Re: [CR][Into The Odd] Les 5 supplices revisités
Publié : mer. sept. 25, 2019 5:46 pm
Dispensaire de Bayuquan
Début de soirée
L’interrogatoire du major est sans fin. Richard et Thomas s’inquiètent. Thomas fait mine de se lever mais leur gardien le menace immédiatement de son fusil et baragouine un charabia qui n’a rien d’amical. Thomas se rassoit et, alors que son surveillant reprend sa position statique, les deux amis sont divertis par l’apparition d’un homme derrière la porte vitrée de leur cellule de fortune. « Non de Dieu ! » peste le lord. « Il ne se peut…la chute ne pouvait être que mortelle ? » renchérit Thomas. Dans un uniforme blanc immaculé d’un officier de haut rang de la marine impériale nippondienne, Tsatoba en personne vient de stopper devant la vitre. Il se retourne sur lui-même mais, par chance, semble accaparé par tout autre chose et ne leur prête nulle attention. Le voilà qu’il hèle quelqu’un. Un nippondien râblé aux cheveux dépenaillés, portant des lunettes et une blouse blanche non boutonnée, se présente à ses côtés. Les deux hommes discutent - mais impossible d’en discerner la teneur pour les deux aventuriers assis où ils sont – puis se quittent sur un geste d’acquiescement réciproque de la tête.
Le capitaine Tobo écrase le plat de sa main sur l’ordre de mission du major Fergusson posé sur la table d’interrogatoire. « Que signifie ça ? Pourquoi vous ici ? » crie l’officier en se levant de sa chaise pour dominer de toute sa hauteur le major assis face à lui. « Pourquoi vous ici ? » répète-t-il en décortiquant chacune de ses syllabes. Ian boue intérieurement. Il collectionne les idioties et celle-ci est de taille. Il n’avait tout bêtement pas pris le soin de détruire cette ordre comme le lui avait conseillé le Haut-Général Roberts. Et comble de tout, il l’avait conservé sur lui. La violente frappe du poing de l’officier sur la table le sort de ses pensées. « Répondez ! » hurle le nippondien ,son visage à quelques centimètres du sien.
Ian n’est pas revenu. Le jeune officier du port, toujours le même, marche devant eux. Accompagné de deux de ses hommes, il les mène à travers les longs couloirs du dispensaire pour déboucher sur sa vaste cour intérieure. Là, d’innombrable gens s’entasse. Les civils de Bayuquan sont retenus dans cette cour. Dans l’urgence, les familles ont emporté le minimum vital et leurs maigres richesses. Valises et sacs s’entassent de part et d’autres à côté d'eux. On traîne aussi ses enfants par la main ou l’on porte les plus petits dans les bras. Pleurs et lamentations résonnent partout couvertes par les invectives des soldats qui trient et examinent chacun des déportés. Manifestement, ils recherchent quelqu’un ou quelque chose. L’officier se tourne vers les deux occidentaux « La ville est la loi martiale. Tous ceux qui tentent de s’évader seront fusillés. Allez ! ». Puis, les deux hommes sont poussés brutalement dans la cour. A peine ont-ils fait un pas à l’extérieur qu’un jeune mandchoudien, les yeux fous et courant vers eux en criant, est projeté à terre par deux soldats qui l’interceptent. Après l’avoir roué de coups, les deux bourreaux s’éloignent, laissant leur victime tenter de se relever. Aucun villageois n’intervient pour l’aider. Richard se précipite alors pour lui prêter secours. Alors qu’il relève le jeune homme meurtri, des coups de klaxon retentissent dans son dos ; trois camions mécanisés de l’armée traversent la foule depuis l’entrée du camp. Des soldats bousculent tous les malheureux qui entravent leur cheminement. Le temps de s’écarter, Richard perd de vue le jeune homme qui profite de l’aubaine pour disparaître dans la foule.
Le convoi mécanisé stoppe non loin d’une large double porte du dispensaire. Des hommes curieusement accoutrés descendent des plateformes des véhicules. Vêtus de combinaisons mêlant cuir et matière synthétique, ils ont rabattu une grande cagoule sombre sur leur tête et enfermés leurs yeux derrière d’épaisses lunettes retenues pas un élastique. Malgré la lourdeur de leur équipement qui leur impose une démarche saccadée, ils s’empressent de décharger des fûts métalliques qu’ils entreposent à l’intérieur du bâtiment.
« Il ne faut pas rester ici. Suivez-moi. Vite ! ». Un nippondien habillé de fripes aussi vieilles que misérables s’éloigne d’eux en claudiquant vers un attroupement d’aveugles à l’écart des autres civils. Interloqués mais intrigués, Thomas et Richard prennent sa suite. Parvenu près du groupe d’aveugles, ceux-ci les encerclent aussitôt pour les noyer dans leur masse. « Je me nomme Saitô Matsumoto. Oui je suis nippondien mais je suis recherché par mes compatriotes pour trahison. Je fais partie de la société des Gardiens du Dernier Sacrilège et vous attendait à Bayuquan. Nous savons que vous recherchez un tombeau. Je devais vous y guider dès votre arrivée mais j’ai été pris par la raffle perpétrée par les envahisseurs. ». Thomas le coupe « Mais enfin comment savez-vous notre venue ici ? ». « Plus tard les questions, plus tard. Enfilez ça ! » et il leur tend des guenilles pour s’en vêtir. « Les soldats regroupent les pestiférés et les déficients pour les expatrier sur l’île de Zaoshou. C’est le seul moyen de s’échapper d’ici. ». Richard dodine du chef « Impossible, nous ne pouvons abandonner notre ami. Il est retenu dans le bâtiment. ». D’un air attristé, Saitô répond « Alors, nous ne pouvons plus rien pour lui… ».
à suivre...