S2E01.1 "Meurtre Sanglant à Notre Dame des Champs"
On est le 3 Juillet. Il est 01h17 du matin. La fatigue qu'ils pouvaient ressentir d'avoir été réveillés en pleine nuit s'est estompée d'un seul coup. La vue du cadavre d'Ernest Beaucent a fait l'effet d'une gifle.
- On peut s'approcher ? demande Jipé.
- Encore quelques minutes. Les équipes légistes ont quelques dernières mesures à effectuer répond le capitaine Vairon.
- L'entrée s'est faite par effraction ?
- Oui. Force brute, sans doute un coup d'épaule.
Ils examinent la porte.
- "C'est pas de la porte en carton, quand même", s'exclame Philippe.
- En effet. Ca nous donne un profil de l'assaillant.
- Les voisins ont entendu l'effraction demande Damien.
- Certains, oui. Mais on devra recouper les enquêtes de voisinage demain pour obtenir quelque chose de plus précis.
- On peut compter sur votre soutien sur ce dossier ? demande Jipé.
- Ce sera plutôt l'inverse, je pense. Vu la nature du crime et vos ressources, je vais rester en première ligne sur ce dossier avec votre soutien. Pour le moment, on traite ça comme un homicide isolé, donc réunions d'avancement tous les deux jours cette semaine, à espacer à une fois par semaine à partir de la semaine prochaine. Qui sera l'interlocuteur privilégié à la DSPJ ?
- Sans doute moi, répond Jipé en regardant ses collègues qui acquiescent.
A ce moment là, le responsable de l'équipe de légistes, Dimitri Lemaitre, s'approche en enlevant ses gants.
- On boucle de notre côté. On évacue le corps. L'autopsie sera classée prioritaire, vous aurez un premier rapport sans doute après demain.
Il regarde sa montre.
- Pardon, demain, vu l'heure.
- Le 4 Juillet donc, demande Philippe, toujours aussi procédurier.
- Voilà.
- Quelle heure ?
- Je ne peux pas encore m'engager. Mais on va faire ça au plus vite. Je vais vous demander de mettre gants et chaussons si vous voulez faire une première inspection des lieux. On a pas pu tout sécuriser pour le moment.
- Bien sûr, répond Jipé. Dites-moi, la trace d'animal dans la flaque de sang, une idée de ce que c'est ?
- Il faudra confirmer ça de manière plus formelle, mais ça présente les marques superficielles qui identifieraient une patte de loup.
- C'est pas un peu gros ?
- Si. Si la trace de la patte est proportionnelle à la taille de l'animal au garrot, on aurait affaire à un loup de la taille d'un poney...
- C'est une des raisons qui a fait qu'on vous a appelés, ajoute le Capitaine Vairon.
Les trois officiers du 13 enfilent donc leurs protections, Philippe superposant d'ailleurs deux paires de gants pour ne pas risquer la moindre contamination. Il va inspecter la chambre et le bureau de la victime pendant que Damien se concentre sur la scène du crime et la bibliothèque qui s'y trouve. Jean-Pierre, lui, examine l'entrée et le couloir reliant les différentes pièces où se trouve un guéridon sur lequel des papiers ont été posés près d'un vieux téléphone à cadrans en bakélite.
Damien scrute l'imposante bibliothèque de Beaucent. Il remarque immédiatement deux choses : d'une part, elle est parfaitement organisée, même si c'est selon une clé qui ne lui apparait pas immédiatement. Seule une section semble moins bien rangée.
Cette section se distingue également par son thème : l'ensemble de la bibliothèque semble consacrée à la littérature du XXè siècle. Il y a là les oeuvres ainsi que de nombreux ouvrages d'analyse. Mais la section distincte ne comporte qu'une quinzaine de livres, tous anciens ou reproductions d'anciens. Et la plupart de ces ouvrages sont des éditions différentes du Roman de Renart. Plusieurs ouvrages sont constellés de post-its sur lesquels sont inscrits des commentaires souvent cryptiques.
Jipé commence lui par inspecter la pile de courrier posée sur le guéridon, non loin du téléphone. Il y trouve plusieurs dépliants de sociétés de sécurité ainsi qu'une proposition commerciale d'une de ses sociétés pour un blindage de porte et la mise en place d'un système de surveillance de l'appartement d'Ernest Beaucent.
Philippe fouille la chambre tout d'abord. Il ne trouve pas grand chose qui lui semble pertinent. Il y a là une petite étagère avec ce qui ressemble à des polycopiés de cours d'université. L'intitulé qui revient le plus souvent est "littérature comparée du XXè siècle". Beaucent enseigne visiblement cette spécialité à la Sorbonne dans le Ve arrondissement. Dans le bureau, il constate qu'il n'y a pas d'ordinateur, uniquement des liasses de papier recouvertes d'une fine écriture assez élégante. En déplaçant prudemment les piles pour les examiner, il tombe sur un feuillet imprimé mais annoté à la main. Un nom attire son attention.
- Eh, les gars, Ysengrin c'est pas un nom de loup, ça ?
- Si, répond Damien. C'est le loup dans le Roman de Renart.
- J'ai peut-être trouvé quelque chose d'important...
- Y a des chances, vu le contenu de la bibliothèque.
Il vient leur montrer le texte qu'il a trouvé. Tous les trois le lisent avec attention et examinent les annotations.
- On discutera de tout ça plus tard, dit Jipé. En attendant, finissons d'inspecter les lieux.
Jipé retourne vers le guéridon de l'entrée et cherche un carnet d'adresses. Il finit par trouver un petit calepin papier avec des noms et des numéros de téléphone. Il cherche les noms trouvés dans le conte découvert par Philippe, et identifie un Jules-Etienne Brichemer, et une adresse dans le XVIè arrondissement.
Philippe quant à lui termine l'inspection du bureau. Il remarque une corbeille à papier, qu'il vide de son contenu. Parmi des papiers sans importance, il trouve un billet de train, un Aller et Retour pour Rouen sur la journée du 27 Juin. Il le photographie et le met de côté.
Après une brève discussion avec Laurène Vairon, les enquêteurs du 13 quittent les lieux, non sans avoir convenu de se voir le 6 pour faire un point sur l'affaire dans les locaux du commissariat de Notre Dame des Champs.
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