CR: Grandes Terreurs. Le donj du vendredi soir joue à Cthulhu chez les Soviets !

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Orlov
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CR: Grandes Terreurs. Le donj du vendredi soir joue à Cthulhu chez les Soviets !

Message par Orlov »

Bonjour.

Nous ouvrons un fil pour les parties de Cthulhu chez les Soviets et les scénarios.

Nous jouerons en deux modes avec deux groupes différents: le mode "organe" plus centré sur l'action et le mode "komunalka" plus centré sur l'enquête et la vie quotidienne.

Le système utilisé est le système Kraken, dérivé du cypehr system, reconverti au dé 100 avec des aspects et des règles de santé mentale inspirées de Nemesis.
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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Orlov
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Présentation des PJ: groupe en mode "Komunalka".

Message par Orlov »

Les quatre joueurs ont interprété quatre locataires d'un appartement collectif situé au 42 rue Bolchaya Sadovaya à Rostov sur le Don.

Ivan Ivanovich Melnik: cet ouvrier de choc de l'usine Roststalmash est un authentique ouvrier communiste. Il a trente-cinq ans, a combattu pendant la première guerre mondiale avant de rentrer en usine d'abord à Petrograd, puis à Rostov. Membre estimé de son équipe du travail, il a été décoré deux fois du travail. Enthousiaste convaincu, il ne rate jamais un samedi prolétarien ou une réunion du parti et les loisirs qui lui restent sont consacrés à sa famille. Père de famille juste et bienveillant, il vit avec son épouse Tatiana Galeyevna Melnika, qui travaille comme secrétaire au Gorkom. Ils ont deux petites filles, Natasha et Barbara. La petite famille qui se partage une pièce (un rideau séparant le lit conjugal du petit lit qui abrite les deux fillettes) revient tout juste d'un séjour de deux semaines à Yalta en Crimée, séjour qu'Ivan Ivanovich a su gagner par son labeur incessant et par son engagement sans failles. Ivan Ivanonivch a un frère, Rudolf Ivanovich Melnik qui partage une chambre dans l'appartement avec l'étudiant Popov.

Grigori Pavelovich Penkhov: ce mécanicien à bord du Lieutenant Schmidt, un remorqueur du port est un ancien de la flotte rouge de la mer noire qui a servi sur le cuirassé Caucase Rouge. Membre du Parti Communiste (tendance bolchévique) d'Union Soviétique depuis 1918, il a une bonne culture politique ainsi qu'un solide bagage technique. C'est un voisin et un collègue aimable et dynamique qui aime jouer de l'accordéon ou faire quelques parties d'échecs au parc municipal voisin. Il parle le turc et un peu le français, langue qu'il affectionne et qu'il améliore en prenant quelques cours auprès d'Anna Pavlovna, une voisine. Il vit dans une chambre qu'il partage avec Vodan Matveievich Panfilov.

Vodan Matveievich Panfilov est un sans-parti que d'aucuns considèrent avec quelque méchanceté comme un parasite. Cet enfant de moujik ami de Grigori Pavelovich Penkhov travaille sur les docks qui a également accepté de partager sa chambre avec lui le temps que son ami régularise sa situation. D'un âge indéterminé, il paraît avoir subi de dures épreuves sur lesquelles il ne s'étend pas. Il est tantôt taciturne et taiseux, tantôt, égayé par les vapeurs d'alcool ou la perspective d'un bon repas, capable de faire preuve du bon sens et de cette sagesse proverbiale que tout bon moujik se doit de posséder. Il semble qu'il ait quelque peu voyagé et éprouve des difficultés à se fixer dans un emploi et dans un collectif.

Vassili Pavlovich Popov incarne la jeunesse et l'avenir. Ce brillant étudiant en mathématiques d'origine ouvrière aurait même pu être un candidat idéal pour le Komsomol et le parti. Hélas, Popov sort peu de sa bulle et ne s'intéresse pas au monde politique. Lorsqu'il s'extrait des mystérieuses équations qui occupent son esprit, son effort est si manifeste et son agacement si grand qu'il dissuade généralement l'interlocuteur de poursuivre la conversation. Son principal loisir consiste en la course à pied, un exercice d'hygiène mentale et physique et au défi que lui a lancé son maître, le décryptage du manuscrit de Vojnich, un étrange document semble-t-il composé au XVI° siècle. Le professeur Grinzberga a fait jouer ses relations pour lui trouver une place dans une chambre qu'il partage avec Rudolf Ivanovich Melnik, frère du camarade ouvrier Melnik.


Caractéristiques techniques (celles-ci incluent la fin de la partie).

Ivan Ivanovich Melnik
Culture Physique (Fizkult) 9, Système nerveux central (Ts.N.S) 8, Conscience (Tchest') 8.
Coriace (+1 en Système nerveux central, +1 en Fizcult).
Métier: Ouvrier.
Loisir: Vie de famille.
Autres aspects: est reconnaissant au parti de lui avoir offert une belle chambre et de belles vacances, s'appuie sur son épouse et sa famille.
Santé mentale: -1 (choc) en impuissance: Il a failli ne pas pouvoir protéger sa famille.
Vie et destin: 5 points.
Confiance du parti: 6

Grigori Pavelovich Penkohv
Culture Physique (Fizkult) 7, Système nerveux central (Ts.N.S) 8, Conscience (Tchest') 8.
Coriace (+1 en Système nerveux central, +1 en Fizcult).
Métier: Mécanicien maritime.
Loisir: Joue aux échecs.
Autres aspects: ancien marin de la flotte rouge de la Mer Noire.
Vie et destin: 5 points.
Confiance du parti: 5

Vodan Matveievich Panfilov
Culture Physique (Fizkult) 8, Système nerveux central (Ts.N.S) 9, Conscience (Tchest') 7.
Coriace (+1 en Système nerveux central, +1 en Fizcult).
Métier: Bomj (clochard, vagabond).
Loisir: Errer, se touver dans des endroits improbables.
Autres aspects: fils d'un starets réprimé, superstitieux mais fasciné par le progrès technique.
Santé mentale: -1 (choc) en logique: le compromis entre progrès et superstition est mis à l'épreuve.
Vie et destin: 5 points.
Confiance du parti: 4

Vassili Pavlovich Popov
Culture Physique (Fizkult) 7, Système nerveux central (Ts.N.S) 7, Conscience (Tchest') 12.
Grosse tête (+2 en Tchest')
Métier: étudiant en mathématiques.
Loisir: la course à pied.
Autres aspects: rationnel, peu capable de communiquer.
Santé mentale: +1 (endurci) en logique: pense que le surnaturel est explicable.
Vie et destin: 5 points.
Confiance du parti: 4
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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Orlov
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Le violon d'Anna Pavlovna - compte rendu de partie (1).

Message par Orlov »

En ce 8 août 1932, la canicule règne sur Rostov sur le Don et sur le sud de la Russie. Alors que la rentrée scolaire a été avancée au 15 août, toute la ville semble encore endormie, écrasée de chaleur. Le calme qui règne est cependant étrange car en cette étape historique de construction du socialisme par le cinquième plan, les responsables municipaux du parti et du maintien de l'ordre sont sur les dents.

En ville, il se murmure qu'une immense famine frappe la république soviétique socialiste d'Ukraine et le sud de la république soviétique socialiste fédérative de Russie. On raconte que les gens mangent des racines. Pourtant, les silos du port sont pleins de céréales destinées à nourrir les marchés étrangers. Le pouvoir soviétique, désespérement en recherche de devises, a donné la priorité aux exportations et au ravitaillement des centres industriels, condamnant à la famine des millions de paysans. Epuisés et faméliques, certains d'entre eux ont rejoint les villes, mouvement que les autorités ont combattu en interdisant les changements de résidence. Rostov est donc une ville fermée, soumise au couvre-feu.

Mise en place: un beau dimanche En cette belle journée dominicale, les habitants du 42 rue Bolchaya Sadovaya paraissent loin de ces soucis et de ces orages lointains. L'immeuble s'éveille, les enfants crient, les cuisines résonnent de bruits de vaisselle et d'eau qui bout. Une quarantaine d'honnêtes familles de citoyens soviétiques, formant le collectif d'habitant, s'affairent. A chaque palier, on fait la queue, qui piaffant devant la salle de bain en attendant qu'elle se libère enfin, qui attendant près de la cuisinière tandis que la voisine finisse de réchauffer la bouillie du dernier né.
A chaque étage sa tribu avec ses petites querelles, ses hiérarchies plus ou moins visibles et ses coutumes. Celle du quatrième étage ne dépareille pas. Elle est divisée en deux clans. L'appartement B est quasiment exclusivement masculin, seule la famille d'Ivan Ivanovich Melnik apportant une nécessaire touche de stabilité à ce qui pourrait passer pour un joyeux foyer de jeunes hommes. L'autre clan, celui de l'appartement A, sur le palier d'en face, est assez différent. Le sergent de la sécurité d'état Serpukhov dont la casquette bleue à liseré rouge du NKVD masque à peine sa calvitie de vieux garçon occupe une chambre confortable et proprette. Tandis qu'une autre pièce est occupée par la redoutable citoyen Kovchouka. Epouse d'un administrateur du Gosplan, elle est mère d'un petit garçon de 9 ans. S'estimant injustement traitée par les autorités, elle convoite l'appartement de sa voisine, une cantinière peu aguichante du nom de Gallatova, mère d'un jeune homme de dix-sept ans, fort comme un taureau et doux comme un agneau, bien que très attardé dans son développement mental. Son développement hormonal ayant, lui, été dans les normes de croissance en vigueur, le jeune Hiraklion se distingue par ses pulsions sexuelles, lesquelles se traduisent par une passion unidirectionnelle : la masturbation. Dernière locataire, à laquelle on fait à peine attention, Anna Pavlovna Januszewska. Elle s'est recroquevillée dans un petit cagibi ou s'entassent des souvenirs datant d'avant la révolution: aquarelles, romans français en langue originale publiées dans de belles collections, veilleuse art-nouveau, la chambre ressemble à sa locataiire. Ancienne gouvernante du propriétaire de la maison, Saponov, un allemand de la Volga fusillé en 1920 lorsque les Bolcheviks prirent la vile, Anna Pavlovna est une relique surannée des temps anciens. Agée de soixante dix ans, elle ne manque cependant pas de sens du collectif. On lui confie volontiers les enfants à garder et elle n'hésite pas à faire la queue a votre place devant le magasin d'alimentation.

Un décès Dans la cuisine de l'appartement B, les choses vont bon train. Le sympathique mécanicien Pechkov a eu la délicate attention de distribuer à chacun du poisson séché qu'un pêcheur du port lui a donné, améliorant le petit déjeuner de tous. Panfilov, toujours sans le sou, n'ose pas taper sa victime habituelle et décide donc d'aller demander à Anna Pavolvna si il peut l'accompagner. Traversant l'appartement voisin au milieu des engueulades tonitruantes opposant la Kovchouka à la Gallatova, il frappe à la porte. Pas de réponse. Il retente, se renseigne. Anna Pavlovna dormirait-elle encore ? Entre le sergent de la sécurité d'état Serpukhov qui part au travail. Il s'enquiert de ce que peut bien ficher ce parasite de Panfilov. Lorsqu'il apprend qu'Anna Pavlovna ne répond pas, il prend l'initiative d'ouvrir la porte par la violence, décrétant que l'urgence implique une réaction immédiate et déterminée. Hélas, quand Panfilov et le digne représentant des organes de sécurité entrent dans la pièce, Anna Pavlovna ne réagit pas. Elle est décédée. Serpukhov envoie Panfilov appeler la milice (l'immeuble possède le luxe rare d'avoir une ligne téléphonique) et ramener Deniss Denissovitch Denissov, le président du comité d'habitant, un homme sérieux et bienveillant. Le rafut de la porte enfoncée attire rapidement les curieux, Serpukhov en profitant pour réquisitionner les hommes valides. Renonçant à la promenade familiale qu'il avait prévu de faire, l'ouvrier Melnik accompagné de son frère Rudolf rejoint Panfilov. Délaissant avec dépit sa profonde méditation mathématique, l'étudiant Popov rejoint les autres tandis que Panfilov arrive avec Denis Denissovitch et le mécanicien Pechkov. Deux miliciens arrivent pour constater le décès et interroger les témoins. L'affaire est rondement menée, Anna Pavolvna semblant être morte d'une insuffisance respiratoire survenue pendant la nuit. Une fois les formalités accomplies, Denis Denissovitch fait un appel aux bonnes volontés pour recenser les biens de la décédée, organiser la toilette mortuaire et faire procéder rapidement à la levée du corps. L'étudiant Popov et Panfilov acceptent de s'occuper de la recension des biens, Rudolf Melnik se joignant à eux, alors que son frère rejoint sa petite famille au parc, ajoutant qu'il se tient prêt pour faire la collecte pour l'enterrement. De son côté, le mécanicien Pechkov et la citoyenne Galatova s'acquittent de la toilette mortuaire.

Image
Rudolf Melnik félicite le camarade Pechkov pour l'excellence du poisson séché offert pour le petit déjeuner.
Dernière modification par Orlov le jeu. avr. 16, 2015 11:09 pm, modifié 3 fois.
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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Macbesse
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Re: CR: Grandes Terreurs. Le donj du vendredi soir joue à Cthulhu chez les Soviets !

Message par Macbesse »

On sent bien l'inspi Ilf et Petrov, bravo !
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Re: CR: Grandes Terreurs. Le donj du vendredi soir joue à Cthulhu chez les Soviets !

Message par Orlov »

Macbesse a écrit :On sent bien l'inspi Ilf et Petrov, bravo !
Merci :oops:
Le mêlange a donné une bonne ambience à la table et plutôt une bonne partie pour tout le monde ... mais il y a des éléments à travailler, j'y reviendrais.
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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Le violon d'Anna Pavlovna - compte rendu de partie (2).

Message par Orlov »

Manoeuvres mortuaires Dans la cocotte-minute qu'est l'appartement A, le décès d'Anna Pavlovna n'est pas sans conséquence. La mort de la vieille gouvernante polonaise incite en effet la Kovchouka a déclencher son plan, mûri de longue date, pour chasser la Galatova de sa chambre, permettant ainsi aux Kovchouks d'étendre leur emprise spatiale. Il est de notoriété publique, car maintes fois exprimée lors des assemblées d'habitants, que la Kovchouka désire annexer la chambre que Macha Valerevna partage avec son onaniste de fils pour y installer son propre fils, le pionnier Mitia. La mort d'Anna Pavlovna libérant une petite chambre cagibi, elle rend possible les grandes manoeuvres qui s'achèveront, ainsi qu'on le verra, dans une apothéose dramatique. Mais laissons de côté cette course impitoyable pour le mètre carré et revenons à ces garants de l'éternelle vigilance du peuple soviétique que sont l'étudiant Popov, le docker Panfilov et leur allié d'occasion, Rudolf Ivanovich Melnik. Les trois hommes commencent à fouiller la chambre. Rudolf Melnik s'empare d'un violon et déchiffre d'abscons caractères latins à haute voix "Stradi... quoi?" demande-t-il. Le mécanicien Pechkov qui aide à la toilette explique que les violons stradivarius sont très recherchés. Alors que Melnik demande pourquoi un tel instrument juif pourrait avoir une quelconque valeur, Panfilov siffle d'admiration et dévoile sans ménagements, sur le lit, aux pieds de la morte, des couverts en argent, des bijoux en or qu'il a trouvé dans l'armoire. L'étudiant Popov ne perd pas trace de ce butin et de ses valeurs que la vieille a manifestement caché et qu'elle changeait probablement dans les rues obscures derrière la Cathédrale de la Mère de Dieu. Comme un seul homme et avec un bel enthousiasme, Panfilov et Melnik se proposent de garder les objets découverts, ce à quoi Penchkov répond qu'il restera avec les deux hommes tant que les autorités légales n'ont pas récupéré ces objets précieux nécessaires à l'industrialisation du pays. L'étudiant Popov préfère battre en retraite vers la cuisine pour proposer une répartition mathématique des biens de la vieille, celle-ci ne possédant aucun héritier. C'est alors que Denys Denyssovitch déclara qu'il allait prévenir la milice afin que les autorités statuent sur le destin de ces trouvailles. Continuant leur fouille méticuleuse, Pechkov, Panfilov et Melnik ne tardèrent pas à faire d'autres découvertes. Il ressortait d'une liasse de photos et de documents d'avant la révolution que Anna Pavlovna avait épousé en secret le bourgeois Saponov, propriétaire de l'immeuble et riche banquier-exploiteur des masses laborieuses à l'époque pourrie des Tsars. Sans savoir quoi faire de cette information, l'attention des trois hommes fut attirée par des cris provenant du couloir de l'appartement B. Traversant le pallier, les trois camarades virent l'étudiant Popov tenter de lever avec l'aide de Maria Valérevna Iraklion. Lequel était prostré et émettait des japements tristes et lugubres en direction du fond du couloir. Se débattant violemment lorsque sa mère et le frèle étudiant tentèrent de le relever, Iraklion semblait terrifié par quelque chose que nul autre que lui ne pouvait voir. L'étudiant Popov se souvint alors que dans de tels cas de délire, le camphre était un remède souverain et intima l'ordre à Macha Valérevna de piquer son fils avec du camphre glané auprès du docteur du premier étage. Quelques minutes après, Iraklion Guiorguiévitch dormait comme un bébé. Une grande partie des locataires présents dans l'appartement avait assisté à la crise. La voix piailleuse de la Kovchouka constatant qu'il était temps que "le débile aille se faire soigner à l'asile". S'apercevant que leur précieux butin était sans garde, Panfilov et Melnik coururent immédiatement vers la chambre de la vieille, talonnés par le scrupuleux et pas naïf Pechkov, soucieux de surveiller les deux loustics.
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Hiraklion Guiorguiévich pose pour une photo d'identité en se demandant qui est cet Hiraklion dont on lui parle tant.


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Macha Valérevna Galatova à l'époque heureuse de son mariage.

Solitude dans le collectifIl était écrit que la marmite gardée trop longtemps sur le feu devait exploser. L'essentiel de la collectivité se souviendra de l'assemblée générale du comité d'habitant qui se réunit après le traditionnel banquet funéraire donné en la mémoire d'Anna Pavlovna après que trois moujiks payés par Denys Denissovitch emmenaient vers sa dernière demeure, l'ex-cimetière cosaque. Ce fut d'abord Denys Denissovitch Denissov qui prit la parole. Figuraient sur la tribune les camarades, membres du parti, habitant l'immeuble. Parmi eux, l'ouvrier Melnik préalablement briefé par Denissov, le mécanischien Pechkov, le sergent de la sécurité d'état, le camarade Serpukhov qui fumait nerveusement dans l'angle de la table réservé à Juda, la Kovchouka et son ennemie, la Galatova. La digne femme au foyer arborait les médailles de son mari, le mitrailleur Guiorgui Issopatovitch Galatov, martyr de la révolution tombé devant Kherson. Manifestement remis de son évanouissement, Iraklion Galatov se tenait sagement dans les premiers rangs, à côté de l'ouvrier Popov. Seuls manquaient au tableau Panflilov et Melnik-frère qui veillaient sur les biens de la décédée. La faim et les bonnes odeurs du banquet finirent par faire descendre Panfilov, lequel se faufila jusqu'au buffet où il lorgnait la douce compagnie d'une mignone petite bouteille de Vodka qui lui chantait sa chanson d'amour, fragile sirène perdue au milieu de colossaux patés de pomme de terre baignés par un océan de verdure cornichonesque. Or donc, les orateurs prirent la parole. Comme c'est souvent le cas, le premier orateur fixa le ton général. Denys Denissovitch se leva et dit d'un air grave "Camarades, c'est en tant que président du comité d'habitant que je m'adresse à vous pour me fustiger et mettre en lumière mon manque de vigilance ! L'on vient de retrouver chez Anna Pavlovna d'énormes quantités d'or et d'argent, conservées en dépot privé en dépit de tous les ordres du parti et du gouvernement. Comme vous j'ai été abusé par cette ci-devant qui s'est servie de notre hospitalité pour abriter ses activités interlopes et ses trafics louches. Plutôt que de hausser mon niveau de vigilance, de la surveiller et de la signaler aux organes, je l'ai laissée faire les courses et ai cru en sa gentillesse. J'ai fait preuve d'humanitarisme bourgeois pourri là où s'imposait la plus stricte discipline. Nous savons qu'alors que nous construisons notre paradis soviétique, la lutte des classes, loin de diminuer s'intensifie. Les suppôts de la réaction, de la bourgeoisie et des puissances étrangères, redressent la tête dans des circonstances historiques difficiles. A ma grande honte, je n'ai pas exercé la vigilance requise". Dans la foule, tous se taisaient. Après son émouvante et sincère confession, qui résumait la honte que tous les habitants de l'immeuble devaient ressentir d'avoir nourri en leur sein une vipère maléfique, Denissov donna la parole au camarde Ivan Ivanovich Melnik. Ni une, ni deux, l'ouvrier costaud et toujours minutieux, enfant chéri du parti et de ses contremaitres, fit alors un discours simple "Camarades, j'ai une motion à présenter: le jeune Iraklion Galatov, fils de Macha Valérevna, voit son état empirer chaque jour. De nombreuses camarades m'ont affirmé qu'il le suivaient aux toilettes et qu'il se frottait à elle. Ce que je propose c'est qu'on aide Macha Valérevna à faire entrer son fils à l'asile où il recevra les meilleurs soins de nos psychiatres soviétiques, qui sont les meilleurs du monde. Parce que j'ai peur pour mes filles, peur pour ma femme, peur pour les membres féminins de notre collectif indivisible et heureux". La discussion s'anima subitement. l'on parla mal d'Iraklion Guiorguiévich Galatov et de sa mère. Au fond de la cour, où les plus persifleuses des commères du premier étage s'étaient regroupées dans une sorte de club informel des mauvaises langues, on raconta bientôt, suffisamment fort pour qu'on entende et assez bas pour qu'on puisse croire qu'elles cherchaient à être discrètes "et sa mère, elle lui passe la main sur l'huis ... c'est ça qui le calme ... quand même dans quelle époque qu'on vit!" soupirèrent de concert les trois sorcières. Le mécanicien Penchkov pris alors la parole " Camarades ! Je propose qu'on fasse d'abord expertiser par un médecin notre concitoyen Iraklion Galatov avant de décider de le séparer de sa mère". La camarade Kovchouka prit alors son tour et déclara "Un médecin pour ce pervers, qu'il aille moisir chez les fous ... c'est ce que dit mon mari qui est administrateur au plan". Tous savaient qu'en faisant interne Iraklion Galatov, la camarade Kovchouka, pouvait de bon droit demander que Macha Valérevna Galatova, désormais sans famille soit logée dans la chambre libérée par le décès d'Anna Pavlovna, permettant ainsi à la famille Kovchouk d'accroitre leur espace vital. Digne et plantureuse, la camarade Galatova prit alors la parole "Camarade comment c'est qu'vous parlez de la chair de ma chair, de mon petit Irouchka chéri, du fils d'un héros de la révolution décoré par Trotsky lui-même". Sur ces derniers mots, ce fut comme si la foudre s'était abattue sur l'assemblée ...
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

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Le violon d'Anna Pavlovna - compte rendu de partie (3).

Message par Orlov »

Un spectre hante l'Europe et particulièrement le 42 rue Bolchaya Sadovaya C'est peu avant ce moment que le citoyen sans-parti Panfilov arriva près du banquet. Si quelqu'un avait prêté attention aux agissements louches de ce parasite, il l'aurait vu se servir au banquet, disparaître dans l'escalier montant aux étages et réapparaître quelques temps plus tard. Un oeil averti, voire deux, aurait perçu que les cheveux de l'original locataire semblaient dressés sur la tête et qu'il haletait alors qu'il reprenait sa place près du banquet. Il avait en effet été témoin d'un phénomène bien étrange. Ces événements, surnaturels à tous égards, méritent qu'on s'y arrête. Voyant croître le nombre de ses concurrents alors que les locataires remplissaient leurs assiettes avant l'assemblée générale et progressaient en vague unie en direction du buffet, Panfilov opéra une retraite stratégique, les bras chargés de victuailles vers l'escalier et le quatrième étage. Il s'enferma dans les toilettes pour dévorer son butin sans avoir à le partager avec Rudolf Melnik dont l'estomac, criant famine, gargouillait à travers couloirs et corridors, comme le bruit sépulcral d'un tombeau intestinal. Se gavant à grandes bouchées, faisant tomber des miettes sur sa chemise russe, Panfiolv mastiquait vite et sec. "Tiens ... quel est ce bruit ? se dit l'ex-moujik". Un étrange bruit de grattement se faisait entendre dans le couloir. "Rudolfshka, c'est toi ?" murmura Panfilov. Aucune voix ne lui répondit. Un gémissement, une respiration sourde et saccadée, se faisait entendre. Tirant le loquet, Panfilov observa d'abord que la lumière électrique au règne déjà ancien venait de s'éteindre, laissant le cabinet de toilette éclairé par le mince rayon d'un clair de lune d'argent. Ce filet de lumière éclairait le couloir enténébré, entourant d'un aura pale et clair la blancheur spectrale d'une forme humaine. C'était un homme ou plutôt CA avait été autrefois un homme, un bourgeois qui ressemblait aux photos trouvées dans l'armoire d'Anna Pavlovna. Ses vêtements étaient déchirés, des trous de balle avaient percé le gilet cotelé, du sang couvrait les tempes et une balle capricieuse avait du ressortir par la tête, puisse qu'un trou désolait la moitié du visage du revenant. Car c'était bien un revenant, le fantôme d'une époque pourrie où la bourgeoisie exploitait les masses laborieuses de la ville. C'était bien le spectre de Saponov, revenu hanter les vivants en cette belle soirée du 8 août 1932. Saponov avait été, désormais, il était. Un rictus sardonique déchira la face du ci-devant bourgeois luthérien qui, jadis possédait l'immeuble et maintes usines de la ville. Il traversa la poste tandis que Panfilov, terrorisé et paniqué, marmonait des prières qui lui remontaient de l'époque où les campagnes avaient du pain, des poeles peints en bleu royal, l'époque d'avant les kholkozes, des isbas propres avant que les gens ne s'entassent dans les immeubles collectifs. DAns sa terreur, Panfilov s'était convaincu que seules des prières d'avant la Révolution pouvaient chasser le spectre d'avant la Révolution. Y avait-il un Dieu pour les Parasites, une sorte d'entité qui n'entendrait que les prières les plus désespérées toujours est-il qu'une manière de miracle se produisit. Car ce fut bien du feu qui jaillit de la bouche de Panfilov, une langue de feu similaire à celle que les Apôtres du Christ reçurent lors de la Pentecôte. Il sembla même à Panfilov qu'une cloche lointaine sonnait quelque part. La flamme toucha le fantôme bourgeois, le rendant furieux. Il tenta d'étrangler Panfilov qui parvint à lui échapper, à descendre quatre à quatre les escaliers et à reprendre sa place lors du buffet. Lorsqu'il revint, il entendit distinctement les trois mots "décoré par Trotsky", une nouvelle terreur le figea.

Ainsi, le nom avait été prononcé, le tabou brisé. L'assemblée, médusée et stupéfaite était figée dans un silence de mort. Macha Valérevna s'interrompit de suite. On n'entendait plus que le crayon de Serpukov crisser sur son carnet. C'en était fait de l'ordre social, adieux Violettes et champs de roses ... Le spectre de Lev Davidovitch appelé en occident Léon Trotsky venait de pointer le bout de son bouc et de ses binocles au 42 rue Bolchaya Sadovaya. Le camarade Serpukohov, sergent de la sécurité d'état de son métier, mit fin au silence pétrifié. Il déclara simplement "Bien, je vois que la discussion s'enlise sur des données techniques". Regardant d'un mauvais oeil, le mécanicien Penchkov, il sortit de sa serviette en cuir un papier couvert de tampons mystérieux provenant de bureaux divers et variés aux acronymes abscons. "Camarades, dit de sa voix de stentor le sergent de la sécurité d'Etat, Serpukhov. J'ai ici une lettre du docteur Zakharov, de l'institution mentale municipale numéro 1. Il certifie qu'Iraklion Guiorguiévich présente des signes de débilisme qui rendent possible ce l'ouverture d'un protocole de soins. Je soutiens donc la proposition du camarade l'ouvrier Melnik. Je propose qu'on passe au vote". Denys Denissovich, d'une voix tremblante, présenta la motion du camarade Melnik. "L'Assemblée générale des habitants du 42 rue Bolchaya Sadovaya de Rostov, inquiète de l'état de la santé mentale du citoyen Irakloion Guiorguievich Galatov, recommande son internement immédiat dans une institution spécialisée au nom de la protection des bonnes moeurs et de la vie familiale domestique du collectif résolument communiste et laborieux habitant l'immeuble". Comme un seul homme et comme attendu, l'assemblée vota la motion du camarade Melnik. Seule Macha Valérevna et l'étudiant Popov s'abstinrent. Denys Denyssovich et Serpukhov félicitèrent le camarade Melnik pour sa prise de paroles tandis que les autres habitants se ruaient de nouveau vers le buffet où la vodka se réchauffait et le jambon suintait lentement dans la chaleur de la nuit rostovienne. Macha Valérevna et Irakion Guiorguiévich furent menés par deux miliciens hors de la cour de l'immeuble.
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Le Violon d'Anna Pavlovna (4)

Message par Orlov »

Tout est bien qui finit au NKVD La suite des événements est confuse. Que le lecteur en juge. Alors que le sergent de la sécurité d'état apprenait que les biens d'Anna Pavlovna étaient sous la garde de Rudolf Melnik, un type louche selon tous les standards en vigueur dans les sociétés aussi civilisées et policées que la société soviétique, le camarade Melnik et la camarade Melnika avait une discussion pour savoir qui devait coucher les filles. La camarade Melnik monta avec les deux petites filles qui tiraient sur leurs mâchoires comme deux gros chats en baillant aux corneilles. L'étudiant Popov se demandait si vraiment, on avait vu qu'il s'était abstenu, lors d'un vote contre une trotskyste, Panfilov se tenait dans les ténèbres, se remettant de son choc par la prière. Le mécanicien Pechkov discutait avec le camarade Melnik, tentant de le convaincre de la justesse de la position qu'il avait défendue. C'est alors qu'on entendit des coups de feu. Popov qui voulait montrer qu'il n'était pas un étudiant apolitique parasite ainsi que les camarades Melnik et Pechkov, par sens communiste du devoir, se ruèrent dans l'escalier vers l'étage d'où provenait le bruit de tir. Panfilov, comprenant de quoi il retourna, prétexta que la lumière était éteinte à l'étage pour aller trouver l'interrupteur. Les coups de feu redoublèrent, et on entendit bientôt des cris dans la cour. Allumant de son briquer un exemplaire d'un journal ayant servi à emballer du poisson séché, Pechkov éclaira le pallier du quatrième étage. Le sergent de la sécurité d'état Serpukhov, le pistolet nagant au point tirait tandis qu'un de ses miliciens tendait son nossim vers la Forme. Melnik, effrayé de savoir sa femme et ses enfants de l'autre côté du palier se rua, tentant de contourner la Forme. Celle-ci tendis des lambeaux d'éther qui lui tenaient lieu de bras, poussa un feulement sépulcral et entreprit d'étrangler Melnik. Avec un grand courage, le camarade Pechkov brandit sa torche improvisée vers la Forme afin qu'elle lâche prise. Par miracle, la Forme recula devant la flamme avant de se ruer sur le milicien survivant. Pendant ce temps là, Popov regardait fasciné le spectacle. Ferme rationaliste, il se demandait comment expliquer un tel phénomène que celle de voir une manière d'holographie, ou d'image éthérée (qu'il comptait baptiser "Forme éthérée Popovienne" en son propre honneur). Se souvenant de travaux menés par l'institut en Physique Appliquée Menjikov de Moscou, il avait entendu parler des études de l'illustre académicien sur la télépathie et la perception extra-matérielle et se dit qu'on devait avoir affaire à une situation similaire. Il constata de plus que la forme ne semblait pas prête à quitter le palier et conseilla donc à Serpoukhov de faire retraite sur l'escalier. Parvinrent alors sur le Palier le camarade Melnik, son épouse et ses filles. Chacun des deux hommes portait une fille, prenant soin de leur couvrir les yeux. La Forme se tourna vers les malheureux, dévoilant la profondeur infinie de sa tristesse et de sa rage, son ressentiment sans limites envers ceux qui avaient eu la chance de survivre à la marche sanglante de l'Histoire et tentaient de mener une vie heureuse et pleine dans un immeuble surpeuplé. Les cinq fugitifs tentèrent alors leur chance, courant littéralement à travers la forme. Quelques secondes, un temps suspendu pour l'éternité pour ceux qui couraient, et ils étaient en bas de l'escalier tandis que la forme hurlait sa rage et sa frustration d'une voix atone, un cri de cauchemar.

Nul parmi les fuyards ne se retourna. Seul l'étudiant Popov continuait à étudier la forme, tentant de comprendre ses réactions. La fascination et le désir de savoir l'emportait sur la peur, d'autant plus que l'astucieux étudiant avait compris que la Forme était attachée à l'étage aussi sûrement qu'un navire à son ancre. C'est alors qu'il sentit la main de Serpukhov sur son épaule. Celui-ci lui dit: "Ne reste pas là, je t'ordonne d'évacuer". Vidant le chargeur de son Nagant sur la Forme, sans aucun résultat, il ne tarda pas à suivre Popov qui reculait à contrecoeur. Parvenu en bas de l'escalier, Serpukhov appela la Milice et demanda à parler au "Camarade Capitaine de la Sécurité d'Etat Fomine, directeur régional du service de Lutte contre les Superstitions". Il sortit ensuite dans la cour, ordonnant aux camarades habitants de garder patience, le NKVD ayant la situation sous son contrôle. De leur côté, Pechkov, Popov et la famille Melnik rejoignirent un Panfilov livide. On résolut de ne parler à personne de CA. Les victimes de la Forme voyaient bien que les voisins regardaient dans leur direction et que les commères attendaient avec impatience qu'on leur fit un récit. Serpukhov vint adjoindre à chacun de se taire. C'est alors que Melnik sortit de sa torpeur qui l'avait vu n'agir que par simple instinct de survie pour se rappeler que nul ne savait où se trouvait son frère. Il voulut d'abord remonter à l'étage mais les autres et son épouse le dissuadèrent. Il regarda en direction de ses petites filles qui interprétaient ces événements nocturnes comme le signe d'un départ vers Yalta. Elles applaudirent dans leurs petites mains lorsque le camion du NKVD fit son entrée dans la cour. C'était un vieux coucou similaire à celui que ROSTSTALMASH avait mis à disposition de la famille pour l'amener à la gare il y a trois semaines. Mais ne descendit pas du camion une foule de vacanciers heureux, mais bien une escouade d'hommes armés, au milieu de laquelle émergeait une silhouette longiligne, hirsute et barbue. Les hommes aux pantalons bleus traversèrent la cour avant de s'engouffrer dans le hall de l'immeuble et le quatrième étage plongé dans les ténèbres. De nouveau, des coups de feu, des cris. Un gradé s'approcha du groupe comprenant les locataires du quatrième et Serpukhov. Il consulta sa montre et dit d'une voix calme "Camarade sergent de la sécurité d'état, veuillez rassembler tous les citoyens ayant été témoins de ce qui s'est passsé à l'étage". Serpukhov présenta les camarades Pechkov et Melnik ainsi que Panfilov et Popov au Gradé qui déclara être le capitaine de la sécurité d'état Fomine. L'escouade redescendit, traînant des corps recouverts par des couvertures. Melnik fut autorisé à vérifier que son frère ne faisait pas partie des victimes, moment que Serpukhov choisit pour lui annoncer que les biens de Maria Pavlovna avaient disparu. Une grave atteinte à la propriété socialiste venait d'être commise, entachant l'honneur d'une famille loyale et dévouée à la cause du communisme, conclut Melnik d'un ton sombre.

Les choses s'achevèrent lorsque Pechkov, Melnik (qui avait obtenu que sa famille passe la nuit à la résidence des cadres en visite), Panfilov et Popov trouvèrent leur place sur un tabouret dans une confortable salle de réunion de l'ex Crédit du Sud et de la Mer Noire dont l'imposant siège, profilé dans un curieux mélange des styles roccoco et Mauresque, servait désormais de siège au NKVD régional et municipal. D'épais et vieux ouvrages s'entassaient sur des étagères croulantes, un tapis persan fatigué et troué par des braises de tabac, une lampe art nouveau qui diffusait une lumière verte et chaude constituaient les principaux embellissements de cette pièce qui était à peine plus grande que la chambre d'Anna Pavlovna. Fomine écouta avec attention les récits des différents témoins. L'entretien permit d'apprendre que Pechkov avait trouvé dans l'appartemant d'Anna Pavlovna une lettre dans laquelle la décédée demandait dans son invraisemblable Russe mêlé de Polonais qu'on prévienne le Prêtre Tadeski de son "Rappel auprès de Dieu". Il s'avéra qu'un homme répondant à ce patronyme et à ce signalement avait été arrêté sur la place de la Révolution (connue par les vrais Rostovites sous le nom de "Place aux Moineaux") en essayant de changer des objets précieux contre des devises étrangères. Il avait avoué à ses interrogateurs qu'il jouait de la crédulité futile et contre-révolutionnaire d'une vieille douairière, laquelle s'était marié avec Saponov, ci-devant banquier et propriétaire, membre éminent de la classe bourgeoise de la ville et fusillé comme otage en 1920. Fomine examina ensuite un papier qu'un planton venait de lui apporter. Il le lut à l'assistance. C'était le rapport d'Ikonnikov, l'homme barbu et longiligne que Panfilov avait identifié comme un Pope qui faisait partie de l'escouade envoyée au 42 rue Bolchaya Sadovaya. Ikonnikov affirmait qu'avec la mort d'Anna Pavlovna, l'esprit de Saponov était venu exterminer d'honnêtes citoyens soviétiques car, tant que la vieille était en vie, une certaine forme de bonté mettait un voile entre l'âme aigrie de Saponov et les vivants. Fomine ne fit aucun commentaire sur ce rapport délirant et demanda à ses auditeurs de dire ce qu'ils pensaient de cette théorie. Pechkov évoqua l'obscurantisme qui émanait de cette prose qui lui paraissait provocatrice. Melnik déclara faire confiance aux organes et n'était lui même pas très sûr de comprendre de ce qu'il avait vu et avait menacé sa famille. Popov ne parut pas troublé et évoqua les travaux de l'institut Menjikov. Quant à Panfilov, il trouva le rapport très clair et bien présenté et complètement crédible. Fomine tira une longue bouffée sur ca cigarette avant de se présenter. Il avait adhéré au Parti en 1910, avait connu la clandestinité et y était retourné lorsque les Blancs occupaient la ville. Le parti lui avait assigné une mission spéciale. Guenrikh Iagoda, commissaire du peuple aux affaires intérieures, lui avait demandé de but en blanc "Lev Davidovich, vous croyez au surnaturel?". Fomine n'y croyait pas et affirma qu'il ne savait toujours pas ce qu'était le surnaturel. Mais Iagoda avait ajouté "Et bien, camarade Fomine, le Parti exige de toi que tu croies au Surnaturel désormais". Fomine racontait cette anecdote, impliquant quand même un des plus gros bonnets du pouvoir soviétique, d'un ton égal, comme s'il avait parlé de la pluie et du beau temps avec son coiffeur. Il marqua une pause et dit. "Je ne suis plus membre du parti, et je ne crois toujours pas au surnaturel. Mais on m'a demandé de lutter contre les phénomènes qui relèvent de cette catégorie de pensée". Une autre pause suivit. Fomine ménageait manifestement ses effets. Il regarda chacun de ses interlocuteurs. "Et VOUS allez m'aider". FIN DU VIOLON D'ANNA PAVOLVNA

Edit: élimination des tendances crypto-bourgeoises dénoncées par le cam. Chaviro.
Dernière modification par Orlov le mer. avr. 22, 2015 12:29 pm, modifié 2 fois.
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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chaviro
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Re: CR: Grandes Terreurs. Le donj du vendredi soir joue à Cthulhu chez les Soviets !

Message par chaviro »

J'adore le « le parti exige de toi que tu croies au Surnaturel désormais » :bravo:
(attention, l'absence de capitale au mot « Parti » est un indice de tendances crypto-bourgeoises chez un écrivain…)
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Re: CR: Grandes Terreurs. Le donj du vendredi soir joue à Cthulhu chez les Soviets !

Message par Orlov »

chaviro a écrit :J'adore le « le parti exige de toi que tu croies au Surnaturel désormais » :bravo:
(attention, l'absence de capitale au mot « Parti » est un indice de tendances crypto-bourgeoises chez un écrivain…)
Merci de la correction, camarade ! Le Parti exige désormais que je vénère le Poulpe ! :pri
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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Les Secrets de la mer des Tchouktches: les Mystères de l'île aux Baleines (CR 1)

Message par Orlov »

Partie de Cthulhu chez les Soviets en mode "organe".

Les principes de ce mode sont d'avoir des personnages un poil plus costaud et aux possibilités plus étendues que leurs camarades du mode "Komunalka", le ton des aventures est également moins "ras des paquerettes". Pour le reste, les canons de Cthulhu chez les Soviets sont les mêmes: surnaturel vs matérialisme, bureaucratie vs efficacité, répression vs liberté individuelle.

Création des PJ
Création des perso selon les principes évoqués sur le fil technique: PJ définis par trois caractéristiques, un métier et un hobby et des éléments de background soulevés par la discussion avec le joueur.

Les PJ incarnent les membres d'une expédition destinés à aller construire un phare sur l'île d'Yttigran, une île du détroit de Senyavina, sur la bordure orientale du détroit de Béring.

L'expédition amalgame une équipe scientifique et une section de l'Armée Rouge composée de ces cadres, d'une quinzaine de combattants armés et d'une quarantaine de combattants non armés destinés à servir de main d'oeuvre. Les PJ pouvaient donc choisir de créer un personnage s'insérant dans les trois groupes.

- Les combattants non-armés de l'Armée Rouge: ces bataillons de travail non armés étaient composés de personnes auxquels le pouvoir soviétique ne faisait pas confiance. Dans un contexte où les forces armées soviétiques peinent à équiper tous leurs membres, déserteurs, insoumis et prisonniers n'ayant pas encore effectué leur service militaire étaient mobilisés, selon une norme non écrite, dans ces bataillons de travail.

- Les combattants armés: des appelés en état social et mental de porter les armes et leurs officiers et sous officiers.

- L'équipe scientifique chargée de construire le phare et de le doter d'une technologie révolutionnaire: le procédé de l'académicien Fédokine, une méthode nouvelle de produire de l'acétylène sans électricité. Fédokine lui même fait partie de l'équipe.

Le collectif des PJ

Combattants armés de l'Armée Rouge

Vladimir Illych Popov, 22 ans, Commandant d'escouade (KomZov) [note historique: à cette époque, l'Armée Rouge n'a pas rétabli les grades d'officiers: le rang de KomZov, correspond au quatrième grade de commandement, c'est l'équivalent d'un sous-lieutenant].

Fizkult/Culture Physique: 10, Esprit/Um: 14, Système nerveux central/TsNS: 14

Aspects: Background: je suis le fils du général Popov, compagnon de Staline; Métier: officier de l'Armée Rouge; Hobby: je joue aux échecs, le seul loisir digne d'un officier de l'Armée Rouge des Travailleurs et des Paysans; Membre du parti communiste d'Union Soviétique; Motivation: je suis venu dans le grand nord pour faire une carrière plus rapide.

Alexandre Mikhailovich Ryboliev dit "Sotcha" Adjudant (Starshina) de la section.

Fizkult/Culture Physique: 14, Esprit/Um: 8, Système nerveux central/TsNS: 14

Aspects: Background: je suis un vrai Moujik de la région d'Orel, ancien garde chasse d'une propriété seigneuriale; Métier: adjudant rentré comme cuisinier, Hobby: je sculpte des objets en bois ou en os et j'aime la lutte traditionnelle aux poings; Motivation: J'ai aimé la komsomole Tatiana mais elle est partie avec un officier politique juif, J'ai atterri dans le Grand Nord pour fuir cette histoire d'amour déçu.

Alexandre Maratovih Soukhouline 41 ans Officier politique adjoint (Pompolit).

Fizkult/Culture Physique: 10, Esprit/Um: 14, Système nerveux central/TsNS: 14

Aspects: Background: j'ai fait des études à la faculté de sciences humaines de l'université de Kazan, mon origine tatare me favorise pour ma carrière ; Métier: officier politique, Hobby: je pratique la taxidermie, une activité qui demande minutie et me fait penser à la psychologie humaine ; Motivation: je travaillais au service politique de Vladivostok mais nous avons reçu un rapport sur l'expédition, ma tâche est de m'assurer que le phare soit construit.


Krill Vassilievitch Bertruger 30 ans Officier spécialiste en mécanique (Spetskom).

Fizkult/Culture Physique: 14, Esprit/Um: 12, Système nerveux central/TsNS: 12

Aspects: Background: j'ai fait des études supérieures de mécanique, je me suis spécialisé dans les véhicules terrestres, je connais l'anglais et l'allemand; Métier: ingénieur mécanicien dans l'armée rouge des Paysans et des Travailleurs; Membre du parti; hobbie: les sports mécaniques, avec mes camarades de la faculté, nous avons fait des rallies automobiles [note historique: les rallies automobiles sont à la mode, ils forment même l'arrière fond du Veau d'Or, le roman satirique d'Ilf et Petrov] ; Motivation: je suis venu dans le Grand Nord pour accélérer ma carrière

+ 1 personnage créé en deuxième séance:

Alexandre Maratovih Soukhouline 26 ans Officier politique adjoint (Pompolit).

Fizkult/Culture Physique: 10, Esprit/Um: 14, Système nerveux central/TsNS: 14

Aspects: Background: j'ai fait des études à la faculté de sciences humaines de l'université de Kazan, mon origine tatare me favorise pour ma carrière ; Métier: officier politique, Hobby: je pratique la taxidermie, une activité qui demande minutie et me fait penser à la psychologie humaine ; Motivation: je travaillais au service politique de Vladivostok mais nous avons reçu un rapport sur l'expédition, ma tâche est de m'assurer que le phare soit construit.

Combattants non-armés de l'Armée Rouge

Igor Vladimirovich Molotov 28 ans, combattant du rang.

Fizkult/Culture Physique: 14, Esprit/Um: 8, Système nerveux central/TsNS: 14

Aspects: Background: fils d'ouvrier; Métier: ouvrier chauffagiste / sportif, la boxe m'a permis d'échapper à ma condition ouvrière, bien que je ne sois qu'amateur, j'étais mieux traité à l'usine ; Honte: j'ai perdu un combat contre un boxeur américain, c'était la première fois qu'un boxeur soviétique affrontait un champion étranger, pour me rapprendre les valeurs soviétiques, j'ai été mobilisé en tant que combattant non armé ; Motivation: prouver par mon service exemplaire que je suis digne de me racheter et d'adhérer au parti.

Koriak Nintovich Popov 35 ans, combattant du rang, staroste [porte-parole] et feldcher [infirmier] des combattants non armés.

Fizkult/Culture Physique: 13, Esprit/Um: 9, Système nerveux central/TsNS: 13

Aspects: Background: chasseur de nationalité évène, je suis né et j'ai grandi dans la Toundra, l'Armée m'a appelé pour la Guerre impérialiste, ensuite ils m'ont recruté pour leur guerre civile, je ne sais même pas pour qui j'ai combattu et je déteste la violence, j'ai déserté en 1919 ; Métier: aucun, je suis un inapte à tout travail mais je sais bricoler plein de chose ; Hobby: ce ne sont pas des loisirs mais je sais chasser, pêcher et survivre dans la toundra ; Motivation: je me suis heurté aux autorités soviétiques qui collectivisaient l'élevage de rennes de ma famille, je me suis enfui avec ma femme mais elle est morte pendant notre fuite, ensuite ils m'ont rattrapé mais ne m'ont pas fusillé et m'ont renvoyé à l'armée.


L'équipe scientifique

Andreï Yegoroich Koslov 28 ans, logisticien.

Fizkult/Culture Physique: 8, Esprit/Um: 14, Système nerveux central/TsNS: 14

Aspects: Background: fils d'employé, rien à dire ; Métier: logisticien, je prépare le matériel d'expéditions scientifiques, j'aime le monde de la science et j'ai acquis des bases en anglais technique ; Membre du parti communiste: Je suis arrivé dans le Grand Nord en tant que Komsomol et j'y suis resté ; Hobbie: je joue de la musique avec une prédilection pour les cuivres et mon vieil accordéon ; Motivation: je crois à l'oeuvre civilisatrice du Parti dans le Grand Nord et je suis content d'y participer.

Les camarades non joueurs

Le groupe étant assez conséquent, nous n'avons pas fait de création collective de PNJ, j'ai donc utilisé ceux que j'avais prévus.

Combattants armés de l'Armée Rouge

Le KomZov adjoint Piotr Gavrilovich Petrov: commandant en second, c'est un homme sur la fin de la vingtaine, il a le regard intelligent et observateur, mais il sait se montrer très froid et distant. S'entend bien avec le Starshina.

Le combattant du rang Oussipov: cet appelé de 24 ans se destine à devenir instituteur, il est chargé des cours d'alphabétisation et est considéré comme assez fiable pour s'occuper des munitions et des armes.

Figurants: quinze combattants appelés armés. Parmi eux Zamiatine et son ami Michka, deux pays de la région de Penza dans la région de la Volga.

Combattants non armés de l'Armée Rouge

L'Asiate: ce tatar aux yeux légèrement bridés est un criminel endurci qui est né et a grandi en prison à l'époque des Tsars, la révolution ne l'a pas amendé et il a purgé de nombreuses peines criminelles pour vol et homicides. Il appartient au mondes de urkas, du crime organisé où il représente une figure d'autorité. Normalement, il aurait du être Staroste mais sa réputation et la violence dont il fait parfois preuve vis à vis de ses camarades non criminels l'a disqualifié pour ce poste. Il est actuellement dans un bataillon de travailleur, car après avoir purgé sa dernière peine, il a été rattrapé par ses obligations militaires bien qu'il aie déjà quarante ans bien sonnés.

Serpent, La Mouche, Arbat et Ivan et Demi sont les complices de l'Asiate, urkas ou criminels comme lui, ils forment une cour dépravée et cynique qui s'affaire autour de leur Pakhan. Voler les autres soldats et mendier dans les cuisines, jouer aux cartes et s'entretenir à voix basse sont les activités qui occupent l'essentiel de leurs journées. Serpent et la Mouche sont deux cambrioleurs, Arbat est un voleur moscovite, Ivan et Demi un paysan naif à la force colossale que les autres manipulent afin qu'il fasse jouer ses muscles et fasse respecter l'autorité du groupe.

Les deux moujiks Konstantinov et Afanassiev: ces deux paysans barbus et illettrés se sont retrouvés dans un bataillon de volontaire au cours de la campagne de collectivisation. Bien que travailleurs pauvres (ce qui leur a évité la déportation), ils ont déplu lors d'une assemblée de paysans. L'un a déclaré "Je n'ai rien contre le pouvoir des soviets et je vénère le camarade Staline, mais avant, on avait du pain ... maintenant il est où le pain", l'autre ajouta "Et le beurre, il est passé où le beurre?". Ils écopèrent de deux ans de camp à régime sévère. Une fois leur peine acquittée, ils furent mobilisés dans l'Armée Rouge.
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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Les Secrets de la mer des Tchouktches: les Mystères de l'île aux Baleines (CR 2/3)

Message par Orlov »

Le 5 juillet 1932, le Sibiriakov chalutier polaire de la Flotte du Pacifique quitte le port de Vladivostok. A son bord, un équipage de 20 matelots rouges et la 68ème section de construction du 81ème régiment du district militaire de la Province Maritime. Le bateau se dirige vers l'île d'Yttigran qui marque l'entrée du détroit de Senyavin au nord duquel le pouvoir soviétique veut installer une base de ravitaillement pour les futures expéditions maritimes destinées à ouvrir la route du nord-est.

La section étant assemblée dans la cour de la caverne "Frounzé", le lieutenant Popov pris la parole.

"Camarades combattants de l'Armée Rouge, la mission que nous a confié notre Patrie Soviétique, le Parti et le camarade Staline consiste à construire un élément indispensable au bien être des peuples du Nord et à travers eux de toute l'Union. Je vous rappellerai d'une part que l'ouverture des voies maritimes du nord-est est un défi à la mesure des vertus et du courage de notre immense nation et du grand peuple soviétique : ouvrir à la navigation et au progrès les routes englacées du nord, c'est comme l'a rappelé le camarade Staline, porter un coup de poings à la Bourgeoisie qui juge cette tâche impossible. C'est réaffirmer, face aux ambitions impérialistes des nations voisines, les droits inaliénables de notre nation soviétique sur les eaux et les îles qui constituent autant de réserves de richesses présentes et future. C'est révéler devant la face du monde que rien n'est impossible au peuple soviétique, tendu dans son effort, le front résolument tourné vers les Pôles et les glaces du Grand Nord. C'est démontrer la supériorité de la science soviétique puisse que le grand académicien Fédokine, qui participe à l'expédition, a mis au point un procédé ré-vo-lu-tion-naire pour apporter la lumière du progrès et de la civilisation dans le sombre ciel arctique. C'est enfin une tâche culturelle exaltante qui ancrera les peuples nationaux de l'Arctique dans la conscience de leur identité soviétique. C'est une tâche d'une importance telle que, plus tard, lorsque la sérénité de la vieillesse et les bienfaits d'une vie laborieuse et honnête nous auront comblé d'enfants et de petits enfants, nous pourrons leur raconter, leur expliquer comment leur grand père a contribué à construire une Union Soviétique, fraternelle, indivisible, puissante et victorieuse. Pour le camarade Staline, Houra !".

Rapport du camarade Chterbatov, commandant du Sibiriakov au sujet de la 68ème section et de ses cadres.

Après deux jours d'installation, pendant lesquels il n'y eut aucun incident à signaler, je tiens à signaler les faits suivants qui se sont produits le 8 juillet 1932. Ceux-ci m'ont été rapportés par l'équipage ainsi que par XXXXXXXXX, communiste sincère et conscient de la nécessaire vigilance révolutionnaire qui doit guider les combattants de la Flotte Rouge et de l'Armée Rouge.

Le 8 juillet à midi, le KomZov Popov reçevait dans sa cabine l'officier technique Bertruger, l'académicien Fédokine, le physicien Petov, l'opticien Danilov, le contremaitre Soutov et le logisticien Kozlov ainsi que les officiers Petrov et Ryboliev, le staroste Popov et le combattant du rang et sportif de renom Molotov. Après les toasts de rigueur et le repas amélioré, la discussion qui suivi porta sur des points organisationnels, l'académicien Fédokine se plaignant de la soi-disante attitude bureaucratique de la marine, qui aurait fait prendre du retard à la mission. Loin de défendre l'honneur de ses collègues de la marine, le camarade Popov a prétendu comprendre les critiques de l'académicien Fédokine et s'est engagé à compenser le temps perdu par un travail acharné de l'équipe. Personne dans l'assemblée, à l'exception de ma source, n'a semblé relever pour leur gravité les propos trotskystes de l'académicien Fédokine qui a dit "Le camarade Staline est la personnalité la plus éminente de nos temps, mais il a concentré entre ses mains un pouvoir sans pareil qui paralyse les initiatives locales". La discussion a ensuite porté, selon nos sources, sur des questions de logistique relatives à la machine RD-7 du constructeur états-unien Caterpillar.

D'autres incidents ont suivi, témoignant du relatif degré de déliquescence qui frappe la section. Le soir, alors que le logisticien Kozlov était descendu dans l'entrepont pour apporter une présence communiste et relever le niveau culturel de la section en proposant une sélection de chansons populaires soviétiques, le combattant non armé Drakov surnommé "L'Asiate" a insisté pour que le camarade Kozlov joue des chansons contre-révolutionnaires populaires dans les milieux criminels. Alors que Kozlov fit mine de partir, les complices habituels de l'Asiate, Mikulenko dit "Arbat", Grechkadzé dit "Mouche", Moussine dit "Ivan et Demi" et Petrov dit "Serpent" entourèrent Kozlov, le menaçant. Ces hommes m'ont été signalés par ma source comme des hooligans et des criminels au passé chargé et hostiles au pouvoir soviétique auxquels la Mère Patrie donne une occasion de se racheter en servant dans un bataillon de travail de l'Armée Rouge. L'intervention du combattant du rang non armé, le sans parti Molotov permis de mettre fin à l'altercation mais se solda par une rixe opposant Molotov à Moussine dit "Ivan et Demi". Kozlov put regagner ses quartiers.

Dans la suite de la nuit, d'autres incidents se produisirent. D'une part Drakov dit l'Asiate fut reçu par le KomZov Popov, lequel chercha manifestement à nouer avec ce criminel des liens de civilité d'une nature indéterminée. Il semble que l'entrevue tournât cours puisque l'Asiate ressortit rapidement et fut raccompagné par le soldat de faction jusqu'à l'entrepont au bout de quelques minutes ... Plus tard, le matelot sans parti Azovensky signala un homme à la mer à 13h34 (heure de Moscou), 23h34 (heure locale). D'après ce que j'ai pu reconstituer de l'incident, le combattant non armé sans parti, Mikulenko dit Arbat serait sorti sur le pont, violant l'extinction des feux, et aurait glissé sur le pont. Plusieurs de mes matelots m'ont indiqué cependant qu'Arbat n'était pas le seul combattant de l'armée Rouge et qu'on a vu trois combattants armés servant en cuisine, le starshina Ryboliev, le KomZov Popov se trouver non loin de l'incident. Je laisse à votre vigilance le soin de donner des suites à cette disparition et me tiens près à témoigner, le cas échéant.

Le 9 au matin, alors que j'avais convoqué le KomZov Popov pour m'entretenir avec lui de sa manière de tenir la section, le matelot Kerchine vint me trouver pour me signaler que la porte de la cabine de l'académicien Fédokine avait été fracturée par le KomZov Popov et le logisticien Kozlov. Une source proche de l'événement m'affirma que Popov entra dans une violente colère contre l'académicien, l'accusant d'être un dangereux toxicomane. Les détails de cette affaire m'échappent mais il semble que le logisticien Kozlov ait dénoncé au commandant de l'escouade le vice narcomaniaque de l'académicien Fédokine et que des indices graves et concordants (des flacons retrouvés dans le placard de l'académicien) ne permettaient pas de mettre en doute ce fait. Ces faits m'ont ensuite été confirmés par Popov qui semblait sincèrement désolé de la tournure des événements. Le lieutenant Popov, eu égard à l'importance de sa tâche, prit des mesures énergiques.

- Il m'a demandé d'arrêter l'Asiate, coupable d'avoir vendu de la drogue à l'académicien Fédokine. J'ai accepter, en tant que commandant du navire et pour soutenir un camarade commandant, membre du parti, de mettre ce dangereux criminel aux arrêts.

- Il convoqua un comité d'amélioration de la vie du soldat, mit en cause l'attitude molle du staroste Popov (un homonyme du lieutenant, mais sans lien de parenté avec lui et sa prestigieuse famille, ledit Popov étant de nationalité Evène) et proposa de nommer comme staroste-adjoints les camarades Molotov et Moussine (lequel semblait s'être détaché de la bande de l'Asiate et rapproché de la partie saine de la section par le biais de son amitié pour Molotov). L'assemblée approuva à l'unanimité moins une ces mesures, le staroste Popov votant en effet contre (il est à noter qu'aucun des communistes de la section ne s'est chargé d'expliquer au staroste Popov qui avait voté contre la décision majoritaire les conséquences de son vote et de son éloignement de la masse des combattants et qu'aucune ).

- Popov décida, mais sans me consulter, comme s'il voulait le cacher que Fédokine, en tant que sa valeur pour la Science Soviétique ne permette pas de se passer de lui, serait surveillé et accompagné. Celui-ci ayant de bonnes relations avec le logisticien Kozlov, c'est à ce dernier qu'est revenu la tâche de veiller sur lui.

Peu après que j'aie appris le contenu de la réunion du comité d'amélioration de la vie du combattant, j'appris par radiotélégramme que l'Armée Rouge dépêchait auprès de la section le commissaire politique adjoint Soukhouline de la direction politique de Khabarovsk. Cette nouvelle communiquée au camarade KomZov Popov accompagna et renforça son activité réformatrice. Cette action a permis, à défaut de relever le moral et le niveau de conscience politique de la troupe, d'empêcher que ces deux piliers ne se dégradent.

L'arrivée du camarade Soukhouline, commissaire politique adjoint, permit de renforcer cette action, sans en améliorer notablement les résultats. Elle se solda cependant par une hausse de la discipline militaire. Aucun des incidents survenus dans les premiers jours ne s'est reproduit. L'arrestation et le débarquement, sur la vedette Province Maritime Rouge de "L'Asiate" et de ses complices "La Mouche" et "Le Serpent" (ces deux derniers ayant été arrêtés après avoir tenté d'attenter à la vie du Staroste Popov) n'ont pas peu contribué à rendre le collectif plus sain.


Si l'académicien Fédokine semble avoir repris ses esprits il persiste à s'engager dans des discussions au contenu politique équivoque, caractéristique des spécialistes bourgeois d'Ancien Régime dont la nation soviétique a hérité et qu'elle se doit d'utiliser au mieux de leurs capacités techniques et politiques. Il convient cependant de noter que l'académicien Fédokine s'estime manifestement protégé par ses contacts auprès du professeur Otto Schmidt de la direction des routes du Nord et de son statut d'académicien. Son attitude méprisante pour le pouvoir soviétique s'explique probablement par ce sentiment d'impunité, sentiment entrentenu manifestement par certaines personnes dont le manque de vigilance est préoccupant et mérite d'être dénoncé. Je tiens notamment à rapporter les reproches que Fédokine aurait une nouvelle foi adressé à l'encontre de la marine en présence du camarade Soukhouline. Selon Fédokine, notre état-major et nos services de transport n'auraient pas anticipé, à dessein, l'impossibilité matérielle de débarquer la machine RD-7 destinée à aplanir le sol. Prétendant que la Flotte Rouge, dans son ensemble, serait opposée aux projets de la Direction des Routes maritimes du Nord, l'académicien Fédokine aurait évoqué un sabotage intentionnel de la part des services de la Flotte. Ces propos traduisent soit l'absence de consciences politique et l'étroitesse idéologique de cet individu, soit relèvent d'une volonté manifeste de calomnier la flotte et diviser les forces armées du pouvoir soviétique, attitude qui mérite d'être sévèrement fustigée lorsque la mission sera achevée. Il serait bon également d'interroger et d'adresser de sévères remontrances envers les officiers de la section, y compris le camarade Soukhouline, dont le silence ne peut qu'encourager Fédokine à prendre ses affabulations au sérieux et à répandre calomnies et bobards bourgeois à l'encontre de la flotte.

Enfin, je tiens à faire part de mes impressions sur le niveau d'encadrement de la 68ème section:

- Le KomZov Popov est un officier de qualité moyenne, pour autant que je puisse en jouer et pour autant que le haut niveau d'exigence de la Flotte Rouge soit complètement adapté aux exigences dont doit faire preuve l'Armée Rouge, dans les circonstances historiques actuelles. Il développe un style de commandement qu'on peut qualifier de bien intentionné mais de bourgeois. En effet, il cherche des relations de confiance avec ses hommes, multipliant les liens individuels. L'effet d'entraînement de ses discours, idéologiquement irréprochables, est cependant notable: ceux-ci ayant évité une lente érosion du moral mais telles que ses actions me sont rapportées par mes sources, elles ne permettent pas d'élever le niveau moral et la conscience communiste de ses hommes. Il prête une oreille trop attentive à Fédokine et ne lui oppose pas la nécessaire fermeté révolutionnaire à même de convaincre le savant qu'il fait fausse route.

- L'officier spécialiste Betruger semble trop préoccupé de questions techniques et semble penser qu'il n'est qu'une sorte d'ingénieur en uniforme. Si ses compétences techniques ne peuvent être remises en cause et s'il développe un sens de l'initiative certain (par exemple en résolvant avec le logisticien Kozlov le problème du transport du bulldozer américain lors du débarquement sur l'île d'Yttygrann), il ne se comporte ni comme un communiste, ni même comme un officier, limitant ses contacts avec la troupe.

- Le starshina Ribolyev est un individu louche, malgré son ancienneté dans le service, il distribue de manière équivoque les restes des repas. Loin d'appliquer des standards de moralité communiste, il se comporte comme un chef de bande avec ses trois aides. Il se montre peu intéressé par l'activité politique et est peu désireux de parfaire ses nombreuses lacunes. Son apparence extérieure débraillée ainsi que son langage, souvent injurieux, montrent qu'il ne peut être considéré comme un élément valable devant être promu.

- Parmi les hommes: Molotov, malgré les déceptions qu'il a engendrés, semble soucieux de se racheter. Son influence positive sur le combattant non armé Moussine est visible. Le staroste Popov se comporte ouvertement en ennemi du pouvoir soviétique et ne veut ni s'intégrer au collectif, ni se conformer aux règles qui régissent la vie des combattants rouges. Son uniforme est souvent dépenaillé et il semble avoir fraternisé avec l'Asiate, même si la rixe dont il a été victime semble démontrer le contraire. Le combattant armé Oussipov mérite d'être signalé pour sa discipline et son esprit de parti. Il contribue de manière importante à des tâches vitales telles que la tenue de l'armurerie ou les cours de russe pour les combattants illettrés.

- Parmi l'expédition scientifique: outre le cas de l'académicien Fédokine qui mérite l'attention des organes, les membres de l'expédition se comportent comme des spécialistes bourgeois, le physicien Peetov et l'ingénieur en optique Danilov s'estiment manifestement protégés par leur spécialité et font preuve d'apolitisme. Ils se réfugient souvent derrière le camarade Kozlov, un communiste authentique et enthousiaste, pour échapper à leurs devoirs.

Le 26 juillet 1932, le navire est arrivé en vue d'Yttigran. Les matériaux, les vivres et les hommes ont été débarqués sur l'île. Le navire a quitté la zone à 21h18 (11h18 heure de Moscou) et fait route vers Petropavlovsk Kamchaktky.
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
Didas_94
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Re: CR: Grandes Terreurs. Le donj du vendredi soir joue à Cthulhu chez les Soviets !

Message par Didas_94 »

La suite, la suite...:-)
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