Bonjour,
Je me permets de rebondir sur cette conversation. Je n'ai aucune connaissance en philosophie mais j'ai un vague vernis en astronomie qui m'autorise à faire quelques remarques que je crois fondées :
cdang a écrit : ↑ven. mai 28, 2021 10:22 amPour l'astronomie, l'hypothèse que les lois de la physique s'appliquent à l'autre bout de l'univers est largement vérifié, cf. les trous noirs qui confirment le modèle que l'on a développé sur Terre. Pour la gravité spécifiquement, tout montre actuellement que c'est lié à l'univers (tenseur énergie-impulsion) et pas à notre système solaire.
J'y mettrai une nuance : ce n'est pas
vérifié, c'est juste
compatible avec les observations. Rien ne nous permet de dire que nos modèles de trous noirs sont vérifiés, parce que personne n'a approché un trou noir de près ou de loin et qu'aucun modèle, ni aucune théorie physique, n'est actuellement capable de dire ce qui se passe à l'intérieur d'un trou noir. En revanche, la récente photo du trou noir de M87 nous indique que le modèle qu'on a élaboré depuis les années 70 est compatible avec ces observations : on a prévu (Jean-Pierre Luminet notamment) ce qu'on allait observer, et cette prévision s'est avérée exacte. C'est évidemment encourageant mais ça ne veut pas dire que nous avons compris ce qu'était, fondamentalement, un trou noir.
Une entité à l'autre bout de l'univers peut avoir une perception différente et développer un modèle différent, on en revient au point 1. Nous observons d'ici des choses qui se passent à l'autre bout de l'univers et qui sont cohérente avec ce qui se passe localement, et c'est ça qui importe (sauf à supposer que les informations qui viennent de l'autre bout de l'univers sont modifiées en arrivant du côté de chez nous, mais ça ne passe pas le filtre de la réfutabilité). Et donc symétriquement, les êtres à l'autre bout de l'univers peuvent intégrer les informations qui leur parviennent de notre système solaire et vérifier, ou pas, que ça colle à leur propre modèle.
Là aussi, deux remarques connexes :
1. Il y a clairement une question d'échelle qui est à considérer : il y a des phénomènes qui sont observés à l'échelle cosmologique et qui ne le sont pas localement - et quand je dis localement je ne parle pas de notre système solaire mais de notre galaxie. En particulier, la matière noire et l'expansion s'observent à des distances cosmologiques, mais sont inobservables à l'échelle locale. Donc on ne peut que supposer que nous y sommes également soumis, mais ce n'est pas vérifié. Il y a d'ailleurs un débat toujours vif entre cosmologistes pour savoir si notre portion d'univers peut être considérée comme standard, et donc représentative, ou au contraire particulière. A grande échelle, l'univers est homogène, mais il a la structure d'une éponge. Or nous ne savons pas aujourd'hui si nous sommes dans un "creux" ou dans un "plein". Idem pour d'autres choses d'ailleurs : notre système solaire est-il représentatif ou constitue-t-il une exception ? On penche aujourd'hui pour l'exception mais ça pourrait changer. La vie elle-même est-elle représentative, ou est-elle une exception ?
2. La gravitation est la force fondamentale qui domine à notre échelle mais à l'échelle de l'univers, c'est l'expansion qui domine. Tu parles d'êtres à l'autre bout de l'univers, et bien justement : à mesure que le temps passe, l'univers observable rétrécit à mesure qu'il s'agrandit. Concrètement, à chaque seconde, notre bulle d'univers observable, qui est d'environ 45 milliards d'AL de rayon (c'est-à-dire environ 3 fois plus grande que les 13,7 milliards d'AL qu'elle devrait avoir sans l'expansion), s'agrandit de 300 000 km - la vitesse de la lumière, donc. Mais à cette distance, la vitesse d'éloignement des galaxies due à l'expansion est bien supérieure. Chaque seconde, des galaxies, et donc de l'information, passent au-delà de l'horizon des événements créé par l'expansion et deviennent pour toujours inobservables, un peu comme si nous étions à l'intérieur d'un trou noir. A une très grande échelle de temps, l'expansion dominera tellement qu'on ne verra plus rien de l'univers en dehors de notre groupe local de galaxies, qui est la limite à l’intérieur de laquelle la gravitation domine l'expansion. En conclusion, plus le temps passe et moins on peut observer l'universalité des lois physiques, parce que notre univers observable devient de plus en plus réduit.