Samedi 24 juillet 1926.
Brooklyn, NY.
Cody Asthen est reveillé par des coups à sa porte. Ses comparses enquêteurs de Boston étant presque tous repartis pour la Nouvelle-Angleterre, l'ancien militaire est méfiant et prend son colt avec lui.
Se protégeant de l'ouverture, il interpelle le visiteur : "C'est à quel sujet?". "Asthen, le patron veut te voir tout de suite!" lui répond une voix forte derrière la porte. Cody la reconnait, c'est celle de Michele-Angelo, surnommé le sculpteur car il maniait très bien le marteau et le burin pour faire parler les gens.
"OK, je m'habille! Attendez moi en bas!" répondit Asthen. Il enfila une chemise propre et revêtit un complet bleu marine. Il noua sa cravate, accrocha son hostler et mit son veston. Coiffant son feutre, il sortit et verrouilla la porte derrière lui.
En bas de l'immeuble, il salua Michele-Angelo et les deux types qui l'accompagnaient. Ils l'installèrent à l'arrière mais ne le fouillèrent pas. "C'est déjà ça" pensa le vétéran.
Après ving minutes de route, ils arrivèrent près d'une trattoria spécialisée dans la cuisine sicilienne dans Little Italy à deux pas de Mulberry street où M. Luciano aimait déguster un bon plat de pâtes. Ils entrèrent, le sculpteur suivi de Cody.
"Ah Cody, je suis content de te voir! Viens t'assoir avec moi" lui lança Lucky qui avait la mine des bons jours. Un serveur au teint basané et aux cheveux noirs amena rapidement une assiette de pasta alla siciliana et la posa devant Asthen.
"Manges Cody, ça va refroidir! Tu sais, j'ai une drôle d'histoire à te raconter" commença M. Luciano. Asthen se demanda à quelle sauce, il allait être mangé.
"Tu sais ce qu'on raconte à New-York, Cody? Qu'il y a un type nommé Bugsy Wexler qui veut me faire de la concurrence à moi. Rigolo, non? Il a commencé à racketter dans mes quartiers, à tabasser des filles qui travaillaient pour moi, à escroquer des tripots."
"Et tout ça, sans m'en parler, sans me prévenir, quelle époque! Les gens deviennent mal polis. Bon je reviens à mon histoire, alors il semblerait que j'aurais été fâché par son attitude et que j'aurais envoyé des gars chez lui, dans son territoire, pour lui apprendre la politesse. Oh ils devaient être nombreux ces gars car ils ont dessoudé quatre types de Wexler, blessé trois autres. On raconte même que Wexler a été touché!"
"Mais tu vois, Cody, là où il a été touché, c'est dans sa dignité. Parce que pas plus tard qu'hier, il m'a fait passé le message qu'il demandait une trêve et qu'il voulait conclure un accord avec moi."
"Alors tu comprends Cody, j'aimerai bien savoir ce qui t'as pris d'aller là-bas tout seul, rosser ce stupido, sans me demander mon accord? C'est bien moi le patron?" termina Lucky avec un grand sourire.
"Bien sûr que c'est toi le patron Lucky !" s'exclama Asthen. "Je t'ai parlé de mon enquête avec la petite équipe de Boston au sujet du medium."
"Oui, mais en quoi c'est en rapport avec Wexler ?" luirépondit le caïd avant de boire une gorgée de vin.
Le vétéran reprit : "Je suis allé avec le détective et le professeur à la piaule d'un des chiens de garde de Wexler. Là-bas j'ai trouvé un curieux objet et un bouquin écrit dans une drôle de langue. Cela m'a rappelé les mauvais moments que j'ai passé à Boston. Le temps que le professeur déchiffre les pages, l'homme de main était revenu chez lui et ça s'est mal passé, j'ai sacrément senti la droite qu'il m'a collé, il a failli flinguer mes co-équipiers. C'est pour cela que je les ai amené voir le dottore".
"Effectivement, on m'a prévenu." répondit M. Luciano, intéressé par le récit de son lieutenant.
"J'ai pensé, vu que mes équipiers ne sont pas habitués à ce genre de situations, régler cette affaire moi-même en allant enquêter sur les docks. J'ai tenté une approche furtive." expliqua Asthen.
"Ah ah ah !" s’esclaffa M. Luciano. "Une approche furtive ! En voilà une bonne, de ta part !".
"Moui. C'est vraiment pas mon truc les pas de velours." dit Asthen avec un soupir. "Le problème c'est que je me suis fait piqué par une espèce de gorille qui m'a emmené à la planque de Bugsy Wexler et le temps que je réfléchisse à une stratégie, ce crétin a voulu se débarrasser de moi."
"Alors tu t'es défendu ?" demanda M. Luciano.
"Au début j'ai tenté de négocier pour que ça ne se termine pas dans un bain de sang. Mais quand j'ai vu comment ça tournait mal, je me suis tiré. Au passage, je me suis pris un pruneau et je suis retourné voir le dottore".
"T'as eu une sacré chance d'en ressortir vivant Cody !" s'énerva Lucky. "J'espère que ça t'as mis du plomb dans la tête, et pas que dans l'épaule. Et si il t'étais arrivé quelque chose ? Comment j'aurai réagi à ton avis ?".
"Et bien te connaissant..." répondit tout bas Asthen.
"Et c'est pas peu dire ! La dernière chose dont j'ai besoin, c'est d'une guerre à New-York." dit Luciano en haussant le ton. "Capone m'a appelé ce matin. Il est de mauvais poil. On lui fait de la concurrence dans l'ouest et il n'aime pas ça. Il veut qu'on unisse nos forces dans une espèce de syndicat. Il faut du calme pour y réfléchir ! Et toi tu es chargé avec Francky de me garantir cette tranquillité, pas de me la foutre en l'air !"
"Ok, Boss. Calme et tranquillité."
"Bon si tu as compris, finis de manger. T'as besoin de reprendre des forces." Lucky se leva et se regarda dans la glace en refaisant son nœud de cravate. Il se dit à lui-même : "Mama mia, suis-je donc le seul dans cette famille à réfléchir ?"
Alors que M. Luciano allait partir, il fit volte-face. Au fait Cody : "Je vais avoir encore besoin de toi à Boston pour quelques semaines. Maintenant que Persiano est au tapis en Nouvelle-Angleterre, ils sont plutôt à sec. La demande s'est effondrée à cause de la fermeture de tous les rades que semblaient contrôler Persiano. Mais il semblerait qu'il y a une volonté de remonter quelques lieux de plaisir de manière discrète. Mais ils leur manquent la marchandise et nous dirons que des amis communs les envoient vers moi pour l'approvisionnement."
Cody Asthen, parut un peu contrarié mais ne laissa rien paraître. A peine de retour chez lui, il allait devoir retourner dans cette maudite ville qui ne lui disait rien de bon. Mais si Lucky s'était montré magnanime pour cette fois, il avait la colère froide et savait se souvenir des affronts. Cody s'essuya avec sa serviette et se leva : "Comme tu veux Lucky, c'est toi le patron! Je contacte qui là bas."
M. Luciano arbora un grand sourire : "J'aime que tu t'en souviennes mon cher Cody. A Boston, tu iras trouver ce cher M. Boarhausen. C'est lui qui fait l'intermédiaire avec la société qui veut ouvrir ces nouveaux bars à limonade. Soit discret cette fois! Je n'ai pas envie d'apprendre dans la presse que la moitié de la ville de Boston a été rasée. Ciao bello!"