[CR] Des nouvelles d'Itras By

Critiques de Jeu, Comptes rendus et retour d'expérience
Emöjk Martinssøn
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par Emöjk Martinssøn »

Tu crois pas si bien dire, ce sont entre autres mes parties avec Pikathulhu qui m'ont poussées à lancer cette campagne !
J'écris des mini-JdR par dizaines !
Emöjk Martinssøn
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Message par Emöjk Martinssøn »

Et voici l'acte IV ! Comme d'habitude, un acte d'avance est consultable sur le le blog d'Ozen...

Acte IV : Gnôle, gobelins et grimasques

Dramatis Personæ

Soeur Augusta, (jouée par Clémence) religieuse / rebouteuse, s’y connaît en plantes + anatomie humaine.

Description : Une dame d’une quarantaine d’années, grande et maigre, à l’apparence quelconque. Elle porte le voile et la robe bleu sombre des soeurs de son ordre, ainsi que le médaillon de platine représentant Itras entourée de lumière.
Qualités dramatiques : Très pieuse, très curieuse (surtout en médecine), un peu illuminée
Aimants à intrigue : orpheline, ne sait pas qui sont ses parents / l’Entité Noire veut la détruire / à la recherche des “membres perdus” / procure des contraceptifs aux prostituées dans le plus grand secret, contre les ordres de sa supérieure
Personnages connus : le Gorille Prophétique, les filles de la rue des Nymphes, Soeur Vestine (la mère supérieure)

Jonas StJones, (joué par kiraen) joueur de blues malchanceux.
Qualités dramatiques : Poissard, Inspiré, Optimiste désabusé
Aimants à intrigue : La recette de la gnôle du Père Shade, Les prophéties du gorille, La malédiction de l’Ange de Church Hill
Personnages connus : Ida Jerricane (rencontrée chez le père Shade), La fille de joie (ma cousine), un inconnu qui lui a proposé de devenir le meilleur joueur du monde à une croisement de rue un soir. Ils ont fini par boire un pot à la part du diable.
Description : costard usé, une clope au bec, chapeau de feutre, un regard fatigué mais rieur.

Cléanthe Brumaire (Joué par Ozen), Homme riche qui essaie de trouver un sens à la vanité de son existence.
Description : Un petit homme très sage, fin de quarantaine, ni beau, ni laid mais bien entretenu, l’air mélancolique. Un costume parfaitement entretenu, chaque jour une fleur différente à la boutonnière, une grosse chevalière (avec une pierre bleue) à l’index droit. Fume de longues et fines cigarettes avec un air légèrement efféminé, tics nerveux.
Qualités dramatiques : Notable bien installé dans la bonne société / Curieux, pour tuer l’ennui / Plus une connaissance est improbable, plus il est susceptible de savoir / Joueur (presque) professionnel.
Aimants à intrigues : Terriblement endetté (Jeff l’Usurier) / A la recherche de la femme magnifique / Convoite un pouvoir supérieur (Le Maître d’école)
Personnages connus : une femme, qu’il a épousé et qu’il a oublié quelque part dans sa grande maison / quelques souteneurs choisis dans la rue des Nymphes.

Quelque temps plus tard…

Scène 1 : C’t’ainsi la vie à Itras By!

La chaleur estivale a quelque peu libéré la cité d’Itras : l’heure est plutôt à la pluie battante, qui tombe sur la ville depuis quelques jours. La plupart des gens restent donc confinés à l’intérieur, chez eux ou dans des établissements de plus ou moins bonne réputation. La foule s’est pressée à la part du Diable, où Jonas joue ce soir au sein d’un concert collectif. Il est le deuxième à passer, juste après Tom, un chanteur populaire très apprécié qui se fait acclamer par la foule.

« Bonsoir messieurs, bonsoir mesdames… J’suis très heureux d’être ici ce soir… J’vais vous entonner une p’tite chanson. Vous connaissez tous la ritournelle “C’t’ainsi la vie” ? Ouais ? Bin j’l’ai réinterprétée à ma manière, mais si vous connaissez les paroles, vous pouvez chanter !

C’t’ainsi la vie
À Itras By
On jette tout à l’oubli sur un coup de folie…

Un Étranger au sourire niais
Traînait en ville-euh
Si divinement il embrassait
Qu’on en dev’nait débile-euh
Il a couché avec toute la cité
Tapant toujours dans l’mille-euh
Les jumelles qu’il a échangées
Veulent fonder une famille-euh

C’t’ainsi la vie
À Itras By
On jette tout à l’oubli sur un coup de folie… (x2)

Belle Amandine, érotomane
Et une peintre passable-euh
A contrefait pour une banane
Une prophétie notable-euh
La Garde grise la veut en cabane
Pour c’crime abominable-euh
Elle s’planque chez sa voisine diaphane
À la grâce effaçable-euh

C’t’ainsi la vie
À Itras By
On jette tout à l’oubli sur un coup de folie… (x2)

Le Dieu machine tiré du lit
D’une humeur massacrante-euh
L’est affaibli et amaigri
Mais d’une force grandissante-euh
Les Futuristes s’battent cont’ l’enn’mi
L’victoire n’est pas flagrante-euh
Ça sent l’roussi pour Itras By
Et la fin d’ma gueulante-euh

C’t’ainsi la vie
À Itras By
On jette tout à l’oubli sur un coup de folie…
C’t’ainsi la vie
À Itras By
Rien n’est certain sauf peut-êt’ les amis ! »

La salle est en délire : les gens, fous de joie, portent Tom aux nues. Quelqu’un pousse immédiatement Jonas sur scène, et les applaudissements s’arrêtent aussitôt.

« Messieurs dames, j’ai peur de casser un peu l’ambiance. C’est probablement pas un air que vous avez déjà entendu… Je vais vous parler de la pluie, c’est de saison ». Il joue une chanson (co-écrite avec le gorille prophétique) qui parle d’une semaine de pluie à Itras By, pluie qui tombe tant qu’elle remplit les rues et que les rues sont obligés de se déplacer en bateau, alors que des créatures marines réapparaissent en ville. La chanson décrit Jonas, un soir de concert, alors que la foule ne l’écoute pas vraiment ; elle se termine par l’entrée d’un dauphin dans le bar. Les gens sont moyennement convaincus : Cléanthe, qui était venu là sur les recommandations de Jeff l’Usurier, est dubitatif. En même temps, comme c’est pour séduire une peintre moyenne, un musicien moyen devrait faire l’affaire. Soudain, un homme se lève : « T’as trop raison, mon gars ! » lance-t-il à Jonas. « C’est trop vrai c’que tu dis ! ». Il sort un pistolet et se met une balle dans la tête.

Le présentateur tire Jonas hors de la scène. « Ça suffit, Jonas ! C’est le troisième suicide en une semaine, alors tu vas arrêter un peu avec tes chansons tristes ! On veut plus te revoir ici jusqu’à ce que tu nous fasses une chanson joyeuse, c’est compris ? Tu fais baisser la clientèle, et en plus à cause de toi on va se retrouver les pieds dans l’eau…

– C’est pas moi, patron, c’est le gorille…
– Il a bon dos, le gorille !
– Et en plus, ma flasque est vide…
– Pardon, c’est vous Jonas ? »

Scène 2 : D’un bluesman recherché et d’un caméo pas discret

Jonas regarde ce petit homme bien mis qui lui tend une carte avec son nom imprimé dessus. Cléanthe se présente, et propose immédiatement à Jonas d’aller lui remplir sa flaque. Pendant son absence, un autre homme, très malingre, maquillé de blanc, mascara sur les yeux et chapeau melon sur la tête, aborde Jonas.

« Pardon, j’ai été très touché par votre chanson. C’est très intéressant ce que vous chantez, quel dommage qu’on ne vous laisse pas vous exprimer librement… Mais je ne me suis pas présenté : Vivien McVincent, enchanté. Je suis propriétaire du cabaret Lilith, en face, et je cherche quelqu’un comme vous pour un numéro que je suis en train de monter. On paye bien, pas comme ici.
– Vous savez, l’argent n’est pas ce qu’il y a de plus important. Dites-moi plutôt ce que vous comptez faire.
– Je voudrais expérimenter le cirque triste. Les gens en ont assez de voir des clowns faire les idiots, c’est daté, surfait, épuisé. Je veux des clowns qui font peur, qui font pleurer, qui inquiètent. Nos clients vont adorer, ils vont trouver ça postmoderne, ils vont en raffoler. Et vous, vous allez écrire la musique de ce spectacle. Du triste, du tragique, vous savez faire, non ?
– C’est pas trop mon registre, non… Moi, je fais dans l’exploration de l’inexorabilité du destin, et la façon dont les événements toujours s’avancent plus profonds avant de rebondir…
– Oui, c’est ce que je voulais dire, mais je m’exprime moins bien que vous, les artistes.
– Et les suicides, ça vous dérange pas ?
– Au contraire, ça nous fera de la publicité ! S’il pouvait y en avoir plusieurs par soir, ce serait parfait. Écoutez, vous n’êtes pas obligé de me répondre tout de suite : je vous laisse ma carte, contactez-moi quand vous voulez.
– Vous devriez prendre un parapluie pour sortir.
– Pas besoin : je vais être trempé, parfait pour me donner des idées. Si en plus je pouvais attraper une bonne pneumonie…
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Emöjk Martinssøn
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Scène 3 : Révélations malheureuse et chagrin d’amour au couvent des sœurs qui fument

Au couvent de la Très Sainte Lumière d’Itras, peu après les vêpres, sœur Vestine demande à s’entretenir avec sœur Augusta.
« Vous qui explorez le grand monde, j’ai un problème à vous soumettre. Sœur Eusébie [concernant l’histoire de Soeur Eusébie, voir l’épisode qui lui est consacré], vous le savez, était déjà un élément… problématique de notre communauté : se mettre en tête de faire des explorations, des archéologies, tout cela n’est pas très sérieux. Enfin, je fais moi-même du crochet, donc pourquoi pas. Cependant, j’ai peur que tout cela soit allé un peu trop loin. Depuis quelques jours, sœur Eusébie semble être prise d’une sorte de mélancolie qui lui colle à la peau, c’est insupportable de parler avec elle… Moi qui suis enveloppée dans l’amour d’Itras, je n’ai jamais connu ce genre de sentiments, et je me disais que vous, peut-être…
– Je vais aller lui parler, oui… Mais vous auriez une idée de la cause de tout cela ?
– C’est là le plus grave : entre deux sanglots, j’ai cru comprendre qu’il s’agirait d’amour. Si c’est le cas, la situation est gravissime : vous savez que nous ne pouvons admettre dans nos murs d’autres relations que celle que nous entretenons, platonique, avec Itras. Je compte sur vous, sœur Augusta : qui sait, tout cela m’amènerait peut-être à tirer un trait sur nos accrochages passés… »

Sœur Augusta n’est pas surprise par ces révélations, il lui semblait avoir remarqué que sœur Eusébie n’allait pas très bien dernièrement. Elle frappe à la cellule d’Eusébie, et celle-ci lui ouvre, les yeux rougis et les mains remplies de mouchoirs froissés. Sa cellule elle-même est dans le plus complet bazar : sa bible traine sur son lit au lieu d’être dans le tiroir de la table de chevet, un rideau est mal refermé, et sa corbeille à papier est pleine de papier déchiré.

« Allons ma sœur, qu’est-ce qu’il vous arrive ?
– Vous ne pouvez pas comprendre, lui dit Eusébie entre deux sanglots. J’ai perdu quelque chose que je ne retrouverai jamais…
– Confiez-vous à moi, je vous en prie… Nous sommes liées par le sceau du secret de la confession.
– J’ai une question importante à vous poser. Répondez-moi sincèrement : avez-vous déjà éprouvé des sentiments pour quelqu’un ? »

Sœur Augusta se rend compte que non, elle qui a vécu toute sa vie dans ce couvent, et cela l’attriste quelque peu.

« Non ? Vous avez de la chance…
– Vous êtes tombée amoureuse ?
– “Tombée”, c’est bien le terme. Si j’avais pu éviter cette trappe, j’aurais vaillamment sauté par dessus, mais je ne l’ai pas vu venir…
– Vous savez, le sentiment amoureux, ça vient sur le long terme ; vous vous êtes sans doute entichée de quelqu’un…
– ENTICHÉE ?! Comment osez-vous ? Le temps n’a rien à voir là-dedans. Quand on aime, on aime : vous le sauriez si vous aviez déjà ressenti ce sentiment. Quand vous priez, vous ressentez la lumière bienveillante de notre déesse ? Eh bien l’amour, c’est comme cela, mais tout le temps. Et maintenant, imaginez que cette lumière vous ai d’un seul coup quittée, en vous disant : “Ce n’était qu’une fois et ça n’arrivera plus” !
– Mais qui est ce séducteur qui a osé séduire une nonne, alors que tout le monde sait que cela nous est interdit ?
– Un scélérat… mais si beau… Je l’ai rencontré dans les souterrains… C’est une longue histoire : j’étais partie pour en ramener les reliques de notre déesse, mais je m’étais trompée… Ces reliques n’étaient pas matérielles, comme les saints ongles d’Itras… C’était l’amour. Je porte cela en moi, et en même temps j’ai l’impression de l’avoir laissé derrière…
– Je comprends que tout cela vous chamboule, ma sœur. C’est sans doute la première fois que vous tombez amoureuse, vous avez sans doute un grand sentiment de culpabilité, mais il faut aller de l’avant… Vous souhaitez rester fidèle à notre ordre, n’est-ce pas ?
– Oui, je le souhaite… Mais je souhaite aussi la chaleur de ses bras, et de sa bouche, et de son…
– Hem, bon, soyons pragmatiques. Que comptez-vous faire ?
– Eh bien, j’ai essayé de lui écrire, mais je ne trouve pas les mots… Ah, Cléanthe, Cléanthe !

Scène 4 : Vous écrivez des chansons d’amour heureux ?

Cléanthe revient vers Jonas, et lui tend sa flasque à présent remplie d’alcool. Jonas pose son carnet sur lequel il avait commencé à noter quelques vers, et goûte l’alcool, qui sent très fort la violette : c’est étrangement satisfaisant tout en lui rappelant sa grand-mère, en un mot c’est l’eau de toilette de Cléanthe.

« Jolie veste, cher monsieur, dit Jonas à Cléanthe qui porte ce soir une veste noire avec revers en zèbre. Vous ne devez pas passer inaperçu auprès de ces dames.
– C’est à ce propos que je souhaitais m’entretenir avec vous. Un ami commun, au bureau très long, m’a donné votre nom. Cependant, après avoir entendu votre prestation, je ne sais pas si c’est une bonne idée…
– Avant que nous parlions de cela, j’ai une question très importante ; je ne sais pas si je pourrais vous aider si vous ne me répondez pas. Je cherche une rime en “honte”.
– T’es encore là, Jonas ? râle le patron du bar. Je t’ai dit de partir !
– Mais monsieur ne peut pas partir, monsieur consomme !
– Eh bien monsieur va finir de consommer, puis il va quitter mon établissement. On ne veut plus de chanteur triste ici. Et vous (dit-il à l’adresse de Cléanthe), vous feriez bien de ne pas fréquenter ce type, sinon vous allez finir comme le pauvre gars sur la civière là-bas : persuadé que monsieur est un génie, qu’il chante des prophéties qui comme par hasard finissent toutes très mal… »

Une fois l’importun parti, Cléanthe expose son problème à Jonas : il a rencontré une femme, pas magnifique mais sympathique, avec qui il a vécu une histoire fugace de kidnapping (avec son consentement, bien sûr). Il avait envie de vivre une histoire d’amour malheureuse avec elle… mais il a changé d’avis, comme en témoignent les notes sur son carnet. Il s’est récemment passé quelque chose dans sa vie, et à présent il aimerait vivre une histoire d’amour heureuse avec elle. Jonas propose une première solution : ils tombent tous les deux amoureux de la même personne, il vit l’histoire malheureuse, et Cléanthe l’amour heureux. Sauf que ça ne peut pas marcher, la personne en question étant tout à fait polyamoureuse…

Cléanthe confie à Jonas avoir été marié il y a longtemps (il ne sait plus où il a rangé sa femme, quelque part dans sa maison), et qu’il a déjà été à la rue des Nymphes « pour voir », mais que l’intermédiaire entre les deux lui est encore inconnu. Comme Jonas doit écrire une chanson heureuse, peut-être peut-il écrire l’histoire de cet amour à la fin joyeuse ? Jonas accepte : il sera payé avec une aventure qu’ils vivront tous les deux, cela leur permettra de mieux se connaître.
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Scène 5 : La bonne fée de la rue des Nymphes

On frappe à la porte de sœur Eusébie : c’est sœur Guillemette qui apprend à Augusta qu’on cherche à la voir. Augusta laisse Eusébie aux bons soins de Guillemette (et d’un bon cigare) et se rend au parloir, où l’attend une fille de joie qui vient de la part d’Alicia StJones, sa protégée, qui est fort mal portante et demande les soins d’Augusta. Augusta demande à sa visiteuse d’attendre une heure, le temps que le couvent s’endorme et qu’elle puisse filer en douce.

[Je demande à Clémence de tirer une carte « Résolution » pour savoir si elle y parvient. Kiraen lit « Oui, parce que… Un ou plusieurs(s) facteur(s) imprévu(s) vous aident à obtenir ce que vous voulez ».]

Au moment où Augusta se glisse hors des murs du couvent, elle aperçoit sœur Vestine, fumant langoureusement un énorme cigare à son balcon. Elle croise le regard d’Augusta, et une certaine entente mutuelle passe sur leurs visages…

Sous sa cape, Augusta se faufile dans les rues de la cité d’Itras jusqu’à la rue des Nymphes, à l’hôtel de passe où habite Alicia. Guillemette lui ouvre et la mène jusqu’au chevet d’Alicia qui se tord de douleur, apparemment depuis qu’elle a bu quelques goulées de la gnôle du père Shade (« un goût qu’on n’oublie pas de sitôt » selon Guillemette qui s’est bien gardée d’y goûter). Un vendeur ambulant est passé plus tôt pour en proposer à Alicia, elle n’a pas su résister… Augusta lui donne du laudanum et lui recommande de beaucoup boire (de l’eau).

Alors que Guillemette sort chercher de l’eau près de la rivière en maugréant, Alicia demande à Augusta une faveur : si par hasard elle ne passait pas la nuit, il faut qu’elle dise à son cousin Jonas, le raté de la famille, qu’elle regrette tout. Cela rappelle à Augusta la fameuse nuit où elles se sont croisées, ainsi que Géraldine et Chesterfield, qui ne les ont jamais rappelée… Son esprit vaque en attendant le retour de Guillemette, et son regard se perd vers la pluie battante qui tombe au dehors. Il lui semble soudain apercevoir à travers les carreaux une mer qui frappe les façades, une mer sur laquelle vogue une barque. À sa proue, un homme au physique imposant, couvert de tatouages, au visage fuyant, rame de toutes ses forces ; à sa poupe, un maigre hère dégingandé regarde avec effroi sa main droite en train de disparaître…

Un éclair sort Augusta de sa torpeur, alors que Guillemette revient avec un seau d’eau.

Scène 6 : L’aventure donne des ailes… ou des nageoires !

Jonas et Cléanthe sortent du bar, décidés à vivre une aventure. Alors que Cléanthe hésite à rentrer chez lui (il pense à l’Étranger qui y habite désormais et à la dernière aventure qu’ils ont vécues ensemble), Jonas propose de chercher un bateau, vu comme la pluie tombe. Et ça tombe bien car non loin, un vendeur de barques, au pied du phare, harangue la foule. Il propose à ses nouveaux clients de choisir entre « L’intrépide », « La tumultueuse », « Le courage à deux mains » ou « La brutale », que choisit Cléanthe (Jonas voudrait « La pépère » mais ce modèle ne se fait plus). Le vendeur la propose pour deux doigts, alors que Jonas pense qu’elle ne vaut pas plus d’une oreille. Plutôt que de marchander, Cléanthe propose de payer en réputation : ils vont naviguer à bord de « La brutale » tout en faisant la réclame du vendeur de barques à travers la ville. Le vendeur accepte : une location pour la nuit contre de la publicité pour Jacques la Barque, et quelques rognures d’orteil (d’autant plus que Jonas menace d’écrire une chanson sur lui s’il refuse).

Les deux compères montent dans « La brutale » et, plutôt que de ramer, décident de se laisser flotter à la dérive.
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Scène 7 : La fameuse Gnôle du père Shade

Alicia a l’air d’aller un peu mieux ; sans être tout à fait hors de danger, elle passera certainement la nuit. Augusta décide de goûter à la gnôle du père Shade pour en savoir plus sur cette maladie qui l’accable : elle en pose une goutte sur sa langue, et est immédiatement envahie d’une sensation de plénitude. C’est sans doute un des meilleurs breuvages qu’elle a jamais goûté. Étrange, car pour Alicia cela goûtait plutôt comme de la boue pleine de limaille de fer… Augusta reprend une lampée de la gnôle, qui la revigore aussitôt, et se décide à sortir en quête du vendeur ambulant.

Dehors, l’eau arrive à présent à la taille des rares passants qui se précipitent pour rentrer chez eux. Au loin, une barque s’approche en dérivant, et il lui semble reconnaître la voix de Jonas StJones, en train de déclamer des strophes (qui parlent de grêle). Cléanthe a un léger mouvement de recul en reconnaissant l’habit des nonnes de la Très Sainte Lumière d’Itras, mais laisse néanmoins Augusta monter dans leur barque.

« Montez, Augusta ! dit Jonas. Ce petit homme en veste se nomme Cléanthe. Il soupire et la pluie entre par sa fenêtre. Il observe la rue, il cherche une élégante qui pourra séduire et séduire tout son être.
– Monsieur StJones, j’ai quelque chose…
– Techniquement, je ne la cherche pas, je l’ai trouvée.
– Monsieur StJones, c’est très urgent, je…
– License poétique.
– C’est à propos de votre cousine, elle est très malade. Elle est juste là, à l’hôtel… Elle a bu ça, ça l’a rendu très malade. »

Jonas prend une lampée de la gnôle du père Shade, un alcool qu’il connaît bien ; il n’est pas étonné qu’Alicia soit malade, ça signifie simplement qu’elle n’a pas été acceptée. Il est d’ailleurs surpris qu’Augusta ne connaisse pas la gnôle du père Shade, qui contient des traces d’Entité noire, comme chacun sait (il est également horrifié par l’idée que quelqu’un puisse boire de l’eau).

StJones change soudain de sujet : il n’y aurait pas quelques nonnes accortes, au couvent ? C’est pour son ami Cléanthe… Ce dernier se récrie : il ne cherche personne, il a déjà trouvé. Le nom de l’homme élégant tourne dans la tête d’Augusta, sans qu’elle parvienne à le replacer. Elle demande à ses compagnons s’ils peuvent la mener jusqu’au père Shade. Elle se propose de mettre à profit ses heures passées avec l’équipe d’aviron du couvent et suit les directions de Jonas qui la dirige vers le quartier du port.

« Alors vous, votre truc, c’est la gnôle ? demande Cléanthe à Augusta.
– Pas du tout, c’est la première fois que j’en bois !
– À d’autres… On en a connu des nonnes de votre couvent qui goûtaient à des choses interdites !
– Mais de quoi parlez-vous ?
– Je veux parler d’une livraison de cigares secrète…
– Ça n’a rien à voir, les vapeurs du tabac peuvent vous aider à vous mettre dans un état de prière avancé.
– Ah vous fumez, donc ? Une cigarette ? »

Augusta refuse mais Jonas accepte le paquet tendu, et fume une des tiges de Cléanthe, qui sent étrangement la violette.

« Et qu’est-ce que vous faites dans cette barque, au juste ?
– Nous allons à l’aventure, à la recherche de denrées rares : l’amour, et une chanson. »

Scène 8 : Sondages et pronostics quant aux courses de canards

La tour d’Itras sonne minuit, nous sommes samedi. Cléanthe jette le lys qui ornait sa boutonnière et le remplace par un bouquet de violettes. Une fenêtre de la rue s’ouvre dans le même temps, et une femme les interpelle : « L’un d’entre vous s’appellerait pas Brunaire ? On vous demande au téléphone ! ». Cléanthe lui demande de l’aide pour monter, la femme lui lance une chaise. Jonas propose de lancer Cléanthe, comme lui-même a autrefois été lancé sur la scène de la part du Diable : « Et devant vous ce soir, exceptionnel débutant dans cette tâche d’escalade de fenêtre, le merveilleux, le violetteux, monsieur Cléanthe Brumaire ! ».

Au bout d’une dizaine de minutes, Cléanthe atteint la fenêtre, suant et pantelant. La femme en chemise de nuit l’aide à finir son ascension pendant que son mari ronchonne dans leur lit.

« Cléanthe Brumaire à l’appareil.
– Monsieur Brumaire ? J’ai quelques questions à vous poser…
– Ah non, pas vous !
– Première question : quel est votre petit déjeuner favori ?
– Je ne petit-déjeune pas, je brunche, monsieur.
– Quel est votre brunch favori, dans ce cas ?
– Il n’y a qu’un seul brunch : céréales, omelette, trois tranches de lard, deux tomates coupées fines, quelques morceaux d’oignon, et les bons jours, des pancakes avec du sirop d’érable.
– Deuxième question : à quelle date avez-vous prévu de mourir ?
– C’est une question difficile… Pas aujourd’hui, ni demain.
– Oui, ça colle avec ce que nous avons dans notre dossier.
– Mais est-ce bien nécessaire, tout ce…
– Troisième question : quelles sont vos prédictions pour la course de canards de dimanche prochain ?
– C’est totalement vulgaire. Je ne m’intéresse qu’aux courses de cygnes. »

Cléanthe raccroche le téléphone, et s’éclipse de l’appartement. Il saute, fait un plat dans l’eau et rentre péniblement dans la barque.
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Scène 9 : « Qu’est-ce qui rime avec soeur Augusta ? »

Aux environs de Black Bay, le courant devient assez fort et risque de ne faire qu’augmenter jusqu’à la mer. Augusta, épuisée, demande à accoster : au pire, ils passeront par les toits au retour (et s’entendront avec les ramoneurs pour le paiement). C’est le moment que choisit Jonas pour préciser que la boutique du père Shade se trouve à Church Hill.

[Épiphanie décide de tirer une carte « Chance ». Il tire : « Amor Victor. Le pouvoir de l’amour triomphe de la situation ; à vous de décrire de quelle manière ».]

Cléanthe voit sœur Augusta tellement dépitée que cela lui rappelle la désolation d’Eusébie. Il agonit Jonas d’injures, saisit les rames et se met à naviguer comme un dératé, décochant un sourire à sœur Augusta de temps à autre. Au bout de cinq minutes, il est clair qu’il va mourir de fatigue sur cette lancée, et Augusta prend l’une des rames pour l’aider. Elle n’est guère à l’aise à côté de cet homme qui la fixe avec entêtement : « Un ami à moi dit que c’est important de rendre heureux les gens, et je suis heureux de vous rendre heureuse ! », s’exclame Cléanthe, et c’est au même moment qu’Augusta se rappelle les paroles d’Eusébie plus tôt dans la soirée.

« Mais enfin, cette pauvre fille est malade d’amour pour vous !
– Si vous saviez comme cela me rend triste… répond Cléanthe avec un grand sourire.
– Qu’est-ce qui vous a pris, bon sang, de séduire cette pauvre femme ? »

Et surtout, se dit Augusta sous cape, qu’est-ce qu’elle peut trouver à ce type aux yeux exorbités, à la figure rougeaude et échevelée, au sourire détrempé puant la sueur, qui la gratifie d’un grand sourire niais depuis tout à l’heure…

« C’est à cause de l’Étranger, tout ça… Sœur Eusébie a vu un ange, et ça nous a tous profondément affectés. Il s’est passé des choses dans les souterrains dont je souffre moi-même au plus profond de mon être, mais toute souffrance a une fin, n’est-ce pas ? Et il est des prérogatives de votre ordre de donner l’absolution…
– Ça, mon p’tit bonhomme, on verra bien !
– Qu’est-ce qui rime avec sœur Augusta…

– Bref, il y a eu une conjonction malheureuse : nous étions dans le temple des adorateurs de Nindra, il y avait beaucoup de toiles d’araignées, et puis un livre de gravures obscènes qui racontait des choses… obscènes, et cet Étranger qui s’est saisi de moi et m’a embrassé, et quand nous avions repris connaissance, nous étions nus, et… je dois dire que sœur Eusébie s’est montrée fort entreprenante à mon égard.

– Bon, je ne veux pas savoir les détails, seulement ce que vous comptez faire. Vous voulez la revoir ? Est-ce que je dois lui dire que vous êtes mort dans un accident tragique, afin qu’elle n’ait plus l’espoir de vous revoir ?

– Je ne sais pas… Mais je dois dire que la robe de bure du couvent de la Très Sainte Lumière d’Itras est ma foi fort seyante… Tout ce que je peux vous dire, c’est que je m’apprête à vivre une histoire d’amour malheureuse…
– Heureuse, non ? intervient Jonas. »

Cléanthe se sent soudain abattu.

« Vous êtes heureuse, sœur Augusta ? demande Jonas.
– Oh oui… J’ai trouvé ma place, je sais qui je suis, où je vais… J’ai parfois des doutes, mais je suis certainement plus heureuse que cette pauvre Eusébie, qui subit les affres d’un affreux chagrin d’amour !
– Quelles sont les règles quand on veut courtiser une nonne de votre ordre ?
– On ne peut pas, enfin ! Nous sommes censées être chastes, ne pas avoir d’amour charnel pour quiconque, et nous dévouer entièrement à la lumière d’Itras ! Tous les jours, sauf le samedi où on fait de l’aviron.
– Imaginons alors que nous rencontrions un homme qui pratiquerait l’aviron le samedi lui aussi. Ne serait-il pas possible, au détour d’un banc, entre deux rames, qu’un amour naisse, pour ne vivre que le samedi ?
– Ah, là en effet, il y a exception pour le samedi.
– Qu’en pensez-vous Cléanthe ?
– Je pense que le samedi est un jour triste comme les pierres… Je crois que nous sommes arrivés. »

Scène 10 : On vend pas sur place ! Mais on fait visiter…

Une petite lumière luit à l’intérieur de la bâtisse quelconque devant laquelle la barque s’est arrêtée. Augusta plonge dans l’eau et se dirige vers la porte.

[Clémence demande à tirer une carte « Résolution ». Épiphanie lit « Non, parce que… Un ou plusieurs(s) facteur(s) imprévu(s) vous empêchent d’obtenir ce que vous voulez ».]

Une petite trappe s’ouvre au niveau du regard de la porte ; un bruit ignoble se fait entendre, et la trappe se claque aussitôt.

« Jamais vous n’arriverez à rentrer, où à savoir ce qu’il y a dans cette potion ! se gausse Jonas.
– Qu’est-ce qui nous empêche d’essayer ? »

Jonas se gratte le menton. Après tout, cela fait des années qu’il veut connaître cette recette…

« Nous n’avons qu’à passer par derrière, propose-t-il.
– Vous avez une drôle de conception de l’aventure, maugrée Cléanthe.
– Vous dites ça parce que vous n’avez jamais goûté la gnôle du père Shade. Il en reste un fond si vous voulez.
– Non merci, j’ai l’alcool mélancolique.
– Vous avez surtout peur d’être rejeté par cette bouteille, comme ma cousine…
– Mais personne ne me rejette, tout le monde m’aime bien à la cité d’Itras », proteste Cléanthe, qui en prend une lampée discrètement. L’effet n’est pas celui à qui il s’attendait ; il a déjà bu beaucoup d’alcool dans sa vie, mais c’est assez rare d’en boire un qui le met aussi rapidement dans un état d’ébriété rarement approché, sans aucune mélancolie. Jonas le rejoint, et tous deux, fort saouls, décident finalement de frapper à la porte principale.

« On vend pas sur place, grommelle une voix de l’autre côté de la porte.
– C’est pas pour acheter ! De toute façon j’paye jamais rien ! J’ai présentement ici une carte de la visite des souterrains, qui donne une entrée gratuite dans le phare et certains lieux de la cité. Ça fonctionnerait pas ici ? »

Une main griffue se tend par la trappe et attrape la carte.

« C’est valable pour une entrée.
– Ça va, on m’connaît moi, ici ! ânonne StJones.
– Jonas ? Fallait le dire plus tôt ! »

De très nombreux verrous s’ouvrent, et la porte s’ouvre. Un gobelin d’une cinquantaine de centimètres, à la peau vert olive couverte de poils, demande à Jonas ce qu’il veut.

« C’est ma cousine, elle est très malade. Elle a été rejetée par la bouteille.
– Qu’est-ce que ça peut me faire ?
– On lui a vendu dans la rue. Tu vends dans la rue, toi, maintenant ?
– Où ça ? Rue des Nymphes ? Pas normal, ça. Bon, rentrez une seconde. »
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Emöjk Martinssøn
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Scène 11 : Contrefaçon !

L’intérieur sent très mauvais, comme un mélange entre l’œuf pourri, la viande moisie et l’excès de flatulences. Le gobelin enjambe l’escabeau qui lui avait servi pour ouvrir la porte, attrape une torche, et les fait passer par les couloirs sombres du bâtiment. Les murs sont huileux et visqueux, des silhouettes les dépassent avec des grognements inquiétants… La petite troupe passe par une passerelle métallique rouillée, en contrebas de laquelle on aperçoit les contours de grandes cuves autour desquelles des enfants remuent une substance d’où vient l’odeur répugnante.

Enfin, le gobelin les mène à un bureau blafard, et leur fait signe de s’asseoir (il n’y a pas de chaise, à part la sienne). Il déplie un bout de papier crasseux, une carte de la ville couverte de petites croix.

« Bah ouais, on a un établissement rue des Nymphes, j’vois pas pourquoi on aurait besoin d’un vendeur ambulant… Faites voir la bouteille ? »

Il la goûte et crache par terre.

« Ouais, c’est bien la nôtre mais j’ai l’impression qu’on y a rajouté quelque chose… »

Il sonne une clochette, et un autre gobelin, au dos couverts d’énormes bubons, s’avance. Le premier lui demande d’aller tester la bouteille.

« Bon, en attendant les résultats, je vous sers quelque chose ? » propose-t-il à ses invités. Il sort un flacon contentant un liquide rouge vif, et des verres en cuivre où il verse le liquide épais.

« Ça sort d’la cuve, c’est du pur !
– Ah ça, dit Jonas, c’est le meilleur, vous en goûterez pas ailleurs ! »

Scène 12 : Mobilier orphelin

Cléanthe, assis par terre, ôte ses chaussures, ce qui provoque l’ire du gobelin.

« Nan mais faites comme chez vous, mon gars !
– Eh bien il n’y a pas de chaises, il faut bien que je me mette quelque part…
– Ah bon, il n’y a pas de chaise ? s’étonne Jonas. Mais sur quoi je suis assis, alors ? »

[Julien décide de tirer une carte « Chance ». Il tire : « Ne regarde pas l’abysse. Un des personnages a soudain envie de faire quelque chose qu’elle va regretter. Elle le fait quand même ».]

Jonas jette un coup d’œil à ce sur quoi il est assis, alors qu’il entend un son à mi-chemin entre le gémissement et le grognement : au-dessous de lui, un enfant à qui on a vissé une plaque de bois sur le dos, et des bouts de bois sur les mains et les pieds, le regarde d’un air méchant.

« Mais vous asseyez pas sur ma table de chevet, enfin ! Elle peut pas supporter un tel poids !
– Excusez-moi ! Mais… mais… c’est un enfant…
– Bah oui, c’est quand même bien pratique !
– Mais enfin, s’insurge Augusta, c’est contraire aux lois d’Itras !
– Tu nous a ramené une comique ! s’esclaffe le gobelin. Les lois d’Itras, ma p’tite dame, n’ont pas lieu ici. D’ailleurs qui vous dit que nous sommes encore dans la cité d’Itras ? Nous avons de très bons avocats. Mais je vous rassure, on les garde pas jusqu’à l’âge adulte, nos enfants : après ça a des sentiments, une conscience… On les exporte, ou alors… enfin, on s’en occupe. Ils sont bien traités, vous inquiétez pas ! Si vous interrogez ceux d’la passerelle, je suis sûr qu’ils vous diront qu’ils sont très contents ! »

Le deuxième gobelin revient, apportant les résultats du test. Le premier gobelin a l’air fou de rage, et fait une boule du papier, qu’il jette par terre. La table basse se jette sur le papier pour le manger, en même temps que Jonas qui tente de l’intercepter.

[Je demande à Julien de tirer une carte « Résolution ». Clémence lit « Vous avez besoin d’aide. Vous réalisez que vous avez besoin de l’aide de quelqu’un qui n’est pas présent dans cette scène pour arriver à vos fins. Décrivez comment la tentative du personnage rate et suggérez la façon dont il comprend qu’il a besoin d’aide, peut-être même qui peut l’aider ».]

Jonas est beaucoup trop beurré pour attraper le papier. Ah, si la ligue de vertu était là… Géraldine par exemple aurait bien pu l’aider. Ce sera une leçon pour la prochaine fois : en attendant, Jonas se vautre sur le sol dans la lavasse de chaussette de Cléanthe.

« Bon, de toute évidence, reprend le gobelin, quelqu’un a contrefait notre recette et est en train de la distribuer. Ces sagouins ont rajouté de la violette, pas étonnant qu’elle soit tombée malade ta cousine. On va s’en occuper, vous en faites pas. »

À ces mots, Cléanthe demande à renifler la bouteille pour en avoir le cœur net : c’est bien sa violette que la gnôle contrefaite sent. Il se met à tourner légèrement de l’œil, à cause de cela ou de tout ce qu’il a bu…

« Bon, pour ta cousine, mets-lui ça en suppositoire, et ça ira mieux. Mais que personne d’autre le prenne, hein ?
– Je sais qui a fourni la violette, murmure Cléanthe.
– Quoi, qu’est-ce que t’as dit ? »
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Scène 13 : Visite guidée

Avant de pouvoir répondre, Cléanthe tombe dans les pommes. Le gobelin secoue sa clochette à nouveau, et s’adresse à son subordonné : « Amène-moi celui-là en salle de réveil, secoue-le un peu : il sait qui c’est qui a contrefait notre boisson.

– Hop là, attention ! prévient Jonas. C’est un am… Un employeur. Faut pas l’abîmer.
– Il a de l’argent ?
– Il est blindé, apparemment. Mais y dit aussi qu’y paye jamais rien.
– Ils disent tous ça avant de nous rencontrer. Bon, on va s’en occuper de ton employeur, t’inquiète pas. Il est entre de bonnes mains, il lui arrivera rien… sauf s’il rencontre les trolls.
– Il y a des trolls femelles ? Parce qu’il veut rencontrer un amour heureux…
– C’est peut-être pas le meilleur moment… intervient Augusta.
– L’amour frappe toujours où on l’attend pas.
– Bon en tout cas, on attend qu’il se réveille ?
– Si vous voulez, propose le gobelin, on peut vous faire la visite touristique de l’usine. Mon ami Jonas la connaît, mais on s’en lasse jamais. Et puis je lui dois bien ça, après tout ce qu’il a fait pour nous…
– Moi je serais très curieuse de savoir comment vous produisez cette boisson.
– Ah ça, par contre, c’est un secret industriel. On le révèle à personne. Si vous tentez de le découvrir, on va être obligés de vous tuer. »

Un troisième gobelin, avec une jambe deux fois plus longue que l’autre, arrive pour accompagner Augusta et Jonas, pendant que celui avec des bubons tire péniblement Cléanthe sur le sol.

La visite commence par l’histoire de la gnôle du père Shade : on raconte qu’il y a très longtemps, le père Shade, un vieux marin qui avait éclusé toutes les tavernes et bu tous les alcools existants, a eu l’idée de cette gnôle, inventée par lui avec ses alambics. On raconte ensuite son amitié bien connue avec les gobelins : comment il les a rencontrés, comment ils sont rentrés en affaire… Puis la mort tragique du père Shade, qui est tombé dans une des cuves de production (un cru fort prisé par les amateurs). Et puis la popularité grandissante de la gnôle, la distribution à travers tout Itras By, et la fête annuelle de dégustation de la gnôle nouvelle, servi traditionnellement à l’arrière de la bâtisse. Augusta et Jonas visitent ensuite les différentes étapes de production, et Augusta sent bien qu’on lui cache quelques étapes. Ils passent également rapidement au niveau des cuves, où travaillent de nombreux enfants, qui servent aussi de mobilier : enfants-chaise, enfants-placard à la cage thoracique ouverte, enfants-lampe à l’ampoule dans la bouche… Leur guide insiste beaucoup sur la bonté du père Shade, qui n’avait jamais eu d’enfants, qui a décidé d’aider les orphelins de la ville à avoir une utilité. Augusta, elle-même orpheline, se sent mal face à ce spectacle, mais les enfants ne lui rendent aucune expression… Ils souffrent énormément, c’est une évidence, mais ils semblent avoir été vidés de toute humanité.

Scène 14 : Un p’tit goût de violette

Cléanthe flotte dans un rêve pâteux, rempli de nonnes dansant en cercle : « Viens boire notre élixir, Cléanthe », lui susurrent-elles… Il est tiré brutalement de ce sommeil pour se retrouver flottant dans l’eau crasseuse d’une baignoire. Le gobelin au dos pustuleux, assis sur un tabouret, lui passe de l’eau d’égout sur le visage.

« Alors mon gars, t’as fait une sacrée chute dis-donc ! Mais dis-moi, avant que tu partes en sucette, tu disais que tu savais qui avait fourni l’alcool contrefait à la violette ? Ça nous intéresserait beaucoup, tu sais…
– Votre boisson m’intéresse énormément aussi, c’est une boisson à servir dans les soirées… On pourrait s’entendre sur une livraison en échange d’un nom ? C’est quelqu’un qui m’est très utile…
– Vous n’avez pas de remplaçant ? Toujours prévoir un remplaçant. C’est un peu sot de confier toute la responsabilité d’une tâche à une seule personne, le père Shade disait toujours ça.
– C’est que tout le monde n’est pas capable de produire une eau de toilette de qualité…
– Eh bien justement, on aimerait bien se lancer dans la parfumerie, on a des prototypes à tester si vous voulez.
– Pourquoi pas… Mettons que je vous donne l’adresse de cette personne qui fabrique la violette qui est dans votre élixir… Mais j’y pense, nous pourrions aller enquêter discrètement et vous fournir le responsable de la vente, et je n’aurai pas à dénoncer mon parfumeur !
– Ça me paraît une bonne idée, oui… Évidemment, on se connaît pas, donc il va nous falloir une garantie.
– J’ai toutes les patentes nécessaires, demandez à Jeff l’Usurier, il garde une dette à moi depuis des années, et…
– Pff, Jeff , c’est un amateur. Mais sinon, c’est quoi ce bijou ?
– Cette chevalière ? C’est quelque chose qui m’est très précieux…
– Très bien, on va prendre ça alors !
– C’est une alliance, vous savez, ça ne s’enlève pas…
– On peut couper le doigt, pas de problème.
– Elle est à vous, tenez, répond Cléanthe en défaisant prestement sa bague.
– Parfait. Le responsable d’ici demain, et sinon on réduit ta bague en poudre et on en fait une cuvée spéciale. Allez, t’es pas le seul dont je dois m’occuper, file. »

Cléanthe se rend compte qu’il est en effet entouré de baignoires où baignent des dizaines de gens affublés d’un sourire béat.

« Très bien, mais où sont mes habits ?
– Oh, vu leur état, on les a brûlés… Mais tiens, enfile ça. »

Cléanthe attrape un T-shirt trois fois trop grand pour lui, sur lequel est écrit « Buvez la gnôle du père Shade ! ». Il décline, en revanche, la casquette. Il arrache une fleur de pissenlit qui traîne et l’attache à ce nouveau vêtement.

Poussé vers la sortie, il retrouve ses amis qui viennent de finir la visite : Jonas est en train de réfléchir à une chanson sur les enfants, et Augusta est verdâtre.
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Scène 15 : Troubles avec la justice

« Bonne nouvelle, les amis ! On a jusqu’à demain pour retrouver qui contrefait la gnôle, sinon ils nous réduisent en poudre et ils font une cuvée spéciale !
– Vous avez engagé notre vie à tous les trois ? s’étrangle Augusta.
– On est là pour vivre une aventure, non ? Et ça devient enfin intéressant…
– Bon, direction votre parfumeur alors.
– J’aimerais d’abord rentrer chez moi me changer…
– Vous êtes sûr que c’est nécessaire ? Nous n’avons que jusqu’à demain…
– On n’est plus à une heure près, alors », répond Cléanthe d’un air rayonnant.

Arrivés à la sortie, on leur informe que l’eau a trop monté, et qu’il leur faut passer par les toits. Leur barque était attachée à un pylône désormais engloutie, elle est donc sous l’eau… Est-elle d’ailleurs vraiment attachée ? C’est Cléanthe qui devait s’en charger, mais il était saoul à ce moment-là…

[Épiphanie me fait tirer une carte « Résolution ». Je lis « Oui, mais… Vous réussissez, mais perdez quelque chose de précieux dans le même temps ».]

La barque est bien sous l’eau : seulement, elle contenait la guitare de StJones dedans, et elle a coulé aussi. En s’en rendant compte, Jonas plonge aussitôt depuis le haut du toit, ce qui le dégrise immédiatement. Sa guitare n’est pas très loin, et il la récupère aisément, mais un bernard-l’hermite y a élu domicile et en a légèrement écarté les planches pour avoir suffisamment de place.

« Sors de là ! dit Jonas après s’être suffisamment immergé pour que le bernard-l’hermite l’entende.
– C’est chez moi ici ! Partez, ou j’appelle la police !
– Vous ne payez pas votre loyer, monsieur ?
– Bien sûr que si ! Trois bulots par mois !
– Et pourquoi je reçois rien ? Je suis le propriétaire de cette guitare…
– Si c’est vous le propriétaire, voyez avec celui à qui je paye mon loyer. C’est pas mon problème.
– On peut peut-être trouver un arrangement… Vous avez quelque chose contre la musique ?
– Ah oui ! »

Le crustacé commence à s’éloigner, mais Jonas le retient par le manche de guitare. Il appelle la police à l’aide : un aileron de requin apparaît sur la crête de l’eau.

« C’est quoi le problème ? dit le requin, qui porte un uniforme.
– Un squatteur dans ma guitare ! C’est un scandale !
– Vous avez un certificat de propriété ?
– Absolument ! Je…
– Monsieur, circulez, ou je vous embarque.
– Mais c’est ma guitare, tout le monde peut en attester, je…
– Allez, mains contre le mur, maintenant ! »

Jonas ne se laisse pas faire ; le requin lui mord le mollet jusqu’à le faire tomber à terre, puis lui passe des menottes d’algue derrière le dos. Cléanthe et Augusta voient leur ami surnager en agitant les pieds et en criant « C’est un scandale ! On m’embarque ! » à qui veut l’entendre. Encore un contretemps qui risque de beaucoup les retarder… Avec tout ça, Cléanthe n’aura pas le temps de se changer, mais cette nouvelle situation dangereuse lui plaît bien. Il explique à Augusta, qui est plutôt contre aller chercher Jonas, qu’il s’agit là d’un classique délit de faciès contre les saltimbanques. Cléanthe en appelle à sa compassion, et elle finit par se laisser convaincre.

Les grilles du commissariat sont fermées, mais une petite échelle en corde mène à une fenêtre où il est inscrit « Entrée provisoire ». Augusta monte à la corde, puis passe par un trou dans le plafond qui mène à l’accueil, au rez-de-chaussée. Un policier moustachu lui indique l’officier Johnson, un requin à pantalon, qui a mené l’arrestation. Jonas est libérable sur caution : Augusta n’a pas de quoi payer, mais si le couvent se porte garant, pas de problème… Augusta signe la reconnaissance de dette, et Jonas sort de cellule. Cependant, il refuse de sortir tant qu’il n’a pas récupéré sa guitare, et commence à provoquer un esclandre ; Johnson appelle un de ses collègues, Herbert l’éléphant, qui l’attrape dans sa trompe et le projette à travers le trou du plafond.

Cléanthe, qui attend dans la barque, sent soudain quelqu’un qui lui tire la manche.

« Excusez-moi de vous déranger… »

Accroché à la barque, un petit homme à l’air triste, dans un costume trop grand pour lui, lui murmure presque : « J’aurais un service à vous demander, si ça ne vous dérange pas… Est-ce que ça vous intéresserait d’acheter une âme ?
– J’ai déjà donné, merci.
– Et si je vous la donne, justement ?
– Vous voulez vraiment refourguer votre camelote ?
– Oui, je n’en peux plus de cette âme, elle me pèse terriblement…
– Bon, je veux bien vous rendre ce service, mais j’en veux un en échange. Si vous n’avez pas besoin d’âme, vous n’avez pas besoin de ce costume que vous portez.
– Non, en effet… Entre vous et moi, je déteste ce costume. Si vous saviez ce qu’on m’a fait à l’intérieur… »

Le petit homme défait son costume et le tend à Cléanthe, en même temps qu’une petite bouteille ; puis il lâche la barque et s’en va à la nage, alors que Jonas s’écrase dans l’eau à côté d’eux.

Malgré la hargne de Jonas, qui sur les conseils de Cléanthe est prêt à exproprier le bernard-l’hermite par la manière forte, le groupe se dirige vers le parfumeur après qu’Augusta lui a cédé sa guimbarde (cette dernière faisant partie de l’équipement monacal).

Scène 16 : Fourgueurs de violette

[Clémence décide de tirer une carte « Chance ». Elle tire : « Carnaval. Le haut devient bas, le bas devient haut. Toutes les relations de statut sont inversées ; cela peut être instantané ou graduel, mais doit avoir lieu avant la fin de la scène ».]

Le parfumeur ouvre et se répand aussitôt en excuses tremblotantes tout en faisant entrer ses invités.

« Monsieur Brumaire, je ne vous attendais pas ! Entrez, entrez, et excusez l’état de ma boutique… Avec l’inondation… Vous venez pour la dette, j’imagine ? J’ai presque ce qu’il faut, je vous rembourserai très rapidement… Pardon, je parle, je parle, mais vous voulez à boire, à manger ?
– Eh, connard, on n’est pas là pour ça ! aboie Augusta. On veut savoir qui a mis de l’eau de violette dans la gnôle !
– Oui, pardon ! Je vais immédiatement tirer du lit la responsable ! Pardon qu’elle dorme à cette heure-là ! En attendant, faites comme chez vous, bien sûr ! »

Le vendeur s’éclipse, pendant qu’Augusta regarde les étagères et empoche quelques bouteilles. Une femme en peignoir rose, chapeautée d’un filet pour cheveux, finit par arriver en se tordant les mains.

« Bonsoir messieurs dames, quel honneur de vous recevoir ! Je…
– La ferme, coupe Cléanthe.
– Allez Cléanthe, fais-la parler, cette grognasse ! »

La responsable se met à plat ventre et lèche les chaussures de Cléanthe, qui lui décoche un coup de pied dans les dents.

« Vous avez une boutique de troisième zone, lâche Jonas : même pas d’enfants pour faire les meubles.
– Oui, pardon ! Nous allons en engager immédiatement !
– Ah oui, avec quel argent ? demande Cléanthe. Celui que vous me devez ?
– Vous voulez de l’argent ? J’en ai, je…
– Pas pour l’instant. Je veux un renseignement. Tu vas parler, oui !
– Bien sûr, bien sûr ! Mes seins sont faux, je les ai fait refaire !
– On s’en fout. À qui vends-tu de la violette, qui la met dans de la gnôle ?
– Aux clients les plus respectés ! Vous êtes tous beaux et…
– “Vous” ?! Tu vends de la violette à plusieurs personnes !?
– Pardon, je ne sais pas parler aussi bien que vous ! Oui, j’avoue, nous avons voulu diversifier notre marchandise, sans vous en parler ! »

Entre deux sanglots, la responsable apprend à Augusta que c’est un grimasque qui en a acheté, employé par charité. Il habite rue de la Suie, à Black Bay.

« Allons-y », dit Augusta, « faut bien qu’on ramène quelqu’un à ces bouffons de gobelins…
– Allons-y », acquiesce Cléanthe, après avoir frappé la responsable une dernière fois et lui avoir craché au visage.

[Les grimasques sont des habitants d’Itras By dont la grimace, jadis cocasse, s’est figée lorsque le vent a tourné. Certains n’ont les traits que quelque peu déformés, d’autres portent en permanence un air repoussant sur le visage ; ceux-là vivent en général dans leur ghetto, complètement rejetés par le reste de la société.]
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Scène 17 : Braun et Soeur Grimasque

Black Bay est déjà un quartier pauvre de la ville, où vivent seulement les plus infortunés, mais la rue de la Suie est pire encore : elle est noire de suie et rend l’eau pâteuse de cendre, et seuls y sont situés des immeubles en pleine déliquescence, dont les briques tombent d’elles-mêmes dans l’eau, sans doute par désespoir. Suivant les indications de la parfumerie, Cléanthe, Augusta et Jonas arrivent devant un immeuble de trois étages dont toutes les fenêtres, et la porte, sont défoncées. Des cris d’enfants, des pleurs de femmes et des bruits de coups se font entendre à l’intérieur.

« Ah, nous sommes à la bonne adresse, dit Cléanthe. Ces gens-là seraient prêts à tout pour de l’argent.
– Justement non, répond Jonas : c’est parce qu’ils ne feraient pas n’importe quoi pour de l’argent qu’ils en sont là. Ces gens-là ont une dignité que vous ne pourrez jamais comprendre. »

Dans les escaliers, des grimasques sont assis, en train de se piquer avec un air de perdition.

« Excusez-moi, demande Augusta doucement, nous cherchons un certain Braun ?
– Oui, il habite au troisième, répond un grimasque à la bouche déformée.
– Merci mon brave : tenez, voici quelques pièces.
– Ho ! Du fric ! Du fric ! »

Plusieurs portes s’ouvrent dans l’immeuble, et les grimasques commencent à s’amasser autour d’eux. Jonas, qui se tenait jusque là à l’écart, observe la scène tout en montant dans les étages.

[Je demande à Julien de tirer une carte « Résolution ». Il lit « Non, et… Vous échouez, et un autre élément complique la situation ».]

Arrivée au deuxième étage, Augusta tombe nez à nez avec une femme en robe de bure : c’est une ancienne consœur d’Augusta qui avait quitté le couvent d’elle-même après avoir été changée en grimasque.

« Sœur Augusta, quel plaisir ! Allez-vous en, vous ! dit-elle en chassant les autres grimasques. Entrez, entrez ! Vous allez bien prendre un petit quelque chose !
– Merci, sœur… sœur comment déjà ?
– C’est sœur Grimasque, maintenant.
– C’est qu’on n’a pas le temps, s’excuse Cléanthe, on cherche un certain Braun.
– Ah oui, il habite au troisième ! Venez, je vous accompagne.
– Vous ça va, d’ailleurs ? demande Augusta d’une petite voix.
– Pas du tout, répond sœur Grimasque de son grand sourire figé, je souffre terriblement, de solitude surtout. Aucune sœur n’est venue me voir… Vous aviez promis, pourtant…
– Oui, je suis très occupée, et…
– Oui, je comprends, vous m’avez oubliée maintenant… Vous savez, Augusta, la roue tournera ; vous aussi vous serez dans la misère, et vous verrez, les sœurs vous laisseront tomber, vous aussi.
– Mais la sœur Vestine m’a dit qu’elle vous envoyait de l’argent tous les mois ?
– Tu parles ! Tout ce que j’ai reçu, c’est des cigares dégueulasses ! »

Au troisième, un grimasque à la figure presque normale (seul un de ses yeux louche, et sa langue zozote légèrement) leur ouvre.

« Bonjour Braun ! dit sœur Grimasque. Tu as vu, une de mes sœurs m’a rendu visite, ainsi qu’un fort beau jeune homme ! »

Elle passe un doigt sur le torse de Cléanthe, qui ne dit rien.

« Vous voulez quoi ? demande Braun. J’dormais, moi…
– Pardon, dit Cléanthe, mais pouvons-nous entrer ? C’est une affaire privée.
– Très bien. Vous voulez quelque chose à boire ?
– De la gnôle du père Shade, par exemple ? »

Scène 18 : La famille à Jojo

Jonas frappe à une porte du premier étage ; une femme au fort strabisme et aux oreilles écartées lui ouvre et lui tombe aussitôt dans les bras.

« Mon petit, te voilà !
– Oui c’est moi, maman.
– Papa, vient voir qui est là !
– Jonas ? Mais qu’est-ce qui t’amène ?
– Ça faisait trop longtemps. J’étais dans le quartier avec mes amis…
– T’as des amis maintenant ? C’est bien, Jonas ! Je savais bien que tu arriverais à quelque chose un jour ! Mais regarde ça, faut que tu manges un peu, t’es tout cireux !
– Tenez, dit Jonas en leur tendant de l’argent, voilà ce que j’ai réussi à gagner. C’est pour
vous.
– Enfin, Jonas, on n’en a pas besoin, dit son père en prenant son portefeuille. Bon alors, tu fais quelque chose de respectable ?
– Oui, de la musique.
– Bon, la musique c’est bien, dit sa mère, mais faudra que tu fasses quelque chose de sérieux !
– J’écris des chansons avec le gorille prophétique, maman !
– Oui, c’est bien d’avoir des loisirs, mais bon… Il faudra que tu finisses tes études de droit un jour !
– Oui maman.
– Parce que tu sais, c’est important qu’il y ait un valide dans la famille qui réussisse !
– Oui maman, c’est vrai. Pas plus tard qu’hier, j’étudiais d’ailleurs un cas d’expropriation.
– C’est bien que tu te remettes au travail. Comme ça, quand tu seras un grand avocat, tu pourras défendre la cause des grimasques !
– Écoute chérie, n’embête pas Jojo ! Il nous rend visite, ne l’embêtons pas avec le travail ! Dis-nous plutôt comment c’est à Church Hill…
– C’est un beau quartier, les gens sont heureux quand ils viennent le soir dans les bars…
– C’est bien, ça. Et toi mon Jojo, t’es heureux ?
– Moi ? Tout va bien. Tant que je peux vous rendre visite de temps en temps…
– Et dis-donc, mon gaillard… Quand est-ce que… Quand est-ce que tu nous amènes des petits valides ?
– Euh… C’est-à-dire que…
– Oh, tu vois bien que tu l’embarasses avec tes questions !
– Papa. Maman. Je voulais vous dire… Je vous aime.
– Nous aussi on t’aime, mon Jojo.
– Je pense qu’il n’y aura jamais de petits valides.
– Tu as un problème médical ?
– Non, c’est…
– Jojo, tu sais, on accepte tout le monde chez les grimasques. Si tu aimes les hommes, ce n’est pas grave…
– Oui, et les gorilles aussi ! »

Jonas reste silencieux, la tête basse.
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Scène 19 : Sale temps pour le p’tit commerce

Braun ouvre l’un de ses placards, qui est rempli de bouteilles de gnôle du père Shade. Il explique à ses invités qu’il a un accord avec le père Shade, qui est d’accord pour donner ces bouteilles aux grimasques, par charité. Il leur tend l’une des bouteilles, et Cléanthe reconnaît immédiatement son parfum. Il est même tenté d’en boire un peu, mais se retient à temps.

« Qui vous fournit ? demande-t-il.
– Bah, le père Shade, quoi. C’est du 100% pur.
– Ah bon ? Vous ne rajoutez pas un peu de violette dedans ?
– Oh vous savez, moi, avec mon nez déformé, je sens rien… Mais si vous voulez pas de gnôle, j’ai de la limonade aussi !
– Non parce que vous voyez, explique Augusta, une de mes amies a bu de la gnôle coupée à la violette qu’on lui avait vendu en pleine rue, et depuis elle est très malade ! À l’article de la mort !
– C’est pas de chance, dit Braun en s’épongeant le front. Vous avez songé à un suppositoire ? Bon écoutez, il est fort tard, et…
– Dites-moi, mon jeune ami, non seulement vous avez tous les aspects du grimasque, mais en plus vous souffrez d’une sudation particulièrement odorifère…
– Bon alors, vous voulez une limonade ou non ? »

Cléanthe occupe Braun tant bien que mal (sans oser le toucher) pendant qu’Augusta va chercher sœur Grimasque à la rescousse, après avoir négocié son retour au couvent (ce qui coûtera sans doute à Augusta de remplacer sœur Josèphe à la tête du club d’aviron pendant quelques semaines). Augusta promet sur la tête d’Itras, un serment qui est censé la tuer si elle ne le respecte pas. Sœur Grimasque plaque Braun sans ménagement contre son placard.

« Bon, s’il est si bon, ton alcool, t’as qu’à en boire toutes les bouteilles, qu’est-ce que t’en dit ?
– OK, OK, j’avoue ! »

Braun leur explique qu’il ne pouvait plus supporter de s’abaisser à faire la manche ; il avait repéré la tournée d’un gobelin non loin, et lui volait une ou deux bouteilles à chaque fois, sans que le gobelin s’en rende compte. Comme il est de notoriété publique que la gnôle du père Shade tourne si elle n’est pas vendue comme un gobelin, Braun avait décidé de cacher ce goût avec de la violette.

« Mais pourquoi ma violette ? demande Cléanthe.
– Parce que ta vendeuse, là, sa fille c’est une grimasque ! »

Contraint et forcé, Braun promet d’arrêter, mais que peut-il faire pour gagner sa vie ? Cléanthe propose de le ramener aux gobelins pour lui trouver un travail.

Jonas prend congé de ses parents, qui lui font promettre de ne jamais faire de grimaces. Un peu embarrassé lorsque ses amis le voient, il les suit dans la barque.

« Bon », dit Augusta, « il faudrait peut-être qu’on aille voir votre cousine, maintenant ? On a encore un suppositoire à lui mettre…
– Vous m’excuserez, mais je ne mets pas de suppositoire à mes cousines. »

La barque s’arrête d’abord chez les gobelins, qui sont ravis d’accueillir un nouvel employé (Cléanthe leur indique que Braun s’y connaît beaucoup en parfum, ce qui évite au grimasque de servir d’ingrédient à une cuvée spéciale). Puis Cléanthe, Augusta et Jonas montent chez Alicia, qui est toujours alitée. Augusta lui administre le médicament : il était temps, car Alicia est à l’article de la mort. Elle tend la main vers Jonas, qui lui fait promettre de ne pas faire de grimaces. Ils veillent encore sur elle jusqu’au petit matin, pour être sûrs qu’elle ira bien.

Lorsqu’ils sortent enfin de l’immeuble, les balayeurs sont arrivés et repoussent l’eau vers les caniveaux. Des vendeurs à la sauvette sont déjà en train de déclouter la barque et de s’en distribuer les planches. « Des planches Jacques la Barque », leur indique Cléanthe, « à côté du phare ».

Scène 20 : Qu’on est bien chez soi quand il pleut dehors !

Chacun rentre chez soi. Cléanthe fait promettre à Jonas de lui écrire une chanson sur Amandine Beaulieu ; Augusta fait promettre à Cléanthe d’écrire à sœur Eusébie. « Vous inquiétez pas », dit Jonas, « y reviendra bientôt la voir, parce qu’Amandine Beaulieu… ».

Augusta rentre au couvent après cette nuit blanche ; elle est immédiatement alpaguée par sœur Eusébie, qui a passé la nuit à écrire un poème de quatorze strophes à Cléanthe. Mais cette odeur de violette sur sa robe lui dit quelque chose…

Jonas se traîne jusqu’au banc le plus proche, et sort la carte que Vivien McVincent lui avait donnée. Il lui revient ses paroles, lui demandant les chansons les plus tristes possibles, en même temps que celles du tenancier de la part du Diable, lui demandant uniquement des chansons heureuses… « Non, je resterai libre », se dit Jonas en déchirant la carte.

Cléanthe rentre chez lui dans ce costume trop petit pour lui. Quelqu’un est endormi en travers de sa porte, un petit homme en costume bleu et casquette, et se réveille lorsque Cléanthe glisse la clef dans la serrure.

« Excusez-moi monsieur, je vous ai attendu toute la nuit, je ne pensais pas que vous rentreriez si tard…
– Les domestiques ne vous ont pas ouvert ?
– Justement, je me présente : Francis Gownes, gardien de zoo. J’ai entendu dire que vous cherchiez un majordome ?
– Mais parfaitement. Entrez, je vous prie, je vais vous donner une livrée… »
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Emöjk Martinssøn
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Oulà, je suis en retard ! Voici l'acte 5, celui qui a pas mal changé notre façon de jouer.

Acte V - La nuit des bananes

Dramatis Personæ

Jonas StJones, (joué par Kiraen) joueur de blues malchanceux.
Qualités dramatiques : Poissard, Inspiré, Optimiste désabusé
Aimants à intrigue : La recette de la gnôle du Père Shade, Les prophéties du gorille, La malédiction de l’Ange de Church Hill
Personnages connus : Ida Jerricane (rencontrée chez le père Shade), La fille de joie (ma cousine), un inconnu qui lui a proposé de devenir le meilleur joueur du monde à une croisement de rue un soir. Ils ont fini par boire un pot à la part du diable.
Description : costard usé, une clope au bec, chapeau de feutre, un regard fatigué mais rieur.

Ida Jerricane, (jouée par Eugénie) cracheuse de feu dans un cabaret
Qualités dramatiques : se rêve en grande artiste
Aimants à intrigue : rend des services à tout le monde (logeur, voisine, Père Shade, Gorille)
Description physique : brunette, coupe à la garçonne et accroche-coeurs, tutu de danseuse et veste d’homme

Amandine Beaulieu, (jouée par Guylène) pseudo-artiste défoncée sans le sou
Qualités dramatiques : débauchée, optimiste
Aimants à intrigue : Vie sexuelle libérée, dépendante à plusieurs substances
Personnage connus : des parents, qui l’ont reniés. Sa voisine, avec qui elle entretient une relation cordiale… Du moins jusqu’à la semaine dernière.
Description : chatain-rousse aux yeux verts cheveux courts, maigre comme ceux qui n’ont pas assez mangé, pas très féminine. Un rire cristallin qui fait tout son charme malgré sa dégaine.

Marek (joué par Promeus Kessel), Docker magouilleur quantique, n’a pas peur de se mouiller
Courte description : Un physique imposant et très tatoué au demeurant, mais qui change au fur et à mesure des voyages hors d’Itras.
Qualités dramatiques :N’a pas conscience de son côté quantique; Est cupide et violent; Est très superstitieux
Aimants à intrigues : Revend de la gnôle du Père Shade aux filles de la rue des Nymphes; A des vues sur le trafic de Jeff l’Usurier
Personnages connus : Le Gorille Prophétique, Les filles de la rue des Nymphes, Le Père Shade

Quelque temps plus tard…

Scène 1 : Amandine au mitard

Amandine est amenée en cellule par l’un des gardes gris qui l’a interrogée pendant plusieurs heures, en attendant son avocat. La pièce est petite ; à quatre, on n’a pas de place pour s’asseoir, ni pour réfléchir à ce qu’on a raconté à propos d’une contrefaçon de prophétie. À côté d’elle, un chauve se gratte l’énorme cicatrice qui lui barre le visage avec le crochet qui lui sert de main gauche.
« Grattez pas, si ça démange c’est signe que ça cicatrise…
– Nan, ça m’gratte à cause des fourmis ! Celles qu’ils m’ont mises pour me surveiller ! »

Amandine se rend compte que des fourmis jonchent en effet le sol, et qu’elle vient de casser la patte de l’une d’entre elles par inadvertance. La fourmi, en réponse, lui mord le doigt.
« Et pourquoi on vous a collé des fourmis ?
– J’suis un prisonnier politique. J’ai r’fusé de dire c’que j’savais, et ils ont pensé me faire parler comme ça, mais j’en ai connu d’autres !
– Attention, il y en a une qui rentre dans votre oreille.
– Merci, dit-il en l’attrapant de son auriculaire droit avant de l’avaler. On nous sert jamais rien à manger, ici.
– Ça fait longtemps que vous êtes là ?
– Je sais pas… On est encore en été ? Ça fait bien quelques semaines, alors, depuis notre dernier coup. Mais vous qui v’nez d’arriver, vous savez un peu c’qui s’passe dehors ? C’est vrai c’qu’on raconte sur les adorateurs de Nindra ? Qu’ils ont un nouveau membre, un type super effrayant ? Il paraît qu’il a qu’une seule main, comme moi…
– Il paraît, mais vous savez, j’ai juste entendu ce qu’on en dit dans la rue…
– Si vous écoutez les rumeurs, vous avez dû entendre parler de ce musicien maudit, alors ! Jonas McJonas… Il paraît qu’il a encore tué trois personnes en leur chantant des chansons la s’maine dernière !
– Nan, je le connais bien Jojo, c’est pas un meurtrier… »

L’une des prisonnières se retourne et Amandine s’aperçoit que c’est une grimasque, dont seule la moitié du visage est figé dans un rictus atroce.
« Tu connais Jonas ? Comment y va ? Il a toujours sa belle gueule d’ange ?
– Vous le connaissez ?
– Un peu que je le connais… Quand on était petit, on faisait les quatre cent coups ensemble… Ça fait longtemps que je l’ai pas vu, mais un soir j’ai réussi à me faufiler pour assister à un de ses spectacles ; il était beau dans la lumière, avec son regard qui en disait long… On sent que c’est quelqu’un qu’a vu le monde… Y m’a fait rêver avec ses chansons… »

La porte de la cellule s’ouvre ; un garde gris vient chercher Amandine. Son avocat est arrivé, avec sa feta règlementaire pour prendre des notes.
« De la feta au basilic ? Parce que c’est ça qu’il faut pour les artistes, vous savez. J’ai ma carte d’affiliation à la guilde…
– Oui oui, tu nous l’as déjà racontée ton histoire… On est en train de vérifier. Quand Jeff l’Usurier voudra bien témoigner en ta faveur, on parlera. Pour l’instant, on n’a pas de traces de tes œuvres, donc tu la ramènes pas. Allez, c’est ici ! Vous avez dix minutes. »

Le garde pousse Amandine dans une petite pièce nue, à l’exception d’une table et deux chaises métalliques.
« Alors, ma petite Amandine… On ne s’est pas très bien comportée ces derniers temps ? Heureusement que le maître d’école est là pour te servir d’avocat… »

Scène 2 : Jonas au crachoir

À la ligue de vertu, Miss Wellington fait monter Jonas sur scène. « Allez mon p’tit, dis-nous ce que tu as sur le cœur !
– Eh bien mesdames, il faut que ça cesse. Ça fait des années que j’ai pas été sobre plus de deux jours de suite ; mais avec votre aide, j’espère m’en sortir. Comprenez, j’ai grandi dans un quartier difficile : vous le savez peut-être pas, mais… Oh, et puis j’en ai pas honte ! Mes parents sont des grimasques. Je ne suis pas atteint moi-même, un signe d’Itras, je suppose. Mais mesdames, il faut m’aider. Je sais pas comment je vais m’en sortir dans les rues froides de cette ville sans rien à boire pour me réchauffer un peu le cœur. Autour de nous, tout est gris, et il me faut un peu de couleur…
– T’inquiète pas, mon p’tit, on va pas te laisser tomber, répond miss Wellington en lui pinçant la joue d’un air ambigu. La ligue de maman Wellington est là pour toi. Voilà ce que je te propose : on va t’attribuer un sponsor. Une de ces dames sera chargée de vérifier que tu bois plus, que tu te comportes bien, et surtout que tu aides les vieilles dames à traverser la rue. Qui est volontaire ? »

Plusieurs mains se lèvent, certaines hésitantes, d’autres gourmandes. Dans le fond de la salle, Jonas reconnaît une main moins ridée, moins poilue, celle de Géraldine. Miss Wellington sort ses petites jumelles pour scruter la foule.
« Bon mon Jonas, tu choisis qui ?
– Ça marchera mieux avec quelqu’un qui me connaît déjà. Madame Géraldine ? Si vous voulez bien m’aider, je vous en serais très reconnaissant.
– Oh, vraiment, tout l’honneur est pour moi…
– Eh bin voilà, c’est parfait ! Les jeunes pigeons vont roucouler ensemble… Tu verras mon p’tit, Géraldine aussi est passée par des temps difficiles, on peut pas rêver mieux comme sponsor. Et crois-moi, elle a l’air gentille comme ça, mais faut pas la faire chier. »
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Scène 3 : Marek au parloir

Une petite vieille vient chercher Miss Wellington pour une livraison. Elle se dirige dans l’arrière-salle à petits pas, et ouvre à un grand marin, costaud et tatoué, qui porte une grosse caisse lourde sous son bras.
« Ah, mon beau marin ! Tu m’apportes encore un p’tit cadeau ?
– Oui.
– Mais dis-moi, t’as pas un peu changé depuis la dernière fois ?
– La vie au port est compliquée, répond Marek dans son lourd accent.
– Sans doute… Tiens, pose-moi ça là. Bon, c’est comme d’habitude ? »

Miss Wellington sort cinq photographies de son portefeuille, qui représentent différents habitants de la cité d’Itras.
« Ça fait un moment que tu viens, toi, non ?
– C’est vrai.
– Ah, ce que j’aime bien avec toi, c’est que tu parles pas beaucoup.
– Vous par contre, c’est pas pareil.
– Ah, sacré toi ! »

Miss Wellington lui passe la main sur le torse.
« T’as toujours eu les mots pour me faire rêver, mon loup… Allez, file avant de me rendre complètement folle…
– Vous êtes déjà folle. »

Une fois Marek parti, Miss Wellington attrape une barre à mine dans un coin et ouvre la caisse. Elle en sort quelques auréoles pour les examiner à la lumière de l’ampoule.
« Encore du bon matos ! C’est l’autre qui va être content… »

Elle replace délicatement les auréoles dans la paille et retourne à sa réunion. Pendant son absence, Géraldine et Jonas se sont isolés dans une pièce plus tranquille pour discuter.
« Alors monsieur StJones, dites-moi tout. C’est grave, ce problème ?
– C’est pas tant que j’ai un problème avec l’alcool ; au contraire, on s’entend plutôt pas mal… C’est mon corps qui supporte plus. L’autre jour, je me suis mis à trembler…
– Vous savez, monsieur StJones, vous avez déjà fait le plus important : admettre que vous aviez un problème. Parfois on a l’impression que ce sont les autres qui ont un problème, et en fait c’est nous… C’est ce que me dit tout le temps ma sœur : “Géraldine, t’es trop gentille, tout le monde te marche dessus !”. Pendant longtemps j’ai cru que c’étaient les autres qui n’étaient pas assez gentils, mais récemment j’ai vu des choses, et maintenant, je pense qu’elle avait raison… Mais pardon, je parle de moi, mais on n’est pas là pour ça. Désolée, j’ai tellement de problèmes avec ma sœur en ce moment, je… Bon, monsieur StJones, qu’est-ce qui vous rend heureux dans la vie ? La musique ? Très bien, on va se concentrer là-dessus ! Elles parlent de quoi, vos chansons ?
– Elles parlent de la vie, quoi…. De ce qui arrive aux gens, la vie d’Itras By, quoi…
– Ah oui, il se passe tellement de choses magnifiques dans cette ville… Vous devez en avoir des choses à raconter… Tenez, ce soir pour la nuit de Murlon, on va encore avoir des feux d’artifice magnifiques…
– Qui vont foutre le feu à trois-quatre maisons, ouais. On y pense aux gens qui habitent ces maisons ? C’est facile, quand on est privilégié, et qu’on a le monde qui s’ouvre devant nous ; mais quand on a rien et qu’on doit se battre pour avoir un minimum de décence, quand les feux d’artifice brûlent votre maison, vous avez pas le temps de prendre votre comté et vous barrer !
– Monsieur StJones, je vois un peu mieux le problème. Je sais ce qu’il vous faut. Du thé. »

Scène 4 : Ida, un polichinelle dans le tiroir

Ida est en train de frapper à la porte de la femme magnifique lorsqu’elle entend le téléphone sonner à l’intérieur. Cela fait plusieurs semaines qu’Ida n’a pas vu sa voisine, et un petit écriteau où il est écrit « À louer » vient de faire son apparition, ce qui n’est pas rassurant. Ida court jusqu’au bureau du logeur au rez-de-chaussée, glisse sur le comptoir pour récupérer la bonne clef parmi un énorme trousseau, puis remonte quatre à quatre pour ouvrir la porte et répondre au téléphone alors que la dernière sonnerie résonne. Dans l’écouteur, un brouhaha de machines à écrire et de téléphones se fait entendre.
« Madame Jerricane ?
– Oui bonjour, Ida à votre service ?
– J’aurais quelques questions à vous poser, s’il vous plaît. Première question : en moyenne, combien de kilos de fromage mangez-vous par mois ? Prenez votre temps.
– Répartis sur une année, je dirais douze.
– Deuxième question : à combien de mois de grossesse en êtes-vous ? »

Ida laisse tomber le téléphone et se rue dans sa propre salle de bains pour aller vomir. Le téléphone de son appartement sonne : elle se relève d’un pas incertain, essuie l’acide qui lui coule des lèvres, et décroche d’une voix blanche.

« Excusez-moi, madame Jerricane, je crois que nous avons coupés, la connexion n’est pas bonne en ce moment… Je répète ma deuxième question : à combien de mois de grossesse en êtes-vous ?
– Y… y aurait-il… la possibilité que… ce soit une erreur ?
– Selon nos informations, qui sont toujours exactes, j’ai bien peur que non… Nous avons ici un témoignage formel d’un certain Alfred… »

Ida éclate en sanglots.
« Mettez trois mois…
– Vous pourriez être un peu plus précise ?
– Trois mois et deux semaines…
– Très bien, très bien. Dernière question : quels sont vos liens avec les Futuristes ?
– Cordiaux.
– Merci, bonne journée et bonne nuit de Murlon ! »
Ida laisse pendouiller son combiné et se glisse contre le mur jusqu’à s’asseoir par terre.
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Emöjk Martinssøn
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Scène 5 : D’un maître à son élève

Une fois sa livraison effectuée, Marek erre tranquillement dans les rues, en se dirigeant lentement vers le zoo. Sur son chemin, il croise la route d’un autre marin (les marins se reconnaissent entre eux immédiatement). Il lui apprend que le père Shade l’attend à son bar habituel pour une livraison ; Marek se dirige donc vers le bar du chat crevé, où il n’y a jamais grand monde, sans doute à cause du félin dont les boyaux pendent au plafond. Un petit vieux le salue au fond de la salle et l’invite à s’asseoir. Après avoir craché plusieurs glaires, le père Shade pose une petite caisse remplies de bouteilles sur la table, à livrer pour un certain Jonas StJones.

« Tu lui diras que c’est un cadeau, il n’a rien à payer.
– Et toi, comment tu me payes ?
– Comme d’habitude ?
– D’accord. »

Marek récupère la caisse sans un mot de plus et quitte le bar. Le père Shade se prend alors le visage dans les mains, tire légèrement dessus, et enlève son masque en respirant un grand coup.
« Pff », soupire le gobelin, « ça me fait mourir de chaud à chaque fois… Allez, prochaine livraison. Tiens, au zoo, ça faisait longtemps ».

Amandine s’assied en tremblant et en baissant la tête en face du maître d’école.
« J‘ai toujours su que tu étais mon élève la plus médiocre, mais je ne pensais pas que ça irait jusque là… Contrefaçon de prophétie…
– C’est pas vous que j’avais demandé comme avocat.
– Je suis commis d’office, et crois-moi, tu es entre de bonnes mains. Enfin, si tu es un peu moins sotte que d’habitude… Bien, reprenons depuis le début : tu as contrefait une prophétie du gorille, et tu l’as vendue à Jeff l’Usurier… Ah, ce bon vieux Jeff ! Comment va-t-il ? Déjà tout petit, je savais qu’il irait loin, celui-là… Bon, tu es coupable, n’est-ce pas ?
– Mais je savais pas qu’on avait pas le droit…
– ÉVIDEMMENT QUE TU NE SAVAIS PAS, BÉCASSE ! Tu n’as jamais rien su. Il va y avoir un procès, évidemment. Ça va coûter beaucoup d’argent à la ville, mais ça tu t’en fiches, évidemment… Qui sont tes témoins ?
– Jonas StJones, Ida Jerricane, et sœur Augusta.
– Au moins, on peut faire confiance à l’un des trois… Bien, je vais négocier ta sortie sur parole, et nous allons contacter ces témoins pour voir s’ils pourraient ne pas trop aggraver ton cas, ce sera déjà ça.
– Je vous déteste.
– Je sais, ma petite… C’est pour ça que tout va bien se passer. Bon, passons aux choses sérieuses : quelle est la leçon du jour ?
– Apprendre par cœur les lois et le code civil d’Itras By, répond Amandine d’une petite voix.
– Je t’écoute.
– Une prophétie est un document authentique…
– Plus fort !
– Une prophétie est un document unique et authentique fourni par une créature prophétique, annone Amandine, peu importe la famille de ladite créature, et ne doit être en aucun cas détruite, reproduite, ou contrefaite.
– “Ne doit être en aucun cas détruite, recopiée, ou contrefaite” ! »

La porte s’ouvre : les dix minutes sont écoulées. Le maître d’école sort s’entretenir avec le commissaire. Amandine prend la feta du maître d’école, à laquelle il n’a pas touché ; comme le veut la réglementation, elle en coupe le coin inférieur gauche qui lui fait face, le mange, et coupe le coin supérieur droit à l’attention de son avocat. La feta a un goût de regrets.

Le maître d’école revient et explique que la libération d’Amandine sur parole a été acceptée, tant qu’elle ne quitte pas la ville et qu’elle ne fait pas trop de bêtises.
« Vous devez manger votre feta…
– Je la mange si je veux.
– Vous êtes obligé, c’est dans le code civil que j’ai appris par cœur.
– La petite fille veut donner une leçon au maître ? C’est mignon… Tends tes doigts.
– Non, dit Amandine en cachant ses mains derrière son dos.
– Tends tes doigts, où je vais me fâcher. »

Amandine finit par céder ; le maître d’école sort une règle en fer avec laquelle il la frappe très violemment. Lorsque la douleur a un peu diminué, Amandine se rend compte que des glyphes sont apparus au bout de chacun de ses doigts.
« Voilà qui m’assurera que tu ne feras pas de bêtises d’ici le procès. Allez, file maintenant, petite. »
Amandine quitte le commissariat en affichant une tête haute. Dès que plus personne ne la voit, elle se cache dans un buisson, et pleure à chaudes larmes en repensant à son enfance.

Scène 6 : Drame au cabaret Lilith

Ida finit par sortir de son spleen ; après tout, elle a un spectacle à préparer ce soir, et qui sait, elle y croisera peut-être Jonas, dont la cousine pourrait l’aider à régler sa situation actuelle. Les rumeurs vont vite dans le monde du spectacle, et elle a entendu dire que Jonas avait été dégagé de La Part du Diable, et recruté par Vivien McVincent. Le spectacle doit continuer, envers et malgré tout : Ida se maquille, et part au cabaret Lilith.

Lorsque Jonas arrive au cabaret Lilith, accompagné de Géraldine, l’ouvreur lui apprend qu’une fille le demande.
« Ce serait pas la première fois…
– Je sais pas ce que vous lui avez fait, mais elle est dans un sacré état.
– C’était pas moi, je m’en souviens plus… J’avais bu…
– Oh, je juge pas, hein. Les artistes ont des vies compliquées… Mademoiselle ? Le musicien que vous cherchiez, il vient d’arriver.
– Amandine ? Pleure pas comme ça… Je suis désolé, je me suis pas rendu compte, je… J’ai pas d’argent maintenant, mais si tu attends un peu…
– Crétin, c’est pas pour ça que je viens te voir, pleurniche Amandine. Si j’avais besoin d’argent, j’irais me taper Cléanthe ! Ça fait deux semaines qu’il me court après, à faire la sérénade sous ma fenêtre…
– Ah, c’est toi ? Euh… Il va peut-être venir avec une chanson…
– Mais enfin, qu’est-ce qu’il vous arrive, Amandine ? intervient Géraldine. Tenez, prenez un mouchoir à l’orange.
– J’ai des problèmes avec la justice…
– Jonas StJones ? »

Jonas sent une main sur son épaule ; en se retournant, il découvre un grand marin tatoué face à lui.
« Je paierai la semaine prochaine, je…
– C’est pour vous, dit Marek en lui plaquant la caisse contre le torse.
– Mais j’ai rien commandé !
– Je veux pas savoir.
– Qu’est-ce que c’est ?
– Je sais pas. Ça sonne comme bouteille. Vous prenez.
– Ah non ! lui dit Géraldine. Monsieur StJones ne boit plus d’alcool.
– Ça ne m’intéresse pas, répond Marek d’un ton assassin. Il fait ce qu’il veut avec.
– TOI ?! hurle soudain Ida depuis les coulisses. LA BRISEUSE DE FAMILLE ! QU’EST-CE QUE TU VIENS FAIRE ICI ?! TU VEUX MON TRAVAIL, AUSSI ? »

Pour éviter l’orage qui s’annonce, Jonas se dirige vers le bar (laissant la caisse derrière lui) et commande une cancoillotte on the rocks. Il s’installe dans un coin du bar en faisant tourner les glaçons dans son fromage. Géraldine s’approche de lui d’un air désapprobateur :
« La cancoillotte… dites-moi, il y a du vin blanc là-dedans, non ? Et puis on dit que les vapeurs de fromage font parfois le même effet que l’alcool, méfiez-vous…
– Mais tais-toi un peu, boiteuse, la coupe Marek, laisse-le faire…
– Mais enfin, grossier personnage ! Ce n’est parce que vous avez des problèmes de peau, dit Géraldine en pointant vers son torse translucide, que vous êtes obligé d’être méchant.
– Taisez-vous. »

Marek plaque sa main sur la bouche de Géraldine, la fait s’asseoir et pose à nouveau la caisse de bouteilles devant Jonas, qui la refuse à nouveau.
« Comment ça, comment je vais bien ? continue Ida pendant ce temps. Je commençais tout juste à m’en remettre, et là j’apprends qu’Alfred m’a laissé un cadeau !
– Non, il t’a fait le coup de t’envoyer des couteaux avec des fleurs et des mots écrits avec son sang ?
– Non pourquoi, il te l’a fait à toi ?
– Non non, répond Amandine d’une petite voix. Mais c’est quoi ce cadeau alors, je peux t’aider à en faire quelque chose ?
– Tu saurais faire ça ?
– Ça dépend, c’est gros ? Ça tiendrait dans mon appartement ?
– Ça m’arrangerait en tout cas… C’est un cadeau vieux de trois mois et deux semaines…
– Euh, je… je comprends ce qu’il faut comprendre ? Mon dieu, tu es enceinte !!
– Mon dieu, qu’est-ce que je vais faire ? Je peux pas abandonner ma carrière pour élever un enfant, en plus Alfred…
– Comment ça, “abandonner ta carrière” ? intervient Vivien McVincent.
– On répète notre prochaine pièce, le rassure Amandine avec un grand sourire.
– Madame, je n’ai pas l’honneur de vous connaître…
– En effet ! Amandine Beaulieu, enchantée. Artiste peintre, potière et comédienne.
– … mais en ce moment, nous ne recrutons pas. Et puis vous êtes bien trop enjouée pour chez nous.
– Oh oui, je sais ! Ida est bien plus douée que moi pour le mélodrame.
– Ah oui, tu m’as préparée des surprises pour le numéro de ce soir, Ida ?
– Euh… c’est à dire que… je… euh… ah ! Euh… oui ? Mais ne vous inquiétez pas, ce sera une mauvaise surprise.
– Bien, je te fais confiance, mais c’est bien parce que tu travailles ici depuis longtemps. En parlant de surprise, je t’ai présenté ton nouveau guitariste ? »

StJones se lève en titubant et se dirige vers eux, suivi de Marek.
« On se connaît déjà, dit Ida.
– Ah oui, vous avez un passé ensemble ? Un passé malheureux ?
– Euh, probablement mitigé…
– Je peux faire avec, on pourra empirer ça… Bon, Ida a l’air d’avoir une surprise pour ce soir, mais Jonas, tu es capable d’improviser, n’est-ce pas ?
– Ouais, je sais pas si j’y arriverai dans mon état… J’ai pas bu, et ça commence à tourner autour de moi. La dernière fois que j’ai bu, j’ai pas réussi à attraper l’enfant-table, et…
– Bon, garde tes histoires de poivrot pour tes chansons. »
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Scène 7 : Mozzarella et Réconciliation

Amandine se dirige vers le bar pour commander une mozzarella pressée, et s’assied à côté de Géraldine, toujours interloquée par le comportement de Marek.
« Quel malpoli ce marin, je n’ai jamais été traitée de la sorte…
– Même par ta sœur ?
– Oui mais ma sœur, elle a le droit.
– Ah oui, et demain si ta sœur elle va violer des petits enfants, tu diras rien parce que c’est ta sœur ?
– Mais enfin, qu’est-ce qui te prend Amandine ? Tu vas pas t’y mettre toi aussi ? Mais fais voir tes mains… Tu sais, si tu as un problème, tu peux me le dire…
– On m’a tapé sur les doigts, dit Amandine d’une voix tremblante…
– Des glyphes d’interdiction ? C’est sérieux, ça. Attention à ne pas trop t’énerver. »

Amandine regarde ses doigts, qui chauffaient sans qu’elle y prête trop attention depuis tout à l’heure, et se met à pleurer dans sa mozzarella.
« Tu sais, si c’est juste le temps d’un procès, ce n’est pas si grave… et puis je veux bien témoigner en ta faveur… Je sais que tu es une bonne personne.
– Mais Ida elle va jamais accepter, après tout ce qu’il s’est passé…
– Mais si, Ida est une femme fantastique, et…
– Oui mais elle est enceinte d’Alfred, pleurniche Amandine, et moi Alfred il l’a quittée pour moi, et puis je l’ai jeté comme une chaussette parce qu’il me frappait avec ses couteaux, et du coup il y a un bébé, et elle va jamais vouloir témoigner pour moi…
– Ne dis pas n’importe quoi, ce n’est pas toi la mère…
– Ben on sait pas… »

Ida s’assied à cet instant à côté d’Amandine, et lui saisit les mains.
« Amandine, on a deux heures avant le show. Si tu peux le faire dans ma loge, il faut qu’on le fasse maintenant.
– Mais de quoi tu parles ?
– Ah, je suis heureuse que vous acceptiez de vous réconcilier ! Protégez-vous par contre, on n’est jamais à l’abri d’un deuxième, euh… En tout cas, Ida, Amandine m’a appris la merveilleuse nouvelle, je suis très heureuse pour vous. Je suis sûre que votre enfant sera un formidable saltimbanque.
– Mais euh, chuchote Ida à Amandine, tu lui a dis que c’était pas un enfant ? Bon, tu m’as dit que tu pourrais l’enlever, en tout cas…
– Ah non, gronde Géraldine, n’allez pas en faire un nouvel orphelin ? S’il est orphelin, on va l’amener au couvent, et vous savez bien ce qu’il leur arrive…
– Mais je pensais juste le mettre dans un petit bocal derrière le bar, avec les autres…
– Quoiqu’il en soit, ce n’est peut-être pas une bonne idée de le garder avant maturation.
– Mais je vais tout de même pas garder ce truc à l’intérieur trois mois de plus !
– Moi non plus », intervient Jonas avant de vomir par terre. Géraldine se précipite vers lui d’un air sévère.

Scène 8 : Félicitations madame, c’est une banane !

« Je le savais, qu’il y avait de l’alcool là-dedans !
– Ah non, c’est plutôt parce qu’il n’y en a pas, je crois…
– Dites-moi, dit Amandine à Marek, vous qui êtes marin et avez beaucoup voyagé… Vous savez comment on fait pour se débarrasser d’une surprise de trois mois et demi ?*
– On tape dessus.
– Ida, monsieur dit qu’il peut nous aider !
– Comment vous payez ?
– On t’offre une place de spectacle gratuit ? propose Ida.
– On s’arrange entre nous ? roucoule Amandine.
– Je prends le spectacle. »

Ida entraine Amandine et Marek dans sa loge pour régler son problème. Au passage, Marek attrape StJones par le col, et Géraldine les accompagne. Jonas est complètement incohérent et se laisse attraper en marmonnant des phrases sans queue ni tête. Tout le monde s’installe comme il peut alors qu’Ida fait un peu de place et prévient les gens de faire attention où ils s’assoient.

« Bon alors, Ida, y t’faut quoi comme musique c’soir ?
– Ce soir, il va me falloir quelque chose d’organique.
– J’suis guitariste moi, pas organ… ogr… truc !
– Tu peux remplacer tes cordes par des boyaux de chat, propose Amandine.
– Je sais où trouver des chats, renchérit Marek.
– Trois chats cont’ des bouteilles alors ? demande Jonas à Marek.
– Bon eh, focus ! S’il vous plait ! »

Ida claque des doigts et s’installe sur sa coiffeuse, un pied sur chaque chaise.
« Ça va être mon moment, s’il vous plaît. »

Marek s’agenouille entre les chaises, attrape Ida par les hanches, et lui met un gros coup de tête dans le ventre.

« Aïe, vous me faites mal ! C’est pas comme ça que le machin va arrêter de s’accrocher avec ses petites mains griffues !
– Je vais le décrocher. »

Et Marek décoche un deuxième coup de tête.

[Kiraen demande à Promeus de tirer une carte « Résolution » pour savoir si le « cadeau » sort sans mal. Il lit « Oui, mais… Vous réussissez, mais quelque chose qui n’a rien à voir se passe mal, pour vous ou quelqu’un à qui vous tenez. Décrivez le succès, mais aussi ce qui se passe mal et pour qui ».]

Marek met un troisième coup de tête dans le ventre d’Ida ; un flot de sang s’écoule d’entre ses jambes, suivi d’un régime de bananes, qui s’enfuit aussitôt après un petit signe de tête. Dans leur fuite, elles font tomber la caisse de Marek ; les bouteilles se brisent, rompant le contrat tacite que Marek avait accepté. La gnôle se met à ronger lentement le plancher ; Jonas la regarde en essayant de rester calme.

« Monsieur StJones, lui dit Géraldine, soyez fort. Je crois que… vous feriez bien de reboire un petit peu.
– Nan, j’arrête.
– Mais enfin, regardez-vous, vous êtes complètement sobre !
– J’sais, c’est l’temps d’aller d’l’aut’ côté… J’y suis arrivé une fois, c’était ma meilleure chanson ! J’vais y arriver ! »

Ida est toute blanche.
« Il est parti où ?
– Vous parlez de votre enfant ? lui demande Géraldine.
– Vous avez bien vu que c’était pas un enfant ! C’était un cadeau d’Alfred !
– Oui, enfin, les enfants peuvent prendre bien des formes, il faut respecter la diversité de la nature !
– Tu veux que j’aille le chercher ? propose Amandine.
– Tu… tu ferais ça pour moi ?
– Oui. Et comme ça tu témoigneras en ma faveur à mon procès.
– Quel procès ? »
J'écris des mini-JdR par dizaines !
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