Inspi historique

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Dox
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Re: Inspi historique

Message par Dox »

Une inspi sur les super flics de l'histoire de France dans Historia spécial N°35 :

http://www.historia.fr/parution/sp%C3%A9cial-35

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Le JDR : le poids des mots, le choc des dés ! :bierre:
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Lotin
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Re: Inspi historique

Message par Lotin »

J’étais parti pour faire une réponse, très en retard, à un court échange ayant eu lieu sur le fil des séries télés sur le milieu détectoriste (les gens qui utilisent des poêles à frire pour trouver du mobilier métallique, souvent archéologique, en terre) mais en fait non. Cela n’intéresse personne, le boulot de débunkage est visiblement encore énorme à mener et je préfère rester sur l’idée admise par certains que les archéologues sont la cause de vos pertes de cheveux, de l’impuissance de quelques-uns, de vos déboires financiers, de la faim dans le monde et probablement de toutes les plaies affectant notre genre humain, car nous sommes une caste ! Oui, tremblez !

Au final, non, j’ai décidé de rester zen pour la fin de mes vacances. Du coup, je vous propose une petite inspiration qui mêle beaucoup de choses !!

La reconnaissance de la haute antiquité de l’Homme est assez récente. Elle est liée à l’émergence ou au perfectionnement de certaines sciences de la terre. Ainsi, c’est durant la seconde moitié du 19e que l’idée d’un homme très ancien fera son apparition, en contradiction avec ce qui était couramment admis jusque-là : à savoir une chronologie biblique. Par exemple, celle mise au point par l’archevêque irlandais Usher (durant le 17e) qui, en remontant la généalogie des rois et autres personnages évoqués par la bible ou par les évènements importants notamment, a établi que la terre fut créée par Dieu en -4004. Oui c’est précis, très précis. Et non, ce n’est pas la seule chronologie du genre, d’autres s’y sont essayés mais celle-là a marqué les esprits, la bible du roi Jacques a même été amendée pour y intégrer cette chronologie, devenant ainsi un acquis par l’Eglise. Quelques tentatives plus scientifiques mais non moins méthodiques de datation de la création de la terre ont eu lieu comme celle de Buffon par exemple qui a chauffé des boules métalliques de tailles différentes pour calculer le temps de refroidissement et extrapoler celui de la terre (avec cette méthode empirique, l’âge de la terre passe à environ 75000 ans).

En France, dans le nord, à Abbeville (Somme), un aristocrate local, Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes (le nom claque), travaillant comme Directeur des douanes multiplie les cordes de son arc : auteur de comédies, de drames, de contes, d’ouvrages de voyage, philosophie, sociologie, économie, humaniste, satiriste, pour l’émancipation des femmes et l’éducation des masses, etc. Vers 1830, il se passionne pour la géologie et surtout pour les haches dîtes celtiques (rien à voir, en fait des haches polies néolithiques) qu’il trouve en abondance dans les terrasses de la Somme ou qu’il achète de par ses pérégrinations dans la région. En trifouillant dans les gravières et les terrasses du coin d’Abbeville (souvent des carrières exploitées), il trouve ces objets en pierre associés à des restes d’animaux depuis longtemps disparus. Il est persuadé que ces objets sont de la main de l’homme et que leur association avec ces animaux disparus (mammouths, rhinocéros, rennes, etc.) prouve que l’homme les a côtoyés, qu’il leur est contemporain et donc lui aussi très ancien. Sans mauvais jeu de mots, en somme un homme antédiluvien selon la nomenclature de l’époque. Convaincu et obstiné, il monte plusieurs opérations de « fouille » mais il faut avoir en tête qu’à l’époque, l’archéologie en tant que discipline n’existe pour ainsi dire pas. Ce sont donc des ouvriers qui creusent et passent au crible grossièrement les sédiments afin de mettre au jour les artefacts recherchés. Ils sont payés à la journée mais aussi à la pièce, quand ils trouvent un bel objet ils touchent une prime. Après avoir recueilli un certain nombre d’artefacts, il les présenta en 1846 à l’Académie des Sciences de Paris. C’est un échec total, sa théorie est rejetée, il est raillé par la communauté et est presque pris pour un fou (un facteur important entrera en jeu pour expliquer le scepticisme des scientifiques français, mais j’y reviendrai plus tard). Mais ça, c’est la France, car en effet, sa publication présentant ses découvertes trouve un meilleur écho par-delà la Manche. Plusieurs personnalités éminentes de la société scientifique anglaise font le déplacement pour juger sur pièce. En gros, tous les pères de la discipline : Lyell, Evans, Falconer, Prestwich, etc. Après visite de sites, fouilles, examen des mobiliers, ils se rallient à la théorie du français. Pour eux, il existe bien un homme antédiluvien. Il reste à convaincre les autres et à étayer la piste qui n’est pas complète. Ce que cherche Jacques Boucher de Perthes est une manière définitive d’associer cette faune ancienne à l’homme antédiluvien et quoi de mieux que des ossements humains pour cela ?

L’opposition, qui reflète bien d’autres choses, se confirme pendant des années entre des scientifiques anglais acceptant l’ancienneté de l’homme et une opposition farouche des scientifiques français (opposition incarnée notamment par Jean Louis Armand de Quatrefages de Bréau). Il propose une prime de 200 frcs (soit 100 jours de travail) à celui qui trouvera des os humains incontestablement associés à des os d’animaux disparus depuis des millénaires. C’est en 1863 (cela fait 4 ans qu’a été publié l’œuvre de référence d’un certain Darwin) que des ouvriers travaillant à la fouille d’un gisement de Moulin-Quignon alertent Boucher de Perthes qu’ils ont mis au jour des ossements et des outils indubitables, parmi ces outils se trouvent une mâchoire humaine (un demi-maxillaire inférieur avec une dent) ! Un médecin du coin y verra même une mâchoire différente de celle d’un homme moderne (concept ultérieur). La nouvelle fait sensation et beaucoup sont ceux qui feront le voyage pour voir ça de leurs propres yeux. Des anglais bien sûr, mais aussi des français dont les éminents représentants de l’Académie des Sciences. Les français furent très impressionnés par la découverte et mis à part quelques rares esprits chagrins, ils se rallièrent à la théorie de l’amateur éclairé aristocrate (même de Quatrefages et de Beaumont, les premiers opposants). Pour eux, preuve est faite de la très haute antiquité de l’Homme. Mais ces chiens d’anglais (oui j’ose) émirent tout de suite de nombreux doutes quant à l’authenticité de la découverte. En réaction et par patriotisme/nationalisme, les français campèrent sur leur position et les tensions furent violentes. Cet épisode est connu sous le nom de procès de la mâchoire de Moulin-Quignon. Les positions précédentes étaient inversées maintenant, les britanniques, les premiers à croire à la haute antiquité de l’homme, refusaient d’admettre la validité de la preuve de la mâchoire alors que les français après avoir raillés Boucher de Perthes se rallièrent à sa théorie. C’était officiel, l’homme ancien existait enfin et il y avait une preuve. Falconer, anglais, ramena l’une des dents pour l’étudier et il montra scientifiquement que celle-ci ne pouvait être ancienne. La mâchoire fut inspectée, et l’on découvrit qu’elle avait été bricolée, sciée, collée, preuve était faite qu’il s’agissait d’un faux, cela n’empêcha pas les français de surréagir en considérant malgré tout la mâchoire comme authentique.

Mais que s’était-il passé ? Boucher de Perthes avait-il trompé son monde ? Etait-il un escroc ? Point de tout ceci, comme je vous l’ai raconté plus haut, dans ce genre de travaux archéologiques, les ouvriers étaient payés à la journée (2 frcs) et à la pièce (de quelques centimes à plusieurs francs selon la pièce). Il s’est ainsi constitué toute une économie de faux objets produits par des ouvriers analphabètes mais néanmoins très astucieux (les deux n’étant pas liés, nous sommes bien d’accord) et la mâchoire en était un parfait exemple. La prime de 200 francs accordée au découvreur d’un tel vestige a attisé la convoitise d’un faussaire. Mais pourquoi les britanniques ont senti le coup venir ? Ils avaient eu affaire au célèbre Flint Jack, un marginal alcoolique qui avait prouvé devant une assemblée de géologues éminents qu’il pouvait fabriquer des outils tout pareil que les objets préhistoriques, et en quelques minutes à peine. De plus, parmi tous les objets ramenés de la Somme par des touristes anglais beaucoup se sont avérés être des faux (plus de la moitié des objets présentés dans la publication de Boucher de Perthes étaient des faux). Cela ne remettait pas en cause leur acceptation d’une certaine ancienneté de l’homme mais ils avaient visiblement l’œil plus critique sur les assemblages d’objets préhistoriques mis au jour.

Ainsi en France, c’est sur un faux (et par vexation nationaliste) que la théorie de la haute antiquité de l’Homme fut admise.

Quelques années après, en 1879 en Espagne du côté de Santander, des œuvres rupestres furent mises au jour dans la grotte d’Altamira (absolument splendides, des véritables œuvres d’art, je vous laisse googler ça). Par comparaison avec des dessins gravés sur des objets préhistorique vus lors de l’exposition universelle de Paris en 1878, le découvreur Marcelino Sanz de Sautuola en fit des œuvres préhistoriques. Autant l’ancienneté de l’homme était récemment acquise, autant lui conférer des capacités cognitives importantes et la capacité de produire des œuvres d'art était encore un mur infranchissable. Ses découvertes furent publiquement ridiculisées (au congrès préhistorique de Lisbonne en 1880), notamment par les français (Gabriel de Mortillet, autre grand nom de la préhistoire française tout comme Emile Carthaillac (dont le nom devrait parler aux toulousains d’entre vous)). Altamira était donc un faux, peintures trop fraiches, trop belles, pas assez de calcification des parois pour être ancien, les mentalités pas prêtes, etc… Pas de chance, les scientifiques avaient un vrai sous les yeux et ne l’ont pas accepté, ils l’ont rejeté. Ce n’est que bien plus tard (à partir de 1902 notamment) que d’autres découvertes d’arts préhistoriques se firent et permirent d’intégrer cela à la conception de la préhistoire. Quant à de Sautuola, il ne connut pas sa réhabilitation, il décéda en 1888. Les méthodes de datation modernes permirent de dater les œuvres d’Altamira du Magdalénien (-15000/-13000). Carthaillac, fervent opposant à la reconnaissance de l’ancienneté de ses peintures publia en 1902, un article intitulé Mea Culpa d’un sceptique pour expliquer pourquoi il avait réfuté les preuves que l’espagnol présentait au monde, article qui permit de reconnaître la grotte pour ce qu’elle était, une chapelle sixtine préhistorique.

Vous avez fait l’effort d’arriver jusque-là, et je vous en suis gré mais je vois votre mine dubitative. En quoi cela pourrait me servir ? En quoi est-ce une inspiration pour mon jeu favori ? J’ai sur le papier, sous forme prototypale, une ébauche de scénario Cthulhu se basant sur l’affaire Moulin-Quignon. Et si, la mâchoire était vraie en fait ? Et si cette commission scientifique anglais/français s’était réunie pour tout autre chose et que face aux découvertes horribles et indicibles levées par la mise au jour de la mâchoire avaient essayé de camoufler ça aux yeux de la populace en faisant un faux ? Et si cette mâchoire n’était autre que celle d’une créature antérieure à l’homme, ayant foulé la surface de la terre. Une preuve que dans l’ombre se cache des choses inconnus. Un scénario inspiré du Drame de la fosse 5 de Tristan Lhomme (Sous un ciel de sang) avec deux équipes de joueurs qui ne se croisent pas dans l’espace mais plutôt dans le temps (une équipe qui réexamine la mâchoire de Moulin-Quignon de nos jours ou dans les années20/30 ou 50 pendant l’histoire du faux de Piltdown que je vous raconterai un autre jour si vous êtes sages) alternant avec l’équipe d’époque qui l’a découverte et des révélations sombres liées). Mais ce n'est qu'un prototype à peine ébauché pour le moment.

Galerie :
Spoiler:
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Jacques Boucher de Perthes

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La mâchoire !

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Merveille des merveilles, les fameux Toros ! Toros ! d'Altamira.
Dernière modification par Lotin le sam. mai 13, 2017 11:19 am, modifié 1 fois.
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Robberto
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Re: Inspi historique

Message par Robberto »

on joue ça quand? :D
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Re: Inspi historique

Message par XO de Vorcen »

Merci beaucoup Lotin. Encore une fois tu me transportes littéralement ailleurs, à la fois dans le temps et l'espace. J'apprécie ses petits voyages impromptus, ne jamais trop connaître la prochaine destination, être toujours dépaysé.

Je vais me permettre une petite suggestion sur la forme : ne réduit pas tes textes - ce qui serait frustrant - mais aère les par des lignes blanches pour faciliter la lecture sur écran.
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scorpinou
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Re: Inspi historique

Message par scorpinou »

Merci, c'est du grain à moudre pour compléter les mathématiciens russes évoqués quelques pages avant ;)
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Re: Inspi historique

Message par Ravortel »

Robberto a écrit : ven. mai 12, 2017 1:53 pmon joue ça quand? :D
Le plus fun serait de commencer par le scénario Würm se passant pendant la préhistoire avant de passer au Chtulu...
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Paiji
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Re: Inspi historique

Message par Paiji »

Lotin a écrit : ven. mai 12, 2017 1:24 pm mais il faut avoir en tête qu’à l’époque, l’archéologie en tant que discipline n’existe pour ainsi dire pas. Ce sont donc des ouvriers qui creusent et passent au crible grossièrement les sédiments afin de mettre au jour les artefacts recherchés. Ils sont payés à la journée mais aussi à la pièce, quand ils trouvent un bel objet ils touchent une prime.
J'ai suivi 2 UV (Pré et proto-histoire et Techniques de fouille) au début de mes études, notre prof (Cyr Descamps, tu le connais peut-être) nous emmenais visiter des sites fouillés au XIX° et effectivement, dans les talus formés par la terre sortie des grottes, avec un simple opinel, on trouvait tout un tas de choses négligées par les archéologues de l'époque.
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Orlov
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Re: Inspi historique

Message par Orlov »

Merci Lotin. C'est riche, documenté, bien expliqué et inspirant, comme toujours !
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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Lotin
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Re: Inspi historique

Message par Lotin »

Lotin a écrit : ven. mai 12, 2017 1:24 pm ... l’histoire du faux de Piltdown que je vous raconterai un autre jour si vous êtes sages...
Pour vous rappeler à quel point la caste des archéologues dominent le monde et comme vous ne me regardez plus comme avant, je m’en vais vous narrer cette histoire très importante dans l’histoire de la Préhistoire et plus généralement celle des sciences humaines.

En ce tout jeune 20e siècle, la haute antiquité de l’homme est maintenant acquise pour beaucoup et ce depuis plus ou moins 40 ans en France, et plus pour les Britiches (cf épisode précédent). En 1912, à la Société de Géologie de Londres est présentée par un certain Charles Dawson à une foule stupéfaite les deux parties du crâne d’un homme très ancien (mandibule inférieure et crâne), l’Eoanthropus (Homme de l’Aurore), l’homme de Piltdown. Mais qu’avait d’extraordinaire ce crâne pour tant marquer les esprits ? La partie supérieure du crâne était visiblement celle d’un homme anatomiquement moderne alors que la mandibule inférieure présentait toutes les caractéristiques de celle d’un grand singe. Les scientifiques avaient sous les yeux rien de moins que le chaînon manquant de l’évolution humaine. Cette découverte eu un écho mondial de par son importance mais remontons les évènements pour comprendre un peu de quoi il en retourne.

Charles Dawson est un avocat de formation. Ses passions sont la géologie et l’archéologie qu''il pratique en amateur, il est d’ailleurs membre de la Geological Society de Londres. Il est le régisseur d’une propriété rurale dans le Sussex. Il remarqua lors d’une de ses promenades du côté de Piltdown qu’une route a été refaite avec des graviers rougeâtres qu’il reconnait comme fossilifères, vers 1899. Il demanda alors aux ouvriers d’être vigilants et de lui rapporter toute découverte d’outils en pierre ou de fossiles. Quelques années plus tard, 1908, on lui rapporte la mise au jour de fragments osseux bruns et plats ressemblant à des morceaux de noix de coco (mwahahaha, je vous raconterai un jour, ou pas, la blague des noix de coco en archéo, je l’ai faite à un paquet d’étudiants). Dawson les inspecte et les identifie comme des morceaux de crâne. Puis dans les années qui suivirent, d’autres fragments osseux firent leur apparition associés à des restes de faune disparue (notamment une dent d’hippopotame). Dawson appelle un ami à lui, Woodward, conservateur au British Museum, pour passer voir le site et confirmer son importance. Les deux compères décident de l’exploiter (notez bien que je n’ai pas dit « fouiller »). Après avoir retrouvé plusieurs morceaux de calotte crânienne et surtout une mandibule inférieure d’aspect fruste et très ancien, ils en font une reconstitution, le nomment (Eoanthropus dawsoni) et le présentent au monde.
Cette découverte impressionne considérablement et le public et les scientifiques. Des géologues passent pour attester de l’ancienneté des couches géologiques et donc des ossements et outils qui s’y trouvaient. L’impact est très important en Angleterre pour plusieurs raisons et notamment car le sol britiche n’avait pas encore fourni son ancêtre antédiluvien alors que c’était le cas de la France, de la Belgique, de l’Allemagne et même, comble de malchance, l’Afrique du Sud (un orgueil nationaliste comme en ont produit les français avec Moulin-Quignon). Il confortait de plus les thèses raciales notamment à cause de son volume cérébral important. Quelques voix s’élèvent cependant pour mettre en doute la découverte, un français, l’Abbé Breuil et surtout des américains mais ils ne seront pas entendus, étant très minoritaires. De plus, pour assoir encore plus la découverte, d’autres vestiges de cet Eoanthropus seront mis au jour (par un autre français entre autres, Teillhard de Chardin). Dawson découvrira un autre crâne sur un site qu’il tiendra secret jusqu’à sa mort en 1916. L’homme de Piltdown entre dans les livres d’histoire et dans la toute jeune science préhistorique. Il est le chaînon manquant marquant l’évolution de l’homme depuis les singes et il datait d’environ un demi-million d’années (les méthodes scientifiques de datation n’étaient pas encore inventées, je vous en parlerai peut-être aussi dans une prochaine inspiration historique). De plus, il permettait de reléguer les autres formes d’homme ancien découvertes à ce jour au rang de formes simiesques (les pithécanthropes et les néandertaliens par exemple), parfois dégénérées et permettait de les exclure de la noble lignée humaine. Son gros crâne (1070 cm3 environ) était plus compatible avec l’idée qu’il s’agissait de notre ancêtre que ceux que présentaient ces hommes dégénérés découverts ailleurs.

Pendant des années, les vestiges de l’homme de Piltdown furent précieusement conservés enfermés dans un coffre, à l’abri des regards et des examens poussés. K. Oakley pu étudier les restes en 1949 et tester sa méthode de datation au fluor, les résultats montrèrent que ni le crâne ni la mandibule inférieure n’étaient aussi anciens que la date admise. Le réexamen de l’environnement géologique de Piltdown a aussi montré qu’il n’existait pas de couches géologiques correspondantes à l’âge supposé des vestiges humains. L’examen d’une des dents en 1952 montra qu’il s’agissait probablement de celle d’un grand singe. Puis tout s’enchaîna. On montra que le crâne avait été teinté pour le vieillir, que les dents avaient été limées pour imiter l’usure puis teintées. Des anatomistes prouvèrent que la mâchoire était celle d’un Orang-Outan et qu’elle avait été trafiquée pour s’insérer dans un crâne humain (toutes les jonctions avaient été limées par exemple). Crâne qui fut dater par radiocarbone en 1959 et qui s’avéra avoir moins de 500 ans. Les assemblages osseux de faune sont par contre bien anciens mais proviennent de toute l’Europe et d’ailleurs (Chypre, Afrique du Nord par exemple). La fraude était donc avérée. Au début du réexamen des vestiges, la tempête fut telle que le gouvernement britannique envisagea de voter une motion de censure vis-à-vis du British Museum. Des piques venant de pays idéologiquement opposés se firent jour, dénonçant que le plus vieil anglais était un singe.

Cette fraude est considérée comme l’un des plus gros canulars scientifiques de tous les temps. Pourquoi a-t-elle eu du succès pendant 40 ans (mis à part un certain nationalisme et que la pièce principale était inaccessible pendant des décennies) ? Il faut dire que la découverte s’insérait en plein dans l’idée acquise en Europe de l’existence d’un pré-sapiens européen. Nous touchons là un problème en sciences qui est de croire à quelque chose au préalable, à priori, et faire rentrer des preuves dans un modèle déjà établi. Ce qui est sûr, c’est que le faux de Piltdown est l’œuvre d’un homme de science, le faussaire connaissait toute la méthode d’identification anthropologique de son temps. Heureusement, l’évolution des sciences appliquées à l’archéologie a permis de mettre au jour la supercherie (nouvelles méthodes de datations, anatomie comparée, nouvelles découvertes (notamment dans les années 20), etc.).

Qui a ourdi ce plan machiavélique ? On a vu que pour obtenir ce faux, des techniques quasi scientifiques ont été employées. Plusieurs noms ont été proposés, des amis de Dawson, Teillard de Chardin lui-même. Un célèbre auteur britannique fut soupçonné, Sir Arthur Conan Doyle lui-même car il habitait non loin et était en train de travailler sur la préhistoire pour son œuvre Le Monde Perdu, de plus il fréquentait Dawson. Woodward a toujours été innocenté de par sa probité. Il reste Dawson lui-même, est-il son propre faussaire ?


Galerie :
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Les protagonistes de l'histoire, Dawson est debout, troisième en partant de la gauche et Woodward juste à côté, le 4e.

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Image du crâne.
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Orlov
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Re: Inspi historique

Message par Orlov »

Passionnant et fort bien troussé !
Merci Lotin
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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Re: Inspi historique

Message par Fabien_Lyraud »

La vérité sur les gladiateurs à l'aide de l'archéologie expérimentale :
https://www.youtube.com/watch?v=3_8Qgb4fgaQ

@ Lotin : tu devrais créer ta chaîne Youtube avec ce genre d'histoire.
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Dithral
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Re: Inspi historique

Message par Dithral »

Excellent, comme toujours, Lotin !

Par contre, maintenant il faut nous expliquer cette histoire de noix de coco...
« Les employées d’aujourd’hui manquent de respect et préfèrent s’amuser plutôt que travailler »
Manhattan Spark, l’actualité de ce jour à New York en 1924.
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Paiji
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Re: Inspi historique

Message par Paiji »

Et d'abord, noix de coco d'Asie ou d'Afrique ?
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legnou
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Re: Inspi historique

Message par legnou »

Pour les amateurs de post-apo...

http://nuclearsecrecy.com/nukemap/
Je ne suis pas vieux, je suis vintage et à jamais Sochalien !
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Orlov
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Re: Inspi historique

Message par Orlov »

legnou a écrit : mar. mai 23, 2017 7:00 pm Pour les amateurs de post-apo...

http://nuclearsecrecy.com/nukemap/
Merci le Gnou. J'ai bien rigolé quand j'ai simulé une attaque nord-coréenne sur le 1er arrondissement (enfin, désolé pour ceux qui habitent les arrondissements voisins) nettement moins quand j'ai fait un test avec le missile russe standard ...
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
Verrouillé