[CR] Millevaux et autres jeux Outsider

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Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

(suite de la page précédente)

Haze quitte donc l'Hôpital et Dionysos. Il ne sait pas pourquoi mais quelque chose lui manquera et ça le déprime encore plus, plus que la nuit et le froid. Cela lui semble aberrant. Qu'est-ce qui pourrait bien lui manquer dans un endroit pareil ? Aberrant aussi, cette idée que le Virus ne serait qu'une espèce de jeu de rôle qui parviendrait à contaminer la réalité. Mais après tout, lui aussi est roliste. Il en a joué des personnages, que ce soit IRL, sur table, ou derrière son écran sur des forums. Finalement, il comprend un peu cette notion de contamination du réel par le jeu. Il se rappelle le jeu De Profundis, un jeu de rôle épistolaire dans un univers lovecraftien. Au passage, il note que Millevaux emprunte aussi au mythe de Chtulhu. Mais surtout, l'auteur de De Profundis insistait sur le fait que chaque expérience du quotidien pouvait venir enrichir le récit. Ainsi, d'une certaine façon, on ne sortait jamais du jeu et c'était finalement une sorte de contamination du réel par le jeu. Mais avec Millevaux, ça allait plus loin. Ça allait d'autant plus loin que Haze savait pertinemment qu'il n'avait pas lu De Profundis. Ce n'était pas lui, ce n'était pas son souvenir. Mais qui ? Demian Hesse ? Que signifiait tout ça ? Il ne savait plus vraiment. Sa mémoire commençait vraiment à lui jouer des tours. Il pensait savoir qui était ce Demian Hesse mais finalement en doutait. Il ne savait plus s'il était sensé le connaître ou non. Mais, il savait aussi que ces pertes de mémoires étaient caractéristiques de Millevaux. Était-il donc contaminé ? Se débarrasser du Cruel Centipède suffirait-il à lui rendre ses souvenirs ?
Haze longea le fleuve gelé jusqu'à ce que, sous la glace, il aperçut les entrées des nids de serpents géants. Là, il devait trouver le Niaucheur. Mais comment accéder aux nids ? Fouillant dans son sac, il se dit qu'il pouvait peut-être utiliser un gros mousqueton d'escalade pour tenter de briser la glace. Mais il n'avait en réalité que peu d'espoir d'y parvenir. Malgré tout, prudemment, il posa un pied sur la glace et entreprit de traverser le fleuve. Regardant à travers la glace, il ne voit rien de vivant. Pas un poisson ni même un batracien ne peut vivre dans ces conditions. Encore moins un serpent, fut-il géant. Il fait beaucoup trop froid. Au moins, pense-t-il, il ne risque pas d'être la proie d'un reptile. Mais comment trouver le Niaucheur ?
Haze pose pied sur l'autre rive et entreprend de faire du feu. Cela le réchauffera et, peut-être, attirera le Niaucheur. Mais, contre toute attente, le feu prend bien mieux que prévu. Beaucoup trop même. Et le manteau de Haze prend feu. Il se jette dans la neige pour l'éteindre. Il y parvient rapidement mais souffre malgré tout de vilaines brûlures aux bras et au torse. Il ouvre son manteau et sa chemise et se recouvre de neige pour apaiser les brûlures. Malgré tout, il ne peut retenir ses larmes, autant de dépit que de douleur. Et il se surprend à pleurnicher comme un gamin. Pleurnicher... Niaucher comme dit Anke, son amie rôliste fribourgeoise. Le Niaucheur, le Pleurnicheur !! Est-ce possible ?
À 4 pattes, Haze gagne le bord du fleuve et contemple le reflet de son visage dans la glace. Presque torse nu, il est fasciné par les brûlures qui, remontant de son torse à son cou, le défigurent. Ou peu s'en faut qu'il ne soit défiguré en tout cas. Il fixe l'homme dans la glace. Il ne se reconnaît pas. Mais, il sait que c'est lui. Il se rappelle les mots de la Bouche. Il doit parler au Niaucheur, partager avec lui. Le Langage Noir ou le Langage Jaune. La Viande Noire ou l'Opium Jaune. Noir, c'est forcément négatif, ce sont les ténèbres, l'obscurité. Mais le Jaune, il le sait bien, c'est l'indicible, c'est la folie hasturienne ! Il se regarde droit dans les yeux et prend conscience qu'il ne sait pas quoi se dire.

« Qui es-tu, Niaucheur ? As-tu quelque chose à me dire ?
- Non, mais... en vérité je te le dis, tout a déjà commencé à changer dans les murs de la Cité Bleue. Ce qui était pur devient vermine, ce qui était laid se pare d'une beauté artificielle et contre-nature, l'homme qui était vertueux devient un pécheur et la femme qui était fidèle voit son corps enfler de concupiscence. Et le cœur même de la Cité Bleue n'est jamais tout à fait ce qu'il était hier. Les palais deviennent des cloaques, les jardins deviennent des jungles. La bête docile et servile devient un monstre sauvage, elle mord la main qui l'a nourri, force les barreaux de sa cage et part semer la terreur dans la Cité Bleue. Et des choses dorment dans des cocons, ce qu'elles étaient auparavant n'est plus que limon à l'intérieur d'une carapace, et ce qui en sortira portera le visage du Démon.
Que le Juste châtie ses semblables qui ont déjà chuté, qu'il leur donne l'absolution, qu'il traite les maladies et les difformités, ou qu'il se prémunisse lui-même contre toute forme d'impureté et de changement, le Juste devra lire en son cœur pour savoir ce que Dieu veut qu'il fasse en son Nom. »

Haze fixe le Niaucheur, les yeux grand ouverts. Il croit comprendre. Il a peur de comprendre. La maladie a commencé à se répandre à Blue City. Et, de là, elle pourra se répandre dans le monde réel. L'avenir s'annonce bien sombre. Haze a parlé le Langage Noir. Il doit maintenant partager la Viande Noire. Dans la glace, il voit que son torse brûlé est devenu noir justement. Il retourne à son sac et trouve dedans un petit couteau. De retour au bord du fleuve, il s'attaque à découper un morceau de viande carbonisée à même son torse. La douleur est insupportable. Il y a du sang partout dans la neige, sur la glace. Le visage du Niaucheur ne lui apparaît plus que derrière un voile de larme et de sang. Pourtant, malgré tout, il présente un bout de chair sombre au Niaucheur et entreprend de dévorer cette Viande Noire et crue.
Puis, il s'écroule, inconscient, dans la neige et le sang.

L'appartement de Johanna Ackermann. Elle est seule. Elle fait la cuisine. Elle a de la visite ce soir. Damon Haze, l'ex agent du FBI qui s'est occupé d'elle suite à son kidnapping par le tueur Coleman. Elle a passé du temps en soins intensifs puis, à sa sortie, Haze est revenue vers elle. Pour l’aider. Mais pas que. Aujourd'hui, ils ont une relation pour le moins ambiguë. À la limite du platonique et... d'autre chose. Elle sent bien que Haze n'en a pas fini avec cette histoire et qu'il reste auprès d'elle aussi, entre autre ou principalement pour en savoir plus sur les délires de Coleman. Et aussi sur tout ce qu'elle a ou croit avoir vécu dans cette Cité Bleue et cette forêt maudite. Mais rien de tout cela n'était réel, hein ? D'ailleurs, même le type avec qui elle s'est retrouvée là-bas a disparu. Elle ne sait même pas s'il a vraiment existé ailleurs que de son crâne. D'après certains médecins, elle aurait inventé tout ça pour tenir psychologiquement face aux sévices infligés par Coleman. Une sorte de fuite, de fugue psychologique. Oui, elle est tentée d'y croire. Elle y croirait plus facilement si Haze y croyait et se décidai à franchir le cap. Ce soir, peut-être...

« Toc Toc !
Qui est là ?
C'est moi, Sodek.
Qu'est-ce que tu me veux encore ?
Tu le sais, on a du travail. C'est bientôt le jour.
Non ! Ce n'est pas le jour. Il y a encore du temps. Beaucoup de temps avant la prochaine fois. Tu n'as aucune raison de venir m'importuner. Pourquoi ?
Pourquoi ? Mais... mais parce que tu t'es assez servi de moi, Johanna. Maintenant, c'est mon tour. Pourquoi attendre le 13ème jour du 13ème mois pour s'amuser un peu ? Qu'est-ce que ça changera ? Rien du tout !
Bien sûr que si ! Se laisser aller comme ça est le meilleur moyen de commettre une erreur qui les mettra sur ta trace, notre trace.
Mais non ! Il suffit de changer de mode opératoire. Là, ce ne sera pas pour ce que tu sais. Ce sera juste pour... s'amuser. Allez, il n'y a personne dont tu voudrais te débarrasser ?
Si ! Il y a cette femme. Edes Corso. Je sais que Damon la connaît. Je sais qu'il la voit.
Et tu voudrais qu'il lui arrive quelque chose à cette Edes Corso ? Pourquoi attendre le 13ème jour du 13ème mois ?
Tu es certain que ça ne bouleversera pas nos... tes plans ?
Certain !
Pourquoi ? Pourquoi fais tu ça, Sodek ?
Tu le sais très bien. Tu as eu ta chance, Johanna. Et tu as échoué. Maintenant, c'est moi qui prend les rênes. On va faire ça à ma manière. Ça va prendre un peu plus de temps mais ça marchera cette fois.
Sodek, pourquoi dis-tu qu'on a du travail alors que tu sais que le 13ème jour du 13ème est dans longtemps et que tu veux seulement t'amuser ?
Je dis ça parce qu'on a vraiment du travail. Certes, nous avons du temps devant nous mais il y aussi de long préparatifs et de longs rituels à accomplir pour que tout soit parfait. Tu sais bien de quoi je parle...

« Le roman qui rend fou ! » Voila quel sera désormais l'argument de vente de ce vieux roman de fantasy écrit en 1958 par un certain Jone King : La Quête de l'Ange-Paon de Yézédis. En vérité, l'intrigue importe peu. Ce qui importe, c'est ce qui s'est passé ce samedi 25 mai dans une bibliothèque de quartier d'Olympia, état de Washington. En effet, un homme d'une cinquantaine d'année en train de lire ce roman a subitement été pris de folie. Criant être l'un des personnages principaux, un certain Tad Corso – aventurier explorant une forêt hantée par des monstres nommés Horlas, l'homme s'en est pris avec les plus grande violence aux autres usagers ainsi qu'aux membres du personnel. Il a fallu l'intervention conjointe des forces de police et des services de sécurité de la bibliothèque pour maîtriser le forcené. Celui-ci a finalement succombé à une crise cardiaque. Ces derniers mots concernèrent le Roi-Volcan et parlèrent du 13ème jour du 13ème mois, un autre personnage et un moment fort du livre.

Haze émerge lentement et douloureusement de son inconscience. Il a l'impression qu'on s'agite autour de lui. Il sent des mains qui le palpent sans ménagement. On est en train de lui faire les poches ! Il se retourne sur le dos aussi vite qu'il peut et tente de voir à qui ou à quoi il a à faire.
« Edes ? »
Non, ce n'est pas elle. Impossible. Qu'est-ce qu'Edes ferait ici. Et puis, son œil ? Comme une coquille de noix. Et... ce déguisement ! Ces ailes en bois... Haze tente de se redresser en prenant appui sur son coude.
« Edes ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Qu'est-ce que tu... ?
Qui es-tu ? D'où tu me connais ?
C'est moi, Damon.
Les seuls démons que je connais sont ceux que j'ai tués ! Es-tu un Horla ? Tu ne ressembles pas à un Cœlacanthe.
Non,non Edes. C'est moi, Damon Haze. Rappelles-toi, on est... ami.s Enfin plus ou moins. Plus que moins même. Enfin, tu vois ce que je veux dire ? »
Il semblait bien que non. Cet étrange sosie d'Edes, qui répondait pourtant à son nom, fit un petit bond en arrière, s'arma d'une dague et fixa Haze avec méfiance.
« Euh, Edes... J'ai vu le Niaucheur. Il m'a dit que la corruption allait se répandre. Qu'elle s'était déjà répandue. Ça a déjà commencé. Elle traverse les mondes. Les Justes doivent éradiquer les démons... au nom de Dieu. »
Haze, en jouant franc jeu autant que possible, espérant ainsi apaiser cette femme et gagner sa confiance. Il savait qu'il n'était clairement pas en position de force. En cas de combat, elle l'emporterait certainement. Et puis, peut-être que tout ça aurait du sens pour elle.
La femme, Edes ? le fixait toujours mais son visage prit une nouvelle expression, moins menaçante. Elle semblait étonnée, surprise, mais aussi plus attentive.
« Tu parles comme lui
Comme qui ?
Le Fondateur de notre famille, l'Ange Guerrier, le Rêveur. Tad Edes Corso. C'est de lui que je tiens mon nom et mes dons. C'est grâce à lui que j'entends les Lwas en songe. C'est notre devoir d'aller dans le cauchemar combattre les Cœlacanthes. Tu ne dois pas y aller. Tu ne peux pas. C'est à nous, les Corso héritiers du don du Fondateur, qu'incombe cette tâche. Et les Powl nous aident en attirant sur nous la bienveillance des Lwas. »

OK, cette femme est folle. Elle ressemble à Edes. Elle répond au même nom. Mais elle est folle. Comment se tirer de ce mauvais pas ? Haze ne pense plus qu'à une chose, se tirer le plus vite possible. Pourtant...

« Je dois me rendre à la Prison du Roi-Volcan.
Non ! N'y vas pas ! Cet endroit est maudit. On ne peut y accéder sans danger que le 13ème jour du 13ème mois.
Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? Que sais-tu du tueur du 13ème jour du 13ème mois ? »

Et Haze eut une vision. Un flash. Il se rappelle alors une conversation avec Johanna. Dans sa cuisine. Elle était en panique totale et lui a parlé du tueur. Elle disait le connaître. Elle disait que c'était lui, Sodek Nofink, qui tuait chaque 13ème jour du 13mois. Lui aussi, comme Coleman voudrait ouvrir une Porte aux Cœlacanthes. Mais il aurait un plan à long terme. À beaucoup plus long terme. Cela ferait longtemps que Sodek mûrit son plan. Il aurait même commencé à tuer avant Coleman. Et Sodek voulait tuer... Edes !

Haze ne savait plus. Edes avait-elle été assassinée ou non ? Si oui, cette fille était un fantôme et il était... certainement pas au Paradis. Où ça alors ? L'Enfer ? Le Purgatoire ? Était-il mort lui aussi ? Dans le crash de l'hélicoptère... Avait-il basculé dans ce monde de folie et de cauchemars dont parlait Coleman, ce Millevaux ? Et jamais un téléphone quand on en a besoin ! Il aurait bien eu besoin des conseil de Contrôle à ce moment précis.

« Edes... Es-tu... Vivante ?
Évidemment, imbécile ! Je ne serais pas là à te parler sinon. Mais je suis la dernière, la seule survivante. Mon clan, toutes mes familles ont péri dans la fracture. Seules... enfin, nous avons pu remonter de l'Abysse.
Nous ?
Oui, la Magicienne. Elle aussi a pu remonter. C'est elle qui m'a tiré de là. Elle m'a sauvé, cette fois encore. »

Et Edes tapotait du doigt la coquille de noix qui lui servait d’œil.

« La Magicienne ? Je dois la voir. Où est-elle ?
Je suis là, Damon-Demian. »

Haze reconnut tout de suite cette silhouette. Ce long manteau et cette toque en fourrure. Le Magicien ! La Magicienne... C'était pourtant bien UN Magicien qu'il avait interrogé dans les locaux de la police d'Olympia quand il enquêtait sur Coleman ?

« Je dois rêver, lâcha-t-il dans un souffle. Mais je ne veux pas.
Tu vois, rebondit Edes. Tu parles encore comme lui. Le Fondateur disait ça lui aussi. Il devait rêver mais ne voulait pas. »

La magicienne l'observa avec un certain amusement. Elle fouilla dans sa besace et tendit devant lui ses deux paumes ouvertes.

« La Bille ou la Noix ? Le 13ème jour ou le 13ème mois ? Choisis ! »

Et le visage de la Magicienne se fendit d'un large sourire. Haze flairait l'arnaque à plusieurs kilomètres. Il ne voulait pas choisir. Et pourtant... Il fixa Edes droit dans les yeux. Dans l’œil et la Noix... Vas pour la Noix ?

Et il saisit la...

Le réfectoire d'un hôpital. Non ! Le réfectoire DE l'Hôpital. Les patients sont en train de manger. Soudain, l'un d'eux se lève. Pris d'une crise de démence, il renverse sa chaise. La bave aux lèvres, il se jette sur son voisin et lui plante sa fourchette dans la gorge.
Le patient 58,un homme d'une cinquantaine d'années, est rapidement maîtrisé par les Blouses Blanches. Sodek, comme beaucoup d'autres patients, est resté impassible. Il a tout de même remarqué que le patient 58 a les épaules couvertes de pellicules. Mentalement, il prend des notes. Aujourd'hui, le 58. Avant-hier, le 71. Demain, le 46...
Pour Sodek, n° 82, tout est clair. Ceci est un message. Et qui dit message, dit messager. Et qui dit messager dit... Nyarlathotep !

Ville de XXXX. Ce parc d'attractions est particulièrement bien gardé, de jour comme de nuit, car son sous-sol abrite des locaux de la Compagnie. Aujourd'hui, ici-même, le chef-instructeur Snyder participe à une réunion du Département Spécial de la Compagnie avec des cadres de l'Ingénierie Mnémonique et de la Mythographie.
Ce matin, tout le monde tente de faire bonne figure mais, contrairement à ce qui se passe en surface, l'ambiance n'est pas à la fête. Le désespoir et la peur se lisent dans les regards des uns et des autres. La nouvelle est tombé et elle est mauvaise. Très mauvaise. Blue City est en proie à une corruption d'origine inconnue. Des noms reviennent néanmoins : le Cruel Centipède, Shub'Niggurath, le Roi en Jaune, Millevaux.
Snyder tente malgré tout d'être rassurant. Il a une piste, affirme-t-il, un atout. Ce nouvel agent, Haze. Il connaît Millevaux. Il y a encore une chance de sauver Blue City... et le monde.

OMNISCIENCE :

Depuis quelques jours, depuis qu'il a tué deux membres de sa communauté, SiAber se sent mal. Ce ne sont ni les remords, ni la culpabilité mais des images étranges qui lui sont venues en rêve peu de temps après qui le rongent. En réalité, ce ne sont pas des rêves mais des souvenirs. Mais, ce ne sont pas les siens. Ce sont ceux des personnes qu'il a tuées. Il voit ainsi la première dans une cabane à moitié en ruine, sorte de taverne, perdue dans des marais. Là, il boit en compagnie d'une bande de dégénérés qui ont tout l'air d'une bande de cannibales. Tous, ils rient en buvant et se donnant de grandes tapes dans le dos. Son autre rêve lui paraît plus intéressant. Même si plus mystérieux. Il revoit la Prison du Roi-Volcan. Ce membre de son clan s'y est rendu. Il a vu, dans ces ruines, le Roi-Volcan et le Roi-Volcan lui a donné un nombre. Ce nombre était le 13.

Aujourd'hui, SiAber a suivi la Magicienne dans la forêt. Ou plutôt, elle s'est laissée suivre. Arrivée au Noyer, elle lui fait face et, lui tendant les mains, paumes ouvertes, lui propose de choisir entre une Noix et une Bille.
SiAber choisit la...
Ses visions le transportent dans un autre monde ou un autre temps. Il ne sait plus. En tout cas, cela n'a rien à voir avec ses visions habituelles. Là, il ne se contente pas de voir fugacement, partiellement, ce qui va advenir. Ses visions lui donnent... une mission. Il doit accomplir quelque chose pour accéder à une vision « Primordiale », quelque chose d'important, de capital !

Quand il ouvre les yeux, SiAber reconnaît cette étrange pyramide au Nord-Ouest des Colonnes. Mais quelque chose a changé. Quelque chose de majeur. De radical ! Il neige !!! La pyramide. La forêt. Millevaux est sous la neige !
Une silhouette se dessine à l'une des entrées de la pyramide. Un Horla ! Il a un corps d'homme mais sa tête est un amas de tentacules grouillants. Le torse de la créature est scarifié au niveau du cœur. Ces cicatrices, SiAber le sait, symbolise le nombre 13. malgré la neige et le froid, le Horla ne porte qu'un long pagne de couleur pourpre. Il a les bras levés en croix et semble dans une sorte de transe qui le fait onduler lentement. Autour de lui, l'air se cristallise en pétales de fleurs tombant à ses pieds. Fragments de rose en hologramme...
SiAber est terrifié. Pourtant, le Horla semble inoffensif. Il ne bouge pas. À se demander s'il a conscience de la présence de SiAber. Pourtant...
« Je suis le Kraken ! L'oubli m'a jeté au fond d'un océan de solitude, à 13000 m de profondeur. Retrouver mon nom apaiserait mon âme... Parce que le joueur le sait, je le sais et tu le sais. La forêt est Millevaux est Shub'Niggurath. La neige est Ithaqua. La Magicienne est à tes côtés. »
Et à ces mots, le Kraken s'en retourne à l'intérieur de la pyramide, laissant SiAber là, interdit. Un raclement de gorge à sa droite attire son attention. La Magicienne est là... à ses côtés. Mais quelque chose a changé chez elle. Son long manteau glisse sur ses épaules qui se révèlent être en acier. Des symboles sont gravés dessus. SiAber s'approche pour mieux les voir mais la Magicienne recule et remonte son manteau. Elle le regarde droit dans les yeux. SiAber jurerait qu'elle tente de le charmer. Elle fouille dans ses poches et en sort une Bille et une Noix.
« Choisis »
Et SiAber choisit la...

Qu'est-ce que c'est que cet endroit ? Là, de jeunes garçons sont la proie de horlacanthes qui leur arrachent les bourses avec une arme-cactus électrique, sans anesthésie. L'arme les cautérise. Puis ils restent parqués ici, vivant captifs dans leur propre merde. Qu'est-ce que ça veut dire ? Que doit-il faire ? Sauver un enfant ? Lequel ? Déjà, il cherche un endroit d'où pouvoir mieux observer la scène sans être vu des Cœlacanthes.
Une fois à l'abri derrière... Derrière quoi ? SiAber se rend alors compte que si les enfants et les Cœlacanthes lui apparaissent très nettement, tout me reste est flou. Concrètement, il lui est impossible de dire où il est, à quoi ressemble cet endroit. Cela lui donne presque le tournis. Il doit même se concentrer pour que les enfants ne deviennent pas flous eux aussi. Il sent qu'il doit agir vite. Aussi, il relâche les araignées qu'il a en lui et les envoie faire diversion. Il espère ainsi attirer ailleurs l'attention des monstres pendant qu'il s'emparera d'un enfant (mais lequel et pourquoi celui-là plus qu'un autre?) et s'enfuira par cette porte qu'il sait (mais comment?) être derrière lui sur sa gauche.
Il se recroqueville alors sur lui-même et ouvre grand les yeux et la bouche. Il sent alors des milliers d'araignées s'agiter et sortir de son corps. Alors qu'elles se mettent à recouvrir deux horlacanthes opérant sur de jeunes garçons, SiAber rampe dans la direction opposée. Il s'approche d'un enfant et le tire par le bras. Il lui plaque la main sur la bouche pour l'empêcher de crier et, alors que les monstres se débattent avec les araignées, il le tire vers la sortie. Mais avant de passer la porte, il tire deux Noix de sa besace et lui en tend une. Et lui dit :
« Je suis le Corvidé ! Ici et maintenant je te donne cette Noix pour transporter ton âme dans la vie suivante. Je suis le Corvidé !
Écoute les yeux, répond le garçon. Ils te disent de répéter ton mantra pour accéder à la Vision. Ils te disent que mon sang doit couler »

SiAber acquiesce. Il sort une dague de sa besace et entaille la main du garçon. Alors, le décor cesse d'être flou. Et la porte apparaît nettement. Il entraîne le garçon.

Dehors, dans la neige, la Magicienne est là. Elle attend.

« Camille ! Viens ! »

Elle ouvre grand son manteau et le jeune garçon s'y réfugie, à l'abri du froid. Alors qu'elle le referme sur eux deux, elle prend soin de laisser nues ses épaules d'acier. SiAber s'approche et parcourt du doigts les étranges gravures en langue putride. Il comprend...

Le Cruel Centipède, une nouvelle forme de Millevaux, cette maladie qui ronge l'espace et le temps. Cette corruption. Cette putréfaction. L'univers, les univers meurent ! Il(s) se décompose(ent) et Millevaux sont ses miasmes protéiformes et pourrissant qui en émanent et se répandent, condamnant ce qui reste du cadavre de l'Hommonde à une lente désagrégation. L'Hommonde ? Qu'est-ce que c'est ?
SiAber a un mouvement de recul. La Magicienne se retourne et lui présente son autre épaule. D'autres gravures, mais pas en langue putride cette fois. Les « Dunes Vivantes », la paix contre la nocive alliance.
SiAber fixe son regard sur la Magicienne mais elle ne lui accorde plus aucune attention. Elle ne songe plus qu'à réchauffer et cajoler le jeune Camille. Mais il sait ! Il sait que les Dunes Vivantes l'aideront à vaincre la neige, à vaincre la forêt, à faire reculer Millevaux !

SiAber ouvre les yeux. La Magicienne, celle aux épaules de chair, est face a lui. Elle lui sourit. Quelque chose dans son regard lui dit qu'elle sait. Elle sait tout ! Tout ?
Elle lui tend les mains, paumes ouvertes. L'une est vide. Dans l'autre, il reste une...
SiAber s'en saisit...

Il reconnaît cet endroit. Il est consacré au Roi-Volcan. Devant la porte, deux personnes semblent l'attendre. Un homme, plutôt mal en point, à l'air nerveux, se présente comme étant un certain Damon Haze. Le femme prétend s'appeler Sodek NoFink et elle fait peur à SiAber. Elle lève la main et déclare.
« Le Roi-Volcan m'a donné un nombre et ce nombre est... »

Et d'un geste, elle nous invite, ce Haze et moi ,à entrer dans la prison du Roi-Volcan. Elle n'a pas besoin d'en dire plus, Haze et SiAber ont très bien compris ce qu'il doivent faire : trouver le Roi-Volcan pour qu'il leur donne leur nombre.
SiAber se rappelle que tout cela n'est qu'une vision. Rien n'est réel. Pas encore. Il sait, en tant que chaman du clan des Arbres, qu'il a la main-mise sur une partie de ce qui va se passer. Ce Haze est certainement un homme bon, mais s'il veut savoir, percer les secrets, SiAber doit trouver le Roi-Volcan avant lui.
Haze entre et prend immédiatement le couloir sur sa gauche. SiAber, lui, demeure immobile et se concentre. Mais il a du mal à conserver son calme. Une voix résonne en lui. « Commence par la dernière chose ! Le monde est un cut-up ! »
Ses yeux lui piquent d'une façon vraiment désagréable. Ça bourdonne dans sa tête. Il farfouille dans sa besace et en sort une carte. Une sorte de lame de tarot. Mais dessus, il y a des mots. Sur tout le pourtour de la carte, des mots. Au milieu de la carte, des mots ! Un titre : Soudain... Juste en dessous : « Commence par la dernière chose. Perds ton calme. Aide l'ennemi ou le monstre. Un tremblement de terre. Une personne a en fait un dédoublement de personnalité. » Il y a bien d'autres mots sur cette carte mais SiAber ne parvient pas à les lire. Il comprend que cette douleur dans sa tête et dans ses yeux est la rage qui tente de sortir. Il comprend que l'ennemi qu'il doit aider est Sodek. Il comprend que cet homme dans ce corps de femme, Sodek, souffre d'un dédoublement de la personnalité. Et quand il se concentre sur la terre, pour écouter les conseils des racines des arbres, il entend les prémices d'un tremblement de terre. La dernière chose à faire... serait de rester dans cette prison dont ce qui reste des ruines va bientôt s'effondrer sur ceux qui seront à l'intérieur. Et il aidera son ennemi, Johanna, en la délivrant de Sodek. Tuer Sodek ! Ce serait vraiment la dernière chose à faire. Comment percer ses secrets s'il meurt ? Ça, ce serait vraiment la dernière chose à faire. « Perds ton calme ! »

SiAber pousse un grognement et sort de la prison. Il se plante, les deux pieds dans la neige, face à Sodek et crie :
« Je suis le Corvidé ! Ici et maintenant, pour maintenir l'équilibre entre la vie et la mort, je vais transporter ton âme dans sa vie suivante ! Je suis le Corvidé ! Je vais vider ton corps ! »

Sodek s'empare alors de son arme, une sorte de pistolet-cactus, et la braque en direction de SiAber. Mais quelque chose l'empêche de tirer. Les Yeux de la forêt sont braqués sur eux. Ils vont dire à SiAber ce qu'il doit faire. S'il accepte, alors Sodek mourra.

« Tout cela est un cycle dont l'ivresse te guérira... Mais Haze mourra...
J'accepte ! »

Alors, la terre se met à trembler. Derrière lui, les ruines de la prison du Roi-Volcan s'écroule. Le bruit est tel qu'on entend même pas les cris de Haze. SiAber enfonce profondément ses pieds dans la neige. Il sent les vibrations de la terre. Il veut se transformer en arbre pour tuer Sodek mais quelque chose ne fonctionne pas dans son mantra. Le Corvidé est là. Il fait obstacle. Il s’immisce. Alors que SiAber tente de plonger ses racines dans le sol à la recherche de celles de son totem, il sent les cornes de son masque pousser. Vers le haut, dans le ciel. Mais aussi vers le bas, dans son crane. Les bois s'enfoncent dans son cerveau et cheminent tout le long de son système nerveux. Jusqu'au bout de ses pieds, de ses racines, pour enfin s'enfoncer dans la sol. Les bois vont jusqu'au bout de ses doigts qu'ils transpercent pour devenir d'improbables griffes. SiAber lève les bras en direction de Sodek et ses branchages s'allongent à toute vitesse, transperçant Sodek de part en part. Alors, le sang de Sodek se mêlant à la sève de SiAber, ce dernier sait. Il sait qui est la Terre et il sait qui est la Neige qui la recouvre. Ithaqua, le Marcheur du Vent, s'est allié à Shub'Niggurath. Il a recouvert Millevaux de son manteau de neige protectrice, figeant ainsi la forêt dans un hiver éternel. La Neige, la poudre, la poussière d'ange, l'ivresse, la défonce, l'hubris, la folie dionysiaque... La Neige d'Ithaqua est cette cocaïne qui maintient Millevaux dans une perpétuelle folie. Johanna était folle. Folle car habitée par Sodek NoFink. Les meurtres perpétrés par Sodek n'avaient pas pour seule vocation d'ouvrir une porte aux Cœlacanthes. Sodek savait ce que Johanna ne savait pas. Ces meurtres n'avaient pour seule vocation de sceller l'alliance entre Ithaqua et Shub'Niggurath. Sodek savait pour l'Hommonde ! Il savait que l'Hommonde était mort et que sa mort, sa décomposition avait engendré un cycle d'entropie. Or, l'entropie c'est la vie ! La mort de l'Hommonde était donc synonyme de vie. Mais cette décomposition s'achèverait nécessairement par la disparition totale du cadavre de l'Hommonde, signifiant alors la fin de la vie, de toutes les formes de vie ayant émergé de ce corps mort. Toutes les formes de vie dont Millevaux, les miasmes s'échappant de ce corps en putréfaction. Ces miasmes portés par le vent qui se répandaient et contaminaient le Néant, accélérant (involontairement?) la décomposition du cadavre de l'Hommonde. Les hommes que tuait Sodek n'étaient pas que d'anciens patient de l'Hôpital, ils étaient aussi, à ses yeux, des symboles de l'Hommonde, un vieil homme mourant. Tel était donc le secret de Sodek. SiAber n'était pas certain d'avoir tout saisi ni tout compris. Mais cela, il le sentait, ne lui appartenait plus. Sous son masque, par sa bouche de bois, les araignées quittaient son corps par milliers. Elles courraient le long des branches jusqu'à Sodek et tissaient leur toile autour de lui. Certaines commençaient à le manger, à pondre. SiAber se sentit étrangement vide quand la dernière araignée eut déserté son corps de chair et de bois. Mais alors, une mouche vint se poser sur lui. Et d'autres arrivèrent. Elles, elles achèveraient de comprendre tout ce que cela voulait dire...

SiAber ouvre les yeux. Il est dans une clairière. Au centre, un gigantesque noyer. Au pied de l'arbre, un vieux grammophone. Il y a un disque posé dessus. SiAber remonte la mécanique en tournant la manivelle. Une musique dissonante et discordante se fait entendre. Puis une voix...

« Je suis le Corps Vidé. Je ne suis ni un bon ni un mauvais présage. La dernière âme que j'ai accompagné au repos est celle de Johanna Ackermann. C'est dur de vivre entre la vie et la mort... »

SiAber se met à pleurer. Il se dirige vers l'arbre et cueille une poignée de Noix.


Haze ouvre les yeux dans une salle de bain. Les murs sont fait de carrelages vieillots, la faïence est fendue. Les robinets sont ouvragés avec raffinement mais très abîmés et gouttent en permanence. Il fait froid et la fenêtre ouverte donne sur la forêt, on entend des chouettes. Le bidet et le lavabo sont sales. Il y a une baignoire remplie d'une eau grise où surnagent des feuilles mortes. Une étrange musique vient de... impossible à définir. Haze reconnaît l'album Body and Soul de Cabaret Voltaire. Il se plante devant la glace et ne se reconnaît pas. Face à lui se tient un enfant. Une fille ou un garçon, difficile d'en être sûr juste en regardant ce visage triste.
Haze s'approche de la baignoire. Quelque chose de fatal va arriver, il le sent. Mais il sent aussi que...
Il se plonge dans l'eau sale. Il aspire une grande goulée d'air et plonge la tête la dans l'eau en fermant les yeux. Quand il les ouvre à nouveau, il est de nouveau dans cette forêt enneigée. Il entend toujours la musique. Devant lui, un vieux bâtiment en ruine. Adossée à un mur, une cigarette à la bouche, Johanna. Non, Sodek NoFink !

« Edes ? Elle est morte ? Tu l'as tuée finalement ?
Oui, et j'ai fait ça salement si tu veux savoir. Comme un porc... »

Haze se jette sur Sodek ! Mais il pare le coup, lui saisit le bras, le retourne et manque de lui démettre l'épaule.

« Ne fais pas l'enfant ! Calme-toi. On attend quelqu'un.
Qui ça ?
Je ne sais pas trop. Un chaman du Clan des Arbres. Sais-tu où nous sommes ?
Non.
La prison du Roi-Volcan. Le Roi-Volcan doit me donner un nombre.
Un nombre ?
Oui, mais... C'est compliqué, Damon. Tout ça te dépasse. Nous dépasse. Tout a un sens mais ce n'est pas forcément à nous qu'il incombe de le saisir. C'est la tâche du Joueur. Nous ne sommes que des révélateurs. Des pions améliorés. Mes morts ont un nombre et le Roi-Volcan en a un aussi. Je tuerai à nouveau, comme j'ai tué Edes et comme j'ai tué ces nombres. Mais il me faut aussi le nombre du Roi-Volcan. Le Roi-Volcan est bon mais il lui faut un sacrifice. Ce sera toi ou lui. »

Haze se tourne dans la direction indiquée par Sodek et voit un homme étrange. Aucune idée d'où il surgit, ni même de comment. Ses vêtements de cuir et de fourrures sont sales, couverts de terre et de sang. Il porte un masque, sorte de sac de toile sur lequel sont fixées des cornes de cerf.

Sodek se tourne vers le nouvel arrivant, lève la main et déclare.
« Le Roi-Volcan m'a donné un nombre et ce nombre est... »

...d'un geste, elle nous invite, ce type et moi, à entrer dans la prison du Roi-Volcan. Elle n'a pas besoin d'en dire plus, tous deux ont très bien compris ce qu'il doivent faire : trouver le Roi-Volcan pour qu'il leur donne leur nombre.
Haze ne sait plus si tout cela est bien réel, mais s'il veut savoir, percer les secrets, il doit trouver le Roi-Volcan avant ce type. Haze entre et, plantant l'homme dans l'entrée, prend immédiatement le couloir sur sa gauche.

Haze n'a aucune idée de comment trouver ce foutu Roi-Volcan. Il n'a même aucune idée de ce à quoi il peut bien ressembler. En tout cas, tout ça est lié à Millevaux. Et il porte une part de Millevaux sur lui : le Cruel Centipède. Après avoir vérifié que l'autre gars ne l'avait pas suivi, il se saisit du Cruel Centipède et le fixe du regard, espérant un signe. Aucune réaction de la part de cette chose mais... Haze se rend compte qu'il entend toujours cette musique. Toujours le même album du même groupe. Ça n'a pas de sens. Si, ça a forcément du sens. Réfléchis Haze !

Cabaret Voltaire, Body and Soul. Cabaret, une scène, un spectacle, une illusion. Voltaire, un philosophe, les Lumières, LA Lumière, la métaphysique. Body, le corps, mortel, un corps mort. Le meurtre métaphysique ! Soul, l'âme. Une âme, celle de qui ? La sienne ? Celle de Johanna, de Sodek ? De ses victimes ? L'âme ? Qu'est-ce que l'âme ? Une illusion. Un produit permettant à un organisme de percevoir son unité en vue de mettre en place les stratégies de préservation de son intégrité. Une illusion, un spectacle, un cabaret... Paul Singer, Dionysos, l'a dit. Tout ça n'est qu'un petit théâtre. Et si ce qui était le plus important aux yeux des hommes n'était qu'une illusion, un spectacle ? À destination de quel spectateur ? Qui se réjouit du spectacle de nos âmes ? Un Dieu ? Le Joueur ? Des Dieux ? Millevaux est hanté par des Dieux.
Haze croit comprendre. Il y a un message derrière tout ça. Ce spectacle est à destination de quelqu'un. C'est bien un message. Mais qui dit message dit messager. Et qui dit Messager dit Nyarlathotep ! Nyarlatothep ! Le messager des Dieux, le message et le moyen de communication. Et quel meilleur moyen de communication pour un Dieu fou qu'une série de meurtres ? Les meurtres de Sodek ne sont pas que les bornes d'un rituel visant à ouvrir une porte aux Cœlacanthes. C'est aussi un message. Un message chiffré puisqu'à chaque victime correspond un nombre. Mais lequel ? Des... coordonnées. Tous ces chiffres doivent être des coordonnées, ou un code dont le Roi-Volcan aurait la clé ?
Haze secoue la tête. Comment sait-il que les victimes de Sodek ont chacune un nombre ? Johanna lui a raconté une partie de son histoire. Mais celle-là ? Il ne sait plus. Mais il sait que ce que sait le Joueur, les personnages le savent également. Ou du moins, ils peuvent accéder à quelques bribes de ce savoir. La musique ! C'est ça ! Haze comprend. C'est le Joueur qui écoute cette musique. Là, maintenant, tout de suite, il a accès au Joueur !

Soudain, la terre tremble ! Quelques briques tombent du haut des murs. Haze sait qu'il n'en a plus pour très longtemps. Mais il sait ce qu'il doit chercher. Les Yeux ont menti. Il ne mourra pas ! Ou alors, il mourra pour renaître.

La terre tremble de plus en plus et ce sont maintenant des pans de murs entier qui s'écroulent. Haze regarde autour de lui et ne trouve nul part où se mettre à l'abri. Dans sa main, il tient toujours le Cruel Centipède. Il a une idée. Ça va marcher. C'est obligé !

Il libère alors le Cruel Centipède. La créature tombe au sol. Elle se met à grandir et se tortille, s'enroule sur elle-même en un motif compliqué. Haze, grâce au Joueur, reconnaît ce motif. C'est la rune Hshl et le nombre du Roi-Volcan est le 1808. Haze cligne des yeux. Un horrible bourdonnement de mouches lui vrille le crane. Il se sent aspiré par le Néant dans lequel gît le cadavre de l'Hommonde. Ça n'a aucun sens. Pas encore... Il doit mourir pour renaître...

Haze a donné rendez-vous à Johanna sur le front de mer. Il comptait prendre un verre avant de l'emmener au restaurant mais... la conversation a pris une autre tournure. Sodek s'est invité. Non en tant qu'interlocuteur mais malgré tout en tant que sujet. Johanna a peur. Elle fait de son mieux pour garder une certaine contenance mais Haze sent bien qu'elle est à deux doigts de craquer. Il sent aussi que c'est le bon moment.

« Johanna, c'est toi qui a tué Edes ?
Oui. Enfin, c'est Sodek.
Et tout ça a à voir avec son « grand plan » ?
Bien sûr. Il n'y a pas de hasard. Ces autres victimes ont un nombre. Mais pas Edes. Elle, c'est différent mais ça fait aussi parti du plan. Ce meurtre là, c'est comme... une fractale. Un fragment de rose en hologramme. C'est l'univers...
Des nombres ?
Oui, chaque victime avait un nombre, un numéro... à l'Hôpital. Je crois que tout ça forme une série. Je ne sais pas trop. Il ne m'a pas tout dit. Mais il y a une histoire de nombre.
Et Edes, pourquoi cette mise en scène ? Pourquoi le... porc ?
Parce que... c'est comme ça. Partout. Partout où Le Meurtre a lieu, il y a... le porc. Et le Tueur... Des fois, c'est un tueur en série. Des fois, c'est un enfant. Des fois, il est aveugle. Des fois, il a des cornes sur la tête. Mais tout le temps, il y a le porc...
Est-ce que... est-ce que je vais mourir ?
Oui, mais... pour renaître... »

Haze a reçu un appel anonyme. On lui a donné rendez-vous dans un terrain vague. Il doit venir cette nuit. Seul, évidemment. Et sans arme bien sûr. Son interlocuteur a déclaré travailler pour quelqu'un qui avait quelque chose à lui remettre pour la Compagnie. Il n'a pas voulu en dire plus mais cette référence à la Compagnie était suffisante pour qu'Haze prenne le risque d'accepter ces conditions.
À l'heure dite, une limousine aux vitres teintées fait son apparition, phares éteints. Le véhicule s'arrête à une dizaine de mètres de Haze. Il fait mine de s'approcher mais la porte du conducteur s'ouvre. Celui-ci fait mine de porter la main droite au niveau de son aisselle gauche et, de la main gauche, lui fait signe de rester là où il est. Haze obéit. Le chauffeur ouvre alors la portière arrière. Le chauffeur se penche et échange quelques mots inaudibles avec son patron. Il ferme la portière et se dirige vers Haze. Sans un mot, il lui remet une boîte. Haze ne peut s'empêcher de l'ouvrir. Dedans, une fiole en verre. Et dans la fiole, le Cruel Centipède. Le chauffeur se barre les lèvres de son index puis, les deux paumes levées, fait signe à Haze de reculer. Marchant à reculons, le chauffeur regagne la limousine et redémarre.
Haze range la boîte dans la poche intérieure de sa veste. Il en est convaincu, l'Horreur vient de prendre une nouvelle forme, arpentant le monde au milieu des mortels...

Le meurtre d'Edes Corso a fait la une de tous les journaux et l'ouverture de tous les JT nationaux et même internationaux. La riche héritière était très célèbre et les journalistes ont adoré décrire encore et encore les détails les plus salaces de la scène de crime. Les blessures au visage mais surtout... le porc. Célébrité et argent oblige, la police a mis les bouchées doubles sur l'affaire. Des croisements effectués à la suite de prélèvements d'ADN ont permis de remonter jusqu'à une certaine Johanna Ackermann. Il semblerait donc que cette femme ait été présente sur toutes les scènes de crime. Pas seulement celle d'Edes Corso mais aussi celles de ces hommes dont la mort était attribuée au Tueur du Calendrier.
Ackermann s'est rendue sans opposer de résistance. Lors des premiers interrogatoires, elle a peiné à raconter ce qu'elle savait. On aurait dit qu'elle racontait une histoire vécue par un autre. Puis, au détour d'un entretien avec un des experts psychiatres, la personnalité de Sodek NoFink a fait son apparition. Il a tenu alors des propos plus qu'incohérents, affirmant que oui toutes ces morts, même celle d'Edes Corso s'inscrivaient dans un vaste plan. Oui, ce plan était interrompu mais, après tout, le mal était fait et rien n'empêcherait plus sa réalisation. Ici ou ailleurs... il affirma également que ce n'était pas par hasard qu'Edes Corso s'était entiché de cet ancien agent du FBI. Elle savait qu'il était mêlé à tout ça. Et elle savait qu'elle allait mourir. Il alla même jusqu'à dire que c'était pour l'approcher lui, Sodek, qu'elle avait fait la connaissance de l'ex agent Haze. Tout ça faisait donc parti de ce fameux plan. Aucune logique là-dedans, aux dires du psychiatre. Les délires d'un fou. Ou plutôt, d'une folle. C'était certainement par unique jalousie qu'elle s'était attaquée à Edes Corso. Et pour les autres hommes, une enquête sur l'enfance de Johanna fit état d'une hospitalisation en maison de repos. Là, il semblerait qu'elle fut abusée par un autre patient pouvant présenter des ressemblances avec ses victimes en tant que Tueur du Calendrier.
Ackermann fut condamnée à être internée en institut psychiatrique de haute sécurité pour une durée de 13 ans.


Réponse de Thomas !

A. Encore un grand merci pour ce CR qui s’avère être à nouveau une novelette !

B. Damon Haze et Edes Corso en couple, la rencontre de deux persos principaux de la première et de la deuxième campagne, c’est enthousiasmant ! Tu es train de tisser ta saga personnelle à travers Millevaux.

C. J’adore le côté super méta de voir Millevaux comme un virus libéré sous licence creative commons, afin que n’importe qui puisse créer ses propres souches mutantes ! Pour l’exactitude, Millevaux n’est pas en creative commons mais dans le domaine public. Je pense qu’ « open source » serait le terme qui collerait mieux à ta fiction, pour sa connotation hacker.

D. Sympa de voir certaines thématiques de Millevaux (l’emprise, avec cette forêt tropicale enneigée, et l’oubli) se retrouver exploitées dans ce CR !

E. La contamination des mondes par Millevaux est un thème récurrent de Millevaux Mantra, j’ignore à quel point tu exploites ce jeu dans ta campagne (juste le contexte ? Aussi les tables ? Ou aussi le système?)

F. « une bouche dessinée sur le mur scande « Je suis Dionysos ! La Voix de la Bouche ! Dansez ! Chantez, les ivres et les fous ! » : la bouche dessinée chante vraiment où les paroles sont justes écrites sur le mur ?

G. « Haze plonge sa main dans sa poche et en tire un jeu de cartes. Il en sait pas ce que ce jeu fait là. Il n'aime pas jouer aux cartes. Enfin, pas spécialement. Juste comme ça, il en tire 2 au hasard : 10 de cœur et 5 de trèfle. » Je suppose qu’il s’agit des cartes à tirer dans le jeu « Le Tueur du Calendrier » motorisé par Protocol ? J’aime beaucoup cette mise en abîme !

H. Encore un trip méta avec le personnage qui base ses réflexions sur le jeu de rôle épistolaire De Profundis… qu’il n’a en réalité pas lu : la pervasivité entre le personnage et le joueur joue à plein.

I. Un petit extrait de l’Apocalypse selon Millevaux fort à propos suivi d’une dégustation de sa propre chair carbonisée, un moment tout cronenbergien !

I. Le Roman qui rend fou : hommage au roi en jaune et nouvelle poupée gigogne narrative avec cette référence à Tad Corso, le PJ de ta deuxième campagne Millevaux:)

J. Les références à Patient 13 sont de plus en plus appuyées. A ce sujet, je ne peux que conseiller L’Hôpital, un crossover Millevaux / Patient 13 par Eugénie.

K. SiAber possède les souvenirs des personnes qu’il a tuées : clin d’œil à Ecorce, je suppose ?

L. Intéressant que l’enfant sauvé de l’abattoir par SiAber dans un des cauchemars de Coelacanthes s’avère être Camille, l’enfant d’un autre des cauchemars de Coelacanthes:) Tout ceci préfigure un maelstroms de liens logiques entre tous les éléments de ta campagne.

M. Les gravures sur la chair de la Magicienne évoquent la sarcomantie, l’art de remodeler la chair qui est pratiqué à Millevaux, avec du « liquide sarcomantique » et des baguettes de bois

N. Est-ce que la « lame de tarot » que prend SiAber est une carte de Muses & Oracles ?

O. « Les hommes que tuait Sodek n'étaient pas que d'anciens patient de l'Hôpital, ils étaient aussi, à ses yeux, des symboles de l'Hommonde, un vieil homme mourant. » Est-ce qu’on peut dire que Sodek s’en prenait à des anciens PJ ou a des PNJ-clés, commentant des meurtres au caractère très méta ?

P. Retour à la Maison Carogne pour Haze. Finalement, ce scénario de Coelacanthes s’avère central dans ta cosmogonie de campagne. Je me demande ce que donneraient d’autres zones méta de Coelacanthes, comme le Château Illogique qu’on trouve en zone 9 dans le cauchemar d’Alice.

Q. Est-ce que les nombres du Roi-Volcan (et d’autres) que recherchent Sodek NoFink correspondent à des numéros de carte, comme par exemple les cartes de Muses & Oracles ?

R. « Cabaret Voltaire, Body and Soul. Cabaret, une scène, un spectacle, une illusion. Voltaire, un philosophe, les Lumières, LA Lumière, la métaphysique. Body, le corps, mortel, un corps mort. Le meurtre métaphysique ! Soul, l'âme. Une âme, celle de qui ? La sienne ? Celle de Johanna, de Sodek ? De ses victimes ? L'âme ? Qu'est-ce que l'âme ? Une illusion. Un produit permettant à un organisme de percevoir son unité en vue de mettre en place les stratégies de préservation de son intégrité. Une illusion, un spectacle, un cabaret... Paul Singer, Dionysos, l'a dit. Tout ça n'est qu'un petit théâtre. Et si ce qui était le plus important aux yeux des hommes n'était qu'une illusion, un spectacle ? À destination de quel spectateur ? Qui se réjouit du spectacle de nos âmes ? » : tout ceci m’évoque, en plus de la métaphore méta, les palais mentaux, reflet de l’inconscient des personnes, dans Little Hô-Chi-Minh-Ville, et le fait que ces palais soient sous surveillance.

S. J’adore le fait que le personnage entende la musique qu’écoute le joueur. On poursuit la mise en abîme. Pour te confier une anecdote personnelle, il m’arrive très souvent de rêver que je mets en place une partie de jeu de rôle (souvent d’ailleurs sans pouvoir la concrétiser), ou de « réaliser » que mon rêve est en fait une partie de jeu de rôle, et sur un rêve particulièrement intense, j’ai justement entendu une bande-son.
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Pikathulhu
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

TOMBÉ DU CIEL

Entre un prêtre exorciste qui avance ses pions, une escapade enfantine au cimetière et un mystérieux cadavre, un épisode construit avec un programme d'écriture de plus en plus complet et automatisé.

Joué / écrit le 10/02/2020

Jeu principal utilisé : L'Empreinte, de Thomas Munier, survivre à une transformation qui nous submerge

N.B. : Les personnages et les faits sont fictifs.

Le projet : Dans le mufle des Vosges, un roman-feuilleton Millevaux

Précision : ces feuilletons sont des premiers jets, donc beaucoup de coquilles demeurent. Merci pour votre compréhension.

Image
Stella Maris, cc-by-nc-nd, sur flickr

Contenu sensible :

Episode précédent :

13. La main et la couronne
Alors que les adversaires montrent les dents, les exorcistes s'organisent pour la dernière bataille. Retrouvez ici la réponse à la première question au public, et bien sûr une nouvelle question !


L'histoire :

Image
What has become of the one i love ?, par Yseulde, du post-americana lunaire et lo-fi pour un feu de camp introspectif à l'infini.

Dans cette fin de jour qu'est le crépuscule vosgien, une brume noyée de feuille mortes, humide comme sortie du lavoir, tombant toujours trop tôt, les questions se multipliaient au village. Déjà on jasait, et qui du Nono Elie ou qui de l'Oncle Mougeot seraient les plus prompts à répandre des rumeurs concernant la venue du Père Benoît. La seule chose certaine dans ce salmigondis de spéculations qui généraient déjà des faits par la seule force de leur existence, c'est que les choses ne seraient plus comme avant. Le prêtre exorciste du Diocèse était là : de tous les vosgiens il était le seul censé capable de tenir le diable par la queue. Mais que ferait-il des mortels ?

La première action publique qu'il fit souleva bien des conjectures. Avec une pique à mirabelliers, il tira le lierre qui rampait sur les murs de l'église.

Le Nono Elie argua qu'il était un peu diot et qu'il se prenait pour la bonne du curé. L'Oncle Mougeot rumina : pour lui, le Père Benoît faisait comprendre à tout le monde qu'il était là pour faire le ménage, sans tarder, et qu'il n'avait pas peur de se retrousser les manches.

L'Oncle Mougeot avait élu le bistrot du Pont des Fées pour quartier général de ses couâries, le Nono Elie était avec les bouilleurs de cru au Grand Bois. On puisait de l'eau dans le vieux château d'eau tout fissuré, elle coulait à gros bras dans les décalitres et les cuves de l'an passé, qu'il fallait rincer à grand renfort en prévision de la distillation prochaine. Les moins vaillants rentèrent dans leur pénate avant la presque-nuit. Le Grand Bois mérite bien son nom, c'est que forêt, ça n'est plus le domaine de l'homme, alors on traîne pas quand vient le soir. Mais le Nono Elie restait, il avait son fusil et son tracteur et puis il avait quelques ares de terrain dans le secteur, alors il alla les inspecter pendant que ses cuves dégorgeaient.

Bon, des champs, c'était juste des clairières aussitôt prises à la forêt aussitôt reprises, mais bon le Nono Elie était comme les autres fermiers, il comptait sur le moindre are, il fallait rien perdre, que ce soit par la forêt ou par les clôtures baladeuses des voisins. Alors quand il vit des corbeaux, vinrat des beusses grosses comme des blaireaux !, qui becquettaient ses grains semés de la veille, son sang ne fit qu'un tour. Il tira un premier coup de carabine qui dispersa les volatiles sans en toucher aucun. Chaque cartouche était précieuse, mais nom de Vieux il avait pas eu sa revanche, alors il tira à nouveau et vit une masse noire glisser dans l'obscurité pour retomber derrière le couvert des sapins. "En voilà un qui l'a pas volé, vindiou je l'ai bien mouché !"

Tac tac tac !

La Soeur-Marie-des-Eaux se redressa d'un coup sur sa couche, l'Opinel à la main. Quelqu'un qui frappe à la porte de la yourte en pleine grasse-nuit, c'est pas normal. Son coeur battait la chamade, contracté comme un utérus parturiant. Ses réflexes de vétéran finiraient par la tuer !

Il réveilla la Soeur Jacqueline et ouvrit la porte de la yourte comme un commando l'aurait fait. Derrière, c'était le Père Benoît, une lanterne dans une main, un bâton de marche dans l'autre.

"Tout est lié, fit-il.
- Tout est lié, répondit la Soeur Marie-des-Eaux, étonné de voir utilisé le salut mémoriel, dont lui-même avait dédaigné l'emploi aux Voivres, par pur dédain des conventions sociales. Mais après tout, le Père Benoît était un civilisé, et cet usage ne pouvait qu'agréer au mémographe qu'était la Soeur Marie-des-Eaux.
- Voici mon histoire : je suis le Père Benoît, je suis le prêtre exorciste du Diocèse. C'est moi qui vous ai formé, Soeur Jacqueline, puis qui vous ai demandé de former Soeur Marie-des-Eaux. Je suis ici sur la demande du Père Houillon, afin de chasser le diable de ces terres.
- Voici mon histoire : je suis la Soeur Marie-des-Eaux, et je suis une ancienne enfant-soldat. J'ai été intégré au couvent des Soeurs du Très-Saint-Sauveur et en effet, c'est la Soeur Jacqueline qui m'a formée à l'exorcisme dans les forêts limbiques. Nous sommes venues aux Voivres par mandat du Diocèse. Donc, pour ce qui est de chasser le diable, nous nous en occupons déjà, Père Benoît.
- Fort bien, je n'en attendais pas moins de vous. Mais la durée de votre absence, et le dernier pigeon voyageur du père Houillon ont incité l'évêque à me mander d'urgence à mon retour de Gérardmer pour prendre les choses en main. J'ai plus d'expérience que vous, je suis habilité à célébrer les offices nécessaires, et vous êtes sous mon commandement.
- ... Mais pourquoi nous réveiller à la grasse nuit ?
- Ne me posez pas de questions. C'est à la Soeur Jacqueline, votre supérieure, que je tiens à parler. J'ai eu fort à faire et j'ai appris sur le tard que vous résidiez chez un païen. Ce ne se peut. Je vous somme donc de rassembler les affaires et de rentrer au presbytère."
Sa figure joufflue était comme une lune à la lumière de la lanterne.

La Soeur Marie-des-Eaux avait la rage au ventre et la Soeur Jacqueline aurait bien voulu rester dormir près du poêle, mais c'eut été créer un grave incident diplomatique que de désobéïr, aussi refirent-elle leur bâluchon et repartirent-elles sous les railleries des hulottes à travers le Moulin aux Bois, sur les traces du Père Benoît et du Père Houillon qui l'avait d'abord guidé, puis ensuite suivi comme un petit chien.

"Ne soyons pas de vilains hôtes, servez donc une collation à nos soeurs, ordonna le Père Benoît avec toute la douceur de celui qui n'est jamais discuté. Sans brésailler, le prêtre leur réchauffa un fricot de toffés avec de la tarte au munster. Comme à son habitude, la Soeur Marie-des-Eaux repoussa la tarte au munster comme toute autre nourriture venue d'une bête, mais honora les toffés. Et comme à sa déshabitude, la Soeur Jacqueline bouda l'un et l'autre.

Le Père Benoît avait par ailleurs conscieusement fouillé le presbytère, et trouvé le buffet secret où étaient rangées les meilleurs bouteilles. Au grand dam de son hôte, forcé de leur servir un Gris de Toul tout couvert d'une noble poussière.

"Hum... Un petit Jésus Cuit en culotte de velours !
...
J'étais à Gérardmer, et j'ai dû y enquêter sur la disparition du chasseur le plus renommé du secteur. J'ai interrogé ses proches, et j'ai compris qu'il tenait commerce avec une femme suspectée de diablerie, une ondine, disaient certains. Les battues n'ayant rien donné, on a fini par draguer les torrents, et on a retrouvé son corps. En voilà encore un qui a voulu serrer le diable dans ses bras de trop près.

...

J'ai aussi vu la Pierre Charlemagne. J'ai consacré ce lieu païen. Saviez-vous que l'empereur Charlemagne en personne venait dans les forêts de Gérardmer chasser le cerf et le loup ? J'ai beaucoup prié devant la pierre, pour que ce saint empereur nous ait en sa garde. Je crois que nous en aurons bien besoin, car nous chassons là un terrible gibier."


Deuxième d'Opprobre

Saint-Léger dans le Calendrier Chrétien
Jour de la pomme de terre dans le calendrier républicain


"Oh l'travail !"

C'est dans la fraîcheur de l'aube que l'exclamation du père Thiébaud résonna. Des rouge-gorges l'observaient depuis les tuiles ébréchées et les gouttières rouillées du Château de Paille, qui donnait son nom au lieu-dit où les divagations du père l'avaient conduit de bon matin.

Etalé dans le péteuillot de la terre semée, baigné par les respirations du sol et la lueur timide qui perçait des frondaisons, gisait le corps d'un homme. Il était beau, il était jeune et il était nu comme un ver. Sa peau était déjà bleue. Ses bras, son cou et ses jambes étaient disloqués comme s'il avait chuté de très haut, et d'ailleurs les branches cassées coincées autour de son buste laissaient penser la même chose. Il portait au flanc des marques de plomb, mais ça n'aurait pas dû pouvoir tuer un homme de sa taille.

Le père Thiébaud ne le connaissait pas, ne l'avait jamais vu aux Voivres, mais pourtant son visage anguleux et ses cheveux sombres lui rappelait celui des colporteurs qui venaient de temps à autres échanger des graines ou boire un pot au Pont des Fées.

"Oh, l'travail !"

Il s'éloigna, les mains jointes derrière le dos, reprenant sa coûarie avec les fées.


"T'as volé ! T'as volé un sou, Soubise ! Voleur, tête de chou !"

Le congé forcé de Champo poussait les enfants à l'inaction et leur école buissonnière n'était pas tendre. Quand Hippolyte Soubise fut surpris à caresser un sou, juste une pièce à l'effigie de Napoléon III, les autres mouflets en déduirent qu'ils l'avaient volé. Il eut beau se justifier, qu'on le lui avait confié pour aller acheter du grain pour les cochons, personne ne voulait croire qu'un Soubise puisse posséder un sou, et donc il venait de la poche de quelqu'un, probablement d'un autre des enfants, oui, il fallait le rendre à l'enfant à qui il l'avait volé, d'un coup, chaque gamin se souvient avoir eu un sou sonnant et trébuchant dans sa poche, et s'il n'y était plus, c'est que la main crochue de l'Hippolyte l'en avait soustraite, à n'en pas douter ! Bientôt, puisque tout le monde avait été volé, on soupçonna le cadet des Soubise de dissimuler toute une goyotte dans ses habits, et le Cyrille Chaudy l'attrappa par les pieds et le secoua, mais il ne fit tomber que des poux.

"J'suis pas un voleur !" Ce qui était énervant avec l'Hyppolite, c'est qu'il ne pleurait pas. Il accueillait les vexations comme une statue sainte accueille les chiures des corbeaux. Sans broncher.

Alors on s'énerva, c'était un voleur, sûr de sûr, et puisqu'il s'en défendait, il fallait engager le code judiciaire des enfants.

"Si t'es innocent, alors tu dois nous ramener une pierre du cimetière ! A reculons !"

L'Hyppolite sembla se prêter de bonne grâce à l'injonction, mais à l'intérieur, c'était tempête sous un crâne. Certes, il était bien plus habitué à l'occulte que les autres mioches, après tout son père et son grand-père étaient des sorciers et ils hébergeaient la Mère Truie qui est un horla, mais finalement sa mère avait réussi à le tenir le plus possible à l'écart de tout ça : aussi n'en avait-il compris que très peu. Mais là, aller au cimetière, c'était du sérieux.

Il marchait à reculons, trébuchant dans ses sabots. Devant lui, la masse des gamins criant, pressés de rentrer manger un frichti, mais tout aussi préssés de voir l'Hyppolite connaître un mauvais sort. Derrière, lui les murailles en ruines de ce cimetière, et les pierres tombales dont on n'avait pas encore enlevé les cordes qu'un vent malicieux avait déposées.

Derrière lui, il y avait toute la masse de la mort.

Sous ses pieds, il sentait les racines.

Sous son nez, une odeur de pipi chaud venait surplomber tous les arômes rances de sa personne.

Un vent glacial lui balaya la nuque. Enfin, il voyait le portail tout corrodé, tombant à moitié. Sans regarder par terre, il se pencha, tatonna, sur le sol il touchait des racines, des bêtes, et enfin sa main se referma sur du minéral.

Mais il traînait trop ! Déjà ce qui se trouvait là s'en prenait à lui.


Lexique :

Le lexique est maintenant centralisé dans un article mis à jour à chaque épisode.


Notes liées aux règles de L’Empreinte :

Menace : une Déité Horla (la Mère Truie)
Lieu de départ : Les Voivres
Avancement :
Acte I – Introspection + Tentation + Agression
Acte II – Introspection + Tentation + Agression
Acte III - Introspection + Tentation + Agression
Acte IV - Introspection + Tentation


Préparation :

A. A la fin de l'épisode précédent, j'ai posé cette question au public : Que vont entreprendre les nonnes pour s’attirer la sympathie de Père Benoît ?

J'ai eu cette réponse :
Damien Lagauzère : Et bien, peut-être qu’elles pourraient mettre un peu d’eau dans leur vin et être un peu plus consensuelles, tenter d’apaiser les tensions entre elles et la population. Elles peuvent peut-être « tendre la main » et proposer d’organiser un sorte de fête pour célébrer la venue du père et enterrer la hache de guerre, même si elles n’en pensent pas un mot. Ce serait aussi, pourquoi pas, l’occasion d’observer les villageois et faire un rapport circonstancié sur la situation au père, quitte à dévoiler involontairement des informations à un éventuel antagoniste.

Je me suis rajouté cette réponse dans mon script, vous verrez quelle tête ça a :)

B. J'ai découvert que pour remplacer les saints, les jours du calendrier républicains nommaient des fruits et légumes et autres éléments de la vie rurale. Je vais rajouter cette mention car je la trouve vraiment évocatrice. https://fr.wikipedia.org/wiki/Calendrie ... _d'automne

C. J'ai fait le décompte du nombre de mots des 13 épisodes précédents (en comptant seulement la partie récit) : 30542 mots. On est déjà dans le registre de la novella ou du roman court ! Je ne me projette pas dans un roman très long, alors je dirais que 100 000 mots serait un maximum : ça correspond à la taille de mon roman Hors de la Chair, ce qui correspond, si je garde une cadence d'écriture approchante (et ce n'est pas sûr, car à multiplier les protocoles, je pense que j'écris moins de mots par épisode)... à 42 épisodes. Je retrouve ma projection initiale de 40 à 50 épisodes. Je trouve ça assez encourageant. Cela veut dire qu'écrire le premier jet d'un roman, pour coûteux en énergie que ça semble, est peu coûteux en temps si on a les outils pour écrire vite (et je les ai ! Par Shub-Niggurath, je les ai ! ) : 40 à 50 sessions de 3 h d'écriture, soit 120 à 150 heures, soit l'équivalent d'un mois de travail salarié (semaines de 35 heures). Et j'aurais certainement pu économiser un tiers de ce temps si je n'avais pas réalisé toutes ces mentions techniques ! La relecture / réécriture prend forcément du temps, mais honnêtement ça prend beaucoup moins de temps que le premier jet (surtout un premier jet aussi travaillé). Je dirais une heure de correction pour cinq heures d'écriture, soit 24 à 30 heures, bref une semaine de travail salarié... C'est très encourageant, je devrais faire breveter ma méthode ! :)

D. J'ai complété les fiches de personnages avec une information importante : la liste du matériel important. Les personnages ont collecté quelque matériel notable et ça me semble important d'en garder trace si je ne veux pas commettre d'impair.

E. Toute cette rigueur peut sembler inutile. Elle est toute imprégnée de méthodologie rôliste (et sans doute d'une pointe de procrastination). Elle me semble pourtant pertinente dans le cadre d'un roman. Tout le monde connaît des lecteurices qui font attention aux détails et traquent la moindre incohérence dans l'espoir de se ruiner leur plaisir de lecture :) Lors d'un entretien, un journaliste avait demandé à Raymond Chandler ce qu'il était advenu d'un certain personnage et ce dernier avait répondu : "Je l'ai tout simplement oublié." Même si en tant que lecteur, j'aurais une grande indulgence pour ce genre d'erreur, je crois qu'une partie du lectorat ne goûte guère ces lacunes. Et je pense aussi qu'avoir une cartographie assez nette de la situation en évolution m'aide à construire un récit. Donc c'est bon à prendre. Certes, ça ressemble à de la maniaquerie de geek programmateur appliqué à l'ââârt du roman, et c'est bien ce que c'est. Pour le meilleur et pour le pire.

F. [note du 03/02/20] Toute cette préparation m'a pris beaucoup de temps. J'ai donc décidé d'arrêter ma session d'écriture de la journée. Je reprendrai la semaine prochaine.

G. [10/02/20] Actuellement, pour mon roman, j'ai un programme de telle façon : "script ou jeu -> idée tirée sur une table -> un PNJ avance sur son objectif". D'une je vais rajouter à ce programme un moment de métanarration, de deux, je vais rendre ce programme aléatoire, donc au d4 : "Script ou jeu / 2. idée tirée sur une table / 3. un PNJ avance sur son objectif / 4. métanarration"

H. Je me suis décidé à essayer Draftquest pour la suite de mon roman feuilleton.
https://www.draftquest.fr/
J'avoue que j'avais fantasmé une sorte de logiciel en ligne qui générait un tas de contraintes créatives. Je me suis créé un compte gratuit et je dois avouer que j'ai été un peu déçu. La version gratuite vous génère un tirage aléatoire d'images... et c'est tout. Le compte en ligne vous propose certes d'autres services (enregistrement en ligne de votre premier jet, possibilité de le rendre public, rappels par mail si vous n'avez pas suivi la cadence d'écriture que vous vous êtes fixée) mais qui ne sont pas utiles en ce qui me concerne. Je me demande ce que propose la version payante en plus.
Draftquest propose aussi des formations en ligne, mais il n'y en a plus eu depuis 2017.
Il y a aussi un lien vers un livre au titre alléchant "Oser écrire son premier roman en dix minutes par jour"... qui n'est malheureusement pas disponible (et de toute façon, je n'ai pas les moyens financiers d'acheter des livres).
En revanche, on peut encore trouver des exercices d'écriture, accessibles et gratuits : https://www.draftquest.fr/exercises/ Si j'enlève les quelques exercices associés à l'univers de la Horde du Contrevent, il reste 24 exercices génériques. Je vais donc tenter de faire un tirage aléatoire d'exercice par session.
Et par ailleurs, je vais aussi tenter d'exploiter le tirage d'images que me propose Draftquest, histoire de dire que j'aurai tiré la substantifique moelle de ce site.

I. Le premier exercice tiré aléatoirement s'appelle "La Théorie du genre" et pose ces questions :
1/ Quel est le genre de votre récit? 2/ Pourquoi, personnellement, avez-vous choisi ce genre? En quoi vous intéresse-t-il? 3/ Quelles sont, objectivement, les contraintes qu'impose ce genre?

Je vais donc y répondre :
1/ Roman du terroir post-apocalyptique
2/ En connexion avec mes racines et avec les thèmes que j'explore depuis 14 ans.
3/ Il faut que différents éléments soient présents : la vie rurale, la forêt, le surnaturel, les indices du post-apocalyptique. La principale difficulté est de recycler les éléments du roman du terroir sans contredire l'aspect post-apocalyptique. J'ai par exemple eu cette difficulté car je voulais décrire des scènes de ripaille avec beaucoup de spécialités culinaires locales, mais ça contredit le caractère post-apocalyptique où la pénurie est censée régner. J'ai solutionné ce problème en avançant le fait que ceux qui ont des denrées abondantes ont fait un pacte avec les horlas ou un autre genre de pacte faustien (l'emploi d'innovations technologiques concernant les Fournier, qui pourrait leur valoir le courroux de la forêt. On peut aussi imaginer que certains vivent sur le dos des autres, c'est peut-être le cas du Père Benoît). On voit quelques contre-exemples : la ferme de Bourquin périclite parce qu'il n'a pas pactisé, et Champo et Marie-des-Eaux vivent dans l'ascèse.
Par ailleurs, la présence d'engins agricoles est également liée soit des innovations technologiques post-apocalyptiques, ou à l'égrégore qui maintient des reliques en état de fonctionner (c'est le cas du tracteur du Nono Elie).

J. Je suis en pleine lecture de deux superbes roman tout aussi inspirants l'un que l'aûtre, d'un côté "La Forêt des Mythimages", de Robert Holdstock, sans doute l'oeuvre de SFFF la plus adéquate à l'esprit de Millevaux, et de l'autre, "Les défricheurs d'éternité" de Claude Michelet, un roman du terroir historique, qui retrace la lutte de moines contre la forêt, la guerre et la misère dans l'époque d'après Charlemagne.


Bilan :

K. A peine ai-je (enfin !) commencé à écrire ma session 14 que m'est apparu un problème avec mon programme. Tout d'abord, je me suis dit que si je n'utilisais plus vraiment mes aides de jeu, c'est parce que je ne m'imposais pas. J'ai donc rajouté une cinquième entrée à mon programme : un tirage sur une aide de jeu. Et pour éviter de toujours privilégier les mêmes aides de jeu, j'ai également randomisé leur usage avec cette table des aides de jeu :
1. Oriente 2. La stèle au coeur des plaines 3. Muses et Oracles 4. Almanach 5. Les larmes du Soleil 6. Nervure 7. Lexique gore 8. Table des détails forestiers 9. Image de Draftquest 10. Tarot de Marchebranche
Mais je me suis rendu compte qu'avec ce programme actuel, je n'avais plus qu'une chance sur 5 de tomber sur l'entrée "script ou jeu" ! C'est bien trop peu. J'ai déjà le sentiment que je n'avance plus assez vite dans mon intrigue principale (nous en sommes au 10ème épisode joué avec l'Empreinte et le 3 ou 4ème joué sans jets de dé ! ). J'ai donc pondéré mon programme, quitte à modifier la pondération à l'avenir pour changer le ryhtme d'évolution de l'intrigue :

1-4. Script ou jeu
5. idée tirée sur ma table des idées
6. un PNJ avance sur son objectif
7. métanarration
8. tirage d'une aide de jeu

L. Malgré tout cette programmation et cette randomisation, je fonctionne aussi pas mal à l'instinct, j'essaye de suivre la logique spontanée des choses. C'est ainsi que je recycle le salut mémoriel "Tout est lié", venu des Sentes https://outsiderart.blog/millevaux/les-sentes/ car au moment où la Soeur Marie-des-Eaux ouvre la porte, je me dis que le Père Benoît n'a aucune garantie que le novice se souvienne de lui. Après, ça peut paraître bizarre que le salut n'ait jamais été utilisé auparavant, mais on peut se dire que ce rite éminemment social était circoncis aux régions civilisées du diocèse. En bon mémographe, la Soeur Marie-des-Eaux le connaît forcément, mais son caractère asocial a pu le dissuader de l'utiliser aux Voivres.

M. Comme je l'ai dit, la mise en place de toutes ces procédures supplémentaires m'a coûté du temps, je n'ai d'ailleurs fait que çà la semaine précédente ! Mais j'ai l'impression que ça paye. L'écriture est désormais vraiment fluide. Je ne m'angoisse pas sur ce que je dois coucher sur le papier. Veillons désormais à conserver le mouvement et à être moins verbeux sur la technique lors des prochains épisodes.

Aides de jeu utilisées :
Table des détails forestiers
Muses et Oracles
Nervure (a inspiré la question de fin)

Décompte de mots (pour le récit) :
Pour cet épisode : 1898
Total : 32440


Feuilles de personnages / Objectifs des PNJ :

Voir cet article

Modifications :
MAJ : ajout d'un passé oublié pour Soeur Marie-des-Eaux
Liste d'équipement de la Bernadette, de la Soeur Jacqueline, de Champo et de Père Benoît
Rajout d'un objectif de PNJ pour le Père Benoît, mise à jour de l'objectif d'Hyppolite Soubise



Question au public :

Voici la question qui fait suite à cet épisode :

A quelle personne imprévue les nonnes vont-elles accorder leur confiance ?
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LE SABLE

Un trip post-apo désertique entre Moebius et Miyazaki pour ce test à phénomène imposé. Avec des illustrations par Agathe Pons, merci à elle !

Joué le 28/05/17 à Toulouse au festival Alchimie du Jeu

Le jeu : Le Témoignage, personnes confrontées à un phénomène qui les dépasse, par Thomas Munier

Personnages : Quartz, Saïd, Sari, Nikolas Van Gelder (alias le Toubib), Le Murmurant (alias l’aveugle)

Suggestion d’écoute pour ce récit : Chalice Hymnal, par Grails

Image
Agathe Pons, libre de droits

Le contexte :

Nous jouons un thème que j’ai imposé : le phénomène est « le sable », il s’agit d’un mystère qui dépasse les personnages, et ça se passe dans un futur post-apocalyptique désertique. De mystérieuses moissonneuses se sont mises à récolter le sable du désert sans qu’on sache pourquoi.


L’histoire :

Un aveugle, le murmurant, escorte un malade à travers le désert de sable

La « ville » est composée de murs balafrés de murailles avec une porte de fer.

Il frappe à la porte et on les conduit à Nikolas Van Gelder, le Toubib. Le malade est dans un état avancé, ses veines sont rouges. Il porte la combi et le médaillon des Creuseurs de Sable. Quartz, le gamin orphelin, gueule car il aime pas l’aveugle qui a prophétisé la mort de ses parents.

Trois hommes partent.

Un père reproche à Saïd, le riche marchant, d’avoir pris l’eau de son fils (dans le désert, l’eau sert de monnaie). Saïd lui montre la machine à eau et son entrepôt, tendant à expliquer que les prélèvements ont été faits dans la légalité et la justice. De dépit, le Père s’en va avec Mère et fille.
Quartz échoue à les rattraper, se met en colère.
Le lendemain, le murmurant part avec une momie sur le dos. Le toubib l’arrête, il profane la momie. Bruit de moissonneuses de sable.

L’ancienne réclame une séance chamanisme pour expliquer le mystère des moissonneuses.

Saïd offre de réparer Pikou (le doudou de Sari) si Sari va à la rencontre des Moissonneuses. Ils partent tous les deux sur un chameau diesel.
Quartz les suit en land speeder.

La Moissonneuse capture l’Ancienne. Le Peuple en combi fait demi-tour.

Dans le sillage de la moissonneuse, la roche est à nu. On voit des feldspath étincelants et des fossiles.

Quartz entraîne Sari de force loin des moissonneuses.

Le Toubib scrute une moissonneuse avec des jumelles hi-tech. Saïd tripe sur la roche.

Pendant ce temps-là, dans la ville, l’atelier d’un souffleur de verre. Serait-il un traître ?

Saïd veut convaincre le Toubib de s’équiper en clinique. Il lui offre une gourde et prend sa combi.

Quartz entraîne Sari dans l’arrière-boutique, la baffe, elle pleure.

Pour la calmer, il lui offre des bocaux de sable coloré, devant lesquels il s’émerveille autant qu’elle.

Quartz souffre d’avoir perdu sa haine du sable.

Image
Agathe Pons, libre de droits

Le Murmurant avoue à Quartz qu’il a fait tuer ses parents car ils en savaient trop sur le sable.
Quartz braque son fusil sur lui.
Le toubib intervient. Quartz se planque derrière lui.

Le murmurant les amène devant la tombe des parents de Quartz, dans le désert.
La rivière de sable emporte le Toubib. Quartz le sauve, tout en criant :  « Papa ! ». Mais en le tirant de là, il découvre que les veines de son père adoptif sont rouges…

Saïd est ruiné par collectionnite de sable. Il répare Pikou et le rend à Sari pour qu’elle l’aide.

La Nuit Chamanique. Le Murmurant, possédé, accuse l’Ancienne : une myriade d’expressions se succèdent sur son visage.

Image
Agathe Pons, libre de droits

Saïd et et Sari sont devant la moissonneuse. On entend son cœur qui crisse.
Les hommes des étoiles qui conduisent la moissonneuse emportent Saïd. La moissonneuse se dirige vers Sari. Saïd est époustouflé par la beauté du monde et l’innocence de Sari.


Feuilles de personnage :

Quartz
Un enfant, le sable a tué à sa famille (sables mouvants) : il déteste le sable.
Ce qu’il va perdre : sa haine du sable.
Ce qu’il va sauver : son père adoptif.
Événement bouleversant (vécu avec Saïd) : Voir quelqu’un mourir à cause du sable

Le Murmurant
Ce que je vais perdre : ma capacité à croire en autrui
Ce que je vais sauver : un secret très convoité
Événement bouleversant (vécu avec Saïd) : j’ai vu la fin du monde
A quoi je ressemble, qui je suis ?
Je suis celui qu’on oublie, celui qui panse les plaies. Vieil aveugle optimiste qui parle aux esprits

Saïd
Marchand (chameaux-diesel)
L’eau est la monnaie
Je possède des citernes et des gardes (menés par Amir)
Ce que je vais perdre : toute ma fortune
Ce que je vais sauver : Mon innocence / sensibilité au beau : l’inexorable
Paraît : aimable, affable, préoccupé par les gens
Réellement : vénal, avide
Événement bouleversant : la fin de l’équilibre économique, la « folie du sable » / La mort de quelqu’un (vécu avec Sari?)

Sari
Ado 15-16 avec un doudou (Pikou) et une petite radio avec des piles qui diffuse du bruit
Ce que je vais perdre : la vue, la vie ?
Ce que je vais gagner : une raison de grandir
Événement bouleversant : va être témoin de quelque chose d’important sans qu’il s’en rende compte (avec Quartz)

Nikolas Van Gelder
Soigneur-médecin
Ce qu’il va gagner : sa maladie se met à lui donner des délires qui s’apparentent à des visions et le font tendre vers l’illumination et sa renaissance sous une autre forme.
Ce qu’il va perdre : Simplement sa vie. Il mourra des conséquences de sa maladie et se rendra compte que son remède est inutile
Événement bouleversant : Il a besoin du sang de Sari pour avancer le remède, celui-ci semble immunisé malgré les contacts qu’il a avec les malades. « Artisan » d’un changement de monde.
Apparence : Portant un « distille » qui lui permet de recycler son eau. Sec et portant une barbe courte qui masque le début de sa maladie.
Ce qu’il est en réalité : Il se pose en homme de « science » pour ce qu’il en reste. Il est surtout mort de peur à l’idée de sa mort prochaine et cherche clairement son intérêt.

Image
Agathe Pons, libre de droits

Retours de l’équipe :

Retour personnel :
Le récit ne rend pas forcément honneur à ce qui a été dit ou ressenti durant la fiction. Cela tient à ma mémoire défaillante, mais aussi sur le fait qu’il y a pas mal de sensations qui ne passaient pas forcément par ce qu’on racontait, mais par comment on percevait ce qui était raconté. Parfois, il suffisait de dire en peu de mots qu’une moissonneuse émergeait du sable avec des hommes en combi sur son dos pour que surgissent des images mentales assez fortes.

Joueuse de l’aveugle :
+ Très sceptique sur le jeu au départ.
+ Mais malgré quelques lenteurs ou difficultés, ça a bien marché.
+ Le jeu réfléchit beaucoup à l’ellipse.
+ A la fin, on a évoqué la substance de ce qui aurait pu être raconté.
+ J’ai aussi testé Terres de Sang et ça fait aussi partie de ces story games où on est très guidées au début et ça manque en cours.
+ Comme Happy Together, on cherche pas forcément les fins / conclusions / morales et ça fait des fictions qu’on voit peu.

Joueur du Toubib :
+ Jamais tenté de la narration partagée comme ça. Plutôt une bonne expérience. On a pu manquer de temps mais 1/2h en plus aurait suffi, sinon on aurait perdu en rythme.
+ C’est mon premier jeu sans dé mais ça me gêne pas car je suis pas très fan des jets de dés.
+ Le plus dur c’est de bien doser la répartition de la narration.
+ Sur l’univers de jeu, j’aime bien l’idée de se mettre d’accord sur un cadre.
+ Le cadre m’a bien parlé. Bien satisfait.
+ La scène qui m’a surprise, c’est la scène de la tombe, de la rivière de sable et du campement. C’était chouette.

Joueur de Saïd :
+ Très très satisfait. Je suis client des jeux narrativistes.
+ La seule déception, c’est de pas avoir continué pendant quelques heures.
+ Mon challenge, c’était d’être en équilibre avec les autres participant.e.s
+ Pur plaisir de jeu. La tête pleine de moissonneuses, de chameaux-diesel, d’étendues de sable sous les étoiles.
+ Peut-être dans une V2, proposer un format de temps de parole (peut-être avec un sablier) parce que mon point faible, c’est de prendre trop de temps de parole.
+ Je ferais bien avec mon groupe quand on tentera des jeux expérimentaux.

Joueuse de Sari :
+ C’était la deuxième fois que je fais du JDR et d’habitude, c’est plus standard. J’ai eu un peu de mal à prendre la parole et j’ai jamais pris le contrôle sur le décor et les figurants. J’ai apprécié que d’autres me tendent des perches. Donc j’ai bien aimé.

Retour à froid de la joueuse de Sari :

Voilà, je profite d'avoir fini mes dessins mais d'être encore un peu dedans pour te faire un "vrai retour" (je pense que dimanche après la partie, j'avais d'abord besoin de debriefer avec moi-même avant de vraiment pouvoir débriefer avec les autres...Et je ne suis pas très loquace ni extravertie en plus :) ).

Comme je l'ai dit, ma seule expérience de jdr était ma partie de longue haleine avec le joueur de Saïd et quelques collègues, dans l'univers très manga de Anima.
Un univers que j'apprécie mais sans plus, si aujourd'hui je prends plaisir à jouer, c'est plus pour l'aspect convivial et parce que mine de rien en un an je me suis un peu attachée à mon perso.

Et bien je dois dire qu'en une heure et demie je me suis plus attachée à un perso simple d'esprit avec un ours en peluche et une radio crachotante.

Si j'ai été un peu prise au dépourvu sur ta partie, c'est plutôt dans le bon sens du terme. Et si l'objectif qui te tient à cœur est de faire ressentir des émotions fortes à tes joueurs, alors ce fut une réussite critique avec moi.

Après y avoir réfléchi, j'ai pu distinguer plusieurs raisons à cela :

Le jeu en lui-même : Même si j'ai eu du mal à me sentir à l'aise, les "règles" du jeu sont très inspirantes je trouve. J'aurais du mal à exprimer vraiment pourquoi, mais je pense que pour moi (et c'est sûrement voulu), ça appelle à quelque chose d'assez poétique, subtile, onirique, absurde...Avec une grande place pour le non-dit, l'imagination, la porte ouverte.

La thématique : je dois dire que le sable ça m'a inspiré.

La sensation de libération : pas de dés, pas de fiche perso, pas de calcul à faire, rien qui vient interrompre mon esprit en vadrouille dans les dunes ensablées.

La sensation de lâcher prise : Pour une partie d'une heure et demie, je n'ai pas eu peur de ce que mon personnage pouvait perdre. Je n'ai pas joué en essayant d'être "rentable" (pour moi, pour le groupe, pour l'xp...), je l'ai joué en essayant des choses plus risquées, donc plus intenses.

Ton savoir-être, et celui des autres joueurs : Je pense que je ne serais pas allée bien loin si on ne m'avait pas donné la parole, si on ne m'avait pas proposé des interactions possibles. J'ai réalisé à la fin que je n'avais pas pioché une seule bille de moi-même et qu'elles étaient toutes venues des autres joueurs.
De plus, j'ai trouvé que dans l'ensemble, tout le monde autour de la table est resté assez concentré sur la partie, et ça a beaucoup joué. J'aurais nettement moins profité de l'expérience si les PJ non présents sur une scène se mettaient à papoter de choses et d'autres, voir à s'esclaffer (un regret sur le bazar ambiant autour de nous mais c'était impossible de faire autrement).

La minute de silence : J'ai trouvé ça d'une simplicité et d'une efficacité remarquable :)


Bref, j'ai beaucoup apprécié, et je me suis sentie un peu chamboulée.

Il y a régulièrement dans ma vie des événements, parfois assez insignifiants, des rencontres, des occasions, qui me "reconnectent un peu à moi-même", d'une manière ou d'une autre. Cette partie est un de ses événements, cela m'a rappelé que j'aime rêver, que j'aime l'étrange, et que j'aime sentir que je peux être créative lorsque je me sens inspirée. Comme tu ne me connais pas, tu ne pouvais pas le deviner, mais cela faisait bien un an et demi que je n'avais pas sorti un pinceau.

Voilà,
Ce n'est vraiment, vraiment pas dans mes habitudes de dire autant à quelqu'un que je connais si peu, mais je me suis dit qu'en remerciement de cette partie qui m'a vraiment touché, peut-être que cela te serait précieux d'avoir ce retour un peu plus profond et sincère que les trois mots que j'ai réussi à mettre bout à bout en fin de partie.

Donc merci à toi ! :)
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LE BAPTÊME

Quand tout le monde se prépare à la grande conflagration. Un épisode à nouveau marqué par un grand remaniement méthodologique.

Joué / écrit le 25/02/2020

Jeu principal utilisé : L'Empreinte, de Thomas Munier, survivre à une transformation qui nous submerge

N.B. : Les personnages et les faits sont fictifs.

Le projet : Dans le mufle des Vosges, un roman-feuilleton Millevaux

Précision : ces feuilletons sont des premiers jets, donc beaucoup de coquilles demeurent. Merci pour votre compréhension.

Avertissement : contenu sensible (voir détail après l’image)

Image
Verity Cridland, cc-by

Contenu sensible : violence à l'égard des animaux

Passage précédent :

14. Tombé du ciel
Entre un prêtre exorciste qui avance ses pions, une escapade enfantine au cimetière et un mystérieux cadavre, un épisode construit avec un programme d'écriture de plus en plus complet et automatisé.



L'histoire :

Image
Pyramids, par Pyramids, du black metal étouffé avec un chant clair éthéré, étrange et déstabilisant.

La lumière du zénith était si dense qu'elle parvenait à trouer les vitres verdies de mousses et baigner le presbytère de sa chaleur. Le père Houillon servit des énormes pommes de terre farcies au père Benoît et aux deux sœurs.

"Pardonnez mes piètres talents culinaires. La nonne qui donne l'école n'a jamais accepté de faire la cuisine ni même de passer le balai.
- Je vous remercie mon père, et pour ce qui est de vos nonnes, nous aurons toutes les discussions nécessaires au sujet de l'obéissance, qui est censée être leur vertu première, avec l'humilité."

Sœur Marie-des-Eaux sépara la farce de la chair de sa pomme de terre. Le chien du curé considérait ses reliefs avec envie, mais le père Houillon le rappela à l'ordre.

"Si le père Houillon est d'accord, peut-être pourrions-nous assister à une messe en l'honneur de votre venue, père Benoît.
- Excellente idée."

La Sœur Marie-des-Eaux fit des gros yeux à la doyenne, mais celle-ci lui fit comprendre d'un regard entendu qu'elle avait une idée derrière la tête.


Toute l'eau des averses tombées dans l'après-midi dégoulinait des branches des bouleaux et des sapins, détrempant le père Fréchin en pleine répétition générale de son discours, perché sur une pierre au milieu du ruisseau du Prédiot, le ruisseau des fous. Il était là, en écharpe tricolore, l'eau dégueulant de son chapeau et de sa moustache, annonnant entre ses dents jaunes des phrases pillées à des grands noms du passé :
" Labourage et pâturage sont les mamelles des Terres Franques et s’il n’en restait plus qu’un, je serais celui-là...

Alors, c'était bien ?"

Emergeant des fougères, apparut la femme qui avait parlé à Champo dans le cercle de champignons, près de l'Etang Lallemand. C'était la même, avec ses cheveux en vagues de noir et de gris, ses narines, ses oreilles et ses lèvres percées de bijoux, et son odeur de plumes mouillées. Elle marcha dans le ruisseau sans se soucier de puiser sa cape, jusqu'à être tout proche du maire, sensuelle et inquiétante.

"Ce sera bien si je t'aide.
- Oui, j'ai besoin de ton aide, Augure. Les voivrais sont de plus en plus difficiles à tenir. Même mon fils ne m'obéït plus. Aide-moi à les aider."

Elle referma sa main comme une serre.

"Tu veux les avoir sous ton emprise, et mes pouvoirs peuvent te le permettre. Mais tu sais qu'il t'en coûtera.
- Peu m'importe. Je ne supporte plus que ça parte en quenouille."


Image
Phillharmonics, par Agnes Obel, un piano-voix pour chanter les derniers et les plus fragiles des grands espaces, et les histoires minuscules qui s'y tapissent.

Le presbytère n'avait a proprement parler qu'une chambre d'hôte, que le Père Benoît s'attribua. Aussi les deux sœurs étaient cloîtrées dans la cave à vins, environnée de l'odeur de moisi qui remontait à la faveur de la presque-nuit. Il n'y avait pas de fenêtre et donc la pénurie de bougies allait se faire sentir plus dure encore. La Sœur Jacqueline toussa. La Sœur Marie-des-Eaux appuyait sur les pages du carnet mémographique pour en expulser l'humidité.
"Qu'est-ce qui vous a pris de proposer une messe en l'honneur de ce garde-chiourme ?
- Ecoutez, Sœur Marie, je sais que vous avez le Père Benoît dans le nez, comme toute figure d'autorité, mais je vous demanderai d'être raisonnable. C'est lui qui m'a formée et je sais ce qu'il vaut. Il connaît les forêts limbiques et ses pièges. Il en sait sans doute plus sur les horlas que vous et moi. Ce que je vous ai appris, c'est juste les inguiottes de ce qu'il sait. Je sais que combattre la Mère Truie vous tient à cœur, mais en ce qui me concerne c'est une affaire de vie ou de mort. Je dois conclure cette histoire, coûte que coûte. Alors, je refuse qu'on se passe d'un tel allié. On va faire profil bas, on va faire pénitence, on va faire ce qu'il faut pour que le Père Benoît marche à nos côtés."

Trois d'Opprobre
Saint Gérard
Jour de l'Auberpine dans le Calendrier Républicain

Le silence était si profond, à peine quelques bruits d'ailes au travers des branches, qu'il brisa sa méditation. Champo n'y arrivait pas. Assis en tailleur entre ses deux yourtes, recouvert de rosée comme la vieille toile d'araignée qu'il était, il pestait contre son incapacité à chasser les pensées parasites. Le braiement de Maurice et les prières des sœurs avaient tôt fait de lui créer une nouvelle routine de presque-aube, et se retrouver à nouveau seul lui pesait.

Il allait se redresser, car il venait de prendre une décision.

Mais Augure se tenait soudain devant elle, comme par enchantement.

"Vous avez besoin d'aide.
- Oui. J'ignore qui vous êtes, mais oui j'ai besoin d'aide. Nous avons besoin d'aide.
- Il y a peu, je vous ai garanti ma neutralité, mais les choses ont évolué. Ce avec qui j'ai fait alliance est allé trop loin, et les conséquences de ses agissements m'ont coûté. Alors je suis de votre côté maintenant. Je n'agirai pas directement, mais je vais au moins vous souhaiter bonne chance et vous confier ceci."

Elle faisait de son mieux pour paraître impassible mais quelque chose du domaine du chagrin affleurait sous ses dires et sous sa peau.

Elle posa quelque chose dans la main burinée du sherpa. Une graine blanche.

"C'est la graine de la mort absolue. Faites-en bon usage.
- Mais qui êtes-vous ?"

Elle n'était plus là.

Champo courut jusqu'au presbytère, il jeta des cailloux sur le toit comme un gamin, jusqu'à ce que les sœurs émergent et qu'ils puissent échanger sur leurs expériences récentes.

"Vous êtes sûr de vouloir faire ça, Champo ?
- Oui, sûr. Cela devrait pouvoir attirer ses bonnes grâces.
- Mais, et votre religion ?
- Je pense que c'est tout à fait compatible."


C'est dans le tout petit matin de l'aube, alors que soufflait une bise à vous fossiliser la peau sur les os, que le Concile des Chasseurs se réunit sous la muraille de grès rose de la carrière de la Colosse. Engoncée dans les sentiers en lacets d'une forêt toute en côte, presqu'à tomber dans le ruisseau du Coney en contrebas, qu'on entendait gronder, le site était froid et inhospitalier. Les cabanes de chantier étaient délaissées pour la mauvaise saison, et c'est là que s'étaient réfugiés une demi-douzaine de gars en tenues kakis, avec chapeaux, carabines, chiens bouâlants, et trophées de chasse qui leurs tenaient lieu de masque. Le président du concile, avec sa tête de cerf aux impressionnants andouilliers, ne trompait personne sur son identité, parce qu'on aurait reconnu sa voix rocailleuse entre mille : le Nono Elie.

"C'est plus possible ces corbeaux. Ils sont partout. Ils bouffent les bêtes qu'on tire avant qu'on ait le temps d'arriver. Ils bouffent les semis dans les raies des champs. Ils craillent à tue-tête à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. C'est des bêtes du démon. Ils ont service de cette nom de Vieux de saloperie de forêt. Alors il est temps qu'on s'organise.
On va oublier un temps les chevreugnes et les sangliers.

Notre cible prioritaire maintenant c'est ces beusses de corbacs."


"Agneau du Vieux, qui enlève le péché du monde, prends pitié de nous."

Le Père Benoît jubilait, ça se voyait à son sourire, toujours le même sourire fabriqué que d'habitude en tâche de fond, mais son visage était plus mobile.

Déjà les deux sœurs avaient demandé à être entendues en confession, et il n'avait pas perdu une miette de leur témoignage, il était comme un opiomane en pleine délectation de ces souvenirs si ardents. "Il en faut des humiliations pour former l'humilité", avait-il sous-entendu pour annoncer leur pénitence.

Au départ de la messe, elles avaient monté la grand-rue à genoux, et ça avait ravi les voivrais et les gamins ne s'étaient pas fait prier pour leur lancer quelques choux pourris, une denrée qui ne vient jamais à manquer quand on a besoin d'elle.

Et pendant la messe, elles étaient restées au premier rang, en genuflexion permanente, contrite, reprenant chaque chant. Le père Houillon se sentait plus de joie et en récitant les textes sacrées, sa voix prenait des envolées à faire vibrer les piliers.

Mais le clou du spectacle, c'est cette offrande qu'elles leur avaient faite.

Champo, le païen, sur leur conseil dirent-elles, recevait le sacrement du baptème.

Le père Houillon céda la place au père Benoît afin qu'il oint en personne le sherpa avec l'eau bénite.

Champo avait participé à toute la messe dans un état proche de la torpeur et l'aspersion de son visage l'en tira brusquement. C'est comme s'il plongeait dans les eaux lourdes du passé, dont il vit soudain les contours troublés. Et il s'en serait bien passé.

Les funérailles célestes de ses parents. Les corbeaux par dizaines venus se repaître de leurs corps. Il était là, encore enfant, il pensait qu’ils emportaient leurs âmes dans leur bec, et il voulait savoir où ils les emmèneraient. Alors, obsédé par ce mystère, il suit les oiseaux jusqu’à leur repaire au sommet de la montagne. Et là, il l'a rencontré.

Le père de tous les corbeaux.

Massif, avec sa tête de corbeau surmontant un milliers d’ailes, de becs, de serres et d’yeux.

Alors Champo comprit qu’il ne fallait pas essayer de communiquer avec cette chose.

Il fallait fuir, tout de suite.

Et son patou s’est sacrifié pour couvrir sa fuite. Il ne l’a jamais revu depuis.

Le hurlement de Champo mit un terme à ce qui était jusqu'à présent une messe parfaite.


Lexique :

Le lexique est maintenant centralisé dans un article mis à jour à chaque épisode.


Notes liées aux règles de L’Empreinte :

Menace : une Déité Horla (la Mère Truie)
Lieu de départ : Les Voivres
Avancement :
Acte I – Introspection + Tentation + Agression
Acte II – Introspection + Tentation + Agression
Acte III - Introspection + Tentation + Agression
Acte IV - Introspection + Tentation


Préparation :

A. À la fin de l'épisode précédent, j'ai posé cette question au public : A quelle personne imprévue les nonnes vont-elles accorder leur confiance ?

J'ai eu cette réponse de : Damien Lagauzère : Et si, finalement, elles devaient accorder leur confiance à un des meurtriers de Maurice? (ne me demande pas pourquoi ^^ )

On peut dire que Damien me soumet à la torture ! Qu'à celà ne tienne, j'intègre sa réponse dans mon programme. Comme j'ai déjà beaucoup de choses programmées, cette scène se passera après la fin de la partie de L'Empreinte. Sera-ce aujourd'hui ? Mystère !

B. Voici l'exercice d'écriture de Draftquest du jour : "L'objet de cette deuxième partie du MOOC, c'est de rentrer dans l'écriture au sens le plus concret, de manière à ce que vous ayez, à la fin du MOOC, fini un premier jet. Premier exercice donc, qui va être double: écrire et lire. 1/ Tout d'abord, donnez-nous à lire une page de votre fiction. Une page, pas plus. 2/ Ensuite: lisez les pages des autres. C'est le meilleur moyen d'apprendre à écrire, en apprenant à corriger des textes. Cet exercice peut être l'occasion de deux choses: vous aider à trouver très vite "la voix" de votre texte - et vous entraîner à recevoir les avis des lecteurs..."

Lire une page de ma plume, c'est fait, puisque je relis toujours ma session précédente avant de commencer. J'ai donc choisi de lire une page de draftquesteur, en l'occurence celle de Sophie-Genevy. Je suis tombé sur un texte de SF, traitant entre autres de réalité virtuelle. Le texte m'a plu, mais si je dois le comparer à ma propre éthique d'écriture, je dirais qu'il y a par moments des choses qui sont présentées (notamment le travail artistique de la protagoniste, qui fait des "frises multi-dimensionnelles") qui me semblent dans le flou même pour l'autrice. Cette technique de foreshadowing me semble fréquente en SF mais ça ne cadre pas à mon éthique d'écriture personnelle. Tout ce qui est présenté en foreshadowing doit avoir un rôle clair dans ma tête : même la part immergée de l'iceberg, que le lectorat ne verra jamais, doit être définie pour moi. J'espère en tout cas y être parvenu jusqu'à présent, grâce, tout simplement au fait que je maîtrise mon univers sur le bout des doigts.

C. J’ai poursuivi mes lectures à thèmes, vous en retrouverez une synthèse dans cet article.

D. Mine de rien, une session d’écriture nécessite de nombreuses sous-actions. Afin de ne me point trop m’éparpiller, de ne rien oublier et d’aller plus vite, je me suis fait une petit programme d’actions intégré dans mon tableau de bord méthodo, à recopier d’une semaine sur l’autre.

E. Tout ce peaufinement de méthodo prend du temps (pour j'espère en gagner !). Je vois encore se profiler une session d'écriture courte, 1h1/2 tout au plus...). J'ai bien peur de ne pas encore voir le bout de la partie motorisée par L'Empreinte !

F. Je trouve que les protagonistes n'ont pas assez souvent de revoyottes au regard de leur riche passé. J'inclus donc la possibilité d'avoir une revoyotte dans mon système !

G. J'ajoute le jeu de cartes du Vertige Logique à ma liste d'aides de jeu :)

H. J'ai un peu développé ce en quoi consiste les interludes de méta-narration grâce à des commentaires d'Alban Paladin.

I. Voici donc mon système mis à jour (lancer 1d10) :

1-5. Script ou jeu

6. idée tirée sur une table

7. un PNJ avance sur son objectif

8. métanarration :
1- attendez ce qui va se passer est ouf !
2-preuve de l’investissement d’un perso dans l’intrigue ou on voit qu’un PNJ est dans la merde
3- les personnages sont plongés dans le doute

9. Revoyotte :
1- Soeur Jacqueline
2- Soeur Marie des Eaux
3- Champo
4-Père Benoît

10. tirage de cartes aléatoires :
1. Oriente
2. La stèle au coeur des plaines
3. Muses et Oracles
4. Almanach
5. Les larmes du Soleil
6. Nervure
7. Lexique gore
8. Table des détails forestiers
9. Image de Draftquest https://www.draftquest.fr/
10. Tarot de Marchebranche
11. Jeu du vertige logique



Bilan :

A. Je crois que la condition sine qua none à la fluidité d'écriture est de ne pas chercher à en faire plus que ce demande la contrainte d'écriture du moment. L'essentiel de la scène, pas de remplissage, et on passe à l'entrée suivante.

B. A nouveau, je n'ai pas beaucoup écrit vu le temps que m'a pris la mise à jour de ma méthodologie de session, mais j'ai franchement bon espoir d'au contraire économiser beaucoup de temps sur les sessions à venir.

C. La session d'écriture, très drivée par mon système s'est faite comme dans un rêve. Elle a été riche en imprévue du fait des combinaisons des tirages aléatoires et des inférences que je devais faire. On progresse, j'ai pu appliquer une suggestion du public et je pense que le prochaine épisode nous verra enfin en confrontation avec la Mère Truie !

Aides de jeu utilisées :
La stèle au coeur des plaines
Nervure

Décompte de mots (pour le récit) :
Pour cet épisode : 1556 mots
Total : 33996 mots


Feuilles de personnages / Objectifs des PNJ :

Voir cet article

Modifications :
+ ajout d'un matériel pour Champo (la graine de mort absolue)
+ ajout d'un objectif pour le Concile des Chasseurs



Question au public :

Voici la question qui fait suite à cet épisode :

Quel est l'événement dont la nature (rationnelle ou surnaturelle) va faire débat au sein des exorcistes ?
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

TU SE MOQUES

Un épisode intense marqué par l'oubli qui remet tout en doute. Un enregistrement par Claude Féry.

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle pour errer dans les ténèbres sauvages de la forêt de Millevaux

Joué le 12/03/2019

Image
Giles Watson, cc-by-sa

Le mardi nous jouons à Bois-Saule
En voici le témoignage audio
Je trouve cet épisode intense,
Xavier à beaucoup apprécié. Beaucoup de bleed.
Bonne écoute


Retour de Thomas après écoute :

Très intéressant l’interrogation sur l’âge de Léonard d’eau et depuis combien de temps ils sont ensemble, et sur qui étaient ses anciens amis : l’oubli remet tout en doute.

Image


Épisodes précédents de la campagne des Brimbeux :

* : partie enregistrée
** : partie enregistrée, sans compte-rendu écrit

1. Les Brimbeux*
Premier test du jeu par Claude, Gabriel et Mathieu Féry. Création de personnages et menues péripéties autour d’un cadenas mémoriel et d’une crête de punk.

2. Trouille *
Suite de la campagne menée dans les hortillonnages normands, une petite Venise maraîchère hantée par de dangereux horlas à tête de courge. Avec un test de « pas de côté » sur la prise de narration lors des jets de dés.

3. Le voleur de gidouille *
Une partie toute en narration, avec d’étranges rencontres et d’étranges reliques.

4. Que meure la bête **
Une séance entière de planque pour échapper au monstrueux propriétaire de la gidouille.

5. Mala **
Une partie des plus étranges au cœur de la forêt hantée par un horla, sans presque aucun jet de dés.

6. Je suis un Caillou *
Quand l'égrégore permet toute la puissance d'une chanson. Suite de la campagne des Brimbeux avec un détour mécanique par le jeu de rôle Sève !

7. Écoute **
Un épisode marécageux en quête de nourriture et d’un copain disparu. Une partie rythmée par une scansion hallucinée tirée d’une fiction audio de Carine Lacroix.


8. Kipande, les Galeux *
Un interlude à la campagne des Brimbeux, joué avec Sève, l’occasion d’un périple en barque ronde sur les terres inondées des hortillons, avec un accent toujours plus mis sur la mise en scène et la narration.

9. Samaël *
Alors que la terre est de plus en plus soumise au déluge, un jeune vacher rejoint le groupe des brimbeux.

10. Alphonse *
Alternance de paysages et de rencontres étranges, et interrogation sur le jeu descriptif VS les émotions des personnages.

11. Rouge *
Une exploration de la forêt du dessous.

12. Marie *
Suite des pérégrinations des petits brimbeux dans la forêt du dessous, avec la rencontre de ses étranges habitants… et d’une femme astronaute. La collecte des noix pour les futurs rêves a commencé.

13. Le Crafougna **
Une exploration de la forêt du dessous qui se solde avec la rencontre d'un croquemitaine issu de cauchemars enfantins... et un choix difficile.

14. Aux jours d'hier, la ronde de l'ou li **
Les personnages, devenus mémographes vont rencontrer une vieille femme qui confond les différents personnages incarnés par la même personne et affronter une tempête d'égrégore.

15. Les Cœurs Secs **
Suite de la campagne Les Brimbeux, accompagné d’un très beau poème épique. Un enregistrement de partie par Claude Féry.

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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

L'HEURE DU SACRIFICE

Enfin uni.e.s, les exorcistes s'apprêtent à tout donner.

Joué / écrit le 02/03/2020

Jeu principal utilisé : L'Empreinte, de Thomas Munier, survivre à une transformation qui nous submerge

N.B. : Les personnages et les faits sont fictifs.

Le projet : Dans le mufle des Vosges, un roman-feuilleton Millevaux

Précision : ces feuilletons sont des premiers jets, donc beaucoup de coquilles demeurent. Merci pour votre compréhension.

Avertissement : contenu sensible (voir détail après l’image)

Image
nmmacedo, cc-by-nd, sur flickr


Contenu sensible : rien cette fois :)

Passage précédent :

15. Le baptême
Quand tout le monde se prépare à la grande conflagration. Un épisode à nouveau marqué par un grand remaniement méthodologique.




L'histoire :

Image
My Firstborn Will Surely Be Blind, par Dead Raven Choir, du folk black metal guerrier mid-tempo, avec chant rauque et cuivres brûlants, pour une chevauchée céleste et catastrophique auprès du Roi-Chasseur.

"C'est entendu, nous allons voir ensemble ce qu'est votre Mère Truie", avait convenu le Père Benoît, prenant la direction des opérations.

On avait à peine pris le temps de rassurer les ouailles émues de la panique de Champo, que déjà l'exorciste avait réuni toute l'équipe dans le presbytère, priant le Père Houillon d'aller voir ailleurs. Il avait béni les habits du sherpa et les siens, et ils s'étaient mis en marche vers la ferme des Soubise, en passant par les chemins buissonniers du Clair Bois. La bise leur fouettait le visage comme si elle en faisait une affaire personnelle et des branches arrachées aux épicéas tombaient de toutes part autour d'eux. Le sol était fangeux des passages des porcs et des vaches, et pour trouver un passage où ils ne laisseraient pas d'empreintes dans le péteuillot, ils s'aventurèrent à travers des buissons d'auberpines et ceux-ci essayèrent de les bouffer, tant et si bien qu'ils n'en ressortirent qu'au prix de violentes contusions et de leurs habits bénis tout en lambeaux.

Ils arrivèrent tous déchirés et crottés devant la soue, et tout le monde fut pris d'un puissant haut-le-coeur en raison des remugles infects. Le Père Benoît, tout certain de son immunité, empoigna la clenche de la porte, mais celle-ci ne tourna pas.

"C'est verrouillé à triple tour, et c'est du solide.
- On enfonce, fit la Soeur Marie-des-Eaux !
- Cela va faire beaucoup de bruit, et d'ailleurs j'ai l'impression que ça s'agite déjà dans la ferme des Soubise, remarqua Champo. On n'aurait pas dû agir au crépuscule. On va tous les avoir sur le dos.
- Tant pis, on repart, ordonna le Père Benoît. Il faudra revenir mieux préparé."

Qu'elle était fière, cette expédition !


Dans la confidence de la presque-nuit, quand enfin le coucou s'était tu, Champo se débarbouillait le greuniot à l'eau du Ru Migaille. Elle était glacée, ça lui faisait du bien, cette eau c'était l'oubli et le pardon, emportant sans relâche les joies et les peines des jours passés vers le limon terminal sans en garder aucune trace.

Plaquée sur son visage, ça lui fit comme un choc électrique, le même que tout à l'heure au baptême, voilà-t-y pas que maintenant cette eau de rinçage et de réconfort agissait sur lui comme une eau de revoyotte !

Lhapka.

Il la revoyait, son visage comme raviné des mille épreuves d'une vie, ses habits cintrés et pratiques auxquels elle suspendait son matériel, battu par le vent des Hautes Vosges. La maîtresse alpiniste l'avait recueilli après la mort de ses parents et sa fuite du Dieu Corbeau. Elle lui avait appris son métier de sherpa.

Ils gravissent ensemble le mont du Hohneck. Il lui parle, est-ce qu'il lui a dit à cette époque ou est-ce le Champo du présent qui cherche à l'atteindre à travers les âges :

"Maîtresse Lhapka, si tu m'as recueilli, c'est pour faire ton devoir d'amie de la famille, mais avais-tu d'autres raisons ?"

Le vent les plaquait contre la paroi, il leur bouâlait dans les oreilles comme un grand tétras énervé.

Ils avaient dû éviter la pente la moins escarpée car un lynx énorme l'arpentait et s'étaient ainsi retrouvés à flanc de falaise. Les prises étaient traîtresse et s'accrocher aux racines et aux arbustes était une option encore moins tentable.

À leurs pieds, la vallée s'évaporait, la forêt de résineux ondoyait. Le monde était sauvage.

La nature, mûe par des forces au-delà de toute compréhension, avait repris ses droits et ils étaient au coeur de cette expérience.

"Je n'ai pas pu avoir d'enfant. Alors, oui le sens du devoir n'a pas été la seule raison. Et j'ai senti ton potentiel. Tu étais le seul à qui je pouvais transmettre ce que je savais.
- Transmettre ce que tu étais."

Lhakpa lui fit des gros yeux, comme si elle avait compris que Champo lui parlait depuis un autre temps.

Ensemble, ce jour-là, ils avaient gravi le Hohnek alors qu'il était réputé invincible.

Mais là-bas, là-haut ! ...

Elle y a laissé sa vie et Champo y a laissé sa mémoire.



La Sœur Marie-des-Eaux n'en pouvait plus d'être enfermée dans la cave à vins, alors au milieu de la grasse-nuit, il sortit faire les cent pas derrière l'église. Des bruits de gibier foisonnaient sous les broussailles. Un froid comme venu du cul de l'hiver lui rentrait dans la moelle. Il récita l'Apocalypse pour se galvaniser :

"Car en vérité je vous le dis, le Démon et celles et ceux qui portent son visage et parlent en son Nom sont déjà dans les murs de la Cité. Qu'ils aient pris le corps et le visage des Hommes, des bêtes ou des monstres. Qu'ils aient l'apparence séduisante et moite des désirs contre-nature ou qu'ils portent tous les stigmates de la Bête. Ils sont déjà là, à la fois cause et conséquence de la sauvagerie déréglée à laquelle l'Homme s'est voué dans son ignorance et sa désobéissanceau Vieux. Le Juste saura reconnaître les enfants du Démon et du Bouc Noir là où ils se cachent, dans les palais et dans les jungles, dans les cloaques et dans les temples. Et s'il est vrai que le Vieux lui parle, il saura quoi faire : tuer les enfants du Démon, les ramener dans la lumière du Vieux, ou encore empêcher que d'autres abominations viennent à naître."

Il fermait les yeux en récitant, pour mieux se figurer prenant part au combat biblique.

Avant de les rouvrir il sentit d'abord cette désagréable et familière odeur de biscuit et de fumier.

Avant de les rouvrir il avait déjà la main refermée sur son Opinel !

Quand il les rouvrit, le fils Domange était en face, souffle contre souffle, son peut greniot toujours emmailloté dans un bandage : visiblement son nez cassé n'était pas encore guéri.

Il plaqua le visiteur contre l'écorce d'un chêne avec toute la poigne de la colère :
"Salopiaud ! T'as voulu m'faire la peau et t'as zoqué Maurice ! Et tu r'viens encore dans nos pattes ! J'vais t'faire les derniers sacrements !"
Le fils Domange ouvrit grand sa main et ce qu'il dévoila lui sauva la vie.

Le novice se calma un peu et l'écouta parler. Il expliqua les choses avec ses mots à lui, c'était très frustre car il parlait de concepts au-delà sa compréhension avec ses moyens langagiers qui étaient limités. Mais en gros, il reconnaissait ce qu'il avait fait, mais ce n'était pas de vraies décisions de sa part. Il s'était senti "traîné" par quelque chose. Et il n'aimait pas ça. Sûr, c'était pas un saint, et sûr il allait pas assez souvent à confesse, mais c'était pas vraiment lui. Il avait été "traîné". Traîné à fréquenter certaines personnes et traîné à faire certaines choses. Et il en avait marre d'être la pâte d'un meunier invisible, et il était temps de faire quelque chose.

C'est pour ça qu'il lui confia la clé de la soue.

Et si ouvrir cette serrure pouvait rendre le monde meilleur, ou même juste rendre un fils Domange meilleur, ça valait peut-être le coup.


Quatre d'Opprobre
Saint François d'Assise
Jour du Potiron dans le Calendrier Républicain

"C'est l'heure du sacrifice."

Voici ce que dit Père Benoît quand on le réveilla en pleine noire-nuit pour lui montrer la clé. Il avait compris l'urgence de la situation, et plus tard ils ne sauraient jamais aussi prêts que maintenant.

Ils passèrent par le Ru Migaille récupérer Champo puis s'enfoncèrent à nouveau dans le Clair Bois, sans lanterne. La lune dans son premier quartier dispensa juste assez de ses rais à travers les frondaisons pour leur servir de complice. Cette fois-le sherpa avait sa serpe italienne et l'auberpine, toute affamée qu'elle fut, rendit grâce sous la virgule de sa lame.

"Allez, j'ouvre.", fit le Père Benoît.


Lexique :

Le lexique est maintenant centralisé dans un article mis à jour à chaque épisode.


Notes liées aux règles de L’Empreinte :

Menace : une Déité Horla (la Mère Truie)
Lieu de départ : Les Voivres
Avancement :
Acte I – Introspection + Tentation + Agression
Acte II – Introspection + Tentation + Agression
Acte III - Introspection + Tentation + Agression
Acte IV - Introspection + Tentation


Préparation :

A. À la fin de l'épisode précédent, j'ai posé cette question au public : Quel est l'événement dont la nature (rationnelle ou surnaturelle) va faire débat au sein des exorcistes ?

J'ai eu cette réponse de Damien Lagauzère : "Et bien là comme ça tout de suite, je pense à 2 évènements. Le 1er serait… la pluie! La question serait alors de savoir pourquoi une averse poserait des questions justement. Serait-elle la conséquence d’une menace lancée par une sorcière, une sorte d’imprécation? Aurait-elle été précédé de signes qu’un villageois aux talents d’haruspice aurait pu interpréter? S’agit-il d’une pluie acide ou surnaturelle? Et en 2nd, je pensais à l’intervention d’un Horla… mais un gros ^^ un truc énorme du genre d’un rejeton de Shub-Niggurath qui jaillirait du fond de la forêt. Là encore, pourquoi? A-t-il été appelé? Arrivet-t-il par hasard? Je n’en sais rien ^^"

Damien, je rajoute ta réponse à mon programme ! J'espère avoir d'autres personnes qui répondent lors des prochains épisodes, mais je ne suis peut-être pas beaucoup lu. Mais quoi qui ce se passe, même si personne ne lisait, je continuerai :)

B. Je poursuis mes lectures d'inspiration. En ce moment, j'en suis aux deux tiers du Journal d'un curé de campagne, de Georges Bernanos, qui offre de plonger dans l'intimité d'un jeune prêtre aussi pétri de foi que de doutes. Il y a dans cette peinture du mal au quotidien et dans l'exploration d'abysses métaphysiques l'expression d'un genre littéraire tout entier : l'horreur chrétienne. Bien que je ne pourrais et ne saurais singer l'emphase de l'auteur, il y a là forcément source d'inspiration.

C. Voici l'exercice d'écriture de Draftquest du jour :

Il s'agit de partager une page d'écriture (ou de réécriture) ou l'on a tenté de pratiquer le "show don't tell" et de relire une page partagée par un.e autre. Je me contenterai ici de relire une page de la communauté, en l'occurence celle de Saule.

J'ai choisi cet extrait en raison du pseudo de l'auteurice et ce fut une bonne pioche : c'était de la fantasy forestière ! Il y a plein de choses intéressantes dans ce petit texte qui pourraient être repompées dans Millevaux, je n'ai rien trouvé à redire sur le style, mais en revanche, concernant l'application de l'exercice, j'ai quelques réserves. A plusieurs reprises, le narrateur donne des informations de contextes en mode survol : s'il y avait une caméra dans la fiction, elle ne pourrait pas percevoir ces informations (le fait que seuls les sévetiers aient accès à l'arbre-mère, le nom de l'arbre-mère, de la cité de racines, l'importance de la mission du protagoniste...). Autrement dit, ce n'est pas cinématographique comme la consigne "show don't tell" me semble l'encourager. J'essaie pour ma part d'avoir un style cinématographique, d'apporter les informations par la description, les dialogues et éventuellement le ressenti intérieur des personnages plutôt que par des confidences que nous ferait le narrateur. Mais bien sûr c'est plus facile à dire qu'à faire, et cette relecture me montre qu'une vigilance reste de mise et que je serais fort capable de reproduire les mêmes choses que Saule dans son exemple.

D. Mon programme de para-rédaction est aujourd'hui peaufiné, cela me permet de gagner du temps, mais je dois reconnaître que je m'impose trop de para-rédactionnel. Vous dérouler mes lectures du moment et faire l'exercice d'écriture de Draftquest m'a consommé une demi-heure. Je vais continuer à le faire parce que ça m'intéresse, mais je dois être bien conscient que j'économiserais un tiers à demi de temps d'écriture si je zappais tout le para-rédactionnel. Si jamais je refais un jour un autre roman Millevaux, c'est à tout prix ce que je devrai faire.

E. Le prochain jour est la fête de Saint-François d'Assise, fondateur de l'ordre des Franciscains, stigmatisé et défenseur des animaux qu'il juge égal de l'homme devant Dieu : je pense qu'il y a un coup à jouer avec ce saint !

F. J'ai créé une page de blog dédiée à mon système d'écriture, et je la mettrai à jour au fur et à mesure.

G. Bon, j'ai encore passé une heure à tout préparer... Surpréparation quand tu nous tiens...


Bilan :

A. J'ai appliqué la réponse de Damien Lagauzère, qui impliquait que les PJ devaient faire confiance à un des meurtriers de Maurice. C'est ainsi qu'ils se sont retrouvés à commercer avec le fils Domange ! Cela m'intéresse, car ça permet de réhabiliter un personnage que j'ai jusqu'à présent présenté comme totalement mauvais. Toute occasion de nuancer est bonne à prendre, d'autant plus que je crains toujours que le roman pêche par des figurants trop détestables : je veux qu'on s'attache un minimum à eux afin d'épouser la cause des exorcistes.

B. Je continue mon ancrage dans le réel puisque je suis maintenant le calendrier lunaire ! C'est la meilleure option pour mentionner les phases de la lune sans faire d'enchaînements improbables. Je me tâte presque de faire de même pour la météo, mais je veux m'en tenir à une météo détestable, alors si jamais le dernier automne vosgien a été trop clément (réchauffement climatique...), je serai embêté.

C. Enfin j'arrive à mon dernier volet de cette partie du jeu de rôle L'Empreinte ! Prochaine session d'écriture, impossible d'y réchapper, on lance les dés et ça va sharcler !


Aides de jeu utilisées :
Nervure

Décompte de mots (pour le récit) :
Pour cet épisode : 1290 mots
Total : 35286 mots

Le compte de mots par épisode s'amenuise à chaque fois ! Autant ma machine m'a fait gagner du temps, autant je fais trop de para-rédaction !


Feuilles de personnages / Objectifs des PNJ :

Voir cet article

Je n'accorde pas encore tout à fait au Père Benoît le statut de PJ : dans le jet de dé final de l'Empreinte, il sera seulement compté comme allié. S'il survit à tout ça, il sera je pense bombardé PJ lors du prochain chapitre, joué avec un autre système de jeu de rôle

Modifications :

Un passé rajouté pour Soeur Marie-des-Eaux (mention de la disparition de son frère Raymond)


Question au public :

Voici la question qui fait suite à cet épisode :

Durant la confrontation avec la Mère Truie, qui va leur prêter assistance contre toute attente ?
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Message par Pikathulhu »

L'ENFANT DANS LE COFFRE & LE DOMAINE DU CERF BLANC

Deux mini-scénarios de Millevaux au seuil de la folie maîtrisés par un de ses auteurs, Michel Poupart

Jeu : Millevaux, au seuil de la folie. Plongée hallucinée au cœur de la forêt, par Michel Chevalier, Thomas Munier, Michel Poupart.

Joué le 06/04/2019 au CGS de Charleville Mézières

Image
Sue Cro, cc-by-nc, sur flickr


Le contexte :

Lors du CGS de Charleville Mézières, je me suis occupé des Millevaux. Ce qui m'a permis de tester le FU et quelques uns de mes scénarios maison.
Tu veux un compte rendu détaillé des deux parties ?
Ce sera rapide vu que c'était juste des démos de 2 heures. Et comme le FU est un jeu simple et rapide (en théorie), j'ai laissé mes joueurs créer leurs personnages. Une procédure qui en principe prend 5mm, mais qui en pratique à duré une solide demi heure à chaque fois.
Donc, la prochaine fois, je vais préparer une solide liste de pré tirés, pour un jeu qui ne sera pas le FU "canal historique" (je vais voir ce que je peux tirer du système de Lady Blackbird, ou de FATE par exemples). je précise que la plupart de mes joueurs étaient des casuals ou des noobs, ils n'ont pas fait de bons sur leur chaise fasse à une feuille de personnage où n'est inscrit aucune valeur chiffrée. ,
Bon, je te fais le résumé, c'est vraiment court.

L'histoire :

Pour le premier scénario, j'ai utilisé l'histoire du coffre de Bramore (c'est celle que je t'ai racontée à Eclipse). les personnages se sont retrouvés dans une maison abandonnée en Auvergne pour passer la nuit. Ils ont aidé Bramore à sortir sa charrette de l'ornière, avant de subir les "vagues psychiques" envoyées par l'enfant enfermé dans le coffre. Ils ont tous résisté à cette attaque mentale, sauf le disciple de Dagon, qui à demandé le code du cadenas qui fermait les chaines à Bramore. Devant son refus, il l'a trainé vers le puits voisin (avec l'intention de le noyer). Et comme un autre personnage à tenté de l’immobiliser, il s'est empressé de planter sa dague dans le coeur du vagabond (en précisant que c'était bien un sacrifice pour son dieu).

Un des héros était un druide qui utilisait un bâton taillé dans le bois d'un cerf géant et qui portait sur ses épaules une cape taillée dans la fourrure blanche du même cerf, Vu que le joueur est revenu le lendemain, j'ai envoyé la seconde équipe dans le domaine du Dieu Cerf.

Cette fois, les personnages commencent leur aventure dans la forêt limbique. Ils rencontrent un lutin qui se propose de les guider jusqu'aux Millevaux sur un sentier d'argent (celui-ci se promène avec sont champignon géant familier - un rouge à poids blancs qui s'appelle Champi). Mais un troll attaque les héros et ceux-ci doivent passer un portail voisin pour ne pas finir dans l'estomac du monstre. Ce passage les fait arriver dans le domaine du Cerf Blanc. où ils dévalent une pente recouverte d'une herbe rendue glissante par la rosée. Ils vont ensuite rencontrer un clan du peuple du bois et se rendre sur une colline voisine où les habitants de la forêt se regroupent autour d'un (supposé) dieu à la peu bleue. L'événement notable de la partie :. Une de mes joueuses à créé une nonne (qui maîtrise le chi) qui est venue dans les Millevaux à la recherche de la réincarnation du Dalaï Lama...
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Message par Pikathulhu »

MANDALA ET PAIN D’ÉPICES

La partie de tous les éclatements et de toutes les expérimentations formelles, pour le meilleur comme pour le pire

Le jeu : Marchebranche, aventures initiatiques dans un monde de forêts en clair-obscur.

Joué le 14/11/2016 à la convention RJDRA (Retour des jeux de rôles amateurs) à Paris, EPITA Kremlin-Bicêtre, dans la cadre de la Tournée Paris est Millevaux 4

Personnages : Truffe, Taillebois, Spectreville, Gragnoc, Ciselé

Cette partie s'insère dans la campagne ouverte du Monde du Canal.
Partie précédente : Sous la dalle

Image
Dessin : Fabien Hildwein, par courtoisie


L'histoire :

La forêt des arbres en noir et blanc. Ces arbres, certains noirs, certains blancs, sont de ceux utilisés pour fabriquer des pièces d'échec. C'est là que la Reine de Castelblanc et ses suivants ont élu refuge. Ils ont été escortés par des marchebranches qui vont maintenant repartir pour accomplir différentes quêtes.

Ciselé se voit confier une jeune fille qui avait été enlevée par les hommes de Fort Noir et formée à devenir une sorcière pratiquante de la magie noire. Elle est aujourd'hui maléfique et en train de devenir un monstre. Ciselé a pour mission de la dissuader de pratiquer la magie noire. Ensemble, ils réalisent un mandala en noir et blanc où la jeune fille abandonne ses noires pulsions.

Hulotte confie aux marchebranches d'aller enquêter sur le village des saveurs et des douceurs, dont les habitants ont disparu.
Une jeune fille sort des buissons, Chimère. Elle recherche son doudou, qu'elle a perdu dans la cité des nuages, au-dessus de la ville qui flotte. Ciselé et Spectreville prennent la route pour s'acquitter de cette quête

La Reine de Castelblanc tire les tarots pour les trois marchebranches en partance pour le village des saveurs et des douceurs. Elle tire trois cartes, le Soleil, la Tempérance (qui signifie ici le crépuscule) et la Lune. S'ils choisissent d'arriver au village de jour, ils auront l'initiative. S'ils choisissent d'arriver au crépuscule, ils pourront prendre leurs éventuels antagonistes par surprise. S'ils choisissent d'arriver pendant la nuit, ils auront une révélation.

La troisième quête leur est donnée par un cuisinier qui leur demande de trouver la truffe parfaite. Il y a bien sûr un conflit d'intérêt pour Truffe, l'homme-porc, qui serait le plus à même de dénicher cette truffe, mais risque d'avoir plus envie de la manger que de la céder au cuisinier.

Voici le journal de bord de Spectreville parti à la cité des nuages :

"Moi (Spectre Ville) et Ciselé, nous nous sommes séparés du groupe, nous mettant en quête du "doudou perdu"à la cité des nuages, pendant qu'eux se rendirent au mystérieux village de pain d'épices privé de ses habitants. Nous ne savions pas comment nous allions nous rendre à la cité des nuages.
Sur le chemin, nous sommes tombés sur une rencontre surprenante. Une ange, empêtrée dans une flaque de boue marécageuse à coté de la rivière. Je suis allé écouter son histoire et comprendre ce qui se passait. Elle nous disait qu'elle ne volerait plus jamais et qu'elle resterait boue à jamais. Pourtant, ses ailes étaient encore bien présentes, et elle était toujours lumineuse, malgré toute la boue qui gâchait le tableau. Nos paroles ne suffisant pas à la réconforter, nous décidâmes alors de faire une cérémonie mystique pour détourner le lit de la rivière. (Ciselé et moi même avions beaucoup d'âme)
L'ange a finit rassuré par nos appels aux esprits, par se relever et s’extraire de la boue, et à commencer à voleter.

C'est l'ange qui nous a emmenés jusqu’à la cité des nuages, nos bâtons servant d'assises à une espèce de balancelle sous l'ange.

Arrivés à la cité des nuages, nous nous sommes rendu compte que ce "Doudou" avait instauré une dictature sur la cité des nuages, sans même parler.
Une milice du "doudou" parcourait les rues, et jetait par le puits central tous les opposants.

Nous avons appris qu'une des production de la ville était le tissu d'innocence, un tissu fabuleux, léger et solide. Par contre ce tissu faisait aussi... rajeunir.

Ciselé a fabriqué un Doudou en tissu de nuage. Cela l'a fait rajeunir.

Dans une grande cérémonie de prestidigitation, moi, Spectre Ville, j'ai fait disparaître le Doudou Maléfique et l'ai remplacé par le doudou d'innocence.
Malheureusement, sur le chemin du retour nous nous sommes rendu compte que Ciselé était maintenant mentalement rajeuni. Il n'était plus intéressé par la reconquête de nos souvenirs et bien trop peu mature pour la suite. La noirceur l'avait envahi.

Arrivé chez la fille qui avait perdu le doudou, nous le lui avons rendu. Elle me tendit alors une carte avec une roue de la fortune dessinée.

Cela m'a tout remis en tête d'un coup. Le temps ou j'était prêtre des esprits, et j'utilisais de mes talents de prestidigitation pour rendre plus concrètes les manifestations des esprits du rocher aux yeux des fidèles. En effet, moi je les sentais... mais eux rien. Alors quand je faisais bouger les tables, je soufflais les bougies, là ils y croyaient. Un petit mensonge, pour mieux leur faire entrevoir la vérité.

Et puis il y a eu cette femme, Boucle. Une admiratrice de mes tours. Très admiratrice...Trop admiratrice, mais ça je l'ai su plus tard. Une passion dévorante est né.
Poussée par cet histoire forte, j'ai choisi de lui avouer que tout ce qu'elle voyait n'était que prestidigitation. Je lui ai tout déballé. Le truc pour faire bouger les tables, les bougies qui s'éteignent, tout. Et je l'ai emmenée aux rochers aux esprits pour lui demander si elle les percevait.

Et c'est la qu'elle commença à me mentir plutôt que me dire que les esprits ne lui apparaissaient pas.
Cette passion dévorante, mais également insupportable pour moi du fait de son mensonge, s'aggravait de jour en jour.
J'ai fini par fuir de jour en jour, de village en village, pour échapper à son harcèlement.

Et un jour, sa passion dévorante a finit par la transformer en monstre de pierre. Elle n'aurait pas connu les esprits de la pierre mais elle en serait devenu une.

Quel souvenir. Et depuis ce jour, un jardinier du village a côté entretenait les alentours de la femme statufiée et plantait un petit jardin autour de Boucle.

Retour dans le présent :

On va ensuite chercher un moyen de lutter contre la noirceur de Ciselé. Un moyen pour lutter contre le rajeunissement mental de Ciselé, ce serait de lui donner plus d'expérience. Et il y a effectivement une Nécropole dans le coin, où les habitants cultivent des vers à soie pour fabriquer du tissu d’expérience. Les vers mangent les cadavres, qui sont acheminés de tout le pays dans de grands cortèges funèbres. Après quelques mauvaises expériences, suite a avoir enfilé des tissus d’expérience faits de trop de généraux et autres bouchers, Ciselé va enfin tomber sur le bon, un tissu d’expérience d'un Marchebranche disparu, ce qui va le remettre sur le chemin de sa quête."

Pendant ce temps, les trois autres marchebranches sont partis au village des saveurs et des douceurs. Ils arrivent de jour et découvrent un village désert. Il y a des traces de pas géométriques. Ils se postent en surveillance et au crépuscule, ils voient des habitants sortir des maisons ; ce sont des bonshommes et des bonnes femmes en confiserie : bonshommes en pain d'épice ou en sucre d'orge... Ils effectuent des rondes sur un pas militaire et visiblement ils ont pris possession du village. Où sont les habitants ?

Les marchebranches, menant l'enquête, découvrent le laboratoire d'un confiseur, "père" des bonshommes en confiserie. Truffe découvre un sucre qui contient un souvenir. Il le croque et arrive dans le passé, au moment où le confiseur donne la vie à ses créatures. Il se voit proposer de rester dans le souvenir le temps d'apprendre ses arcanes, mais il préfère retourner dans le présent.

Truffe découvre qu'on peut tuer les hommes en confiserie sans prendre de la noirceur (ce sont des machines). Il comprend que le Roi en Pain d’Épices est la clé du problème : c'est lui qui est remonté contre les humains et qui a ordonné aux autres de mettre les habitants du village en esclavage dans les caves.

Avec l'aide de ses compagnons, Truffe entreprend de rendre humains les bonshommes en pain d'épice et en sucre d'orge pour que leur inimitié avec les humains n'ait plus aucun fondement. Pour ceci, ils passent le temps nécessaire dans le village pour donner aux êtres de confiserie ce qui à ses yeux leur manque pour être humains : une société. Avec ses lois, ses sacrements...

C'est ainsi que les marchebranches ont semble-t-il ramené la paix dans le village des saveurs et des douceurs.


Feuilles de personnage :

Truffe
Mage (gastromancien), âme
tête de porc
Niveau 1
carte : impératrice
équipement lié : bâton d'orge
compagnon lié : un homme en pain d'épice

Taillebois
artisan, esprit
écailles, menuisier
Niveau 1
Carte / souvenir : Soleil à tête de sanglier. Fleur qui pousse en forêt du soleil qui calme les folies meurtrières. Mais je n'ai pas tué la plante.
Spécialité : reconnaître un arbre

Spectreville
saltimbanque, âme
prestidigitateur
habit élaboré avec des symboles
entend les esprits
Niveau 1
Carte : Roue de la fortune
Spécialité : faire un tour qui change l'opinion des gens
Compagnon : Boucle

Gragnoc,
Lycanthrope
Voyage, force
bâton d'os

Ciselé
artisan joailler, âme
bâton en bambou
noirceurs : redevenu un enfant (stéréotype d'enfance)
Niveau 1
Spécialité :
cultiver des plantes
Noirceur : somnambulisme (une fois par aventure, se réveille dans un endroit incongru)


Commentaires :

Mise en jeu :

+ J'ai testé les cartes de privilèges des marchebranches.
+ J'ai fait jouer deux des quêtes imaginées par des participant.e.s de la précédente partie (Sous la dalle), qui avait été jouée en MJ tournant sans que l'on ait eu le temps de jouer les quêtes de tout le monde.
+ Le tirage de tarots par la Reine de Castelblanc était une expérimentation formelle sur la symbolique des tarots. J'ai choisi les arcanes tirées pour tisser une symbolique signifiante et offrir un vrai choix de jeu. J'étais assez content de mon idée, même si c'est difficilement reproductible : il faut que chaque MJ joue avec la signification des tarots pour proposer une taromancie qui soit à la fois signifiante et débouchant sur des choix ludiques.
+ J'ai fait plusieurs expérimentations formelles de jeu sans MJ au cours de cette partie : j'ai laissé le joueur de Ciselé imaginer tout seul comment il "déradicalisait" la jeune sorcière. J'ai aussi laissé à l'équipe le droit de compléter la carte avec des lieux de leur invention, ce qu'a fait le joueur de Ciselé. Puis j'ai laissé les joueurs de Ciselé et Spectreville gérer la quête du doudou perdu, pendant que je gérais le groupe parti sur la quête du village des saveurs et des douceurs. J'ai aussi laissé ce groupe-là brainstormer en fin de quête sur comment rendre humains les bonshommes en pain d'épice. Le but de ces expérimentations était de voir si on pouvait rendre des joueuses ou des groupes autonomes pendant que l'arbitre est occupé à gérer un autre groupe ou une joueuse en particulier.
+ Le journal de Spectreville a été rédigé par son joueur

Joueur de Ciselé :

+ La fiction solo ou le jeu sans MJ sont fatigants. Cela marcherait mieux si j'avais une structure.

Joueur de Spectreville :

+ C'est assez dense la fiction solo mais il ya beaucoup de moments où on est hors-ssytème. Sentiment d'être livré à soi-même
+ Sur la partie avec MJ, c'était trop facile de s'en sortir des noirceurs, on la traîne pas longtemps et on la joue pas trop.
+ Le sytème qui abandonne les joueuses, c'est plus bof, il faut qu'elles puissent interrompre le MJ.

Joueur de Taillebois :

+ Heureux de retrouver Rêve de Dragon sans la complexité
+ Millevaux, ça m'évoque la dureté, la survie. Ici c'est un jeu différent
+ J'aime bien le rôle des marchebranches qui créent des problèmes et les enlèvent
+ J'adore la carte qui s'agrandit au fur et à mesure
+ Le système de noirceur interdit la violence, les joueurs bourrins vont être déçus :)
+ J'aime le système d'expérience et d'atouts.

Joueur de Truffe :

+ C'est toujours intéressant de tester des trucs différents.
+ On peut comparer à Animonde et Rêve de Dragon mais là ça le fait bien.

Retour personnel :

+ L'erreur d'importance que j'ai commise, est d'avoir confié un moment de jeu solo puis un moment de jeu freeform sans MJ à deux au joueur de Ciselé, alors que je sais qu'il n'aime pas ce type de jeu où on invente des choses pour ses personnages, plutôt que de défendre ses intérêts.
+ L'autre erreur, parce que j'ai été emporté par l'autre groupe, est d'avoir laissé durer trop longtemps la quête de la cité des nuages en mode jeu freeform sans MJ à deux. Si j'avais pu revenir vers eux plus souvent, et/ou basculer l'autre groupe en mode sans MJ, ça aurait été moins compliqué pour eux.
+ J'ai essayé de leur transmettre les tables aléatoires pour qu'ils soient un peu guidés, mais cet outil n'est que peu sollicité quand on est sans expérience. Aujourd'hui, un outil comme Bois-Saule serait une bonne alternative pour gérer des moments solo.
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

DÉFLAGRATION

Le face à face avec la Mère Truie s'avère dévastateur !

Joué / écrit le 09/03/2020

Jeu principal utilisé : L'Empreinte, de Thomas Munier, survivre à une transformation qui nous submerge

N.B. : Les personnages et les faits sont fictifs.

Le projet : Dans le mufle des Vosges, un roman-feuilleton Millevaux

Précision : ces feuilletons sont des premiers jets, donc beaucoup de coquilles demeurent. Merci pour votre compréhension.

Avertissement : contenu sensible (voir détail après l’image)

Image
(C) Armand Pigss

Contenu sensible : zoophilie, ultra-violence

Passage précédent :

16. L’heure du sacrifice
Enfin uni.e.s, les exorcistes s'apprêtent à tout donner.


L'histoire :

Image
Migration, par Buried At Sea, un mare de goudron drone sludgecore qui se traîne lourdement à l'infini vers la mort.

La ferme des Soubise semblait endormie, une carcasse sous le croissant de lune, que fouettaient les arbres en se balançant au gré du vent. Entre la soue et la bâtisse, un chaos de courges énormes et d'enclos à cochons. L'un d'eux pouvait se réveiller à n'importe quel moment et donner l'alerte. La nuit était déjà brune, il ne ferait bientôt plus assez sombre pour agir.

"Je vais ouvrir la porte, Père Benoît. Je me sens inspiré par Saint François d'Assise. Il ne tolérerait pas le mal qu'à commis cette créature à nos frères les animaux.

Il y avait du bruit derrière la porte. Mais les dés étaient jetés, il était plus que temps de se lancer.

Il ouvrit !

Dans la pénombre, une masse grognante qui puait comme mille fosses à lisier. Et derrière elle, s'activant comme un beau diable, un vieil homme nu. A son visage rond et ses cheveux frisés, Champo le reconnut, bien qu'il paraissait de plus en plus rarement dans le village. C'était le grand-père Soubise. Et il était en train de triquer la Mère Truie.

"Démon, siffla la Sœur Jacqueline. Ainsi donc, c'est toi le père de tous ces porgrelets !
L'homme resta silencieux. Il se retira des chairs flasques de sa maîtresse, le vît encore dressé.
C'est la Mère Truie qui répondit, d'une voix caverneuse, étouffant les exorcistes de son haleine putride, les aspergeant de glaviots et de pus :
"Grrrrrrrruuuuu-yyyyy-kkkkkkkkrrrrrrrlllllll !!! Gra-ortchl. Comment ose-tu revenir à moi, toi qui t'es enfuie de mon giron ? Comment osez-vous venir me troubler ainsi que ma progéniture ?"
Elle se vautrait sur ses propres porgrelets et en écrasa un par négligence.
"Silence !, bouâla la Soeur Marie-des-Eaux. Tu n'es qu'une mère qui dévore ses enfants. Relâche-les, laisse les voivrais en paix et vas-t-en.
- Légion..., siffla le Père Benoît.
- GRRRRRRREUUUYYYYUUUIIIIRRRRRRRKKKKLLLLL ! A moi, mes cochons ! A moi, les Soubise ! A moi, les enfants !"

Déjà le halo d'une lampe à huile se fit voir derrière les carreaux crasseux de la maison. On accourait !

La Sœur Marie-des-Eaux eut la revoyotte de son dialogue avec le maire Fréchin. "Tu es un tueur, comme moi." Il revit la scène de l'abattage dans l'arrière-salle du Pont des Fées. Son oeil mort palpitait comme une forge.

"Silence ! Tu n'es qu'une mère qui dévore ses enfants !", lança-t-il.
Il se jeta de toutes ses forces sur la gueule immense de la bestiole et planta son opinel entre ses deux yeux. Le monstre rua dans tous les sens en boûlant comme la gorge de l'enfer et propulsa le novice dans les planches de la soue qu'il traversa comme si ça avait été du carton.

Champo se croyait déterminé à affronter l'horreur. Il ne l'était pas. Il tourna les talons, souleva par une forme de lâcheté et de désespoir qu'il ne se serait jamais soupçonné. Dehors, le père Soubise en robe de chambre avec sa fourche, pataugeant dans le péquis, et derrière lui, tenant la lampe à huile, Madeleine avec le petit Hippolyte dans ses basques.

Le père Soubise dépassa le sherpa, enjambant les courges, la protection de la Mère Truie avait sa priorité.

Alors Champo eut une idée pour se redonner une contenance, et il gueula assez fort pour que les exorcistes l'entendent.

"Madeleine, Hippolyte, c'est terminé ! Il faut me suivre ! Il faut s'enfuir !"

Image
Subliminal Genocide, par Xasthur, black metal dépressif et shoegaze, une peinture des limbes entre ciel et enfer qui se complaît dans la souffrance, y trouve son lit et sa catharsis.

"Vinrat ! Toi, j't'avais donné une chance mais j'vais t'planter !, rugit le père Soubise en se retournant.
Champo leva sa serpe italienne devant ses yeux, dans un geste de défense plus que d'attaque.
Mais quelque chose s'interposa entre lui et le fermier sorcier. Glissant comme des serpents, puis se tendant comme des câbles, venues des quatre coins de la cour, des cordes se tendirent et s'arrimèrent aux pignons des granges, bloquant le passage.
Champo n'en revenait pas, il se demandait ce que c'était, puis il se rappela Basile. Basile le cordelier.

Le Père Soubise fouettait les cordes avec sa fourche, sans efficacité. "Nom de Vieux de nom de Vieux, de toute façon, tu peux pas me les prendre, y sont noués !
Madeleine Soubise, dont la lumière éclairait les croûtes du visages pour en souligner le relief, hocha la tête pour confirmer, au désespoir.

"Jacqueline..., chuinta la Truie que le sang giclant de son crâne dérangeait à peine, t'es prise par le con, que ça soit par moi ou par d'autres, ça te perdra ! Elle se recula, manquant d'écrabouiller son amant, avec un mouvement de traction de la tête, comme si elle tirait quelque chose avec les dents. Et la Sœur Jacqueline fut traînée les genoux dans la boue, le bassin en avant, et elle souffrait comme si on lui avait fourré des braises dans l'intimité, comme si on lui coulait du plomb fondu sur les cuisses et le ventre, et dans son intérieur, quelque chose tressauta.

Le Père Benoît récitait les prières d'exorcisme :
"Exorcismus in Satanas !
Et Angelos Apostatos !

Judica Domine nocentes me expugna impugnantes me !

Confundantur et revereantur quærentes animam meam !

Fiat via illorum tenebræ, et lubricum : et Angelus Domini persequens eos !

Gloria ! Patri ! et Filio ! et Spiritui Sancto !

Sicut erat in principio...

Arg...

Et nunc ! Et semper !
Et in sæcula ... sæculorum !!!

AMEN !"

Mais ça revenait à pisser dans un violon.

La Sœur Jacqueline était maintenant les quatre fers en l'air et glissait dans la boue à droite à gauche à mesure que la truie secouait la tête, hurlant, pleurant, traînée de plus en plus vers elle.

"Tu m'auras pas, tu m'auras plus, la Mère ! Moi aussi je suis une sorcière !
Le grand-père sentait qu'il y avait un risque, alors il se campa entre la doyenne et la truie. Il pointa son majeur à l'ongle noir, et le croisa avec le majeur de son autre main pour former une croix inversée, il accentuait le mal de la nonne et tentait de la renverser dans leur camp. Elle était soulevée d'ondes de douleur et de ses profondeurs, remontait, plus horrible encore, une vague de plaisir charnel.

"Imbéciles !, hurla-t-elle avec une voix rauque que le Père Benoît reconnût comme la voix des possédés ! En me torturant à ce point, vous ne me rendez que plus forte ! Je suis votre égAAAALEEEEE !"
Elle se tordit en arrière, sa colonne vertébrale se ploya dans un craquement dégueulasse. Dans son ventre, un poing frappa. Ainsi, c'était vrai, la Bernadette lui avait fait un petiot, et d'une certaine façon il lui venait en aide.

Des vagues de flux spirituel s'échappèrent d'elles en souffles excentriques comme autant de déflagrations. Le grand-père Soubise, pour puissant qu'il fût, tomba à la renverse comme si sa tête avait reçu un boulet de canon, la gueule en sang.

Les cochons étaient tellement en panique qu'ils défoncèrent leurs enclos.

La Soeur Marie-des-Eaux se traînait dans la boue en s'aidant de son crucifix qu'il plantait devant lui, incapable de marcher.

"Wrrriiiiick... Des vieux et des éclopés, voilà tout ce qu'on m'envoit."

Et la Mère Truie se roula sur le novice. La dernière chose qu'il vit fut le corps énorme, puant et couvert d'éclaboussures de porgrelets s'affaisser sur son corps.

Sainte Mère de Vieux ! Je me suis déjà fait écraser par un truc de cette taille !

Alors qu'il sentait ses os à peine ressoudés se briser à nouveau, le novice était en pleine revoyotte, il était tout petiot à l'époque. L'engin agricole était trop chargé d'un côté. Il lui avait basculé dessus. Il ressent à nouveau la douleur, inédite pour l'époque, presque surpassée dans son intensité par la stupéfaction, la stupéfaction de sentir que son corps vient d'être broyé comme une noix. Il n'a que la tête qui dépasse, il n'a même plus l'énergie de crier, il ne peut que pleurer. Tout se brouille, il perd connaissance à intervalles réguliers, à chaque fois de plus en plus de gens attroupés dans la forêt autour de lui. Il entend sa mère pleurer. Il voit son père les bras ballants, complètement impuissants. ça bouâle dans tous les sens, des dizaines de bras qui tentent de soulever le colosse de métal. En vain.

Ainsi donc sa vie n'a été que souffrance.

Champo tirait Hippolyte par la main, le gamin avait beau se débattre, le sherpa l'emportait d'une poigne surnaturelle, et Madeleine avait pas d'autre choix que de les suivre.

Il était rentré dans la ferme, et il fouillait tous les meubles, en sortait tout un bric-à-brac qu'il jetait aussitôt derrière lui :
"Il faut trouver le voult. Il faut trouver l'objet qui vous noue... Fouillez !
- Mais vous comprenez pas, ça sert à rien...
- J'ai dit FOUILLEZ ! J'veux pas encore perdre un môme ! J'en perdrai plus jamais un !" Il était rouge de rage, il écrasait des assiettes et des pots sur le mur au papier peint pourri. Sa mâchoire tremblait et Hippolyte en avait encore plus peur que de son père.

Les cochons, victimes et esclaves de leur mère, couraient au milieu des planches emportées par le vent, éclatant les courges sur leur passage. Gruikkk, gruikkkk, gruikkkkk !!!!

La Mère Truie, toujours bloquant le novice, jubila en présence de la Sœur Jacqueline. Le Père Benoît, lui, ne comptait pas.

"Là où vous m'avez étonné, c'est en réussissant à retourner mes alliés Corax contre moi. Mais ça ne fait rien, finalement, ils ne sont pas venus vous aider, et quoi qu'ils vous aient confié, ça n'a pas l'air de faire d'effet... Grruiikkk
Puis ses paroles se poursuivirent en grognement et son grognement se mua en un langage articulé fait de borborygmes et de hurlements proches du brâme : la langue putride !

"IIIIII wwwww AAAAAaaaaaa.... SssssHHHHHHH BBbbbbbbweur Gniiiii GGGGRRRWWWWRRReeeeuuuuhhhh TTTTTTrrrrrrr GrrrrruIIIIIIIIIKKKKKKRRRRLLLLLL !"

Ils comprirent à cet instant qu'ils avaient affaire à une entité de la fin des temps.

"Whoit ! La graine de la mort absolue !, bouâla Champo. Il s'était enfui avec la seule chose qui pouvait peut-être nuire à ce monstre. Et maintenant, s'il revenait, il serait peut-être trop tard pour sauver Madeleine et Hippolyte !

Le père Soubise s'approchait de la doyenne avec sa fourche tendue. Il sifflotait.

Elle arrêta les pointes avec ses mains. Ou plutôt à travers ses mains.


Lexique :

Le lexique est maintenant centralisé dans un article mis à jour à chaque épisode.


Notes liées aux règles de L’Empreinte :

Menace : une Déité Horla (la Mère Truie)
Lieu de départ : Les Voivres
Avancement :
Acte I – Introspection + Tentation + Agression
Acte II – Introspection + Tentation + Agression
Acte III - Introspection + Tentation + Agression
Acte IV - Introspection + Tentation + Agression (en cours)


Préparation :

A. À la fin de l'épisode précédent, j'ai posé cette question au public : Durant la confrontation avec la Mère Truie, qui va leur prêter assistance contre toute attente ?

J'ai eu cette réponse de Damien Lagauzère : "Et pour la question… m’inspirant de mon solo en cours… Et si c’était un Horla qui intervenait pour les aider contre la Mère-Truie? Peut-être le ferait-il pour de mauvaises raisons (c’est un Horla) mais peut-être aussi pour de bonnes… voire les deux ^^"

Voilà qui met sur des charbons ardents ! Je rajoute la réponse à mon programme !

B. Voici l'exercice d'écriture de Draftquest du jour : "je vous propose de rédiger un petit texte qui présente tous vos personnages, pas seulement selon leur liens explicites (par exemple, Roger est le mari de Jessica), mais aussi selon leurs liens implicites (Roger et Jessica sont diamétralement opposés: Roger est laid, elle est à tomber par terre - il est drôle, elle est sérieuse - il ne ferait pas de mal à une mouche, elle est potentiellement vénéneuse). Essayez de faire tenir cela en dix lignes. Cela vous permettra, dans un second temps, de faire des personnages qui seront "organiquement" liés. A vos stylos! Et on en parle sur le forum!"

Les quatre personnages, Sœur Jacqueline, Sœur Marie-des-Eaux, Père Benoît et Champo sont des exorcistes. Père Benoît a formé Sœur Jacqueline dans les forêts limbiques, qui a à son tour formé Sœur Marie-des-Eaux. On peut dire que les deux sœurs ont formé Champo, mais c'est encore rudimentaire, il n'a pas encore fait de séjour dans les forêts limbiques.
Père Benoît et Sœur Jacqueline partagent une certaine gourmandise, bien que Sœur Jacqueline ait tendance à la perdre depuis qu'elle a rompu avec la Bernadette.
Au contraire, Sœur Marie-des-Eaux et Champo partagent le sens de l'ascèse et ne se nourrissent que de végétaux. Ils semblent aussi avoir en commun le fait d'avoir un passé tourmenté.
Sœur Jacqueline n'est pas en reste en la matière, puisqu'elle a jadis été une servante de la Mère Truie, à l'époque où celle-ci se consacrait à la luxure et non à la violence. Elle semble avoir oublié beaucoup de son passé, et sa servitude à la Mère Truie ne lui est revenue que récemment.
On ne sait rien du passé de Père Benoît, ni s'il s'en rappelle. Il semble débonnaire et touché par la grâce, mais là aussi on ne sait si c'est une réalité intérieure ou une apparence.

C. Retrouvez ici mon système d'écriture. Je le mettrai à jour au fur et à mesure.

D. J'ai l'impression d'avoir été plus rapide dans ma mise en place, pour autant il ne me reste qu'une grosse heure et demie pour écrire mon histoire ! Tâchons d'être efficace !


Bilan :

Ecrire cette dernière scène de confrontation avec les règles de l'Empreinte a été galvanisant ! La musique de fond aidant, j'étais ON FIRE ! Le système de combat de l'Empreinte permet d'obtenir des scènes de conflit très détaillées, et je suis très surpris par la tournure des événements ! Les règles rendent la chose ample, par conséquent je n'en suis qu'à la moitié de mon combat ! Je me suis fixé comme objectif de sauver Madeleine et Hippolyte, mais seul l'avenir nous dira si cet objectif, pour humble soit-il, a des chances d'être atteint !

Aides de jeu utilisées :
Table des détails forestiers
Le jeu de rôle Les Exorcistes
Nervure


Décompte de mots (pour le récit) :
Pour cet épisode : 1707 mots
Total : 36993 mots


Feuilles de personnages / Objectifs des PNJ :

Voir cet article

Modifications :
Une nouvelle empreinte pour Sœur Jacqueline : "enceinte de la Bernadette"



Question au public :

Voici la question qui fait suite à cet épisode :

Pour qui ou quoi le Père Benoît est-il prêt à se battre ?
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Message par Pikathulhu »

LES LIENS DE MÉFIANCE

L’équipe de l’actual play 1 MJ de Trop tente de jouer à Oriente en se focalisant sur les dialogues roleplay. Une ambiance délétère avec un groupe qui règle ses comptes autour d’un feu de camp, pour une partie très proche d’une fiction audio mais qui a laissé les participant.e.s en partie sur leur faim quant à leur objectif de jeu.

Joué le 22/02/20

Le jeu : Oriente, perdre ses repères en traversant la forêt de Millevaux

Partie enregistrée sur la chaîne 1 MJ de trop

Image
tamarlvarez, cc-by-nc-nd, sur flickr

Commentaires de Thomas après écoute :

Bonjour à l'équipe d'1 MJ de trop. Un grand merci pour avoir joué à mon jeu !

A. mazette, 3h12 de vidéo pour Oriente, je suis impressionné :)

B. Vous prenez pourtant un bon départ en faisant réagir les PJ aux réponses de l’un d’eux

C. Ce qui aurait manqué, c’est un portrait par PJ, leur donner plus rapidement un nom, une personnalité (qui ne se résume pas à une description physique donnée en cours de jeu), même si des choses très efficaces émergent en nom : le prénom Méfiance pour le PJ de Jessica est super bien trouvé car il résume à fond sa personnalité.

D. Sympa la référence à la drogue de la noix, on voit les connaisseurs :)

E. Cela manque de description de la forêt, mais la musique et les dialogues donnent un côté fiction audio qui peut aussi être plaisant

F. L’autre souci c’est que vous ne faites pas parler ou agir Oriente

G. Je me demande si ce n’est pas la peur du PJ de Jessica qui a généré le horla qui les suit :)

H. Super discussion sur l’égrégore

I. L’inconvénient de la formule RP est aussi que les tours sont assez longs

J. Cela ne me semble pas un échec total : s’il n’y a pas vraiment d’action, il y a de super dialogues

K. Chouette sonorisation:)

L. Ce qui peut être un frein à l’action roleplay, c’est l’absence de système de résolution qui nécessite une bonne dose de fairplay pour gérer des confrontations, moi je suis confrontant qu’au moment du climax, c’est plus facile d’y dire des choses définitives du genre « je tue Oriente », « Je m’en vais »…

M. L’autre souci c’est que les joueuses en savent plus que les PJ

N. Quelque part l’atmosphère de déliquescence que vous inspire le jeu, pour intéressante qu’elle soit, n’était sûrement pas propice à des échanges RP dynamiques:)

O. Hé hé la révélation sur le bâtiment que vous cherchez:)

P. La fin avec le déchirement familial est bien triste:)

Q. Je confirme qu’on peut trouver les questions d’Oriente sur mon site : https://outsiderart.blog/millevaux/oriente/

R. Je me demande si la sensation que certains ont d’être « enfermés » par le roleplay ne tient pas au fait que vous n’avez fait aucune interruption méta, donc pas l’occasion de négocier la fiction, il faut continuer en impro et ça passe ou ça casse.

S. Bon, je suis quand même rassuré de voir que vous avez quand même au moins pour moitié aimé l’expérience !

T. On peut aussi se demander à quel point la contrainte « jouer 100 % RP » convenait à tout le monde, et aussi si ça aurait pas dû être un peu plus explicité (parce qu’ici on était 100 % RP + 0 % méta). Après, d’un point de vue immersionniste, la partie est très élégante, notamment les questions : « je te fixe avec insistance : de quoi as-tu l’air en ce moment ? » qui amènent des descriptions en sortant très peu des personnages.

U. Comme le souligne l’un des participants, Oriente n’a pas été conçu pour favoriser le RP, il est plutôt prévu pour de la narration au passé et en style indirect, et pour être centré sur un PNJ (et non sur les PJ) comme dans For The Queen. Pour qu’un Descended by the Queen encourage plus le RP, il faudrait rajouter des instructions et/ou des questions adaptées.

V. Il y a une galerie de portraits avec le jeu de cartes en PDF, et on se choisit un portrait pour nos PJ et aussi pour les PNJ autre que Oriente, ça aide beaucoup

W. La problématique de la vie réelle qu’Oriente apporte, c’est celle de la confiance. C’est surtout ça.

X. Pour info, j’ai fait des parties assez satisfaisantes avec des personnes qui connaît pas l’univers. Le côté post-apo forestier suffit, en fait. Et puis les questions ramènent l’univers, le traitent à leur façon. Mais vous avez répondu à peu de questions.
 
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Message par Pikathulhu »

LE MOULIN DÉJÀ-VU

Du vertige logique au programme et un peu moins de trahison que désiré pour ce test de scénario croisé Millevaux/ Trophée Sombre. Un récit par JBFH.

Le jeu : Trophée Sombre de Jesse Ross, expédition punitive au cœur de la forêt

Le scénario : Le Moulin Déjà-Vu, par JBFH. Entre oubli, ruine et étrangeté circulaire, vous ne sortirez pas indemne ce moulin.

Joué le 20/02/20.

Image
Neal Wellons, cc-by-nc-nd

Scénario joué pour ma part hier soir en ligne. Deux joueurs qui ne connaissaient pas Millevaux et qui ont joué un historien et une sorcière pour une partie de 2h30-3h. Il y a eu très peu de jets de dés car peu d’actions risquées, et en fait on a surtout lancé pour les Rituels. La Ruine n’est pas montée très haut (3 et 5), mais suffisamment pour jouer un peu avec les États tout de même. Les choix des joueurs vis à vis du But de leur personnage, de ce que pouvait être le trésor et de leurs motivations se sont plutôt bien accordés avec l’Oubli et le thème de l’Incursion. Là dessus ça a plutôt bien convergé.
Je me suis bien amusé à faire des Flashbacks et des Flashforwards pour mélanger les lignes de vie des exploratrices. Malheureusement, je n’ai pas réussi à suffisamment instaurer de méfiance et de jalousie pour déclencher un PvP final.
+ J’ai presque réussi à garder la sorcière au village dans le Poids du passé, c’était très émouvant.
+ On a eu un très bon moment de « maelstrom » (pour reprendre un terme de La Cellule) – ou de Vertige Logique (?) - où le joueur de la sorcière décide d’ajouter une marque de naissance sur le corps de son personnage, qu’elle retrouve sur une des vieilles au village et que je transforme en cicatrice laissée par l’historien, loin dans leur passé commun, suite à une trahison elle aussi oubliée. En 10 min tout à pris sens. C’était chouette.
- J’ai perdu le joueur de l’historien que je n’ai pas su embarquer dans ma vision un peu trop abstraite et onirique de la forêt hantée ^^ Le côté contemplatif et la perte de repère ne lui ont pas parlé.
- C’était un peu difficile de jouer les dopplegangers lors de la dernière scène et d’accabler mes pauvres joueurs, d’être méchant avec eux pour déclencher un sentiment de honte. Je les ai fait vite disparaître et ai laissé les joueurs décider de la fin.

Finalement la sorcière a maladroitement bu le liquide coulant du grammophone, son corps s’est alors décomposé et son esprit a été propulsé dans son propre passé où elle a décidé de ne pas trahir l’historien (contrairement à sa première ligne temporelle).
L’historien est sorti de la forêt avec une partie du trésor, a demandé à Nitsed à ce que le nom de la sorcière soit ajouté au registre en souvenir et il a rapporté le trésor à son village pour l’étudier.

Bref, je pense que sans concertation préalable avec les joueuses, il est assez difficile de créer la trahison finale si les personnage sont dans un « alignement » bon ou neutre. En tout cas, c’était une bonne expérience que je devrais reproduire vendredi soir :) (oui je rentabilise mes scénarios haha)
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Message par Pikathulhu »

LE MARTYRE

Suite et fin de l'épouvantable combat contre la Mère Truie !

Joué / écrit le 18 et le 20/03/2020

Jeu principal utilisé : L'Empreinte, de Thomas Munier, survivre à une transformation qui nous submerge

N.B. : Les personnages et les faits sont fictifs.

Le projet : Dans le mufle des Vosges, un roman-feuilleton Millevaux

Précision : ces feuilletons sont des premiers jets, donc beaucoup de coquilles demeurent. Merci pour votre compréhension.

Avertissement : contenu sensible (voir détail après l’image)

Image
Eric Chan, cc-by, sur flickr

Contenu sensible : violence sur enfant, mutilation génitale (sur adulte)


Passage précédent :

17. Déflagration
Le face à face avec la Mère Truie s'avère dévastateur !


L'histoire :

Image
S/T, par HKY, un post-hardcore lourd, noir, spatial, à fleur de peau : tristesse, abysse et goudron.

Sœur Jacqueline avança vers le Père Soubise, aggravant ses plaies et se mettant davantage à sa merci. Elle devait prendre ce risque pour espérer prendre un allant décisif sur le fils sorcier.
"C'est toi qui n'es pas fort assez. Dénoue Madeleine et Polyte ou il t'en cuira."

Le Père Soubise n'émit qu'un grognement en guise de réponse. Sa gueule se déforma à la maigre lueur de la lune, dans un immonde bruit d'os broyés. Elle devenait son vrai visage, une tête de porc, le groin palpitant, les yeux étroits, couverte de la sanie de cette métamorphose.

La Sœur Jacqueline serra les dents, elle sentait tout ce qui était encore solide dans son corps devenir de la pisse, du sang et des larmes, mais elle tint bon et masqua sa peur autant qu'il était humainement possible de le faire. Ces choses, ces vacheries de choses, ces hommes-porcs qui ressortaient du pus de son passé, c'en était trop, elle sentait tout claquer dans sa tête, couche par couche, mais whoit ! il fallait qu'elle tienne bon, pour la Sœur Marie des Eaux
... pour Champo
... pour Madeleine
... pour le Polyte
... et même pour le Père Benoît

... pour ce qu'elle portait en elle et qui vaille que vaille était le fruit d'un amour

... et pour expier.

"Vous me les prendrez pas...", vagit la Mère Truie.

Champo avait défoncé la table de nuit des parents Soubise, maintenant il déchirait le matelas. Il y avait bien des écus planqués, mais pas ce sâpré de nom de Vieux de voult. Alors que Madeleine l'aidait à chercher, il eut un sale pressentiment, il se retourna et il vit qu'Hippolyte n'était plus là.

Il le retrouva vite au bruit de ses hurlements et des coups sourds laissés sur son passage. Il était attiré par la Mère Truie comme un aimant, balloté à travers la maison, beugné contre les murs, entraîné par une poigne invisible vers une fenêtre.

Champo le chopa par les pieds au dernier moment, le môme était passé à travers une vitre et il allait s'envoler vers la créature. Madeleine et le sherpa le tenaient de toutes leurs forces, tandis qu'une force grandissante cherchait à leur arracher le gamin tout lacéré de verre et poisseux de sang.

Champo sentit au fond de lui-même comme une vrille dans l'estomac, il réalisa qu'Hippolyte n'était rien pour la Mère Truie, mais qu'elle cherchait juste à faire du mal à chacun d'eux, et le gamin était sa proie parce que ça l'affectait lui, c'était sa faute, à cause de son sentiment de culpabilité, qu'Hippolyte était en danger !

Le Père Benoît était tordu en quatre, il faisait que prier, ses mains tremblaient comme des feuilles, refermées jusqu'au sang sur son crucifix.


"Vous n'êtes RIEN !, exulta la déité horla qu'était la Mère Truie, tout en mettant bas des grappes de porgrelets sur la tête de la Sœur Marie-des-Eaux, qui n'étaient que foetus gluants à la sortie, et grossissaient à toute vitesse, pour devenir des verrats infâmes, les plus peutes créatures que la terre ait jamais portées, aveugles et sans jambes, qui n'avaient d'autre rôle que d'incarner la colère stupide de leur mère avant de crever sous leur propre poids.


Image
Metsänkulkija, par Kalmankantaja, du black metal dépressif, épique et animiste, pour une chevauchée suicidaire au fond des bois.

Et les bêtes à groin, libérées de leurs enclos, prises de panique totale et en même temps toujours sous l'emprise de leur mère, se lâchaient dans tous les temps, bousculant la Sœur Jacqueline, piétinant le Père Benoît. La nuit brune n'était plus qu'un loin cri porcin. C'était la fin !

Madeleine et Champo fermèrent les yeux. Ils sentaient les petits doigts du Polyte sur le point de lâcher les leurs.

La main du Père Benoît émergea de la masse des couennes, brandissant son chapelet.

C'est alors que l'événement se produisit.

Une chasse fantôme venue des tripes du ciel et de la forêt déferla sur la soue et les enclos. Des destriers drapés de loques translucides, que montaient des chevaliers du temps jadis, décharnés, nimbés de lumière, et fondant, dans un éclat de jugement dernier, tout droit vers la truie.

À leur tête en gloire, couronne d'or, de rameaux et de baies, la barbe au vent que parcouraient des torques et des bijoux, l'épée au clair et des proies de toutes sortes pendues dans ses gibecières, le spectre d'un

"L'Empereur Charlemagne, unificateur des chrétiens ! Mes prières ont été entendues !", exulta le Père Benoît malgré la douleur.

Et alors qu'il chargait la déité horla, la Sœur Marie-des-Eaux reconnut sa monture.

Il était donc là aussi, le fier animal sauvé des limbes par la grâce divine, et dans un braiement d'outre-tombe revenant à leur rescousse.

Maurice !

"Sâpré nom de Vieux de vacherie !", bouâla le Père Soubise, distrait par l'apparition. Il fit la double erreur de relâcher sa poigne sur sa fourche et de regarder en arrière. La Sœur Jacqueline retira ses mains ensanglantées des pointes de la fourche, puis, mû d'une force qu'on n'aurait jamais pu lui soupçonner, la retourna contre son bourreau.

En plein dans les parties.

Le Père Soubise tourna d'un coup blanc comme un linge à part là où ça pissait rouge le sang, et son corps glissa des lames alors qu'il tombait dans les pommes.


Champo raffermit sa poigne sur l'enfant. Mais n'en pouvant plus, la Madeleine lâcha. Et Champo fut emporté avec le petiot ! Le Polyte passa à travers le réseau de cordes. Il n'en fut pas autant du sherpa, qui s'écrasa dans le réseau et finit étranglé. La dernière chose que vit le môme avant de perdre connaissance, c'était son protecteur, les yeux écarquillés, tirant la langue. C'en était fini de Champo, qui n'avait jamais rien eu d'autre de sa vie en tête que de guider ceux dans le besoin.


Le Polyte tomba comme un paquet sur la couenne de la Mère Truie. Elle poussa une gueulante de mille beusses enragées quand la charge spectrale fondit sur elle avec le grondement d'un coup de tonnerre.

Le Père Benoît, qu'on eut put tenir pour lent et dépassé par les événements, fit la preuve de son sang-froid. Il comprit qu'ils avaient qu'une fenêtre de temps très réduite avant que la chasse fantôme ne révèle que ce qu'elle était : un écran de fumée. Il vit la Madeleine Soubise tenter de passer à travers les cordes, il s'empara de l'Opinel du novice et trancha dans les filins, libérant à la fois la mère et le cadavre du sherpa.
"Prenez votre enfant et suivez-nous, on doit partir MAINTENANT !"

Il ordonna à la Sœur Jacqueline de porter la Sœur Marie-des-Eaux et se chargea lui-même du corps de Champo. Pas question de laisser un chrétien fraîchement baptisé aux mains de ces monstres.

Et c'est ainsi que les exorcistes quittèrent le clair bois pour se réfugier au presbytère, qui ne serait qu'un abri très temporaire.

Alors que la presque-aube jetait un peu de voyotte dans la sacristie et que le Père Houillon rassemblait du vin et des linges, dans un dérisoire simulacre d'assistance, le Père Benoît put constater les dégâts.

La Mère Truie n'avait pas été inquiétée.

Le Père et le Grand-Père Soubise se remettraient de leurs blessures pour si peu qu'ils trouveraient un guérisseur dans le village ou que leur monstrueuse maîtresse possède des soins dans sa palette maléfique.

Il ne voyait pas comment jeter l'anathème sur eux, aussi, le trafic de porcs allait continuer et la Mère Truie pourrait encore se nourrir de la violence faite aux animaux et aux hommes. Tout au mieux pourrait-il en détourner les gens de bien.

Madeleine et Hippolyte avaient pu les suivre. "J'suis plus nouée, je le sens, là.", avait dit la mère. Le Père Soubise devait conserver son voult dans son pantalon, et c'est ce qui l'a perdu. Mais ils ne pouvaient pas rester aux Voivres, sous peine de retomber dans le giron des Soubise. Aussi leur exil était à organiser dans les plus brefs délais.

Le malheureux sherpa était mort et le Père Benoît ne put que lui administrer le dernier sacrement, misant sur la possibilité d'un dernier souffle présent dans sa poitrine.

La Sœur Marie-des-Eaux était condamnée au grabat.

Il surprit une conversation censément privée entre le novice et la Sœur Jacqueline, penchée sur son lit de souffrance :
"Tu vois Marie, les voivrais n'avaient pas le choix, ils étaient sous l'emprise de la Mère Truie.
- C'est faux. En tuant les animaux, ils accédaient à leurs souvenirs. Ils auraient dû comprendre qu’ils faisaient du mal à des êtres sensibles : ils savent mais ils ignorent.
- Assez parlé de ces pauvres bêtes. Parlons de toi, Marie. Je n’ai pas choisi grand-chose de ma vie et toi non plus. Mais toi, tu peux encore saisir ta chance."

Ce furent les derniers mots sensés qu'on entendit de la bouche de la doyenne. Dorénavant, elle n'afficha plus qu'un masque béat en guise de visage. La raison l'avait quittée.


Lexique :

Le lexique est maintenant centralisé dans un article mis à jour à chaque épisode.


Notes liées aux règles de L’Empreinte :

Menace : une Déité Horla (la Mère Truie)
Lieu de départ : Les Voivres
Avancement :
Acte I – Introspection + Tentation + Agression
Acte II – Introspection + Tentation + Agression
Acte III - Introspection + Tentation + Agression
Acte IV - Introspection + Tentation + Agression


Préparation :

A. À la fin de l'épisode précédent, j'ai posé cette question au public : Pour qui ou quoi le Père Benoît est-il prêt à se battre ?

J'ai eu cette réponse de Damien Lagauzère : "Et si le Père Benoit avait un souvenir tatoué ou gravé à même la peau, quelque chose qu’il ne voudrait et ne pourrait ainsi oublier? Un peur comme dans le film Memento ^^ Cela ferait office pour lui de mobile à ses actions même s’il en a oublié l’origine. Il suivrait « les ordres » de ce souvenir. Cela pourrait être un passage de l’Apocalypse ou une historiette tirée de l’almanach."

Je rajoute la réponse à mon programme !

B. Voici l'exercice d'écriture de Draftquest du jour : "Cette semaine, pour ceux et celles qui ne se sont pas encore lancés, un exercice pour vous aider. Une sorte de petite essai libre, de dix lignes. Dites-nous ce que vous avez envie de raconter!"

Voilà une question difficile ! Je ne suis pas parti avec une idée très précise en tête, les choses se développent au fur et à mesure, j'écris "pour voir ce qui va se passer" pour reprendre l'expression chère aux jeux de rôles propulsés par l'Apocalypse. Mais je suppose que dès le départ, j'avais une idée de mon mélange entre Millevaux et le folklore vosgien du 19ème siècle, pour avoir déjà fait quelques parties de jeu de rôle sur le sujet, et l'idée de faire jouer des prêtres exorcistes était également déjà assez mûrie, pour l'avoir expérimentée sur une de mes parties de jeu de rôle Millevosges. Le couple de sœurs exorcistes m'est venu du couple de moines dans Le Nom de la Rose. J'aimais beaucoup ce couple mais pour être original, je l'ai inversé doublement : outre le changement de sexe, j'ai fait de la doyenne une naïve qui s'ouvre aux plaisirs charnels, et du novice un érudit à la foi inébranlable, bref j'ai inversé les rôles par rapport au Nom de la Rose. Cela s'est avéré fertile. Le fait que les exorcistes soient des sœurs est particulièrement intéressant parce que ça leur interdit de faire les sacrements et les forcent à composer avec le clergé masculin. Quand au concept d'écriture, motorisé par du jeu de rôle, il me vient d'une longue réflexion sur la possibilité d'irriguer des romans par des systèmes de jeu de rôle, initiée notamment avec ce podcast. J'ai lancé Dans le mufle des Vosges pour répondre à ce défi, car je sentais que dans la communauté littéraire et rôliste, tout le monde était dubitatif sur cette possibilité. J'ai recyclé un vieux projet de jeu de rôle, qui était de jouer au jeu Les Exorcistes dans Millevosges et un autre vieux projet, qui était de faire une campagne multi-systèmes, et ça a donné un résultat qui a dépassé mes espérances.

C. Retrouvez ici mon système d'écriture. Je le mettrai à jour au fur et à mesure.

D. Par curiosité, je suis retourné voir le nombre de mots de mes précédents romans achevés : 47000 mots pour La Guerre en Silence, et 81000 mots pour Hors de la Chair (qui est en fait un recueil de trois nouvelles qui se suivent). Je réalise donc qu'avec déjà 37000 mots pour 17 session d'écriture (soit 2200 mots par session), j'avance plutôt bien ! Je vais maintenir l'objectif de 40-45 sessions / 100 000 mots, mais je dois garder à l'esprit qu'arrêter avant ce terme serait déjà tout à fait honorable en terme de taille.

E. Confinement oblige, mes habitudes de travail sont chamboulées et il ne m'est plus possible de faire une session d'écriture d'un seul bloc. Pour tenir le rythme d'un épiosde par semaine, je vais donc fractionner ma session de trois heures en autant de micro-sessions qu'il sera nécessaire (mais j'ai au moins un bloc d'1 h 3/4 ce soir).

F. Mes lectures du moment : Je suis en train de lire La Mélie Tieutieû : Couaries avec le Père Fanfan de Georges L'Hôte, une série de saynètes en patois lorrain que j'ai empruntée à la bibliothèque familiale : une inspiration indispensable pour réviser mon patois et mon humour paysan ! Je suis également plongé dans Petits métiers des villes, Petits métiers des champs de Fabienne Reboul-Scherrer, qui met à l'honneur des vieux métiers du 19ème siècle : une source d'inspiration intéressante pour Dans le Mufle des Vosges et tout à fait prodigieuses pour Millevaux.



Bilan :

A. Avec la fermeture des écoles, je dois m'occuper de mon fils, et ça m'a été assez difficile de trouver ces trois heures d'écriture ! En attendant, je suis très en retard sur beaucoup de choses courantes. Alors j'ignore si je pourrai continuer Dans le mufle des Vosges lors des prochaines semaines de confinement. Nous verrons bien.

B. "L'esprit de Charlemagne qui autrefois conclu un pacte avec la nature lors de son long séjour à Gérardmer revient du royaume des morts pour venger Maurice le supplicié" : voilà la réponse que Claude Féry avait faite à une de mes questions au public et qui attendait sur mon script depuis si longtemps ! Il était enfin arrivé le moment de l'appliquer ! J'espère que ça valait le coup d'attendre ! :) J'ai essayé d'annoncer un minimum la chose pour que ça ne fasse pas trop deus ex machine, j'espère que les ficelles ne sont pas trop grosses :)

C. Sur un final à 6d6 pour les exorcistes contre 8d6 pour la Mère Truie, je sentais l'affaire perdue d'avance ! Et bien les probabilités m'ont donné tort, avec un total de 23 pour les exorcistes contre... 22 pour la Mère Truie ! Il s'en est vraiment fallu d'un cheveu ! Mais le mode cauchemar fait quand même bien mal, en me coûtant la bagatelle de deux personnages à qui j'étais très attaché ! Bon, ceci dit, j'avais commencé ce roman en me jurant qu'aucun personnage ne serait sacré... donc l'un dans l'autre j'ai eu ce que je voulais !

D. C'est donc la fin de la partie jouée avec L'Empreinte ! ça aura duré un sacré moment avec presque une demi-douzaine de sessions sans jets de dé ! Mais je pense que ça en valait la peine ! L'Empreinte a été un bon choix pour son caractère désespéré et nous a offert un final digne de ce nom à ce chapitre : je suis assez fier du système de résolution de ce jeu ! Je suis à peu près sûr de jouer la partie suivante avec Oriente, pour jouer l'exil de Madeleine et Hippolyte (qui ont failli ne pas y avoir droit !), ce qui va nous tenir quelques temps éloigné des Voivres.

E. Record bas du nombre de mots depuis que je fais le compte ! Il faut dire que manipuler le système de combat de L'Empreinte a ralenti mon écriture, mais j'espère pour le meilleur ! Après tout c'était un climax et il ne fallait pas le rater !


Aides de jeu utilisées :
Aucune, le combat m'a trop accaparé :)


Décompte de mots (pour le récit) :
Pour cet épisode : 1473
Total : 38466


Feuilles de personnages / Objectifs des PNJ :

Voir cet article

Modifications : J'ai rajouté une empreinte à Champo et à la Sœur Jacqueline et les ai transféré dans le cimetière des personnages.


Question au public :

Voici la question qui fait suite à cet épisode :

Qui va guider les exorcistes à travers la forêt pour l'exil de Madeleine et Hippolyte ? La mystérieuse Augure, le roué Nono Elie, le candide menuisier Sibylle Henriquet, ou quelqu'un d'autre ?
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Pikathulhu
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Message par Pikathulhu »

LE CHÂTEAU DE PAPIER

Crash-test de Commando Subconscient, un jeu de rôle tactique inspiré d'Inception. Vertige logique à tous les étages !

Le jeu utilisé : Commando Subconscient, un jeu amateur perso pour jouer dans l'univers du film Inception, de Christopher Nolan (voir texte du jeu après l'histoire)

Joué le 28/05/2017 au Festival Alchimie du Jeu

Personnages : M., F. , Honoré, E., W.

Avertissement : contenu sensible (voir détail après illustration)

Image
Justin Mclean, cc-by-nc, sur flickr

Contenu sensible : suicide


Le concept du jeu :

Commando Subconscient est un vieux jeu maison qui visait à émuler l'action du film Inception, de Christopher Nolan (film sorti en 2010, j'ai écrit le jeu peu après) ; autrement dit un commando chargé d'intervenir dans les rêves d'une cible pour manipuler son subconscient. Le gameplay du jeu se focalisait énormément sur la métamorphose du décor par les personnages : c'est ici un vieux serpent de mer du vertige logique en ce qui me concerne, quelque chose que je n'avais jamais réussi à mettre en œuvre. Le jeu en était resté à quelques notes un peu cryptiques (que vous retrouvez à la fin de ce compte-rendu), basé sur une sorte de magie freeform où il fallait combiner des sphères d'influences et des niveaux de portée, pour créer une sorte de phrase apte à transformer la réalité onirique. Il n'avait jamais été testé. C'est maintenant chose faite !


L'histoire :

Le Commando Subconscient est maintenant formé :
+ M. est Polyvalent, c'est un passionné d'archi.
+ F. a la capacité de morpher les milieux à son avantage. C'est une sorte de rôdeur. Il maîtrise le climat.
+ Honoré est un horloger retraité. A participé à la guerre d'Algérie, qu'il retrouve dans ses rêves. C'est un personnage assez excentrique qui profite des réalités oniriques pour arborer des tenues incongrues.
+ E. est une femme, ancienne des forces spéciales et parapsychologue.
+ W., sur qui on sait peu de choses.

Watanabe, leur mentor, leur fait subir un test. Ils doivent aller chercher une bande musicale dans la strate 2 de son subconscient. Swan sera la "mère poule" du commando : il restera en strate 0 et gérera le bon déroulé des endormissements et des réveils.

La strate 1 est appelé le Château de Papier. C'est un palais japonais avec des murs en papier de riz. La notion de distance est brouillée, difficile de savoir si le château est exigu ou infini. En tout cas, le commando ne visualisera ni sortie, ni fenêtres, ni escalier vers des étages inférieurs ou supérieurs.

Dans une pièce, un couple de buveurs de thé (est-ce un souvenir d'enfance, les parents de Watanabe ?) tiennent une conversation ordinaire. C'est une boucle sémantique : la même conversation reproduite à l'infini.
Le commando crée une pièce de bois, l'un deux utilise sa magie pour l'ouvrir. Ils rentrent à l'intérieur et sont alors pris d'assaut par trois ninjas.
Deux autres commandos clouent les buveurs de thé au sol par un effet gravitationnel. Ils récupèrent les katanas accrochés au mur.

E. reste dans cette strate, en soutien. Les quatre autres descendent en strate 2 avec Watanabe.

La strate 2 est un supermarché. A nouveau, c'est difficile de savoir si l'endroit a des bornes. Il y a une fille avec un smartphone, elle tient tout un baratin à propos de cosplay. Un ado qui joue à un jeu vidéo. Une mémé qui pousse un caddie. Gaffe à tous ces "mobs" qui pourraient donner l'alerte.
Les commandos activent la sonnerie alarme et vont dans la remise. Ils fouillent dans les sacs à beignets. Ils sont rejoints par Watanabe en personne, qui les affronte au nunchaku. Il blesse Honoré, qui se réveille alors brusquement.

Restée en strate 1, E. se fait agresser par un ninja qui file ensuite chercher du renfort.
Honoré la rejoint. Ils utilisent le corps d'un ninja pour défoncer une porte. Ils tuent un autre ninja d'un coup de katana à travers la cloison.

Les commandos restés en strate 2 ouvrent le coffre-fort de la remise : ils trouvent un chat porte-bonheur. Watanabe disparaît.
Un paradoxe ébranle la réalité. Une bombe explose.
Le plafond du supermarché commence à s'effondrer. Tout passe en gravité zéro. Le supermarché est démultiplié à l'infini.

Les ninjas arrivent. Pour se protéger de l'effondrement, les commandos créent un labyrinthe de rayons de supermarché et de murs anti-sismiques

Une chanson d'Edith Piaf, résonne, venue des strates supérieures : c'est le signe qu'il faut se réveiller.

Les ninjas attaquent la pièce de bois. Effondrement.
Trois commandos se réveillent. Honoré et E. ouvrent une brèche. Ils créent un paradoxe qui accouche d'une strate 3 entre le château de papier et le supermarché : une sorte de parking souterrain avec des piliers et des cages d'escalier à perte de vue.
Honoré se sacrifie pour ralentir les ninjas.
3 commandos un peu sonnés voient Watanabe courir vers les escaliers de la strate 3, impuissants.
E. les rejoint. Par un sort d'alourdissement et de fermeture, elle bétonne le ninja qui les menaçait le plus.
Mais Honoré est tué par les autres ninjas qu'ils retenaient.

Honoré se reveille. Il se rendort aussitôt pour revenir dans la strate 1. Il découvre une baignoire, avevc une femme suicidée dedans, les veines ouvertes. L'eau est rouge. Il y a une vitre translucide derrière. Les "parents" sont toujours plaqués au sol. Honoré ouvre le coffret sous le bonsaï. Il y a une boîte à musique : il la fait jouer et mémorise la mélodie.

Dans la strate 3, Watanabe lâche son nunchaku, et provoque W., qui le blesse : Watanabe se réveille alors avant les commandos et tue Swan : privés de possibilité de se réveiller, les commandos sont maintenant prisonniers des limbes.

L'effondrement.


Le jeu :

Titre alternatif : COMMANDO SUBCONSCIENT

3 d12
permet de faire une combinaison de mots clés et de chiffres
12 = chiffre magique → paradoxes
3 x 12 = succès critique
suites (ex : 4 ; 5 ; 6) = on peut combiner les chiffres comme on veut (4 ; 5 ; 6 ou 4+5 ; 6 ou 4+5+6 ou 4 ; 5+6 ou 4+6 ; 5)
Doubles (ex : 4;4;8) = complications
Brelans (ex : 4;4;4) = complication avec paradoxe
Création de personnage : chaque personnage a une spécialité, ce qui lui alloue un dé fixe du score de son choix (donc on jette 2d12 + le dé fixe)

Tableau des phrases :

1 Intensité : 7 Intime, 8 Unitaire, 9 Vide, 10 Plein, 11 Global, 12 Universel
2 Cible : 7 Humain, 8 Créature, 9 Organe, 10 Esprit, 11 Subconscient, 12 Projections [i.e. les figurants du rêve, contrôlés par le rêveur]
3 Espace : 7 Pièce, 8 Ville, 9 Château, 10 Coffre, 11 Ouverture, 12 Fermeture
4 Verbe : 7 Détruire, 8 Créer, 9 Modifier, 10 Sauvegarder, 11 Endormir, 12 Réveiller
5 Temps : 7 Seconde, 8 Minute, 9 Heure, 10 Jour, 11 Année, 12 Siècle
6 Milieu : 7 Eau, 8 Terre, 9 Feu, 10 Air, 11 Vide, 12 Gravité
7 Concept : 7 Message, 8 Décharge, 9 Code, 10 Piège, 11 Traque, 12 Fuite

Faire un jet de chance pour trouver des objets


Commentaires :

Mise en jeu :
+ Watanabe est une référence à Ken Watanabe, l'acteur qui interprète le commanditaire dans le film.
+ C'est moi qui ai soufflé à l'équipe l'idée de créer un labyrinthe de murs anti-sismiques pour contrer l'effondrement et gérer les ninjas.

Retour de F. :
+ Concept vachement sympa, très intéressant.
+ Le fait de synergiser les dés, c'est bien, ça donne un aspect coop.
+ En jeu de rôle, le temps x 10, c'est trop court. Ne mettre qu'un multiplicateur temporel de x2 entre chaque strate.
+ Noter les mots possibles et ensuite appliquer.

Retour de E. :
+ Sur le tableau, mettre plus de possibilités (1d20, deux dés différents)
+ Remplacer le dé fixe par un bonus à la carac ?

Retour de M. :
+ Les paradoxes : en faire des positifs (pour les PJ) et des négatifs (pour le MJ)
+ Avoir des carac FORCE pour gamifier le combat contre les Projections (i.e. les figurants du rêve)
+ Malgré les remarques, j'ai beaucoup apprécié. Le projet a beaucoup de potentiel.

Retour du joueur d'Honoré :
+ Le jet de dé manque de fluidité. [Thomas : C'est en effet trop technique et ça prend du temps à gérer. Trouver un équilibre]
+ Revoir les échelles de valeur
+ Dans le film, il y a des phases en dent de scie et tu attires l'attention si tu vas dans un lieu interdit ou si tu fais un paradoxe
+ Quand tu veux descendre d'une strate, tu dois endormir la cible. [Thomas : je me note de revoir le film pour noter les paradigmes]
+ Pour le réveil, c'est au défibrillateur. [Thomas : c'était utile d'avoir à la table un puriste du film comme toi]
+ Mieux exploiter les fétiches, et les rituels autour pour conserver sa santé mentale.

Retour de W. :
+ Ce que je reproche le plus à la conception, c'est le manque de roleplay. [Thomas : c'était plus un puzzle tactique] : rajouter un côté roleplay aux personnages ?
+ Travaille un peu tes scénarios. Avec un vrai scénario, ce serait mieux. Avec une ligne directrice. [Thomas : à mettre en perspective avec la durée de jeu, courte]
+ Le temps passé sur la technique est trop long. ça casse le côté jeu de rôle.
+ Les effets sont trop chaotiques. [Thomas : le plus, c'est l'aléatoire, l'impro, le chamboulement. Le moins, c'est le manque de contrôle, frustrant pour les joueuses.]
+ Des fois, on pouvait faire aucune combinaison avec notre jet de dés.
+ Avoir des persos plus construits.
+ La magie n'est pas assez techniquée, ce qui crée un déséquilibre.


Retour personnel :

+ Cette expérience a ajouté une corde à mon arc, celle des réalités virtuelles tactiques.
+ Mais j'aurais été nettement plus solide sur ce genre de proposition en jouant par exemple avec Millevaux Mantra.
+ J'ai constaté qu'à l'époque de la conception du jeu (et encore plus lors du test !), mes souvenirs d'Inception étaient flous, d'où le manque de précision sur les paradigmes et la distance prise avec le film. Heureusement que lors du test, le joueur d'Honoré, qui en avait un meilleur souvenir, nous a servi d'expert.
+ Cette expérience a été une leçon d'humilité. Lors du debriefing, W. m'a demandé depuis combien de temps je maîtrisais [ce à quoi j'ai répondu : "depuis 25 ans"] : il devait penser que je manquais de bouteille ! Le jeu pas fini et l'improvisation sans filet avaient tout pour lui faire penser cela en effet.
+ Les joueuses qui doivent rester en support dans les strates supérieures (conformément au film) se retrouvent mises à l'écart. Au mieux, on peut leur envoyer des dangers, mais ça fractionne l'action, et ça ne permet pas plus à la joueuse de jouer avec les autres. Des systèmes comme Inflorenza ou Millevaux Mantra, avec des collaborations télépathiques, pourraient résoudre ce souci.
+ Cela vaudrait grave le coup que je teste le jeu PBTA amateur adapté d'Inception conçu par Adam Sawyer, il est très certainement bien plus abouti que le mien.
+ Je ne pense pas que Commando Subconscient connaisse une postérité. J'inclus ce compte-rendu dans la série des comptes-rendus de Wonderland, ça s'insère assez bien dans mes expériences d'exploration des réalités, même si le thème d'Alice au pays des merveilles était ici absent.
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Message par Pikathulhu »

LA GESTICULE DES BUVEURS DE PLUIE

A la recherche des gouttes de pluie et des souvenirs qu’elles contiennent, une session où le joueur prend le pouvoir ! Un récit, un enregistrement et une vidéo par Claude Féry

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle pour errer dans les ténèbres sauvages de la forêt de Millevaux

Joué le 19/03/2019

Suite de la campagne Les Brimbeux. Voir la liste des épisodes précédents.

Image
Frida, cc-by-nc, sur flickr

Hier, nous avons joué à Bois-Saule avec Xavier la quatrième journée des aventures de Léo et Léonard d'eau, intitulé la gesticule des buveurs de pluie.
Xavier a été surprenant
Il est beaucoup intervenu et a ménagé le coup de théâtre attendu
Seul la phase de répit n'a pas été jouée.
Une belle session

Voici le témoignage audio de 1h15

Voici la feuille de personnage tapuscrit de Léo

https://drive.google.com/file/d/1eRS_FZ ... p=drivesdk

Voici les procédures

Voici le montage "vidéo" utilisé pour "l'atmosphère" de la partie

Voici la préparation non préparation ou feuille de route pour la partie


Image
photo : Claude Féry, par courtoisie


La préparation

Bois-Saule : quatrième journée.

Mon destin funeste : la papesse, un horla se nourrit des sacrifices.
Une question : pourquoi les renards contractent-ils la rage ?
Ma quête : pouvoir voler
Mes deux symboles : gentillesse, amour.

L’almanach nous indique :

Marche

19
Nous sommes sortis de nos abris après la tempête d'égrégore. Tout autour de nous, trophées, membres,
bijoux, statues. Une forêt de symboles.

20
Dans l'Arbre des Sephiroth, Shub-Niggurath est « Daath »,
le cercle caché, la bibliothèque cosmique de toutes les mémoires de l'univers.


Image
photo : Claude Féry, par courtoisie


Surnature nous renseigne :

Pour certains, les souvenirs sont plus précieux que le présent.

L'humus est le compost de nos souvenirs abandonnés.
Y plonger à perte de rêves, jusqu’à les user, les souiller ou exhumer la perle rare comme une fleur qui pousse
sur la charogne.

Retrouver un souvenir au risque de retourner dans le passé. Je poisse de nostalgie. Elle remplace bientôt ma sueur. Elle devient mon odeur. J’ai perdu mon sol. Va voix s’étiole. Je deviens gris. Le temps me fuit ou je fuie le temps. Les époques me traversent. Je deviens puits. Mes larmes ruissellent en perles de souvenirs. Les lavandières de souvenirs viendront bientôt ôter la souillure des eaux puisées dans mon caveau.

Le problème des mémoires n'est pas qu'elles se perdent, c'est qu'elles restent, même après la mort.
Elles pèsent. Elles engluent. La grisaille s’installe. Les chairs prennent la consistance de la craie. Le regard s’embue des boues des regrets.

Notre passé et notre mémoire s’enkystent dans nos corps, (enquêteur de la chair, braconniers de la chair qui volent des membres pour les revendre comme souvenirs), alchimie de la mémoire : extraire la quintessence d'une réminiscence puisée dans un corps, transformer le souvenir d'un autre en un souvenir à soi, pour soi.
Un acte ultime d’égoïsme qui fait rejaillir l’autre.

Les douleurs du passé sont sédimentées dans notre peau.

La douleur du souvenir fantôme.

L'opium jaune comble le manque créé par l'oubli.

Image
Le Tarot de Marchebranche, photo par Claude Féry (par courtoisie), illustrations par Thibault Boube (C)

« Chaque Oubli est un pardon ».

Ma mémoire est un feuillage que souffle le vent. Feuilles de visages, de mots et de gestes emportés par la bise entre les arbres narquois.

Injecter de l'eau dans le cerveau d'enfants encore innocents, puis l’ôter pour se délecter leur mémoire sous forme de jus.

Des êtres et des choses disparaissent parce que le monde les a oubliés.

De microscopiques chansons de geste ordinaires : les gesticules.

"Deux moyens de paiement pratiqués à Millevaux :

La petite obole : on paye en racontant un souvenir. La grande obole : le souvenir est définitivement perdu, il
devient la propriété de l'acheteur, le vendeur est atteint d'une profonde sensation de manque.

La petite contre-obole : on paye en racontant un de ses regrets ou un de ses remords. La grande contre-
obole : l'acheteur obtient la propriété du regret ou du remords, ainsi il achète une partie de la vie ou de la
vie potentielle du vendeur, qui devient la sienne (par ex : je raconte que je regrette de ne pas avoir épousé
une telle : maintenant c'est l'acheteur qui l'épouse / je revends mon remords d'avoir tué mon père et
l'acheteur se sert de cette information contre moi comme preuve formelle, ou le père revient mais sait que
j'ai voulu le tuer, ou je n'ai plus aucun remords et je deviens un monstre, etc.)".

extrait et réinterprété de Les mots, la mort, les sorts de Jeanne Favret-Saada :

-« Êtes-vous forte assez, jeune âme ?
Pour ma part j’ai le sang faible
Mais que dire des buveurs de pluie
Ils mènent une guerre à outrance contre la souillure
Ils guettent la moindre goutte de pluie
Pour eux leur vie est suspendue à une goutte
Et pourtant, cette averse qui s’en vient les noira
C’est déluge
C’est une pluie vile
Il ne m’écouteront pas, car j’ai le sang faible.

Je suis
celui sur qui on
se doute

Mais toi,
peut-être... »

Image
Le Tarot de Marchebranche, photo par Claude Féry (par courtoisie), illustrations par Thibault Boube (C)


Thomas :

A. Merci pour ce montage audiovisuel ! Cela peut constituer une aide de jeu intéressante pour la communauté !

B. La préparation s'étoffe par rapport aux procédures habituelles. Intéressant de voir que tu pioches des éléments de Surnature et y ajoute tes réflexions personnelles, plus tes recherches iconographiques habituelles et tes variations de setting (je devine un contexte aride avec ces "chercheurs de pluie".
Etant moi aussi "pris" dans la lecture de Les mots, la mort, les sorts, je ne puis qu'apprécier la référence.
Attention bien sûr à ce que la surpréparation n'entraîne pas une asymétrie de parole trop grande lors de la partie (je dis ça avant d'avoir écouté) : il faut être prêt à ne pas utiliser tous les éléments, ou à le faire de façon succinte pour laisser de la place aux initiatives et à la parole de Léo.


Claude :

Rassure toi, Xavier a beaucoup parlé et je suis loin d'avoir employé tous les éléments préparés.
XAVIER a été à l'origine de la survenance d'une forte adversité (possession par un esprit mauvais) qui a tenu la dragée haute aux figurants et grandement enrichi et modifié la fiction

Image
photo : Claude Féry, par courtoisie


Thomas, retour après écoute :

A. Flippant le moment où Xavier joue un Léo possédé (étais-tu au courant?)
Xavier a-t-il connaissance des procédures de Bois-Saule ?

B. A deux reprises Léo (possédé par Cara) veut frapper (le renard, puis l’homme champignon) et toujours tu dis que le coup ne porte pas. Comment gère-tu ça en matière de contrat social ?

C. Encore une partie sans un seul jet de dé:) J’ai le sentiment que tu es de plus en plus freeformiste, et que finalement les outils de système que tu recherches sont avant tout des sources d’inspiration, comme ici les contextes / inspis de Bois-Saule. Pour la résolution un simple Inflorenza Minima / rituels des Sentes / Inflorenza Comedia / ou Millevaux choc en retour me semblerait te suffir, même le système de résolution de Bois-Saule me semble trop lourd pour vos pratiques

D. Est-ce que Cara était le coup de théâtre mis en place par Xavier ?

E. Intéressante synchronicité que Xavier se surprenne à jouer Cara, et se fasse peur à lui-même

Image
photo : Claude Féry, par courtoisie


Claude :

A. Je n'étais pas informé de son intention.
Pour les procédures nous avons lu ensemble
Il a lancé les dés Je lui ai communiqué les résultats
J ai réfléchi cinq minutes
Nous avons fait une minute de silence et zou !
Au montage j'ai du couper deux bafouillages et des bruits mécaniques transmis à l'enregistreur.
Le témoignage est très fidèle à notre partie.

B. ça, c'est le plus complexe à évoquer pour moi.
Je reste sur une interprétation en fil rouge, de Léonard d'eau comme la conscience de Léo. Il ne peut dès lors le blesser réellement. En revanche, il l'a effrayé et s'est effrayé lui-même. A l'annonce de la fuite du renard, Xavier a paniqué. Sur son visage j'ai lu une foule d'émotions contradictoires. Il m'a dit que c'était rétrospectivement le moment le plus intense de la session. Sa conclusion sur l'instant a été d'agiter les pouces frénétiquement. Une réelle panique.Il adore son goupil. Il aime se chamailler avec lui. Mais il y tient énormément. Il ne s'est donc pas senti floué de ne pas avoir pu le blesser réellement. Je pense que j'ai là joué mon rôle de Confidente, alternant entre une certaine forme de cruauté et une grande bienveillance. Ma vision de Léonard en tant que goupil est d'ailleurs confortée par la réflexion qu'il a lâchée spontanément, "mais un renard ça ne parle pas ! ça ne se peut pas ! (première journée) pour se raviser aussitôt avec quelque chose au fond du regard qui disait le plaisir de la découverte d'un petit trésor à lui, Léo et Xavier.
Pour moi dans ma tête c'est Léonard de l'île aux enfants qui vit dans sa panière et plaisante avec Casimir.

Pour ce qui concerne le "champignon" c'était pour moi la rencontre, la découverte incomprise de Léo, de la déité horla qui se révèle à lui (je jouais les procédures et sa lame du tarot de l'oubli). Et l'idée que je me faisais de ce vieux champignon, que j'ai à d'autres occasions nommé "la Reine du Bois", ne permettait pas qu'un gamin de dix ans armé d'une lance de fortune ou d'une veille épée exhumée des réserves d'un archéodrome du temps jadis puisse l'éventrer séance tenante, fusse-t-il possédé par un esprit néfaste. Les armes matérielles portées par Léo ne pouvaient en aucun cas l'atteindre. La fumée au bout de la flèche explosive qu'il a invoqué pour tuer les pauvres buveurs de pluie sans aucun doute, ou à tout le moins l'affaiblir le repousser. Mais ce n'est pas ce que Xavier m'a proposé alors.
Pour moi c'est l'avatar de l'esprit qui ronge Dégringolade. Ni bon, ni mauvais. Cette "puissance" investit de son verbe le jeune gamin, le désigne en héraut pour qu'il préserve les vies des buveurs d'eau exposées à une pluie acide.
Mes buveurs de pluie sont des glaneurs errants qui se préservent illusoirement de l'emprise en ne buvant pas l'eau souillée des rivières et des retenues d'eau mais en buvant l'eau "pure" du ciel. Je ne pouvais donc lui accorder que ses assauts portent. Il était au creux de l'arbre-mère, dans le domaine de la Reine du Bois, et la puissance de Cara, que j'imagine comme une entité de cauchemar au sens de RdD ne faisait pas le poids. L'affrontement n'était pas la solution. Et je trouve que mon improvisation, transformer la lame dorée du passé en un bouquet de fleurs qu'il offre aux buveurs de pluie fait image. Les fleurs se fanent au contact de l'esprit étroit des errants cependant. Il y une cohérence. L'histoire se construit progressivement. Il n'a pas ressentit de restriction à son agentivité. Il s'est dit après coup, et c'est la question d'ouverture de mon prochain épisode, qu'il aurait du reprendre la créature de fumée de l'almanach pour rendre tangible la présence de Cara dans cette scène avec le vieux buveur d'eau.
Cette invulnérabilité apparente de certains figurants rejoint celle des créatures du mythe dans AdC ou ses variations indépendantes.

Troisième pelure d'oignon de cette question à tiroir : la violence des personnages de Xavier et Gabriel. Les premiers personnages de Gabriel étaient plutôt des psychopathes ultra violents. Xavier, même s'il s'effraie parfois d'éléments assez surprenants, est prompt à donner la mort. Je pense qu'en tant que père, je me dois les inciter à une autre approche. Si la violence physique, verbale, sous toute ses formes, est présente dans nos univers fictionnels, sans proposer une vision trop bisounours, je dois valoriser, récompenser inciter à toute initiative de substitution à la celle-ci. C'est peut-être contradictoire avec la noirceur que j'offre en pâture à leurs personnages, mais j'éprouve souvent le besoin de détourner les gestes les plus brutaux des personnages, parce qu'ils me révèlent sans doute une part de leur personnalité que je ne suis pas prêt, disposé à rencontrer.

C. "Encore une partie sans un seul jet de dé:)" : J'ai utilisé les dés mais avant la fiction, un peu à la Abstract Donjon. Nous avons vraiment décomposé les étapes, suivi scrupuleusement les procédures de Bois-Saule à ma connaissance au moment ou nous avons commencé à jouer. Xavier étant manifestement d'humeur espiègle, et très disposé à jouer, je souhaitais que la session soit l'occasion d'une exploration intense. Le jet de dés et l'explication sont pour moi un frein à l'immersion lorsque nous jouons en proximité (de part et d'autre d'une vieille table de formica des années 70). Nous avons pu ainsi jouer sur des rapports tactiles en résonance avec la fiction en développement. J'ai manipulé un galet que je lui est remis lorsqu'il l'a repêché au fond de sa poche trouée. Je n'ai pas de répugnance au système de résolution complexe. J'ai utilisé longtemps légendes celtiques avec un copain ou mené de longues campagnes avec Rolemaster ou Rêve de Dragon. Dans ces contextes le système servait l'histoire et la façon dont elle se construisait. Ici avec Xavier nous jouons des méchantes petites histoires pour se faire peur avant d'aller se coucher comme les grands. Xavier m'a expliqué longuement, mais après coup le choix de ses deux symboles. Il souhaite maintenir à distance les horlas qui lui font peur et pouvoir les défaire sans coup férir, mais il veut aussi des histoires intenses. Il m'a reparlé du plaisir qu'il a éprouvé à ressentir de la tristesse pour la mort de la vieille femme.

C² "J’ai le sentiment que tu es de plus en plus freeformiste, et que finalement les outils de système que tu recherches sont avant tout des sources d’inspiration, comme ici
les contextes / inspis de Bois-Saule. Pour la résolution un simple Inflorenza Minima / rituels des Sentes / Inflorenza Comedia / ou Millevaux choc en retour me semblerait te suffir, même le système de résolution de Bois-Saule me semble trop lourd pour vos pratiques."
Sans prétendre à une connaissance fine des théories rôlistes, je lis régulièrement les articles dans le but de les relier à ma pratique et à l'amender, l'améliorer.
A titre personnel, je recherche l'intensité de l'émotion, accompagnée d'une bonne dose d'esthétisme au service d'une histoire.
Dans la mesure ou les émotions naissent, à mon sens, de la fragilité des personnages, de leurs fêlures, qu'ils connaissent et dissimulent, (intérêt majeur de la mécanique double d'Arbre) ou ignorent, les protagonistes de nos fictions demeurent au centre de nos préoccupations, mais j'éprouve des difficultés à assimiler les système propulsé par l'Apocalypse qui le réalise, de mon point de vue, au détriment soit de la cohérence de l'univers, soit de la profondeur du personnage.
Les mécaniques OSR sont merveilleuses pour éprouver le manque, la perte, mais peuvent à la longue conférer une certaine aridité aux rapports entre les personnages et les figurants. J'ai abandonné Arbre pour aller vers écorce, fripouille, sève dans cette optique.
Je n'ai donc pas de religion.
Et plutôt que d'avoir un outil tout terrain grossier mais robuste je préfère changer de monture à chaque phase de notre exploration.
Toutefois, plus les mécaniques sont simples, plus elles permettent une rapide assimilation de la table pour se focaliser sur l'aspect désiré.
Si je comprends ton article récent sur ton abandon des pico games au profit des jeux profonds, je reste indécis et changeant.
Mais tu as raison en ce moment, je ne lance que très peu les dés.
Demain soir, nous devrions passer par un épisode La conscience du fer-blanc couplé à Dégringolade et donc ne pas utiliser de dés.
En revanche, au moment ou nous entrerons en Little Ho il en sera autrement.
Et là, dans l'instant, j'hésite encore sur l'ordre des événements, une phase Little-Ho ou weird sci-fi ?
L'un comme l'autre si nous nous orientons, sur de la mission ou du conflit, peut-être que j'emploierai des mécaniques plus tactiques et peut-être m'essayerai-je à Cerbère ou Shell Shock.

D. Oui et il en était très fier !

Image
photo : Claude Féry, par courtoisie


Réponse de Thomas :

B. Très intéressant cette explication. On voit que l'enregistrement de partie échoue à tous nous transmettre : nous n'avons pas accès à vos expressions faciales, votre gestuelle, et tout simplement ce qui constitue votre complicité et votre tacite compréhension mutuelle au fil des parties. Ce qui à l'écoute pourrait être ressenti comme une entorse à l'agentivité des personnages se justifie ici soit par des raisons de canon esthétique (certaines créatures "lovecraftiennes" sont très peu vulnérables) ou de sécurité émotionnelle. J'aime beaucoup la mention aux pouces baissés de Xavier pour faire redescendre la pression qu'il s'est lui-même mis en remettant son personnage au main d'un esprit malfaisant, et la mention de ta propre répugnance à l'emploi systématique de la violence. Quand j'ai développé Arbre, j'ai émis le souhait de pouvoir jouer en se passant d'un système de résolution qui fasse l'arbitrage des difficultés : le contrat social, l'entente des joueuses me semblait pouvoir y suppléer. J'avais alors déterminé une façon de codifier tout ça dont les pouces et le goupil sont le reliquat. Donc, je suis très satisfait de voir que ce projet se met effectivement en oeuvre à d'autres tables que la mienne.

C. Mon interprétation était donc erronnée. J'aurais pourtant dû m'en douter à la lecture des supports écrits associés à cette partie. C'est intéressant cette position de faire les jets de dés au début, pour ensuite jouer en mode immersionniste, sans jeter les dés durant la partie.

C² Intéressant ton développement. Pour ma part, je suis en effet actuellement plus focus sur les jeux profonds qu'on rejoue beaucoup mais de même je ne suis pas entré en religion, il est bien possible que je ressortes mes bons vieux jeux spécialisés à l'occasion :)
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Pikathulhu
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

STREAMING APOCALYPSE

Quatre influenceurs tentent de coordonner une fratrie survivaliste par chat vocal alors que le monde part à vau-l'eau. Un actual play des Sentes à écouter comme une fiction audio !

Le jeu : Les Sentes, drames forestiers dans une réalité sorcière (jeu de rôle et GN)

Joué le 29/03/2020 en ligne.

Lire / télécharger le mp3

Image
Darron Birgenheier, cc-by-nc, sur flickr.com

J'avais depuis un moment le sentiment qu'on pouvait jouer au JDR/GN Les Sentes en virtuel. Je l'avais déjà pratiqué sous sa forme le plus JDRistique, mais j'avais le sentiment qu'on pouvait amplifier son côté GNistique. Nous avons donc joué un Sentes contemporain où quatre personnages, empêchés de se voir trop souvent alors que le monde part en quenouille, se réunissent par chat vocal.

J'étais parti au départ sur l'idée d'une seule instance commune, puis finalement nous avons fait des instances privées, que les autres joueuses pouvaient entendre, ce qui créait une ironie dramatique intéressante mais limitait le temps de jeu de chacun (ceux qui n'étaient pas en instance privée ne pouvaient qu'écouter, par créer une instance privée concurrente : à tester sur une autre fois, avec plus de joueuses pour que ça vaille le coup).

J'étais dans l'idée de faire jouer des personnages bunkerisés à leur domicile, mais finalement nous avons fait des sorties et nos personnages se sont rencontrés... Comme ça on teste plusieurs formats en même temps.

On s'est bien amusés à faire des bruitages bouche pour simuler Millevaux qui étend son emprise sur l'environnement, mais aussi sur les connexions internet. Mon micro a eu de plus en plus de ratés vers la fin de l'émission, mais en fait c'est assez bienvenu. Cela renforce la déliquescence global de cet actual play bien horrifique, joué sans méta, à écouter comme une fiction audio !
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