Game-design sur Memento Ludi : L'Ombre du Donjon

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Wenlock
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Re: Game-design sur Memento Ludi : L'Ombre du Donjon

Message par Wenlock »

La dernière séance jouée par les Martyrs de Mont-Grésil a amené pas mal de progrès, mais aussi des questions sur les scénarios...

Pour résumer, après que j'ai précédemment attiré leur attention sur l'aspect "d'enquête" de L'OdD et proposé explicitement qu'ils emploient leur prochaine scène de Bivouac pour croiser leurs indices et tenter de comprendre le-pourquoi-du-comment, les joueurs ont accepté et on a donc consacré la moitié de la session à reconstituer l'histoire du donjon.
Ça ne fût pas très difficile après qu'ils aient commencé à réfléchir ensemble : en examinant les indices déjà accumulés dans leur Carnet de Route, en posant eux-mêmes les bonnes questions et en faisant quelques jets de réflexion pour leurs perso ("mental", érudition, observation... chaque Succès leur permettant de poser une question spécifique au MJ), ils ont peu à peu dévoilé les origines du donjon, compris la plupart des "bizarreries" qu'ils avaient négligées jusque là et, a posteriori, la plupart des joueurs semblent avoir apprécié l'exercice.
(Je viens de leur expédier un p'tit questionnaire pour tâcher de comprendre comment je pourrais améliorer et mieux inciter cet aspect du jeu, après quoi les "Dogues de Sombreroche" testeront les modif'.)

On a ensuite enchaîné avec la grosse bagarre de fin d'acte 2, et les joueurs y ont fait preuve d'une réflexion tactique qui non seulement les a bien aidé (ils ont vaincu en subissant remarquablement peu de dommages), mais a permis d'exploiter la "souplesse" des mécanismes de Confrontation. Parce que c'était leur choix stratégique, ils ont en effet géré ce combat sous la forme d'une sorte de "tower defense" assez ludique, et affronter les ennemis par vagues successives a probablement sauvé la peau de nos mercenaires.
Au final, ils ont suffisamment rattrapé le coup pour être en bien meilleure position d'attaquer l'acte 3, et leur aventure a donc retrouvé (à peu près) l'équilibre que j'espérais au départ.

Néanmoins, donc, tout ça suscite pas mal de questions sur la conception des scénarios pour ce jeu, la première étant "est-ce que je ne me serais pas gravement compliqué le travail ?" (réponse : "si, comme d'hab'...").


Donjon multi-couches
L'OdD est bien un dungeon-crawl mais, très tôt dans le développement, j'ai voulu lui insuffler d'autres dimensions qui compliquent nettement le principe.

D'abord parce que, en lui collant une attrition assez sévère, j'en ai fait un jeu vraiment difficile : l'échec n'y est pas seulement possible, il est même probable et les joueurs doivent déjà se démener pour l'éviter (1). Ce qui réduit de fait leur "temps de cerveau disponible" pour d'autres aspects, y compris la narration et l'enquête : il faut vraiment que je me méfie de la "perte de signal" que ça engendre, spécialement quand je planque le récit sous une couche d'enquête.
Ensuite, toute la mécanique d'Ombre et de Damnation ajoute déjà des complications morales tant à la narration qu'aux enjeux ludiques et, parce que je voulais multiplier ces derniers, j'ai encore ajouté des éléments "interactifs" aux donjons qui lorgnent du côté du level design en générant diverses énigmes et problèmes à résoudre. Mon jeu n'est donc pas seulement difficile, il est complexe : ce n'est pas mauvais en soi, mais ça réclame d'être très didactique, spécialement dans les premières missions. Et là, clairement, j'ai voulu trop en faire trop tôt : il faut délayer, et adoucir la pente d'apprentissage.
Finalement, je me suis surtout compliqué la tâche en voulant produire des donjons assez cohérents pour qu'ils puissent être compris et renseigner les joueurs sur la nature du monde (2), mais assez narratifs pour raconter des histoires par l'environnement ou le butin (merci Dark Souls). Tout ça en restant sur un plan schématique pour respecter le mécanisme d'orientation suivant les victoires et défaites (si l'Escouade gagne elle progresse droit vers le but, sinon elle fait un détour).

Hé ben c'est pas simple à concevoir, parce que j'ai aussi besoin de rendre tout ce merdier assez "facile d'accès" pour que les joueurs et MJ s'y retrouvent. Il ne me suffit donc même plus d'arriver à nouer correctement toute ma pelote de fils ludo-narratifs, il faut encore que le nœud soit bien serré et les boucles assez larges pour que d'autres puissent s'en saisir et jouer avec sans trop avoir à se préoccuper de la complexité intrinsèque du nœud, ni risquer qu'il se défasse à l'usage.
Honnêtement, il y a encore 6 mois, je pensais qu'il me suffirait de 4-5 pages pour expliquer aux MJ comment créer leurs propres donjons sur ces bases : je n'y crois plus du tout. Je ne suis même pas sûr de réussir à faire tenir ces explications dans le bouquin de la campagne. Je peux toujours faire un pdf à part mais ça me ferait un peu chier parce que c'est quand-même un outil trop essentiel pour être reléguer dans les "annexes"...

Avant cela, je dois surtout rationaliser la conception de donjons en une méthodologie fiable à mon propre usage, déjà. Les ratages de la première mission d'initiation ont révélé que la méthode n'était pas au point : les grands principes s'emboîtent à peu près, mais l'accessibilité aux joueurs réclame encore pas mal d'efforts de didactisme.
Par exemple, avec la première Escouade, j'ai vraiment échoué à leur signaler l'existence d'un mystère, puis à attirer leur attention sur ce qui faisait sens dans le premier acte, pour mieux souligner ce qui était "curieux" dans le deuxième et méritait qu'ils réfléchissent. Je pense avoir trouvé quelques solutions (que je commence à tester avec les Dogues de Sombreroche), mais il faudra quand-même grandement améliorer la présentation de la mécanique d'investigation : l'équipe des Martyrs a vraiment pâti de mal comprendre comment fonctionnait les Indices → Pistes → Directions, à commencer par "quelles infos ont valeur d'Indices".
Même problématique concernant les énigmes et puzzles : il faut que je travaille beaucoup plus à "lisser la pente" des puzzles d'initiation dans l'acte 1 vers les challenges autrement plus exigeant des actes 2 et 3.

Je ne renonce à aucune de mes ambitions, pour l'instant : toutes servent le genre de dungeon-crawl que j'ai envie de produire, et de mener. Mais il faudrait vraiment que j'apprenne à me méfier de mes exigences parce que, si je m'accorde pleinement le droit d'aimer les trucs compliqués, il faut que j'arrête de croire qu'ils ont être simples à construire.

1) Cette difficulté est évidemment allégée dans les missions "d'initiation", où les ennemis sont à la fois relativement faiblards et plutôt bêtes (les joueurs peuvent donc prendre l'avantage avec des tactiques assez simples), le butin généreusement répandu partout et la résolution de problèmes grandement facilitée par le fait que des PNJ-intellos aient laissé des notes derrière eux.
Néanmoins, ça n'a pas empêché les Martyrs débutants d'en prendre plein la gueule avant de comprendre comment tout ça marchait : méfiance, donc.

2) En particulier, le glissement progressif vers des espaces assez "non-euclidiens" (et l'effet cauchemardesque qui l'accompagne) n'est vraiment sensible que s'il se produit à partir d'un espace manifestement logique. J'ai donc vraiment besoin que les joueurs prennent le pli de réfléchir aux donjons dès les premières missions, pour qu'ils puissent se raccrocher à cette réflexion lorsque l'espace va devenir très "métaphorique".
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Re: Game-design sur Memento Ludi : L'Ombre du Donjon

Message par Uiop »

Le site semble toujours down (heureusement que j'ai téléchargé mes carnets ludiques). Est-ce qu'il y a des nouvelles concernant sa remise en marche et surtout, est-ce qu'il y aura un nouveau billet, voire un nouvel enregistrement ?
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Wenlock
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Re: Game-design sur Memento Ludi : L'Ombre du Donjon

Message par Wenlock »

Uiop a écrit : ven. janv. 25, 2019 5:23 pmLe site semble toujours down (heureusement que j'ai téléchargé mes carnets ludiques). Est-ce qu'il y a des nouvelles concernant sa remise en marche et surtout, est-ce qu'il y aura un nouveau billet, voire un nouvel enregistrement ?
Oui, le site est toujours en rade, car sur un serveur toujours crashé. J'espère que le blog finira par remarcher pour y publier des trucs, oui, mais je ne sais pas quand ni ce qui sortira en premier (c'est assez crispant).
 
Dernière modification par Wenlock le sam. janv. 26, 2019 3:02 pm, modifié 1 fois.
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Re: Game-design sur Memento Ludi : L'Ombre du Donjon

Message par Morokanth »

C'est dommage parce que c'est très intéressant à lire ce journal de conception (même si je confesse que je me perds parfois dans les explications).
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Wenlock
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Re: Game-design sur Memento Ludi : L'Ombre du Donjon

Message par Wenlock »

Mon cher blog est toujours en rade (et c'est un crève-cœur) mais, comme il y a apparemment de la demande et que je suis frustré, je peux toujours me rabattre ici pour vous raconter comment se poursuivent les play-tests de L'OdD et les ajustements progressifs de la mécanique. Et si un jour les modos trouvent qu'on a vraiment dérivé trop loin de la rubrique "Actualité & Médias", je pense qu'on pourra toujours déplacer tout ce fil dans le forum technique (?).
Ce préambule expédié, causons de game design...

Équilibrer la machine infernale
Jouer à L'Ombre du Donjon consiste à explorer les ténèbres pour combattre l'horreur : c'est le propos de ce jeu. Et si vous suivez ce fil (et ses articles :cry: ) depuis le début, vous aurez sans doute compris que, pour ludifier son propos, la mécanique s'adonne à un numéro d'équilibriste assez compliqué, puisqu'elle repose sur l'action combinée de deux variables : d'un côté la force de l'Escouade qui baisse graduellement par attrition, de l'autre l'Adversité qui s'élève mécaniquement au fil d'une mission.
Le croisement de ces deux aspects génère la tension à la fois dramatique et ludique, puisque la difficulté du jeu s'élève en même temps que l'intensité de l'histoire. C'est aussi leur combinaison qui produit la dynamique de jeu, et la base du gameplay.

Car, pour que l'expérience soit effectivement "ludique", il faut que les joueurs puissent influencer cette dynamique par leurs choix et leurs actions : la force de l'Escouade et l'Adversité sont donc des variables interactives, c'est à dire que les joueurs peuvent peser sur elles par le jeu. Certes, ça signifie qu'ils peuvent faire basculer tout le bousin s'ils se plantent trop gravement (c'est arrivé à l'équipe des Martyrs de Mont-Griffon durant la première moitié de sa mission), mais ils sont plutôt incités à l'équilibrer.
En fait, le système donne mécaniquement un net avantage à l'Adversité, mais les joueurs peuvent freiner celle-ci et préserver la force de leur Escouade rien qu'en se comportant comme des mercenaires aguerris explorant des donjons. Parce que l'intérêt des joueurs est sciemment aligné avec l'action des personnages*, l'action des protagonistes devient une troisième variable d'équilibrage.

Dès lors, si joueurs et PJ se contentent d'être attentifs au passage du temps (parce que leur éclairage et leurs provisions sont limitées, mais aussi que chaque scénario comprend des éléments d'urgence : le décor s'effondre, il faut secourir des blessés, un affreux rituel se prépare...), qu'ils explorent et progressent vers leur objectif (parce que c'est explicitement "leur mission" et que plusieurs mécanismes les y incitent), s'ils combattent les monstres et raflent tout ce qu'ils trouvent d'utile ou de précieux, ils vont effectivement contrebalancer en grande partie l'attrition de l'Escouade et la montée de l'Adversité.
Et si les joueurs se montraient carrément efficaces (malins, pro-actifs, stratèges, coordonnés, courageux...), ils pourraient même parvenir à réduire l'écart, au point d'atteindre le dénouement du scénario en meilleure position qu'ils n'étaient vers le milieu de la mission. S'ils y arrivent, la confrontation finale n'en sera que plus tactique mais, plus ils ratent, plus elle sera horrifique : c'est exactement le propos du jeu.

Le point d'équilibre du système est donc ce fameux écart entre la force de l'Escouade exprimée en dés Blancs et l'Adversité matérialisée par les dés Rouges : cette distance est réglée à l'avantage des PJ en début de mission, puis glisse peu à peu en faveur du donjon. Mais cette marge, soit la largeur de route où le scénario, l'action et la tension peuvent sinuer sans se casser la gueule, s'avère assez étroite. De mon expérience, à n'importe quel moment du jeu, l'écart effectivement pertinent ne représente jamais plus de 5 ou 6 dés au total, et il doit progressivement se réduire puis s'inverser en cours de mission.
Ce qui veut dire que, même en comptant large, 3 ou 4 dès de trop dans un sens ou dans l'autre suffisent souvent à sortir de la route : saper la tension ludique et dramatique, que ce soit en écrasant les PJ ou en dégonflant l'Adversité. Répartie sur 4 PJ, cette marge d'erreur représente presque un seul dé par tête de pipe : si la MJ pourrait nuire à son scénar et au propos du jeu rien qu'en se plantant d'un ou deux dés Rouges ou Blancs, c'est vraiment peu.

Heureusement, cette double tension ne représente pas la totalité de l'expérience rôliste : un effort de narration peut suffire à camoufler un ratage et les joueurs ont déjà les moyens de se divertir même lorsque la dynamique de jeu cafouille. La mécanique peut donc tousser ou s'emballer durant une scène ou deux sans vraiment gâcher la partie.
Mais l'engin ne remplit effectivement son rôle ludo-dramatique que tant qu'il conserve son équilibre et, quitte à m'emmerder à concevoir une mécanique de jeu, je trouve important qu'elle serve vraiment : qu'elle motorise une expérience ludique assez particulière, qu'elle guide les MJ, mette les protagonistes comme leurs joueurs à l'épreuve et, surtout, qu'elle fournisse des choix intéressants qui servent le propos du jeu.
Ce qui réclame d'équilibrer toute la machine assez finement... mais c'est compliqué.

Si je m'en sors correctement, ça ne devrait plus être un problème pour ses utilisateurs finaux (joueurs & MJ) puisque, d'ici là, j'aurais normalement ajusté tout ce qui méritait de l'être, régulé l'usage des mécanismes et expliqué clairement comment s'en servir ("ahem"). Mais, pendant le développement, ajouter ou modifier le moindre rouage produit vite des effets secondaires qui grippent ou emballent le moteur, et j'en chie un peu.
Prenons pour exemples l'entraide, les armures, l'équipement des Adversaires et l'initiative, puisque toutes ces règles ont été modifiées au cours des derniers mois de play-tests...
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ENTRAIDE
Ce petit mécanisme existe depuis D3 et permet de filer un coup de main à un autre PJ sous la forme d'un bonus d'1 dé Blanc, 2 s'ils sont alliés.
Ça fonctionnait à peu près pour un jeu de flics où les PJ étaient presque toujours en binôme mais, pour une Escouade de 5 perso qui restent presque toujours groupés et peuvent donc s'entraider beaucoup plus, ces bonus finissent par déformer le jeu : un PJ peut ainsi recevoir un bonus de 2dB presque à chaque scène, ce qui est assez énorme au regard des scores moyens autour de 4dB par action.
Pendant longtemps, j'ai donc limité cette aide "à la Scène" et essayé diverses variantes : que chaque perso n'aide qu'une fois par Scène, ne puisse être aidé qu'une fois, les deux... C'était complètement arbitraire et ça incitait des joueurs à faire des calculs d'épicier tout à fait hors-roleplay (si je t'aide, puis que tu aides Machin et qu'il m'aide une fois...), et ça n'était ni fluide, ni fun.

Après de multiples tentatives, j'ai fini par me fixer sur la règle suivante : aider quelqu'un transforme un dé d'Adversité en Complication automatique. Ça ne change donc pas la difficulté de l'action, mais ça signifie qu'une Complication "potentielle" est maintenant effective avant même qu'on jette les dés. Et cette Complication-là, le PJ aidé peut toujours la refiler au PJ aidant.
En termes de probabilités, c'est assez "neutre" : si on est pas allié, aider revient à donner +½ chance de Succès, une légère augmentation des chances d'un Rebondissement positif (soit plusieurs dés "identiques") et la possibilité de partager les ennuis en échange d'une augmentation très marginale de la probabilité d'un Rebondissement négatif et, bien sûr, +½ chance de Complication. Car si chaque dR qui roule a déjà 50% de chance de produire une Complication, forcer ce résultat (100% de chance) n'est vraiment qu'une augmentation de 50%...

Si 1dB supplémentaire permet au PJ aidé d'obtenir un Rebondissement positif, l'opération est carrément bénéfique. Si on ne gagne qu'un Succès au prix de cette Complication, on peut toujours sacrifier le premier pour annuler la seconde et éviter au copain de prendre un gnon. Et même si l'action foire on a au moins la possibilité de partager les Dommages avec son compagnon qui, s'il a deux doigts de jugeote, a justement proposé son aide parce qu'il pouvait se le permettre.
Si on est alliés et que l'aide fournit +2dB, le bénéfice est beaucoup plus lisible, mais ça n'annule pas le risque pour autant : l'assistant peut toujours y laisser une case de Dommage, et la Complication automatique l'attend manifestement au tournant.

L'opération est donc mathématiquement en faveur des joueurs même avec un seul dB de bonus, mais cette réalité statistique n'est pas forcément intuitive et c'est justement ce qui ouvre la porte à la subjectivité. En pratique, les joueurs craignent un peu d'aider, et ne s'y risquent plus que s'il le juge "important" : parce que le PJ actif est mal barré, parce qu'on veut lui témoigner du soutien, parce que c'est roleplay ou qu'on a définit l'entraide comme une valeur morale "rédemptrice" de l'Escouade, parce que l'action est critique pour la mission...
Ce risque suffit à limiter l'usage de l'entraide sans changer grand-chose à la mécanique, l'équilibre est à peu près sauf et, surtout, le principe génère encore plus de choix intéressants : va-t-on aider même quand l'action semblent vraiment risquée, va-t-on effectivement infliger un Dommage au PJ qui vient de vous rendre service, peut-on encaisser à sa place, doit-on le faire ?
C'est encore en play-test mais, jusqu'ici, ça semble fonctionner.
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ARMURE
Aussi triviales que les armures puissent paraître, elles ont toujours posé problème dans ce système. En échange d'une ou deux cases d'équipement, une protection quelconque sert à annuler 1 ou 2 dommages, donc des Complications. Ça s'applique principalement aux dommages physiques (quoiqu'il existe des protections mentales), mais ce sont les plus courants dans un jeu où l'on incarne principalement des combattants.

Si c'est bien l'effet voulu et que l'effet semble plutôt simple, ces protections déséquilibrent en fait le jeu en proportion de leur durabilité : si, en pratique, un simple gilet de cuir n'annule qu'un seul dommage mais plusieurs fois de suite, puisque les joueurs sont relativement libres d'encaisser ou d'annuler les Complications, ils peuvent donc prendre "un coup dans l'armure" à chaque fois que ça les arrange jusqu'à ce qu'un gros "coup de Malchance" finisse par détruire leur matos (c'est un Rebondissement négatif plutôt rare). Et le PJ n'a plus alors qu'à vider l'armure détruite de son paquetage pour se débarrasser du "poids" dès que l'avantage disparaît.

Tout ça est très statique, souvent "trop facile" et ça ne permet pas tellement de granularité puisqu'une armure "lourde", occupant 2 cases d'équipement en annulant autant de dommages presque à chaque action, déforme carrément la dynamique de jeu : alors que les PJ subissent normalement des pénalités dès qu'ils ont encaissé 3 dommages dans la même aptitude, c'est comme si on venait de leur offrir 2PV blindés, quasiment indestructibles. De fait, cette mécanique n'offrait pas beaucoup de variété dans les effets des armures et, surtout, elle n'incitait guère les joueurs à tenter des actions ou à faire des choix intéressants : s'encombrer d'une armure défoncée dans l'espoir de la restaurer, prendre le risque de fouiller le charnier à la recherche d'une bonne cuirasse, occuper son temps de bivouac à réparer sa brigandine plutôt qu'à étudier sa dernière trouvaille...

Après avoir tenté différentes alternatives peu satisfaisantes, on teste depuis peu des points d'armure "fongibles" : chaque case d'armure peut encaisser de 2 à 4 dommages (moyenne 3) avant d'être irrémédiablement détruite mais, tant qu'elle n'a pas perdu tous ses points de "protection" en encaissant autant de dommages, il suffit de trouver une Ressource adéquate et de faire un jet de réparation pour la restaurer.
Introduire ainsi une seconde valeur complique un peu la gestion de l'équipement, mais il semble que ça ne dérange guère les joueurs, et ça offre en fait pas mal de possibilités : indépendamment de leurs poids et de la protection offerte, il y a désormais des armures "de bonne facture" qui sont plus résistantes que les autres, un vieux plastron ou un bouclier déjà abîmé font des butins basiques mais déjà utiles, les armures lourdes sont effectivement bien plus efficaces que les autres (la plupart annulent six fois 2 Dommages !) sans toutefois devenir indestructibles, et le principe de réparation incite à fourrager dans le donjon, tout ça en donnant plus de valeur aux compétences permettant de réparer et/ou d'extraire les Ressources nécessaires. En fait, ça arrange même certains problèmes posés par l'équipement des Adversaires.
Mais, surtout, décider si on va sacrifier sa chère armure avec son dernier point de protection pour éviter une vilaine blessure devient de fait "un choix intéressant"... :)

J'expliquerai les Adversaires "équipés", le catalogue des Rebondissements et l'initiative dans un post suivant : celui-ci est déjà bien assez long. Après quoi, je vous parlerai du test de "surpuissance" et des Confrontations...

* Sans être vraiment un pré-requis mécanique, la cohérence des actions/motivations des joueurs avec celles de leurs PJ facilite quand-même énormément les jeu "de rôles". Il y a un bon article d'Alexander Freed à ce sujet...
 
Dernière modification par Wenlock le mer. févr. 27, 2019 6:04 pm, modifié 2 fois.
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Re: Game-design sur Memento Ludi : L'Ombre du Donjon

Message par Wenlock »

Je réalise en rédigeant tout ça (et en répondant aux remarques des testeurs) que ma méthode d'équilibrage peut sembler se résumer à limiter bêtement l'impact de tous les modificateurs : c'est pas complètement faux, mais c'est plus compliqué que ça...

En réalité, j'ai longuement affûté la mécanique d'Adversité pour que non seulement elle soit proportionnelle à la force des Escouades, mais qu'elle produise la nécessaire montée en Tension (y compris ses relâchements en début d'acte) au sein de chaque mission et qu'elle puisse en plus fonctionner à l'échelle d'une campagne (où le résultat d'une mission modifie l'Adversité de départ pour l'aventure suivante). Et quoique ce ne soit pas encore complètement nickel, c'est d'abord un dosage que je n'ai pas envie de remettre en cause après y avoir consacré beaucoup de temps, mais c'est surtout devenu un fil rouge (littéralement) et une ligne de force sur laquelle je peux appuyer le reste de la mécanique. C'est même extrêmement pratique d'avoir (enfin !) un repère fiable pour l'équilibre du système.

Alors j'ai tendance à organiser les modificateurs de manière à ce qu'ils puissent potentiellement se compenser les uns les autres : qu'ils préservent a priori l'équilibre bâti autour de l'Adversité, mais que je puisse ensuite me servir –ou pas– de ces multiples paramètres pour ajuster un peu la dynamique de jeu dans un sens ou dans un autre selon les besoins.
C'est d'ailleurs le cas avec les mécanismes qui suivent...


Adversaires & Équipement
Jusqu'ici, j'ai sous-employé un mécanisme qui, bien qu'établi depuis longtemps, ne marchait pas vraiment : conférer des "bonus d'équipement" à l'Adversité.
Le but était à la fois d'équilibrer les oppositions en boostant certains adversaires pour les mettre au niveau des PJ (qui, eux, bénéficient presque toujours de différents bonus d'équipement) et de distribuer un butin "annoncé", puisque si on peut récupérer le matos d'un adversaire vaincu, on peut choisir de l'affronter rien que pour lui piquer son équipement.
D'un côté, en fournissant ainsi aux MJ une petite marge d'ajustement indépendante de leur pool d'Adversité, ce mécanisme devait élargir un peu leur marge de manœuvre (exactement comme l'Obscurité, qui consiste à piquer des dR à une scène pour les rajouter à une autre). De l'autre, en proposant aux PJ un moyen moins aléatoire de renforcer leur Escouade (parce que l'injection de bonus est sous le contrôle de la MJ, mais que s'en saisir est un challenge explicite pour les joueurs), j'espérais leur donner une meilleure prise sur la dynamique de jeu.

En théorie, ça pourrait marcher pour pratiquement n'importe quoi, pour peu que vaincre cette Adversité renforcée rapporte une Ressource ou un équipement présentant un bonus de valeur équivalente : l'épée "+1" conquise au prix du sang est un exemple évident, mais les spores hallucinogènes "+1 Dommage mental" peuvent être récoltés pour concocter un poison ou un antidote, on peut tailler une armure dans le cuir d'une bestiole coriace, une toile d'araignée géante causant une pénalité "-1dB" au mouvement peut être tressée en une solide corde "+1dB"...
Mais, en pratique, ça posait à nouveau un problème d'équilibrage, pour la simple raison qu'un quelconque adversaire nuit rarement aux PJ pendant plus d'une Scène, alors que l'équipement ramassé dure souvent bien au-delà : si vaincre l'Adversité "malgré son bonus qui dure une Scène" fournit aux PJ un avantage qui s'applique pendant nettement plus longtemps, ces trouvailles risquent de s'accumuler (l'épée +1 aide à vaincre la bête dont on tire une armure qui aide un peu plus à vaincre l'araignée dont on tire une corde qui...) et, une fois de plus, de finir par déformer graduellement mon fameux équilibre.

Afin de limiter cette accumulation, les Adversaires équipés devaient donc être assez "espacés" pour qu'on en rencontre rarement un avant d'avoir épuisé les bénéfices du précédent, ou souffert suffisamment d'attrition pour niveler l'effet. Je pouvais aussi donner plusieurs équipements à chacun de ces Adversaires spéciaux : le reptile venimeux et coriace des profondeurs peut fournir du poison et le matériau d'une armure, mais il aura probablement bien abimé les PJ avant qu'ils puissent en extraire ces bonus, et ils devront probablement se répartir les gains, nivelant un peu l'effet.

Malheureusement, comme les PJ peuvent par ailleurs se procurer pas mal de choses rien qu'en fouillant le donjon (et ne risquer d'affronter un méchant ennemi que s'ils se plantent), les quelques joueurs avec qui j'ai testé le principe préféraient souvent éviter ces "Adversaires équipés" pour plutôt explorer d'avantage : les bonus d'équipement finirent donc par être réservés aux "boss" de fin d'acte, voire de Mission.
Et comme ces ennemis-là sont incontournables, le choix de se colleter un adversaire boosté pour en tirer profit disparaissait très largement, de même que la variable d'ajustement qu'ils représentaient pour les MJ. Jusqu'à ce que, tout récemment, les changements apportés à l'usure des armures m'amènent à réviser la notion...

Il existait déjà différentes qualités d'équipement et, si le matos "de base" ne permet que d'agir sans pénalité (attaquer avec ses pleins dommages, forcer une serrure avec son plein score de crochetage...), certaines pièces d'équipement étaient simplement dotées d'un qualificatif lui donnant un avantage ou un désavantage :  une torche "fragile" s'éteint à la moindre Complication, au contraire un casque "solide" ne peut être brisé que par une grosse Malchance, une arme "acérée" ignore 1 point d'Armure, tirer avec une arbalète "faussée" inflige une Complication automatique, un coffret d'alchimie est toujours "lourd" (il pends toujours 2 cases de paquetage), une corde "légère" renferme deux fois la longueur dans une seule case d'équipement...
En cas de dommages matériels, qui sont relativement courants dans ce jeu car c'est ainsi que l'attrition s'applique à l'usure des outils et à l'épuisement des ressources, un équipement peut perdre une "qualité" positive avant d'être perdu ou brisé : l'épée "acérée" s'émousse, la corde "légère" prend l'eau et la lanterne "solide" cesse de l'être après le premier gnon. Et c'est encore plus fréquent en combat, puisque les coups s'y multiplient et que le principe même de l'armure est que les joueurs peuvent choisir de prendre un dommage plutôt "dans le matos" que "dans l'Aptitude".
Et, bien sûr, on peut réparer la qualité perdue d'un matériel avec une Ressource et un jet : bien au contraire, ça enrichit l'aspect "survie" du jeu et c'est une option de plus offerte aux joueurs.

Si j'applique désormais ce même principe à l'équipement des Adversaires, j'espère produire deux effets vraiment prometteurs (ça n'a pas encore été testé) :
1) faire tout simplement en sorte qu'un tel équipement puisse s'user durant le combat qui sert justement à l'obtenir. Pas au point de complètement en annuler l'attrait (ce serait un contre-sens), mais si un ennemi porte un bouclier non seulement magique mais "solide", que cette dernière qualité disparaisse durant l'affrontement ré-équilibrerait la valeur du matériel : si le matos est plus avantageux pour l'Adversaire que pour les PJ et que j'amorce son usure, je réduis mon problème de durabilité et je peux envoyer plus souvent des adversaires plus "accessibles" aux PJ.
2) du même mouvement, donner des "points de vie" supplémentaires à ces fameux Adversaires spéciaux pour qu'ils puissent présenter aux PJ un challenge supérieur quand ça arrange la MJ : il suffit simplement que l'équipement des monstres puissent, donc, encaisser un des dommages infligés, en usant justement leur fameux équipement.

D'ailleurs, une fois l'ennemi vaincu, rien n'empêche de chercher de quoi réparer la splendide relique qu'on lui a prise après l'avoir "un petit peu" abimée. Si j’engrenais cet effet avec la nécessité de décrypter l'usage des artefacts magiques pour pouvoir les utiliser, j'aurais même la possibilité de niveler encore d'avantage leur bonus dans le temps : oui les PJ les utiliseront longtemps, mais seulement après avoir compris comment s'en servir et les avoir réparé.
Pouvant alors jouer sur trois ou quatre paramètres pour équilibrer ces trouvailles, je devrais avoir une certaine liberté créative pour inventer des butins plus divers et plus intrigants, mais aussi compenser leurs effets si besoin.

Et toute cette variété pourrait même enrichir les Rebondissements, qui méritent que je leur accorde le prochain post...
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Message par dreamofrlyeh »

Super intéressant, comme d'hab (et je dis pas ça parce que je suis dans le banc d'essai :p)

Simplement, pour préciser un point, quand tu parles de +1/2 chances de ..., pour être tout à fait exact, c'est plutôt +1/2 Succès (/ Complication) en moyenne dont il faudrait parler. Car la répartition des probabilités de tirage, elle, change assez fort et pas forcément de façon linéaire ou facilement intuitable. Un petit script sur Anydice pour illustrer tout ça :​​​​​​​​​​​​​​https://anydice.com/program/13caa

Voilà pour ma (mathématique) contribution au débat général.
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Message par Wenlock »

dreamofrlyeh a écrit : mer. févr. 27, 2019 5:27 pmSuper intéressant, comme d'hab (et je dis pas ça parce que je suis dans le banc d'essai :p)

Simplement, pour préciser un point, quand tu parles de +1/2 chances de ..., pour être tout à fait exact, c'est plutôt +1/2 Succès (/ Complication) en moyenne dont il faudrait parler. Car la répartition des probabilités de tirage, elle, change assez fort et pas forcément de façon linéaire ou facilement intuitable. Un petit script sur Anydice pour illustrer tout ça :​​​​​​​​​​​​​​https://anydice.com/program/13caa

Voilà pour ma (mathématique) contribution au débat général.
Puisque tu veux pinailler, disons que ça vaut "à peu près +½ chance".
Non seulement parce que la répartition statistique des résultats est en effet plus compliquée que ça, que le poids statistique de chaque dé ajouté décroît un peu à mesure qu'on lance plus de dés de chaque couleur, que le résultat "probable" d'un jet de dés est en fait la soustraction des chances de Complications de celles de Succès et que, en pratique, les joueurs font sur ces résultats des choix qui doivent bien plus à l'utilité des résultats qu'à leurs probabilités.
Quoique ton lien ne marche pas (?), rappelle-toi que j'ai moi-même passé du temps sur Anydice (je peux te donner les formules utilisées, si tu veux) et je consulte de plus matheux que moi pour concevoir tout ça. ;)

Mais j'ai aussi assez de mal à expliquer les proba aux joueurs et aux lecteurs pour ne pas souvent m’embarrasser des précisions qui compliquent la compréhension plus qu'elles ne l'éclairent, et je préfère donc dire "½ chance". Et si quelqu'un est capable de me contredire, c'est qu'il n'a pas vraiment besoin de mes explications...


Puisque tu t'intéresses aux finesses statistiques de la mécanique, j'attire ton attention sur un détail que je trouve extrêmement savoureux : considérant que le résultat probable d'un jet est donc la soustraction des chances de Complications à celles de Succès, plus on lance de dés (d'une couleur, de l'autre ou des deux), plus la probabilité d'un résultat nul s'effondre.
Car si on a exactement 50% de chances d'obtenir autant de Succès que de Complications en lançant 1B contre 1R, les chances de ce résultat "nul" tombent à 37,5% dès qu'on lance 2B contre 2R et carrément à 22,56% pour 6B contre 6R. Au regard de mes réflexions passées sur les probabilités "dramatiques", ça veut dire que plus on fait des jets épiques, en opposant une Adversité élevée à une haute aptitude, moins il est probable que ça donne un résultat "bof". :)


Rebondissements & Matériel
Parmi tous les trucs que je dois encore améliorer sur L'OdD, citons d'abord l'indigence des tables de Rebondissements positifs (plusieurs Succès Blancs identiques) et négatifs (plusieurs Complications Rouges identiques).
Ces tables doivent d'abord encadrer la gestion de ces coups de Chance et Malchance en fournissant des ordres de grandeur et des exemples d'effets pour 2, 3, 4 ou 5 dés identiques, mais aussi donner des idées aux MJ et refléter les différents contextes du jeu (donc dépendre en partie des scénarios). Alors que les Rebondissements sont sensément assez rares, mes exemples se sont vites révélées trop peu nombreux, trop vagues et trop fades.
Si les plus courants –sur des doubles ou des triples– devraient certainement inclure quelques effets très génériques pour tenir compte de leur probabilité, l'essentiel de ces exemples devraient faire plus que distribuer des bonus ou des malus : guider la mise en scène des conséquences imprévues des actions et donner un sens à la part incontrôlable des missions, c'est à dire souvent illustrer les thèmes généraux du jeu et ceux, plus particuliers, de chaque donjon.

De fait, nombre de ces rebondissements "génériques" ont à voir avec la lumière, l'ombre et la perception (ce que les PJ remarquent et ce qui leur échappe, les illusions et les échos, les torches qui s'éteignent ou ce que révèle leur reflets..), l'instabilité des environnements qui peut ouvrir ou fermer des passages et des possibilités (les cavernes s'éboulent, du butin remonte des profondeurs, les constructions craquent, le bois des coffres pourrit...) ou l'état des mercenaires (espoir et angoisse, stress et intuition, douleur et adrénaline...).
Mais, jusqu'ici, j'avais sous-exploité l'importance du matériel : j'employais de soudains épuisements des ressources ("Tu te rattrapes, mais ton carquois se vide dans le ravin...") ou une trouvaille inespérée, l'équipement qui casse ou révèle des qualités insoupçonnées, mais pas grand-chose de plus.

À mesure que je détaille (enfin) le matos, que je développe l'armement et le paquetage, que j'ajoute des "qualités" positives et négatives aux équipements, que j'étends la gamme des Ressources et que j'y inclus des "composants" qui ont pour but premier d'être transformés en autre chose (c'est à dire réparer et fabriquer des armures, des potions, etc.), je peux inventer de nouveaux rebondissements -positifs comme négatifs- qui vont modifier le matériel de manières bien plus variées ("On dirait que transpercer ce basilic a empoisonné ta lame..." ou "Ton armure détrempée pèsera une case de plus jusqu'à ce que tu la sèches").
Thématiquement, je trouve intéressant que le matériel soit lui aussi faillible, voire qu'il évolue et y réfléchir m'ouvre quelques perspectives pour les suites du jeu (sa campagne, en particulier).
Mais je réalise aussi que je pourrais me servir de ces rebondissements matériels pour inciter les joueurs à explorer d'avantage le donjon, sa logique et son histoire : suggérer qu'un produit "qui traîne" a probablement une source quelque part, qu'une relique avait des créateurs et qu'elle est arrivée là par certains événements, que l'éclat manquant à une lame brisée n'a peut-être pas volé bien loin mais que la créature qui a vaincu son précédent propriétaire pourrait encore traîner dans le coin.

Dans tous les cas, les tables de rebondissements doivent être sérieusement développé·es car s'il n'était assez facile d'en improviser pour D3 sur la base d'un contexte plutôt familier (urbain, moderne et policier), c'est beaucoup plus difficile dans le contexte beaucoup plus bizarre de L'OdD. Et si moi je peine, ça risque d'être vraiment chiant pour les autres MJ...
Dernière modification par Wenlock le jeu. févr. 28, 2019 1:02 am, modifié 1 fois.
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Message par dreamofrlyeh »

Wenlock a écrit : mer. févr. 27, 2019 11:19 pm Puisque tu veux pinailler, disons que ça vaut "à peu près +½ chance".
Non seulement parce que la répartition statistique des résultats est en effet plus compliquées que ça, que le poids statistique de chaque dé ajouté décroît un peu à mesure qu'on lance plus de dés de chaque couleur, que le résultat "probable" d'un jet de dés est en fait la soustraction des chances de Complication à celles de Succès et que, en pratique, les joueurs font sur ces résultats des choix qui doivent bien plus à l'utilité des résultats qu'à leurs probabilités.
Quoique ton lien ne marche pas (?), rappelle-toi que j'ai moi-même passé du temps sur Anydice (je peux te donner les formules utilisées, si tu veux) et je consulte de plus matheux que moi pour concevoir tout ça. ;)

Mais j'ai aussi assez de mal à expliquer les proba aux joueurs et aux lecteurs pour ne pas souvent m’embarrasser des précisions qui compliquent la compréhension plus qu'elles ne l'éclaire, et je préfère donc dire "½ chance". Et si quelqu'un est capable de me contredire, c'est qu'il n'a pas vraiment besoin de mes explications...



En réalité, en lisant le premier message, ça m'avait fait réfléchir et je me demandais (par curiosité) comment était réellement impactée la distribution. Quitte à avoir fait la recherche, je me suis dit autant en faire profiter tout le monde.

Ce qui fait que tu m'as donné idée de considérer le problème dans son ensemble, l'impact sur les distributions probabilistes du fait d'aider avec 1B ou 2B. Et bien figure-toi que, ne pas aider ou aider à +1B ne change pas la moyenne (on s'y attendait) mais les probabilités sont rigoureusement les mêmes (et a priori, peu importe le nombre de dés blancs ou rouges). Seule l'aide à +2B impacte vraiment la distribution. Autrement dit, si on est pas allié avec le personnage, aider ou non quelqu'un ne change pas les chances de succès, mais simplement témoigne que le personnage est prêt à partager les baffes avec celui qu'il aide.

C'est plus ou moins ce que tu racontes déjà, mais j'ai été surpris de voir que c'est rigoureusement identique d'un point de vue proba, ce qui rend la chose plus aisée à expliquer (à mon sens). C'est pour cela que je partage cette réflexion avec toi, et ceux qui lisent ce post.

Wenlock a écrit : mar. févr. 26, 2019 3:55 pm L'opération est donc mathématiquement en faveur des joueurs même avec un seul dB de bonus

L'avantage mathématique ne se ressent donc qu'au travers de l'augmentation des chances de faire des doubles (plutôt positifs que négatifs).

Pour faire mumuse sur Anydice (en espérant que le lien marche) https://anydice.com/program/13cc3

Sinon, oui, le fait que les résultats nuls soient assez rares est une des forces de ton système et je l'apprécie particulièrement.

Ce nouveau système d'équipement m'intrigue, en tout cas.
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Message par Wenlock »

dreamofrlyeh a écrit : jeu. févr. 28, 2019 12:21 amL'avantage mathématique ne se ressent donc qu'au travers de l'augmentation des chances de faire des doubles (plutôt positifs que négatifs).
[snip]
Ce nouveau système d'équipement m'intrigue, en tout cas. 
Avec un seul dB de bonus, l'avantage statistique est très mineur car concentré sur les proba' de Rebondissement, oui, mais l'utilité de partager les Complications fait toute la différence : il suffit d'être prêt à (probablement) encaisser un Dommage pour celui qu'on aide.
Bien sûr, si je veux qu'une option ludique soit effectivement employée (sans quoi, elle est inutile), il faut qu'elle semble avoir un intérêt, et pas mal de rôlistes sont attentifs aux intérêts numériques : sans l'espoir d'échapper à la Complication et ce petit bonus aux Rebondissements, je ne sais pas si beaucoup de joueur aideraient un personnage sans lui être allié. Mais en ajustant cette option de manière à ce que son intérêt statistique soit vague et mineur, j'ai bon espoir que, comme les deux équipes de play-tests semblent le démontrer, certains joueurs choisissent d'aider pour des raisons qui n'ont plus grand rapport avec les proba. 8)

J'insiste sur cette notion d'utilité car, en statistiques comme en économie ou en game design, on se laisse facilement piéger par les chiffres alors que c'est vraiment la situation et donc l'usage qui déterminent l'intérêt d'une option. C'est par exemple ce qui justifie toute l'industrie du prêt et du crédit (payer plus cher, mais plus tard), mais c'est aussi un aspect important de la tactique : il peut valoir le coût d'encaisser des dommages immédiats plutôt que de risquer de les subir dans un pire moment, risquer gros est parfois le seul moyen de sauver s peau, un danger connu est peut-être préférable à un risque inconnu.
"Ça dépend", en réalité.
Par ailleurs, j'avais moi-même sous-estimé l'utilité de certains mécanismes parce que je m'étais contenter d'en chiffrer les effets et, comme on le verra plus bas, c'était une grave erreur...

Plus largement, L'OdD utilise pas mal de probabilités "discrètes", c'est à dire que certains effets apparents du système camouflent en réalité des maths plus fines et plus complexes qu'elles n'en ont l'air. D'abord parce que je ne souhaite pas que les joueurs fassent trop de choix calculés (je tiens à ce que cette fameuse utilité situationnelle et tactique, mais aussi l'engagement personnel, le relationnel, les croyances et les impressions conservent au moins autant d'importance que les maths), ensuite parce que nombre de joueurs ne s'intéressent guère aux proba (on évite donc de les emmerder en les planquant un peu), mais enfin et surtout parce que ça permet de réserver des surprises même aux joueurs qui calculent beaucoup.
Et pour un jeu qui repose en bonne partie sur le mystère, la peur de l'obscurité et les convictions morales, cacher un peu la machine à saucisses me semble nécessaire. ;)

Enfin, je n'irai pas jusqu'à dire qu'il y a un "nouveau" système d'équipement : les récents développements ne vont pas affecter la totalité du matériel, la majorité des ressources et des outils resteront sans doute "basiques", même les Adversaires équipés sont voués à être l'exception plutôt que la règle.
Mais j'ai conscience d'avoir trop négligé l'aspect matériel du jeu (notamment par manque de culture "donjonneuse") et, comme pour les Rebondissements, je tâche désormais d'en tirer des choses plus intéressantes.

INITIATIVE
Il y a un moment que j'ai modifié les variations d'initiative pour les scènes courantes "d'exploration", et je continue d'en bricoler les rouages pour les Confrontations (j'y reviendrai).
La plupart du temps, les PJ ont l'initiative en début de scène s'ils ont obtenu une victoire à la fin de la précédente (c'est à dire si l'Escouade a rempli l'objectif fixé par son Officier) : ils peuvent alors entreprendre ce qu'ils veulent, donc déterminer à nouveau leur objectif librement et potentiellement explorer, bivouaquer, progresser, se ravitailler, enquêter, donner l'assaut... Ce sont les protagonistes qui décident.
À l'inverse, après une défaite des protagonistes, c'est le donjon qui a l'initiative : la MJ peut donc les envoyer dans la direction de son choix, déclencher toutes sortes de tuile ou l'attaque de monstres, fermer des options et donc obliger l'Escouade à choisir son objectif en réaction aux initiatives du donjon.

Le principe fonctionnait à peu près, c'est à dire qu'il permettait aux PJ d'exercer pas mal de contrôle sur leur exploration tant qu'ils restaient victorieux, mais que le donjon pouvait leur tomber dessus (parfois littéralement) au premier gros échec, ce qui se produit d'autant plus que la mission s'approche du troisième acte.
C'était néanmoins trop "statique" (voir plus bas), et je cherchais par ailleurs des moyens de dynamiser les scènes qui traînaient parfois en longueur, puisque –on l'a assez dit– une scène se termine quand tous les dés Rouges ont produit des Complications et qu'elles ont toutes été annulées ou encaissées. La MJ peut toujours escamoter quelques dés en Obscurité mais, lorsque les joueurs grignotent lentement le pool d'Adversité à mesure qu'ils tentent plein de petites actions "prudentes", ça peut prendre un moment. Tout particulièrement dans les scènes où l'Adversité est élevée et si les joueurs ont la "chance" de produire peu de Complications (c'est le problème de l'aléa, même pondéré par des brouettes de dés).

Avec des PJ inquiets-donc-prudents (ce qui arrive assez souvent vus nos thèmes, spécialement quand l'Adversité grimpe) et beaucoup de résultats "nuls" sur les dR, il arrivait donc que ça ruine le rythme et, tant que les mercenaires avaient l'initiative, la MJ n'y pouvait pas grand-chose : elle ne pouvait pas vraiment déclencher d'événements, "envoyer les ninjas" ou secouer les joueurs à moins qu'une de leurs actions ne provoque un Accident (plus de Complications que de Succès) ou que l'Obscurité intervienne (ce qui ne résout pas forcément le problème, puisque ça rajoute des dR à la scène, mais ça a l'avantage de créer la surprise).
Autrement dit, la Meneuse ne pouvait pas toujours mener et, dans un jeu qui oscille entre le récit de guerre et l'horreur, perdre la cadence peut vraiment gâcher l'expérience.

Depuis quelques mois, on teste donc un nouveau principe : même quand les PJ ont l'initiative, le donjon peut tenter de la leur reprendre une fois qu'environs la moitié de l'Adversité est épuisée. La MJ déclenche alors une menace plus ou moins importante (employant environ la moitié des dR qui lui restent, donc + ou - 1/4 du total) et, à moins que les PJ n'y résistent (obtenant contre elle plus de Succès que de Complications) et conservent donc l'init', c'est le donjon qui prend la main, utilisant ses derniers dR pour tenter de faire échouer leur objectif.
Inversement, même lorsque le donjon a l'initiative suite à une défaite de l'Escouade, celle-ci pourra tenter d'inverser la tendance vers le milieu de la scène, lors d'une occasion risquée contre (à nouveau) un bon quart des dR de la scène. Et si les mercenaires saisissent cette occasion et renversent la pression, ils peuvent passer la fin de la scène à agir à leur guise, y compris en décidant d'un nouvel objectif.

Jusqu'ici, ça marche plutôt bien, mais principalement pour donner aux MJ plus de prise sur les événements : cramer plein de dR d'un coup si une scène s'éternise, produire des "jump-scares" et des pics de challenge, perturber les plans des joueurs... et tout ce qu'elle peut avoir besoin de faire dans un jeu où le combat et l'horreur sont prépondérants.
Car, dans les faits, l'initiative est déjà souvent un indicateur de qui domine la situation : même en remettant en jeu cette domination volontairement, il est quand-même assez rare que le donjon prenne la main à moins que l'Escouade ne soit déjà mal en point, et arracher l'init' aux donjons est vraiment très difficile aux PJ puisqu'ils sortent alors d'une défaite.

Néanmoins, je trouve important que le principe existe et, depuis que je l'emploie, je prends des notes sur ses usages pour voir s'il aurait besoin d'être encadré plus formellement que par de vagues indications chiffrées comme "vers la moitié de la scène, employez environ la moitié des dR restants".

"STATIQUE" ou "DYNAMIQUE" ?
À force d'essais, de ratages et de réflexions, j'ai réalisé qu'une grande part du (long) travail d'ajustage de L'OdD réclame avant tout de choisir quels mécanismes doivent être "dynamiques", et lesquels doivent être "statiques". Cette question est assez proche de la notion de "boucle de feed-back" qu'on emploie en jeu vidéo : il y a des boucles "positives", c'est à dire qu'elles s'auto-alimentent et ne cessent donc jamais d'accentuer une même tendance, et des boucles "négatives" qui s'épuisent constamment, tendant vers l'effondrement ou, au mieux, à revenir vers leur point d'origine.
Notez que, dans ce contexte, positive ne veut pas dire que c'est une "bonne" boucle de feedback, ni négative que c'en est une "mauvaise" : la première tend simplement vers une expansion infinie, quand la seconde provoque son propre avalement.

Les deux ont des usages différents en game design et, si ces principes vous intéressent, je donne quelques exemples dans le volet spoilers ci-dessous. Mais ça s'éloigne un peu de L'OdD et même du JdR sur table, c'est donc une lecture très optionnelle...
Spoiler:
Dans les RPG d'action, tout spécialement en vidéo, les pEX génèrent par exemple une boucle positive bien connue : plus un PJ défonce d'ennemis, plus il gagne d'XP, mieux il est capable de défoncer encore plus d'ennemis pour gagner encore plus d'XP...
Quand on a établi un telle tendance, on peut la ralentir un peu en multipliant les limites arbitraires (des niveaux qui temporisent l'usage de l'XP, des écarts de plus en plus vaste entre deux niveaux, une jauge de vie dont l'expansion coûte énormément d'XP tout en restant assez inférieur aux dommages croissants des adversaires...) ou en créant des dynamiques concurrentes (retirer peu à peu les ennemis devenus trop faiblards, envoyer des ennemis de plus en plus balaises mais qui rapportent de moins en moins d'XP par rapport aux écarts entre niveaux, un armement indépendant de l'XP et qui pèse plus sur le combat que les capacités du PJ...). Mais, justement parce que la boucle s'alimente d'elle-même, on ne peut que la freiner un peu –ni la stopper complètement, ni la mettre vraiment en pause– à moins de remettre en cause toute la mécanique de jeu.
Alors, la plupart du temps, le PJ en prend plein la gueule au début du jeu, puis trouve un point d'équilibre (youpi)... et finalement le dépasse pour dominer largement l'opposition vers la fin du jeu. Et c'est peut-être très bien, si c'est ce qu'on veut, mais ça rend beaucoup de RPG d'autant plus répétitifs qu'ils échappent rarement à cet arc de progression.

À l'inverse, les jeux de survie doivent prendre garde à ne pas instaurer une attrition trop sévère, au risque de créer une boucle négative : si le temps,les efforts, les ressources ou les risques secondaires que réclame la perpétuelle recherche de nourriture/matos/combustible sont même très légèrement supérieurs aux bénéfices obtenus, alors les PJ ne font plus que crever à petit feu, plus ou moins lentement, mais irrémédiablement. Et si c'est un jeu d'explo·ration, on a carrément plus le temps d'explorer : on crève de faim en vue de sa hutte.
Différemment, le modèle économique de jeux comme Farmville ou Hayday repose justement sur une boucle négative : le fait que plus on étend sa capacité de production, plus on rencontre de coûts secondaires (d'entretien, de réparation ou de renouvellement, mais surtout de compétition avec "la concurrence"). Alors, tout en camouflant cet effet sous une impression générale de progrès constant parce qu'on gagne effectivement de nouveaux ateliers/champs/bestiaux, la boucle négative étend perpétuellement l'écart (pour ne pas dire le déficit) entre le budget des joueurs et leurs besoins... Ce qui est exactement dont ces jeux ont besoin pour susciter les micro-transactions : faire en sorte qu'elles soient le seul vrai moyen de combler l'écart qui se creuse perpétuellement.

Au départ, j'ai conçu L'OdD comme le croisement d'une boucle de feedback positive et d'une boucle négative : si l'Adversité s'accroît perpétuellement (même quand elle retombe, c'est pour mieux remonter), la force de l'Escouade s'étiole constamment.
Cette attrition est mécaniquement inéluctable : même si on peut la freiner en jouant efficacement ou en employant beaucoup son Ombre, même si on peut la compenser en ramassant du butin et des indices/pistes/directions, ces bénéfices sont plutôt temporaires alors que l'érosion est perpétuelle.
Ça peut prendre plus ou moins longtemps, d'autant que l'Escouade commence ses missions avec quelques 14dB contre une Adversité à 7 (techniquement, 6dR +1 en Obscurité). Mais à un moment, idéalement durant le deuxième acte, la force cumulée de l'Escouade va passer sous la valeur de l'Adversité, après quoi les choses vont rapidement empirer.

Notez par ailleurs que lorsque le pool d'Adversité augmente d'1dR, ça ne veut pas simplement dire que les PJ vont subir une Complication de plus : ça signifie qu'ils vont se prendre une Complication supplémentaire à chaque scène, jusqu'à la fin de la mission !
Dès lors, sur la durée d'un scénar, "+1dR permanent" peut parfaitement engendrer une bonne quinzaine de Complications à lui tout seul, sans même compter le risque croissant de Rebondissements négatifs.

Cependant, à chaque fois que j'ajoute un rouage à cette mécanique fondamentale, je dois déterminer s'il devrait avoir un effet "statique", donc s'il crée une force de frottement ou une légère accélération qui ne fait que modifier la tendance générale d'une des deux boucles, ou s'il doit avoir lui-même un effet "dynamique" qui puisse sérieusement contrebalancer l'Adversité, la force de l'Escouade ou même potentiellement modifier leur progression globale. Mais je me suis beaucoup planté avant de comprendre que, dans un système conçu pour être en perpétuel déséquilibre dynamique, l'effet réel de l'un ou l'autre mécanisme devait être étudié avec tous les autres rouages qu'il entraîne avant de révéler s'il était vraiment "dynamique" ou simplement "statique".
(Ces termes sont d'ailleurs très imparfaits, mais je n'ai pas encore trouvé de bonne alternative pour décrire le fait que certains rouages ne font qu'accentuer ou freiner un peu sur l'une des boucles principales, quand d'autres ont manifestement le pouvoir d'en décupler ou d'en annuler les effets.)

Par exemple, j'ai longtemps cru que le principe d'initiative serait dynamique et qu'il créerait tout un tas de variations intéressantes dans la lutte entre l'Escouade et le donjon. Sauf que cette initiative dépendait strictement des victoires ou des défaites, et que celles-ci étaient largement découplées des pools de dés Blancs ou Rouges.
On peut ainsi obtenir une victoire facile ou l'arracher de haute lutte sans que ça impacte les dR (ils ne montent que de 1) et parfois même pas les dB (par exemple parce que les PJ en compensent aussitôt la perte en fourrageant ou en bivouaquant). Inversement, même en cas d'une défaite catastrophique survenant après que les PJ y aient laissé plein de dB, l'Adversité ne monte jamais que de 2dR. Ce qui n'est pas immédiatement significatif lorsqu'on est déjà 15 ou 16dR, ou que les PJ viennent d'y laisser 5 ou 6dB : avec le temps, ce dR permanent va finir par leur coûter cher mais, au moment où il survient, il ne crée pas forcément beaucoup d'émoi...
De fait, même si l'initiative créait bien quelques variations, dans la plupart des cas, la victoire ou la défaite n'était qu'une légère accentuation d'une tendance mécanique déjà assez marquée : le seul truc qui changeait vraiment, c'était que la MJ pouvait prendre la main à la scène suivante, et que les PJ pouvait la reconquérir.
Alors, si c'est là l'utilité principale du mécanisme, autant lui donner plus d'ampleur mais surtout d'interactivité, c'est à dire faire en sorte que joueurs et MJ puissent d'avantage jouer avec. Et comme ça reste en réalité un mécanisme plutôt "statique", on peut s'en servir à chaque scène sans déséquilibrer le jeu (et ça a surtout réglé mon problème de "scènes qui traînaient").

À l'inverse, je m'étais figuré que les bonus d'équipement seraient forcément statiques, puisqu'ils n'évoluaient pas, et ne changeaient en fait qu'en cessant de s'appliquer au bout d'un moment : grosse erreur. Si je l'ai déjà mentionné sous le titre Adversaires & Équipement, je n'ai réalisé le véritable impact de la durabilité du matos qu'après en avoir distribué plein (et du lourd) à l'Escouade des Dogues de Sombreroche, dès le début de leur mission. :??:
En l'occurrence, comme les modificateurs d'équipement restent à peu près stables durant la mission alors que les ressources sont consommées et que les aptitudes fluctuent et s'atrophient, l'utilité d'un bonus d'équipement durable augmente sensiblement au cours d'une mission : à l'acte III, quand on a déjà perdu des dés d'Aptitudes à force de dommages, un équipement qui continue de fournir +1B se trouve autrement plus nécessaire et donc précieux que ce même bonus ne paraissait à l'acte I. En fait, vue la fragilité de leurs aptitudes au regard de l'équipement, les joueurs ont presque intérêt à remplacer les premières par les seconds.

Si on veut mesurer la valeur réelle de ce bonus matériel, on peut le comparer à celle d'un dR permanent : non seulement ce dB supplémentaire va-t-il s'appliquer jusqu'au bout de la mission (à moins qu'il ne soit défaussé par un gros Rebondissement plutôt rare, d'ailleurs les joueurs peuvent toujours choisir d'annuler les "simples" Complications qui leur coûteraient justement leur équipement), mais là où un dR ne produit qu'une seule Complication par scène, un dB a ("environ") ½ chance d'annuler une telle Complication à chaque action où l'objet est employé ! Lorsqu'on brandit une arme "+1B" dans une scène de combat, ce bonus pourrait donc s'appliquer jusqu'à 2 ou 3 fois d'affilée !
Alors, si une Escouade est trop bien équipée dès sa première mission (face à une Adversité très basique), tenant compte qu'elle pourra probablement réparer fréquemment, il y a toutes les chances pour qu'elle cumule assez de bonus pour ne presque rien perdre de son matériel avant d'avoir pillé de nouveaux objets dans le donjon, et cet avantage se maintient jusqu'à la fin.
Voilà qui déforme vraiment l'écart entre la force de l'Escouade et l'Adversité. :neutral:

D'ailleurs, les Dogues de Sombreroche furent justement les cobayes (mutants-garous de l'enfer) d'un test de "surpuissance" dont je vous parlerai dans le prochain post...
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Re: Game-design sur Memento Ludi : L'Ombre du Donjon

Message par Spongitronc »

Bonjour Wenlock,

Je suis avec toujours beaucoup d'intérêt* et d'attention (il en faut !  :runaway ) tes billets relatifs à l'élaboration de ton jeu. N'ayant pas eu le plaisir de lire les articles de ton blog avant la cessation d'activité de ce dernier, j'ai du mal me faire une idée précise de certains rouages que tu évoques ici. J'attendrai donc qu'il soit de nouveau en ligne avant de commenter plus avant.

*En effet, avec mes deux groupes de joueurs, nous sommes dans une démarche relativement similaire depuis quelques temps maintenant, à savoir créer les conditions d'un sandbox (ne se limitant pas au dungeon crawling mais l'incluant) qui offrirait aux joueurs et aux personnages un cadre de jeu et un environnement éprouvant et complexe. Bien que nous nous situions sur un paradigme un peu différent si je ne m'abuse (c'est-à-dire avec moins d'interventionnisme de la part du MJ et ayant sa position ludique propre), je retrouve des éléments-clés de notre propre développement (entraide, qualités particulières attribuées aux armes et armures, attrition, conditions, etc.).

Il est amusant aussi de constater que l'un des utilisateurs de ce forum qui m'ont demandé une version (déjà bien obsolète d'ailleurs) de notre système fait partie de tes testeurs, dreamofrlyeh, que je salue bien amicalement au passage :bierre: .
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Re: Game-design sur Memento Ludi : L'Ombre du Donjon

Message par Wenlock »

@Spongitronc : j'espère sincèrement que le blog va remarcher, mais surtout qu'on pourra en sauver le contenu car il contient plein de textes dont je n'ai pas de copie (théoriquement, y avait une sauvegarde automatique... j'attends des nouvelles de l'admin), dont les 3 articles sur L'OdD (donc j'étais pas mécontent) et un gros dossier sur le sandbox, puisque tu en parles.
8|

D'ici-là, je peux te résumer la démarche, qui est assez spécifique : parti de D3, un jeu de flics face à la corruption dont j'avais conçu le système pour Cédric Ferrant dans Casus Belli (#14, il me semble), j'ai tâché d'en faire un jeu de donj' horrifique où le facteur humain (la trouille, la folie, l'ambition, l'amitié...), l'esprit de corps (avec une certaine dimension militaire) et l'explo pèsent autant que la survie et la tactique.
À ma connaissance, le noyau mécanique peut donc probablement servir dans d'autres contextes que les flics de Détroit et les mercenaires des donjons, pour peu que ces univers impliquent une notion de corruption (parce que la mécanique de Rédemption/Damnation prend pas mal de place) opposée à l'idée d'une loyauté au sein de l'équipe et envers une structure/idéal plus vaste (j'avais envie d'en faire une version Black Sails pleine de pirates révolutionnaires, ça pourrait sans doute marcher pour Firefly si on tient compte de la dimension horrifique du film, avec des résistants/terroristes broyés par le totalitarisme...), un aspect d'explo/enquête (car il y a toute une mécanique autour de l'information), le tout dans un univers en cours d'effondrement.
Ce dernier point est important parce qu'il est, lui aussi, inscrit en dur dans le système : non seulement les aspects politico-économiques reposent sur la récup', la débrouille et les contacts (ce qui sous-entend une société déjà bien partie en quenouille : pour L'Ombre du Donjon, c'est une région minière au bord de la famine avant même que la terre tremble pour révéler un monde souterrain littéralement "infernal"), mais surtout la dynamique de jeu tend vers la destruction (du monde comme des PJ) pour poser la question "Que voulez-vous vraiment accomplir avant de crever ?". C'est une direction narrative assez prégnante pour qu'elle n'ait de sens que dans certains univers.

Pour le reste, je pense que @dreamofrlyeh devrait pouvoir t'en dire plus en attendant que le blog remarche (je croise les doigts), mais tu peux toujours poser des questions ici...
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"La puissance des Dogues Rouges est incalculaaaable !"

Message par Wenlock »

TEST DE SURPUISSANCE
J'ai expliqué précédemment que la dynamique croisée de la force d'une Escouade et de l'Adversité avait un point d'équilibre assez étroit.
Depuis plusieurs années que je développe L'OdD, j'ai pu largement tester la faiblesse des Escouades et je connais donc assez bien la limite inférieure de mon équilibre mécanique : je sais par exemple que si une Escouade moyenne commence la mission en cumulant environs 14-15dB, un groupe à moins de 11dB au départ sera probablement broyé avant la fin du premier épisode. Ça peut se compenser un peu par le matériel (par exemple en distribuant quelques équipements "+1B" aux PJ), mais c'est ce qui m'a fait inscrire dans les règles que le jeu fonctionne au mieux avec une Escouade totalisant 10 Niveaux (souvent deux PJ niv.3 et deux niv.2, ce qui représente grossièrement un potentiel de 13 à 16dB sur l'ensemble des perso), que l'Escouade est vraiment avantagée dès le 12ème niveau, mais qu'elle va en prendre plein la gueule si elle en cumule moins que 9.

Je sais aussi que, lorsqu'une Escouade a déjà perdu 4dB à force d'attrition et de dégâts matériels, une scène de bivouac, des soins et quelques potions suffisent à la retaper en grande partie (mais pas en totalité), donc à restaurer l'équilibre et la dynamique de jeu. Dès lors, si une Escouade souffre plus que prévu, la MJ n'a qu'à privilégier les Ressources adéquates (vivres, remèdes, combustibles) et inciter les joueurs à bivouaquer pour relancer la machine. Ce qui se produit assez naturellement durant le deuxième acte de la plupart des missions, et c'est pourquoi je prévois un "bon site de bivouac" dans l'acte 2 de tous les scénar.
Alors, si les Martyrs de Mont-Grésil ont tout de même révélé des "faiblesses" nouvelles depuis l'été dernier, j'ai quand-même massacré assez de PJ depuis 3 ans pour savoir où commence le déséquilibre de "défaillance", et donc bien repéré l'une des deux limites de mon étroit écart d'équilibre.

Ce que je n'avais pas encore bien mesuré, par contre, c'était la limite supérieure : que se passe-t-il quand une Escouade est trop puissante, et où commence cette surpuissance ? Par chance, quand on a lancé la tablée des Dogues de Sombreroche, ces nouveaux joueurs ont aussitôt mini-maxé leurs perso, et je me suis aussitôt dit qu'ils feraient d'excellents candidats pour tester le "sur-régime".

J'ai donc commencé par leur permettre d'empiler les Spécialités et les bonus (comme Physique +Combat +Archerie +Perception +un arc fétiche "+1B", ce que la création de perso tentaient plutôt d'éviter auparavant), je leur ai offert à tous une armure gratuite (là où les Martyrs avaient du choisir entre protection et équipement spécial) et ils ont naturellement optimisé tous leurs perso vers le combat. Au total, non seulement comptaient-ils un archer d'élite (d'ailleurs chasseur de démons) et une sorte de tank humain (un Sapeur qui, à force de Spé et d'équipement, totalise 8dB en combat sous une armure lourde et un bouclier), mais même le PJ "Légât" (alchimiste-enquêteur du Concile d'Eauvive) cumule 4dB en Tir, ce qui le place au niveau de l'archère des Martyrs avant même qu'on ne tienne compte de sa capacité à fabriquer des bombes et des potions.
Dirigés par un Officier montant à 5dB en Stratégie (donc capable de produire plein de bonus avant les bagarres) et que j'avais dotée d'une épée bâtarde "magique" rien que parce que ça faisait sens dans leur historique (+1B, +1D de Dommage à 2 mains), et nonobstant qu'ils ont quand-même trouvé moyen de réclamer plus de matos aux pauvres mineurs de Saint-Aloi, ils se sont lancé dans le premier donjon en cumulant plus de 20dB (essentiellement en combat) pour leur 10 niveaux : comme un bulldozer dans un château de sable...
____

Première constatation : l'attrition n'est pas automatique.
Elle est hautement probable, certes, et en théorie relativement sévère, mais elle ne se produit pas vraiment contre des PJ qui obtiennent souvent assez de Succès pour annuler toutes les Complications sans cesser de réussir leurs actions. Et comme l'attrition est une boucle de feedback "positive", c'est à dire que plus elle se produit, plus elle empire... il faut déjà réussir à la démarrer.
En fait, si l'on tient compte de ce que des PJ efficaces vont pouvoir tirer pas mal de ressources et d'équipements du donjon, il faut même qu'ils commencent à prendre plus de dommages qu'ils ne se procurent de bonus pour que l'érosion soit seulement sensible.

Deuxième problème : l'Adversité a été réglée pour laisser les mercenaires tranquilles durant les premières scènes, commencer à pointer un peu vers la fin de l'acte I, prendre progressivement le dessus durant l'acte II et, idéalement, mettre une pile à l'Escouade durant la deuxième Confrontation (reproduisant en cela les variations dramatiques de la plupart des histoires d'aventures). Après quoi, il revient aux PJ de comprendre le donjon, de se retaper et de repartir à l'assaut "en connaissance de cause" pour avoir une chance raisonnable de vaincre en fin d'acte III.
Je pensais bien que mes super-dogues rencontreraient ces effets avec un certain retard, mais je n'avais pas anticipé qu'ils ne subiraient pas vraiment l'Adversité : parce qu'ils n'encaissaient jamais de défaite, les dR montaient très lentement et les PJ se promenaient donc dans le donjon sans se presser, ramassant tout ce qui pouvait leur être utile et bivouaquant à leur guise. L'Adversité ne les inquiétait même pas quand elle atteignit 19 durant l'acte II, puisqu'ils étaient à peine abîmés, avaient trouvé plus de matos qu'il n'en avaient perdu et que leur Carnet de Route regorgeait de pistes et de directions.
Tout ça sans absorber tellement de Damnation non plus, tellement ils avaient peu besoin de leurs dés Noirs [1].

Troisième dysfonctionnement, et probablement le pire : quand les joueurs lancent trop de dés Blancs (fréquemment de 7 à 9, parce qu'en plus d'être bourrins, ils s'entraident tout le temps), les probabilités de Rebondissements positifs explosent littéralement. Et cette Escouade a ainsi reçu plus de cadeaux que des jeunes mariés : des indices et du matos à foison, des Succès "à suivre" ou supplémentaires, des dés d'Espoir et des solutions toutes cuites...
Ils ont ainsi pillé mes listes de trouvailles si vite que, par paresse & désespoir, je leur ai filé plusieurs artefacts destinés à d'autres scénarios (mais qui s'appliquaient pas trop mal à leur équipe : ils n'ont pas fini de rigoler avec le Miroir des Reflets Perfides, qui révèle autrui sous un jour "démoniaque", vrai ou faux, mais forcément juste derrière l'utilisateur...). Deux PJ ont même gagné chacun une Spécialité, évènement normalement rarissime et qui a souligné à quel point les Spé sont la cryptonite de l'Attrition (c'est la seule valeur qui ne baisse jamais, même pas quand les dès d'Aptitude s'effondrent, les joueurs eux-mêmes s'en sont aperçus).
De fait, ils ne manquaient presque jamais de rien, et ça aussi participait à ridiculiser l'attrition.

Notez que si je voulais tester la surpuissance, je ne pensais pas qu'elle m'échapperaient aussi loin. En permettant aux joueurs de mini-maxer toute l'Escouade et de s'équiper sérieusement, je n'avais pas mesuré le plein effet du matos et je croyais sincèrement pouvoir équilibrer le scénar en étant simplement très méchant avec eux : stocker des dR en Obscurité pour frapper par surprise à la première occasion (c'est pas arrivé : ils avaient rarement moins de trois lampes allumées en même temps), exploiter leurs erreurs (il y en eut peu, car ils sont méthodiques), m'acharner sur les PJ les plus faibles (sont trop solides) et "tactiquer" à mort durant les Confrontations (j'ai été mauvais... -_-).
Hé ben ce fût très, très insuffisant : j'ai tendance à penser que, en "jouant" mieux, j'aurais pu calmer les ardeurs d'une Escouade à 17 ou 18dB, mais pas ces Dogues de Sombreroche.

Au final, la promenade des super-dogues prouve bien que la tension ludo-narrative voulue pour le jeu réclame que l'Escouade soit prise en tenaille entre attrition et Adversité : si l'une des deux ne pèse pas vraiment, l'autre non plus.
Et quand l'ennemi leur est tombé dessus pour la deuxième Confrontation... ils l'ont balayé sans même prendre tellement de dommages, un peu parce que le joueur de l'alchimiste était absent [2], mais surtout parce qu'ils ont fait des choix tactiques intelligents et dominaient nettement la situation. En fait, si certains PJ ne s'étaient pas comportés comme des fumiers avec les PNJ qu'ils escortent (parce que ces Dogues-là ont un petit problème d'ego), ils n'auraient sans doute même pas rencontré tellement de péripéties, et ç'aurait fait une aventure encore plus molle (c'est déjà assez médiocre, hein).

Bilan, après les avoir laissés se balader pendant les deux premiers actes, il était temps de limer les griffes de ces chiens de guerre...

1] En comparaison, l'Escouade des "Martyrs" a commencé à se démener sur le chemin de la Rédemption durant l'acte II, tant leur Damnation risquait déjà d'avoir la peau de plusieurs PJ. Certes, ces joueurs-là ont commis plein d'erreurs au début, beaucoup souffert et même abusé très tôt des dés Noirs qui les intriguaient, mais que ce mécanisme soit une menace pressante pour un groupe en étant même pas un désagrément pour l'autre souligne bien à quel point les Dogues de Sombreroche l'avaient "facile"...)

2] J'ai profité de cette occasion pour tester une règle qui m'emmerde, mais que la plupart des rôlistes semblent réclamer : pouvoir jouer même si une absence signifie qu'un PJ sera inactif, donc que les dR ne seront répartis que sur 3 perso ("ouch").
Pour voir, j'avais décidé de réduire alors l'Adversité aux 3/4, arrondis à l'inférieur, considérant que l'Escouade n'était pas privée que des dB d'un protagoniste mais aussi de ses jauges de dommages et de ses dés Noirs : le vide laissé devrait coûter bien plus qu'un quart d'Adversité. Hé ben... ça dépend du perso. A posteriori, les joueurs ont déduit que l'alchimiste n'aurait jamais occupé/éliminé 4dR à lui seul avec son arbalète, donc que son absence les avait plutôt avantagés : je pense qu'ils ont raison.

____

Corriger des valeurs numériques est d'autant plus approximatif que les facteurs d'erreurs sont multiples : pour les Dogues de Sombreroche, j'ai besoin de déterminer assez précisément de combien de dB ils "dépassent de la norme", mais aussi quels sont les avantages les plus déséquilibrés. Les premières analyses pointent vers les Spécialités, mais il faut vérifier.
Ce que je vais faire graduellement, pour mesurer le résultat après chaque changement : d'abord en rétablissant l'attrition théorique, puis en les privant des super-méga-bonus accumulés (les artefacts, les Spé gagnées, etc.), etc. C'est notamment ainsi que je saurais si la "limite supérieure" se trouve plutôt vers 17 ou 19dB pour l'Escouade, par exemple, car c'est vraiment ça que je cherche.

Dès la dernière partie, j'ai donc commencé à réduire leur force en utilisant une méthode finalement assez simple : rétablir l'attrition en distribuant des gnons.
Les dommages que les super-dogues auraient du théoriquement subir devant se trouver à peu près entre leur état actuel et tout ce que l'Escouade des Martyrs s'était prise dans la gueule, j'ai décidé de faire la moyenne entre l'équipe "trop" et l'équipe "trop peu". Comme les Dogues de Sombreroche avaient en plus été chanceux (ce qui est un facteur admis dans un jeu de dés) et que le calcul ne tombait pas très juste (c'est difficile de répartir des décimales sur 4 perso...), "pour voir", j'ai introduis un peu de hasard dans le procédé : au début de la dernière partie, les Dogues ont tous lancé 1d3+3 et appliqués autant de Dommages à leur plus haute Aptitude.
Cette fois, ils n'ont pas eu de veine (ils ont fait 6, 6, 5 et 5), mais je leur ai laissé la possibilité d'échanger les dommages du dé (donc 2 ou 3 chacun) contre autant de cases de matériel, au choix, vidées de leur Trousseau ou de leur Paquetage : laissez-moi vous dire que ça a un peu éclairci l'inventaire... :lol:

Certes, même affaibli et privé de son blindage, leur Sapeur infernal est toujours capable de balancer 6 ou 7dB en combat, mais les pénalités aux Aptitudes ont ramené tout le monde vers des scores plus raisonnables (quoique encore supérieurs à ce qu'ils sont normalement à ce stade d'une mission). Immédiatement, les supers-dogues ont commencé à trouver que tout était difficile (ce qui est très inexact, puisqu'ils lancent encore fréquemment 3 ou 4dB même sur les actions pour lesquelles ils n'ont guère de prédispositions, mais évidemment le changement est assez brutal) et ont aussi subi sensiblement plus de Complications : quand ça commence à baisser, ça empire.
Deux scènes et un retournement d'initiative à l'avantage d'une menace "équipée" plus tard (le PNJ alchimiste imprudent a tenté une décoction d'Asphalt qui a explosé dans un couloir), ils y ont laissé encore un peu plus de dommages et de matos. "Ouille".

On va jouer encore une séance comme ça avant que je décide s'il vaut la peine de les "limer" encore un peu, ou s'ils ont vraiment rejoint la zone d'équilibre du jeu pour y rester (toujours bien collés à la limite supérieure, certes, mais plus "loin au-delà"). S'ils sont encore trop balaises et s'écartent à nouveau de la normale, je leur retirerais encore quelques avantages, puis on testera une ou deux séances, et ainsi de suite. Comme, d'ici là, les Martyrs auront (j'espère) enfin fini leur propre aventure, donc affronté la méga-Confrontation finale, j'aurais alors un bon repère pour comparer les performances des deux Escouades.
Après quoi je pourrais ré-écrire ce scénario à nouveau (pour la troisième fois...), en sachant maintenant bien plus sur ce qu'il doit contenir que lorsque je l'ai conçu initialement.
Appelez-moi "Sisyphe".
8|

Au prochain post, je vous causerai enfin des Confrontations, le gros bout du système qui n'a jamais vraiment marché et que je dois sérieusement réviser.
Dernière modification par Wenlock le lun. mars 04, 2019 3:34 pm, modifié 2 fois.
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Et les Athèniens s'atteignirent...

Message par Wenlock »

Ces mois de tests parallèles avec deux Escouades très différentes (et quelques parties "locales" avec encore d'autres gens) m'ont énormément appris sur L'OdD : la conception des scénarios et la manière de les mener, les limites de sa zone d'équilibre, des subtilités mécaniques mal comprises jusqu'alors, l'usage qu'en ont les joueurs... Découvrir autant de choses sur son propre projet peut sembler paradoxal, mais c'est en fait un phénomène assez récurrent en design : autant on a besoin d'une note d'intention claire pour guider un projet, autant ces intentions ne s'éclaircissent souvent qu'en cours de développement.

C'est encore plus vrai pour les médias "interactifs" et tout particulièrement pour les jeux, car le comportement des joueurs y est un paramètre extrêmement influent et qu'il est largement imprévisible : le seul moyen de savoir comment les gens vont effectivement réagir à l'engin et agir sur lui, c'est de tester. Et de tester avec plein de gens différents, car les humains sont des bestioles tellement variées qu'on ne peut commencer à en tirer des généralités qu'en cumulant beaucoup d'expériences individuelles. L'aïeul de ce système, D3, avait ainsi vu passer une vingtaine de testeurs (ce qui était vraiment peu, je le savais à l'époque : problème de délai), L'OdD a déjà été mis à l'épreuve par une grosse quarantaine de joueurs depuis 2016 et ce n'est pas fini.

Ce processus de développement, teste et re-développement est long, laborieux et parfois frustrant, mais j'étais prévenu : d'abord parce que je commence à avoir un peu d'expérience, mais surtout parce que j'avais conscience de tenter (tout seul) quelque chose de complexe dans un genre –le donjon– et sur des thèmes "horrifiques" dont je n'étais pas très adepte.
Sachant que je basais le système sur un déséquilibre dynamique, je ne suis pas vraiment surpris que divers rouages produisent plein d'effets imprévus qu'il m'a fallu analyser et ajuster. Comme je suis encore en train d'étudier ces sujets, j'accepte d'assez bonne grâce d'être pris en défaut sur certains aspects "donjonesques" (comme l'équipement et le butin) ou de devoir me documenter et m'essorer la tronche pour résoudre des problèmes ludo-narratifs comme "maintenir l'angoisse dans un jeu de combat" (c'est pas encore réglé, mais je progresse).

Là où je suis carrément vexé, par contre, c'est que le mécanisme de L'OdD qui me résiste le plus et depuis le plus longtemps se trouve être un sujet que j'avais la prétention de bien connaître : la tactique. J'ai conçu pas mal de systèmes tactiques, en jeux de rôle comme vidéo, de plateau ou même de cartes et, s'ils n'ont certes pas tous été publiés, je m'enorgueillis de ce qu'ils sont presque tous intéressants : ils offrent plein de choix parfois cornéliens, assez de profondeur pour que l'intelligence des joueurs y pèsent plus que les chiffres, et plusieurs sont même très "faciles à apprendre, difficiles à maîtriser".
Hé ben j'ai beau réfléchir à mon approche et y aller prudemment, la mécanique de L'Ombre du Donjon passe son temps à me cogner en plein dans l'orgueil. "Aïe."
 
CONFRONTATIONS
Les scènes de "Confrontation" concluent chaque acte d'une mission par un gros affrontement dramatique et tactique : c'est un aspect très important de l'expérience, et je tiens à ce qu'il soit vraiment cool. J'ai donc expérimenté, testé, révisé et re-testé ces règles maintes fois ces dernières années mais, grossièrement, cette mécanique donne un résultat intéressant un peu moins d'une fois sur deux. Ce qui est un bon critère pour déterminer que "ça marche pas".
Il faut dire qu'il y a un paquet de paramètres à l’œuvre dans ces scènes-là, et qu'elles cristallisent plusieurs enjeux fondamentaux de L'OdD, générant un cahier des charges assez touffu qui mérite d'ailleurs d'être rappelé.
Les Confrontations doivent produire à la fois trois effets effets principaux :

► donner un exutoire à la tension ludique et dramatique dans une grosse explosion d'action en fin d'acte. Ce but plutôt "narratif" est le plus important et, malheureusement, l'aspect qui rate le plus souvent. Pour les Dogues de Sombreroche, ça a même merdé à chaque fois.

► être le pinacle tactique d'un jeu où les choix ludiques, stratégiques et techniques sont beaucoup plus diffus le reste du temps, surtout par rapport au thème ("des mercenaires endurcis combattent l'horreur dans les donjons") et à mes propres habitudes (je mène d'ordinaire des jeux bien plus techniques et tactiques).
Et mon pinacle chie gravement. Je suis frustration.
Même si beaucoup de petits mécanismes peuvent être ajustés pour favoriser ce but très "ludiste" (j'y reviens plus bas), l'expérience démontre que le jeu tactique ne se réalise que si l'enjeu narratif précédent fonctionne vraiment, ce qui n'est le cas que si l'Adversité est suffisante...

► car le troisième enjeu est de relâcher plein d'Adversité lors de ces scènes pour y faire d'abord monter la tension, puis la laisser retomber pour réamorcer sa lente progression dans l'acte suivant (ou l'épilogue, si une Confrontation marque la fin du scénar).
___

En théorie, chaque acte d'une mission devrait donc monter en intensité vers sa Confrontation finale : elle est annoncée plus ou moins subtilement lors des scènes précédentes (le rugissement des Moirés dans les mines, la lente accumulation des morts-vivants dans la cité troglodyte...) et la MJ est invitée à soustraire de ces scènes quelques dR d'Obscurité pour amplifier l'épreuve à venir. Mais, surtout, les joueurs accumulent indices et matos pour s'y préparer tout en progressant vers cette destination, puisque c'est pour l'atteindre qu'ils explorent chaque acte du donjon !
Imaginez comme c'est décevant lorsque la scène foire...

MÉCANIQUEMENT, une Confrontation consiste en un affrontement direct de toute l'Escouade contre toute l'Adversité disponible. Auparavant, chaque PJ s'est colleté avec quelques dR à chacune de ses actions mais, là, la MJ engage tous ses dés en les plaçant par paquets contre l'ensemble des perso pour une scène d'action qui peut aussi bien être une poursuite échevelée qu'une mêlée sanglante, un angoissant jeu de cache-cache contre un monstre intuable ou une guerre de positions, une énigme à résoudre en urgence ou un grand rituel hasardeux, voire une controverse sociale (quoique ce dernier exemple soit assez rare au fond des donjons).

Ces multiples situations sont simplement modélisées par les paquets de dés et les conséquences attribuées aux Succès comme aux Complications : au lieu d'appliquer les Complications comme des dommages et les Succès comme des bénéfices immédiats, on joue alors tour par tour, chaque protagoniste et antagoniste répartissant d'abord ses dés (secrètement) sur différentes actions, puis utilisant ses propres résultats pour réduire le pool adverse jusqu'à zéro. Ce n'est qu'une fois que les dés d'un camp on été entièrement éliminés qu'on déclare l'autre victorieux, puis qu'on fait le bilan des gnons encaissés selon le nombre de dés "perdus" dans chaque camp.
Ce qui permet d'abord de faire durer l'affrontement pour donner aux joueurs l'occasion de multiples choix tactiques ("Ce tour-ci, je mets tout en attaque pour tenter de briser l'encerclement !"), mais aussi de représenter des enjeux assez divers (la distance entre des poursuivants ou la progression d'un rituel) et, finalement, de mettre un PJ (ou un Adversaire) "hors de combat" sans nécessairement le tuer : à la fin de l'affrontement, on découvrira à quel point il est blessé ou traumatisé, s'il a été capturé par l'ennemi ou contaminé par un mal étrange, s'il s'est enfuit tout seul dans les tunnels...

Par exemple, dans la mission sous la fonderie de Saint-Aloi, la Confrontation du premier acte est généralement une retraite plus ou moins désordonnée hors d'un refuge submergé par les monstres, qu'une partie des mercenaires doivent retenir pendant que leurs camarades évacuent les civils par un étroit (et étrange) escalier hydraulique : en plus de se défendre et de taillader l'ennemi qui envahit le refuge par paquet de 6 à 8dR, les PJ doivent donc consacrer un Succès pour évacuer une personne, soit les 3-4 civils et chaque membre de leur Escouade (ce qui réclame de 7 à 9 Succès, mais peut mettre fin à la Scène).
La même situation peut tourner au combat d'arrière-garde dans l'escalier si les monstres n'ont pas été repoussés et s'y infiltrent avant que le passage ne se referme (c'est ce qui est arrivé aux Martyrs, ils y ont même perdu un PNJ). La Confrontation peut carrément prendre la forme d'une poursuite à travers les galeries de mine qui s'effondrent si l'Escouade tente une sortie à coups d'explosifs (justement stockés dans le-dit refuge), qu'elle ait échoué à résoudre l'énigme ouvrant l'escalier ou simplement décidé que c'était la meilleure option : quoiqu'ils fassent, les Dogues Rouges arriveront de toutes façons à l'acte suivant par l'un des deux accès prévus (le nid des Blêmes ou la nécropole). Et, ce faisant, ils auront découvert différentes infos et sauvé plus ou moins de civils (chacun présentant différents avantages et challenges pour la suite), les mains griffues des monstres leur ayant arraché à tous plus ou moins de matos et de viande.
____

Si l'Escouade a l'INITIATIVE en début de Confrontation, son Officier peut générer quelques dB de bonus par des jets de "tactique" et généralement décider de son approche (donc de son objectif), participant ainsi à modéliser la situation : c'est ainsi que les Martyrs de Mont-Grésil ont fait en sorte de déclencher leur deuxième confrontation à l'entrée d'une tour fortifiée, obligeant les morts-vivants à n'avancer que par vagues successives que leur éclaireuse sylvaine tâchait d'affaiblir à coups de flèches (c'était donc du "tower-defence") pendant que le moine tentait d'accomplir un rituel qui pouvait non seulement mettre fin au combat, mais (littéralement) éclairer la suite de leur exploration. Et ça a marché, quoiqu'en coûtant encore la vie à un PNJ.
Encerclés dans un autre secteur du village troglodyte, les Dogues de Sombreroche ont d'ailleurs appliqué une tactique très semblable en se repliant vers un double-escalier, où leurs deux guerriers pouvaient chacun retenir une colonne d'ennemis pendant que les tireurs en dégommaient un maximum depuis les paliers supérieurs.

Évidemment, dans les cas où la Confrontation prend les PJ de court (parce qu'ils ont raté leur objectif dans la scène précédente), la MJ les attaque selon la tactique de son choix et peut optimiser ses paquets de dés pour leur en foutre plein la lampe ("Alors que le Sapeur et le Moine sont déjà au contact, une horde de monstres assaillent soudain votre Arbalétrier, pris à parti par 8dR ! Qui prend le risque d'être frappé dans le dos pour aller le dégager ?"). D'autant que l'Officier doit cette fois faire des jets, en pleine scène d'action, rien que pour réussir à organiser son Escouade.
Alors le "pinacle tactique" se retourne contre les PJ et devient une scène d'horreur, ce qui va parfaitement avec notre thème.
:twisted:

Pour faire la part belle à la tactique, nos Confrontations impliquent à la fois des décisions à l'échelle de l'Escouade (qui tanke le gros monstre et qui l'attaque à distance, qui ouvre la voie en poursuite et qui pousse les retardataires) mais aussi plein de petits choix individuels puisque tous les adversaires doivent, disais-je, répartir leurs dès sur plusieurs actions. Voyons comment, en nous focalisant principalement sur le combat armé, parce que L'OdD reste un jeu de mercenaires dans les donjons...

Durant une Confrontation tour par tour, on considère Succès et Complications comme de simples "points", pour avoir une unité unique dont comparer les valeurs dans les oppositions. Ces points peuvent représenter des coups portés/parés/subits en combat, la distance perdue ou gagnée en poursuite, des arguments dans un débat...
Car, dans chaque opposition entre un PJ et un "Adversaire" (c'est à dire un paquet d'Adversité), l'important est d'abord que chacun d'eux doit au moins "attaquer" pour faire perdre des dés à l'autre et "défendre" pour protéger son propre pool, puisque les points d'Attaque qui dépassent ceux de Défense éliminent autant de dés du pool adverse.

Avoir l'Initiative dans une opposition signifie évidemment qu'on attaque le premier, et si cette attaque élimine assez de dés adverses, elle pourrait même diminuer ou –à l'extrême- annuler la riposte de cet adversaire. Ajoutons à ça qu'on peut alors investir quelques dés en Rapidité pour tenter de prendre son adversaire de vitesse, mais c'est risqué : premièrement parce que le pool est limité et qu'il faut donc soustraire ces dés de l'attaque et/ou de la défense, deuxièmement parce qu'il faut au moins 1 "point" de Rapidité pour prendre la main (à moins que l'adversaire fasse de même, et il faut alors plus de points que lui). Mais quand ça passe, ça peut être dévastateur, en particulier en combat quand on emploie une arme qui donne justement un avantage de rapidité (dague, arbalète...) et qu'on surprend un ennemi qui avait tout misé sur l'attaque.
Notez que, passé le premier tour où tous les membres du camp qui a l'initiative peuvent agir avant leurs adversaires (ce qui pourrait changer : je teste des alternatives...), l'Initiative est ensuite recalculée à chaque tour : elle revient simplement à qui conserve le plus de dés.

Attaque, Défense, Initiative et Rapidité génèrent donc une dynamique de "pierre-papier-ciseaux", qui peut encore être accentué par des choix radicaux et quelques situations particulières : mettre tous ses dés en Défense quand on est surclassé, prendre le risque de tout mettre en Attaque pour tirer parti de l'Initiative, faire plusieurs Attaques contre différentes cibles ou devoir répartir sa Défense contre plusieurs assaillants...
C'est là qu'est le sel de la mécanique de Confrontation, car c'est là qu'on doit faire "des choix intéressants".

Ces choix tactiques sont également influencés par le matériel, particulièrement en combat.
Ainsi, les bonus de dommages et, à l'inverse, les armures vont modifier les pertes de dés, donc le pool disponible à chaque adversaire et finalement l'actualisation de l'Initiative. Mais le fait qu'une dague n'offre qu'un bonus de rapidité, qu'une arme à deux mains n'augmente les dommages que si l'attaque passe, qu'un bouclier ne serve qu'en défense ou que le tir permette souvent d'attaquer sans avoir à se défendre devrait nettement orienter la tactique et même, idéalement, le "style" de combat.
Ce qui étend alors nos questions tactiques à une vraie notion de stratégie, puisque ça implique que les personnages favorisent des combinaisons de matos et de répartitions qui tirent le meilleur parti de leur investissement. Et ça peut même devenir un "moyen d'expression" pour les joueurs, puisque différencier et typer leurs personnages est un enjeu roleplay que D&D, Dungeon World ou le dernier JdR Conan avaient compris bien avant moi. (Passqueuh le Delfino, pendant qu'il se masturbait l'ambigüité morale avec ses parts d'Ombre et sa Damnation, il en oubliait les fondamentaux du donjon comme un gros noob.)

Mais tout ça ne fonctionnera que si je finis par régler correctement la granularité de ces différents aspects, peut-être bien en recourant à la notion de "points automatiques" (des dés qu'on répartit sur ses actions comme des tokens, mais qu'on ne lance pas puisque leur résultat est déjà connu) plutôt qu'en ajoutant des dB et des dR à différents endroits. Ç’aurait notamment l'avantage de temporiser l'aléa, qui est d'ailleurs un paramètre assez volatil dans les Confrontations...

Car il faut bien se rendre compte que diviser son pool sur différentes actions perturbe les probabilités.
Pour commencer, moins on lance de dès Blancs et Rouge les uns contre les autres, plus le résultat de leur comparaison finale devient aléatoire, et plus la probabilité de matchs nuls augmente (comme on l'a dit dans un post précédent).
Ensuite, moins on lance à la fois de dés d'une couleur, plus les chances d'un Rebondissement s'effondre. Et, honnêtement, il vaut mieux : d'une part parce que la MJ a déjà bien assez à faire durant les Confrontations (elle gère la tactique pour ses différents Adversaires) et que s'épargner trop "d'effets spéciaux" lui facilite la gestion de la scène, mais aussi parce qu'en stabilisant un peu la plage de résultats (déjà perturbée par l'augmentation de l'aléa), on donne à tout le monde d'avantage de contrôle sur ses actions.

Au global, tout ça veut dire que plus on tente d'actions dans le même tour (notamment si on mise des dés en rapidité ou dans d'autres manœuvres tordues), plus on réduit les chances de réussite de chacune d'elles et même leur chances de Rebondissements. Et quand les deux camps divisent chacun leur pool sur plus de deux actions par tour, les Confrontations deviennent extrêmement hasardeuses : ça peut partir dans tous les sens, mais donc aussi basculer irrémédiablement à l'avantage d'un camp sans que l'autre puise remonter au score, ce qui contredit finalement l'importance des choix et donc l'aspect tactique que je voudrais mettre en valeur.
À la limite, que les chances d'égalités s'accroissent quand on lance moins de dés Rouges et Blancs aurait pour une fois un effet stabilisateur plutôt bienvenu...
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Pour y avoir beaucoup réfléchis depuis quelques mois, il me semble que tout l'enjeu gameplay des Confrontations se trouve justement dans le fait d'essayer de contrôler l'aléa : c'est précisément l'incarnation ludique de la notion de tactique, et ça irait fort bien avec mes thèmes narratifs.
Il faut « simplement » que j'arrive à faire fonctionner cette putain de mécanique.:grmbl:
Voyons pourquoi elle déconne dans le post suivant (c'est long à écrire, tout ça)...
Dernière modification par Wenlock le lun. mars 04, 2019 3:52 pm, modifié 1 fois.
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Et les Athèniens se ratèrent...

Message par Wenlock »

Attention cher lecteurs, j'ai rajouté quelques paragraphes vers la fin du message précédent pour y décrire le principe de répartition des dés tour par tour (qui faisait plus de sens avec l'explication de cette mécanique qu'avec la présente analyse de ce qui déconne). J'ai mis en bleu quelques exergues de ces rajouts pour qu'on les repère mieux...

Alors, qu'est-ce qui foire, dans les Confrontations ?
Différentes choses, en fait...

Tout d'abord, j'ai commis l'erreur fondamentale d'importer cette mécanique de conflit depuis cinÉtic sans accorder assez d'attention à son adaptation. Je ne vais pas vous présenter ici tout cet autre système (vous pouvez suivre le lien si ça vous intéresse) mais on y trouve déjà les concepts de débrayer un système d'attrition pour démultiplier l'action en tour par tour, la répartition d'un pool sur différentes tentatives chaque tour pour augmenter la tension entre contrôle et aléa, l'influence mécanique de l'équipement démultipliée par le nombre des actions et, peut-être le plus important, l'utilisation de valeurs abstraites pour modéliser souplement des situations tactiques très variées qui peuvent n'avoir rien à voir avec la baston...
Utilisant tous ces mêmes principes, les différents modules de Conflit* sont un des aspects les plus réussis de cinÉtic : ils étendent considérablement le gameplay, ils permettent un jeu vraiment stratégique et tactique à différents niveaux, ils donnent à ces scènes une tension ludique et dramatique encore accrue par le fait que le roleplay y conserve son influence. Mes joueurs les aiment beaucoup et j'en suis très content.
Mais j'aurais dû me rappeler que l'intensité des Conflits doit beaucoup au soin et aux outils consacrés à les équilibrer...

Car ce genre d'affrontement tactique n'est intéressant que s'il est incertain, et ça signifie que l'une des préoccupations récurrentes de leur modélisation doit être d'équilibrer les chances : pour que la réflexion des joueurs comme les risques qu'ils prennent puissent vraiment "faire la différence", qu'ils soient un vrai challenge ludique et dramatique, il faut justement doser l'opposition pour que se contenter de faire rouler les dés soit très dangereux. Ce n'est qu'ainsi qu'on donne aux joueurs une bonne raison de se creuser la tronche, de faire des sacrifices et de prier très fort avant de lancer les dés.

Dans cinÉtic, cet "équilibre risqué" est assez facile à trouver parce que le système fournit divers outils d'évaluation des forces dans chaque camp, que les PJ peuvent toujours tenter d'éviter l'affrontement s'ils se jugent trop mal barrés et parce qu'on ne démarre jamais un module de Conflit QUE s'il y a un enjeu dramatique et une incertitude ludique. Sans quoi, on gère les affrontements plus simplement.
En fait, mon vieux système inclus carrément un petit mécanisme "d'engagement" servant à tester l'équilibre pour éviter de se lancer dans une grosse scène compliquée quand elle risquerait d'être décevante : si l'un des camps peut prendre l'avantage au premier jet, alors il gagne aussitôt et le Conflit en tour par tour n'a pas lieu.

* Si tous les Conflits partagent la même mécanique de base, différents modules proposent plein de petites variantes pour mettre en valeur les enjeux de différentes situations : l'importance des distances, cadences de tir et de la couverture lors des fusillades ; les variations du terrain durant les poursuites ; le poids de l'information dans les interrogatoires ; les conséquences de l'échelon stratégique dans les scènes de bataille ; la coordination de l'équipe et les manœuvres dans les affrontements entre véhicules (combat naval ou spatial, poursuite-fusillade en voiture)... Tout ça permet de varier les plaisirs, mais comme ça complique une mécanique déjà un peu lourde, il est d'autant plus important de ne démarrer un module que si c'est ludique et dramatiquement intéressant.
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Malheureusement, aucune de ces règles permettant d'éviter l'affrontement à moins qu'il soit assurément "incertain" n'est vraiment adaptée à L'Ombre du Donjon. Essentiellement parce que les Confrontations y sont des scènes obligées, qui se produisent à des moments déterminés par l'explo' plutôt que "seulement quand elles marchent".
Ces scènes étant programmées par le système, je dois alors trouver des solutions systémiques pour qu'elles soient "suffisamment incertaines". Sauf que, vous allez rire : la zone d'incertitude est une sous-partie que la zone d'équilibre, sur laquelle la MJ a encore moins de prise...
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En l'occurrence, si la zone d'équilibre dépend toujours de l'écart, assez étroit, entre la force de l'Escouade et l'Adversité, la "zone d'incertitude" utile aux Confrontations est grossièrement la moitié de cet écart qui penche en faveur du donjon (sans écraser les PJ).
Parce qu'il n'y a vraiment que dans cette fine bande de valeurs que l'Adversité peut tenir la dragée haute à des PJ qui emploient contre elle des moyens qu'elle n'a pas. En particulier, les PJ profitent des dés Noirs et d'Espoir (des dB de bonus qu'une Escouade peut gagner sur des coups de bol et stocker "pour plus tard"), mais ils bénéficient plus souvent de l'Initiative (pour peu qu'ils aient bien géré leur explo' préalable) et cumulent généralement plus de bonus matériels que les Adversaires.
Si l'Escouade est ainsi favorisée de différentes manières mais que l'intensité d'une scène de Confrontation réclame l'incertitude, il faudrait au bas mot que l'Adversité cumule généralement plus de dés que les PJ. Mais si on veut vraiment que les choix des joueurs y pèsent au moins autant que les dés voire, de préférence, que ce soit leur réflexion tactique qui finisse par faire la différence, il faudrait même que l'Escouade commence chaque scène avec une nette infériorité numérique.

Mais c'est difficile à obtenir.
D'une part parce que notre "zone d'incertitude" est certes assez fine, mais surtout qu'elle borde (logiquement) le point de rupture où l'Adversité massacre l'Escouade. Ce qui peut être souhaitable dans certains cas, mais ne peut pas être "systématique" (sinon, y a pu de jeu).
D'autre part parce que le pool d'Adversité de la MJ est principalement déterminé par l'ensemble du système d'exploration/attrition/butin/bivouac, donc le nombre de scènes et d'éventuelles défaites que les PJ auront rencontré avant d'arriver à cette fameuse Confrontation. L'équipement des Adversaires et le mécanisme d'Obscurité (qui permet de soustraire des dR aux scènes précédentes pour les ressortir "quand la lumière s'éteint") offrent chacun une petite marge d'ajustement à la meneuse, mais de mon expérience ça ne suffit pas souvent.

Par exemple, si les mercenaires découvrent enfin la Confrontation de fin d'acte après s'être beaucoup plantés, ils vont être très affaiblis, l'Adversité assez renforcée... et un écart trop important risque fort d'écraser les PJ. Bien sûr, ils peuvent encore employer leur Ombre à chaque jet dans l'espoir de s'en sortir, mais ça pourrait toujours rater (malgré leurs avantages, les dN ne sont que des dés) et être par ailleurs contraint d'absorber 6 ou 7 cases de Damnation en une seule scène semble un glissement trop sévère pour la lente dégradation que devrait être l'enjeu moral de L'OdD. Pire encore : quand les PJ sont trop gravement en infériorité, il ne peuvent plus faire de choix tactiques "intéressants" parce que toutes leurs options sont mauvaises... et c'est pas drôle.
À l'inverse, comme l'ont démontré les Dogues de Sombreroche, si l'Escouade attaque cette scène depuis une position trop forte (en pleine forme, avec d'autres avantages que l'initiative, des PNJ, trop de dés, trop de matos...), elle va tout simplement pulvériser l'Adversité et il n'y aura ni challenge, ni tension. Et c'est sans intérêt.

Malheureusement, non seulement notre fameuse zone d'équilibre est plus fine en Confrontation, mais la répartition des pools sur plusieurs actions rendent ces dernières encore plus aléatoires : les chances que le grand final d'un acte parte en vrille sont donc assez élevées et, la preuve, les play-tests démontrent que ça merde plus de la moitié du temps.
Notez d'ailleurs que si ces scènes ne se produisent qu'une fois par Acte par définition, ça signifie aussi qu'elles ne sont pas qu'un point critique et problématique du système, mais aussi un aspect beaucoup moins testé que le reste. C'est con, hein ? Il va donc sans doute falloir que j'organise des play-tests spécialement dédiés aux Confrontations. Ce que, vous allez rire, j'ai jadis eut la bonne idée de faire pour les Conflits dès le début du projet cinÉtic, mais qui m'était jusqu'alors complètement sorti de la tête. (C'est un vrai risque lorsqu'on développe seul et qu'on garde trop longtemps la tête dans le guidon :  faut vraiment que j'y fasse gaffe.)

Pour contrôler toutes ces dérives et tirer "systématiquement" (?) le plein potentiel dramatique et tactique de ces scènes, il est donc grand temps que je développe de nouvelles solutions pour chacun des problèmes posés.
J'ai heureusement commencé.
____

Les testeurs, en particulier les Dogues de Sombreroche, ont proposés plein d'idées pour modifier tout ça, quoique la plupart de leurs suggestions avaient surtout pour effet d'augmenter encore l'instabilité mécanique des oppositions. (C'est pas un tort de leur part, ça tient au fait qu'ils ne peuvent vraiment regarder la mécanique que "de l'intérieur".)

Ils m'ont néanmoins donné plusieurs idées concernant la Défense : jusqu'ici, quand celle-ci produisait plus de pions que l'Attaque, le défenseur n'en tirait aucun bénéfice. C'était une sorte de "taxe sur la prudence" que j'avais voulue, mais qui s'avérait finalement un peu conne. À l'inverse, comme les dommages commençaient par éliminer les dés adverses qui n'avaient pas roulé, une grosse attaque suffisait à déséquilibrer aussitôt l'opposition en éliminant l'éventuelle riposte, et non seulement ça écourtait la scène, mais ça réduisait quasiment les options tactiques à "bourriner sur l'offensive dès qu'on a l'Init' ".

Le premier concept que je veux donc tester est que les dommages entament d'abord les dés qui ont déjà roulé : ça évitera de balayer un adversaire d'une seule attaque pour n'avoir plus ensuite qu'à le finir au tour d'après sans qu'il y puisse rien (réduire le risque nuit à l'intensité, donc c'est nul). Par ailleurs, en réduisant considérablement les chances d'annuler l'éventuelle riposte, on contraint celui qui a l'initiative à se préoccuper de Défense, donc à faire un choix plus conscient (limiter les gains et les pertes en pondérant ses Attaques par ses Défenses, tout miser sur son attaque parce qu'on a confiance où, au contraire, parce qu'on est désespéré...).
Le deuxième est la possibilité de reporter les pions de Défense surnuméraires comme autant de dés de Riposte : j'espère non seulement que ça dynamisera les oppositions en multipliant les interactions, mais aussi que ça réservera des surprises et que, en réponse, ça incitera les PJ à se défendre même lorsqu'ils ont l'avantage (l'Initiative, notamment).

Idéalement, l'interaction de ces deux mécanismes devrait surtout produire une bien plus grande variété de résultats, donc de situations tactiques. Car, durant un même tour, on pourrait entamer l'ennemi mais quand-même se manger une riposte cinglante, foirer son attaque mais sauver sa défense (rallongeant la bagarre), réussir à cogner tout en se préservant (youpi !), les deux combattants peuvent tout à fait s'amocher mutuellement (et se retrouver ensuite à galérer l'un contre l'autre avec les dés qui leur restent)...
Ces diverses situations pouvant se produire en parallèle pour différents PJ, en les incitant en plus à se réorganiser ("Au secours, je me fais massacrer ! _Tiens bon ! Je vais tout risquer en attaque pour finir mon ennemi ce tour-ci, et tenter de venir t'aider ensuite."), tout ça devrait multiplier les occasions de s'inquiéter, de faire des sacrifices et "des choix intéressants".

(Et si vous vous demandez pourquoi je n'avais pas encore inclus toutes ces options dans la mécanique, figurez-vous que c'était à la fois pour économiser du texte, ne pas trop mettre l'accent sur la baston et par souci de "simplicité".
Mais il se trouve que, pour une fois, j'ai ainsi d'avantage handicapé le développement du gameplay que je n'ai amélioré sa jouabilité, notamment parce que j'ai oublié que jouer des mercenaires dans les donjons réclamait une mécanique de combat vraiment intéressante.
Des fois, le game design, c'est plein de contradictions...)


Autre axe de recherche brièvement mentionné précédemment : le recours à des résultats automatiques comme modificateurs d'équipement semble un bon moyen de réduire la part d'aléa, plutôt que de l'augmenter en ajoutant des dés Blancs ou Rouges.
Ça va de paire avec le développement progressif des règles de matériel (que j'avais par trop négligé), et ça signifierait par exemple qu'une arme spéciale produirait un "point" automatique dans le pool de son utilisateur (un PJ comme un Adversaire) sous la forme d'un dé bloqué sur un résultat précis (ce que le One Roll Engine appelle des "hard-dice", et que j'avais déjà tenté d'employer pour D3, mais assez mal). Ça n'étend pas le pool de dés, en termes de proba' ça n'ajoute tout de même que 50% de chance d'un point à ce dé-là (même si ça nous amène à 100%), on peut le placer d'avance sur une action importante ou risquée pour en contrôler l'issue, et l'objet-dé lui-même sert alors de token pour signaler le "point".

Puisque j'ai par ailleurs un léger problème de surpuissance avec certaines Escouades, ces points pourraient même conserver leur intérêt numérique et créer une sorte de "pré-requis de compétence" en absorbant carrément des dés Blancs : un bouclier offrant 2 points de Défense réclamerait alors qu'un perso mette au moins 2dB sur cette action pour effectivement bénéficier de ces 2 "Succès automatiques". Ce pourrait être un bon moyen de rendre plus "statiques" des mécanismes qui, actuellement, sont tellement "dynamiques" qu'ils partent un peu dans tous les sens : à tester.

Ces "points" peuvent encore être pré-attribués à une action particulière (Attaque, Défense, Rapidité...) pour typer un peu le style de combat des perso, mais surtout pour permettre des stratégies distinctes par la combinaison d'équipements spécifiques avec des tactiques particulières.
Par exemple, un Malandrin armé de deux dagues offrant chacune 1 points de Rapidité a tout intérêt à se jeter comme un furieux sur ses ennemis (même quand ceux-ci croyaient avoir l'Initiative), mais ça peut aussi tourner très mal s'il est stoppé par une grosse Défense ou s'il ne cause simplement pas assez de dommages pour s'éviter une riposte. De même, une arme à deux mains qui prive son porteur d'user d'un bouclier en n'augmentant les dommages que si l'Attaque dépasse la Défense implique là aussi de prendre le risque d'une tactique très offensive pour vraiment en tirer parti.
À l'inverse, notre fameux bouclier à 2 points crée une forme "d'assurance défensive" qui permet, suivant les situations, de se permettre quelques risques sur l'attaque ou au contraire de compter sur une grosse Défense pour, peut-être, en tirer une occasion de riposte même contre un ennemi apparemment trop fort.

Pour conclure sur les "points automatiques", j'envisage même de leur fixer un chiffre particulier pour chaque type d'action (les Succès automatiques de Rapidité étant toujours des 6, ceux d'Attaque des 5 et ceux de Défense des 4, par exemple), non seulement pour simplifier leur interaction avec le mécanisme de Rebondissement mais, puisque je dois déjà redévelopper cet aspect, carrément relier ces équipements à une table de Rebondissements spécifique au combat.
Ainsi, un bouclier augmenterait la probabilité des coups de Chance spécifiques à la Défense quand un cimeterre produirait plus souvent des péripéties relatives à l'Attaque, etc. Et on pourrait même mélanger un peu (une "main-gauche" devenant une dague avec un point de Défense 4 qui augmente les prob' de désarmer ou de riposter).

Par ailleurs, je vais faire quelques essais de "dommages et pénalités temporaires", consistant à plutôt bloquer des dés adverses pour un tour qu'à les éliminer définitivement.
Si on se fie aux nombreux usages rigolos de ces notions dans cinÉtic, il se peut que j'en tire des options tactiques utiles comme les blocages et immobilisations ("Après cette habile parade, j'emploie mes points pour coincer tes dés !"), la possibilité d'étourdir un ennemi (ce qui différencierait enfin les masses des autres armes), possiblement jusqu'au "stun-lock" (étourdir un adversaire tour après tour pour l'empêcher d'attaquer) si ces dés temporairement bloqués sont toutefois exclus du score d'Initiative. Je me demande si je pourrais ainsi modéliser une sorte de tactique de "rétiaire" (je te coince avec mon filet/ma main-gauche/mon fouet, puis je te larde avec mon autre arme).
Ça peut même simplifier les bombes "étourdissantes" (certains Alchimistes ont de fait des grenades flash-bang, très utiles dans les couloirs plein de monstres)...

Bref, il y a plein de trucs à en tirer, mais il faudra éviter que la mécanique de combat devienne une usine à gaz.
 
____

Évidemment, toutes ces idées doivent être sérieusement testées (je viens de me rallonger encore le boulot), après quoi il faudra que je me démerde pour faire rentrer celles qui fonctionnent le mieux dans la fiche de perso et, surtout, dans mon signage tristement limité, car je ne pourrais déjà pas mettre dans le bouquin tout ce que j'aurais voulu.
Il n'est même pas impossible que les re-développements du combat, du matos et des rebondissements m'obligent à supprimer non seulement les pages d'explications du design, mais carrément l'un des trois scénarios d'introduction que j'avais prévu.
Comme quoi, les contraintes éditoriales peuvent vraiment peser sur le design. :neutral:

Pourtant, tous ces jolis concepts ne résolvent pas mon principal problème : l'équilibrage "systémique" des Confrontations. Ça, c'est un tout autre chantier qui fera l'objet d'un autre post...
Dernière modification par Wenlock le dim. mars 10, 2019 6:22 am, modifié 1 fois.
Sébastien Delfino, partisan des vrais blases sur Internet.

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