[CR] Des nouvelles d'Itras By

Critiques de Jeu, Comptes rendus et retour d'expérience
Emöjk Martinssøn
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Scène 9 : Les mamans des bananes, elles sont bien gentilles

Amandine quitte la loge sans répondre et suit les bruits de verre cassé. Elle attrape la cape d’un des clients du bar et la jette sur le régime de bananes avant qu’il n’atteigne la sortie ; croyant qu’il fait nuit, il s’immobilise en poussant de petits cris mignons. Elle ramasse le tout et caresse une des bananes en lui murmurant des mots rassurants. La banane ronronne d’aise et piaille : « Mama ! Mama ! Toi mama ! ». En revenant à la loge, Amandine présente la cape à Ida : « Regarde, ce sont des quadruplés !
– Ah, c’est un beau régime, en effet ! s’extasie Géraldine.
– Je… je ne suis pas prête à les séparer… L’idée de les sortir plus tôt, c’était justement que je ne m’en occupe pas ! »

Un assistant passe sa tête dans les coulisses : « Une heure avant le spectacle ! »
« Je peux les adopter, si tu veux… » propose Amandine. À ces mots, les bananes piaillent de bonheur et de plus belle. « Elles sont adorables.
– Écoute Amandine, dit Ida, tu m’ôtes une épine du pied ! Je ne m’attendais pas à autant d’altruisme et d’abnégation de ta part !
– Tu pourras venir les voir à la maison quand tu voudras… Écoute, pour l’instant je m’occupe d’elles, et on en rediscutera quand tu seras plus posée, d’accord ?
– Il faut se méfier des bananes, dit Marek.
– Ça c’sûr, elles vont mal tourner si elles vont pas avec leur mère ! J’avais des voisins bananes, et pis… Ça va f’nir mal t’ça !
– Jonas, lui dit Ida, j’ai de très sérieux doutes quant à la qualité musicale de notre duo si vous restez dans cet état.
– T’façon en une heure, j’pourrais pas m’bourrer la gueule suffisamment…
– Moi, je sais faire, dit Marek en lui tendant une flasque.
– Décidément, monsieur est plein de ressources ! dit Ida.
– Si seulement vous saviez. »

Ida rougit.
« V’z’êtes sûre, Géraldine ? Si j’bois ça, faudra qu’j’en boive encore après… et encore… et encore…
– C’est pas sûr, dit Marek. Ça peut durer longtemps. C’est de la gnôle des bateaux, pour pouvoir revenir à Itras.
– Pas d’problème, j’maîtrise ! Allez, à la une, à la deux… »
Et Jonas vide la bouteille d’un trait.

Scène 10 : Bananes flambées

[Kiraen décide de tirer une carte « Chance ». Il lit « Réalités parallèles. Vous vivez plusieurs réalités parallèles à la fois. Chaque autre joueur (MJ compris) peut décrire une façon différente dont les choses se passent. Lorsque les lois de la réalité sont rétablies, vous entendez un bruit sourd, et seule l’une des versions que vous venez d’entendre – vous décidez laquelle – a eu lieu ».

Guylène propose : « Jonas regarde Marek dans les yeux. Marek regarde la flasque et dit : “Mais tu l’as vidée, salaud !”. Jonas se tourne vers lui, lui rugit dessus, et commence à se comporter comme un ours. Un combat s’ensuit. »

Promeus propose : « Plus Jonas descend la flasque, et plus le monde autour de lui devient transparent. Tout le monde se retrouve transporté dans l’éther, loin d’Itras, de plus en plus loin. On y voit des choses terrifiantes, sauf pour Marek qui a l’habitude, et lorsque Jonas lâche la flasque, tout le monde se retrouve dans le cabaret, en silence. »

Je propose : « Jonas titube sous l’effet de l’alcool ; il glisse sur la flaque formée par la gnôle du père Shade tombée plus tôt ; en tentant de se rattraper, il ôte la peau des bananes, et l’on se rend compte de ce qu’il y a vraiment en dessous. »

Eugénie propose : « Ida regarde la pomme d’Adam de StJones faire du yoyo, l’air inquiet. Alors qu’il pose la flasque, elle hurle “POUSSEZ-VOUS !!”, et une gerbe de flamme sort de la bouche de Jonas, mettant le feu à la loge ». Après une longue réflexion, c’est cette dernière version que choisit Kiraen.]


« C’est une catastrophe ! crie Ida. Mes costumes de scène !
– Mes bananes ! crie Amandine.

[Guylène me demande de tirer une carte « Résolution » pour connaître le sort de ses bananes. Je lis : « Le conflit empire ! La tension monte alors que le conflit, les problèmes, les enjeux montent d’un cran. »]

Deux des bananes sont malheureusement flambées ; les deux autres sont dans un état grave. Amandine les ramasse dans ses mains tremblantes et constate que la porte d’entrée de la loge vient de s’effondrer, en même temps que les glypes sur ses phalanges commencent à chauffer.

« Il me faut de la sauce au chocolat, vite ! »

En entendant ces mots, Marek disparaît avant de réapparaitre, quelques secondes plus tard, dans un autre coin de la pièce, un bol de sauce au chocolat en main. Pendant qu’Amandine badigeonne ses bananes, Jonas approche discrètement Marek :
« Il vous en reste ?
– Non, vous l’avez vidée, salaud.
– Ça se trouve où, ça ? J’en ai jamais vu en ville…
– Vous ne pourrez pas en trouver. »

Soudain, une trombe d’eau débarque dans la loge, emportant tout sur son passage. Jonas a à peine le temps de prévenir les autres de faire attention aux requins que tout tourbillonne. Tous finissent par s’échouer en plein milieu du port, aux pieds de deux marins-pompiers qui viennent de vider leurs baquets.
« Pfou, heureusement qu’on est intervenus vite, vous étiez à deux doigts d’y passer !
– C’est ça que vous appelez “intervenus vite” ? proteste Ida. Ma loge est foutue, mon costume est irrattrapable, et vous dites qu’on a eu de la chance ?
– Bon, vous énervez pas ma p’tite dame ! On est arrivés dès qu’on a vu les flammes ! Manipuler des feux d’artifice, je vous ferai dire que c’est censé être fait par des professionnels, même pendant la nuit de Murlon !
– Mais de quel droit ?! C’est vous qui parlez de professionnels ? Faites voir vos plaques. Vous savez à qui vous parlez ? Ida Jerricane, notez-le sur vos calepins. Parce que ce nom-là, bientôt, il va faire des flammes !
– Bon, mais c’est bien parce qu’on est dans l’obligation légale de vous les montrer ! De toute façon, vous pouvez la garder, je l’ai en double ! »

Le marin-pompier tend à Ida une plaque où l’on voit un serpent en train d’enserrer un ange.

« Vous parlez à la mère de quatre bananes dont deux orphelines, je vous ferai dire. Vous abusez de la situation.
– Euh… si c’est vous la mère, pourquoi est-ce elle qui…
– Ça vous choque encore de voir deux femmes qui élèvent leurs enfants ensemble ?
– Non, mais par contre, si vous n’épluchez pas ces bananes, elles ne vont pas vivre longtemps.
– Et qu’est-ce que vous croyez qu’on essaye de faire ?! On vient de perdre la loge de la mère de mes enfants, on vient…
– Madame, calmez-vous. J’ai une formation en premiers soins, je peux éplucher vos bananes. Ne vous inquiétez pas, ça va bien se passer. »
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Emöjk Martinssøn
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Scène 11 : Famille nombreuse, famille heureu…

Le marin-pompier déplie le bandana qui enserrait ses cheveux, le met délicatement par terre, et pose les bananes dessus.
« C’est impressionnant, mais je vous rassure, elles n’auront pas mal. »
Et il tire violemment sur la peau des bananes.

[Promeus demande à Kiraen de tirer une carte « Résolution ». Kiraen lit : « Oui, et… Le personnage réussit, et parvient à faire plus que prévu. Peut-être même un peu trop ? »]

À l’intérieur de chaque banane s’en trouvent trois autres. Le marin-pompier épluche également celles-ci ; à l’intérieur, trois autres bananes. La scène se répète plusieurs fois jusqu’à ce que, au dernier épluchage, une fine poussière scintillante sorte de la peau de banane pour se répandre dans l’air et s’agglomère autour d’Amandine. Des milliers de petites voix aiguës piaillent autour d’elle, que les autres n’entendent pas.

« Amandine, dit Ida, nous n’allons jamais pouvoir élever toutes ces bananes ensemble ! Qu’allons-nous faire ?
– Comment on va faire pour leur trouver des noms à tous ?
– Écoute, la rassure Ida, un bras sur son épaule, on va s’en sortir. Il y a des mères célibataires qui y arrivent tous les jours. Nous on est deux, on devrait pouvoir traverser ça ensemble. »

Scène 12 : Marek s’altère et Jonas s’arrache

Des feux d’artifice éclatent dans le ciel ; les marins-pompiers prennent congé pour aller assister au spectacle.

« Attendez, messieurs ! leur dit Jonas. Vous êtes des marins, n’est-ce pas ? Vous en avez ?
– De… de quoi ?
– Vous savez. C’est la fête. Il faut qu’on retrouve notre chemin…
– Laissez-le tranquille, intervient Marek. Il a bu toute ma flasque, ce salaud.
– Toute ?! Il est au courant de ce que ça implique ? »

Les marins-pompiers enlèvent leur couvre-chef et le mettent sur leur poitrine, en se tournant vers Jonas.
« Ben mon vieux, vous êtes pas au bout de vos peines… »

Avant de partir, ils préviennent Marek qu’il disparaît de plus en plus. Puis ils tournent le coin de la rue, visiblement abattus.

« Monsieur StJones, sanglotte Géraldine, qu’est-ce que vous avez fait…
– Mais elle ne fait que pleurer, elle, ronchonne Marek.
– Mais il a bu toute votre flasque ! Dites-lui, vous, ce que ça implique ! Dites-lui qu’il va devoir passer toute sa vie sur les bateaux !
– La vie est courte, dit Marek.
– Mais qu’est-ce que c’est que ces histoires ? demande Jonas. Je n’ai écrit aucune chanson où je vais sur un bateau…
– Pas le choix.
– Vous savez ce que dit le proverbe, monsieur StJones… “Si tu bois toute la flasque, des marins tu colleras les basques”.
– C’est qu’un proverbe, ça va !
– Les proverbes sont aussi puissants que les prophéties, vous le savez aussi bien que moi.
– Mon destin m’appartient. Et il s’exprime à travers les chansons.
– Faites une chanson où vous montez pas sur un bateau, suggère Marek.
– Ah non, ce serait tricher ! Non, il faut que j’aille voir le gorille. Et puis il faut aller le voir pour les bananes, aussi.
– Mais enfin, dit Ida, il préfère les fraises… Vous pensez que mon ami va manger ma progéniture ?
– Mais absolument pas, c’est pour les baptiser ! »

Amandine sort de sa poche une boule blanche et rouge, qui ressemble à s’y méprendre à un emballage de fromage. Elle l’ouvre en sa moitié, puis y fait rentrer les nano-bananes. Puis tout le monde se dirige vers le zoo, en espérant y trouver une solution pour récupérer Jonas avant le début du spectacle, dans 45 minutes.
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Scène 13 : Amandine rassemble ses témoignages

Sur le chemin, Amandine leur explique qu’elle a besoin de leur aide pour son procès.

« Moi je veux bien témoigner, dit Jonas, mais la loi dit que je doit être sobre, et vous avez vu ce que ça donne…
– Moi je peux témoigner, dit Marek.
– Comment ça ? Vous n’étiez pas là…
– Je vous ai vu ailleurs. Au large. Vous étiez tous là-bas, avec d’autres gens bizarres, comme vous.
– Et en quoi ça m’aide ?
– Si vous étiez là-bas, vous pouviez pas être là aussi.
– Je me permets d’objecter, dit Géraldine, qu’on peut tout à fait être à deux endroits à la fois… Moi et ma sœur, par exemple…
– Je peux aussi arrêter de parler et vous taper, propose Marek.
– Quel grossier personnage. Et on vous voit de moins en moins, en plus.
– Il a bu toute ma flasque, ce salaud.
– Rien d’autre ne peut vous aider ?
– Si, la sienne.
– Jonas, donnez-le lui, enfin !
– Ah, non ! J’apprécie monsieur Marek, mais tout de même ! Si je lui donne, ça devient une relation, et on risque d’avoir des bananes…
– Excusez-moi, pouffe Géraldine, mais entre hommes, c’est pas des bananes.
– Il sait pas comment on fait les bananes ! se moque Amandine.
– J’ai eu autre chose à faire dans ma vie, je suis un artiste, moi.
– Et pas nous, peut-être ? s’emporte Ida. Vous croyez quoi, que la musique prime sur les autres arts ? Vous avez quoi contre la peinture ? Et contre l’art du feu ?
– Le feu, c’est la beauté de l’éphémère, renchérit Amandine.
– Parfaitement ! Et la peinture, c’est une vision magnifiée du monde !
– Excusez-moi…
– Oui, à partir du moment où on peint ! Mais vous savez comme moi qu’Amandine ne peint pas beaucoup !
– Euh, excusez-moi…
– Oh ! Et vous allez dire qu’Ida Jerricane ne crache pas le feu ? Oui bon, qu’est-ce qu’il y a, vous !
– Non, je vois bien que je dérange, je repasserai… »

Scène 14 : Un petit homme triste croisé bien trop souvent ces derniers temps

Le petit homme, au costume trop grand pour lui, commence à s’éloigner d’un air mélancolique.

« Attendez ! lui crie Jonas. Vous allez pouvoir nous départager. C’est quoi, l’art majeur ?
– Je ne saurai dire, je ne suis qu’un petit homme triste…
– Justement, qu’est-ce qui vous rend le plus triste ? Un tableau, du feu, ou de la musique ?
– Vous savez, je n’ai plus d’âme, je ne ressens plus rien. Alors moi, l’art…
– C’est Jeff l’Usurier qui a la vôtre, si je ne m’abuse.
– Ah non, elle est dans cette bouteille…
– Mais vous en avez combien, des âmes ?
– Eh bien, euh, une seule…
– La dernière fois qu’on vous a croisé, vous la fourguiez à une nonne pour qu’elle la lave au couvent ! »

Marek passe discrètement derrière le petit homme triste, le soulève et le secoue. De nombreuses fioles tombent et se brisent au sol. Le petit homme lui-même commence à se dédoubler, et de nombreuses versions de lui-même tombent et se brisent au sol, y compris lui.

« Oh non ! Monsieur Marek, dit Ida, je suis très reconnaissante du service que vous m’avez rendu, mais il faut arrêter de secouer les choses et de taper dessus, enfin !
– C’est plus pratique que de parler.
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Scène 15 : La reconversion du gardien de zoo

– Bon mais alors, lui demande Amandine, c’est lequel l’art majeur ?
– Si je peux me permettre, dit Géraldine, c’est l’assassinat, évidemment.
– Eh bien très bien, tonne Jonas, comptons nos morts ! Combien de gens sont morts dans les derniers mois suite à l’expression de notre art ?
– Ah ah ! ricane Ida. Je vous vois venir, StJones ! C’est déloyal.
– Vous êtes dégueulasse, StJones, dit Amandine.
– Je suis réaliste.
– Un artiste réaliste ? Ha !
– C’est bien pour ça que votre art ne sert à rien, les rares fois où vous l’appliquez. Vous passez plus de temps à vendre le même tableau à tous les anges qui passent !
– C’est un chef d’œuvre, StJones, dit Ida. Ça n’est pas n’importe quel tableau ! Et ça n’est pas n’importe quel ange !
– Un faux ange, avec une auréole de contrebande…
– Vous ne croyez à rien, StJones. Vous êtes triste… Amandine, elle, elle a la vie chevillée au corps ! Et elle l’exprime ! Elle pétille ! C’est pour ça que les hommes, normaux je veux dire, tombent à ses pieds !
– Ah ouais, comme Alfred ?
– Vous savez, StJones, dit Amandine, je suis triste pour vous… Au moins, Alfred, il nous a fait un cadeau dont on ne se séparera jamais.
– Pardon, dit Géraldine, mais il était question d’offrir votre flasque à ce monsieur qui a beau être grossier, il disparaît tout à fait… »

Jonas tend sa flasque, agacé, à Marek qui la vide aussitôt et apparaît à nouveau (c’est-à-dire qu’il est aussi flou qu’au début de la soirée).
« Je me suis toujours demandée, dit Ida, la substance qui manque, elle va où ?
– Ailleurs. Là où je vous ai vu.
– Ah non, pas vous ! Hors de question que je vous ouvre le zoo, briseuse de cœur !
– Francis ! s’exclame Ida. Je pensais que tu étais parti en voyage…
– Non, je suis parti chercher fortune ailleurs, puisqu’être gardien de zoo, ça n’a pas l’air d’être assez bien pour certaines personnes…
– Tu l’as cueillie dans une mauvaise passe, Francis… Elle ne voulait pas rendre quelqu’un d’autre malheureux, c’est tout…
– Oui, je comprends… Une femme si belle, qui scintille quand on la regarde, je suis pas assez bien pour elle… Mais rassure-toi Amandine, depuis j’ai gravi les échelons ! Je suis majordome maintenant ! Enfin, il faut bien arrondir ses fins de mois, je continue ici à mi-temps. Amandine, tu crois qu’un jour, entre nous, ce serait possible ?
– Écoute, Francis… On ne sait pas ce que la vie nous réserve… Aujourd’hui, ma vie vient d’être bouleversée, et je ne peux pas me projeter.
– Tu as quelqu’un d’autre, c’est ça ? Dis-moi qui c’est ! Qui que ce soit, je le provoquerai en duel rituel !
– Je n’ai pas le droit de le dire.
– C’est qui lui ? demande Marek.
– C’est l’ex-mari d’Amandine, explique Ida.
– C’est lui ? demande Francis. C’est lui qui t’a volé ton cœur, ce gros type musclé ? Je te prends quand tu veux, mon bonhomme !
– Reste calme, petit homme.
– Écoute, dit Amandine, reste calme… Il y a plein d’autres femmes dans la cité d’Itras… Et puis j’ai un prétendant à rendre malheureux, alors…
– Qui est ce prétendant ? Qui est-ce ?!
– Je ne peux pas te le dire, c’est quelqu’un de très influent…
– Mais moi aussi maintenant !
– Et puis je suis mère d’une nuée de bananes…
– Mais ça ne me fait pas peur, je suis prêt à élever une famille ! Entre mon emploi de gardien de zoo et celui de majordome, je gagne bien ma vie !
– Moi je sais qui c’est, son prétendant, dit Marek.
– Quoi ? Dis-moi, dis-moi qui c’est !
– Comment vous payez ?
– Tout ce que tu veux… Attends, je sais. Une prophétie du gorille.
– D’accord. C’est Jeff l’Usurier son prétendant.
– C’est vrai ? demande Francis à Amandine.
– Euh… »

Marek jette un regard glacial et lourd de sous-entendus à la peintre.
« Euh… Si Marek le dit…
– J’en étais sûr, dit Francis en serrant les dents. Phil ? Phil, faut qu’on parle ! »

Francis se précipite à l’intérieur du zoo, Ida à ses trousses.
« Francis, tu sais pas dans quoi tu te lances ! Et puis va pas embarquer Phil là-dedans, il se donne des airs de méchant avec ces cigarettes, mais il fait pas le poids !
– On a un marché, Phil et moi. Je lui donne de la choucroute, et il m’aide dans mes petits tracas.
– Mais c’est pas un petit tracas, c’est Jeff !
– Il me fait pas peur. Et puis ce serait dans l’intérêt d’Amandine qu’on se remette ensemble… Il va y avoir son procès, et si je suis son époux, je pourrai la protéger car je n’aurai pas le droit de témoigner contre elle ! Je pourrai dire qu’elle n’a rien à voir là-dedans, car toute parole qui est dite avec les mots de l’amour est toujours vraie !
– StJones, qu’en pensez-vous ? demande Amandine, qui écoutait depuis tout à l’heure sans en avoir l’air.
– Ce que j’en pense depuis le début : ce mariage est une mauvaise idée.
– Et vous, Marek ?
– Jeff devrait payer.
– Amandine, dit Francis, tu n’es pas obligée de répondre tout de suite. Je vais aller trucider Jeff, et quand je reviendrai, tu me donneras ta réponse. À bientôt, ma douce.
– C’est tellement beau ! pleurniche Géraldine. Je savais bien qu’il y avait encore de la bonté à Itras By ! »

[Je décide de tirer une carte « Chance ». Je tire : « Mascarade ! Pour le restant de la scène, toutes les joueuses échangent leur personnage, MJ compris, avec la personne sur leur droite ». Pour le restant de la scène, Guylène joue donc le personnage d’Ida ; Kiraen joue Amandine ; Promeus joue StJones ; je joue Marek ; et Eugénie fait le MJ.]

« Ah mince, dit Ida, j’ai oublié mes fraises !
– Ça m’étonne pas, lui répond Amandine. Pour donner des conseils, y a du monde, mais pour s’organiser… Si on élève nos bananes ensemble, il va falloir y mettre du tien !
– Très important, la sauce au chocolat, dit Marek. »

Scène 16 : Où l’on s’interroge sur l’avenir des bananes et une éventuelle pension

Un vrombissement écrase leurs paroles ; un avion à hélices passe à ras au-dessus du zoo, une grande banderole derrière lui où il est inscrit : « Ce soir, numéro spécial – Ida Jerricane – dans 30 minutes ».

« Ida, il va falloir qu’on parle, dit Amandine.
– Plus tard, là il faut que je trouve des bosquets à fraise. Et après, trouver un éléphant pour nous rendre au cabaret.
– Pff, j’ai toujours pas l’inspiration, soupire StJones…
– Tu fais passer ton public avant tes bananes ?
– Comment veux-tu que je subvienne au besoin de mes bananes si je n’ai pas de public ? Francis te disait la même chose, il est raisonnable, lui ! Alors moi, je vais aller faire mon show. Et d’ailleurs, si vous trouvez une tenue… Si vous trouvez des fleurs dans le zoo, faites-moi un arrangement, je vais aller répéter un peu.
– Eh bien concentre-toi sur ton art, persifle Amandine, je vais aller retrouver Cléanthe ! Après tout, il pourra payer pour mes bananes !
– Ah, c’est comme ça que tu me prends ? Tu penses que tu vas élever nos bananes dans le malheur ? Tu me dégoutes. »

Ida, exaspérée, ouvre la cage des éléphants d’un violent coup de pied, monte à dos d’éléphant, et s’en va vers le centre-ville. Amandine, en réponse, s’approche de la cage d’un guépard et entreprend de le séduire – le guépard n’a pas l’air partant, ce qui inspire une chanson à Jonas sur les félins qui se refusent aux plaisirs de la vie.

Pendant que personne ne le regarde, Marek se dirige vers la cage du gorille prophétique, qui tape sur sa machine avec ses deux gros index. Il ne dit rien, mais le regard qu’il jette au gorille en dit long : il attend sa prophétie. Le gorille finit par s’en rendre compte : il récupère le papier qu’il était en train d’écrire, attrape un stylo derrière son oreille, et noircit consciencieusement le papier avant de le tendre à Marek d’un geste élégant. Marek est d’abord peu convaincu, avant que le gorille ne le regarde en poussant un soupir ; il range sa prophétie dans sa veste au moment où Amandine arrive, les bras remplis de fraises des bois que le gorille se met à manger délicatement. Il va écrire quelque chose sur sa machine, puis tend la carte à Ida : elle y lit les mots « spectacle dans 15 minutes ». Ida remonte sur son éléphant et s’en va au galop, Marek accroché à la queue de l’animal. On entend au loin une voix aigue : « GÉRAAAAAALD N’AIME PAS LES TREMBLEMEEEEEEENTS ! ».

Amandine cherche un compagnon dans l’enclos des pingouins – les pingouins n’ont pas l’air partant, ce qui inspire une chanson à Jonas sur les pingouins qui sont trop petits pour l’amour. Marek les attrape tous deux au passage, ainsi que Géraldine, et les jette sur le dos de l’éléphant.

Autour du cabaret, la foule se presse et entame un compte à rebours en chœur : « Dix ! Neuf ! Huit ! Sept ! ». L’éléphant rentre dans le cabaret en cassant le linteau, pose sa trompe au bord de la scène et fait descendre Ida par sa trompe. « Cinq ! Quatre ! Trois ! Deux ! Un ! », continue la foule alors que Jonas commence à battre la mesure. « Oh… » fait la foule, « on était à deux doigts de se faire rembourser ! »
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Scène 18 : Ladies and gentlemen, Ida Jerricane au Cabaret Lilith !

Le spectacle commence. Ida présente diverses petites bouteilles le long de la scène avant d’en avaler une et de cracher des flammes en cercle, puis des flammes qui dessinent une farandole de bananes qui prennent des petits bateaux. Jonas l’accompagne d’une musique lente et triste, dans laquelle on devine la vie triste de ces bananes dans vingt ans, quand elles seront à la rue en ayant tout perdu, ne leur restant plus que l’océan pour horizon. Amandine laisse sortir les nano-bananes de leur balle pour qu’elles profitent du spectacle ; elles dansent en scintillant sur scène, ce qui ébahit de bonheur le public et agace Vivien McVincent. Entre deux lampées de gnôle à cracher, Ida fait les gros yeux à Amandine, pour lui signifier qu’un cabaret n’est pas un endroit pour des bananes aussi jeunes ; Amandine saisit le message et va plutôt profiter des feux d’artifice sur les quais.

Dehors, c’est carnaval ; tout le monde est en costume de marin. Deux marins saouls passent à côté d’elle en se racontant ce qu’ils ont vu du bateau de Murlon, crachant des flammes et aux voiles en peau de dragon. Amandine tend l’oreille et, toute attentive, elle ne sent pas quelqu’un s’asseoir à côté d’elle et lui susurrer : « Alors, ma petite, tu as trouvé tes témoins ? ». Amandine, beaucoup moins mal à l’aise que tout à l’heure, tient tête au maître d’école.

« Je vois que tu t’es vautrée dans la débauche, en plus…
– Si vous saviez comme ça me rend heureuse ! Bon, j’ai trouvé mes témoins, mais on ne peut pas les interrompre, ma compagne finit son spectacle.
– Bah ! Elle finira par te quitter.
– Peut-être, mais c’est pas grave, on s’arrangera !
– Bien, amène-moi voir ce spectacle. »

Scène 19 : Procès et sanctions: le maître d’école est sévère et injuste

À l’intérieur, c’est le moment du grand final : le public est en sanglots, certaines personnes se mutilent, Vivien McVincent est aux anges, et le maître d’école écrase une larme : « C’est la plus belle chose que j’ai jamais vu. BON ! » crie-t-il après quelques secondes de silence, « FIN DE LA RÉCRÉATION ! Allez, en rang deux par deux, c’est l’heure de la leçon ! ». Les gens sortent de la salle la tête basse. Le maître d’école regarde Ida : « Très bien ». Il regarde Jonas : « Parfait ». Il regarde Géraldine : « Ça fera l’affaire ». Il regarde Marek : « C’est qui, lui ?
– Monsieur propose son témoignage, il dit qu’il m’a vue ailleurs.
– C’est-à-dire ?
– C’est-à-dire que je l’ai vu au large.
– Sois plus précis, mon petit.
– Le large, c’est le large. Je peux vous y emmener si vous ne connaissez pas.*
– Hum, bien sûr que je connais ! C’est dans tous les manuels. Bon, si tu dis que tu as vu quelque chose, on n’a pas le choix. »

Le maitre d’école sort un sifflet de sa poche et souffle dedans ; presque aussitôt, des gardes gris envahissent la salle, attrapent Amandine par les poignets et la traînent dehors.

« Mais vous n’allez pas l’emmener comme ça ! proteste Ida.
– Bien sûr que si ! Elle doit être traînée et ridiculisée à travers toute la ville, c’est la procédure.
– Ne t’inquiète pas Ida, je serai forte ! Tiens, prends nos enfants.
– Non, je ne veux pas de cette responsabilité ! Je serai une mauvaise mère, je n’en voulais pas, je ne saurai pas m’en occuper…
– Bien sûr que vous serez une mauvaise mère, ricane le maitre d’école. Petite orpheline !
– Qui vous a dit ça ? Et ça vous fait rire ?
– Évidemment, ça me fait rire de voir que des enfants qui n’ont pas su écouter les leçons que leur donnait leur professeur se retrouvent dans la déchéance. Une autre forme de leçon, j’imagine… Mais il est encore temps d’arrêter les âneries, ma petite…
– C’est à moi qu’il parle ? chuchote Ida à Amandine. Je suis pas du tout proche de la déchéance ! Tu as vu ce spectacle, on a dépoté ! J’avais jamais vu Vivien McVincent pleurer à chaudes larmes ! »
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Scène 20 : Jonas prend une grande décision de vie

Dans la rue, les gens huent sans enthousiasme, la plupart étant déjà divertis par le carnaval. Sur le chemin, Ida lance à la cantonade des tracts pour le spectacle du lendemain.

« Jonas, dit Géraldine, il faudrait tout de même qu’on parle de ce que vous avez fait tout à l’heure…
– Vous inquiétez pas, j’arrête d’être sobre.
– Ça me rassure. Vous savez, je crois qu’il faut tous qu’on trouve notre voie… Mais si vous arrêtez d’être sobre, vous ne viendrez plus à la ligue ?
– Je suppose qu’il faut faire des choix dans la vie. Et quelque chose me dit que je ne vais pas rester très longtemps en ville… Avec le succès qu’on a eu ce soir, un producteur va venir me voir pour une tournée au large.
– Ah… Je suis heureuse pour vous, Jonas… »
Géraldine tente de retenir ses larmes, sans grand succès.

Scène 21 : Procès pour contrefaçon de prophétie

Au pied de la tour se tient le tribunal, une grande salle en pierre. Amandine est amenée devant les neuf juges, des vieillards semblant presque pétrifiés qui font face à une salle comble de gens déguisés en marin. La foule se presse et entame un compte à rebours en chœur : « Dix ! Neuf ! Huit ! Sept ! Six ! Cinq ! Quatre ! Trois ! Deux ! Un ! Zéro ! ». Au dernier compte, les gardes installent Amandine, qui garde la tête haute, dans le box des accusés. L’un des juges se penche si lentement qu’il ne semble pas bouger :

« Madame Amandine Beaulieu… Vous êtes accusée de contrefaçon de prophétie… Comment plaidez-vous…
– Coupable, mais avec circonstances atténuantes.
– J’appelle le premier témoin, dit le maître d’école. Jonas StJones. Pouvez-vous nous confirmer que madame Amandine Beaulieu ici présente a bien contrefait la prophétie du gorille prophétique pour la vendre à Jeff l’Usurier ?
– Je ne peux rien confirmer du tout, je ne suis absolument pas sobre.
– Pas sobre… dit l’un des juges. Ce témoignage est donc non recevable…
– Hum… j’appelle à la barre mon deuxième témoin, Ida Jerriane ! Pouvez-vous nous confirmer que madame Amandine Beaulieu ici présente a bien contrefait la prophétie du gorille prophétique pour la vendre à Jeff l’Usurier ?
– Malheureusement, je ne peux pas témoigner, étant donné les liens qui m’unissent à l’accusée.
– C’est-à-dire… demande un juge.
– C’est la mère de mes bananes.
– Oh… Félicitations…
– Bon, euh… j’appelle à la barre, euh… j’appelle à la barre… Géraldine ! Pouvez-vous nous confirmer que madame Amandine Beaulieu ici présente a bien contrefait la prophétie du gorille prophétique pour la vendre à Jeff l’Usurier ?
– C’est-à-dire que… Je suis désolée, sincèrement, mais… Excusez-moi, mais je ne peux pas témoigner…
– Et pourquoi cela ? s’étrangle le maitre d’école.
– Ma sœur n’est pas là.
– En effet, la témoin n’est pas complète…
– Eh bien puisque c’est comme ça, j’appelle à la barre ce marin, là… Marek ! Confirmez, voyons ! Confirmez !
– Elle n’était pas là-bas.
– Comment cela…
– Je l’ai vue ailleurs.
– Ailleurs où…
– Au large.
– Ah, oui…
– Ah oui ?! J’appelle mon dernier témoin, Jeff l’Usurier !!! »

Les lumières s’éteignent alors que les rires s’arrêtent dans la salle. Ida se ratatine sur son siège. Une voix, qui provient du box des témoins mais qui semble murmurer à l’oreille de chacun, leur provient.
« Je suis là.
– Jeff l’Usurier, vous, vous confirmez que madame Amandine Beaulieu ici présente a bien contrefait la prophétie du gorille prophétique pour vous la vendre ?
– En effet, je… Ah ! »

La voix de Jeff s’étrangle et il pousse un râle atroce.
« Allumez la lumière… » ordonne un juge.

Lorsque la lumière revient, un lion est en train de lacérer les habits vides de Jeff l’Usurier. Sur le dos du lion, Francis, le visage maculé de sang, jette un couteau aux pieds d’Amandine.
« Tu vois, mon amour ! » halète-t-il. « J’t’avais dit… PERSONNE NE ME SÉPARERA DE TOI !
– Eh bien… prononce un juge. Puisque l’accusateur est décédé… L’accusée est libre… »

Les marins de la salle jettent leur bonnet à pompon en l’air et se pressent autour d’Amandine pour la féliciter. Dans la cohue, le maitre d’école s’éloigne, en jurant qu’il n’a pas dit son dernier mot. Ida salue Phil le lion tandis que Jonas StJones joue « l’hommage funèbre de Jeff l’Usurier » à la guitare.

Une fois que la salle s’est un peu vidée, Marek se dirige discrètement vers le box des accusateurs, et fouille les vêtements en lambeaux de Jeff l’Usurier. Il sort une petite bouteille d’une poche, une petite bouteille qui renferme un liquide noir, semblant s’agiter tout seul, une petite bouteille contenant une portion de l’Entité noire.

Dehors, les premières feuilles de l’automne virevoltent : l’automne a commencé, comme chaque année après la fin de la nuit de Murlon.
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Acte VI : De l'autre côté de la boîte à chapeau

Dramatis Personæ

Cléanthe Brumaire (Joué par Ozen), Homme riche qui essaie de trouver un sens à la vanité de son existence.

Description : Un petit homme très sage, fin de quarantaine, ni beau, ni laid mais bien entretenu, l’air mélancolique. Un costume parfaitement entretenu, chaque jour une fleur différente à la boutonnière, une grosse chevalière (avec une pierre bleue) à l’index droit. Fume de longues et fines cigarettes avec un air légèrement efféminé, tics nerveux.
Qualités dramatiques : Notable bien installé dans la bonne société / Curieux, pour tuer l’ennui / Plus une connaissance est improbable, plus il est susceptible de savoir / Joueur (presque) professionnel.
Aimants à intrigues : Terriblement endetté (Jeff l’Usurier) / A la recherche de la femme magnifique / Convoite un pouvoir supérieur (Le Maître d’école)
Personnages connus : une femme, qu’il a épousé et qu’il a oublié quelque part dans sa grande maison / quelques souteneurs choisis dans la rue des Nymphes.

Ida Jerricane, (jouée par Eugénie) cracheuse de feu dans un cabaret
Qualités dramatiques : se rêve en grande artiste
Aimants à intrigue : rend des services à tout le monde (logeur, voisine, Père Shade, Gorille) Elle est désormais la génitrice d’une nuée de bananes qu’elle a confié à Amandine Beaulieu
Description physique : brunette, coupe à la garçonne et accroche-coeurs, tutu de danseuse et veste d’homme

Martin Poicreux, (joué par Kobal) est un logeur qui tient une grande maison dans le centre d’Itras By. C’est le propriétaire des appartements d’Amandine Beaulieu, d’Ida Jerricane et, jusqu’à peu, de la Femme magnifique. Personnage Veule, il se fait remarquer par ses vestes en lycra et sa voix haut perchée.

L’Étranger (Joué par Mass), Bel et Naïf étranger
Qualités dramatiques : Beau et énigmatique, naïf, toujours là pour faire plaisir à quiconque
Aimants à Intrigues : La femme magnifique, n’a pas de lien avec la ville.
Il faut bien le dire, on ne sait pas grand chose de lui sinon qu’il erre en ville, très beau, dans son grand pardessus, tentant de rendre heureux ceux qu’il croise. Par ailleurs, il vit chez Miss Wellington, 85 ans, la présidente de la ligue de vertu qui a bien voulu accepter de le loger à son arrivée en ville. Certains l’ont vu se promener tout à fait nu dans la demeure.

Quelque temps plus tard…

Scène 1 : Du ménage d’un appartement et d’une locataire à la cloche de bois

L’automne s’est installé à Itras By ; les feuilles tombent petit à petit des arbres, les gens sont maussades et les journées sont rarement ensoleillées ; une atmosphère qui cadre plutôt bien avec les activités de Martin Poicreux et Ida Jerricane, qui sont en train de vider l’ancien appartement de la femme magnifique pour accueillir de nouveaux locataires. L’appartement est dans un état déplorable : les murs sont noirs et plein de moisissures, le réfrigérateur suinte des odeurs douteuses, plusieurs des meubles sont cassés… et les toilettes du palier sont bouchées. Ida est armée de gants roses qui lui remontent jusqu’aux épaules, ce qui n’est pas de trop pour s’occuper de tout cela.

Alors qu’il balaye dans un coin de la pièce, Martin remarque avec effroi les premières traces de cancer structurel dans l’immeuble : là où les murs étaient droits et lisses se dressent à présent des boursouflures, tandis que le parquet prend par endroits une couleur suspecte. Or les cas de cancer structurel se soldent souvent par la destruction de l’immeuble entier quand ce sont les services municipaux qui s’en chargent… Martin demande à Ida l’adresse d’un chirurgien charpentier, mais ce qu’elle lui propose en échange – deux mois de loyer – lui semble un peu élevé, il va plutôt chercher dans l’annuaire.

« Mais vous n’avez aucune idée d’où elle a pu aller ? demande Ida. Elle n’a pas laissé un préavis, une reconnaissance de dette ? Parce que j’ai quelque chose qui lui appartient que j’aimerais beaucoup lui rendre…
– Ah, mais dans ce cas, vu qu’elle a des dettes envers moi, c’est à moi !
– Si vous produisez le papier, aucun problème. Sans contrat préalable, en revanche… »

Martin se gratte le menton : il lui semble avoir apposé lors de la signature du bail une condition au paragraphe 6 : « Si le ou la locataire part en courant sans prévenir, le logeur devient propriétaire légal de ses possessions ». Il descend dans sa loge pour fouiller dans ses papiers, jetant une oreille distraite à la radio dont le programme musical s’interrompt soudain.

« Et maintenant, les informations ! Beaucoup de changements cette semaine dans notre belle cité d’Itras. Notre reporter très spécial est en déplacement devant les locaux du père Shade, où la ligue de vertu manifeste maintenant depuis une semaine pour protester contre cet établissement.
– Alors, madame Wellington, expliquez-nous les raisons de cette manifestation…
– L’alcool, c’t’une abomination, mon p’tit, tout l’monde sait ça ! La sobriété, c’est la simplicité ! C’est c’qui nous permet d’être en forme et d’avoir un joli teint d’pêche ! Comme le tien, mon loup… Fais voir cette belle peau ?
– Euh, à vous les studios.
– La disparition de Jeff l’Usurier en plein procès fait toujours débat parmi les juristes d’Itras By. A-t-il été assassiné ? Une enquête devrait-elle être ouverte ? Le procès d’Amandine Beaulieu pendant lequel cette disparition a eu lieu doit-il être rejugé ? Les experts s’arrachent les cheveux, sans arriver à une conclusion pour le moment. »

Martin ressort la tête de ses cartons en entendant le nom de sa locataire. Ida, à l’étage, frotte soudain plus fort et plus vite.

« Enfin, les anges : avez-vous vu un ange ? En avez-vous un chez vous ? Vous ne le savez peut-être pas, mais c’est possible. Les anges se multiplient en ville ; de plus en plus d’habitants de la cité d’Itras ont été aperçus portant des auréoles, certains n’étant même pas dotés de pouvoirs angéliques précédemment. Heureusement, les inspectrices du couvent de la Très Sainte Lumière d’Itras sont sur l’affaire et devraient rapidement passer en revue les différents anges de la ville pour s’assurer qu’ils ont bien leur permis en ordre. C’étaient les nouvelles, et maintenant, retour à la musique ! »

Martin secoue la tête d’un air navré en remontant chez la femme magnifique. « Roh, une [insérer ici un procès d'intention - au mieux - que la modération reprouve] à l’angélisme, on voit de tout de nos jours… Et qu’est-ce que c’est que cette histoire de ligue de vertu, elles feraient mieux de rester dans leur salon celles-là !

– Je crois qu’elles ont pris comme un affront personnel le fait que mon partenaire, Jonas StJones, ait renoncé à la sobriété, à cause de la pression… »

Scène 2 : Validation de la nature angélique

Chez Cléanthe, l’Étranger n’a pas bougé du canapé où il s’est assis après son excursion dans les souterrains. Cela fait des mois qu’il se tient la tête entre ses mains, en marmonnant : « Mais je ne comprends pas… ». Cela agace beaucoup Cléanthe, qui aimerait bien un peu moins d’animation dans sa maison : entre cet importun, sa femme qu’il a croisée l’autre jour et son majordome, pas moyen d’être tranquille… Il a d’ailleurs croisé Francis l’autre jour avec un air sauvage sur le visage et les vêtements maculés de sang, qui a refusé de répondre à ses questions.

À force de le garder à l’œil, Cléanthe s’est décidé à fouiller la chambre de son domestique, où il a trouvé son journal intime, dont il a feuilleté les pages en sirotant un cognac. Les premières pages n’avaient aucun intérêt, jusqu’à ce que Francis raconte sa rencontre et son mariage avec une jeune peintre dont il est fou amoureux, mais qui l’a rejetée. Les dernières pages du journal relatent sa deuxième rencontre avec Amandine, pour qui il a décidé d’éliminer un rival amoureux, un certain Jeff l’Usurier. Voilà qui fait ronchonner Cléanthe : son majordome a déjà eu son histoire d’amour malheureuse, et pas lui…

La sonnette vient tirer l’Étranger de sa torpeur : Francis lui annonce qu’une jeune femme veut le voir. À sa suite, une jeune fille de 15 ans au plus, portant la cornette et la robe de bure, pénètre dans le salon.

« Bonjour, on m’a dit qu’il y avait un ange dans cette maison ?
– Ah oui ? demande l’Étranger. C’est quoi un ange ?
– C’est vous le maître de maison ?
– Non, je ne connais aucun maître…
– Francis, qu’est-ce que c’est ? demande Cléanthe en descendant les escaliers. Une nonne pour monsieur l’Étranger ? Vous ne l’avez pas laissée rentrer, j’espère ?
– C’est-à-dire que monsieur l’Étranger m’a dit qu’il était d’accord, et je n’ose pas trop lui désobéir…
– Mais vous, jeune fille, continue l’Étranger, que pensez-vous du bonheur ? Dites-le moi, j’ai besoin de savoir !
– Francis, il faut intervenir. Tout de suite. »

Cléanthe déboule dans le salon, attrape les épaules de sœur Vestine, et la tire loin de l’Étranger.

« Mais enfin, qui êtes-vous ? Bas les pattes !
– Cléanthe Brumaire, je suis l’hôte de cette maison et nous devrions loin de cet individu…
– J’ai bien l’impression que c’est de cet individu que je suis venue m’enquérir.
– Monsieur Brumaire, poussez-vous, j’ai besoin de savoir ! »

Cléanthe fait rempart de son corps, mais l’Étranger l’écarte délicatement.

« Pour vous, ma sœur, c’est quoi le bonheur ?
– Vous ne devriez pas faire ça, murmure Cléanthe.
– Le bonheur, c’est… Eh bien, comme toute personne qui se respecte : la prière, la dévotion, et évidemment une ténacité sans faille !
– Quand vous dites “dévotion”, vous dites “amour” ?
– Ah oui, l’amour d’Itras !
– Oui, voilà ! L’amour, c’est ça le problème ! C’est ça que je ne comprends pas ! Moi je donne l’amour, mais les gens sont malheureux après !
– Francis, ordonne Cléanthe, si quelqu’un commence à se déshabiller, sortez la batte et tapez très fort sur l’Étranger.
– Si vous tombez amoureuse de cet homme, demande l’Étranger à sœur Vestine en lui désignant Francis, vous serez heureuse ?
– Eh bien non, dans mon ordre les relations amoureuses sont interdites, nous avons d’ailleurs eu quelques problèmes à ce sujet…
– Pourquoi, ce n’est pas ça le bonheur ?
– Non, le seul vrai amour, c’est celui d’Itras ! Le reste, ce sont de banals…
– Où est-elle, cette Itras ?
– Dans nos cœurs, dans nos âmes, un peu partout et nul part à la fois…
– Foutaises ! Où est-elle ? Montrez-la moi ! Il faut que je lui parle !
– Ma sœur, supplie Cléanthe, vous devriez vous écarter de cet individu. Vraiment. »

L’Étranger saisit la main de sœur Vestine, et lui demande de l’emmener à Itras ; Vestine lui propose de lui montrer le couvent de la Très Sainte Lumière d’Itras, à condition qu’il réponde à ses questions sur le chemin. Elle sort un cigare qu’elle se met à la bouche d’un air nerveux ; l’Étranger lui explique que ça ne se fume pas comme ça, et lui introduit dans l’oreille.
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Scène 3 : Où Géraldine se fait grossièrement éconduire

Martin finit par trouver dans l’annuaire l’adresse de Bjørn Svëngard, chirurgien-charpentier, mais lorsqu’il tente de l’appeler, il n’entend qu’une étrange pulsation au bout du fil. Au 4e étage, Ida quant à elle, aperçoit une étrange lumière scintiller sous la porte de son appartement… Elle laisse tombe sa brosse à récurer et se dirige, hésitante, vers sa porte à laquelle elle colle l’oreille. Une mélodie semble résonner à l’intérieur ; elle frappe et appelle, sans réponse, à part un faible sifflement d’oiseau. Elle finit par passer la tête par le chambranle et s’aperçoit que la lumière en question émane de sa chambre, d’où vient d’ailleurs de sortir un rouge-gorge, à présent posé sur sa tête (la fenêtre est pourtant fermée). Ne sachant qu’en faire, elle finit par éventrer un des coussins du canapé pour lui faire un petit nid. Alors que le rouge-gorge s’installe dans son nouveau chez-lui, un deuxième rouge-gorge sort de la chambre d’Ida, qui tente de l’attraper, sans succès.

Elle finit par entrer dans sa chambre et découvre une lumière qui émane de son lit, plus précisément de la boîte à chapeau sous son lit, d’où sort également une douce musique… Ida sort la boîte, qui vibre légèrement entre ses doigts, de sa cachette et pose son oreille contre elle ; c’est comme s’il y avait une forêt à l’intérieur, qui exhalait une odeur boisée et produirait des bruits d’animaux… Elle fait le tour de la boîte avec son doigt, tout en marmonnant : « C’est pas correct, on me l’a confiée… ». Elle défait malgré tout le ruban et pousse délicatement le couvercle. Il lui semble apercevoir une sorte de forêt miniature, autour d’une petite tour faite de briques, lorsque Martin l’appelle dans l’escalier.

Martin a fini par retrouver le contrat de la femme magnifique, et il met le papier sous le nez d’Ida ; cette dernière plonge depuis la rambarde du 4e étage jusqu’au rez-de-chaussée, attrape le contrat, et part en courant tout en déchirant le papier en petits confettis. Martin, rouge de colère, monte jusqu’à l’appartement d’Ida dont il trouve la porte ouverte. Après avoir fouiné un peu (en prenant garde de ne pas abîmer les fraisiers), il trouve la boîte à chapeau sous le lit ; mais il n’a pas le temps de l’examiner, une voix de femme l’appelle dans l’escalier.

En ronchonnant, Martin va à la rencontre d’une femme d’une quarantaine d’années, unijambiste, qui se propose comme nouvelle locataire.

« L’appartement n’est pas encore nettoyé, madame, lui répond-il d’un ton grinçant.
– Oui oui, je m’en doute mais je voulais tout de même vous déposer ma candidature…
– Très bien, allons en discuter dans ma loge. »

Tous deux redescendent, Martin en pantoufles, Géraldine en sautant sur son pied valide.

« Alors ma p’tite dame, qu’est-ce que vous avez comme références ?
– Eh bien, je suis quelqu’un de très sérieuse, je fais partie de la ligue de vertu, Miss Wellington est d’ailleurs ma garante, et je…
– QUOI ? Sortez d’ici !!! »

Martin se redresse du haut de son mètre cinquante et pointe l’index vers la porte d’entrée de l’immeuble, tandis que son crâne rougeoie de rage.

« Oh là là », murmure Géraldine une fois hors de l’immeuble, « quand Chesterfield va apprendre ça, elle va pas être contente… »

Scène 4 : Tout ce que vous voudrez

Sur le chemin du couvent, Cléanthe a beau traîner des pieds, il ne peut empêcher Vestine de poser des questions à l’Étranger : « Vous sentez-vous souvent supérieur aux autres ?
– Quelle réponse vous rendrait heureuse ?! répond l’Étranger d’un air exalté.
– La vérité.
– C’est oui ou non, la vérité ?!
– Je ne peux pas le dire à votre place…
– Je ne sais pas, alors !
– Euh, alors… dans ce cas… Avez-vous souvent l’impression que vous ne comprenez pas le genre humain ?
– Quelle réponse vous rendrait heureuse ?!
– Mais la vérité, enfin !
– Et pour cette question, c’est quoi la vérité ?!
– Monsieur, je ne sais pas si vous êtes un ange, mais vous êtes en tout cas sacrément obtus ! Mais comment, monsieur, connaissez-vous cet individu ?
– C’est une très longue histoire, soupire Cléanthe en tirant une bouffée sur sa cigarette de 30 centimètres de long. Une histoire que je n’ai pas la force de raconter maintenant…
– Mais vous, vous pouvez peut-être me le dire : ce monsieur est-il un ange ? Il a l’air d’avoir les protubérances règlementaires…
– Croyez-moi, ma sœur, j’ai vu quelques protubérances de cet individu. Je pense que c’est une très mauvaise idée de l’emmener dans ce couvent : certaines de vos camarades de chambrée ont vécu des événements traumatiques à cause de cet individu.
– Mais je ne comprends pas, continue l’Étranger dans son coin, la vérité, ça fait partie du bonheur ?
– La vérité, lui cingle Cléanthe, c’est que vous avez fait bien du mal à sœur Eusébie !
– Mais c’est ça, le problème, monsieur Brumaire ! Je ne comprends pas ! Moi j’ai cru que le bonheur c’était ça ! Elle est tombée amoureuse de vous, et vous un peu d’elle, et pourtant vous êtes malheureux ! Ça, je ne peux pas le comprendre !
– Attendez, quoi ? C’est vous l’homme après qui sœur Eusébie pleure toutes les nuits ?

– Oui, c’est lui !! Mais pourquoi elle pleure ?!! Elle n’avait qu’à partir avec lui pour mourir d’amour tous les deux… Et pourtant ils ont préféré se quitter dans ce malheur, je ne comprends pas… Vous comprenez, vous ? Expliquez-moi ! Dites-moi la vérité !
– La vérité, c’est que sœur Eusébie a fauté ! Et qu’elle s’en est trouvée bien peinée, ce qui est normal, mais qu’à présent elle fait pénitence ! L’amour charnel est interdit dans notre ordre !
– Mais les interdictions, ça fait pas partie du malheur ?
– Euh… Eh bien non, euh… Dans notre cas, cela amène au bonheur… Bon, je vais sans doute remettre mon questionnaire à plus tard, car…
– Non ! Allons voir cette Itras. Si le bonheur découle d’elle, il faut que je voie ça. Il faut que je comprenne. Allons-y, monsieur Brumaire, comme ça vous pourrez peut-être revoir cette jeune femme !
– Ça va mal finir, tout ça… » soupire Cléanthe.
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Scène 5 : Un ange au couvent

Dans la cour intérieure, l’Étranger se met à interpeller Itras à tue-tête.

« Vous savez, lui explique Vestine, vous pouvez lui parler mais il faut parfois attendre des années avant qu’elle ne réponde…
– Je n’ai pas le temps ! ITRAS ! ITRAS ! »

L’Étranger part en courant dans les couloirs.

[Ozen décide de tirer une carte « Chance ». Il tire : « Bon conseil. Vous pouvez demander conseil à quelqu’un (un PJ, un PNJ, un mort, quelqu’un qui n’est pas là, tout est possible). Quelqu’un d’autre incarne cette personne ; vous décidez de la façon dont vous communiquer. Si vous suivez son conseil, vous réussirez, mais si vous ne le suivez pas, vous êtes condamné.e à échouer. »]

Le gorille prophétique apparaît à Cléanthe qui, affolé, se demande quoi faire pour échapper à une orgie. Il voit dans sa tête le gorille [incarné par Eugénie] le regarder à travers les barreaux de sa cage, nouer ses mains en un gros poing, et fait le signe de l’abattre sur la nuque de quelqu’un. Cléanthe n’a beau pas être un violent, lorsqu’il voit l’Étranger se rapprocher de la cellule de sœur Eusébie, c’en est trop ; il lui met un coup derrière la nuque avec ses deux poings et assomme son locataire.

Vestine se plante devant Cléanthe et lui agite son cigare au visage.

« Monsieur, je ne sais pas si cet individu est un ange ou non, mais c’est en tout cas un dangereux psychopathe ! J’aimerais que vous l’ôtiez de ces lieux au plus vite.
– Ma sœur, vous pouvez l’interroger, mais dans un endroit confiné. Il ne faudrait pas que vos autres sœurs soient en contact avec lui : il a un effet… disons, nocif, sur les gens de votre ordre. Je vais tout vous expliquer mais ne le laissons pas dans le couloir, s’il vous plaît.
– Bon, je vais appeler la garde grise, et ils s’occuperont de son cas.
– Non, ça ne mérite pas cela… Et puis si c’est vraiment un ange, ce serait quand même grave !
– Je sais : nous allons l’enfermer dans le confessionnal. »

En ahanant, Cléanthe et Vestine tirent l’Étranger jusqu’au confessionnal ; il est enfermé dans l’un des deux compartiments, tandis que Vestine et Cléanthe se serrent dans l’autre partie. Cléanthe, nerveux, allume l’un des cigares de la sœur.

« Mais où suis-je ? demande l’Étranger à son réveil. Je suis aveugle, je ne vois plus rien !
– Vous êtes dans un confessionnal, monsieur. Vous allez tout me dire à présent.
– Itras, c’est vous ?
– Répondez à mes questions, et je répondrai aux vôtres. Je veux savoir depuis combien de temps vous êtes dans cette ville.
– Je ne saurais dire… Je suis arrivé… Il y avait de la fumée, et une femme magnifique, qui irradiait la lumière…
– Vous venez donc d’ailleurs ?
– J’étais dans le lit d’une autre femme, ensuite, mais elle n’irradiait pas du tout la lumière… Elle était plutôt vieille, et…
– Attendez, on s’en fiche d’elle. Cette femme qui irradiait la lumière, de quoi avait-elle l’air ?
– Elle était magnifique. Elle semblait flotter dans les airs, et une lumière intense s’échappait d’elle…
– C’est étrange, murmure Vestine à Cléanthe, il semble décrire… C’est la même chose dans notre livre saint… C’est impossible…
– Nous sommes plusieurs à l’avoir vue, cette femme. J’ai également eu ce plaisir à plusieurs reprises. »

À cette révélation, sœur Vestine tombe en prière frénétique.

« Je suis sûr que cette femme a quelque chose de particulier, continue l’Étranger. Elle doit avoir la clef du bonheur !
– Monsieur, dit Vestine, si ce que vous dites est vrai, alors cela veut dire qu’Itras est revenue parmi nous…
– Mais vous, vous savez où elle est, n’est-ce pas ?
– Eh bien non, justement… Vous allez m’amener à la gare et me montrer là où vous l’avez vue.
– Je peux vous emmener, si vous voulez, propose Cléanthe. Elle a habité pendant un temps un immeuble de mauvaise vie…
– Comment, elle a habité ici ?! Allons-y tout de suite. »

Vestine appelle sœur Jacquie, sa consœur habilitée à vérifier les miracles, et les quatre partent en ville, non sans que Vestine ait admonesté Cléanthe une fois de plus : « Nous reparlerons de ce que vous avez fait avec Eusébie, vous en répondrez, monsieur ».


Scène 6 : Martin Poicreux dans les fraisiers

Après quelques mètres, Ida s’arrête de courir lorsqu’elle se rend compte qu’elle ne sait pas où aller. Elle finit par se diriger vers le zoo, pour aller se rasséréner auprès du gorille prophétique. Celui-ci joue des airs dissonants au piano et a l’air surpris de voir Ida en dehors d’un dimanche : c’est que celle-ci a besoin d’un conseil. Elle s’est enfuie bêtement de chez elle, mais c’est sans doute parce que quand elle était petite, elle avait toujours rêvé de faire ça quand la mère supérieure revenait avec son bulletin de notes… Mais à présent, Ida voudrait rendre la boîte à chapeau à la femme magnifique et retourner à sa vie. Le gorille lui propose une prophétie : il tapote sur sa machine et lui apporte une petite carte recouverte de signes typographiques : « Le dieu machine le dieu machine le dieu machine le dieu machine n’attendra plus très longtemps ». Ida a l’air circonspecte ; le gorille aussi, mais ainsi vont les prophéties. Il lui fait un petit baiser avant qu’elle ne reparte vers chez elle, d’un pas un peu plus affirmé.

Martin finit par arriver à contacter Bjørn Svëngard, et tombe sur son secrétariat. Hélas, l’agenda du chirurgien-charpentier est plein jusqu’au mois prochain…

« Quoi ?! s’étrangle Martin. C’est toujours pareil, jamais là quand on a besoin d’eux !
– Monsieur, gardez votre calme s’il vous plaît. C’est la première fois que vous appelez un chirurgien-charpentier ? chuchote le secrétaire. Vous êtes censé négocier et essayer de me corrompre…
– Ah ! Eh bien j’ai de la gnôle comme pas permis qui m’encombre, et je serais prêt à en oublier une douzaine de bouteilles devant ma porte…
– Ah, ça tombe bien, un client vient juste de décommander ! Monsieur Svëngard peut venir tout de suite, finalement !
– Merci monsieur ! Et merci pour vos conseils !
– Je ne vois pas de quoi vous parlez. »

Martin retourne au milieu des fraisiers d’un air gai, pour examiner à nouveau cette fameuse boîte à chapeau. À l’intérieur se trouve une version miniature de la Tour de la lune, celle qui est au centre de la cité, mais elle est ici entourée d’une forêt. Un oiseau sort de la boîte, manquant éborgner Martin, et se perche sur son épaule alors que le logeur est pris d’une idée idiote mais irrépressible… En rougissant, il pose la boîte ouverte au sol, remonte l’une de ses jambières, et passe un pied, en tirant la langue, à l’intérieur. Il manque tomber à la renverse et se rattrape juste à temps. Finalement, il prend la boîte sous son bras et descend quatre à quatre s’enfermer dans sa loge, pour se livrer à quelques expériences… Enfin c’est ce qu’il prévoit de faire, jusqu’à ce qu’on sonne à sa porte.

Martin fait un clin d’œil à son propre portrait sur le mur et va ouvrir.
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Scène 7 : Deux nonnes, un ange et une boiteuse visitent l’immeuble des connasses

« C’est pour l’appartement ? demande Martin en dévisageant les nonnes et les deux hommes qui se trouvent devant lui.
– Elle est là ? demande l’Étranger. Elle est là, la femme magnifique ?
– Euh, oui oui, tempère Cléanthe, on vient pour l’appartement. Et surtout n’écoutez pas ce que dit cet individu.
– Vous parlez de la dame qui recevait beaucoup de personnes ? Elle est partie également. Bon en tout cas, l’appartement n’est pas fini de nettoyer, et…
– Bonjour monsieur, sœur Vestine, nonne en chef du couvent de la Très Sainte Lumière d’Itras.
– Vous voulez louer ici ? Mais c’est pas du tout votre quartier…
– Non, je souhaiterais voir un appartement dans lequel un supposé miracle aurait eu lieu. Au 4e B, il me semble.
– Ah, je suis désolé, mais je ne fais que des visites qui conduiraient à un bail.
– C’est vrai alors ? demande l’Étranger à Martin en lui tenant les épaules. La femme magnifique a logé dans cet appartement ?
– Oui, et elle me l’a rendu dans un état ! Elle me doit trois mois de loyer, vous vous rendez compte, alors j’espère que vous avez des garants car je suis très sélectif désormais.
– Et si, demande sœur Vestine, je vous disais que je voulais louer cet appartement, vous me le feriez visiter ?
– Mais bien sûr ! »

Ida se découpe dans l’encadrement de l’entrée, avant de se figer en apercevant les deux nonnes.

« Mais je suis majeure ! crie-t-elle. Je peux pas y retourner ! Ça sert à rien de me dénoncer !
– Qu’est-ce que tu racontes, Ida ? demande Martin.
– Ah… C’est pas vous qu… qui les avez appelées ?
– Non, elles viennent visiter l’appartement. Tiens, rends-toi utile, fais-leur la visite, j’ai un… truc… à faire dans mon bureau. »

Ida reprend de l’assurance, et mène tout le monde au quatrième, à part Cléanthe qui reste en bas, épuisé. Il entre discrètement dans la loge de Martin Poicreux, qui est à genoux, en train d’attacher des pelotes de laine à une coupe sportive, sur le point de la descendre dans la boîte. Cléanthe ne fait pas attention à lui et se vautre en soupirant dans un fauteuil en demandant une bouteille à Martin, qui en reste comme deux ronds de flan mais obtempère tout de même.

« Alors comme ça vous la connaissiez, la dame de là-haut ?
– Il m’est arrivé de la croiser, oui… répond Cléanthe en versant de l’extrait de violette dans sa gnôle. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai comme besoin de me confier, soudain. Votre présence, peut-être ? En fait, je crois que l’Étranger n’est pas au courant que j’ai passé une nuit avec cette femme, il y a quelque temps.
– Eh ben ! siffle Martin. Mais elle avait bu ?
– Elle, je ne sais pas, mais moi oui.
– Eh ben. Bon, c’est pas que je vous retiens, mais… »

Leur conversation est brutalement interrompue par de violents coups sur la porte. « Roh, on n’est jamais tranquille… » râle Martin en allant ouvrir. Face à lui, une femme d’une quarantaine d’années, unijambiste, qui l’attrape en criant : « Alors comme ça tu veux pas louer à ma sœur parce qu’elle est trop bien pour toi ?! J’vais te dire un truc mon gars : dans cet immeuble tu loges de sacrées connasses, et tu veux pas nous accueillir ? C’est l’immeuble des connasses, c’est ça ? Quand on est gentil on n’a pas le droit d’habiter là ?
– Mais je vous en prie, je vais appeler la maréchaussée !
– Tu vas appeler rien du tout, sauf ta mère quand je t’aurai défoncé la gueule ! Alors maintenant, tu vas nous faire visiter l’appartement du 4e B, tu vas regarder le dossier de ma sœur, en bonne et due forme, et si t’estimes qu’elle a un bon dossier, alors tu lui loueras !
– C’est pas de chance, il est loué à une nonne…
– Elle est où cette nonne ?!
– En haut, vous pouvez aller voir. »

Et Martin claque la porte en se frottant les mains, alors que Géraldine essaye de calmer Chesterfield.

Scène 8 : L’ange et les nonnes

« Si j’étais vous », prévient Cléanthe, « je barricaderais cette porte… Elle va revenir… »

Au 4e B, Ida fait visiter l’appartement en ne quittant pas les nonnes des yeux. Il faut dire que sœur Jacquie la regarde d’un air bizarre depuis tout à l’heure. L’Étranger, sans écouter Ida, pose sa main sur le cœur de sœur Vestine, qui proteste.

« Votre cœur bat un tempo magnifique ! Une sorte de musique ! Je n’ai jamais rien entendu de pareil ! »

Vestine le gifle : « Vous arrêtez ça tout de suite, où j’appelle la police ! Je veux bien que vous soyez un peu dérangé, mais une agression sexuelle, c’est hors de question ! »

L’Étranger essaye de poser sa tête sur la poitrine de Vestine, mais sœur Jacquie l’attrape par le col et le secoue vigoureusement avant de le balancer par l’encadrement de la porte.

« Bon, reprend Vestine, vous êtes sûre qu’Itr… Je veux dire “la femme magnifique” a habité dans cet appartement ? Il me semble tout de même bien miteux pour…
– Pour ? Vous la connaissez ?
– Oui et non… On est en quelque sorte intime.
– Vous êtes intime avec ma voisine de palier ? Vous ?
– Nous ne nous sommes jamais rencontrées, mais je la connais aussi bien que ma propre mère ou ma propre sœur. Vous avez déjà lu notre bible ? »

Ida est prise d’un soudain hoquet pour toute réponse.

« Vous allez bien, madame ? Madame comment déjà ?
– Kérosène, hoquète Ida.
– Ça me dit quelque chose… marmonne Jacquie.
– En tout cas, si vous aviez lu notre livre… C’est en quelque sorte la vie de la “femme magnifique” qui est décrite…
– Elle est là-dedans, la nonne ? Pousse-toi, toi ! »

Ida, qui reconnaît la voix de Chesterfield, entreprend de se cacher sous le canapé.
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Scène 9 : Après le bonheur, la douche !

« Géraldine, s’exclame l’Étranger, vous ici ?
– Euh oui, bonjour, monsieur l’Étranger !
– Tiens, v’là le briseur de familles ! Le fouteur de merde ! Qu’est-ce que tu fais là, tu flirtes avec des nonnes toi aussi ?
– Non, pas du tout ! Qu’est-ce que flirter ? Chesterfield, vous êtes la seule à avoir gardé ce bonheur que je vous ai donné ?
– Comment ça j’l’ai gardé ? J’ai pris une douche après, j’suis pas dégueulasse !
– Je préférais qu’on n’évoque pas tout ça, dit Géraldine en fronçant les sourcils. Ça me met très mal à l’aise…
– Voilà, t’as mis mal à l’aise ma sœur, t’es content ? Un habitué des catastrophes, celui-là. Allez, pousse-toi de là. EHO, LA NONNE, T’ES LÀ ?
– Laissez-la, elle a une musique magnifique dans le cœur…
– Ouais bah ça tombe bien, moi aussi j’vais lui jouer une musique magnifique sur le cœur, tu vas voir ! OUVREZ OU JE DÉFONCE LA PORTE ! Je compte jusqu’à trois. Un… deux… »

L’Étranger embrasse alors Chesterfield, en même temps qu’Ida ouvre la porte, terrifiée.

[Je décide de tirer une carte « Chance ». Je lis : « Dans un miroir, dans un rêve. Jouez le reste de la scène sur la face B d’Itras By, où tout est inversé. Comment cela affecte-t-il les personnages sur la face A ? »]

Chesterfield rend avec fougue son baiser à l’Étranger.

« Ah, enfin, tu vois la raison ! Je savais bien que c’était moi que tu aimais, et pas ma sœur…
– Ah mon dieu, non ! C’est horrible ! s’exclame l’Étranger en la repoussant.
– Mais ça va pas d’embrasser cet individu ! proteste Géraldine. T’as vu comme il est laid !
– Ah, tant de bonheur, ça me donne envie de vomir ! crache l’Étranger.
– Eh bah vomissez partout, ça me fait plaisir, c’est moi qui nettoie ! dit Ida. Regardez, je donne l’exemple. »

Elle s’enfourne deux doigts dans la bouche et vomit sur la tapisserie. Sœur Vestine, une vieillarde desséchée, dit à Jacquie de plier bagage : cet appartement est bien trop beau pour leur déesse, elle ne peut se trouver ici. Il est temps de retourner à leurs sacrifices humains.

« Hop hop hop, personne part avant d’avoir fait les prières, proteste Ida.
– Mais dis-moi, dit sœur Jacquie, une petite sœur malingre aux airs de souris, tu n’étais pas au couvent il y a longtemps ?
– Ouais, si. J’ai démissionné, vous étiez pas assez croyantes pour moi.
– Tu ne serais pas plutôt partie parce que tu n’avais pas assez de courage ? Tiens, par exemple je parie que tu n’es pas capable d’embrasser cet homme laid !
– Eh, pas touche ! C’est le mien !
– Personne ne m’embrasse ! dit l’Étranger en crachant sur Chesterfield.
– Si tu t’attaques à ma sœur, prévient Géraldine, tu vas devoir t’en prendre à moi d’abord !
– Mais viens l’unijambiste, que je te défonce ta deuxième jambe ! »

Géraldine se jette sur l’Étranger pour l’étrangler ; ce dernier commence à lui mordre les oreilles. Dans leur pugilat, ils dégringolent tous deux jusqu’au rez-de-chaussée, avant d’aller s’échouer dans le bureau de Martin Poicreux. Ida les suit tout en arrachant les planches de l’escalier au fur et à mesure et en les jetant un peu partout : « C’est ça ! » crie-t-elle, « on va tout péter ! Cet immeuble il est pourri de toute façon, je veux plus y habiter ! ».

« Eh bien », jubile Martin, « voilà qui tombe parfaitement pour mes sacrifices à l’Entité noire ! ». Il rajuste sa robe de bure et enferme tout ce petit monde dans son bureau, avant de se diriger vers la cave. Cléanthe, un grand type tatoué habillé en cuir, sort de sa cachette et aide Géraldine à se relever, d’un air enjôleur.

« Salut, lui susurre-t-il.
– Salut. Dis-moi, y a ce type affreux qui m’embête, tu veux pas lui péter la gueule, et après on couche ensemble ?
– Boh, il va aller se ranger dans un coin sans faire chier le monde, ça ira ? »

Les yeux de l’Étranger rougissent, et un brasier semble commencer à s’allumer autour de lui.

« Pas touche, beau gosse, elle est pour moi celle-là. Elle va souffrir.
– Eh oh, c’est moi qui décide ! dit Géraldine. On peut partager…
– J’ai autre chose à vous partager, dit Cléanthe. Quand j’ai débarqué ici, le petit bonhomme en robe de bure était en train de se masturber au-dessus d’une boîte. Ça vous dit de voir l’état de ses fantasmes ? Au pire on pourra se moquer de lui… »

Il leur tend la boîte, couverte de suie et toute gondolée. Géraldine se penche au-dessus et en regarde le contenu avec un regard pervers ; l’Étranger la pousse à l’intérieur ; Cléanthe pousse l’Étranger à l’intérieur ; Ida pousse Cléanthe à l’intérieur. Lorsque Martin revient, il a juste le temps de voir la tête d’Ida disparaître à l’intérieur. Il est bien embêté, il a promis une victime à l’Entité noire… Il entend une voix derrière lui : « Excusez-moi, où est passée ma sœur ?
– Je crois qu’elle est tombée là-dedans… »

Chesterfield se penche au-dessus de la boîte ; Martin la pousse à l’intérieur, avant d’y sauter à son tour.

Scène 10 : De la fusion de Géraldine et Chesterfield et d’autres prodiges

Tout le monde se réveille avec quelques courbatures. Ils se trouvent à l’orée d’une magnifique forêt : les oiseaux gazouillent, il ne fait ni trop frais ni trop chaud, un soleil éclatant éclaire la scène. Tout autour d’eux, des voix angéliques murmurent des mélodies. L’Étranger enlève son pardessus qui le gêne soudain, et deux ailes d’un blanc éclatant se déploient.

« Mais ! s’exclame Ida. Vous jouez à l’opéra d’Itras ? Comment avez-vous fait pour subtiliser un costume ? Elles ont fait rêver des tas de gamines, ces ailes, quand ils avaient fait Le Lac des cygnes !
– J’arrive pas à les enlever… Oh attendez, j’arrive les faire bouger !
– Mais enfin… Vous êtes… Et nous, nous sommes… Je suis ? balbutie Géraldine Chesterfield.
– Mais où sommes-nous, monsieur Brumaire ? Vous devez savoir, vous ! »

Cléanthe s’est assis sur une pierre et fume une cigarette d’un air triste.

« Nous sommes dans un endroit merveilleux.
– Moi, je sais où on est, plastronne Martin. On est chez moi ! Grâce au contrat de ma locataire, j’ai acquis cette boîte à chapeau, et donc tout son contenu.
– Quel contrat ?
– Quelle boîte à chapeau ?
– Quel contenu ?
– Quel ennui… » soupire Cléanthe.

Martin regarde aux alentours d’un air satisfait.

« Tiens, là j’installerai bien une petite cabane de chasse, ce serait joli, non ? »

Il y a déjà une cabane à l’endroit que Martin désigne, comme si elle avait toujours été là.

« Oh, pas mal ! Il faudrait aussi des cannes à pêche pour pêcher dans la petite mare d’à côté… »

À l’intérieur de la cabane, des cannes à pêches de toute taille, des pots d’appâts attendent Martin.

« Attendez, demande Géraldine Chesterfield, je comprends pas… On est où ? Et pourquoi j’ai deux jambes ? Oh non… Je sais… Il faut absolument qu’on parte de là avant la tempête !
– Ça finit toujours mal, de toute façon, dit Cléanthe. »

Martin ressort de la cabane avec une canne à pêche sur l’épaule ; à côté de la mare, un petit homme dans un costume trop grand pour lui est assis dans une chaise longue et déjà fort occupé.

« Ah, vous aussi vous venez pêcher des âmes ?
– Et qu’est-ce que vous en faites ensuite ?
– Il les met dans des bouteilles et les refourgue à tout le monde, explique Ida.
– Comment vous savez ça ?
– J’en ai une, d’ailleurs, regardez ! dit l’Étranger en sortant la bouteille de son pardessus.
– Elle est remplie de sable, votre bouteille… remarque Henry Bludgeon. Et puis je compte pas en pêcher cinquante, une seule me suffit !
– Vous avez déjà essayé de nous en fourguer deux fois, dit Ida.
– J’en ai eu deux pour ma part, renchérit Cléanthe.
– Excusez-moi, dit Henry, mais on ne s’est jamais rencontrés…
– Ah si, dit Ida, deux fois ! Et la deuxième, vous vous êtes tellement fait secouer que vous avez perdu une cinquantaine de bouteilles, et vous êtes tombé en pièces.
– Écoutez, parlez moins fort pour commencer, n’allez pas effrayer les âmes. D’autre part, je suis désolé, mais non seulement je ne vous ai jamais vus, je ne suis par ailleurs pas là pour vous vendre des âmes, c’est interdit.
– Mais vous n’en vendez pas, dit l’Étranger, vous les donnez.
– Vous suppliez les gens de les prendre ! dit Ida.
– Vous devez faire erreur… Peut-être quelqu’un qui me ressemble ?
– C’est vrai que vous aviez l’air plus triste que ça…
– Laissez tomber, dit Géraldine Chesterfield. Il comprendra pas : il vient d’avant la tempête. La tempête qui m’a séparée.
– C’était couru d’avance, dit Cléanthe. Il y a bien trop de belles choses ici, il fallait bien que ça se termine mal. C’est inéluctable : on est heureux, et puis c’est la merde, et on n’est plus heureux. »
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Scène 11 :Encore le bonheur ?

L’Étranger s’assied à côté de lui et tente de lui mettre la main sur l’épaule.

« Ah non, recommencez pas avec votre bonheur, vous ! Le bonheur tout le temps, vous n’avez que ce mot à la bouche ! On n’en veut pas de votre bonheur !
– C’est peut-être vous le problème… commence l’Étranger.
– Mais non, c’est vous le problème ! Vous avez pas vu le bordel que vous foutez depuis que vous êtes en ville ! Vous avez traumatisées ces pauvres nonnes ! Et cette femme, elle était là et vous l’avez traumatisée aussi ! Vous voulez savoir la vérité ? On veut pas être heureux !
– Oh, dis donc mon bonhomme, s’emporte Géraldine Chesterfield, tu parles pour tout le monde, là ? Moi ça me dérangerait pas d’être heureuse avec le zigoto ! D’accord, il a couché avec une partie de moi alors que c’était l’autre qui l’aimait, mais maintenant que je ne suis qu’une seule personne, on peut peut-être s’arranger…
– Grand bien vous fasse, mais il vous rendra pas heureuse ! Il rend les gens heureux pour les rendre plus malheureux après, à chaque fois c’est pareil. Vous croyez que c’est fini, la dissension entre vos deux parties ? Non, ça va revenir, vous verrez ! La partie droite de votre cerveau va baiser avec lui dans les toilettes, et la partie gauche de votre cerveau va lui en vouloir, c’est couru d’avance !
– Écoute mon coco, tu te goures complètement. Déjà, tu m’expliques pas comment ça se passe dans mon cerveau ; ensuite, c’est pas mon cerveau qui m’intéresse, c’est mon cœur !
– Sauf votre respect, dit Martin, c’est pour quand la tempête ?
– Vous avez raison, sanglote l’Étranger, j’ai tout raté !
– Allons mon ami, vous êtes un fouteur de merde, mais vous n’êtes pas mal intentionné, ça je le sais.
– Eh, barrez-vous ! chuchote Henry. Vous faites peur aux âmes !
– Monsieur Brumaire, vous savez tellement de choses… Aidez-moi…
– Écoutez, le bonheur c’est compliqué, les gens n’en veulent pas forcément… Même si certaines prennent plaisir à contredire les autres au pire moment.
– Eh oh, c’est pas parce que t’es vexé de pas m’avoir eue qu’il faut te comporter comme ça !
– Laissez-moi parler ! dit Ida. Laissons le temps passer pour ce garçon… Moi aussi j’ai vécu une histoire d’amour malheureuse avec un lanceur de couteaux, et puis ensuite j’ai du consoler un gardien de zoo qui avait vécu une histoire d’amour malheureuse avec Amandine Beaulieu, et puis après…
– Mais je n’ai jamais été intéressé par vous, proteste Cléanthe. Mon cœur appartient à mademoiselle Beaulieu pour l’instant. Enfin, il n’y a eu qu’un kidnapping rapide entre nous, mais…
– Vous avez kidnappé la mère de mes bananes ?
– Bon, râle Henry, dégagez ou je me fâche !
– Allez, dit Martin, dirigeons-nous vers cette tour, là-bas. J’y retrouverai peut-être ma locataire…
– Vous voulez dire la femme magnifique ? demande l’Étranger. Allons-y ! »

Tout est merveilleux dans la forêt, à la limite de l’agaçant : des oiseaux gazouillent, tous les arbres portent des fruits juteux, des lapins passent sur le chemin…

« Alors c’est vous Cléanthe Brumaire ? demande Ida. C’est marrant, Amandine m’avait dit qu’elle avait un amant à rendre malheureux, mais je ne pensais pas que vous étiez allé jusqu’au kidnapping…
– Vous avez eu des bananes avec elle ?
– C’est compliqué. Mais rassurez-vous, elle est restée telle qu’elle-même avec les hommes.
– Écoutez, je vous explique rapidement mon problème : j’étais à la recherche d’une femme magnifique, mais je ne m’en sentais pas digne, alors je me suis dit que j’allais avoir une histoire d’amour malheureuse, puisque c’est ce que j’arrive le mieux à faire… Et puis cet abruti est arrivé, il a tout gâché, il s’est passé des choses avec la sœur Eusébie, et après je me suis dit que j’allais avoir une histoire d’amour heureuse, et comme j’étais lié à mademoiselle Beaulieu par un kidnapping rapide mais consenti, je pensais l’avoir avec elle, mais ça n’a pas l’air possible… J’ai d’ailleurs embauché un chansonnier il y a trois mois, et il ne m’a toujours pas livré… C’est voué à l’échec, n’est-ce pas ?
– Vous voyez, sanglote l’Étranger, vous aussi vous cherchez le bonheur !
– C’est vrai que vous avez été très dur avec ce garçon, acquiesce Ida. Pourtant vous rentrez exactement dans sa vision philosophique du monde.
– Vous n’avez rien compris à sa vision, et à la mienne. Il pense que les gens doivent être heureux, et cela les rend malheureux quand ce bonheur s’arrête. Moi, je veux être malheureux, pour être un peu heureux quand le malheur s’arrête. Ça n’a rien à voir.

Scène 12 : Géraldine remporte l’appartement vacant

– Alors dites-moi, monsieur, demande Géraldine Chesterfield à Martin Poicreux, vous me le louez cet appartement ?
– Je pensais plutôt à la nonne…
– Ah ? J’ai eu une conversation délicieuse avec elle, et je crois qu’elle ne souhaitait pas vraiment y habiter, simplement vérifier si sa déesse y avait logé.
– Elle ne voulait pas transformer cet appartement en lieu de dévotion ?
– Si je peux me permettre, dit Ida, en tant que membre du syndicat des locataires, je préfèrerais largement que ce soient mesdemoiselles Géraldine et Chesterfield qui emménagent en face de chez moi plutôt qu’une armée de nonnes. Parce qu’à six heures du matin, c’est la prière, y a du boucan… On se sent jugée en permanence…
– D’accord, dit Martin, mais cette histoire de ligue de tempérance, tout de même…
– Oui, je fais partie de la ligue de vertu, dit Géraldine Chesterfield, mais en quoi ça te défrise ?
– C’est que j’en fabrique, moi, de la gnôle, pour remplir ma gamelle…
– Mais tu fais ce que tu veux, mon p’tit gars, et moi de mon côté, on kidnappe des vendeurs d’alcool avec la ligue de temps en temps, et c’est tout ! Chacun ses loisirs ! Écoute, si tu me loges, je dirai aux vieilles de te laisser tranquille.
– Ça me paraît un excellent compromis. Cela dit, je ne veux pas une journée de retard sur le loyer.
– Le problème, c’est que je n’ai actuellement plus d’employeur… Mais ça ne va pas durer, je vous rassure. D’ailleurs, je peux trouver un peu d’argent pour vous payer d’avance, n’est-ce pas Cléanthe ? Vous deviez de l’argent à Jeff l’Usurier, alors s’il n’est plus là, cet argent me revient sans doute…
– Si Jeff a disparu, je serai heureux de reporter ma dette colossale vers vous. Mais je veux des menaces de mort régulières.
– Je te propose un marché : tu payes mon loyer à monsieur, et je te menace de mort tous les mois.
– Topez-là. »
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Scène 13 : Où quelques citadins découvrent la faune surprenante de la forêt

Ida tapote les plumes de l’Étranger d’un air délicat.

« Dites, monsieur, vous avez peur des serpents ?
– C’est quoi un serpent ?
– Un truc long, qui ressemble un peu à ça… »

Ida sort la plaque que lui avait donnée le marin-pompier. Alors que l’Étranger la regarde d’un air circonspect, un serpent géant sort des bois et se plante devant eux.

« Que faites-vous là, intrussss ? siffle-t-il.
– Nous sommes avec le propriétaire, dit Cléanthe en poussant Martin devant lui.
– B… b… bon… bonj…. bonj…. bon… bonjour… Vous… vous êtes du coin ?
– Que faites-vous isssssssi, étrangers ? Parlez ou mourrez.
– Nous allons traverser la forêt par là, mais sans rien déranger, et puis on va aller jusqu’à la tour là-bas, et après on repartira, vite fait bien fait !
– Je vous propossssse autre chosssssse : vousssss allez rebroussssser chemin, quitter sssssssette forêt, et ne jamais revenir.
– D’accord ! s’écrie Martin. Super idée ! Très bien !
– Hors de question, dit l’Étranger. Nous sommes ici pour voir la jeune femme qui se trouve dans cette tour !
– Dans sssssssse cas, il va falloir obtenir l’autorisssssssation du gardien. Je vais le chercher. »

Le serpent disparaît entre les arbres.

« C’est moins bien que ce que je pensais… cet endroit, dit Martin. Je ne sais pas si je vais rester…
– C’est toujours comme ça quand on acquiert un bien, dit Cléanthe, c’est plein de vices cachés et de vermines… »

L’Étranger s’adosse à un arbre, qui entreprend de lui masser le dos.

« Tu m’as l’air tendu, lui dit l’arbre d’une voix bonhomme.
– Oui, c’est vrai… C’est la faute de Cléanthe…
– Ne t’inquiète pas. Un bon massage, ça aide toujours.
– Je comprends plus rien, il veut être heureux, et malheureux en même temps… Continuez, ça me fait du bien…
– Oui, repose-toi dans mes bras… Tout va bien… »

L’Étranger s’endort, et deux branches de l’arbre se baissent pour l’emporter dans les cimes.

« Eh ! s’écrie Ida. C’est lui qui devait nous faire sortir, avec ses ailes ! S’il vous plaît, monsieur l’arbre ? Vous pourriez nous rendre cette personne ?
– Ne t’inquiète pas, il va bien. Assieds-toi ici, je vais te faire un petit massage…
– C’est vrai que j’ai une douleur là depuis le spectacle de l’autre jour, et… Oui, là, exactement…
– Oui, détends-toi… Ça fait du bien, n’est-ce pas ? »

Ida se met à pleurer à chaudes larmes.

« Je sais pas pourquoi, je me vide complètement !
– Ne t’inquiète pas… Tout va bien… »

Géraldine Chesterfield gifle soudain Ida.

« Ida, reprends-toi, sinon tu vas finir comme l’autre !
– Mais j’étais tellement bien !
– Méfie-toi des choses qui ont l’air trop bien !
– Je suis content de vous l’entendre enfin dire, ajoute Cléanthe. »

Scène 14 : « Laisse-toi aller »

Géraldine Chesterfield tire Ida de force des branches de l’arbre.

« Ce n’est pas bien de faire mal aux gens, dit celui-ci. Tu vois bien qu’elle veut un massage…
– Bon, dit Géraldine Chesterfield à Martin, si vous êtes le proprio, vous devez avoir une hache ou un truc comme ça ?
– Je ne sais plus si je suis vraiment propriétaire, en fait, je…
– Ça c’est les hommes ! s’écrie Ida. Dès qu’il faut assumer ses responsabilités, y a plus personne !
– Pas du tout, c’est juste que ça ne tiendrait pas dans mes poches… Euh, et donc vous êtes un arbre qui parle ? De quel bois êtes-vous fait ?
– Approche-toi, et tu verras… »

Les feuillages de l’arbre commencent à caresser le visage de Martin, qui se recule doucement.

« Laisse-toi aller…
– C’est que le serpent nous a dit de partir d’ici, voyez-vous, et…
– N’écoute pas ce serpent, c’est un rabat-joie. Viens dans mes feuillages, je te protégerai. Tu resteras là autant qu’il te plaira…
– Et si je veux partir ?
– Personne ne t’en empêche…
– C’est-à-dire, intervient Ida, que nous aimerions récupérer notre camarade…
– Il ne souhaite pas partir, tout comme votre autre camarade, là… »

Cléanthe s’est à son tour posé contre l’arbre en baillant.

« Il a l’air très fatigué, l’autre aussi d’ailleurs…
– Je déteste en arriver là, soupire Ida, mais je suis mère d’une ribambelle de bananes, et je ne peux pas abandonner cet autre monde comme ça… Monsieur Poicreux, une fiole de gnôle du père Shade, s’il vous plaît.
– En pleine forêt, murmure Géraldine Chesterfield, c’est peut-être un peu dangereux… Monsieur, vous êtes sûr que vous n’avez pas de hache ?
– Suis-je bête, elle était dans la poche de mon veston !
– Oh non, pas cette hache, proteste mollement l’arbre.
– Relâche notre ami ! »

L’arbre commence à tirer Cléanthe vers le haut ; Ida s’accroche in extremis à sa cheville alors que Martin se précipite vers le tronc en hurlant.

[Je demande à Kobal de tirer une carte « Résolution ». Ozen lit : « Le conflit empire ! La tension monte alors que le conflit, les problèmes, les enjeux montent d’un cran. »]

Un grand vent passe et un coup de tonnerre résonne en même temps que le choc de la hache contre le tronc. Les autres arbres alentour s’amassent d’un air menaçant. Martin, rouge vif, la bave aux lèvres, s’acharne sans rien remarquer, et du sang jaillit de l’arbre. Cléanthe, endormi, murmure à Ida : « On dit pas une ribambelle, on dit un régime… »

« Bon, s’emporte Géraldine Chesterfield, monsieur, sortez de votre poche une échelle, un deltaplane, n’importe quoi ! Il faut qu’on parte tout de suite !
– Je sssssssssuis d’accord, dit un serpent deux fois plus grand que le précédent en se faufilant vers eux. Alors comme sssssssssa, vous embêtez mon filssssssssss ?
– Il a plus de son père… dit Martin d’une petite voix.
– Oui maman, sssssssss’est lui qui n’a pas voulu partir !
– Bien, tu veux te laissssssser dévorer tout ssssssseul, ou esssssssst-ce qu’il faut sssssssse battre un peu ? »

Martin fouille fébrilement, pour voir s’il n’aurait pas une épée, mais il ne brandit que sa ceinture et son pantalon lui tombe aux chevilles.

« Viens donc, petit homme, lui dit l’arbre en lui tendant une branche. Je peux te protéger… »

Martin accepte son offre et est soulevé à son tour, malgré les efforts de Géraldine Chesterfield pour le retenir ; elle aussi est emmenée dans les branchages. On y est bien, les branches semblent moelleuses, et le vent les berce… Ils finissent par s’endormir à leur tour.
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Emöjk Martinssøn
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

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Scène 15 : Où l’Étranger n’a plus à choisir entre les deux soeurs

À leur réveil, tout le monde est étendu sur le sol de la loge, un goût âcre dans la bouche. La boite à chapeau git, renversée, dans un coin. Martin se relève, récupère son pantalon, remet sa ceinture et remet la boîte à l’endroit : on y aperçoit toujours cette forêt minuscule… Il remet précautionneusement le couvercle sur la boîte avant de la rendre à Ida Jerricane, les mains tremblantes. Ida referme le ruban et la remet sous son bras…

« Attends, Ida ! Il faut qu’on y retourne ! dit Géraldine Chesterfield. Je suis encore… Nous ne sommes plus… Il faut que je sois séparée à nouveau. Ça ne me va pas, comme ça.
– Pourtant…
– POURTANT QUOI ? Tu vois pas que c’est insupportable d’avoir des sautes d’humeur tout le temps ?
– Vous étiez déjà pas commode avant, fait remarquer Martin.
– Pourquoi vous dites ça, je fais de mon mieux… sanglote Géraldine Chesterfield. »

L’Étranger, toujours nu et ailé, lui pleure dans les bras. Cléanthe le réconforte maladroitement : « Je devrais pas vous dire ça, mais je crois qu’elle aimerait bien un peu de bonheur…
– Vous faites ce que vous voulez, mais pas dans ma loge ! » rouspète Martin.

Ida tend la clef de chez la femme magnifique à l’Étranger ; il l’attrape, ainsi que Géraldine Chesterfield, et s’envole jusqu’à la fenêtre.

Pendant son absence, on frappe à la loge ; c’est le docteur Svëngard, un grand type carré avec une chemise à carreaux et une grande barbe rousse. Martin l’emmène à l’étage, sans penser au spectacle qu’il s’apprête à voir : l’Étranger, en apesanteur, en train de faire l’amour avec Géraldine Chesterfield. Svëngard se caresse la barbe : c’est un problème sérieux, en effet… Martin lui propose de boire un verre de gnôle du père Shade en attendant que la petite affaire soit finie.

À la fin de l’étreinte, l’Étranger a deux femmes dans ses bras, et se tient à nouveau les pieds sur le sol, dans un appartement normal ; ni magnifique ni immonde, juste un peu poussiéreux. Il n’a plus d’ailes et a récupéré son pardessus.

« Alors, heureuse ?
– Je dois admettre que tu as vaguement à voir avec mon bonheur actuel… »

L’Étranger, une fois de plus, fond en sanglots : pour une fois, sa technique a fonctionné !

Scène 16 : Ida et le lanceur de couteaux

Dans la loge, tout le monde est ivre mort, sauf Ida qui vient de passer trois heures à les regarder d’un air désapprobateur. Martin emmène Svëngard au 4e B, avant de constater que le problème a l’air de s’être réglé de lui-même. Svëngard se vautre en redescendant, et Ida entend la porte de la cave s’ouvrir, et quelque chose sortir du sous-sol, des bruits de clapotement peu ragoûtants. Un bruit de succion plus tard, la porte se referme et Svëngard a disparu.

« Vous voyez, Cléanthe, lui dit Ida, c’est ce genre d’attitude qui me fait dire que vous ne pourrez pas avoir d’histoire heureuse avec Amandine. Elle est mère de bananes, maintenant, elle n’a pas besoin de quelqu’un qui rentre bourré à n’importe quelle heure après avoir fait la bringue avec des amis dans une boîte à chapeau ! Francis, au moins, c’est quelqu’un de sérieux pour elle.
– Francis l’a éconduit, et elle a pris un faux nom pour s’en débarrasser ! Enfin bon, vous avez peut-être raison… Et vous, ça vous dit pas une histoire d’amour heureuse ?
– Mais vous croyez que j’ai que ça à faire ? J’ai une carrière à mener, mon petit bonhomme !
– Les deux vont de pair ! Vous n’avez jamais entendu les sucess stories dont on parle à la radio ?
– Mais pas du tout ! L’amour, ça bouffe le talent ! Ça m’est arrivé, je faisais la cible pour un lanceur de couteaux, et je…
– Ah oui, je l’ai rencontré.
– Ah bon ? Il va bien ?
– Euh… Il avait l’air assez malheureux, et de s’occuper surtout d’Amandine Beaulieu… Elle, pas vraiment de lui, par contre.
– Oui, elle fait tout le temps ça…
– En tout cas, je vous propose d’être amoureux de vous, en train d’avoir du succès. Ça vous tente ?
– C’est très compliqué… »

L’Étranger rentre en trombe dans la loge.

« Je sens du malheur ici !
– N’allez pas faire un acte inconsidéré, vous ! Tout va bien, ne vous inquiétez pas.
– Pourquoi vous êtes dans tous ces états ? demande Ida. Vous vous êtes encore fait rembarrer ?
– Non, j’ai enfin pu donner du bonheur.
– Ha ! Et maintenant vous allez quitter la piaule, vous acheter des clopes et jamais revenir !
– Mais non, je suis là !
– Pourquoi vous êtes parti, alors ? Il faut rester ! Et puis il faut revenir le lendemain matin avec des croissants ! Et le jour d’après, et d’encore après ! Vous croyez qu’il suffit de donner du bonheur une fois à une personne, et c’est plié ? Mais vous êtes quel genre de petit fonctionnaire ? »

L’Étranger se gratte la tête, tandis que Cléanthe note les paroles d’Ida sur son petit carnet.

« Il faut que je retourne lui donner du bonheur, alors ?
– Oui, si elle demande !
– Mais si je lui en donne à elle, je ne pourrai pas en donner aux autres…
– Il n’y a qu’elle qui en veut, apparemment.
– Oh, je sens du malheur, ici… Toi Cléanthe, tu es malheureux… Et toi, tu es malheureuse… Le petit homme, là, je sais pas trop.
– Écoutez, l’Étranger, vous voulez m’offrir un peu de bonheur ? demande Cléanthe. Aidez-moi à rentrer chez moi, je ne sens plus ma jambe gauche et j’ai très envie de vomir. »
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Scène 17 : Où l’on entraperçoit enfin les Futuristes

Tous deux partent, cahin-caha, jusqu’au manoir de Cléanthe Brumaire. À leur arrivée, Francis apprend à son maître qu’il a trouvé un truc dans un placard, une femme, qui se tient timidement au milieu du salon.

« Remettez-la où vous l’avez trouvée, je m’en occuperai quand je me sentirai mieux.
– Cléanthe, lui supplie sa femme, il faut qu’on parle, on peut plus rester comme ça…
– On parlera demain ? Vous n’êtes pas très heureuse avec moi en ce moment ?
– Non, Cléanthe, je n’ai jamais…
– COMMENT ? s’écrie l’Étranger. Euh… Je… Continuez cette conversation sans moi. Il faut que je rentre donner du bonheur à quelqu’un d’autre.

L’Étranger revient à l’immeuble, et remarque que des gens sont en train de rentrer par la fenêtre du 4e B : un homme avec des ailes en cuir, un autre avec un jetpack, une troisième femme qui a lancé un grappin sur le mur… Tous sont affublés de tenues de cuir et de lunettes d’aviateur. Géraldine ouvre à l’Étranger d’un air désolé :

« Nous sommes un peu occupées, si vous pouviez revenir plus tard…
– Alors ! s’exclame Chesterfield. Premier point à l’ordre du jour : le Dieu Machine.
– Mais enfin, dit l’Étranger, il faut que je rentre m’occuper de vous ! Vous donner du bonheur !
– Pas maintenant… murmure Géraldine en rougissant. Bon, attendez une minute. »

Géraldine referme la porte, puis revient sur le palier et propose à l’Étranger d’aller à la cave. Celui-ci n’a pas l’air chaud, mais Ida intervient à ce moment (après avoir espionné tout la scène) pour leur offrir plutôt sa chambre.

« Votre sœur ne vient pas ? demande l’Étranger.
– Mais non, elle est en pleine réunion avec ses amis Futuristes, on ne va pas la déranger maintenant…
– Moi je veux donner du bonheur à tout le monde, je ne peux pas en donner qu’à moitié !
– À MOITIÉ ?! C’est ça que je suis pour vous, une moitié ?
– Bah c’est la réalité… »

Géraldine le gifle et le met dehors, après lui avoir dit qu’elle ne veut plus jamais le revoir.

« Oh, il exagère, dit Ida à Géraldine pour la consoler. En plus, tout le monde sait que tu es la moitié la plus douce…
– Ah non, pas toi aussi ! Je ne suis pas une moitié, je suis une personne !
– Pardon, c’est vrai, ce n’est pas ce que je voulais dire. »

Martin monte au quatrième après avoir entendu du vacarme.

« Mais enfin, qu’est-ce qu’il se passe ici encore ?
– Il se passe que je me suis laissée avoir une fois de plus, voilà ce qu’il se passe !
– C’est toujours la même chose avec ceux-là, renchérit Ida.
– Et c’est quoi le raffut chez vous ?
– Mais rien du tout, nous fêtons notre pendaison de crémaillère, voilà tout…
– Hmm… Je ne veux pas de bruit jusqu’à des deux heures du matin, je vous préviens ! »

Ida pousse Géraldine chez elle et lui offre une tisane en attendant que les Futuristes aient fini leur réunion.

« J’ignorais que votre sœur avait autant de relations…
– Vous savez, nous avons chacune nos petits milieux… Moi c’est la ligue, elle les Futuristes ; il faut bien trouver à s’occuper…
– Ah oui, j’avais des relations cordiales avec les Futuristes, à une époque.
– Oh, ce sont des gens très bien, un peu monomaniaques, mais très bien.
– Ça c’est vrai : une prophétie qui parle d’eux, et il faut qu’il y en ait partout sur le papier !
– Enfin, d’après ce que dit ma sœur, ce Dieu Machine n’a pas l’air très commode… Un soir, elle est rentrée après s’être fait attaquer par des hommes-ciseaux, c’était pas beau à voir. C’était avant qu’on travaille pour Jeff…
– Elle en a vu, votre sœur…
– Eh oui, c’est pour ça qu’elle est souvent d’une humeur… massacrante… Moi j’ai eu une vie heureuse à côté d’elle…
– Vous devriez le dire plus souvent, surtout quand votre ami au pardessus est dans les parages, j’ai l’impression que ça lui tient à cœur.
– Lui, ce n’est plus mon ami ! Il m’a menée par le bout du nez deux fois, ça suffit !
– On dit toutes ça, et à la troisième, on y retourne comme n’importe qui…
– Non, c’est décidé, désormais je vais me trouver quelqu’un de bien… Quelqu’un qui saura m’apprécier pour qui je suis… Quelqu’un de gentil et de cultivé, qui n’a pas de problème… Tenez, votre ami, celui qui est un peu pâle, vous savez s’il a quelqu’un dans sa vie ? Celui qui a toujours une fleur à sa boutonnière ?
– Il sait pas faire le bonheur, cet homme-là, ça se voit à des kilomètres… »

Scène 18 : Ida Jerricane, cracheuse de feu et tapoteuse de main homologuée

Ida feuillette les fiches qu’elle garde dans un tiroir de sa cuisine.

« Non, c’est pas possible, il va pomper tout votre bonheur et vous allez vous retrouver avec un petit truc noirci. Non, quelqu’un de bien, ce serait Francis, mais je voulais le caser avec Amandine… Il aurait fait un bon père pour mes bananes…
– Je ne pourrais pas voler l’amour de quelqu’un… Non, il me faudrait quelqu’un qui cherche l’amour, mais qui ne l’a pas encore trouvé… Quelqu’un de talentueuse, de gentille avec moi, quelqu’un qui me comprend… »

Ida déchire une fiche d’un air nerveux.

« Je suis surtout très forte pour tapoter la main de quelqu’un après une rupture, mais là s’arrête mon talent.
– Je comprends, soupire Géraldine. Peut-être qu’il avait raison, je ne suis qu’une moitié incomplète…
– Mais non, faut pas dire ça ! C’est juste que votre autre moitié est assez désagréable, mais vous, vous avez la chance de l’avoir détachée de vous, alors que nous, on dissimule les parties de nous-mêmes qu’on déplore sous des airs d’ambition artistique et de besoin de reconnaissance, vous voyez ?
– Je vois, oui… Je pense que je vais partir. Merci pour le thé, Ida. Je suis bien heureuse d’être votre voisine. Tout le monde a l’air si gentil, dans cet immeuble !
– Ça me fait bien plaisir. Si vous pouviez me donner les horaires de passage de votre sœur, par contre… »

Géraldine rentre chez elle au moment où Chesterfield pointe un endroit sur un plan de la ville d’Itras : c’est là qu’ils frapperont, c’est décidé.

Plus bas, en descendant les escaliers, après être passé devant la loge de Martin Poicreux, en allant jusqu’à la cave, on devine Martin en discussion avec l’Entité noire, dans un coin sombre.

« Il me faut cette nonne… Il me la faut ! Sœur Augusta…
– Spécifiquement celle-ci ? Parce que je…
– IL ME LA FAUT ! Mais pour l’instant, c’est l’heure de me traire. »

Martin se dirige, l’air dégouté, vers des jarres vides, avant de plonger ses mains dans l’Entité noire et d’attraper ses tentacules-pis. Un goût vert-jaune en goutte.

« Encore… encore… »
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