[CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

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Taho
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Taho »

Eh beh, ça fait longtemps qu'on avait pas posté.

Du coup, on a deux CR tout chauds, et un troisième qui arrive demain. Je vous en poste déjà un, et on enchaînera les autres dans les jours qui suivent.

Ce chapitre est écrit du point de vue de Alder le borgne, l'un des soldats qui accompagnait la mission de "sauvetage" (qui a dit fiasco?) aux Jumeaux. Excusez son franc parlé, ce n'est qu'un soldat après tout...

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Chapitre 41 - Certains l'aime chaud

Après des jours de voyage depuis Salvemer, dans la boue et le froid, nous n’avions pas passé une journée dans ce trou à Frey que les grabuges commençaient. Je l’avais dit depuis le début que venir fourrer son nez dans ce guêpier était une monumentale connerie, mais que voulez-vous, personne n’écoute un simple trouffion. Pas même ceux qui servent la maison Blacksword depuis plus de vingt ans. Pas même ceux qui ont perdu un œil pour sauver les miches de sa sainteté Jorren Blacksword, le frère de notre seigneur, paix à leurs âmes et à leurs os, qui ont déjà rejoint la terre. Les miens les accompagneront bientôt, ça ne fait pas de doute ! Vu les emmerdes que nous ont attirées les nobliaux d’en haut, j’aurai de la chance de voir le soleil se lever à nouveau. De tâter une dernière fois la fesse rebondie d’une ribaude généreuse…

Notre escouade avait tout juste déballé ses affaires, dans les tentes minables « gracieusement » mises à notre disposition par môssieur Frey, le trois-fois-maudit patriarche de ce nid de vipères, lorsqu’on nous somma de sortir. Déjà, je flairai la chamaille. Rien que le ton du larron qui nous apostrophait de là-dehors, on avait bien compris que le but était pas de recevoir un baiser sur la joue et une chopine bien fraiche. On était donc sur nos gardes, mais pas très lourdement armés : grave erreur. Black Walder et ses chiens de garde nous encerclaient dès la sortie.

« Tuez-les ! » qu’il a dit.

Pas loin de moi, je trouvais le regard de Wyndom Wyatt, encore grimé en espèce de cocher (il savait pas conduire un attelage, mais je dois avouer que son interprétation de pouilleux valait le détour !). Alors que les soldats des Jumeaux fondaient sur nous, je l’ai vu s’empaler tout seul sur une lance comme un imbécile. Chapeau bas, compagnon. Quelle mort minable ! De mon côté, je ne perdais pas mon sang froid. Je plongeai vers l’arrière pour disparaître dans la tente, d’où je tirai ma lance et mon bouclier. Le premier gueux a entrer fit tout de suite une indigestion de fer : dix pouces d’acier dans la panse !

J’en épinglai un deuxième avant de ramper sous la toile pour me sortir de cette embûche. Heureusement, la nuit commençait à tomber, et je pus donc me faufiler à travers la cour jusqu’aux écuries. Je me glissai là dans de la vieille paille moisie, du purin plein les chausses, guettant la bonne opportunité de m’enfuir. Avant de m’enfoncer dans ma planque, toutefois, je vis Wyndom Wyatt se relever au milieu des cadavres et s’éclipser dans la tour. Quel vieux roublard, celui-là ! J’avais eu tort de l’enterrer si tôt.

***

Et c’est là que vous me trouvez, chers amis ! Me voilà donc dans de beaux draps ! Vautré dans la fange comme un miséreux ! Je ne sais pas ce que les sang-bleu ont fait comme conneries pour nous mettre dans cette galère, mais là on peut dire que je vois les rames de près ! Patiemment, j’attends que la nuit s’épaississe pour grimper sur le toit de l’écurie. De là, je pourrai atteindre le chemin de ronde : je serai mobile dès que le moment sera venu.

Ce que j’attends ? Un signe du cousin Blacksword, pardi ! Entre Wyndom en mission de sauvetage et les méninges de ce grand escogriffe de Volken, ils vont bien réussir à trouver quelque chose pour se tirer de là. Pourtant, je vois bien que cette bande de fouines de Frey n’ont pas abandonné la chasse. Ils savent que j’ai étrillé deux d’entre eux avant de m’évanouir dans la nature. Mais que faire pour profiter de cet avantage ?
Finalement, j’en ai assez d’attendre. Laissant là lance et bouclier, je me hisse jusqu’aux créneaux. Dans les ténèbres profondes, personne ne me voit. J’approche d’un garde par derrière et je le saigne comme un goret. Allez hop ! Par-dessus bord, le bonhomme. Le corps fait un joli « plouf » en tombant dans les douves.

« Alerte ! Un prisonnier a sauté dans les douves ! » que je leur hurle du haut de ma muraille. J’en rigole encore lorsque je redescends de mon perchoir pour reprendre ma lance et mon bouclier. La confusion me permet de redescendre sur le plancher des vaches et de me diriger vers le château. La grille est levée, voilà une porte de sortie. J’espère que ces couillons de nobles ont pas raté le coche !

Je suis rassuré en voyant dans les escaliers un groupe de larrons, dont certains pourvus de trop belles paires de loches pour être des soldats.
« Ah bah vous voilà ! » que je leur aboie. Les oursonnes tiennent Volken avec elles comme un prisonnier, et Wyndom complète le tout, lui aussi vêtu du tabard des Frey. La belle équipe, je vous jure !

« On descend aux cachots ! » qu’il me dit, le petit mignon.
— Pas moi, les amis ! que je réponds. Je vais monter foutre le bordel dans les étages et leur roussir un peu les poils du cul !
— Prends-ça, alors, » qu’ils me disent en me donnant une fiole.
Je reçois la chose d’un air circonspect, mais à l’éclat verdâtre du contenu, je comprends de quoi il s’agit.
« Par tous les rhumes de cul qu’ont pris mes aïeux en pissant sous les haies ! Du feu grégeois ! »
Le sourire aux lèvres, la lance bien calée sous le coude, la fiole à la ceinture, je grimpe les escaliers quatre à quatre, prêt pour ma dernière sérénade. Et celle là, elle va faire un tel « boum » qu’on l’entendra jusqu’à Port-Réal !

Premier étage. Première chambre : vide. Je fous le feu partout. Deuxième chambre : une donzelle. Et pas dégueu, je dois ajouter, mais l’heure n’est pas aux galipettes ! Pendant qu’elle s’enfuit en hurlant, je crame son lit et ses rideaux avant de repartir dans le couloir.
Trois étages comme ça avant de tomber sur un premier garde. Je lui rentre ma lance dans le pif et je continue ma route. Je me garde le précieux liquide pour le haut de la tour. Les Jumeaux vont passer leur coiffu vert de cérémonie ce soir, mesdames !

Cinquième étage. Une chambre de luxe. Le lit est déjà en flammes lorsque Black Walder fait son entrée. Il brandit sa grande épée, et son visage a pris une jolie teinte cramoisie sous l’amas de poils hirsutes. Il est remonté, l’animal !

« Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ? » qu’il se met à braire.

Il a des hommes derrière lui, mais il s’avance seul devant moi. Oh, qu’est-ce que je donnerais pas pour récupérer mon œil droit, là, tout de suite, maintenant ! Je suis sûr que je lui donnerais une bonne fessée, à ce garnement. Mais là, je me dis : « Alder, mon vieux, tu vas sortir par la grande porte. »

Il abat son arme. Je vois tout de suite qu’il m’a sous-estimé. C’est peut-être déplacé, mais j’ai tout de même une petite seconde de contentement propre aux vieux cons dans mon genre, toujours ravis d’apprendre une leçon ou deux à leurs cadets. La joie est de courte durée, malheureusement, et ses bras vigoureux font pleuvoir l’acier sur mon pauvre bouclier usé. Éclats de bois et étincelles. Je bloque à l’arrachée, coup après coup, sans parvenir à trouver la faille pour entrer à mon tour. Je me sens fatiguer, et un instant suffit pour qu’il me choque au casque. Le métal prend le plus gros, mais la frappe me secoue la caboche. Je suis plus lent sur le second : même cible, même punition. Mes genoux commencent à trembler. Il fait un pas et frappe d’estoc.

J’ai soudain très froid dans l’estomac.

Black Walder, le visage couvert de sueur, me regarde avec satisfaction et, je le remarque tout de même, une pointe de respect.
« Attends un peu, garçon, que je me dis. C’est pas fini, cette histoire ! »

J’envoie valdinguer lance et bouclier pour lui agripper le bras d’arme. La lame se loge un peu plus profondément dans mon abdomen. Je la sens racler contre le dos de ma cotte de maille. Walder est surpris par la vigueur de ma poigne. Je le tire en arrière et il titube sur quelques mètres. Le lit en feu n’est pas loin ! Encore un pas…

Mon regard tombe sur la cour du château, illuminée par les incendies multiples. Un groupe de bras-cassés est en train de fuir ventre à terre pour passer avant la fermeture de la herse. Je les vois donner leur maximum, plonger, rouler et disparaître dans la nuit au-delà du pont-levis.
« Au moins, ils se sont tirés ! » que je me dis.

Les forces commencent à me manquer, et Black Walder en profite pour arracher sa lame. Mon sang jaillit, comme un rideau qui s’abaisse après la représentation. Je ne sens plus rien, et je chute, chute vers les flammes. Dans mes mains, je brandis la fiole verdâtre. Je fixe Walder de mon seul œil. Et il comprend, il comprend trop tard à quel fumier il a à faire.

« Dis au revoir, mon cochon ! »

La fiole explose et m’emporte. Je m’évanouis dans la nuit, loin des terres de mes ancêtres. Mais le vent me porte sur son dos ; je m’en vais les rejoindre.
Dernière modification par Taho le jeu. déc. 11, 2014 4:38 pm, modifié 2 fois.
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pelon
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par pelon »

la suite!!!
:bravo:
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le Zakhan Noir
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par le Zakhan Noir »

la suite c'est 2 CR à venir sur des séances déjà faites... et croyez moi, les spectateurs romains assoiffés de sang que vous êtes vont être comblés.... glaps.
Expliquer une blague, c'est comme disséquer une grenouille. On comprend le mécanisme, mais elle n'y survit pas (Mark Twain, un peu modifié)
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Taho
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Taho »

Ouaip... je viens de finir d'écrire celui de la séance de mardi soir, et c'est bien sanglant... Je n'en dirai pas plus. =P
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Message par Ravortel »

Sluuuuuuurp. :)
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par pelon »

puisqu'on est chez les romains :bouh: aux vaincus

:D
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Taho »

Et voilà le chapitre 42, écrit de la plume habile de Wyndom Wyatt. Il prend un point de vue un peu inattendu mais très plaisant à lire !

Je dois par contre signalé, chose qui échappe complètement dans les compte-rendus, ce que les personnages ont trouvé dans les geôles des Jumeaux. Le fils Manderly n'y était pas du tout. Par contre, ils y ont trouvé Great Jon Umber, seigneur de Last Hearth, et son fils Small Jon, mourant, qui a expiré une fois au dehors. Une fois de retour à Deathwatch, Lord Umber a regagné sa demeure avec la dépouille de son fils.



Chapitre 42 - les Rouages de Deathwatch

Si mon séjour loin de Deathwatch m'a appris une chose, c'est bien celle-ci : lorsqu'on libère quelqu'un après plusieurs années d'emprisonnement, ce n'est pas un homme qui ressort mais deux. Voilà maintenant quelques semaines que j'ai recouvré ma « liberté » et je constate avec amertume que j'ai troqué ma geôle contre une autre, certes plus vaste.

J'ai passé la plus grande partie de ma vie au service de l'Immortel, jusqu'à ce qu'on m'oublie comme une mauvaise habitude dont on aurait honte de se souvenir, au fond d'un cachot humide et sans lumière. Cette vie, je l'ai consacrée à échafauder des plans ; parfois avec cynisme, parfois par idéalisme. Mon incarcération m'a fait découvrir qu'en fixant un objet pendant suffisamment longtemps, on peut finir par apercevoir tous les petits rouages qui lui permettent de fonctionner et d'avancer.

Prenez Volken Blacksword, par exemple. Un garçon charmant. Un homme à femmes, diront certains, guidé par… son cœur et ses émotions. Toujours prêt à tous les exploits pour conquérir sa belle ; vexé comme un enfant lorsqu'on lui refuse l'occasion de briller. Pour lui, tout est prétexte à prouver sa valeur, aux dames surtout : une guerre, une mission périlleuse aux Jumeaux… au fond, qu'importe. Dans son propre entourage, certains peinent à le considérer avec sérieux à cause de ses allures de personnage de roman. Qui confierait le destin d'une ville à un homme aussi inconstant ?

Et pourtant… moi, je sais que derrière Volken le séducteur, la « grande gueule », comme il aime à se surnommer, se cache un être beaucoup plus sombre, un individu qui ne reculerait devant rien pour obtenir ce qu'il convoite vraiment. Un fils qui, après avoir sérieusement terni la réputation du fief de son grand-père, abandonnerait sa propre mère aux bons soins de son aïeul, sans même se soucier de son sort. Que faudrait-il pour le faire définitivement basculer, pour que le masque tombe ? La perte d'un proche, peut-être. Dans ce monde sans pitié, tout va si vite… Il suffit parfois d'un simple voyage d'affaire, quelques jours passés loin de ceux qui nous sont le plus chers pour que tout change.

Ce n'est certainement pas dame Illirya qui dira le contraire. Quelle belle histoire que celle de cette jeune femme, arrivée de Braavos avec sa bonne mine pour seule arme, et qui compte aujourd'hui parmi les plus proches conseillers d'Edrick. À mon retour, j'ai commis l'erreur de la prendre pour une simple intrigante. En réalité, de toutes les personnes qui vivent à Deathwatch, elle est sans doute la plus dangereuse.

Mais ce pouvoir, n'est-il pas un masque, lui aussi ? Sinon, comment expliquer sa décision quelque peu hâtive de faire fuir la ville en toute discrétion à son unique enfant, Ferrego ? De la part d'une femme qui prétend voir l'avenir, un tel comportement a de quoi laisser perplexe. Malheureusement pour elle et malgré de louables efforts, la nouvelle n'a pas tardé à s'ébruiter. Je ne suis plus un jeune homme, mais cette ville est encore ma ville et rien de ce qui s'y passe ne peut m'échapper longtemps. De fait, le stratagème ne devait pas être très habile car Lady Lyanna a elle aussi eu vent de la chose.

Qu'est-ce qui peut bien pousser une si jeune femme, si peu de temps après le drame que l'on sait, à envoyer au loin son unique enfant ? Malgré les fabuleux pouvoirs qu'elle manie avec une telle libéralité, sa douleur n'en est pas moins grande. Sa situation est d'autant plus pénible quand on sait à quel point elle redoute les voyages en mer. Elle sera peut-être encore plus abattue quand j'aurai appris la destination du bateau sur lequel le petit Ferrego est parti, ce qui finira forcément par arriver. Lorsque le masque tombe, que reste-t-il, sinon une jeune mère désemparée ?

Le pouvoir est comme une drogue et, sans le savoir, ceux qui en abusent s'affaiblissent. Je ne doute pas un instant que sa décision lui a été inspirée par une de ses visions mystiques. Mais, comme nous en avons fait l'expérience aux Jumeaux, la vision n'est rien sans la capacité à l'interpréter correctement. Tout le monde à Deathwatch s'extasie devant les pouvoirs mirobolants que ce dieu exotique accorde à ses serviteurs. Récemment, je m'en suis ouvert à Lady Lyanna.

Ah, Lady Lyanna ! Voilà bien l'âme de Deathwatch ! Son courage et sa valeur au combat sont connus et reconnus de tous. Malgré les tentatives d'Edrick et de Volken, elle est toujours la première à se porter au-devant du danger. Elle est tout à la fois mère, guerrière, femme, dirigeante… Qui pourrait s'empêcher de l'admirer lorsque, irritée par le machisme d'un de ses invités, elle se lance dans un duel au premier sang pour gagner le droit de former une jeune fille au métier des armes ? Même le dernier des sauvages ne manquerait pas d'être impressionné par l'art consommé avec lequel elle se bat. Comme le chat qui joue avec la souris, elle fait durer le plaisir, retient ses coups, feinte, attend… jusqu'à perdre patience et fracasser le crâne de son adversaire avec une ardeur sanguinaire.

Il faudrait un cœur de pierre pour rester insensible au charme de cette femme et, de toutes les faiblesses de Volken, celle-ci est aisément la plus compréhensible. Mais, les masques, les masques… décidément, personne n'y échappe. Lady Lyanna incarne indubitablement tout ce que cette région a de meilleur à offrir mais, loin des regards admiratifs des foules, notre héroïne présente parfois un visage beaucoup moins séduisant.

Ainsi, tandis que les témoins du duel s'affairent à tenter de sauver la vie du malheureux qui a osé provoquer son ire, Lyanna ne peut contenir un sourire de satisfaction. À un quidam qui s'en émeut, elle répond sèchement : « Bah, on avait bien dit au premier sang. Il était prévenu ». La noble cause dont elle s'était fait la championne est vite oubliée. Cette petite fille qui l'admire avec tant de candeur n'était-elle au fond qu'un simple prétexte pour une énième démonstration de force ? Faut-il voir dans cette situation désolante le froid pragmatisme d'une dirigeante dont l'expérience fait mentir l'âge ou le peuple qu'elle prétend protéger n'est-il, au fond, qu'une simple extension de cette petite fille ? Vite défendu, vite oublié…

Nul à Deathwatch n'ignore que Volken lui a demandé sa main. Quelle cruauté dès lors d'affirmer à un invité qui lui demande si un mariage est en vue : « Non, rien du tout de ce côté-là ». Lorsqu'il s'agit d'affaires spirituelles, ses convictions sont tout aussi insaisissables. L'honnêteté me pousse à reconnaître qu'elle est l'une des rares personnalités de la ville à se rendre au bosquet sacré. C'est la raison pour laquelle j'avais choisi de l'approcher et de lui confier mes troublantes découvertes au sujet de dame Illirya.

Quelle ne fut pas ma surprise de constater que les étranges pouvoirs de la prêtresse n'avaient rien de secret pour elle. Compte tenu de la rivalité qui devrait les opposer, je me serais attendu à une condamnation sans appel. Mais Lady Lyanna est aussi une femme prudente… et pratique. « Il faut bien reconnaître que ses talents nous ont souvent été utiles », lâche-t-elle avec dédain. C'est là une vision bien étrange de la religion. Il faudrait donc tolérer la foi d'autrui lorsqu'elle nous est utile ? Elle paraît pourtant sincère dans ses croyances, si j'en juge par la ferveur avec laquelle elle affirme que les dieux anciens ne tarderont pas à se manifester à nouveau. Mais quels fidèles retrouveront-ils ce jour-là ?

Il arrive aussi parfois que le masque de la magnanimité, qui sied si bien à Lady Lyanna, se fissure à son tour. Une rivale est une rivale, mais en apprenant que dame Illirya avait emmené son fils vers Ash Harbour afin de lui faire quitter la ville au plus vite, certains auraient fait preuve de plus de mansuétude (ou de discrétion). Utiliser les corbeaux de Deathwatch pour interdire le départ de tous les bateaux n'est certes pas l'acte le plus subtil ou le plus délicat de la longue carrière politique de notre élégante guerrière.

Où sont vos petits rouages, à toutes les deux ? Quelle machinerie peut bien pousser un personnage de cette trempe à sortir ainsi de sa réserve pour infliger pareilles tracasseries à une femme qui s'apprête à abandonner son enfant ? Simple rivalité amoureuse ? Jalousie, haine ? Ou quelque chose de plus sombre, de plus profondément enfoui dans le cœur de chacun, peut-être. À quel instant décide-t-on d'abandonner ce masque que l'on a si patiemment construit pour révéler un autre visage, moins honorable ? Et pour quoi ? En tout état de cause, Lady Lyanna n'a sans doute pas pu imaginer un instant que son utilisation peu charitable des communications aériennes passerait inaperçue…

Ce qui nous amène à notre dernier sujet d'étude, Edrick. De tous les individus que je croise quotidiennement au palais, c'est lui qui m'intrigue le plus. Qui est-il vraiment ? Où commence le vrai et où se termine le faux ? Beaucoup le décrivent comme un pingre, un seigneur vénal et cupide. Pourtant, il n'a jamais rechigné à la dépense pour financer les nombreux projets que je lui ai soumis depuis mon retour. On le disait timide et indécis, mais lorsqu'il a découvert que Lyanna avait utilisé ses corbeaux, il n'a pas hésité à organiser une confrontation. Les éclats de voix ont aisément traversé les murs de la salle où la discussion a eu lieu et chacun sait désormais que nul ne peut communiquer avec l'extérieur sans l'accord préalable du maître de céans.

Ils ne sont sans doute pas nombreux à avoir tenu tête à cette femme. Mais cet Immortel n'est jamais là où on l'attend, pareil à une anguille. Son principal souci semble être de toujours faire mentir sa réputation. Une telle attitude peut donner le sentiment d'avoir affaire à un excellent stratège. Elle peut aussi soulever d'autres questions, plus troublantes. Je me demande ce que peut bien vouloir un tel homme. J'aimerais savoir ce qui le pousse vraiment à refuser si obstinément de plier aux exigences de Bolton.

Un observateur peu attentif y verrait peut-être un caprice ou la volonté, justement, d'apparaître comme un homme à poigne. Mais si Edrick n'était qu'un enfant vantard, la gravité de la situation l'aurait déjà amené à faire machine arrière. Car la situation n'est pas brillante. Dame Illirya a vu Moat Cailin tomber aux mains de l'armée qui fait route vers Deathwatch sans même un siège. Je sais qu'Edrick a foi en ses visions et il n'a pas pu prendre l'avertissement à la légère. Nos derniers espoirs de voir Bolton prendre du retard en ont été ébranlés.

Pourtant, Edrick refuse toujours obstinément de baisser pavillon. Il recherche encore des alliances, imagine sa propre armée piégeant le terrain pour démoraliser l'ennemi, veut produire du feu grégeois pour en asperger l'ennemi, envisage un siège… Rien ne semble entamer sa volonté. Dans quel feu un acier aussi solide a-t-il bien pu être trempé ? Si je pouvais le découvrir, peut-être les petits mécanismes qui font avancer l'Immortel m'apparaîtraient-ils à leur tour ?

S'il existe une clé à ce mystère, elle réside sûrement dans la mort de cette Astreïa qui lui était promise. C'est bien le seul sujet qui parvienne à entamer son flegme, avec les Fer-nés. Que se passerait-il si je lui livrais le coupable ? Perdrait-il sa raison de vivre ou puiserait-il dans cette nouvelle une nouvelle motivation ? Des plans dans des plans, dans des plans… Faut-il que je te pousse par-delà l'abîme, Edrick, pour voir enfin ton vrai visage ? L'heure est sans doute trop grave pour prendre ce risque mais la tentation est indéniable.

Peuple de Deathwatch, voilà tes héros. Toi qui trimes, qui luttes, qui survis et qui meurs, sais-tu au moins pour qui tu te bats ? Que dirais-tu si, comme moi, tu pouvais les voir tels qu'ils sont ? Dans l'ombre du palais, les illusions se dissipent. L'hiver approche, je n'entends que ça depuis ma sortie de geôle. Mais le printemps, lui aussi, approche. Contrairement à ce que croit Volken, je ne me contente pas d'observer en profitant paisiblement du confort du palais de Deathwatch.

J'ai renoué contact avec de vieux amis et, quelle que soit l'issue de cette crise, d'autres lendemains se lèveront sur Westeros, d'autres héros apparaîtront et les graines que j'ai si patiemment semées finiront par germer. Il reste encore tant à faire qu'une vie n'y suffira peut-être pas. Mais au fond, qu'importe ! Les petits engrenages continuent de tourner. Je les vois si clairement maintenant… Pourtant, un sort adverse s'obstine à y jeter régulièrement des grains de sable. Comme le retour inopiné de Sayanne, par exemple. Sa présence ne peut être une simple coïncidence. Nous nous sommes bien connus autrefois, mais c'était il y a si longtemps. Qui sait si ces retrouvailles seront placées sous le signe de l'amitié ou de la confrontation.

Quoi qu'il en soit, Edrick lui réserve bon accueil et l'invite même à demeurer au palais. Étrange…

Nous vivons tous dans des geôles, elles-mêmes situées à l'intérieur de geôles plus grandes… mais la porte se trouve forcément quelque part. À bien y regarder, cette ville et ce pays ressemblent de plus en plus à ma geôle. Je dois continuer à fixer le mur pour en apercevoir les rouages mais lorsque la porte s'ouvrira, qui sortira ? Des héros de légende ou les êtres vils et mesquins qui se cachent derrière leurs atours et leurs apparences ? Les deux ? Ou peut-être personne ?

Il nous manque si peu de choses pour mettre la machine à genoux. Bien placée, une petite brindille peut provoquer un cataclysme, mais où la trouver ? Je sais qu'elle est là, tout près de moi et lorsque j'aurai trouvé l'instrument qui me manque, la liberté, la vraie, s'offrira à nous comme jeune vierge enivrée.
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par pelon »

Comme le retour inopiné de Sayanne,
j'ai raté ou oublié quelque chose,
c'est qui Sayanne?
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le Zakhan Noir
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par le Zakhan Noir »

Hé hé pas évident ça c'est une question level 18 pour les suiveurs de la première heure...

Elle apparait dans les premiers chapitres, notamment le 1. Je cite cet extrait du CR de Volken de l'époque:
Les doléances commencent mal… le sempiternel Kevan vient nous fracasser les oreilles avec ses malheurs longs comme un jour sans tabac. Cette fois-ci ce n’est pas la clôture trouée, les poules déplumées ou le blé qui penche, c’est une de ses vaches, dont j’ai oublié le nom (et heureusement je pense) qui a été empoisonnée selon lui. La coupable est toute trouvée, c’est forcément la rebouteuse Sayanne, à la fois appréciée pour ses talents et redoutée pour ses pouvoirs (de vieilles recettes de grand-mère sans doute). Elle vit en marge du château et nous lui rendrons sans doute visite, pour ne pas laisser enfler des rumeurs désagréables, mais certainement pas maintenant. En outre, le ton péremptoire qu’ose utiliser ce pécor avec Lady Lianna risque de lui attirer des problèmes sous peu. Je n’ai toutefois pas l’occasion d’intervenir, car notre « régente » lui rabat parfaitement son caquet sans l’aide de personne. Qu’est-ce qu’elle est belle quand elle affirme son autorité !
Elle disparait ensuite... chapitre 15 bis
Une fois cette affaire réglée, il en faut malheureusement revenir aux tracasseries habituelles du château : à la séance quotidienne de doléances, plusieurs paysannes viennent nous avertir de la disparition de Sayanne, la sorcière. Étant donné ce que Merrick nous a raconté à ce sujet avant sa mort, cela pourrait être inquiétant, surtout que la disparition date de ce moment-là. Harren embarque ses fidèles chiens pour aller enquêter chez la sorcière, mais ne trouve pas grand-chose d’intéressant : tout porte à croire que Sayanne serait partie d’elle-même (il ne reste plus rien chez elle et les seules traces d’effraction sont celles causées par les gardes qui l’ont cherchée quand les paysans les ont avertis de sa disparition). Affaire à suivre, bien que nous n’ayons pas tellement d’indices à nous mettre sous la dent. En attendant, j’ordonne à notre bon (et gras) mestre de bien vouloir tenir une permanence dans une pièce du château pour tous les habitants qui pourraient avoir besoin de ses compétences en médecine.
sa cabane étant utilisée tardivement par Illyria pour ses... expériences anatomiques....
Expliquer une blague, c'est comme disséquer une grenouille. On comprend le mécanisme, mais elle n'y survit pas (Mark Twain, un peu modifié)
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par pelon »

ce nom ne m'avait pas marqué
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Taho »

C'est parce que son rôle était très discret, et à peine évoqué, mais c'est elle qui a relevé Merric Hill lorsque l'Aigle lui a planté une flèche en pleine tête (c'est là qu'il a changé d'identité et qu'il est devenu Kragnar Ironwolf)
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le Zakhan Noir
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par le Zakhan Noir »

Bon, voilàààààààà c'est finiiiiiii

Une dernière séance qui ouvre des perspectives pour les personnages, mais ceux-ci les vivront peut-être librement, sans être incarnés nyarf...

A minima, un cycle s'achève, et c'était bien tripant. J'espère que ceux qui ont lu jusqu'au bout les CR ont apprécié aussi le voyage...
Un dernier arrivera, normalement sous la plume d'Illyria la prêtresse rouge "désactivée"

Pour ma part je fais un gros poutou au MJ qui s'est vraiment décarcassé pour nous offrir toutes ces aventures et aux joueurs qui ont été au diapason...
Expliquer une blague, c'est comme disséquer une grenouille. On comprend le mécanisme, mais elle n'y survit pas (Mark Twain, un peu modifié)
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Taho
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par Taho »

Mais on en a quand même un avant-dernier CR avant celà : une des parties les plus sanglantes de la campagne et les plus lourdes en terme de conséquences. Je vous laisse découvrir ça :

Chapitre 43 – Souffler la flamme

« Dis, grand-père. Tu peux nous raconter une autre histoire de l’Immortel ?

— Une histoire de l’Immortel ? Vous êtes sûrs ? Vous n’en avez pas marre ?

— Non ! Non !

— Bon, comme vous voudrez. Vous ai-je déjà raconté comment l’Immortel avait sauvé le Greatjon Umber des Jumeaux, en faisant sauter la moitié du château au passage ?

— Oui, on la connait, celle là !

— Ah ? Décidément, je perds la tête. J’en ai une autre, alors. L’Immortel n’y figure qu’à peine, mais les conséquences pour lui furent sévères… Très sévères. C’est le jour où l’Immortel perdit son alliance avec le roi Stannis Baratheon. Voulez-vous l’entendre ?

— Oui ! Oui !

— Ho ho, doucement, les enfants. Bon, bon, la voilà alors. Elle commence, comme souvent les histoires de l’Immortel, par une nuit froide… »



Afin de préparer l’attaque des Bolton qui prévoyaient de fondre sur Deathwatch après leur prise de Moat Cailin, l’Immortel s’en était allé aux quatre coins de ses terres afin de passer en revue les troupes de ses bannerets. Il chevaucha plusieurs jours durant afin de tous les prévenir que la guerre approchait.

Pendant ce temps, au château, lady Illirya se morfondait du départ de son fils, Ferrego, qu’elle avait envoyé à Volantis sur ordre du temple. Un long et périlleux voyage l’attendait, et sa mère était dévastée de se savoir séparée de lui pour si longtemps. Les Dieux seuls savaient si elle allait jamais le retrouver un jour…

Son père, le seigneur Volken, se trouvait à Blazetower lorsqu’il reçut la nouvelle. Et savez-vous qui l’avait prévenu ? Lady Lyanna, bien sûr. Malgré les disputes et les malentendus, au-delà des larmes et des joies, il y avait un lien fort entre ces deux là. Dès que Volken apprit ce qui se passait, il prit un bateau et fit toute voile vers Ash Harbour, d’où il relia Deathwatch, le tout en moins de deux jours. Lady Lyanna l’accueillit sur les quais et lui raconta tout ce qu’elle savait. Volken enrageait en pensant qu’il avait sans doute croisé le navire de Volantis sur le chemin du retour.

Il se rendit immédiatement auprès d’Illirya pour qu’elle lui explique l’inexplicable. Il fut bien déçu de sa réponse. Elle lui décrivit un vague danger que son dieu impie lui aurait fait miroiter lors d’une vision ou d’une autre. Vous savez comme la cour, et notamment l’Immortel lui-même, s’étaient laissés berner par ces mirages. Cette fois-ci, cependant, Volken ne fut pas aisé à manipuler. Il ne doutait pas de la sincérité d’Illirya, mais suspectait que la tristesse d’avoir perdu leur deuxième enfant lui avait fait perdre la raison.

Leur entretient se termina ainsi, et chacun descendit séparément au diner. Ils furent rejoints pour la soirée par les fils Greycloak. Prévenus par l’Immortel de l’approche du conflit, ils s’étaient rendus à la cour pour participer aux préparatifs. Ils trouvèrent l’accueil plutôt froid, et l’ambiance morose. En effet, Sayanne la rebouteuse s’était jointe aux convives. Elle qui avait été toute sa vie une personne droite et juste, et vouée à de grandes causes, avait sombré dans l’obscurantisme après sa conversion au culte de R’hllor. Elle s’immisça à la table en tant que « conseillère d’Edrick », au même titre qu’Illirya. Cela échauffa les esprits de Volken et de Lyanna qui lui cherchèrent tout de suite querelle. Lady Blacksword, peu convaincue par ses arguments, la congédia dans ses appartements.

Illirya, de son côté, était là, à se morfondre, lorsqu’elle se sentit observée par tous. Les invités avaient cessé leur conversation et s’étaient tournés vers elle.

« Tu as tué Ferrego ! disaient-ils à tue-tête.

— Ferrego va mourir !

— C’est de ta faute ! »

Elle crut perdre la raison et s’enfuit sans un mot. L’assemblée resta interdite. Aucun d’entre eux n’avait prononcé quoi que ce soit d’inattendu. Ils ignoraient qu’ils étaient les pions d’une force qui les dépassait.

Une fois seule dans sa chambre, elle tenta de méditer, mais les visages des convives, déformés qui par la rage, qui par la haine, qui par une joie malsaine, continuaient de l’accuser dans les ténèbres de son esprit. Elle alluma une torche et fit appel à son dieux, auprès duquel elle trouva un maigre réconfort. Mestre Drake vint à son chevet et lui fit ingérer un tonic pour lui faire reprendre ses esprits. Une fois rassérénée, elle put se reposer un peu, et comprit alors à quoi les expressions exagérées des invités lui avait fait pensé : aux visages des arbres cœurs !

Pendant ce temps, le seigneur Volken avait coupé court aux festivités et envoyé au lit toute l’assemblée. Lyanna, qui présidait le repas, l’avait laissé faire et s’en était retournée dans ses quartiers, tout comme ce bon Wyndom Wyatt. Tous deux savaient que, si quelque chose se passait, ils auraient tôt fait d’être mis au courant par leurs agents respectifs.

Cela ne tarda pas ! Illirya, après son inquiétante découverte, s’était laissée grimer par le mestre Drake et, ensemble, ils avaient quitté l’enceinte du château pour se rendre au bois sacré. La jeune femme désemparée se jeta au pied des arbres pour implorer leur aide. Qu’ils lui expliquent comment sauver son fils. C’est alors que tout devint noir autour d’elle. Elle flotta ainsi quelques temps, comme dans du coton, et se réveilla dans son lit, bien au chaud. Était-ce un rêve ? Drake veillait toujours à son chevet.

« Que s’est-il passé ? Nous ne sommes plus au bois sacré ?

— Que dis-tu ? Ça doit être la fièvre. »

Illirya hésita, mais se laissa convaincre. Elle ignorait que, de leur côté, pendant que le seigneur Volken s’enivrait, seul dans ses appartements, Wyndom et Lyanna menaient l’enquête. Ils avaient tous deux eu vent de l’escapade de deux personnes qui avaient quitté le château. Wyndom avait suivi leurs traces de pas humides dans les couloirs tandis que Lyanna interrogeait les gardes. En confrontant leurs informations, ils comprirent que les deux mystérieux noctambules n’étaient autres que Drake et Illirya !

Cette dernière avait d’ailleurs congédié son compagnon pour se rendre en catimini jusqu’aux appartements de Volken. Ce dernier, imbibé de boisson jusqu’au bout des orteils, l’accueillit en panique, car lui-même venait d’entendre des murmures portés par le vent, qui lui disaient « Sauve Ferrego ! Sauve-le ! Sans lui, tout est perdu ! ». Par force de persuasion, elle réussit à le convaincre qu’il s’agissait des arbres, et elle le traîna dehors en direction du bois sacré. Ils quittèrent donc les murs, mais alors qu’Illirya pressait Volken de se dépêcher, celui-ci perdit patience et commença à rebrousser chemin, en serrant le poignet de la jeune femme.

Ainsi, Lyanna et Wyndom les trouvèrent, Volken légèrement plus sobre grâce au froid glacial qui régnait en cette nuit sans lune. Il était alors deux ou trois heures du matin, et tout Deathwatch dormait profondément. Plus pour longtemps…

Volken s’emportait de plus en plus. Il tenait le bras de la Braavosi d’une poigne de fer et aucune de ses suppliques n’y faisait. Illirya implora Lyanna de l’aider, que Volken avait perdu la raison. Lady Blacksword tenta de les séparer, et c’est lorsqu’elle vit la violence dans les yeux de Volken qu’elle comprit qu’il n’était pas lui-même. Il l’aurait frappée si elle s’était entêtée à le retenir. Volken ne cessa de se débattre que lorsqu’Illirya fit mine de renoncer à se rendre au bois. Lyanna et Wyndom eurent alors le temps de lui demander pourquoi elle était déjà allé auprès des arbres cœurs, plus tôt dans la nuit.

Ses yeux s’ouvrirent alors comme des soucoupes, et elle s’écria :

« Drake ! Il faut arrêter Drake ! Il m’a menti ! Lui et Sayanne sont de mèche ! C’est elle qui possède Volken, ils veulent m’empêcher de me rendre au bois sacré. »

Illirya perdit alors connaissance quelques secondes, rattrapée de justesse par Lyanna, en même temps que Volken, que Wyndom cueillit avant qu’il ne s’effondre dans la neige. Tous deux ouvrirent les yeux quelques secondes plus tard, avec un mal de crâne déchirant pour Volken, et une mine dévastée pour Illirya.

« Ils… Ils m’ont excommuniée… bredouilla-t-elle. L’œil de R’hllor s’est détourné de moi.

— Il faut aller au château ! Il faut les arrêter, » vociférait Volken.

Ils rebroussèrent chemin et sonnèrent l’alerte. Illirya les mit en garde contre les pouvoirs de Sayanne :

« Elle est trop dangereuse pour être laissée en vie. Même prisonnière, elle sera capable de faire des dégâts. Il faut s’en débarrasser coûte que coûte ! »

Stillgar et ses hommes, tout juste sortis du lit, se mirent en ordre de combat, tandis que les oursonnes se préparaient à tirer sur quiconque sortait la tête par les fenêtres.

Les seigneurs des lieux grimpèrent les étages jusqu’aux quartiers de Sayanne, mais à peine furent-ils entrés qu’une peur panique, incontrôlable, les forçait à rebrousser chemin en hurlant. Ils eurent tout juste le temps de voir Ser Andrew Estermont et ses hommes, armes au clair, les prendre en chasse. L’un de leurs hommes, devenu inconscient sous l’effet de la terreur, fut passé par le fil de l’épée, et Illirya, première à récupérer ses esprits après la violence du maléfice de Sayanne, s’apprêtait à subir le même sort. La lame lui frôla le visage, et elle s’enfuit rejoindre ses compagnons qui, au bout du couloir, prenaient le dessus sur la peur qui les agrippait.

Estermont et Drake fondirent sur eux. Wyndom se glissa dans l’encadrement d’une porte et, ainsi, ils purent combattre à deux contre Estermont tandis que Volken, légèrement diminué par la fatigue et la gueule de bois, faisait face à Drake.

Estermont, armuré de la tête au pied, et bien à l’abris derrière son bouclier, était une cible difficile à faire chanceler. Lyanna joua de toutes ses bottes pour essayer de passer sa garde, mais en vain. De son côté, Wyndom tentait tant bien que mal de passer la cuirasse à grands coups d’estoc, mais ses lames étaient sans cesse déviées par l’acier.

Lyanna parvint tout de même à frapper suffisamment fort pour sonner le maraud, et Wyndom en profita pour loger sa main gauche dans le défaut de l’armure. Contraint de reculer, Estermont laissa le flanc de Drake sans défense. Wyndom et Lyanna se fendirent de concert, et la pointe de leur épée trouva la tête du mestre. Il s’effondra sans un cri.

Estermont comprit alors que la situation tournait en sa défaveur. Il battit en retraite vers la chambre, ses adversaires non loin derrière. Il guetta un instant par la fenêtre mais vit que la voie était bloquée. Déjà, des soldats sur des échelles gagnaient les autres chambres afin de condamner l’étage. L’heure était venue de négocier.

« Nous nous rendons, » déclara-t-il en abaissant sa hache.

Sayanne à ses côtés cessa ses incantations et les fixa du regard.

« Nous exigeons de voir le seigneur Edrick. Puis-je recevoir votre parole devant vos dieux que rien ne nous sera fait jusqu’à l’arrivée du seigneur des lieux ?

— Nous sommes les seigneurs des lieux ! vociféra Volken. En l’absence d’Edrick, nous prenons les décisions.

— Nous avons goûté à votre pain et votre sel. Les lois de l’hospitalité vous obligent à nous protéger.

— Ca c’est la meilleure ! s’écria Lyanna. Vous ne manquez pas d’air, après nous avoir attaqués !

— C’est vous qui avez fait irruption dans nos quartiers. Et m’avez-vous vu lever ma hache contre quiconque ici ? Je n’ai fait que me défendre. »

Force était de reconnaître qu’il avait raison. Mais Illirya leur répéta son avertissement. Sayanne ne pouvait être gardée en vie.

« Nous vous jurons sur nos dieux que rien ne vous sera fait, Ser.

— Et Sayanne ? »

Lyanna hésita, et Estermont releva sa hache.

« Baissez cette arme, Ser, menaça Volken. Vous n’êtes pas en position de négocier.

— Au contraire. Si jamais vous refusez de négocier, je mourrai, certes, mais j’emporterai l’un de vous avec moi. Vous êtes tous les deux trop importants pour courir ce risque. »

Lyanna et Volken échangèrent un regard et levèrent leurs armes. Estermont chargea, et tandis que Lyanna adoptait une posture défensive, Volken tenta de passer un coup estoc. Estermont fut plus vif. Il passa la lance et envoya toute sa puissance au niveau du cou du jeune Blacksword. Par un coup de chance inopiné, Volken leva sa lance pile au bon moment. La hache rompit la hampe, mais fut suffisamment déviée pour frapper du bois, et non de la lame, qui lui aurait tranché net le cou. Ses os craquèrent sous la violence du choc, et il chuta comme un pantin désarticulé.

Lyanna, avec un cri de rage, abattit sa lame sur Estermont, mais sa colère lui fit rater la gorge et frapper l’épaule. Le bras droit de l’écuyer de Stannis fut tranché net, et la lame s’incrusta profondément dans la cuirasse. Elle la sortit en pressant son pied sur l’armure, puis elle se tourna vers Sayanne, et la décapita d’un seul coup.


***

« Grand-père. Qu’est-ce qu’il a fait l’Immortel après ? Il était en colère ? Il les a punit ?

— Et Volken, est-ce qu’il est mort ?

— Que de questions, mes enfants. Mais il est déjà tard. Je vous raconterai la suite demain…

— Nooon ! S’il te plaît !

— Je ne vous dirai qu’une chose. L’Immortel était en route. Il avait été prévenu par les sombres maléfices de Sayanne. Et en effet, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il était en colère. »
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pelon
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par pelon »

:bravo:
la suite!!!!!!
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le Zakhan Noir
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Re: [CR] [Trône de fer - Chroniques de Barrowlands]

Message par le Zakhan Noir »

suite qui est la fin je le rappelle. Bon, on a 3 ans pour l'écrire lol, on la sortira quand le père Martin sortira la sienne, hin hin
Je préviens, ce sera pas du boum boum, c'est plus épilogue ouvert...
Expliquer une blague, c'est comme disséquer une grenouille. On comprend le mécanisme, mais elle n'y survit pas (Mark Twain, un peu modifié)
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