[CR] Des nouvelles d'Itras By

Critiques de Jeu, Comptes rendus et retour d'expérience
Emöjk Martinssøn
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Message par Emöjk Martinssøn »

Scène 4 : Grande distribution de prophéties !
Au bar, Marek continue son rituel de la journée : boire, encore et toujours. Alors qu’il est au milieu d’un verre, deux gardes gris entrent dans le bar et se dirigent droit vers lui : « Excusez-moi, vous êtes le patron ? demande l’un d’eux.
– Oui.
– Auriez-vous un homme à l’air triste et au costume trop grand pour lui ? Regardez ce portrait.
– Non.
– Vous êtes sûr ? Vous devez voir beaucoup de gens par ici…
– Non.
– Bon… Je… C’est nouveau, cet établissement, non ?
– C’est récent, oui.
– Vous avez les permis, tout ça…
– Tout ce qu’il faut. Qu’est-ce que vous voulez ?
– Euh… Bin voilà… En fait, on sait pas trop ce qu’on doit faire…
– Vous voulez des ordres.
– Bin oui, parce que Nindra est plus là, et nous…
– Allez chercher vos collègues et revenez.
– Euh, c’est-à-dire ?
– Vous avez des collègues ? Vous êtes pas que deux ?
– Non, mais on est beaucoup… Vous voulez pas dire “tous nos collègues”, quand même ?
– La plus grande partie.
– Euuuuh… Vous êtes sûr ?
– Oui.
– Bon… D’accord. »

Les gardes quittent le bar. Lorsqu’ils reviennent, quelque temps plus tard, c’est accompagnés d’une centaine de leurs collègues, qui s’entassent à l’intérieur (et à l’extérieur) comme ils le peuvent, tandis que tous les autres clients quittent discrètement les lieux.

« Bah nous voilà ! annonce le garde.
– Il est dit dans le journal que demain il y a mariage, dit Marek.
– Oui oui ! dit l’un des gardes. On est invités !
– Voilà, vous êtes tous invités. Allez-y.
– Euh, c’est tout ? Qu’est-ce qu’on doit faire à ce mariage ?
– La fête.
– Bon… D’accord…
– M’sieur ! M’sieur ! Si vous nous donnez des ordres, ça veut dire que maintenant c’est vous le chef de la ville ?
– Oui.
– Ça veut dire que vous allez remplacer Nindra ?
– Oui.
– Bon, bon, d’accord… »

Les gardes regardent tous Marek, silencieusement, sans bouger.

« Dépêchez-vous ! crie-t-il.
– Il faut dire “Rompez”… murmure l’un des gardes.
– Rompez ! »
Les gardes se redressent immédiatement et quittent les lieux en file, tandis que Marek soupire. Il fait signe à une dizaine de gardes de rester. « Achetez-vous des rollers.
– Euh… Mais… Ah bon ? D’accord, s’il le faut… Autre chose ?
– Non. »

Puis Marek passe derrière le bar (puisque le barman est parti) et recommence à boire, en attendant que les clients reviennent. Lorsqu’il saisit l’une des bouteilles derrière le bar, elle tombe sur le bar et une prophétie s’en échappe : « Ce ne sera pas une maladie, ce qui t’emportera à minuit : un fauve par les angles arrondis sera l’ami de ton ennemi ». Marek repense à la façon dont est mort Jeff l’Usurier et frissonne. Il décide de contacter Georges pour qu’il lui fasse l’inventaire de tous les fauves de la ville, et pour qu’Alicia StJones les abatte tous.

Monsieur Crane attend un bon quart d’heure son ascenseur, que les chevaliers ont totalement souillé : il y a des assiettes et des bouts d’os de poulet par terre, ainsi que quelques chopes à moitié vide, sans compter que la cabine sent une forte odeur de sueur. Il dégage le tout d’un geste rageur et découvre une petite carte posée sur le sol, sur laquelle est écrit : « L’armoire est vide, pas l’armure ».

Il remonte à la surface et va vérifier sa boîte aux lettres : il y trouve une autre prophétie (« Quand les frères se fâchent, la pluie se fait animale et la paix revient au sein du palais ») et une enveloppe à son adresse. Alors qu’il réfléchit à la prophétie, monsieur Crane aperçoit Amandine Beaulieu au loin, entourée d’une nuée de bananes voletant autour d’elle. Il pousse un grand soupir, et se demande si le bord du fossé où elle se trouve est solide ou non… Mais bon, il l’aime bien, tout de même, et décide de créer une petite passerelle avec une petite barrière pour la rejoindre.

« Amandine ! Quelle joie de vous voir ! »

Il jette un regard mi-apeuré, mi-dégoûté aux bananes, qui grondent autour de lui. Amandine n’a jamais entendu ça.

« Bonjour, monsieur Crane ! Vous allez bien ? Je voulais savoir si vous aviez reçu ma lettre…
– Euh, oui, oui…
– Mais qu’est-ce qui vous arrive ? Vous vous êtes fait une garçonnière dans votre tour, hein, c’est ça ! Et depuis, vous dormez pas beaucoup !
– Oui, je… J’ai eu beaucoup de travail, ces temps-ci…
– Ça tombe bien, je viens aussi vous parler de travail. Voyez-vous, je vais me marier demain, et comme vous le savez, j’ai une ribambelle de bananes dont je dois m’occuper…
– Euh, oui…
– Aussi, j’aimerais pouvoir trouver un équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie familiale… Il faut que je trouve du temps pour tout ça, c’est important…
– Oui, sans doute…
– Aussi, je voulais savoir si vous pouviez me dépanner, m’aider un peu comme vous l’aviez fait la dernière fois au niveau transmutation, vous voyez ?
– Mama, mama ! C’est pas une bonne idée ! Il est méchant le monsieur !
– Euh… balbutie monsieur Crane. Écoutez, oui, qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? Je veux juste rendre les choses meilleures, vous savez…
– Quelques lingots d’or pourraient franchement aider. C’est que j’ai un projet pour construire un chantier naval.
– Ah, oui ! Ah bon ! Oui, bien sûr… Attendez, je sais. »

Monsieur Crane fait surgir de terre une brouette ; il la remplit de cailloux et les transforme tous en or.

« Voilà, comme l’or c’est un peu lourd…
– C’est très gentil ! Attendez, je couvre ça d’une bâche, parce que les gens, vous comprenez…
– Oui oui, bien sûr… Et vous pensez qu’il sera prêt quand, votre chantier naval ?
– Je ne sais pas… Moi, j’aimerais que ça aille vite, mais je peux pas passer toute ma vie sur ce chantier, j’ai une famille dont il faut que je m’occupe. Le début d’un mariage, en plus, c’est toujours une période difficile, surtout quand on a déjà des enfants ; il faut réussir à se retrouver à deux, trouver l’équilibre familial… Et puis là, on est en train de prendre un nouveau départ à Itras By, tout de même…
– Vous comptez partir ?
– Non, pourquoi ?
– Je ne sais pas… Vous vous plaisez à Itras By ?
– Bah oui, vous savez, c’est chez nous ! Mais dites-moi… Vous avez l’air un peu déprimé, quand même…
– Oui, je… J’ai un travail à faire, et… Du terrassement, essentiellement… C’est pas facile… Il y a des propriétaires en sous-sol, il va falloir que j’aie une explication avec eux…
– Ah oui, c’est un grand trou ça, dites-donc ?
– Oui, vous aimez ? C’est nouveau… Ça va être à la mode, bientôt, vous allez voir…
– Vous savez, vous inquiétez un petit peu mes bananes… Faites attention, parce que socialement, vous faites un petit peu peur, tout de même.
– Mama, mama ! Tu veux qu’on le tue ?
– Non ! On ne tue pas les gens.
– Mais il est méchant !
– Est-ce que vous êtes méchant, monsieur Crane ?
– Ouiiiiii ! piaillent les bananes.
– Je ne veux que tout soit bien… ânonne monsieur Crane.
– C’est pas vraiiii ! Il va tuer des gens !
– Ce ne sont pas des vrais gens… Rien de tout cela n’est réel, après tout…
– Et puis il est pas là !
– Mais si, mes chéries, il est là !
– Nooooon !
– Vous êtes là, monsieur Crane ? Ou bien vous êtes ailleurs ?
– Ah, vous savez…
– Il prend la bouteille qui fait déplacer les choses ! disent les bananes.
– Quand l’épuisement me guette, je me demande vraiment si je suis là, en effet…
– Attendez, faites voir cette bouteille ? Du whisky-qui-aurait-pu-être ? Vous savez, c’est pas bon de vivre au conditionnel… Il faut vivre au présent… Être concentré sur ce qu’il se passe… Je crois que vous êtes resté enfermé dans cette tour beaucoup trop longtemps.
– Mama, mama ! Quand est-ce qu’on casse des trucs ?
– Ah, vous avez des choses que mes bananes pourraient casser ?
– Euh… Attendez, vous voyez l’espace dégagé, là ? »

Monsieur Crane construit une deuxième tour, plus petite, ainsi que des petits marteaux.

« Mais nous, c’est pas cette tour-là qu’on veut casser ! protestent les bananes.
– Écoutez, mes chéries, on peut pas toujours avoir ce qu’on veut dans la vie ! les gronde Amandine.
– Si !
– Monsieur Crane a été très gentil de vous faire votre tour à vous, pour que vous puissiez la casser…
– Et bin nous on va casser sa tour, et voilà ! »

Elles se mettent à tournoyer autour de la tour ; monsieur Crane sort son arbalète alors qu’elles tourbillonnent de plus en plus vite.

« Les bananes ! crie Amandine. Vous rentrez tout de suite !
– Non ! Viens nous chercher !
– Papa ne va pas être content du tout !
– On s’en fiche, tra-la-lère !
– Mademoiselle Beaulieu… Je vous prierai de faire en sorte que vos bananes se tiennent correctement. S’il vous plaît, ça… Ça me rend extrêmement nerveux ! »

La tour commence à pencher légèrement, et monsieur Crane doit fournir des efforts intenses pour la redresser.

Scène 5 : L’heure des retrouvailles
[Guylène demande à tirer une Carte « Chance ». Elle lit : « Un peu plus tard… Trois heures se sont écoulées ».]

Amandine tape du pied sur le sol.

« Et vous êtes fières de vous ?!
– On n’a pas fait exprès…
– C’est comme ça que je vous ai éduquées ? C’est comme ça que je vous ai appris à vivre et à respecter les gens ?
– Mais c’est parce que le monsieur, il était méchant…
– Non, c’est vous qui êtes très méchantes depuis ce matin ! »

Les bananes éclatent en sanglots.

« Maman n’est pas contente du tout ! Vous n’écoutez rien de ce qu’elle dit, vous ne faites que la contredire !
– On n’a pas fait exprès…
– Si, vous avez fait exprès ! Je le sais !
– T’avais dit qu’on pouvait casser des trucs…
– Oui, la tour que monsieur Crane vous a gentiment préparé… Et vous, vous avez dit que son cadeau était nul…
– Oui…
– … Et vous avez fait l’inverse de ce que je disais. Vous êtes fières de vous ?
– Pardon maman…
– Vous êtes punies !
– Nooooooooooon !
– Vous n’avez plus le droit de casser quoi que ce soit jusqu’à la fin du mariage !
– Noooon… D’accord…
– Monsieur Crane, vous voulez ajouter quelque chose ?
– Je… Je… »
Monsieur Crane regarde son verre de whisky, acheté à Marek avec un lingot d’or (avec tout le reste de la production).
« Je… Vous aimez casser des trucs ?
– Ouiiiiii…
– Il y a un truc qui peut être très drôle à casser, et… »

Amandine tousse d’un air désapprobateur. Monsieur Crane a soudain très chaud.

« Non, c’est pas grave… »

« Alors faites voir votre moignon ? demande le médecin local à Cléanthe. Quand j’appuie, ça fait mal ?
– Hggggn… Je suis en vie, je suis en vie !
– Ah, ça, y a rien de tel, mon gaillard… Bon, vous inquiétez pas : si vous faites un cataplasme comme je vous l’ai expliqué et que vous changez le bandage tous les jours, ça devrait aller. Vous êtes un peu pâle, mon gamin ! Vous feriez bien de boire un bon coup pour vous remonter !
– Vous avez raison…
– Ça tombe bien ! s’écrie Alicia. Je connais un établissement, celui de mon patron ! Je suis sûre qu’on pourra avoir des réduc’ !
– Très bien… dit Cléanthe d’une petite voix. Pourquoi pas… »

Lorsque Cléanthe arrive au bar, la première chose qu’il voit, c’est la femme qu’il aime, de dos, entourée de ses bananes qui ont l’air passablement honteuses ; il y a aussi monsieur Crane et Marek, fidèles à eux-mêmes. Cléanthe ajuste le narcisse à sa boutonnière et approche doucement d’Amandine.

« Maman est très déçue !
– Mama ? Y a papa qui est là…
– Comment ça ? Il est où ? Ah !! Cléanthe !! Mais où est-ce que t’étais…
– Euh… J’étais allé organiser le mariage…
– C’était tellement romantique quand j’ai découvert l’annonce…
– Oui, j’aurais bien aimé te le dire, mais mes pas ne m’ont pas conduit à toi très vite, alors je me suis dit “tant qu’à faire, fixons la cérémonie, on s’y retrouvera”…
– Oui, mais tu as oublié l’heure, et le lieu… Ah, tu es tellement toi, Cléanthe !
– C’est vrai… Enfin, un peu moins qu’avant…
– Mais qu’est-ce qui t’es arrivé ?! Qui t’a fait ça ?
– Non, mais vous inquiétez pas ! intervient Alicia. J’ai juste commencé à le tuer, mais je vous rassure, m’sieur Marek, j’finis demain soir !
– Comment ça, t’as commencé à le tuer ? s’énerve Amandine.
– C’est mon boulot, du calme ! J’y peux rien, moi !
– Cléanthe, qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Qui est cette personne ?
– C’est la remplaçante de Géraldine et Chesterfield… Alicia StJones, c’est la cousine de…
– Marek ? Vous avez commandité l’assassinat de mon futur époux ?
– J’ai commandité rien du tout. Sauf des meurtres.
– Vous m’avez dit, “la première personne que vous croisez”…
– Oui, et bien tu as mal choisi.
– Tu vois cet homme-là ? Y a prescription, OK ? Tu t’approches pas. C’est le mien, il est à moi. Si tu t’approches de lui à moins de dix mètres, j’te bute !
– Mais il était d’accord ! On s’est rendu compte qu’on avait un passé commun, parce que comme moi j’étais pute, et qu’il allait voir les putes, et tout ça… Du coup, de fil en aiguille, il a accepté que je lui coupe le doigt ! »

Amandine se tourne vers Cléanthe.

[Boris demande à tirer une Carte « Chance ». Il lit : « Deux fois plus. Quelque chose dans la scène en cours (une personne, un objet, un sentiment) est doublé physiquement ou en terme de valeur ».]

« Alors j’vais t’expliquer deux-trois petits trucs ! Une demande en mariage par journal, déjà, je trouve ça un peu limite ! Que tu te pointes pas pendant une semaine, j’ai fait semblant de trouver ça romantique, mais en fait c’est quand même carrément limite ! Que tu te préoccupes pas de savoir où je suis avec les bananes, c’est également limite ! Que tu ne fixes ni l’heure, ni le lieu de la cérémonie, c’est limite aussi ! Mais alors… Mais alors ! Que tu considères que ta vie ne vaut plus rien et que tu peux te laisser couper le doigt par les gens, alors que tu vas bientôt être père de famille, responsable d’une nuée de bananes et de moi-même… C’est inacceptable. Si tu continues à penser comme ça, je ne viendrai pas demain.
– Mais je ne pense pas que ma vie ne vaut plus rien… murmure Cléanthe.
– Alors pourquoi accepter de la jeter par la fenêtre pour une inconnue rencontrée deux minutes plus tôt ?
– Je n’ai pas jeté ma vie par la fenêtre, je… Je me suis dit qu’on ferait une si belle fête demain qu’elle oublierait ses projets, et puis qu’on passerait à autre chose…
– Ah oui ? Et si ce petit doigt, on en avait besoin ? Si ce petit doigt était le petit doigt crucial pour la survie des bananes, pour tenir un objet dont elles avaient besoin ? Hein ? T’y as pensé, à ça ?
– Oui, t’y as pensé à ça ? demandent les bananes.
– Vous ! Je ne veux plus rien entendre, c’est compris ? Parce que si je suis énervée après papa, je suis également en colère contre vous ! Après tout ce que vous avez fait aujourd’hui, c’est vraiment pas le moment ! »

Cléanthe jette un regard attendri aux bananes.

« Vous êtes contente ? demande Marek à Alicia StJones.
– Monsieur Marek, vous allez pas me renvoyer, quand même ?
– Pas encore, mais c’est pas loin.
– Qu’est-ce que je peux faire pour me rattraper ?
– Rendez service à la dame.
– Euh, d’accord… Madame, je…
– Toi, ma cocotte, t’attends deux minutes ! J’ai pas fini avec ton cas ! Et si ce petit doigt, Cléanthe, t’en avais absolument besoin pour ouvrir les bocaux de sauce au chocolat pour les bananes ? Si sans ce petit doigt, tu n’arrives plus à les ouvrir ? Comment on fera, hein ? Et comment tu vas faire pour m’aider sur le chantier naval, hein ?
– Mais il était paralysé de naissance, alors… Il m’a jamais servi à rien, à part mettre du sel dessus, des fois, quand je voulais faire bien en société… Et j’en ai fini avec ça, tu sais… Tout ça c’est terminé, maintenant… Et puis au chantier naval, je tiendrai mon rang, comme tout le monde… Mais… »
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Emöjk Martinssøn
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Scène 6 : Quelques explications bien senties
« C’est quoi, cette histoire de chantier naval ? l’interrompt Marek.
– Alors, explique Cléanthe, c’est un chantier dans lequel on va construire des bateaux…
– Avec quoi ?
– Avec du bois… J’ai investi dans des mines de bois, il y a quelques années, il sera enfin rentable…
– Et comment il vient ici, le bois ?
– Oui, justement… reprend Amandine. Il faut qu’on parle un peu de ça. Parlons affaires.
– Oui. Vous payez comment ?
– Je vous explique : ce n’est pas un chantier à vous que j’ai récupéré, ça n’a rien à voir… C’est une initiative personnelle : j’ai récupéré une école désaffectée — oui, Cléanthe, j’ai réglé mes problèmes avec le maître d’école, ça va beaucoup mieux… — et je me suis rendu compte que j’étais très douée…
– Je suis fier de toi, lui glisse Cléanthe entre deux câlins aux bananes.
– Vous êtes cheffe d’entreprise, dit Marek.
– Oh, je me vois plus comme capitaine…
– Vous parlez beaucoup, quand même.
– Et vous, sans doute pas assez. Bref, je me suis rendu compte que j’étais très douée pour être capitaine de bateau… Vous voyez, commander un équipage, tout ça… Ma première expérience dans ce domaine a été assez incroyable.
– Vous buviez ?
– Ça, ça a toujours été une habitude, vous savez.
– Moi, par contre, j’sais pas nager ! prévient Alicia.
– Taisez-vous, lui dit Marek. Allez chercher Georges.
– Mais je sais pas où il est, moi !
– Allez le chercher.
– Ouais ! Et arrête de couper les doigts aux inconnus, connasse !
– Eh oh, dites-donc ! Y a des limites, quand même !
– Ouais, bah la limite, elle s’arrête juste devant mon mec, t’as compris ? Alors maintenant, tu dégages !
– Mais c’est lui qui était d’accord ! Et comment j’pouvais savoir qu’il était avec une gonzesse pareille ! Si j’avais su, j’y aurais pas touché !
– Je vous l’ai dit… dit Cléanthe.
– Ah non, vous avez dit une femme magnifique ! Excusez-moi, mais… »

Amandine regarde Alicia d’un air horrifié.

« Marek, vous embauchez une grognasse pareille ?
– Eh oh, t’arrêtes maintenant ! Sinon je vais m’fâcher !
– Ah ouais ? Vas-y, j’aimerais bien voir ça ! Quand tu te fâches, t’écartes les jambes ? »

Alicia gifle Amandine, qui lui rend un coup de poing. Alicia lui tire les cheveux ; Amandine attrape une bouteille que lui tend monsieur Crane. Marek tend un verre à Cléanthe.

[Je demande à Guylène de tirer une Carte « Résolution ». @Ozen lit : « Oui, sauf si… Vous réussissez, sauf si un autre PJ sacrifie quelque chose pour vous en empêcher ». Il propose en sacrifice le flegme de Marek ; Boris refuse.]

Amandine éclate la gueule d’Alicia contre le comptoir ; elle y perd plusieurs dents, et s’enfuit en pleurant.

« T’as compris ? lui lance Amandine. Il est pas pour toi ce métier, OK ? »

En sortant, Alicia bouscule Miss Wellington.

« Bah faut pas s’gêner, la donzelle ! Salut mon p’tit ! »

Elle attrape Marek et lui fait violemment la bise.

« Alors comme ça… Oh, mais y a lui, aussi ! Ça alors, tous mes mignons au même endroit ! »

Elle attrape monsieur Crane et l’embrasse sur la bouche.

« Oh, dis donc, tu décantes, mon p’tit !
– Miss Wellington ! Oui, j’ai eu beaucoup de travail, ces temps-ci…
– Faudrait voir à prendre une douche ! Parce que j’ai ma dignité, tout d’même !
– C’est que des bananes ont fait s’écrouler ma maison… Il faut que je la reconstruise cet après-midi !
– OK… Eh, bonjour ! Miss Wellington, enchantée !
– Bonjour madame. Cléanthe Bonheur.
– Tu pourrais m’faire le baise-main ! T’es pas un gentleman ?
– Non…
– Non, c’est bientôt un homme marié ! coupe Amandine.
– Salut ma p’tite ! C’est toi la future épouse ? Bin félicitations, y m’a l’air plutôt vigoureux ! Si t’as b’soin de quelques conseils…
– Merci, je sais me débrouiller toute seule.
– Elles disent toutes ça, au début, et elles finissent toutes par venir me voir…
– Je demanderai à monsieur Crane, il a l’air de bien vous connaître…
– Ça, c’est l’moins qu’on puisse dire ! Y m’connaît dedans, dehors, partout…
– Monsieur Crâne ? s’étonne Cléanthe.
– Écoutez, au moins, ça c’est logique…
– Tenez, un verre, dit Marek à Miss Wellington. C’est quoi, la clef du wagon ? »

Il sort une prophétie de sa vareuse. Miss Wellington s’assombrit.
« Comment t’es au courant d’ça, toi ?
– Posez pas de questions et répondez.
– Tu donnes quoi en échange ?
– Monsieur Crane.
– Hein ? Euh, attendez, monsieur Marek…
– Y pourra pas r’fuser, alors ?
– En principe, non. Et il prendra une douche. »

Miss Wellington regarde monsieur Crane de haut en bas et se frotte les mains.

« OK, mais j’veux un contrat écrit par une des machines de tes animaux.
– Comment vous savez ça ?
– Y a pas qu’toi qui as des p’tits secrets, mon p’tit. Tu sais, t’es un homme puissant, maintenant… Et les hommes puissants, ils ont d’secrets pour personne. Surtout pas pour les gentilles mamies, eh eh… »

Scène 7 : Où Cléanthe Bonheur est soigné par des moyens… non-conventionnels
Marek appelle l’un de ses nouveaux gardes et le fait amener une petite taupe, qu’il dépose sur une table avec sa machine à écrire. Le garde insère une feuille et la taupe tape sur sa machine, ce qui prend pas mal de temps.

« Je suis désolé, dit Cléanthe à Amandine pendant ce temps, je me suis laissé emporter… J’étais tout au bonheur de te retrouver, et…
– Et tu te laisses couper les doigts par des inconnues dans la rue, c’est ça ?! J’te suffit pas ?
– Mais non, c’est que… »

Monsieur Crane se concentre : deux nouveaux demi-doigts apparaissent sur la main droite de Cléanthe. Comme ce n’est pas tout à fait ce qu’il voulait faire, il se concentre à nouveau et fait apparaître deux doigts (entiers) de plus.

« Monsieur Crâne ! Je sais que vous voulez bien faire, mais j’en ai trop, là ! »

Monsieur Crane sort un couteau et tend son verre de whisky à Cléanthe.

« Buvez ça.
– Ah non ! Vous ne réamputez pas mon futur époux !
– Je remets les choses droites. Sauf si vous voulez le faire vous-même ? C’est peut-être votre privilège en tant que future épouse…
– Allez, vas-y, ma mignonne ! lance Miss Wellington. Tu verras, ils disent toujours que ça leur fait mal, mais ça leur fait du bien…
– Fais comme tu veux, balbutie Cléanthe. Tu m’accepteras avec six doigts et deux moitiés ?
– Oui, mais c’est pour toi… Ça te plaît, comme ça ?
– On s’y fait, mais pour les gants…
– Recoupez-lui, ça m’énerve, là… dit monsieur Crane.
– C’est vrai qu’on dirait des demi-bites, c’est ridicule ! dit Miss Wellington.
– Écoutez, je vais pas faire ça devant les bananes…
– Mais tes bananes, elles en ont vu d’autres !
– Je peux emmener les bananes ailleurs, dit Marek.
– Où ça ?
– Ailleurs.
– Mama, mama ! On peut regarder ? Pour apprendre des choses…
– Apprendre quoi ?
– Euh… La tatamie !
– Et pourquoi vous voulez apprendre ça ?
– Parce qu’on peut plus aller à l’école parce qu’à la place de l’école, il y a un chantier naval !
– Vous êtes jamais allées à l’école…
– On voulait y aller, mais on peut pas… Y a pas d’autre école…
– Monsieur Marek, vous avez bien une école, vous ?
– J’ai la tête de quelqu’un qui a une école ?
– Elles ont raison, tes bananes ! Y a plus d’école, ma p’tite ! Tous les enfants, c’est des orphelins qui partent au couvent, on n’a pas b’soin d’école !
– Vous devriez ouvrir une école, dit Marek.
– C’est vrai que du coup, on serait tout le temps avec les bananes… imagine Cléanthe.
– Ou vous pourriez ouvrir un couvent.
– Bon. Changement de plan : j’abandonne le chantier naval.
– C’est une bonne idée.
– Ouiiiii ! Youpiiiiii !
– À la place, on refait une école, pour que vous puissiez y aller.
– Bon, d’accord…
– Comment ça “Bon d’accord” ? Pourquoi vous êtes pas contentes ?
– Si si ! Mais est-ce qu’on peut regarder quand même ?
– J’ai une meilleure idée, dit Cléanthe. Les enfants ? Papa a deux demi-doigts pour vous !
– Ooooooh ! On peut les manger ?
– Ça va leur donner de mauvaises habitudes… proteste Amandine. On les coupe d’abord, et après on leur donne.
– J’ai déjà eu un doigt tranché aujourd’hui, et j’aimerais bien changer de sensation… Au moins, ça va aller vite…
– Quand Ida apprendra ça…
– On n’est pas obligés de lui dire.
– Les bananes sont dangereuses, dit Marek. »

Les bananes se bousculent autour de Cléanthe et commencent à le grignoter.

« Moi qui croyais avoir vu tous les détraqués sexuels de la ville, dit Miss Wellington à monsieur Crane, on en apprend tous les jours ! Pas vrai, mon p’tit ? On essaiera ça, tous les deux… »

Monsieur Crane sanglote. Les bananes finissent par se reculer : Cléanthe a six doigts à nouveau.

« Encore, encore ! crient les bananes.
– Ah non !
– Mais moi j’en ai pas eu ! Et moi non plus !
– Eh bien, on va vous acheter de la viande bien saignante.
– Ouiiiiiiiii !
– Il faut les sevrer du chocolat, maintenant qu’elles sont grandes, explique Amandine à Cléanthe.
– La viande des félins est la meilleure, dit Marek.
– En parlant de ça, vous me rappelez quelque chose ! Je peux prendre votre téléphone ?
– Vous payez combien ?
– Votre invitation pour le mariage. »
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Message par Emöjk Martinssøn »

Scène 8 : Une clef et une culotte
Amandine appelle le zoo. Phil le lion décroche.

« Amandine ! Félicitations, j’ai vu la nouvelle dans le journal !
– Oui, justement, c’est pour ça que je t’appelais ! Je voulais être sûre que tu sois là demain…
– Évidemment, t’en fais pas ! Francis a pas très envie de venir, mais moi je serai là !
– Oui, ça je m’en fiche de voir l’ex de mon futur mari…
– Francis, c’est l’ex de ton mari ?
– Non, la femme de Francis. C’est l’ancienne épouse de Cléanthe.
– Eh, d’ailleurs ! Ça a super bien marché avec les nionnes ! Elles sont toutes dans ma cage !
– Tu t’embêtes pas, dis donc !
– Bah tu sais, je suis pas le roi des animaux pour rien, eh eh…
– T’as bien raison ! Elles peuvent venir, si tu as envie. Enfin, peut-être pas toutes… Ramène tes préférées…
– Oh là là, c’est compliqué, ça…
– Comme tu veux, il y en a combien ?
– Euh, une bonne dizaine ? Je sais pas compter…
– Une dizaine de nionnes pour demain, demande Amandine à Cléanthe, ça irait ?
– J’aime pas l’idée, dit Marek.
– Euh… On devrait pouvoir s’en accommoder tout à fait… dit Cléanthe.
– Bon, ça devrait aller, dit Amandine à Phil. Mais pas d’histoires d’agression comme la dernière fois !
– Non, t’inquiète pas, on mangera avant !
– D’ailleurs, si vous avez un peu de viande bien saignante en stock…
– Ah oui, Hortense vient de crever !
– Je veux bien que tu m’en amènes, c’est pour les bananes. Tu comprends, elles ont grandi…
– Ouh là, de la viande pour les bananes ? Enfin tu fais ce que tu veux, tu dois savoir mieux que moi…
– Et au fait, vous avez eu des nouvelles de Barnabé ?
– Non… Bon, mais c’est super pour ton mariage ! On se voit demain, du coup !
– Pas de nouvelles de Barnabé ? demande Cléanthe à Amandine après qu’elle a raccroché. J’avais pensé à lui pour officier demain…
– Ce sera pas sœur Augusta ?
– Non… Elle ne pourra pas. Elle… Sœur Augusta n’est plus à Itras.
– Elle est repartie en bateau ? »

Une larme coule sur la joue de Cléanthe.

« Qu’est-ce… Qu’est-ce que tu essayes de me dire ? »

Amandine regarde monsieur Crane, qui vide son verre en souriant.

« Ne vous en faites pas, dit-il. Elle a eu une fête de départ absolument flamboyante.
– Comment ça ? Mais… Qu’est-ce qui lui est arrivée ?
– L’Entité noire. Elle l’a dégommé. Vous auriez vu ça, c’était magnifique !
– Et elle a dû se sacrifier pour ça ?
– Héroïquement. Vous pouvez être fière d’elle.
– Marek, remplissez mon verre. »

Le garde amène à Marek ce qu’a écrit la taupe : une suite de caractères totalement incompréhensible.

« Alors, ça y est ? » demande Miss Wellington.

Marek passe la prophétie à monsieur Crane.

« Et moi, j’y gagne quoi dans tout ça ?
– On verra. Beaucoup. Qu’est-ce que vous voulez ?
– La ville est à vous, n’est-ce pas ?
– En partie… En grande partie…
– Je veux l’exclusivité des restes du Dieu Machine.
– Accordé. Signez, maintenant. »

Marek tend le contrat qu’il a rédigé entre-temps à monsieur Crane, que ce dernier signe avant de le passer à Miss Wellington ; elle signe à son tour à l’aide d’un stylo sorti de son corsage. Puis Marek signe pendant que Miss Wellington regarde monsieur Crane en souriant d’un air salace.

« Si ça vous embête pas, lui dit-il, on aura aussi une petite conversation historique, je sais que ça vous met en appétit, en général…
– Sans problème, ma chose… Bon, tu veux savoir ce qu’il y a dans le wagon ?
– Mais alors, demande Amandine à Cléanthe, c’est quelle heure pour le mariage au final ?
– À la tombée de la nuit, dans notre nouvel appartement.
– Nouvel appartement ?
– Mais oui ! J’ai trouvé un nid d’amour que j’aménage depuis quelques jours… Voilà pourquoi j’ai un peu traîné, ce n’était pas encore parfait.
– Oh, et moi qui t’ai grondé…
– C’est très compliqué, l’organisation d’un mariage… Il y a toujours des phases, comme ça… Mais c’est pour passer un jour vraiment heureux. Ça va être un jour superbe : toi, moi, et les bananes. Hein, les bananes ?
– Ouiii ! disent-elles d’un air un peu forcé.
– Vous savez qu’après, on va passer plein de temps ensemble ?
– Oui, oui… Plein de temps ensemble… On est très contentes…
– Tout à l’heure, dit Amandine, elles m’ont expliqué qu’elles avaient peur que j’ai moins de temps à leur consacrer après le mariage. Elles ont peur qu’on s’occupe moins d’elle, c’est une petite crise de jalousie…
– Si t’en veut pas d’autre, t’inquiète pas, ma p’tite ! J’connais la technique : tu fais le poirier après, et y a pas d’problème. Ça a toujours marché avec moi en tout cas !
– Les bananes, dit Cléanthe, je sais que je ne pourrai jamais remplacer votre maman, mais je serai là pour vous ! Comme ça, quand votre maman ne sera pas là…
– Oui oui…
– Je connais plein de jeux drôles ! Par exemple on pourrait aller à la chasse !
– La chasse à quoi ?
– La chasse aux fleurs !
– Ooohh….
– On pourrait aller à la pêche en pleine mer ?
– La pêche à quoi ?
– La pêche aux requins ?
– Ouiiiiiii ! Youpiiiiii ! Vive papa ! On va passer plein de temps avec toi, papa ! Que avec toi !
– Mais non, avec maman aussi !
– Euh, oui oui…
– Vous savez, soupire Amandine envers Marek, élever une famille nombreuse, c’est vraiment pas facile… Surtout là, elles arrivent à l’adolescence, c’est compliqué…
– Vous avez pensé à les faire boire ?
– Non, elles sont trop jeunes… Oui, monsieur Crane, j’en veux bien un autre… »

Miss Wellington, qui se farfouillait la culotte depuis cinq minutes, en sort une clef, qu’elle tend à Marek.

« Et voilà, mon grand ! Éclate-toi ! »

Marek saisit la clef à l’aide de deux fourchettes.

« Faut pas être bégueule ! dit Miss Wellington. J’te préviens, si t’ouvres le wagon, faudra que tu mettes les mains dans bien plus dégueulasse que ça ! »

Marek jette la clef dans un verre d’alcool fort : ça fume et ça bouillonne.

« Où est le wagon ?
– Dans l’métro. Ligne bleue.
– Merci.
– Celle qu’a été désaffectée après le… Tu sais bien…
– D’ailleurs, monsieur Marek, demande Amandine, j’ai reçu ça il n’y a pas longtemps, ça vient de chez vous ?
– Peut-être.
– C’est pas très explicite… “La colline maladroite”, bon…
– Tiens, j’en ai eu un aussi ! dit Cléanthe. Ça parle de nous.
– Moi aussi, dit monsieur Crane.
– Vous aussi, ça parle de nous ?
– Assez indirectement…
– Je pense que j’en ai une pour tout le monde, annonce Marek.
– Et vous distribuez les prophéties, comme ça ?
– J’en ai un peu trop en ce moment. Tenez.
– Une armoire, ça vous dit quelque chose ? lui demande monsieur Crane.
– “Jeremy a tout vu, sa mémoire est sans ratures”… lit Amandine. C’est un style, ça, d’envoyer les prophéties… Vous en envoyez à tout le monde à Itras By ?
– J’aime les prophéties. Je les envoie aux gens qui en ont besoin.
– Qu’est-ce qui vous fait dire que j’ai besoin d’une prophétie ?
– Vous allez vous marier.
– C’est un cadeau de mariage… devine Cléanthe.
– Attends, mon p’tit ! Moi aussi j’ai un cadeau d’mariage !
– Merci, madame, mais vous n’êtes pas invitée…
– Oh, j’m’en fous… Le soir d’la nuit d’noces, quand tu l’emmènes dans ta chambre, je te conseille de… »

Miss Wellington chuchote à l’oreille de Cléanthe.

« Et ça, tu peux le faire avec le doigt ou avec la bite, c’est comme tu veux ! Ça marche à tous les coups !
– Elle est de bon conseil, en général », opine Marek.

Monsieur Crane se met à trembler.

« C’est instructif… dit Cléanthe.
– Bon ! Bin moi j’vais y aller, comme qui dirait.
– Je vais prendre une douche, et je reviens… dit monsieur Crane.
– J’t’attends, alors, dépêche-toi ! »

Pendant que monsieur Crane s’éclipse, Miss Wellington va fricoter avec les gardes gris, qui n’en mènent pas large. Marek appelle l’un d’eux et le charge de retrouver le wagon, et de l’ouvrir avec la clef contenue dans le verre d’alcool.

« Tu ouvres le wagon avec cette clef, et tu bois le verre, ce sera bon pour toi.
– Euh, d’accord… Et sinon, avec la dame, là, on fait quoi ?
– Vous profitez.
– On… On est obligés ?
– Je m’en fous, tant que je paye pas. »

À ces mots, les gardes se lèvent comme un seul homme et se pressent de quitter le bar.

Scène 9 : La bougie des amants, achat indispensable à tout mariage réussi
Cléanthe fournit l’adresse du nouvel appartement à Amandine, en lui demandant de ne pas y dormir, puis s’en va chercher Barnabé en faisant le tour des marchands de fraise de la ville. Il finit par trouver un fleuriste qui vend des fraisiers et lui dit qu’un grand homme, très large d’épaules, qui est venu et a acheté tous les fraisiers sans dire un mot.

« Il a pas dit un mot et a payé comptant, c’est ça ?
– Oui, comment vous le savez ?
– Vous avez encore les traces de bourre-pif sur la figure. Il s’est dirigé vers où ?
– Non, pas vraiment… Mais moi, vous savez, je fais pousser local, donc il doit pas être très loin ! Vous le cherchez pour quoi ?
– C’est un ami que je n’ai pas vu depuis longtemps… J’aurais besoin de lui pour une cérémonie de mariage.
– Si vous voulez, j’ai un arrivage de fraisiers demain matin, peut-être qu’il viendra… On peut dégager une partie de la boutique pour que vous fassiez votre demande !
– Ah ! Euh… Oui, c’est une demande, mais pour qu’il…
– Oui oui, j’ai très bien compris ! Vous inquiétez pas, on accepte tout, ici ! D’ailleurs, on fait de très beaux bouquets de mariage !
– Maintenant que vous le dites… Je pratique moi-même en amateur l’art du bouquet… Très modestement…
– Et vous cherchez du travail, en ce moment ? Il se pourrait qu’on cherche quelqu’un…
– Disons que si notre homme est là demain, et que je peux me marier tranquillement demain soir, je reviendrai vous voir après-demain ! Ça me semble une merveilleuse idée. Vous vendez des violettes ?
– Ah non…
– Vous cherchez un arrivage de violettes ? J’ai un ami parfumeur…
– Vous sauriez où en trouver ? C’est que c’est devenu sacrément rare, depuis que c’est à la mode… Bon, écoutez, repasser demain matin, et on parlera de tout ça.
– Très bien, merci beaucoup ! Ah, et où peut-on acheter une bougie des amants, s’il vous plaît ?
– Ah, ça, il faut voir avec ma collègue de la boutique d’en face : elle vend des luminaires. »

Cléanthe traverse aussitôt la rue et entre dans la boutique en face.

« Bonjour ! C’est pour une bougie des amants ! J’ai reçu une prophétie qui m’a dit qu’il fallait que j’en ai une pour mon mariage…
– Ah ! Euh… »

La vendeuse ouvre la porte de sa boutique et regarde à droite et à gauche s’il n’y a personne dans la rue. Puis elle rentre, ferme à clef et baisse les rideaux (à pois, pas de fer).

« Ouais, on a peut-être ce qu’il vous faut…
– Pourrais-je voir les différents modèles ? Ce qui conviendrait le mieux à notre intérieur…
– Ah ah ah ! À votre intérieur… Monsieur est farceur… Suivez-moi. »

La vendeuse mène Cléanthe derrière un rideau de perle, dans l’arrière-boutique, puis jusqu’à une petite porte qui mène à un escalier en pierre qui descend. Ils finissent par arriver dans une petite cave, qui sent très fort la terre ; un peu partout par terre sont posées des bougies allumées. Sur les murs, on devine des traces de sang séché, et des ossements dans le sol.

« Mais… Qu’est-ce que c’est ?
– Allons, faites pas l’innocent. Vous savez très bien ce que c’est. Je vous laisse choisir… Vous voulez que je vous conseille ?
– Euh… Mais qu’est-ce que ça fait exactement, cette bougie ?
– Ah, je comprends… Vous allez vous marier, et on vous a envoyé acheter une bougie des amants, comme un espèce de bizutage, c’est ça ? C’est votre enterrement de vie de garçon ?
– J’en ai bien peur, oui…
– Ne vous inquiétez pas : c’est une simple bougie cultivée sur les os d’un mort par atroces souffrances… Tout à fait normal dans les rituels de nécromancie… Ça assure juste que les morts ne vont pas revenir vous tourmenter.
– Oh, je crois qu’on n’a aucun problème de ce côté-là…
– Si vous n’avez tué personne, il ne devrait pas y avoir de problème ! Ah ah !
– Non non, pas du tout… Hem… Combien pour la bougie ?
– Ça dépend laquelle vous prenez ?
– Une petite. On n’a pas beaucoup de morts à nos actifs.
– Grande comme une phalange ?
– Oui, ce sera très bien.
– Parfait. Je vous coupe laquelle ? De bougie, je veux dire.
– Ah ! La petite mignonne, noire, qui pousse sur une rotule, là… »

La vendeuse tire sur la bougie : on entend un « pop ! » très sonore, comme deux os qui se séparent.

« Très bien, une phalange… Je vous coupe laquelle ? »

La vendeuse sort un couteau ; Cléanthe reste un instant interdit, puis se rue vers l’escalier pour remonter à la surface.

[Je demande à @Ozen de tirer une Carte « Résolution ». Guylène lit : « Non, et… Non seulement vous échouez, mais quelque chose d’autre se passe également mal ».]

Cléanthe trébuche sur un tibia, et tente de se réceptionner sur sa main gauche ; il entend un grand « crac ! » au niveau de son annulaire. La vendeuse lui attrape la main, et le lui coupe d’un air rageur ; puis elle lui lance la bougie et le somme de déguerpir. Cléanthe s’en va, honteux, tandis que la vendeuse lui lance : « J’espère qu’elle brûlera tout chez toi ! ». Il frissonne en pensant à ce que le StJones avait écrit sur le mur…
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Emöjk Martinssøn
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par Emöjk Martinssøn »

Scène 10 : Les chevaliers de Moherat veillent !
Amandine, elle, se rend à l’appartement, pour mettre les choses au point avec Ida à propos de la cérémonie du lendemain ; elle passe également un peu de temps avec les bananes, pour essayer de mieux les comprendre (et les confie d’ailleurs à Ida pour la nuit de noces).

« Mais mama, on veut pas te partager… finissent par expliquer les bananes.
– Oui, mais moi, je dois bien me partager entre vous, déjà ! Je vous partage entre vous-même, et avec papa !
– Non ! C’est pas pareil ! Nous, on est des bananes !
– Eh bien oui, mais moi je suis une maman… Et une maman, ça partage son temps entre le papa et les enfants.
– Non !
– Eh bien si ! C’est comme ça !
– Une maman, ça a pas besoin de papa ! Notre maman qui crache du feu, elle, elle a pas besoin de papa !
– Non, en effet… Et elle avait pas besoin de moi non plus… Hem, en tout cas on a décidé que c’était moi qui m’occuperait de vous !
– Ohhh…
– De toute façon, on habite juste à côté ! Vous pouvez aller voir maman Ida quand vous voulez…
– Moi, je préfère mon autre maman ! Moi aussi ! Moi aussi !
– Eh bien dans ces cas-là, vous pouvez choisir ! Et aller voir maman Ida !
– D’accord ! »

Toutes les bananes s’en vont. Amandine, pas défaite, va au zoo récupérer la viande promise par Phil. Sur le chemin, elle croise une procession : treize chevaliers avançant en ligne, une torche à la main, chantant d’une voix de baryton dans la nuit.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? demande-t-elle à un passant.
– Il paraît que c’est Moherat et ses chevaliers qui sont revenus !
– Comme dans les contes, vous voulez dire ?
– Mais oui ! C’est pas bon signe !
– Ils sont pas censés lutter contre le néant, loin d’Itras By ? Qu’est-ce qu’ils font là ?
– Justement !
– Vous leur avez pas demandé ?
– Oh non ! Ils sont beaucoup trop impressionnants…
– Ah bon… »

Amandine rattrape le dernier chevalier de la procession.

« Bonjour…
– Ah ah ! Bonjour, mademoiselle ! tonitrue-t-il.
– Vous êtes vraiment un vrai chevalier, alors… Je me demandais ce que vous faites en ville ? Parce qu’on a toujours entendu parler de vous dans les contes, et ça nous fait plaisir de vous voir en vrai, mais…
– Oh si, j’existe bien ! dit le chevalier en se frappant la poitrine d’un bruit de tonnerre. Nous sommes revenus car le néant grignote !
– Il a un petit creux ?
– Ah ah ! Ça, c’est rien de le dire, ma belle ! Depuis le départ d’Itras, le néant gagne du terrain. Nous sommes là pour le tenir à distance.
– Mais avec la mort de Nindra, ça devrait un peu s’équilibrer, non ?
– Vous parlez de Nindra l’usurpatrice ! Ses toiles qui tenaient la ville sont en train de se défaire, elles aussi.
– Et du coup, les conséquences sur le court terme… ?
– Oh, n’ayez rien à craindre ! Nous repousserons le néant aussi longtemps qu’il le faudra !
– Et vous êtes assez nombreux ?
– Nous avez toujours été assez nombreux !
– Oui, enfin là, on a quand même deux dieux en moins…
– Ah ah ! Ne vous inquiétez pas. Tout va bien se passer !
– Et du coup, vous allez où ?
– Euh… À travers la ville. Nous faisons un tour de garde, en quelque sorte.
– Et c’est comme ça que vous repoussez le néant ? Parce que j’imaginais quelque chose d’un peu plus proactif, vous voyez…
– Ne vous inquiétez pas, ma petite dame.
– C’est surtout vous qui êtes très grand…
– Tout ira bien ! Tant que nous sommes treize, il ne peut rien arriver.
– D’accord ! Très bien. Prenez soin de vous tous, alors ! Vous êtes très beaux, et très impressionnants !
– Ah ah, je sais !
– D’ailleurs, je voulais vous dire ! Je me marie demain… Si vous voulez passer, n’hésitez pas. Au coucher du soleil, le bâtiment Poicreux.
– Un mariage ? Il y aura à boire ?
– Non.
– À manger ?
– Oui.
– Du poulet ?
– Sans doute.
– Alors nous viendrons ! Pour Itras ! »

Les chevaliers repartent, et Amandine poursuit sa route. Au zoo, Phil lui donne quelques quartiers d’Hortense la girafe, décédé récemment d’un lumbago.

Scène 11 : Les aventures de Marek et Crane, partenaires malgré eux
Au petit matin, les gardes que Marek avait envoyé au wagon reviennent : enfin, seulement deux d’entre eux reviennent, dans un état assez lamentable.

« Chef… On est allés ouvrir le wagon comme vous l’aviez demandé… On n’a pas pu vous ramener ce qu’il y avait à l’intérieur…
– Racontez-moi.
– Je préfère pas, chef…
– Dépêchez-vous. Buvez ça.
– Chef, je pense qu’on va démissionner.
– Vous restez là. »

Marek fait signe aux autres gardes gris de venir les retenir.

« Chef, on va quand même pas les arrêter… chuchotent-ils.
– Vous faites ce que je dis. Sinon vous n’aurez plus d’ordres.
– Mais c’est des gardes gris.
– Ils ne veulent plus l’être.
– Mais là, ils le sont encore…
– Dites qu’ils le sont plus, alors.
– Ah, OK. Vous démissionnez, les gars ?
– Oui oui, un peu qu’on démissionne ! »

Les gardes attrapent leur casque et le cassent sur leurs genoux ; ils commencent à reprendre de la couleur (à dégriser, en somme) et se font immédiatement arrêter par leurs ex-collègues.

« Interrogez-les, ordonne Marek.
– Qu’est-ce que vous voulez savoir ?
– Ce qu’ils ont fait au wagon.
– Très bien. Allez vous deux, suivez-nous ! Pas de discussion !
– Mais enfin, je…
– Ah les civils, tous les mêmes ! »

Ils les traînent à l’étage. Une bonne heure plus tard, deux gardes redescendent, le visage assez pâle.

« Chef, chef, ils nous ont tout dit.
– Et qu’est-ce qu’ils ont dit ?
– Euh… Pff… Chef, je crois qu’on va démissionner… »

Marek attrape le casque de celui qui vient de parler et le casse sur le bar ; puis il se met à taper sur l’individu jusqu’à ce qu’il parle.

« Dans le wagon… Ils ont dit qu’il y avait des choses… Des choses atroces ! Des femmes nues leur ont fait des choses… Je peux pas le répéter ! Et il y en a trois qui se sont fait manger… »

Marek le fait s’asseoir et lui donne une bouteille d’alcool ; puis il part chercher monsieur Crane, se disant qu’un appui logistique ne lui sera pas de trop.

Monsieur Crane profite d’un peu de répit pendant que Miss Wellington, recouverte de sécrétions diverses, est en train de ronfler au lit. Il se masse une cote en se demandant si elle est cassée lorsqu’on frappe très fort à la porte.

« Qu’est-ce que c’est ? marmonne Miss Wellington. Ça y est, j’suis d’bout !
– J’ai besoin de lui pour une heure ou deux, lui dit Marek en rentrant.
– Ah, c’était pas ça dans l’contrat, ça, mon p’tit !
– Non, mais j’ai besoin de lui quand même. Je vous le rends après. Il sera propre.
– C’est vrai qu’il a pas fière allure, là… Allez, t’as bien chômé, va. Repose-toi un peu, tu l’as mérité. Mais deux heures, pas une de plus ! Maman veut son p’tit biscuit ! »

Marek ramasse un plaid qui a l’air à peu près propre dans un coin de la pièce, l’enroule autour de monsieur Crane qui sanglote, et le transporte jusqu’à la station de métro la plus proche, située sur la ligne bleue. Sur le chemin, les gens font de grands écarts pour les éviter, à cause de l’odeur.

Les grilles de la station de métro sont fermées ; derrière, un employé est en train de parler à un téléphone mural.

« Revenez plus tard ! leur annonce-t-il. C’est fermé ! »

Comme Marek n’a pas bu depuis plusieurs heures, il est un peu translucide, et en profite pour passer sa main à travers la grille et saisir le téléphone, qu’il brise contre le mur. Puis il frappe l’employé jusqu’à ce qu’il ouvre la porte. Ceci étant fait, il descend avec monsieur Crane sur l’épaule.

Les couloirs du métro sont totalement déserts ; la seule présence humaine est un groupe d’employés dans un bureau, l’air visiblement agités, en train de barricader portes et fenêtres.

« Mais qu’est-ce qui se passe, bon sang ? demande monsieur Crane.
– Je sais pas. Ça m’inquiète. Vous pouvez pas ouvrir cette porte ?
– Si, mais où est-ce qu’on va, d’abord ?
– Dans un wagon.
– Qu’est-ce que c’est que ces histoires de wagon…
– Je sais pas. Je veux savoir, justement. »

Monsieur Crane, hors de lui, arrache le mur du bureau.

« Ça suffit, maintenant, les conneries ! hurle-t-il. Qu’est-ce qui se passe, ici ?!
– Pitié, pitié ! crient les employés.
– Je suis propriétaire de la ville, dit Marek. Réponds-moi. Qu’est-ce qu’il se passe ?
– Vous êtes pas des cauchemars ?
– Pas encore.
– Planquez-vous, il y en a partout !
– Pourquoi il y aurait des cauchemars dans le métro ?
– Ils viennent de sous la terre, enfin !
– Mais les chevaliers de machin sont revenus…
– Eh bien ils font pas du bon boulot, je peux vous le dire ! La station est fermée, on peut pas faire circuler les trains…
– Il est où, le wagon ?
– Lequel ?
– Le wagon fermé à clef.
– Euh… Il y en a pas, ici…
– Il est où ?
– Je… Euh… Je vois pas de quoi vous voulez parler… »

Monsieur Crane fait s’enfoncer progressivement l’employé dans le sol.

« D’accord, d’accord ! Prenez le tunnel avec marqué “Attention travaux” ! Mais lui dites pas que je lui ai dit… Après, elle va vouloir que j’aille dans son lit… »

Marek et monsieur Crane empruntent le tunnel en question.

« Marek, je suis fatigué…
– Je peux vous porter encore.
– Non, je veux dire, en général… Et on n’a même pas emporté d’alcool…
– Tenez, une flasque de marin. »

Au fur et à mesure qu’ils s’enfoncent dans le couloir, il leur semble entendre des chuchotements, d’abord très légers, puis presque palpables, sans qu’on puisse tout à fait comprendre ce qui se dit. Les voix semblent tourner autour d’eux, un peu comme des vautours ; elles se taisent tout à fait lorsqu’ils arrivent dans le wagon, dont la porte est fermée. Une grosse éclaboussure de sang, avec une trace de main, en barre la poignée.

« Vous pouvez désintégrer le wagon ? Je veux voir dedans, mais je veux pas ouvrir cette porte.
– Ça me paraît une excellente idée. »

Monsieur Crane ouvre le wagon en deux.
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par Emöjk Martinssøn »

Scène 12 : L’armoire au fond du wagon
[Je demande à tirer une Carte « Chance ». Je lis : « Le train des rumeurs. La rumeur va vite. Chuchotez une rumeur à propos de la scène en cours à la personne à votre gauche qui la répète en changeant et/ou en exagérant quelque chose à sa voisine de gauche, et ainsi de suite. Lorsque la rumeur revient à vous, elle devient vérité ». La phrase d’origine est « Géraldine et Chesterfield sont devenues des femmes cauchemars », qui devient « Les chevaliers sont devenus des cauchemars, et la réalité est malade ».]

À l’intérieur du wagon, Moherat et ses douze chevaliers leur font face, assis sur les banquettes ; ils sont toujours en armure, mais celle-ci est rouillée et pleine de poussière. Ils ont l’air cadavérique, voire en décomposition ; sur leurs genoux, des assiettes, mais pas vraiment remplies de cuisses de poulet… L’un des chevaliers recrache un casque et se relève : « Tiens, voilà le dessert », sourit-il d’un air sinistre. Puis ils se jettent sur eux.

Monsieur Crane repousse les chevaliers et fonce vers l’armoire qu’il aperçoit au fond du wagon, en lâchant son plaid.

[Je demande à Pierre de tirer une Carte « Résolution ». Boris lit : « Oui, mais… Vous réussissez, mais perdez quelque chose de précieux dans le même temps ».]

À l’intérieur de l’armoire, monsieur Crane sent qu’il perd la majorité de ses pouvoirs. Marek, lui, se déphase et voit l’environnement tel qu’il est vraiment : il est dans un tunnel de métro, qui se superpose à un tunnel de catacombe, dont les murs sont faits de cadavres. Seule l’armoire a l’air à peu près normale ; il s’y dirige donc et remarque que sa porte a été remplacée par une porte d’entrée de maison, avec une sonnette.

Monsieur Crane se rend compte qu’à l’intérieur de l’armoire, il n’y a rien. Ce n’est pas qu’elle est simplement vide : il flotte littéralement dans le néant. Il entend le bruit d’une sonnette.

« Qui… Qui est là ?
– C’est moi, répond Marek.
– Ah, entrez ! »

Marek tourne la poignée et ouvre la porte : il se retrouve face à un fond d’armoire absolument banal, dans un coin de laquelle se trouve monsieur Crane. Il fait un pas en avant, et se retrouve lui aussi à flotter dans le néant. Il essaye de se déphaser à nouveau, mais ça ne fonctionne pas.

« Mais qu’est-ce que vous avez fait ? demande-t-il à monsieur Crane.
– Je suis rentré dans cette fichue armoire, c’est tout !
– Mais quelle idée !
– Je voulais me mettre à l’abri des chevaliers ! C’est à cause de votre prophétie, là, ça m’a induit en erreur !
– C’est pas ma prophétie ! »

Marek sort de sa vareuse l’une de ses dernières flasques et en boit la moitié : alors qu’il sent l’alcool se répandre en lui, il lui semble que les choses redeviennent un peu plus tangibles. Il passe la flasque à monsieur Crane qui en boit aussi. Le néant s’estompe un peu autour d’eux, tout en restant présent, mais une porte est visible : derrière elle, le wagon, vide de chevaliers.

Marek et monsieur Crane sortent du tunnel et du métro : derrière eux, le néant commence à suinter de l’armoire…

Scène 13 : Le retour d’un certain gorille amateur de fraises
Cléanthe passe la nuit à se retourner dans son lit, en se demandant comment il va pouvoir trouver un nouveau doigt. Le lendemain matin, il retourne chez le fleuriste à la première heure.

« Ah, mais c’est le monsieur de l’autre soir ! Alors, cette bougie des amants ?
– Eh bien… Je ne savais pas ce que c’était, et… j’ai perdu un doigt… Vous auriez pas une solution, par hasard ?
– Ça dépend, vous le voulez d’os et de chair ? Parce que sinon, je peux vous proposer une tige…
– Ça pourrait fleurir ?
– Bien sûr ! Il faudra juste l’entretenir !
– Alors pourquoi pas…
– Alors, on a des fraisiers, évidemment, des citronniers, des cognassiers…
– Un fraisier, ce sera très bien.
– Je vous préviens, au début ça pique un peu, le temps que les racines se mêlent à vos nerfs…
– Ne vous inquiétez pas, ma main n’est pas très sensible…
– Très bien ! Ah, et par rapport à ce que vous me disiez hier… Vous avez un passé dans le métier ?
– Pas vraiment un passé, plutôt un hobby…
– Ah oui… Par exemple, comment vous vous occuperiez d’un plant de poires, disons d’un mètre cinquante ?
– Eh bien… Plutôt arbuste ou arbre de petite taille ?
– Arbre de petite taille. Des poires de l’ouest.
– De l’ouest… Eh bien, pas trop de lumière, déjà… Mais les fruitiers ce n’est pas trop mon truc, hein, je vous ai parlé de bouquet ; mais je vais vous répondre quand même. Ensuite, penser à couper un fruit sur deux, pour laisser les autres devenir plus gros, et l’arbre prospérer un peu, mais toujours en largeur, jamais en hauteur ! Une taille régulière et un arrosage soigneux.
– Eh ben mon gars, pour quelqu’un qui s’y connaît pas beaucoup, vous vous y connaissez déjà drôlement ! Vous êtes engagé ! Allez, mettez la main sur le comptoir, on va s’en occuper. »

Le vendeur va chercher un petit plant de fraisier qu’il pose à côté de la main de Cléanthe.

« Respirez un grand coup… »

Il plante un bout du fraisier d’un coup sec dans le moignon de Cléanthe ; au même moment, la clochette de la porte d’entrée retentit. Se retournant, Cléanthe voit un grand homme, très imposant, portant un très grand pardessus, avec un chapeau mou et des lunettes noires, qui sent très fort une odeur bestiale.

« Ah ! s’exclame le vendeur. Voilà justement monsieur qui vient acheter des fraisiers, j’imagine ? »

Le client opine du chef. Cléanthe l’observe, un sourire éclatant aux lèvres.

« Vous les voulez tous, comme la dernière fois ? »

Le client opine du chef à nouveau.

« Barnabé ? » demande Cléanthe.

Le client commence à se retourner pour partir, gêné.

« Non, Barnabé, attends !
– Hmmph.
– Tu avais disparu avec le bateau…
– Ooouh oooouh ooooouh ! s’énerve Barnabé le gorille. Ouuuuuh oouuuuuh aaaah !
– On est rentrés à la nage ! On t’a cherché partout ! Et Jonas, tu sais…
– Hmmmm….
– Il est revenu. Il est monté tout en haut de la tour de la Lune ! Et il a rencontré la femme magnifique ! En fait, on a appris que c’était Itras…
– Ouuuuuuuuuuuh ! Ouuuh ouuuuuh aaaaah ouuuuuh !
– Elle a été soignée ! Et elle est partie avec lui à moto ! Et tout à l’heure, je me marie avec Amandine ! »

Barnabé attrape Cléanthe et lui caresse la tête.

« Moi aussi, je suis super content ! Et on se demandait si tu voudrais officier pour nous… Ce serait un grand honneur, vraiment… »

Barnabé reste un instant interdit, puis saisit Cléanthe entre ses pattes, le soulève, et l’embrasse sur la bouche. Puis il arrache son chapeau et son manteau, pose Cléanthe sur son épaule, et s’en va.

« Donc je les fais livrer à l’adresse habituelle ? » crie le vendeur.

Chez Ida, Amandine est réveillée par des pas qui montent quatre à quatre les escaliers de l’immeuble dans un grand fracas. Elle sort sur le palier et voit Barnabé qui dépose Cléanthe devant chez lui.

« Cléanthe ! Barnabé ! Tu es revenu ! On s’est fait un sang d’encre… Gérald t’a bien traité ?
– Hmmm hmmmph ooouh.
– Bon, tu es revenu, c’est tout ce qui compte… Il a accepté ? demande-t-elle à Cléanthe.
– Oui. Mais chérie, l’honnêteté me pousse à t’avouer quelque chose… Il se trouve que j’ai encore égaré un doigt… Mais j’en ai trouvé un de remplacement ! Et il est très beau, il fleurera et portera des fruits !
– Montre-moi. Oui… Et comment tu vas faire pour ouvrir les pots de sauce au chocolat ? Pour découper les morceaux de viande ?
– Eh bien, j’utiliserai l’autre main…
– Et pour mettre ton alliance ?! Enfin, c’est à toi de me dire, Cléanthe ! Si tu veux pas qu’on ait d’alliance… Si tu veux pas porter un symbole de notre engagement éternel sur toi… T’es pas obligé ! Tu peux me le dire, simplement… »

Les larmes montent aux yeux d’Amandine. Barnabé, embarrassé, regarde ailleurs.

« Mais non, tu as mal compris… Regarde ! »

Cléanthe sort une clef de sa poche et ouvre la porte de l’appartement. À l’intérieur, des fleurs recouvrent tout, posées sur un ameublement de bric et de broc. Dans un coin, un petit autel a été aménagé avec quelques chaises, pour les invités.

« Ça, ça veut bien dire que j’ai envie de m’engager, tu crois pas ?
– Oui, mais… Mais comment on va faire…
– Regarde, je peux le bouger aussi, le doigt, maintenant ! C’est pas un problème ! Il va un peu grossir, forcément, mais… une alliance devrait tenir… Et je la perdrai pas, promis !
– Bon, mais attends… Si on y met un tuteur, là… Il te reste encore un petit moignon sur lequel ça peut tenir… C’est que j’ai pris une taille 60 pour ta bague, c’est un peu grand, quand même… Mais c’est tout ce qu’il y avait dans la boîte en fer blanc que j’ai trouvée au chantier…
– Ah oui, les bagues, c’est vrai… »

Barnabé pousse Cléanthe du coude en lui montrant la pièce : il semble trouver tout cela trop petit.

« Tu es sûr ?
– Hmmmm hmmmm hmmmmph ouuuuuuh ouuuuuuuuuuuuh !
– Mais… Et dans le hall, avec les gens dans les escaliers, par exemple ?
– Pffffffffffrt !
– On fait ça sur une place publique ! suggère Amandine.
– Ouuuuuuh ouuuuuuh !
– Et ça, ce sera notre nid d’amour de la nuit de noces…
– Très bien, oui. Faisons ça ! Prenons la ville à témoin de notre amour !
– J’aime bien cette idée », sourit Amandine.
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par Emöjk Martinssøn »

Scène 14 : Derniers préparatifs avant le grand moment
Une fois dehors, monsieur Crane demande à Marek :
« C’est bon, je peux y aller ?
– Faites. »

Mais monsieur Crane se sent… bien, à vrai dire. Il n’a pas envie de boire, et malgré les taches sombres de néant qui lui demeurent au coin des yeux, il voit la ville sous un jour nouveau.

« Alors ça y est ? murmure-t-il. C’est pour maintenant ?
– De quoi tu parles ?
– Le moment est enfin arrivé ! Tu vas voir ! Le calme va enfin revenir !
– Tu me fatigues. »

Marek s’en retourne à son bar. Monsieur Crane, lui, passe à la bibliothèque (après avoir retrouvé des vêtements) pour y chercher des ouvrages sur les chevaliers de Moherat, afin de savoir s’il y avait des sujets de dispute entre eux. Un sujet de dissension majeur semble exister : il n’y a toujours que douze assiettes pour eux treize. Monsieur Crane hoche la tête, satisfait. Il ne compte pas se confronter aux chevaliers à présent cauchemardesques, mais l’information peut toujours être utile…

Au bar, Marek enfile ses vêtements de cérémonie et rassemble toute sa clique, en leur ordonnant de se mettre sur leur 31. Puis il se rend au mariage, accompagné par les gardes gris qui portent ses stocks d’alcool, et Georges, privé de rollers (mais porté par un garde qui traîne des pieds, pour éviter qu’il retarde trop tout le monde ; après la cérémonie, il faudra lui trouver un gros oiseau au zoo).

Cléanthe et Amandine s’activent : ils sortent tables et bouquets sur la place la plus proche, près de la fontaine des Larmes, rebaptisée pour l’occasion « fontaine des Larmes de Joie ». Cléanthe fouille ses poches, à la recherche d’un substitut d’alliance ; il en sort une corde de guitare de Jonas StJones, et tresse une bague avec.

Sur la place, les gens se mettent à s’assembler, à commencer par les anciens amants et amantes d’Amandine.

« Oh, Juliette, t’as pu te libérer ! s’écrie Amandine. Ça me fait trop plaisir !
– Ça fait tellement longtemps ! Dis donc, t’as… T’as bonne mine !
– Eh oui, le bonheur me réussit…
– Oui, oui… »

Ida est là aussi, ainsi que Barnabé et Martin Poicreux (pour profiter des petits fours), Phil (avec ses nionnes) et Gérald.

« Bon, Gérald, lui dit Amandine, sans rancune ?
– SANS RRRRANCUNE ! GÉRRRRRALD AIME LES PETITS FOURRRRRRS ! »

Du côté des invités de Cléanthe, Alicia StJones et les gardes gris sont là ; il manque quelques dents à Alicia et elle a le bras en écharpe. Pas de trace des chevaliers, ni des bananes : d’après Ida, elles ont refusé de quitter l’appartement.

« Amandine, on a un problème : les bananes nous font la tête…
– Il faut qu’on aille leur parler, les convaincre qu’on peut partager l’amour et le bonheur.
– Et si on les adoptait officiellement ? Tu crois qu’Ida serait d’accord ?
– Ça devient une nécessité, en effet. »

Marek et monsieur Crane arrivent sur ces entrefaites ; Amandine se dirige vers le marin.

« Monsieur Marek, maintenant que la ville est à vous, c’est vous qui gérez l’administratif, non ? On aurait besoin d’un certificat d’adoption à nos deux noms…
– Voyez avec Georges. »

Amandine traverse la place pour se rendre de l’autre côté, là où est assis Georges ; Cléanthe suit sa future épouse.

« Georges ! Monsieur Marek m’a dit de venir vous voir… Il me faudrait un certificat d’adoption pour les bananes…
– Aucun problème !
– Il nous le faudrait tout de suite.
– Ah… Ça va coûter plus cher.
– Pas de problème.
– Monsieur Marek vous a dit un prix ?
– Oui, répond Cléanthe, il nous a dit “ce que vous voulez”.
– Ce qui lui veut, vous voulez dire ? Attendez, c’est pas clair… Monsieur Marek ! »

Georges se lève et va chercher son patron.

« Pour le prix, vous avez dit…
– Cher. Cher.
– D’accord ! »

Georges revient voir Cléanthe et Amandine.

« Bon, il a dit “cher cher”.
– On peut étaler ça sur plusieurs mensualités ? demande Cléanthe. Avec menaces de mort pendant des années ?
– Oui oui, aucun souci ! Pour vous deux, du coup… »

Georges sort un papier de sa poche et y rédige un certificat d’adoption, avant de le tamponner (avec un tampon sorti de son autre poche).

« Voilà ! Je peux aussi notariser votre mariage, si vous voulez.
– Allons chercher les bananes ! » s’écrient en cœur Amandine et Cléanthe.

Ils se précipitent dans l’immeuble et arrivent devant l’appartement d’Ida ; à l’intérieur, on entend des bruits de bris. « Puisqu’on peut pas les tuer, on va tout casser ! » crient les bananes.
« Tu sais, mon amour, dit Amandine, je me demande si Marek n’avait pas raison quand il disait que les bananes étaient un peu violentes…
– Mais non ! C’est la faute de la jeunesse !
– On va tout casser ! Et ils seront bien obligés de nous obéir, après ! Parce qu’on est plus nombreuses ! »

Amandine cache le certificat dans sa poche, puis ouvre la porte à la volée.

« QU’EST-CE QUE C’EST QUE CE BAZAR ? crie-t-elle.
– C’est pas du bazar !
– Ah oui ?! Et c’est quoi, alors ?
– C’est toi le bazar !
– Vous voulez pas que maman soit heureuse, c’est ça ?
– Siiiii…
– Non, puisque vous ne voulez pas venir !
– Mais… On veut que tu choisisses !
– Non ! Je ne choisis pas entre vous et Cléanthe.
– Non, c’est pas ça qu’on veut… On veut que tu choisisses ! Entre toi et lui ! Parce qu’on a faim…
– Les enfants, commence Cléanthe, nous avons quand même une nouvelle à vous annoncer, avant…
– Je vous ai amené de la viande hier… soupire Amandine.
– C’est pas assez !
– Bon, on va trouver une solution. Mais on ne mange pas son papa, ni sa maman.
– Siiiiiii ! Il faut que tu choisisses !
– Depuis quelques minutes, je suis officiellement votre papa ! annonce Cléanthe.
– Nooooooon ! »
Les bananes se jettent sur lui.

Scène 15 : Une pluie bien plus inquiétante que de banals petits pains
[@Ozen demande à tirer une Carte « Chance ». Il lit : « Deux nouvelles. Les personnages reçoivent une bonne et une mauvaise nouvelle. Le MJ décide de la bonne, quelqu’un d’autre de la mauvaise, qui est annoncée en premier ». Boris annonce que les bananes grandissent par à-coups : après une courte période adolescente, elles deviennent adultes d’un seul coup. Une fois adultes, elles deviennent des morceaux de cauchemar, c’est pour ça qu’il faut les manger avant. La mauvaise nouvelle, c’est qu’elles viennent de devenir adultes. J’annonce la bonne nouvelle : au moment où les bananes se jettent sur Cléanthe, son doigt-fraisier gonfle soudainement, et des fraises commencent à exploser dans tout l’appartement, projetant les bananes contre le mur en les mettant K.O. suffisamment longtemps pour qu’Amandine et Cléanthe puissent fuir.]

Amandine a vu ce qu’il y avait sous la peau des bananes et est en état de choc.

« Je comprends si tu veux repousser la cérémonie… lui dit Cléanthe.
– Est-ce que… Est-ce qu’on peut se poser quelques minutes dans un endroit sûr !
– Oui, allons dans notre appartement. »

Sur la place, les gens commencent à s’animer ; un brouhaha monte, en même temps que le ciel commence à s’assombrir.

« Ah ! » s’exclame monsieur Crane. « Ça arrive ! La pluie animale ! »

Il n’y a aucune étoile de ciel ; en fait, le ciel semble composé de néant, comme l’intérieur du placard. Il se met en effet à pleuvoir, et ce ne sont pas des gouttes qui tombent ; on dirait des oiseaux qui tombent à pic, trouant la réalité lorsqu’ils la touchent. Les invités comprennent ce qu’il se passe et la place se vide dans la panique, alors que Barnabé pousse des cris affolés. Monsieur Crane part dans un rire à tue-tête, alors que Marek, interdit, vérifie l’heure qu’il est. Il est 21 heures pile : il lui reste trois heures avant minuit pour se barricader. Il court vers l’immeuble le plus proche (celui de Martin Poicreux), suivi par ses gardes, Georges, Alicia et monsieur Crane.

« Mes bananes… Mes petites chéries… Qu’est-ce qu’on va faire… Tu crois que c’est parce que j’ai été une mauvaise mère ?
– Mais non ! Tu as été une bonne mère : la preuve, elles sont arrivées à maturation… »

Cléanthe repense à ce que lui avait dit la femme magnifique : il comprend qu’au fond de lui, il savait que la ville allait être détruite.

« Tu sais… Ces derniers jours, j’ai rencontré Itras…
– Oui, moi aussi ça m’est arrivé… répond Amandine en pleurant. On avait essayé des robes ensemble…
– Elle m’a dit quelque chose après que l’Étranger l’ait sauvée : de toute façon, tout va terminer, mais ce n’est pas grave. Elle m’a dit que l’important, c’était d’être heureux, parce qu’avec ou sans le néant, le bonheur existe quand même. Et je crois que tout est bientôt fini… Et je crois qu’il faut qu’on s’emploie à vivre nos derniers moments heureux.
– Tu crois qu’on peut pas s’enfuir ?
– Je crois qu’il n’y a plus nulle part où aller… »

Dans l’escalier, on entend une foule s’amasser : ça discute, ça crie, ça pleure.
Cléanthe sort sa bague de sa poche.

« Amandine Beaulieu, veux-tu m’épouser ? Pour le pire, et le meilleur, et jusqu’à la fin des temps ?
– Oui, pleurniche-t-elle. »

Il lui passe la bague au doigt.

« Cléanthe Brumaire Bonheur, dit Amandine, veux-tu m’épouser ? Devenir mon époux, et vivre heureux, tous les deux, jusqu’à la fin d’Itras By ?
– Oui, je le veux. »

Elle lui passe la bague au fraisier. Marek, entendant l’échange depuis l’escalier, pleure doucement. Barnabé le bouscule pour arriver jusqu’à Cléanthe et Amandine.

« Ouuuuuuuh ouuuuuh ouuuuuh ! Ah aaaaaaaaaah ! »

Il leur saisit les mains : Amandine et Cléanthe sont officiellement mariés.

Un silence se fait dans l’immeuble.

« Champagne ! » crie monsieur Crane. Un air de guitare et d’orgue de barbarie éclate en même temps que la joie de la foule.
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par Emöjk Martinssøn »

Scène 16 : Adieux à Itras By
Dehors, le néant continue à tomber dru ; on ne distingue plus rien par les fenêtres.

« La ville était quand même devenu un beau chantier, ces derniers temps… dit Cléanthe. Et je peux te l’affirmer, pour l’avoir parcourue en long, en large et en travers pour te retrouver. C’était plus très beau à voir, Itras By…
– À croire que sans nous, c’est devenu n’importe quoi !
– Je ne te le fais pas dire. »

On entend une plainte atroce de l’autre côté du palier.

« Mamaaaaaaaaaaaa… Mamaaaaaaaaa… »

Monsieur Crane, une coupe de champagne à la main, entrouvre la porte. Il voit des bouts de cauchemar, tout ce qu’il a pu imaginer de pire, voleter dans la pièce : il referme la porte. « On verra ça plus tard… », dit-il avant de vider sa coupe.

La fête se passe très bien : un par un, les invités viennent féliciter les nouveaux mariés. Même Alicia StJones pardonne à Amandine (juste le temps du mariage). Dans la plus pure tradition marine, Marek leur offre plein de cadeaux volés.

« Tiens, mais je connais ce presse-papiers… dit Cléanthe.
– Une boîte à chapeaux ! s’écrie Amandine. Merci beaucoup ! »

Les festivités durent des heures. Et puis il commence à se faire tard ; les gens commencent à partir, tandis que Phil, éméché, danse un slow avec ses nionnes. Un par un, les invités sortent de l’immeuble et disparaissent dans la pluie de néant qui continue de tomber. Barnabé a l’air mort de fatigue ; il embrasse Cléanthe et Amandine sur les deux joues, et s’en va à son tour.

Bientôt, il ne reste plus dans l’immeuble qu’Amandine, Cléanthe, Marek et monsieur Crane.

« C’était une belle fête… soupire ce dernier.
– C’était assez réussi, approuve Marek.
– Merci pour votre aide…
– Allez, buvons encore. »

Marek sort quatre flasques pleines de sa vareuse et en tend une à chacun.

« Bon bah, cul sec ! » dit Amandine.

Les flasques s’entrechoquent. Pendant qu’ils boivent, le néant commence à rentrer dans le hall de l’immeuble, le dernier invité n’ayant pas refermé la porte. Il se met à monter dans les étages.

« Chers amis, annonce monsieur Crane, ça a été une joie de vous connaître. Mais vous savez, je tiens à choisir ma fin. Je vous quitte, et en tant qu’explorateur… »
Il visse son chapeau sur son crâne.
« … je m’en vais affronter l’inconnu ! »

Il traverse le palier, ouvre la porte d’un air décidé, entre, et referme la porte derrière lui.

« T’es notre nouveau papaaaaaaaaaa ! » entend-on dans l’appartement. Puis plus rien.

Il ne reste plus qu’Amandine, Cléanthe et Marek, qui boit comme un trou et devient de plus en plus évanescent. Il se sent partir, au large.

« À une prochaine, dit-il.
– Bon vent…
– Soyez heureux. »

Il disparaît. Il ne reste plus qu’Amandine et Cléanthe.

« Je crois qu’il nous reste un peu de temps pour passer une véritable nuit de noces », dit Cléanthe.

Amandine lui prend la main et l’entraîne dans leur appartement.

« Allez, dit-elle, jusqu’à la fin. »

Scène 17 : C’t’ainsi la vie…
Le néant finit par tout recouvrir. À la fin, il n’y a presque plus rien : plus qu’une scène de théâtre. Un petit homme avec un chapeau melon passe la tête sur la scène vide.

« J’arrive trop tard ? » demande-t-il.

Il tire son orgue de barbarie sur la scène.

« On m’avait dit qu’il y avait un mariage… J’ai préparé une p’tite chanson… Ah, mais j’me suis pas présenté ! J’suis Tom, le chanteur que vous connaissez tous ! Bon, bin j’me suis dit que j’allais vous préparer quelque chose… Quoi d’mieux pour finir que mon plus grand tube, “C’t’ainsi la vie”, que j’ai r’mis un p’tit peu au goût du jour ! Évidemment, si vous la connaissez, vous pouvez chanter avec moi ! »

La musique démarre, et Tom chante d’un air gouailleur.

C’t’ainsi la vie
À Itras By
On jette tout à l’oubli sur un coup de folie…

L’bel Étranger s’est sacrifié
Pour l’cœur de sa promise-euh
Fini pour lui de pourchasser
Les nonnes en pleine église-euh
Sœur Augusta s’est aussi tuée
Pour éteindre une crise-euh
Itras By s’rait-elle apaisée ?
Est-ce la fin de la mouise-euh ?

C’t’ainsi la vie
À Itras By
On jette tout à l’oubli sur un coup de folie… (x2)

Jonas StJones a décampé
Avec une femme sublime-euh
Martin Poicreux s’est réinstallé
Proprio richissime-euh
Quant à Ida, c’est le succès
Et le bonheur en prime-euh
Décidément dans la cité
La joie est unanime-euh…

C’t’ainsi la vie
À Itras By
On jette tout à l’oubli sur un coup de folie… (x2)

Marek et Crane, leurs manigances
S’sont avérées payantes-euh
Amandine a pu faire alliance
Avec le doux Cléanthe-euh
Tout finit bien, une sacrée chance
Conclusion bienveillante-euh
Pour Itras By, c’est les vacances
Et la fin d’ma gueulante-euh

C’t’ainsi la vie
À Itras By
On jette tout à l’oubli sur un coup de folie…
C’t’ainsi la vie
À Itras By
Et cetteuh fois-ci c’est bel et bien fini !


Et rideau.
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par Loris »

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Bravo!
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par Arkham »

Magnifique! :bravo: :bravo: :bravo:
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par Emöjk Martinssøn »

Merci les amis :)

C'était vraiment une magnifique campagne, la plus chouette que j'ai menée à ce jour. Et relire son final continue de me faire quelque chose, un an et demi plus tard...
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par Arkham »

Et moi c'est le plus chouette CR de campagne que j'ai lu jusque là!
The most important aspect of a story is how it affects the characters in it, not whether the characters manage to save the world in the end.
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par teufeu »

Le jeu existe il en pdf ?
un kit de demo est il disponible ?
merci.
 
J'parle pas aux cons, ça les instruit.

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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par Emöjk Martinssøn »

PDF : en VO, oui.
Kit de démo : pas à ma connaissance !
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par teufeu »

Bon jai commande le livre et le jeu de cartes ...jai hate.

merci pour la reponse.
 
J'parle pas aux cons, ça les instruit.

Michel Audiard 
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Re: [CR] Des nouvelles d'Itras By

Message par teufeu »

Pour vous quelles sont, en bd ou roman, les meilleurs inspi pour IB ?
J'parle pas aux cons, ça les instruit.

Michel Audiard 
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