C’est un chouette petit polar, dont les trahisons, la femme fatale, les dettes d’argents et la corruption offrent un intermède classique fort bienvenue entre deux explorations de l’indicible.
Il a par ailleurs l’intérêt notable d’être très modulable, tant en terme de points d’entrée (avec au moins trois approches différentes) que du déroulement (plusieurs complications optionnelles, et un grand nombre d’indices utilisables par piste).
Dans notre cas, ce sont trois journalistes qui ont enquêté sur la mort suspecte. Dans une partie précédente ils avaient vaguement enquêté sur un type qui semblait dépenser plus d'argent qu'il n'en avait. Mais, attirés par d'autres sujets plus spectaculaires, nous en étions restés là. J'en ai fait mon Morton (qui pour nous s’est donc appelé Thomas Bentz). Je les ai impliqués en leur signalant simplement qu'il était mort. Leur curiosité, et la culpabilité d'avoir laissé passer un truc a fait le reste. Ci-dessous, le petit compte rendu d’un des joueurs.
Lundi 2 juin 1924, l’annonce de la mort d’un certain Thomas Bentz me fait tiquer.
Il y a quelques mois, notre collègue Anna Müller m’avait signalé les agissements « étonnants » de son ancien collègue. Celui-ci vivait alors bien au-dessus de ses moyens de cadre de la Société Américaine de Géologie. Une enquête superficielle ne m’avait pas permise de trouver grand-chose et le tumulte de l’actualité New-yorkaise m’avait rattrapé. Malgré l’insistance d’Anna, j’avais laissé Bentz derrière moi.
Mais en ce début juin, nous avons le temps de nous intéresser aux circonstances de son décès et je propose à l’équipe de creuser un peu.
A priori rien de très original, un bête accident de voiture l’a fait passer de vie à trépas. Pour un homme porté sur la boisson ça semble somme toute logique. Par contre, le contexte de l’accident est plus déconcertant. En effet le drame s’est produit en pleine nuit, dans une zone industrielle qu’un homme tel que lui n’avait aucune raison de fréquenter.
Pas de trace de freins en haut du surplomb d’où la voiture s’est précipitée. Par contre, il semble qu’une autre voiture ait stationnée juste en amont. Et surtout les restes de deux jerricanes d’essence sont encore encastrés sous les sièges avant de la voiture carbonisée. Qui se trimballe avec des jerricanes sous les sièges avant quand il y a un grand coffre vide ?
Direction Bellevue pour un petit tour chez le légiste. Visiblement, on ne veut pas de nous. Il nous faut passer outre un barrage éhonté du secrétaire pour enfin rencontrer quelqu’un qui accepte de nous parler. Mais le médecin ne veut pas s’attarder sur le cas de la victime. Difficile d’en savoir plus sans se brûler, mais il est clair que quelqu’un veut que la mort de Bentz reste un banal accident.
Sur le lieu de travail de celui-ci, on le découvre peu apprécié et plus connu pour se pencher sur les décolletés que sur ses dossiers. Personne n’a l’air de le regretter.
Enfin, du côté de nos contacts les moins recommandables, on nous raconte qu’il était très endetté à force de mener la grande vie et de jouer beaucoup trop aux courses.
Après ce tour d’horizon, nous décidons d’aller rendre visite à sa veuve Dorothy pour faire sa connaissance et la mettre en garde au sujet des dettes de son mari. Elle s’avère sourde à nos mises en garde et très douée pour mettre le trouble dans notre équipe.
En effet, si Piotr et moi sommes plein d’empathie pour cette pauvre femme, Charity est convaincue qu’elle nous manipule. Et c’est vrai qu’à y repenser, elle a un discours très indulgent à propos de son époux qui, pourtant, la trompait à tour de bras et dilapidait des sommes colossales. Ou elle est d’une naïveté déconcertante, ou elle cache certaines choses.
Charity nous convainc donc d’essayer d’en apprendre plus et nous optons pour une bonne vieille filature. Au fil des jours se dessine effectivement une femme pour le moins mystérieuse, pour ne pas dire suspecte. Elle fait de nombreux aller-retours en voiture, notamment chez un assureur et à sa banque. Mais surtout, elle finit par prendre une chambre dans un hôtel sordide du Lower East Side. Elle en ressort, sous nos yeux médusés, en femme du monde rayonnante. Envolée la tenue de deuil, c’est une autre femme aux cheveux décolorés qui s’éloigne. Nous nous reprocherons certainement longtemps de ne pas l’avoir suivie à ce moment-là et d’être restés sur notre idée de fouiller la chambre et d’interroger le réceptionniste. Je suis alors persuadée qu’elle est venue rencontrer quelqu’un dans cet hôtel alors que nous comprendrons plus tard que c’est en le quittant qu’elle va le faire. Toujours est-il que nos recherches en son absence ne nous apprennent rien.
Quand elle achète un billet pour Rio, nous décidons qu’il est temps de la confronter à nouveau. On s’attend à un refus poli et on la joue donc en « questions rafales ». C’est peut-être le flash de l’appareil photo quand elle ouvre la porte de sa chambre ou l’énorme panard de Piotr pour l’empêcher de la refermer qui la braque. Aucune idée, mais là je sens que ça va dégénérer en la voyant porter la main à son sac. Je tente un coup de bluff en nous faisant passer pour des maitres chanteurs. Elle hésite, mais ça passe. On négocie rapidement un rendez-vous le lendemain à Grand Central Station pour notre silence en échange de 1000$.
Nous en profitons pour organiser un flagrant délit avec les forces de l’ordre en échange de l’exclusivité. Le piège fonctionne à merveille, quoique cette fois ci elle dégaine effectivement un petit calibre au milieu de la foule. Heureusement, les réflexes éclairs de notre champion Piotr réduisent ses espoirs à néant alors qu’une meute de flic s’abat sur elle. Par contre, on n’en tire qu’une photo floue…
Spoiler:
A l’heure qu’il est, Dorothy Bentz est derrière les barreaux et Rio n’aura jamais à s’inquiéter de sa venue. Mais difficile de se débarrasser de l’amertume d’avoir négligé les mises en garde d’Anna et d’avoir abandonné notre filature de plusieurs jours au moment même où ce monstre s’en allait gaiement assassiner son complice.
Marguerite Fillman
Merci donc à Merlock, c'était sympa
