas achevée. Il passe la tête à l’extérieur alors qu’un éclair frappe la paroi la plus proche, qui commence à se fissurer. Il entend alors un cliquetis derrière lui ; une araignée géante sort de l’escalier et se dirige lentement vers lui. Elle s’approche, avance une patte, et s’arrête juste avant de le toucher. Elle le regarde avec curiosité et émet une nouvelle série de cliquetis tout en bavant. Monsieur Crane sent alors son médaillon de Nindra chauffer sur sa poitrine ; il le brandit devant lui en déclamant son allégeance à la déesse. L’araignée géante ouvre ses pattes, se baisse légèrement et invite monsieur Crane à l’enlacer, ce qu’il fait. Elle l’enserre doucement et commence à le bercer, sa bave chaude lui tombant sur le visage. Il finit par s’endormir.
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Scène 21 : La cave de monsieur Poicreux et la disparition de Chesterfield

Francis, Marek et Ida se rendent compte que le tombeau où ils reposent est bien plus grand qu’une tombe normale ; d’ailleurs, il sent beaucoup la cave poussiéreuse… Ida allume son briquet pour y mieux voir et comprend qu’ils se trouvent dans une cave, au même moment où une forme visqueuse et noirâtre se tourne vers eux. Elle se colle au mur et éteint immédiatement son briquet.
« Hmmm, des invités surprises !
– Euh, je crois que je sais où on est ! Collez-vous contre le mur, on marche en crabe vers la gauche ! Le premier qui trouve un interrupteur l’allume !
– Je vous sens, hmmm… C’est l’heure de me traire…
– Attention, ne renversez pas les bouteilles ! »

Ils trébuchent sur des choses non identifiées mais finissent par arriver aux marches de la cave.
« Hmmm, Ida, viens parler à ta voisine !
– Oui oui, j’arrive ! »

Elle grimpe à la suite des autres, tout en réfrénant une étrange attraction vers l’Entité noire, sans qu’elle puisse l’expliquer ; tout comme Francis et Marek qui, complètement paniqué, jette sa fiole de poison sur l’Entité. Elle hurle en sifflant et se retire dans les ténèbres. Ida commence à avancer pour l’aider, mais Marek l’attrape ainsi que Francis et les tire vers le rez-de-chaussée contre leur gré. Il manque trébucher sur un cocon en haut des marches, posé en travers de la porte, et entend une voix crier à l’intérieur ; il pose ses deux paquets et tous trois libèrent monsieur Crane de ses liens de soie.
« Mais comment vous êtes arrivé là ? demande Marek.
– Mais qu’est-ce que vous faisiez dans la cave de mon logeur ? demande Ida.
– Je… je… je crois que j’ai rencontré ma déesse !
– Oh, c’est flatteur, mais je ne suis qu’une cracheuse de feu, vous savez…
– Mais non, pas vous ! »

Aux derniers râles de l’Entité noire, en contrebas, répondent les sanglots de la banane.
« Mama, elle a mal la madame !
– Eh oui, c’est le tragique monde d’Itras, petite banane. Il y a des gens qui saccagent tout par où ils passent.
– C’est trop triste !
– Oui, tout à faiiiiit… »

Ida essaye de se retenir de pleurer mais n’y parvient pas.
« Ida ? Ida, c’est toi ? J’étais morte d’inquiétude ! dit Géraldine en descendant les escaliers. Mais où étiez-vous ?
– Eh bien… dans la boîte à chapeau, puis dans la cave…
– J’ai essayé de vous suivre dans la boîte, mais il n’y avait plus que des cendres quand je l’ai ouverte… C’était dégoûtant, j’ai tout mis à la poubelle.
– Et Chesterfield ?
– Elle n’est pas avec vous ?
– Non… Je pense que vous devriez récupérer ces cendres, Géraldine… »

Géraldine ouvre des grands yeux, s’apprête à dire quelque chose, et part en courant.

Scène 22 : Tout est bien qui finit pareil qu’au départ

Francis s’époussette.
« Quelle histoire… Bon bah c’est pas tout ça, mais je vais retourner à mon manoir, moi… Au fait m’sieur Marek, mon contrat ! »

Le marin l’attrape, le signe, lui rend.
« Et on n’a pas parlé salaire !
– Plus qu’avant, ça vous va ?
– Euh, d’accord, mais deux fois plus.
– Voyez avec Georges. »

Francis fait la bise à Ida, salue les autres de sa casquette, puis s’en va. Il ouvre la porte de l’immeuble et laisse entrer une bourrasque de feuilles ; Ida pousse un soupir et va chercher un balai.
« Bon, monsieur Marek, vous me ferez ramener la boîte à chapeau ? Je vous l’avais dit que c’était dangereux… Vous avez trouvé ce que vous cherchiez, au moins ?
– Ça ne vous regarde pas. »

Il quitte les lieux, talonnés par monsieur Crane qui descend un peu de son whisky en murmurant : « Encore raté… ».

Monsieur Crane rentre chez lui, enlève ses bottes, et s’écroule.

Marek rentre à son bureau, s’assied, et récupère la gnôle de marin que Georges a acheté à Jonas StJones.

Ida rentre chez elle, s’assied à côté de Géraldine, et fixe en silence le petit tas de cendres posé sur sa table basse. À côté d’elles, sur un coussin éventré, deux petits oiseaux et une banane dorment tranquillement.
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par Emöjk Martinssøn »

Et c'est reparti ! Comme d'habitude, un épisode d'avance sur le blog d'Ozen !

Acte 9 : Chicanes de religion

Comme ça fait longtemps je vous remets les Dramatis personæ :

Monsieur Crane (joué par Pierre), explorateur qui s’est perdu, d’où vient-il ? il ne s’en souvient plus…
courte description : de taille moyenne et d’allure très passe-partout (brun, assez maigre), un peu dégingandé, il arbore en permanence l’air d’un homme dépassé par les évènements, mais qui tente de se donner une contenance. Après tout, son environnement immédiat n’est pas vraiment hostile, seulement incroyablement déroutant… n’est-ce pas? (face à l’étrangeté, il a le tic de se masser la main droite…).
Qualités dramatiques : halluciné (la logique d’Itras lui échappe, et il en est conscient) / curieux (sur Itras en particulier) / bravache désespéré
Aimant à intrigue : membre du club des explorateurs d’Itras (qu’il rencontre à la “part du diable” / est lié à “la tempête”); (soeur Oselie) / enquête sur la secte des adorateurs de Nindra / cherche une sortie à la ville.

Martin Poicreux, (joué par @Kobal) est un logeur qui tient une grande maison dans le centre d’Itras By. C’est le propriétaire des appartements d’Amandine Beaulieu, d’Ida Jerricane et, jusqu’à peu, de la Femme magnifique. Personnage Veule, il se fait remarquer par ses vestes en lycra et sa voix haut perchée.

L’Étranger (Joué par @mass), Bel et Naïf étranger
Qualités dramatiques : Beau et énigmatique, naïf, toujours là pour faire plaisir à quiconque
Aimants à Intrigues : La femme magnifique, n’a pas de lien avec la ville.
Il faut bien le dire, on ne sait pas grand chose de lui sinon qu’il erre en ville, très beau, dans son grand pardessus, tentant de rendre heureux ceux qu’il croise. Par ailleurs, il vit chez Miss Wellington, 85 ans, la présidente de la ligue de vertu qui a bien voulu accepter de le loger à son arrivée en ville. Certains l’ont vu se promener tout à fait nu dans la demeure.

Soeur Augusta, (jouée par Clémence) religieuse / rebouteuse, s’y connaît en plantes + anatomie humaine.
Description : Une dame d’une quarantaine d’années, grande et maigre, à l’apparence quelconque. Elle porte le voile et la robe bleu sombre des soeurs de son ordre, ainsi que le médaillon de platine représentant Itras entourée de lumière.
Qualités dramatiques : Très pieuse, très curieuse (surtout en médecine), un peu illuminée
Aimants à intrigue : orpheline, ne sait pas qui sont ses parents / l’Entité Noire veut la détruire / à la recherche des “membres perdus” / procure des contraceptifs aux prostituées dans le plus grand secret, contre les ordres de sa supérieure
Personnages connus : le Gorille Prophétique, les filles de la rue des Nymphes, Soeur Vestine (la mère supérieure)

Quelque temps plus tard…

Scène 1 : L’étrange témoignage palimpseste de Martin Poicreux

C’est le cœur de l’automne à Itras By, un temps presque hivernal qui plonge la ville dans une curieuse torpeur. Les arbres ont perdu leurs feuilles et une bise glacée siffle dans les rues. C’est en cette triste après-midi qui n’invite pas à sourire que Martin Poicreux se trouve au commissariat, convoqué par la Garde grise pour tirer au clair la disparition d’un prénommé Björn Svengard dans son immeuble. Martin lui a expliqué être extrêmement mécontent : il avait appelé ce professionnel pour un problème de cancer structurel, et l’a laissé travailler tranquillement, ayant autre chose à faire dans sa loge. Il a fini par partir sans rien dire et sans avoir rien réparé.

Le garde tend à Martin sa déposition, tapée à la machine, pour vérifier qu’il n’y a pas d’erreur. Sur la feuille qu’il lui donne, Martin lit : « Selon le témoin, les sœurs du Couvent de la Très Sainte Lumière d’Itras ont réalisé devant son immeuble un rituel pour bannir les anges de la ville, puis un dénommé Marek a repris les affaires du dénommé Jeff l’Usurier (voir affaire 112B/C-43) ».
« Vous êtes sûr d’avoir écouté ce que je vous ai dit ? demande Martin au garde d’un air peu convaincu.
– Bin oui, j’ai tout marqué sur la feuille, regardez ! “Il est parti de chez moi sans avoir rien fait, j’étais très fâché”. Lisez vous-même ! »

Martin reprend la feuille et constate que sa déposition est bien présente sur la feuille. Il regarde par transparence et se rend compte que selon l’angle de vue, on peut y lire différentes choses…
« Mais c’est un palimpseste !
– Bin oui, vous comprenez, on est en restriction budgétaire, on fait avec ce qu’on a… Bon, tant que j’y suis, je peux vous poser une question sur une affaire en cours ? Est-ce que cet homme vous dit quelque chose ? »

Le garde montre à Martin une photo, prise à la dérobée, d’un homme à l’air triste, vêtu d’un costume trop grand pour lui. Quelqu’un a écrit « Henry Bludgeon » sous la photo.
« Non, pas du tout.
– On reçoit des témoignages contradictoires sur ce type, on dirait qu’il se multiplie dans toute la ville… Bon, très bien.
– Il se multiplie ?
– C’est difficile à dire… On a des témoignages de trafic d’âme, mais c’est foutrement contradictoire ! On ne parvient pas à distinguer le vrai du faux.
– C’est un bien difficile métier que vous faites là. Vous savez, gardien d’immeuble c’est pas mal non plus…
– J’imagine ! Vous savez, moi j’aurais bien aimé faire joueur d’orgue de barbarie, mais papa voulait pas, alors je me suis engagé dans la garde, et je…
– BON ALORS JEANNOT ! T’as fini avec le témoin ?
– Oui pap… monsieur le commissaire ! Vous pouvez disposer, citoyen.
– Tu sais Jeannot, lui susurre Martin, il n’est jamais trop tard pour réaliser ses rêves ! Il paraît qu’ils louent des orgues en ville… »

Cette formalité faite, Martin retourne à son immeuble ; cette semaine, il faut qu’il balaye le troisième étage. Des petits bruits tapés contre la porte de la cave l’accueillent ; il va rendre visite à l’Entité noire pour la traire.
« Poicreux, hmmmmm… Où est la nonne, la nonne que je t’ai demandée ?
– Alors euh, j’ai eu une matinée difficile et je n’ai pas eu tout à fait le temps, mais elle arrive ! »

Un pseudopode l’attrape par la gorge.
« Hmmm… Je n’en peux plus ! Il me la faut, tout de suite ! Pars au couvent, ramène-la moi immédiatement ! »

Martin court à quatre pattes jusqu’aux dernières marches, ferme la porte et s’y adosse en respirant bruyamment. Finalement, ce contrat n’était peut-être pas une bonne idée… Voilà un prix bien cher à payer pour protéger son immeuble des petits voyous, et puis cette nonne ne lui a rien fait… Il lui faudrait vérifier au tribunal si le contrat ne pourrait être révoqué.

Scène 2 : D’une autre aventure sexuelle de Monsieur Crane, encore en devenir

Comme presque tous les matins, Monsieur Crane se rend chez les adorateurs de Nindra, très impressionnés par lui depuis qu’il leur a raconté sa rencontre avec leur déesse. Il a été invité à consigner sa rencontre dans le grand livre de Nindra, conservé précieusement en haut d’un piédestal en crânes de lapin, et a pu constater que les témoignages de ses confrères laissent quelque peu à désirer. Monsieur Crane écrit donc sa rencontre dans les moindres détails, n’omettant de préciser qu’il a rencontré Nindra alors qu’il cherchait à quitter la cité d’Itras. Selon lui, puisque leur déesse a salué son geste, c’est dans les vertus cardinales de leur ordre que de chercher une sortie d’Itras By par tous les moyens.

Il est ensuite invité à participer au rituel d’invocation du jour, à la louange de Nindra ; quelques personnes sont sacrifiées et tous entonnent le chant d’usage, « Louange à Nindra huit fois maudite, et louange à l’Entité noire, sa serviteuse dévouée ». Pendant le rituel, monsieur Crane ressent une immense ferveur, comme jamais auparavant, et il sent soudain sa main le démanger. Il veut la gratter mais se rend compte qu’elle est en train de disparaître…
« Mes frères, regardez, Nindra m’accorde sa bénédiction !
– La grande disparition ! »

Les frères adorateurs n’ont pas l’air ravi d’une telle nouvelle.
« Mon frère, dit le frère supérieur à monsieur Crane, gloire à toi ! Tu vas bientôt rejoindre Nindra dans sa toile d’araignée céleste et lui servir de mari ! C’est ce que dit la prophétie ! »

Il tourne les pages d’un vieux grimoire écrit avec du sang et lit un verset : « Et l’homme disparut petit à petit et fut remplacé par une araignée, à qui il donna tout le bonheur possible ». Monsieur Crane rajuste sa cravate et sa robe de bure, l’air mal à l’aise.
« Tr… très bien… Et… je suis censé faire quelque chose pour emp… Je veux dire, pour ne pas interrompre le processus ?*
– Eh bien… À vrai dire… Je crois que cette situation ne s’est jamais produite auparavant… Nous allons tenir une discussion théologique avec les autres frères supérieurs et discuter de ton cas. Je suis sûr que tout s’éclairera. En attendant, la réunion d’aujourd’hui est ajournée ! »

Tous les frères quittent la salle en regardant monsieur Crane avec un regard où se mélangent crainte et envie. Nerveux, monsieur Crane boit une gorgée de sa fiole de whisky qui aurait pu être. Il décide de se rendre à la bibliothèque pour lire tout ce qu’il est possible de consulter sur la question, convaincu qu’il pourrait y avoir là une autre méthode pour rentrer chez lui.
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Scène 3 : Le bonheur est un malheur

Depuis ses dernières aventures, l’Étranger erre dans les rues comme une âme en peine. Il n’a pas besoin de manger pour survivre mais son bas de manteau pourrit à présent lentement et il passe tout à fait pour un clochard ; il traîne sur les bancs, les yeux dans le vide, et parfois un passant lui jette une pièce. Il passe beaucoup de temps vers le Couvent de la Très Sainte Lumière d’Itras, sans jamais oser y entrer à nouveau. Il se souvient qu’il y a quelques temps, Francis se tenait devant lui avec la femme de Cléanthe Brumaire, lui tenant la main, et lui expliquait que, Cléanthe parti, il était temps qu’il parte ; mais de tout cela l’Étranger n’a que faire. Cela fait aussi quelques temps que l’Étranger ne se sent pas très bien ; une douleur au ventre le prend de plus en plus fréquemment, et il espère que des bananes ne vont pas lui sortir du ventre.

Perdu dans ses pensées, l’Étranger voit soudain arriver Martin Poicreux au loin, un air ennuyé sur le visage. Ce dernier a rencontré au tribunal un des aides des juges gris, qui lui a indiqué que toutes les affaires surnaturelles étaient prises en charge par le couvent d’Itras (pour les affaires bénéfiques) ou les adorateurs de Nindra (pour les affaires maléfiques).
« Mais je vous connais, vous ?
– Oui, vous êtes passé dans mon immeuble…
– Oh, j’ai mal au ventre… Vous avez ce genre de sensation désagréable, des fois ?
– Euh, oui, mais dans ce cas-là je prends un cachet, je vais aux toilettes et puis ça va mieux…
– Aux quoi ? Non, il me semble plutôt que quelque chose me manque…
– Ah, ça me fait ça quand je perds un locataire… Un sacré choc au cœur…
– Mais qui êtes-vous ? Je vous connais, non ?
– Je suis Martin Poicreux, logeur de l’immeuble où il y avait la dame, là. Mais enfin, lâchez mon bras ?
– La femme magnifique ?! Vous l’avez connue ?
– Euh oui, enfin une fois elle avait pas sorti ses poubelles, mais sinon elle était plutôt sympathique, je lui montais ses colis…
– Vous savez où elle est ?!
– Ah non, elle a disparu. Mais dites, c’est pas vous qui cherchez à faire plaisir aux gens ?
– Ça ne marche jamais… Les gens sont toujours de plus en plus malheureux… L’amour rend malheureux les gens…
– Euh, ça dépend des fois, enfin j’y connais pas grand chose…
– Je vous assure… Vous connaissez Cléanthe Brumaire ? Il est malheureux à cause de moi… J’ai essayé de lui donner du bonheur pourtant…
– Oui oui, tout à fait… Je disais donc, vous connaissez la sœur Augusta ? Non ? Parce que c’est une sœur du couvent, là, et il faudrait qu’elle vienne d’urgence dans mon immeuble… Et en fait, euh… Elle est… euh… Ah oui, menacée, et le mieux pour son bien, ce serait de l’enlever et l’emmener jusqu’à mon immeuble.
– Que je la prenne et que je l’amène ? Et ça lui fera du bien ?
– Oui ! C’est ça, complètement. Vous êtes pile dedans. Ça lui procurera un grand bonheur sur le long terme. Elle est dans ce couvent, là.
– Et vous êtes sûr qu’elle sera heureuse si je l’amène chez vous ?
– Oh oui ! Oui oui oui… Ah, ça…
– J’ai besoin de ça, je sens comme un vide en moi…
– Alors le mieux ce serait que vous y alliez maintenant, et moi je rentre et je prépare tout pour son arrivée, voilà. »

Scène 4 : Des singes déboulent de partout et tabassent tout ce qui passe

Sœur Augusta est en train de revenir vers la cité d’Itras, à bord du bateau des nonnes. Elle est enchaînée à l’avant, dévisagée par sœur Vestine et sœur Jacquie ; sœur Vestine a un air triste.
« Mais Augusta, qu’est-ce qui vous a pris… Si vous ne vous étiez pas enfuie, j’aurais pu intercéder en votre faveur… J’aurais pu vous éviter la question, mais maintenant… Vous avez toutes les apparences d’une coupable…
– Mais j’ai pris peur ! Me soumettre à la question alors que je n’ai rien fait… Quelque chose dans cette ville me met mal.
– C’est facile, ça, de blâmer les autres. Rappelez-vous ce qu’on dit dans notre livre : “Tous tes péchés ne viennent que de toi-même”. Et puis, si vous n’avez rien fait, vous n’avez pas à avoir peur ; vous savez bien que la question ne mutile que celles qui mentent.
– C’est ce que vous dites… J’ai vu trop souvent la question se dérouler pour avoir confiance.
– Écoutez, on fera ça professionnellement. Rapide et sans douleur. »

Le bateau revient au port et les nonnes montent à bord d’une petite carriole, qui se met en route vers le couvent. Jacquie, aux commandes, s’arrête à quelques minutes de route du couvent : « Je crois qu’on a des visiteurs », lance-t-elle à Vestine.
« Si ce sont des petits pauvres, dis-leur que nous n’avons plus de place ! Et si c’est des parents d’orphelins, comme d’habitude, on dit qu’on ne sait pas où ils sont passés, ils se sont enfuis du couvent et puis…
– Non non, je ne sais pas qui c’est. »

Vestine descend du chariot et se plante, de toute sa morgue adolescente, devant Martin qui s’apprêtait à partir et l’Étranger.
« Bonsoir messieurs ; le couvent est fermé. Veuillez revenir pendant les heures de visite s’il vous plaît.
– C’est elle, sœur Augusta ? demande l’Étranger à Martin.
– Non, c’est moi ! dit Augusta depuis la carriole.
– Ah non, dit Vestine, je vous reconnais vous ! Ne faites pas un pas de plus ! »

Sans l’écouter, l’Étranger avance vers le charriot, et essaye d’attraper sœur Augusta pour la mettre sur son épaule.

[Je demande à mass de tirer une carte « Résolution ». Kobal lit : « Oui, parce que… Un ou plusieurs facteur(s) imprévu(s) vous aident à obtenir ce que vous vouliez ».]

Une escadrille de singes volants, une cinquantaine, passent soudain en rase-mottes au-dessus de la scène ; pendant qu’ils se battent avec les nonnes dans un grand fracas de plumes et de poils (et d’excréments lancés ça et là), l’Étranger capture Augusta, puis trottine hors de là avec Martin sur ses talons. Augusta est noire de colère ; l’Étranger la regarde dans les yeux et lui dit : « Je connais un moyen de vous calmer.
– Mais dites-moi ce que vous me voulez, au moins !
– Vous donner du bonheur. C’est ce monsieur qui me l’a dit. Ça me remettrait d’aplomb et j’aurais peut-être moins mal au ventre…
– J’en ai rien à faire de votre mal de ventre ! Je ne connais pas cet homme, je ne vois pas en quoi il pourrait me rendre heureuse ! Lâchez-moi tout de suite ! »

Une explosion se fait soudain entendre en ville ; une colonne de fumée noire s’élève, et Martin se rend compte avec angoisse que cela provient du quartier de son immeuble.
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Scène 6 : « Nous avons tout ce qu’il vous fait et vous verrez, il y a plein de petits dessins explicatifs »

À la bibliothécaire, le bibliothécaire salue monsieur Crane, qui vient beaucoup dernièrement.
« Monsieur Crane ? dit-il en chuchotant. Qu’est-il arrivé à votre main ?
– Ma main ? Mais… mais elle va très bien, regardez !
– Chhht ! Moins fort !
– Regardez, je bouge les doigts, tout se passe bien », dit monsieur Crane en reprenant du whisky. L’espace d’un instant, il se voit comme explorateur à succès, enchaînant les best-sellers, convoité par toute la haute société.

« Nous avons beaucoup d’ouvrages sur les soins aux blessures métaphysiques, si vous voulez…
– J’étais venu pour un autre type d’ouvrage, à vrai dire. Je souhaiterais lire tout ce que vous avez sur les conjoints de Nindra.
– Alors, notre rayon littérature érotique est par là.
– Mais sur leurs devoirs, leurs obligations… Ce qu’ils deviennent…
– Ah, notre rayon biologie ? C’est juste à côté. Gestation, digestion, nous avons tout ce qu’il vous fait et vous verrez, il y a plein de petits dessins explicatifs. Vous saviez que les araignées géantes pouvaient digérer leur proie pendant plusieurs années ? Et apparemment, la victime ressent tout ! C’est dingue, non ?
– Je prendrai un jeu de cartes pour passer le temps. »

Monsieur Crane demande de l’aide à son rat de bibliothèque favori : en échange d’un livre sur les chats en position désavantageuse, il obtient une liste des essentiels à compulser. Au fil de ses lectures sur la biologie des araignées, il apprend que la déesse Nindra est célibataire, mais qu’elle finira par choisir un compagnon avec lequel avoir des enfants, avant de le dévorer. Ce jour-là sera à la fois béni et maudit, car c’est l’un des enfants de Nindra qui la trahira et prendra sa place. Mais surtout, il apprend que si le prétendant de Nindra ne contient pas assez d’essence maléfique, elle est repoussée naturellement, plus encore s’il contient de l’essence bénéfique. Monsieur Crane est un peu vexé d’être considéré comme maléfique, mais se dit qu’une petite cure ne pourrait pas lui faire du mal… Et il a une idée d’où il pourrait trouver des bouteilles d’essence bénéfique : à la boutique de souvenirs du couvent.

Scène 7 : Les maux de ventre de l’Étranger

Sur le chemin du couvent, monsieur Crane voit arriver l’Étranger et Augusta, en compagnie d’une autre personne. Alors qu’il se baisse pour éviter quelques singes volants qui se chamaillent non loin, il entend à son tour une explosion. Martin se met à courir vers son immeuble.

« Hep ! Vous avec la main ! Vous ne vous y connaîtriez pas en culte de Nindra ? Vu votre tatouage, vous avez l’air d’être un adorateur… Est-ce que vous savez s’il est possible dans le droit de Nindra de révoquer un contrat maléfique ?
– Je ne suis pas un expert en jurisprudence démoniaque, mais j’imagine que… Vous pourriez renégocier le pacte, puisqu’il n’est plus en votre faveur, ou alors il existe peut-être des règles de procédure que vous pourriez utiliser pour faire annuler le contrat…
– Martin, je n’ai rien compris à ce qu’a dit le monsieur, commente l’Étranger.
– Mais enfin, s’exclame Augusta, expliquez-moi ce qu’il se passe ! »

[Je décide de tirer une carte « Chance ». Je lis : « Arrivée inopportune. Quelqu’un ou quelque chose arrive au pire moment pour une personne présente ».]

« L’Étranger ! L’Étranger ! Ma sœur a disparu… lui dit Géraldine en sanglotant.
– Comment ça ?
– Mais qu’est-ce que vous faites avec sœur Augusta sur l’épaule ?
– Je suivais cet homme qui m’a dit que je pouvais aller donner du bonheur à sœur Augusta, et…
– Monsieur Poicreux ? Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
– Mais je ne sais pas, il a parlé d’un pacte avec une force du mal, et monsieur Crâne a commencé à dire des choses auxquelles je n’ai rien compris, et…
– Oh là, je donne juste un conseil juridique, moi…
– Et mon mal de ventre… »

L’Étranger vomit ses tripes sur le pavé ; de la bile noire se répand sur ses chaussures.
« Bon, souffle Géraldine. Vous, monsieur l’Étranger, de toute évidence il faut que vous mangiez quelque chose. Avalez ce sandwich, ça vous fera du bien. Vous, monsieur Poicreux, il va falloir m’expliquer ce que vous voulez faire en enlevant cette nonne. Tout ça m’a l’air particulièrement douteux.
– Il a parlé d’une entité maléfique, et… OH ! Mais c’est bon !! C’est excellent !!
– Quant à vous, monsieur Crâne…
– Monsieur Crane.
– Qu’est-ce que c’est que ces histoires de rituel maléfique, ou je ne sais quoi ?
– Moi, on me demande mon avis juridique en tant qu’ad… en tant que personne qui connaît ce genre de choses, je donne mon avis, c’est tout.
– Mon bon monsieur, au lieu de donner votre avis sur tout et n’importe quoi, vous feriez mieux de soigner cette main qui est en train de disparaître.
– Ma main va très bien ! »
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Scène 8 : D’un rêve, d’une reconnaissance et d’une paire de questions embrouillées

Monsieur Crane reprend une lampée de whisky ; sœur Augusta le regarde avec attention, et le reconnaît soudain, c’est lui qu’elle avait vu en rêve il y a bien longtemps, en train de ramer en pleine tempête.
« Monsieur, quel métier faites-vous ?
– Je suis explorateur, et… Euh non, je suis explorateur seulement. Je n’exerce aucune autre activité.
– Et ça fait longtemps ?
– Depuis mon arrivée à Itras… C’était il y a, euh… quelques temps…
– Mais vous étiez pas aussi un adorateur de Nindra ? intervient l’Étranger entre deux bouchées. Vous aviez fait un échange avec Cléanthe Brumaire… Il s’était passé des choses avec sœur Eusébie…
– Vous connaissez sœur Eusébie ?
– Euh, non… Enfin si, dans ma société d’explorateurs !
– Oui, pleurniche l’Étranger, on a essayé de lui donner du bonheur… Mais ça n’a pas du tout marché…
– En tout cas, dit Martin, toutes mes excuses, sœur Augusta. Je pense que je ne vous livrerai pas à l’Entité noire, c’est trop mal.
– Vous vouliez faire quoi ?
– Euh, rien. Maintenant qu’il y a une solution juridique…
– Est-ce que sœur Eusébie va bien ? demande l’Étranger à Augusta.
– … d’un autre côté, si j’étais pas tombé sur cette espèce de grande andouille qui obéit à tout ce qu’on lui dit…
– Sœur Eusébie a malheureusement eu quelques petits ennuis, et n’est plus des nôtres. Folle amoureuse de Cléanthe, elle est arrivée chez Amandine Beaulieu, et puis une bagarre s’en est suivie, et elle en est morte.
– Attendez, intervient Géraldine, vous savez où est partie Amandine ?
– Oui, elle est partie en bateau…
– Sœur Eusébie est morte ?
– Amandine est partie en bateau ?
– Oui, avec Cléanthe et les bananes.
– Mais son âme a quitté son corps ?
– Oui… Vous comprenez ce que ça veut dire, mourir ? C’est ça. C’est quand votre corps ne bouge plus.
– Mais son corps, vous l’avez encore ?
– Oui, il va y avoir un service funéraire.
– Car j’ai une bouteille avec une âme dedans, on peut la mettre dans sœur Eusébie !
– Mais vous n’y pensez pas ! Ce serait abominable ! Ça ne se fait pas d’échanger des âmes, c’est très très peu hygiénique, et puis on ne sait jamais si ça va rentrer dans le corps, ça peut donner des choses bizarres…
– On peut essayer !
– Elle est là, je la vois ! »

Scène 9 : La nuit de noces de Francis

Un groupe de nonnes arrive en courant vers eux.
« Écoutez, j’ai des problèmes avec ces nonnes, elles veulent me soumettre à la question… Je ne sais pas si vous savez ce que ça veut dire, mais c’est très peu agréable.
– Mais mademoiselle, dit monsieur Crane, si votre culte ne vous satisfait plus, il y a d’autres opportunités à considérer… Tenez, prenez ce dépliant.
– C’est très gentil, mais je suis fidèle à Itras, maintenant et pour toujours. Surtout depuis que…
– Eh vous, là-bas ! Lâchez cette nonne ! »

Tous se mettent à courir.
« Mais alors… dans le cas d’un bail… de mille ans », s’essouffle Martin qui explique son cas à monsieur Crane pendant la course. « Il y a… moyen de…
– Alors, de deux choses l’une… Soit vous renégociez… Soit vous trouvez… dans le droit des contrats démoniaques… une procédure non respectée…
– Il faut que je… consulte mon contrat… Vous m’aideriez ?
– Vous pouvez… me procurer de l’essence… bénéfique ? Pure… puissante.
– Oui, j’ai plein d’idées pour ça… »

Des marins pompiers passent en trombe à vélo à côté d’eux. D’instinct, l’Étranger, qui mène le groupe, se dirige vers la maison de Cléanthe Brumaire. Il y a de la lumière et des rires à l’intérieur ; l’Étranger rentre et tombe en plein milieu d’une réception.
« L’Étranger, qu’est-ce que vous faites là ? lui dit Francis.
– J’amène cette sœur ici, elle a besoin de se protéger du malheur !
– C’est très bien, mais je vous avais dit de plus revenir… Et puis vous me dérangez en pleine nuit de noces, là.
– Faites comme si on n’était pas là ! Sœur Augusta, asseyez-vous sur ce canapé. »

L’orchestre s’arrête de jouer et tous le monde regarde les nouveaux arrivants. « Madame Gownes, on dirait que des gens sont en train d’envahir votre mariage », chuchote une femme à une autre, vêtue d’une robe de mariée.
« Alors, sœur Augusta, dit l’Étranger en sortant une bouteille, dans cette bouteille il y a une âme. Et si je la mets dans sœur Eusébie, elle reviendra !
– Mais pourquoi voudriez-vous la faire revenir ? Comment la connaissez-vous ?
– Parce que la mort, à vous entendre, ça ne fait pas plaisir.
– D’accord, mais ça fait partie de la condition humaine, qu’est-ce que vous voulez… Je sais que les âmes en bouteille sont très utiles, mais faire revivre quelqu’un… Et puis comment pourriez-vous retrouver son corps ?
– Eh bin vous allez m’aider.
– J’ai déjà assez d’ennuis comme ça. Je n’ai aucune envie de retourner au couvent, puisque c’est clairement là où elle est. Non, je n’ai d’autre choix que de me cacher et de changer d’identité. »

Tout en parlant, l’Étranger goûte quelques-uns des petits fours proposés aux invités, qu’il dévore à pleines dents. Sentant sa bouche un peu sèche, il attrape la flasque de whisky-qui-aurait-pu-être tendue par monsieur Crane et la vide aussitôt. Il se voit alors, personne non angélique, en train de se promener dans les rues d’une ville qui ressemble à Itras By. Tout le monde a l’air heureux, rien ne le gêne. Et puis, aussi rapidement que cette vision est arrivée, l’Étranger est à nouveau dans le salon, secoué par un petit bonhomme d’un mètre 30 qui le harangue avec rage.
« Monsieur l’Étranger ? lui demande Augusta. Vous allez bien ? Vous avez eu un moment d’absence…
– Où sont-ils…
– Je compte jusqu’à trois, et après je tape !
– Ils étaient là, tous… Ils étaient heureux… C’était magnifique…
– Ne pleurez pas, c’est pas grave… C’était juste un rêve…
– Non, je ne rêve jamais…
– Ah, c’est pas une boisson de p’tit gars, observe monsieur Crane.
– Mon gaillard, maintenant tu dégages ! »
J'écris des mini-JdR par dizaines !
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