[CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

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BenjaminP
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

Vorghyrn a écrit : jeu. oct. 29, 2020 2:04 pm Alors, je ne sais pas si ça colle avec la campagne, mais, pour ton "et" je verrais bien une vision d'un des sarcophages qui s'ouvre et quelque chose en sort. Ce "quelque chose", Kass va bien sûr finir par tomber dessus (probablement dans les donjon où il se trouve, mais sait-on jamais ?) et ça ne sera pas vraiment une rencontre agréable

en gros la manoeuvre de MC "montrer le canon du flingue" dans un PtBA

Oui, pas mal, ça. Et si je me réfrène de poser des questions très précises, je conserverai un brin de surprise.
Il faudrait que je raisonne plus souvent en termes de soft moves et hard moves, d'ailleurs. Ça me permettrait d'introduire un peu plus d'agentivité , chose dont je trouve en ce moment que le protagoniste manque. Il faudrait peut-être aussi que je la traite comme un front, cette malédiction, en prévoyant dès maintenant ses aggravations. Bref, que j'Apocalypsise cet Annihilation Now.
Enjeu Solo, l'émulateur de MJ qu'il est beau ! Pour toutes vos parties sans MJ, Enjeu Solo contient les oracles qu'il vous faut. Dynamisez la narration, adaptez-la au rythme du récit, tenez compte des enjeux et surprenez tout le monde, vous le premier.
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par Vorghyrn »

J'en avais un peu parlé dans le fil "solo" mais perso, j'utilise beaucoup la liste de manoeuvre suivante :
  1. Montrez-leur une menace
  2. Rendez-leur la vie compliquée maintenant
  3. Mettez un personnage sous les feux des projecteurs.
  4. Infligez des dégâts
  5. Épuisez leurs ressources.
  6. Offrez-leur une opportunité, avec ou sans prix à payer.
  7. Dites-leur les conséquences possibles ou les conditions requises, et demandez-leur s’ils sont sûrs.
  8. Effectuez une Manoeuvre de faction ou de menace
  9. mettant en avant un défaut de personnage, de peuple, de classe ou de matériel
  10. Faites valoir une faveur, une promesse ou faites surgir quelque chose ou quelqu’un du passé 
je lance 1d10 (où je choisi) et j'essaie d'appliquer la manoeuvre (en la modulant selon les circonstances). La liste n'est pas parfaite (c'est un copier-collé quasi tel quel de celle de DW) et entre autre, la 7 me pose souvent des problèmes mais ça m'aide pas mal. Entre autre, lancer le dé et chercher une interprétation intéressante de la manoeuvre est un super générateur d'inspiration
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

Oui, j'avais vu ça. J'ai bien envie de l'adapter en matrice deux par deux, oui/non, et/mais. J'aime beaucoup le 9, je n'y pense pas assez.

Jusqu'à présent, je me contentais d'une table de verbes quand l'inspiration ne venait pas immédiatement sans. Mais c'est en réalité trop dirigiste, parce que j'ai tendance à imposer les conséquences au protagoniste, qui n'en peut mais. Or, un soft move permet de laisser la possibilité d'agir, c'est d'ailleurs sa raison d'être (ce serait en particulier les 1 et 8 de ta table).
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par Vorghyrn »

en effet

Perso, c'est souvent le 10 qui m'a apporté des truc sympa. Ca permet entre autre de visiter le passé du personnage en flashback.

Exemple typique: alors que cette négociation partait pas trop mal, ton perso échoue à un des jets. Dans le groupe de ses interlocuteur surgit cette ancienne amante qu'il a abandonné sans explication. Elle prend la tête des négociations avec un sourire indéfinissable. Les choses vont se compliquer... ou peut être qu'il est temps pour ton perso de mettre fin à ce malentendu.
c'est un peu comme une accroche que te lancerait subitement le MJ : tu a quitté sans explication cette personne qui t'était chère, qu'est-ce qui s'est passé ? est-ce que tu lui donnera la raison un jour ? est-ce que tu cherchera à réparer le mal ? et elle ? elle en pense quoi ?
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

La suite. J'ai opté pour un "et" tout simple, finalement, histoire de mettre le protagoniste en danger, ce qui a bien fonctionné (et fonctionnera peut-être encore, ce "et" est en suspens).

***

[Et Kass ne peut plus trouver le repos dans le territoire des morts-vivants : un spectre la hante. Dendar la surveille et ne compte pas la lacher.]

Le jour suivant n’est troublé que par le chaos de mes pensées. Dès que je ferme les yeux, je vois le Serpent qui dévore le Soleil. J’ai du mal à me concentrer et, la nuit venue, à m’endormir...

Me voilà à la Porte de Baldur. J’en parcours les rues, la main dans celle de mon petit frère Amos qui doit avoir huit ou neuf ans. Nous passons sur le pont du Wyrm et une patrouille du Poing enflammé nous arrête. Je leur explique que nous fuyons la Guilde qui veut notre peau. Ils rigolent et veulent arrêter mon frère. Je vais pour le défendre mais, quand je me tourne vers lui, son visage a laissé place à une tête de mort au fond de laquelle brillent deux charbons ardents. Ses cheveux blonds sont devenus blancs. Je recule mais rien n’y fait, sa tête décharnée s’approche de plus en plus de mon visage, et voilà qu’elle exhale une vapeur noire, un filament de ténèbres qui se tortille jusqu’à ma bouche et mes narines pour s’y insinuer. Je veux crier mais mon cri ne sort pas de ma gorge mais de celle du spectre et il me vrille les tympans.

Je me réveille en sueur. Sur l’intérieur de mes paupières est encore imprimée l’horrible visage qui a volé celui de mon petit frère. Kir Sabal est encore à cinq jours de marche. Je suis épuisée, alanguie, j’ai les doigts gourds et les jambes molles. La jungle est à l’unisson : elle si vive, si touffue, si vigoureuse jusqu’au bassin de l’Aldani est morne, terne, mélancolique et même sépulcrale dans les régions qui entourent le cœur d’Ubtao. Comme si le cycle s’était brisé : la décomposition gagne mais plus rien ne revit. Les odeurs sont épouvantables et même l’optimisme silencieux d’Apdrag s’est enfui. Eku a l’air inquiète, Artus pas plus rassuré. Nous progressons difficilement et la journée s’étire, interminable. Et quand la nuit tombe enfin, résonne le chœur des morts. Les bruits de la jungle familiers ont disparu. Tout autour de nous, ce ne sont plus que gémissements et plaintes lugubres, cris d’outre-tombe à vous glacer le sang. Quand, enfin, relevée de ma garde par Apdrag, le cul posé sur un matelas d’humus puant et déjà presque liquide, je m’adosse à une souche dont l’écorce pourrie se désagrège dans mon col pour y déverser ses asticots secs, et que je glisse d’épuisement jusqu’au sommeil, le rêve d’Amos à Baldur revient me hanter.

J’en suis tiré par un bruissement dans une ronce, tout proche. Je m’écrase contre le sol et disparaît dans la nuit. C’est alors que je le vois, la terrible conclusion de ma journée d’épouvante : le spectre de mon rêve, escorté par huit cadavres gris.
Ils passent sans m’apercevoir. Apdrag ne les a pas encore repérés. Ma flèche fuse en même temps que mon cri. Elle se plante dans l’épaule du spectre, qui crisse et se tourne pour ne voir que la nuit. Moi, je ne vois plus que lui. Je veux le détruire, le réduire en poudre, le voir partir en fumée. Je dégaine mes lames, me précipite et lui enfonce droit dans les orbites sans qu’il ait le temps de réagir. Je ris alors qu’il s’écroule, je ris quand il se décompose et je ris encore quand ses goules m’encerclent et qu’elles me déchirent de leurs griffes. Seule la paralysie qui s’ensuit vient interrompre mon rire, figé pour l’éternité peut-être dans ce rictus des zygomatiques. Les cadavres peuvent maintenant s’en donner à cœur joie sur mon corps immobile, mais au moins je l’ai eu, ce foutu spectre, je l’ai pulvérisé et libéré mon âme de cet odieux cauchemar.

Pendant quelques très longs instant je me vois mourir. Mais les cadavres refluent, la magie d’Eku les éloigne et voici l’épée d’Apdrag qui les pourfend, un à un, avec application, de son épée vengeresse. Une flèche d’Artus en abat deux de plus, et voilà qu’il n’en reste qu’un alors que peu à peu le sang revient dans mes membres. Il se jette sur moi, canines en avant, au moment où je retrouve le contrôle de mes bras. Sa tête sous ma lame saute comme le chapeau d’un champignon. Sans prêter un regard à mes compagnons je m’approche du spectre inanimé pour me repaître encore de sa seconde mort, et voici que je tombe à genoux à ses côtés, car ce n’est pas lui. Ce n’est pas le spectre de mon cauchemar. Rien qu’un cadavre anonyme, au front duquel luit le triangle bleu de Ras Nsi.

Mes blessures sont sérieuses. Je passe le reste de la nuit rongée de fièvre, veillée par Artus. J’aimerais que ce soit par compassion ou par attachement, mais dans mes rares moments de lucidité je ne lis sur son visage qu’une suprême indifférence [merci l’oracle, pourfendeur de romance]. À l’aide des restes de ma chemise, il change régulièrement mes bandages, comme lui a demandé Eku, avec méthode et application, en bon élève. Mon corps n’attise en lui aucune convoitise. Je le comprends, mon état n’a rien de bien désirable. Je ne me suis pas lavée depuis des jours, et depuis mon dernier bain nous avons traversé un marécage pestilentiel et une jungle moribonde. Ma poitrine est déchirée de plaies suppurantes, mes bras et mes épaules entièrement recouverts d’écailles de serpent. J’ai probablement l’œil chassieux et le regard flou. Peu importe. Il semblerait que notre connexion, cet éclair sous la peau que j’ai ressenti lors de notre première rencontre, ne soit qu’une illusion de plus. À moins qu’il ne fût de tout autre nature ?

Au petit matin, Apdrag s’approche. Il a confectionné une civière de fortune, quatre solides tiges de bambou entre lesquelles il a tendu sa cape. Il se penche vers moi et vient frotter sa joue contre la mienne. J’aimerais lui dire combien ça me touche mais ne le peut pas. Il me regarde quand même de ses grands yeux humides comme si j’y étais parvenue et pointe son index sur sa tempe. Dans une vapeur de violettes, il m’aide à m’installer et hisse les poignées sur ses épaules, tandis qu’Artus soulève l’arrière. Je voudrais protester, dire que je vais les ralentir, affirmer que je peux encore marcher seule mais ce serait mentir et d’ailleurs je n’y parviens pas : les mots meurent avant ma glotte. Alors je m’affale dans la cape d’Apdrag et m’endors sur-le-champ.

Je me réveille quand nous franchissons l’Olung sur un pont de corde. [Peut-on passer la rivière facilement ? 73, oui.] De l’autre côté du fleuve, la vie n’a pas encore perdu la partie. Les arbres ont retrouvé leur feuillage, le sol sa consistance, la jungle son parfum. Je reprends des forces petit à petit. Artus est à la manœuvre. Il connaît bien cette partie de la presqu’île, me dit-il. Elle est cartographiée de longue date et Mezro n’est pas très loin, à quelques jours de canot sur l’Olung, vers le nord. Eku lui a délégué ses tâches et s’affaire à trouver de quoi guérir mes plaies. Apdrag est aux petits soins. Le dernier jour, je le passe en marchant, ce qui me fait un bien fou.

Et il apparaît soudain, à cinq cents pieds du sol, tandis que la jungle s’écarte pour laisser place à une haute falaise dont il orne la roche : le monastère de Kir Sabal et sa façade labyrinthique. Nous nous lançons dans l’ascension de l’escalier escarpé, ascension périlleuse, mais paradoxalement reposante après notre traversée du pays des morts. Des Aarakocras décrivent de grands cercles dans le ciel et piquent à notre approche, jusqu’à nous frôler presque avant de repartir sur le dos de vents ascendants. Nous passons tout d’abord par un ensemble de petits bâtiments en adobe où méditent moines et moniales. Assis en tailleurs, ailes repliés, ils nous lancent de curieux regards. Artus leur demande la permission de passer afin de nous rendre au monastère, mais ils ne paraissent pas comprendre. Je leur présente mes paumes ouvertes. Les écailles luisent à la lumière des torches. Certains se lèvent, reculent parfois d’un pas ou deux, mais ma pensée les atteint [Esprit éveillé + Beguiling Influence]. Ils s’écartent et nous passons, à travers le village. Je répète plusieurs fois mon message de la même façon, et par la grâce de Dendar, mon message est entendu. « Nous venons en paix au monastère. » Nous parvenons à une sorte de tour occupée en son rez-de-chaussée par un large bassin où un Aarakokra se baigne. Je l’observe attentivement, ce qui n’a pas l’air de le troubler. Après ses ablutions, il se talque les ailes puis les recouvre d’une poudre d’or piochée dans une vasque en pierre. Je l’imite, me dévêt, me baigne longuement, dissipe enfin la crasse de cette expédition, la puanteur de mort qui s’était installé à demeure dans mes narines depuis le bassin d’Aldani. Je lave lentement mes cheveux, frotte chaque pouce carrée de ma peau avec application. Artus et Apdrag sont sortis de la pièce, mais Eku me rejoint bientôt dans cette eau de cristal, que même ma crasse n’est pas parvenue à souiller. Je sors et me poudre le corps. Cela fait des mois que je ne me suis pas senti aussi bien, aussi fraîche. Je répugne à remettre mes nippes, mon armure moite et malodorante, mais il le faut pourtant. Puis j’emprunte l’échelle qui mène au sanctuaire, où j’attends, aux pieds d’une statue de bois si vieille et si bien polie par des milliers de mains caressantes que ses traits ont disparu. Ce doit être Ubtao. Je m’agenouille devant lui en silence et j’attends.

Mes compagnons me rejoignent un à un et nous sourions en silence. En prenant chacun le temps d’apprécier la fraîcheur retrouvée de nos corps, nous nous dirigeons vers le monastère, presque tout en haut de la falaise. Un labyrinthe circulaire gravé en décore tous les murs. Devant lui se tient l’Aarakokra qui nous avait précédé au bain. Fermement campé sur son bâton, il ne fait pas un geste et se contente de nous observer tel le rapace sa proie lointaine. Nous pénétrons. Nous n’avons plus échanger un mot depuis le sanctuaire. À l’intérieur, le plancher pourri nous rappelle à notre réalité mortelle. Les Aarakokras ne craignent pas la chute. Nous, si. De l’autre côté du gouffre béant, une frêle silhouette, enveloppée dans ses ailes, est agenouillée. Elle nous attend. Après un long moment suspendu entre ciel et terre, elle rompt le silence.
— Que venez-vous chercher à Kir Sabal, étrangers ?
Sa maîtrise du commun me surprend, de même que son élocution, entre le cri de gorge et le gargarisme.
— Je m’appelle Kassandra Teneril Cadvallon, de la Porte de Baldur. Voici Eku, Couatl de Chult, Artus Cimber de Mezro et Apdrag, de Port Nyanzaru. Nous cherchons tous ensemble le chemin d’Omu, la cité perdue.
Elle lève un œil perçant et me dévisage.
— Allons bon.
J’attends une suite qui ne vient pas.
— Et vous êtes ?
— Asharra. L’institutrice de ce monastère, dans lequel les étrangers sont rares et surveillés de près. Pourquoi Omu ?
Artus prend la parole :
— Sainte Asharra, je connais votre réputation de sagesse. Lisez en nos cœurs et vous saurez que nos intentions sont justes. Nous cherchons à débarrasser Chult du fléau de Ras Nsi.
Ashara me dévisage toujours, si bien que je me sens obligé d’ajouter quelques précisions à la profession de vertu d’Artus.
[Kass cherche-t-elle à cacher son propre objectif ? Peu probable, 57, non.]
— J’ai de bonnes raisons de croire qu’il est en possession du Psychophage, un puissant artefact dont le nécromant se sert à ses propres fins, pour animer ses morts en aspirant la vie des ressuscités…
Devant son regard inaltéré, je poursuis :
— Ce n’est pas tout, dis-je en présentant mes mains écailleuses. Je suis atteinte d’une malédiction, porteuse d’un fragment d’âme de Dendar, le Dévoreur des mondes. Selon l’oracle d’Orolunga, la couronne d’opale noire pourrait m’en délivrer. Couronne que détient Ras Nsi.
Asharra détourne enfin le regard, qu’elle plonge dans le trou béant à nos pieds.
— Cela en fait, des raisons.
À mes côtés, une forte odeur de fumée se répand qui recouvre les parfums d’encens. Je transmets à Apdrag une pensée apaisante. C’est Artus qui se décide à briser le silence.
— Omu est aux pieds des pics de la Flamme, nous le savons. Mais sa position exacte ne peut se déceler que depuis des hauteurs inaccessibles à nous autres, cloués au sol. Les Aarakocras de Kir Sabal l’ont certainement survolée. Nous voudrions qu’ils nous y conduisent.
— Non.
L’odeur de fumée se fait plus forte. Tout cela, ces efforts, cette traversée de la jungle, du royaume des morts, cette fuite en avant désespérée vers le cœur des ténèbres, pour rien ?
— Vous irez seuls. Et vous irez par les airs.
— Mais… hésite Artus. Comment ?
— Je vous apprendrai.

***

C'était une session de transition, sans rebondissements, sans grande question à l'oracle. Dans cette campagne les épisodes d'exploration s'enchaînent de telle manière qu'ils poussent peu à peu les personnages à parvenir au dénouement. Dans mon cas, cet enchaînement s'enclenche presque au niveau du choix du guide, et je soupçonne qu'il en irait de même pour les autres guides possibles : Eku amène les joueurs Orolunga (proche de Mbala) où se déroule la rencontre avec Artus, et de là c'est Kir Sabal => Nangalore => Omu. Fatalement, cela conduit à des sessions de plus en plus encadrées. Ce n'est pas vraiment un hex crawl de ce point de vue, plutôt un bac à sable qui se réduit petit à petit, en entonnoir. Un scénario en sablier. Les bastons sont légion et je ne suis pas sûr que ce soit le plus adapté au jeu solo, mais je m'amuse toujours pas mal et je ne compte pas arrêter de sitôt. Au niveau du récit produit, en revanche, cela commence sûrement à se répéter un peu trop. Si c'était une nouvelle, il faudrait secouer tout ça un grand coup (d'ailleurs, même ici, je ne les ai pas toutes retranscrites ; certaines n'étaient pas palpitantes).
Enjeu Solo, l'émulateur de MJ qu'il est beau ! Pour toutes vos parties sans MJ, Enjeu Solo contient les oracles qu'il vous faut. Dynamisez la narration, adaptez-la au rythme du récit, tenez compte des enjeux et surprenez tout le monde, vous le premier.
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

Quand une rencontre aléatoire vint tout chambouler (et nécessita toute une session).

*

Faites-moi penser à vous expliquer pourquoi nous sommes partis chercher une orchidée noire dans les jardins de Nangalore, à l’occasion. Là, je n’ai pas tout à fait le temps : Artus est aux prises avec une énorme femme, deux fois grande comme lui, une géante qu’il a appelée Drufi. Sa peau est aussi bleue que la mienne est rouge, mais au moins transpire-t-elle bien plus que moi par cette chaleur. Elle et deux de ses congénères nous attendaient aux pieds de la falaise. Il paraissait possible de les éviter, de remonter au monastère, mais selon Artus cela n’aurait fait que retarder l’inévitable : les géants sont à sa poursuite depuis qu’il est en possession de l’anneau de l’hiver, quelques jours d’attente à l’ombre de la falaise ne les arrêteront pas. Comment ont-ils su qu’Artus était au monastère ? Les ptérachtones, peut-être ? Je les ai vus nous survoler juste avant notre arrivée à Kir Sabal… De toutes façons peu importe, le mal est fait, et nous voilà face à eux. Ils n’ont pas l’air très commode, et leurs deux loups me regardent de travers. Le soleil matinal donne déjà beaucoup, je ne suis plus tout à fait dans mon élément et j’ai l’impression qu’à tout miser sur le bagout d’Artus, nous risquons très gros. [Artus peut-il embrouiller Drufi ? Peu probable, Non.] Apdrag tripote sa garde, Eku murmure une bénédiction… Quant à moi, je maudis sous cape ces géants [Performance pour dissimuler la manip : 17+4, réussi].
— Drufi, puisque je te dis que j’ai caché l’anneau en lieu sûr.
— C’est toi qui va finir en lieu sûr si tu continues : entre quatre planches !
Grands dieux, elle est aussi lourde que son humour. [Les Aarakocras de Kir Sabal vont-ils aider la troupe ? 76+6 = 82, oui et… Faites valoir une promesse, quelque chose du passé… Ce sera un "retconning", puisque je me suis accordé une ellipse juste au-dessus, et, spoiler alert, il impliquera la reine légitime d'Omu] Un cri distant me fait lever la tête : une demi-douzaine d’Aarakocras volent au-dessus de nos têtes, et dessinent dans les airs un étrange ballet. Tant mieux. Un peu de soutien ne serait pas de refus. Je ferme un instant les paupières et transmet un message à Artus.
« Bloque l’accès à l’escalier avec l’anneau. On peut s’en sortir s’ils ne peuvent pas monter. »
— Drufi… reprend-il doucement, un sourire sur les lèvres. C’est ta dernière chance : repars gentiment d’où tu viens avec tes hommes.

Sans attendre de réponse, Artus agite les doigts derrière son dos et un gigantesque bloc de glace apparaît entre lui et les géants, au pied de l’escalier. Avant qu’ils aient pu réagir, j’ai déjà décoché. Une belle flèche, parfaite même, droit dans la poitrine d’un géant. La proie crache son sang, mais elle résiste et aimerait répliquer. Seulement elle ne le peut : sa hache rencontre la glace dans un grand fracas. Nous ne sommes pas tout à fait à l’abri cependant, et les loups, aussi disproportionnés que leurs maîtres, parviennent à notre hauteur en contournant l’obstacle par la falaise. Leur souffle est si glacial qu’il nous engourdit dans l’instant. Apdrag, qui comptait les accueillir dignement, est trop ralenti pour agir à temps : un loup est sur lui. Je voudrais lui prêter main forte mais l’autre bête m’en empêche. Je n’aime pas cette bête et je lui fais savoir. En un éclair, me voilà dans son esprit fruste à trifouiller ses instincts. Faim, soumission, domination, peu importe, ceux-là ne m’intéressent pas. Peur : voilà qui fera l’affaire. Elle se carapate si vite que mon pied rate son postérieur.

Au pied de l’escalier les géants bloqués trépignent. L’un d’eux se penche et ramasse un rocher qui me paraît une montagne avant de le projeter dans notre direction. J’en reste bouche bée, paralysée par l’exploit. Comment lutter contre tels monstres ? La montagne retombe, droit sur Eku et je la vois déjà aplatie comme une crêpe, mais elle lève les deux bras au ciel et alors qu’elle allait la toucher la pierre explose en mille morceaux au contact d’un plafond invisible. Eku sourit, le géant grogne. Pas pour longtemps : une colonne de feu s’abat sur lui.
Je jette un œil à Apdrag. Artus est venu lui prêter main forte. Le loup est encerclé, mais derrière la barrière de glace faiblit. Les géants, Druffi en tête, n’ont pas baissé les bras après le déluge de feu d’Eku. Je décoche flèche sur flèche, mais elles éclatent comme des cure-dents sur leurs cuirasses. Et si la barrière cède…

Je lève les yeux au ciel. Là-haut, le vol des Aarakokras paraît à présent suivre un motif précis, une sorte de huit, qui se décale petit à petit comme l’ombre accélérée d’un cadran solaire. Alors qu’ils sont sur le point d’avoir décrit un cercle complet, une multitude d’éclats de glace me déchirent le visage. La barrière a cédé. Je m’attends à une charge, mais une bourrasque subite attire l’attention de nos assaillants. Les Aarakokras ont achevé leur rituel. À leur aplomb, juste derrière le groupe des trois géants, l’air s’est condensé en une tornade grise chargée d’éclairs. La colère personnifiée. L’une des trois brutes se trouvent aussitôt engouffré dans ses volutes.

Je profite de la surprise pour tenter de repousser l’énorme Drufi au bas de l’escalier mais elle me dégage d’un revers de la main. Son ombre s’étend sur ma figure alors que je heurte violemment les marches. Je vois ça hache se soulever. Je m’attends à ce qu’elle s’abatte aussitôt sur mon crâne à sa merci, mais son attention est soudain, inexplicablement ailleurs. Elle abandonne sa proie facile et se met à courir à la recherche du loup effrayé, parti en direction de la jungle. Je me relève rapidement, interloquée. Derrière moi, Eku a mis un genou à terre. C’est elle qui est à l’origine de cette lubie subite de Druffi, c’est sûr. Comme elle l’avait fait avec le commandant Bone. L’effort a dû être considérable et la laisse épuisée. Cette fois, aucun plafond invisible n’est plus là pour bloquer la lourde pierre qui s’abat sur elle.

De leur côté, Apdrag et Artus sont toujours aux prises avec un loup. Et voilà qu’après avoir sonné Eku de son rocher le troisième géant se propulse dans leur direction. Je m’interpose mais ne peut que ralentir l’inévitable et le voilà à leur hauteur, face à Artus, sa cible principale. Heureusement, il est agile et se défend bien, mettant à profit la lourdeur de son adversaire, ce qui laisse le temps à Apdrag pour se débarrasser enfin de ce loup bien encombrant. À trois contre un géant : un combat presque équitable. Ma flèche toujours plantée dans sa poitrine, il ne peut toutefois résister bien longtemps à nos assauts combinés.

Pendant ce temps, un autre géant est tombé, couché par la tempête. L’orage est bien affaibli après cet affrontement mais, pour la première fois, j’ai le sentiment que ce combat n’est pas nécessairement perdu pour nous. Je remonte quatre à quatre les marches vers Eku. Elle respire. Bien. C’est à ce moment que le loup que j’avais effrayé reparaît, plus énervé que jamais. Apdrag en fait son affaire, mais j’ai comme un mauvais pressentiment qui se concrétise presque aussitôt quand, soudain, la tête de Druffi dépasse de la marche où se tient Artus. Je crie pour le prévenir mais trop tard, elle s’est saisi de son pied et l’entraîne au bas de l’escalier. Sa tête heurte la pierre à plusieurs reprises. Il est trop sonné pour éviter l’inévitable : la hache de la géante lui sectionne le bras gauche comme s’il s’agissait d’une miche de pain. Je saute de mon promontoire, empoigne Druffi par le harnais et me hisse jusqu’à sa gorge, mais la furie m’accorde à peine un regard et s’acharne sur sa proie. Sa hache retombe. Ma lame est dans sa gorge. C’est fini. Tout le monde s’effondre. [Artus doit-il s’en sortir ? Peu probable. 65, Non.]

***

Beaucoup de choses à dire, ici. Quand j’ai tiré la rencontre aléatoire, j’ai fortement douté que le combat soit autre chose qu’une boucherie. Trois géants des glaces (CR 8 !), c’est une rencontre classée mortelle et même au-delà. Les deux loups de l’hiver, c’étaient vraiment le pompon. Mais je me suis dit qu’avec un avantage tactique (l’escalier) et la possibilité de l’exploiter à fond (l’anneau de l’hiver), plus un peu d’aide (les Aarakokras), ça pourrait faire un bel affrontement. Je ne suis pas sûr que les auteurs aient vraiment prévu que cette rencontre débouche sur un combat en réalité, mais je ne vois pas comment il peut en être autrement du moment qu’Artus accompagne l’équipe. L’objectif des géants est de récupérer l’anneau de l’hiver. Artus ne le lâchera pour rien au monde (sans lui, il meurt). Dès lors, tirer cette rencontre devait déboucher sur un combat dans mon cas. (Une autre troupe de PJ pourrait encore décider de livrer Artus, mais pour moi, ça ne collait pas.)

J'ai un peu hésité malgré tout sur la manière de jouer Artus. Si cela avait été mon personnage, autour d'une table, il s'en serait peut-être sorti. Il aurait par exemple pu recréer une main de Bigby dès que la première avait été détruite. Mais j'ai répugné à utiliser deux fois la même action, c'est inégalant et cela donne un récit particulièrement faiblichon. Par ailleurs, l'anneau de l'hiver est sévèrement limité contre des Géants des glaces, immunisés à la plupart de ses sorts.

La mort d’Artus est logique sur les plans tactique et dramatique, les géants sont censés concentrer leur action sur lui (et ça fait deux fois 3d12+6 par round, ces petites bêtes) mais j’ai quand même demandé à l’oracle (justement parce qu’il est capable d’envoyer l’histoire dans des directions surprenantes). Il n’a pas voulu le sauver. Un groupe de PJ aurait peut-être réagi différemment ici, et aurait pu repartir avec un Artus vivant : Eku (à qui il restait un sort de soin) aurait pu risquer sa vie pour aller le toucher et le soigner. Un PJ l’aurait fait, je crois, du moins certains. C’était l’essence de ma question à l’oracle. S’il avait répondu « oui », Eku aurait tenté le coup. Mais l’oracle en a voulu autrement.
À ce propos, j’utilise pour Eku le stat block du mage, comme je l’ai déjà dit, en plus de ses sorts innés de Couatl. Mais je me suis rendu compte en plein combat que je n’aurais pas dû : un couatl ne peut pas dépasser le CR4 (le mage est CR6), d’une part, mais surtout, il ne dispose pas des class features de la créature en laquelle il se transforme, et la catégorie « spellcasting » est un « class feature », figurez-vous (à la différence des « innate spellcasting »). Je n’ai pas voulu changer dans le feu de l’action, mais à présent, je dois réfléchir à une alternative et trouver un stat block plus compatible avec les règles. Une idée ? Je crois pouvoir me permettre d’aller un peu au-dessus du CR4 prescrit ; après tout, ce scénar est censé être un « meat grinder » et Kass l’affronte seule ! Mais CR6 me paraît une bonne limite. Les contraintes, donc : humanoïde ou bête, CR6 max, mais plutôt avec de l’innate spellcasting que du spellcasting tout court (ce serait du CR gâché !).

En tout cas, le combat était super à jouer, tendu à souhait, avec des moments de désespoir, des éclairs d’optimisme et des coups critiques déterminants (comme celui de Druffi contre Artus). Et voilà Kass en possession de l’anneau de l’hiver ! Je ne sais pas si je continuerais à jouer avec ce personnage après cette campagne, mais si c’est le cas, ce sera un élément central de la suite, c’est sûr.
Enjeu Solo, l'émulateur de MJ qu'il est beau ! Pour toutes vos parties sans MJ, Enjeu Solo contient les oracles qu'il vous faut. Dynamisez la narration, adaptez-la au rythme du récit, tenez compte des enjeux et surprenez tout le monde, vous le premier.
BenjaminP
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

Petit update rapide. Avant de m'attaquer aux jardins de Nangalore, il fallait déterminer ce qui arrivait à l'anneau de l'hiver. C'est chose faite.
Un point technique, aussi : j'ai à présent finalisé le moteur solo que j'utiliserai pour toute la suite, à quelques petits ajustements près probablement. Il est plus léger et plus rapide que le CRGE que j'utilisais jusqu'ici, ses réponses sont plus fermes (vertu du d6 par rapport au d100) et il me dispense de tout le reste. J'en suis assez content pour l'instant. Les curieux le trouveront rédigés dans les divers Discord où je traîne (DCNO, Bidule et JdR solitaires). Téléchargez-le, amusez-vous avec et dites-moi ce que vous en pensez ! (@Vorghyrn si tu y jettes un œil, tu retrouveras ta table des "et/mais" un peu adaptée, que je trouve très utile.)


***

Je tourne et retourne l’anneau de l’hiver entre mes doigts. Il est glacial au point qu’il m’est difficile de le garder en main. Je cherche Apdrag du regard. Il pleure tandis que les Aarakokras emmènent le corps de son compagnon, de notre compagnon, tout en haut de la falaise, jusqu’au monastère. Je m’approche et lui passe une main dans le dos. Je me penche vers lui, l’embrasse. Il essuie ses larmes. Une odeur de rose emplit mes narines. Je sais. J’ouvre la main et lui montre l’anneau. [Apdrag voudrait-il garder l’anneau ? Peu probable, Non.] Il le prend, le caresse puis le repose dans ma paume qu’il referme. « Tu ne le veux pas ? » Il secoue la tête. Je comprends sa réticence. Drufi et sa bande ne seront certainement pas les seuls à vouloir le récupérer, et Suni sait ce qu’ils voudront en faire. Je devrais le garder avec moi. Au moins ignoreront-ils à présent qui est son porteur.
Malgré tout, l’anneau me met mal à l’aise. Sa froideur est si sensible, et il fait naître en moi un sentiment de malaise que je ne saurais expliquer, comme s’il me jugeait. Comme s’il était conscient et me poussait à l’enfiler. [L’anneau tente de prendre possession de Kass (encore un !) : jet Charisme en oppo, les deux font 20 ! J'avais souri sur le premier, je déchante sur le second et vérifie frénétiquement les scores : Kass à +4, l’anneau seulement +3. Ouf ! (Cela dit, j'aurais joué avec plaisir la possession ; seulement, l'anneau aurait fini au fond d'une poche, ce qui aurait été dommage.)] Je le passe à mon index et soudain je le sens : il pense, il voit, il m'entend ; pire : il m'écoute et me parle. L’anneau est vivant et il a soif de destruction. Il voudrait que je déclenche sa puissance, ici et maintenant, que je tue Apdrag, que je congèle Eku. Sa volonté est grande, impérieuse, imprescriptible. La mienne plus encore, à moins que ce soit celle de Dendar lui-même, qui refuserait qu’un autre prenne le contrôle de son pion ? Je résiste et le plie. La lutte cesse. Ma main ne gèle plus. L’anneau m’enveloppe même à présent d’une douce chaleur, comme s’il aspirait la chaleur du monde pour me la restituer. Et j’ai la sensation soudaine qu’il me protège, qu’il empêche quiconque me chercherait de me trouver. Le serpent doit être mécontent, là-bas dans sa tombe. Son pion a trouvé un allié.

Nous sommes remontés au monastère à notre tour. Le corps d’Artus y repose. Asharra propose de lui organiser des funérailles selon les anciens rites de Mezro. Apdrag acquiesce. La cérémonie aura lieu le soir même. Nous passerons ensuite dormir dans la résidence royale, comme la nuit dernière. Oui, royale : comme nous l’avions découvert à cette occasion, le monastère de Kir Sabbal héberge les derniers descendants de la famille royale d’Omu en exil, la princesse Mwaxanaré et son jeune frère, Na. Leur arrière-grand-mère était la dernière reine d’Omu, avant la prise de pouvoir de Ras Nsi. [Mwaxanaré s’est-elle intéressée aux aventuriers ? Oui.] Nous avons rencontré la princesse au dîner, qu’elle a tenu à prendre en notre compagnie. C’est une pimbêche prétentieuse. Je ne crois pas qu’elle ait mauvais fond. Seulement, quelqu’un lui a dit un jour qu’elle était la personne la plus importante du monde ; elle y croit dur comme fer depuis. Na est rigolo comme tout. Il me rappelle Amos. Il a passé le dîner affublé de sa panoplie d’Aarakokra, avec les ailes qui l’empêchait de manger correctement. Il s’y employait pourtant avec une touchante persévérance, sans jamais s’énerver. Il m’a posé beaucoup de questions très savantes sur la flore et la faune du continent, auxquelles j’ai répondu du haut de mes bien maigres possibilités, pendant que sa sœur m’expliquait le protocole que devront observer les seigneurs de l’Alliance en sa présence après son couronnement, contre lequel elle ne perçoit aucun obstacle immédiat.
La cérémonie était belle. Asharra très solennelle. Le corps d’Artus a été porté par six moniales jusqu’à une esplanade, pour y être incinéré. Apdrag était en larmes, Eku très émue. Moi-même, je n’en menais pas large. J’ai vraiment cru qu’un destin nous reliait, lui et moi. À présent il est en cendres, et moi toujours là. [La malédiction a-t-elle empirée ? Peu probable, Non.] Je ne sais trop qu’en penser. J’imagine que cela ne change rien à mon objectif. Je dois trouver Omu, le Psychophage pour Syndra et la couronne d’Opale pour moi. Eku reste à mes côtés. Apdrag n’a pas l’air de vouloir me quitter non plus. Asharra nous a expliqué que nous pourrions atteindre les ruines de la cité perdue après un rituel qu’elle se propose de conduire, et qui nécessite un de ces orchidées noires qui poussent dans les jardins de Nangalore, à quelques jours au sud en remontant l’Olung. Voilà de quoi occuper nos esprits. Le deuil et moi, nous nous connaissons bien. J’évite de passer trop de temps en sa compagnie.

Le lendemain, je suis en train de me préparer quand Na débarque dans ma chambre, toujours affublé de son déguisement qui le gêne pour passer les portes. [Disposition : 3, disponible] Il m’explique s’ennuyer beaucoup au monastère. Il aimerait partir avec nous. Je l’en dissuade gentiment. Je lui promets que je repasserai par Kir Sabal après avoir trouvé Ras Nsi. Je lui dis qu’il fera un excellent conseiller pour sa sœur, la future reine, et je l’encourage à poursuivre ses études et à conserver son insatiable curiosité. Il arrache une plume de ses ailes et me la tend. J’accepte le cadeau avec tout la solennité nécessaire. Je me retiens de lui ébouriffer les cheveux, malgré une envie presque irrépressible. Je sais bien que ça énerve les enfants.

Voici deux jours que nous sommes partis. À notre droite, l’Olung. À notre gauche, les landes spongieuses de Nsi. Apdrag porte toujours son odeur de rose. Il a besoin de temps. Moi aussi : cette nuit-là, Apdrag me secoue pour me tirer du sommeil. La température a chuté au point que la lande autour de nous est devenue un océan de givre. Il est frigorifié, de même qu’Eku. Moi je n’ai rien senti, mais j’ai l’esprit embrouillé. J’ai dû perdre le contrôle de mon anneau en plein rêve. La lune se reflète se reflète sur la glace. Je m’efforce de dissiper la magie. [Possible ? Oui, mais… Aïe !] J’y parviens, mais l’effort me coûte [6 PV]. Ce n’est pas encore tout à fait au point…
Au cours de notre parcours du lendemain, nous tombons sur une bien triste scène. Émergeant des roseaux, le cadavre d’un crapaud géant pourrit au soleil. La lame d’une épée courte perce dans son dos : elle provient de son ultime proie, un jeune halfling, trop digéré pour s’extirper de la carcasse qu’il était enfin parvenu à percer, après avoir longuement lutté à l’intérieur de ce répugnant estomac. Sa pipe en ivoire est tombée à quelques mètres de là. Un bel objet, finement ouvragé. Je la nettoie dans ma tunique et la tend à Apdrag, qui la regarde, interloqué. Je lui explique à quoi ça sert : produire de la fumée qui parfume l’atmosphère. Il a l’air enchanté. J’essaierai de lui trouver de quoi la remplir.
Nous nous éloignons de la lande pour suivre l’Olung qui s’en écarte. J’aurais aimé atteindre Nangalore aujourd’hui mais la nuit tombe vite et nous installons les hamacs. Nous nous endormons au son des Quetzacoatls qui nous survolent. Je remarque avec plaisir que l’un d’eux transporte une moitié de ptérachtone entre ses mâchoires. Bienfait d’une vue plus perçante que jamais.

***

Au menu de la partie suivante : la visite de ces jardins exotiques !
Dernière modification par BenjaminP le dim. nov. 15, 2020 9:05 pm, modifié 1 fois.
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

Épisode exploratoire un peu planplan à mon goût, mais dont la chute rattrape tout !
Résumé des épisodes précédents : Artus est mort des mains de Drufi, géante des glaces chargée de retrouver l'anneau de l'hiver. Celui-ci est à présent entre les mains de Kass et l'aide à lutter contre l'œil inquisiteur de Dendar, le dévoreur des mondes qui peu à peu s'empare de son âme.
Les Araakokras de Kir Sabal ont proposé leur aide aux trois camarades pour trouver la cité perdue d'Omu, où se concentre leurs objectifs. Un de leur rituel les aidera à l'atteindre. Seulement, ce rituel exige un ingrédient particulier : une orchidée noire, fleur qui ne pousse que dans les jardins de Nangalore...


***

Alors que nous traversons, à grand peine, le marécage qui entoure les jardins de Nangalore, Eku nous raconte leur histoire. Ils ont été bâtis en l’honneur de Zalkoré, une reine d’Omu, vaniteuse et entêtée. Je fais remarquer que ça m’a tout l’air d’être la caractéristique générale des reines d’Omu, du moins de celles que j’ai rencontrées, ce qui fait glousser Apdrag depuis la première fois depuis la mort d’Artus. Eku poursuit : le bâtisseur, Thiru-taya, était l’amant et le général de la reine. Il a baptisé ses jardins du nom de Ka-Nanji, les jardins suspendus des rêves, en vieil omuéen, qui sont devenus le lieu de villégiature de ces deux tourtereaux. La suite se perd dans une brume de folklore : Zalkoré aurait pactisé avec une sorcière pour disposer de la beauté éternelle (ce qui ne m’étonne guère), mais le royaume ne l’entendait pas de cette oreille, au point que sa propre armée l’a poussée à abdiquer. Elle est partie en exil dans les jardins suspendus, et voilà d’où viendrait leur nom actuel : Nangalore, le jardin des rêves envolés.

En milieu d’après-midi, nous voilà enfin arrivés aux pieds des hauts murs. Vingt pieds, à vue d’œil. Rien qui ne m’effraie trop, mais Eku et Apdrag préfèrent contourner. L’édifice est fantastique, pour ce que nous en voyons déjà. Un affluent de l’Olung l'effleure jusqu'à caresser le bas des marches percées dans la muraille sud et encadrées de deux majestueuses statues d’éléphant. Au centre, une fontaine pompe les eaux de la rivière et par une bouche de tyran les rejette vers l’escalier jusqu’à ce qu’elle en dévale les marches, formant un couloir liquide qui coupe les jardins en deux. Des terrasses encadrent cette avenue liquide, s’ouvrant chacune, par trois arches sculptées, vers des allées secondaires. Une profusion de plantes exotiques encombrent les terrasses, parmi lesquelles chantent perroquets et canaris en grand nombre. Un grand dôme circulaire protège la fontaine, flanquée, à l’ouest comme à l’est, de deux plus petits dômes en retrait contre le mur nord. Le tout forme une vision idyllique que même les crocodiles qui s’ébattent dans la rivière n’arrivent pas à combattre.

[Y a-t-il de quoi trouver des appats dans le coin ? Oui] Je prends le temps de chasser un beau kapibarra afin de distraire ces gros lézards, et nous traversons rapidement pour nous engager dans l’allée centrale inondée. Les visages sculptés dans les arches représentent une jolie femme, dans diverses attitudes. Des phrases de vieille omuéen sont gravées sur chacun. Le premier visage, au sud ouest, est étonné. Selon Eku, la phrase signifie : Ce jardin est dédié à Zalkoré, reine d’Omu et joyau de Chult ». Le deuxième, au nord-ouest, arbore une expression condescendante. Il affirme : « Vénérée par son peuple et par Thiru-taya, qui l’aimait » mais le « qui l’aimait » est buriné, jusqu’à l’effacement ou presque. Au-dessus, quelqu’un l’a remplacé par : « qui l’a trahie ». Logique. Si l’armée l’a poussée à l’exil, et que Thiru-Taya était général, elle devait lui en vouloir un peu. Est-ce la reine elle-même qui a dénaturé l’inscription et gravé ces mots de dépit supplémentaires ? Le troisième visage, au nord-est, arbore une moue sévère. Il dit : « En cette dixième année du règne, qu’elle puisse gouverner pour toujours, dans la splendeur. » Le quatrième, enfin, est reposé. « Que les dieux eux-mêmes s’émerveillent de ce pâle reflet de sa beauté ».

Je passe sous l’arche nord-est et m’avance dans la galerie qu’elle recouvre à moitié. Les décombres de la voûte encombrent le passage, mais rien qui ne m’empêche d’atteindre l’escalier. Je me hisse sur la terrasse où je suis accueillie par une bouffée de spores odorants [JdS Wis DC 11 : 15]. Encore une de ces fichues plantes carnivores ! Je la localise rapidement et la perce de flèches avant qu’elle n’ait eu le temps de m’approcher. Partout autour, des plantes, des fleurs jamais vues ailleurs. Une richesse végétale extraordinaire. Je ne peux m’empêcher de penser à Na, il adorerait cet endroit. Bientôt rejointe par Eku et Apdrag, nous nous accordons un petit intermède bucolique à chercher une orchidée parmi ce trésor botanique. Une petite bande de singes vit ici, qui se balancent de branche en branche et s’échangent des fruits murs en riant. Je repère une liane étrangleuse et la déracine avant qu’elle puisse nuire. Eku de son côté ramasse une dizaine de sindas, des baies, selon elle un excellent contre-poison. Quelques chwingas gambadent aussi dans le jardin. Ils nous regardent attentivement. Je m’approche de l’un d’eux et lui tend une de ces baies. Il me l’échange contre une feuille sèche. Je la hume. Impossible de déterminer son origine. Apdrag mime un geste vers sa pipe. Je fais non de la tête. Il ne s'agirait pas qu'il se mette à fumer n'importe quoi.

En mâchonnant quelques sindas, nous empruntons l’escalier qui nous rapproche de la fontaine, pour découvrir neuf fleurs magnifiques dans la corolle desquelles je ne peux m’empêcher de plonger le nez. Mal m’en a pris : elle m’enroule d’une liane hérissée d’épine et m’asperge d’une sève nauséabonde qui me ronge la peau ! J’arrive heureusement à me dégager de justesse et la coupe au niveau de la tige. Quel dommage. Une si jolie fleur. Eku, derrière moi, nous prévient [Medecine DC15 : 20+4] :
— Beaucoup de ces plantes donnent des hallucinations à qui les inhale. Certaines sont soporifiques. Ne nous attardons pas là.
Nous nous dirigeons donc ensemble vers un escalier, à l’ouest, qui mène à l’intérieur du dôme central. Je ne m’attends pas trop à trouver là-bas des orchidées, mais la curiosité est trop forte. Sur le mur, à côté de la première marche, sont inscrits ces mots : « Ô Grand Ubtao, libère-moi ». Zalkoré aurait-elle parsemé son exil de messages dans la pierre ? Nous montons.

En haut de l’escalier, une lourde porte de fer nous barre le assage. La rouille l’a soudée à la pierre, elle résiste à nos efforts. Je regarde en l’air. Le dôme a l’air en mauvais état, et j’ai cru voir de loin qu’il n’était pas intact. Je me lance dans l’escalade.
Je retombe de l’autre côté. Des feuilles d’or s’accrochent encore çà et là sous le dôme effondré, dont le gros des briques jonchent aujourd’hui le sol. Une statue de 18 pieds me contemple, un guerrier de Chult en clibanion, portant un casque décoré de dents de Grand Tyran et un bouclier recouvert de peau de lépoard à la sculpture si fine qu’on en discerne le moindre poil. Il se tient droit, debout, devant un bassin octogonal. La statue est en bon état, à l’exception du visage, proprement défiguré. Il tient une lance dans la main droite et paraît veiller sur une urne d’argile à ses pieds. Au nord, derrière le guerrier, un balcon surplombe un vaste bassin. Dans le dos du guerrier, ces mots, gravés : « Pardonne-moi ». À ses côtés, une autre statue, bien plus petite, mais d’une précision, d’un raffinement exquis. Elle représente un homme qui tend sa main vers l’urne. Son expression est de pure terreur. Un message a été gravé sur le mur sud en hauteur, mais je suis trop loin pour le lire. J’emprunte un escalier qui longe l’intérieur du dôme pour m’en rapprocher. Il est fragile, mais je sais me faire légère. « Ô mon véritable amour, fidèle général, reposez en paix à Nangalore pour l’éternité. Personne ne troublera votre tombeau tant que je vivrai. Tel est mon vœu de pénitence, car mes péchés m’interdisent de vous rejoindre dans la mort. »

Intéressant. Zalkoré, qui a haï son général pour l’avoir trahie, aurait fini par le pardonner ? Et quels sont ces péchés dont elle parle ? S’en serait-elle voulu ? Plus important encore : que voulait-elle dire par « mes péchés m’interdisent de vous rejoindre dans la mort » ? Qu’elle se refusait, en pénitence, la libération du suicide ? Ou… ? Elle ne serait pas la première morte-vivante de Chult, après tout.
Je redescends pour m’intéresser aux statues de plus près. Vu les efforts produits pour le défigurer, et la demande de pardon, je suppose que le grand guerrier serait Thiru-taya. M’intéressant ensuite à la petite statue, je remarque une inscription sur le sol à ses pieds : « Voleur pour un jour, esclave pour toujours ». [Kass se doute-telle de quelque chose ? 3, non, 20 : Et contre toute attente, 7, cadrage, évidemment : l’urne.] Intéressant. Et cette urne ? Qu’est-ce ? Je m’approche doucement et soulève le couvercle avec prudence : une poudre grise. [Survival, DC12, 15+5]. Des cendres. Une urne funéraire. Je crois bien avoir trouvé la dernière demeure de Thiru-taya. Mais qui est ce voleur ? [Kass compte-t-elle déranger cette sépulture ? Peu probable, 4, non.]
Je ressors et retrouve mes camarades, qui se sont déplacés vers l’esplanade à l’est. Je les y rejoins, et nous nous dirigeons vers le coin nord-est, où s’élève un des deux petits dômes encore sur pieds. Ses lourdes portes de bronze sont encore solidement plantées dans leurs charnières. Je les pousse prudemment.
Ce n’est qu’une pièce, grande et belle. Parfaite pour une reine, du moins à une époque. Les fresques florales des murs ont aujourd’hui perdu leur éclat, la mosaïque est craquelée, le mobilier en bois et en émail est en mauvais état, fendu, renversé. Chaque pouce carré de tissu encore présent est élimé jusqu’à la corde, dévoré par les asticots. Au centre, sur un grand tapis rond, un long divan s’étale. Une femme y est couchée, vêtue d’une robe extraordinaire en plumes de perroquet. Malgré la chaleur, tout son corps est recouvert de voiles, bras, jambes et jusqu’au visage. Posée à côté d’elle, une belle orchidée noire pousse dans un pot d’argile. Une voix étrange, antique, sépulcrale, s’élève alors de sous le voile.
— Des étrangers à Nangalore, mon amour. Quelle faveur nos sujets viennent donc nous réclamer ?
À qui parle-t-elle ? Je ne sais.
— Reine Zalkoré ? Majesté ?
— Et qui d’autre ? Qui vous attendiez-vous à croiser en ces lieux ? Et que voulez-vous, belle enfant ?
[Kass tente-t-elle de l’amadouer ? 4, oui.] Difficile de savoir où elle regarde sous ce voile, mais j’ai la sensation qu’elle ne me quitte pas des yeux…
— Ma Reine, nous venons de Kir Sabal, où la princesse Mwaxanaré et le petit prince Na tressent vos louanges du lever au coucher du soleil. Nous venons chercher dans vos splendides jardins une fleur bien rare, si rare qu’elle ne pousse qu’en ces lieux enchanteurs. Une orchidée noire, comme celle qui trône à vos côtés.
— Nul autre que Thiru-taya ne trône à mes côtés, impudente !
Je recule imperceptiblement. Son ton a changé d’un seul coup. La solitude et une vie trop longue sont après tout les ingrédients d’une folie assurée. Je devrais être plus prudente.
— Mes excuses, ma Reine. Je me suis mal exprimée.
[La Méduse compte-t-elle se séparer de l’orchidée ? 3 Non, 20 contre toute attente ! 17, Connexion.]
— Pardonnée. Une si jolie fleur, on ne pourrait lui en vouloir, n’est-ce pas Thiku ? Regardez-moi ces couleurs, ce teint, cette silhouette !
Je suis perplexe. Parle-t-elle de moi ou de l’orchidée ?
— Eh bien c’est entendu ! Vos compagnons partirons avec la fleur. Vous resterez avec nous.
Enjeu Solo, l'émulateur de MJ qu'il est beau ! Pour toutes vos parties sans MJ, Enjeu Solo contient les oracles qu'il vous faut. Dynamisez la narration, adaptez-la au rythme du récit, tenez compte des enjeux et surprenez tout le monde, vous le premier.
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

Kass est prisonnière de la Méduse de Nangalore. Comment va-t-elle s'en sortir ?

***

[Kass arrive-t-elle à conserver avec elle l’anneau de l’hiver ? Peu probable, 1, non, 16 ET, 2, un risque apparaît : Zalkoré repère son potentiel magique et compte bien le garder pour elle. Elle le garde à part du reste, dans un petit coffret avec ses effets personnels.]
[Les chwingas vont-elles l’aider ? Peu probable, 2, non, 15, mais : pendant ce temps… Apdrag s'affaire en coulisses et pourra intervenir.]

Dans ma belle robe de plumes, je contemple le plafond du dôme où les servantes de Zalkoré, de gigantesques grues au regard vicieux, m’ont enfermée. J’ai accepté son étrange demande. Apdrag s’était crispé derrière moi, la main sur la garde de Vengeresse. Je lui avais aussitôt transmis un message rassurant, ainsi qu’à Eku. « Allez-y. Prenez la fleur et filez. Je vous retrouverai à Kir Sabal. » Il est demeuré méfiant, mais Eku s’était avancée pour prendre possession de la fleur, me caressant l’épaule au passage. « Tu reviendras », avait-elle murmuré. Plus facile à dire qu’à faire. J’avais espéré pouvoir conserver l’anneau de l’hiver, avec lequel briser mes chaînes aurait relevé du jeu d’enfant, mais Zalkoré a repéré le bijou alors que ses servantes me faisaient revêtir ma tenue de captive à coups de bec.

Et maintenant quoi ? Je suis dans ce qu’elle a appelé la pagode, qui occupe le coin nord-ouest des jardins. Elle a dû être jolie fut un temps. Ses arches gracieuses laissent entrer l’air frais qui montent depuis le bassin silencieux. Mais le temps et la décomposition ont fait leur œuvre. Oh, et les grues, dont le guano mêlé aux restes de leur repas recouvre à présent la majeure partie du sol, jusqu’à ses marches de marbre blanc. Au nombre de six, toutes plus méchantes les unes que les autres, ces grues, des éblis, vont me poser de sacrés problèmes, je le sens. Elles ne me quittent pas des yeux. Il faut que j’attende une opportunité. J’aimerais que la nuit me porte conseil, mais dans ces conditions, ce serait inespéré.

La journée du lendemain se passe dans la contemplation des jardins. Zalkoré ne sort pas de son palais. Les éblis m’accompagnent dans tous mes déplacements. Je passe la matinée à méditer mon évasion. S’il ne s’agissait que de fuir, je ne m’inquiéterais pas trop, mais récupérer l’anneau promet d’être plus dangereux. Mes pas me mènent au bord du bassin que la pagode surplombe. Son eau très claire laisse paraître son fond, où s’entassent des pierres d’aspect curieux. Je fais mine de vouloir m’y baigner [Les éblis laissent-elles Kass faire ? 4, oui]. L’eau est agréable, presque fraîche. De gros poissons, une ou deux tortues et quelques gros lézards s’y prélassent, sans faire attention à moi. Ils doivent être habitués. Qui s’y baignent d’ordinaire ? Sûrement Zalkoré. Je plonge la tête pour laver mes cheveux et ouvre les yeux sous l’eau. Les pierres du fond sont… des sculptures ? Des poissons, des tortues, des lézards… [Investigation DC10 : 11+1] Curieux. [Il me semble que ce dernier indice est suffisant pour la déduction : Zalkoré voulait conserver sa beauté, elle cache ses yeux, des statues étrangement ressemblantes un peu partout dans le jardin… Je fais quand même pour vérifier un Histoire DC10 : 8+4] Une méduse ? Serait-ce pour ça que Zalkoré se voile la face ? Cela correspondrait exactement au mythe : les méduses sont des hommes ou des femmes qui, soucieux de préserver leur beauté, ont passé un pacte avec des entités dangereuses et perverses. Celles-ci leur accorde alors leur souhait et les rende immortelles, mais interdisent à quiconque de pouvoir les admirer… Tout concorde. Cela me donnerait une belle possibilité d’action : la nuit, dans le noir le plus complet, je saurai ne pas être vue.

J’ai mis à profit mon après-midi en cueillant des baies [Insight DC12 : 12 !] et des feuilles de menga, parfaites pour la pipe d’Apdrag. J’ai aussi tenté, forte mon expérience sur le plateau de l’Aldani, d’apprivoiser un de ces adorables singes à petites ailes. Ma magie n’a pas été très efficace, mais elle m’a tout de même permis de communiquer avec lui. Je l’ai baptisé Cricri, et me suis présenté. [Ce singe aidera-t-il Kass à récupérer l’anneau ? 2, non, 15 (découverte) mais 4 : tout se complique !] Je lui ai expliqué que la méchante femme dans le palais m’avait volé mon anneau, et que s’il pouvait le récupérer discrètement et me le ramener, je le couvrirai de mangues. Il s’est alors envolé vers le dôme. M’a-t-il comprise ?
Le soir venu, Zalkoré m’invite à prendre le dîner en sa compagnie. La table est dressée sur l’esplanade, au-dessus du bassin. Je m’en approche en mâchonnant discrètement une sinda. Trois couverts sont installés en triangle. Le plateau que porte une éblis est chargé de fruits frais et de poissons grillés, de vin et d’infusion de tej, le tout copieusement piqué de ces plantes hallucinogènes contre lesquels Eku m’a mise en garde. Refuser serait impoli, ce qui contrarierait mes plans : je compte bien mettre la reine dans ma poche. J’avale. [JdS de constit avec avantage (baies) DC15 : 14 !] Au début tout se passe bien. Je raconte mon histoire à Zalkoré, qui paraît intéressé et me regarde manger sous son voile. Elle m’interrompt parfois pour demander l’avis de Thiru-taya, qu’elle croit présent, une hypothèse que le contenu de son assiette paraît démentir en ne diminuant pas. Je l’interroge quant à moi sur Omu. Je parviens à apprendre que la ville perdue, autrefois vouée à Ubtao, serait à présent occupée par les Yuan-tis, des monstres maléfiques, mi-hommes mi-serpents, qui vénèrent Dendar. Je laisse mes écailles sous la table et passe au sujet suivant : sa descendante. Je marche sur des œufs, mais contrairement à ce que je pensais, le sujet ne la trouble pas. Elle paraît tout à la fois se considérer comme l’altesse régnante d’une ville prospère et la reine en exil d’une cité déchue, sans s’émouvoir du paradoxe. Je laisse traîner le repas jusqu’à la nuit, m’efforçant de faire la conversation quand les blancs sont trop longs [Performance DC 12 : 4+4], mais la reine s’ennuie bien vite et me congédie. Ce qui tombe presque bien : la tête me tourne depuis quelques minutes. [Perception DC 12 désavantage : 8+5] Avant de prendre congé, une subtile odeur de soufre me parvient au narine. « Pas maintenant, Apdrag. »

Je passe la nuit à vider mes tripes et boire de l’eau, au grand amusement des éblis qui gloussent comme les stupides volatiles qu’elles sont. Elles m’ont enchaîné au mur, comme la veille, et ne me lâchent pas des yeux. Il faudra que je sois mieux préparée demain…
Mais comment ? Les sindas n’ont fait que retarder l’inévitable, et ma conversation ne va certainement pas aller en s’améliorant dans ces conditions. [La malédiction a-t-elle empiré ? Peu probable, 2, non, 15 (conflit) ET, tout se complique : elle a même régressé un peu.] Seule bonne nouvelle : j’ai ce matin retrouvé la peau de mes mains. L’influence de l’anneau qui m’aurait coupée de Dendar ? Mais alors, que va-t-il se passer si j’en reste trop longtemps éloignée ? Il ne faut pas que je traîne trop. Ce soir, je passerai à l’action quoi qu’il en coûte. J’espère qu’Apdrag sera toujours dans les parages…
Je vais mieux le lendemain. Je mâchonne longuement des sindas pour récupérer, avant de me prélasser dans le bassin. [Kass trouve-t-elle une scultpure de Thiru-taya qui ne soit pas défigurée ? Ou une manière de reconstruire une des statues abîmées ? Peu probable, 6 ! Oui]. C’est d’ailleurs dans le bassin, au milieu des tortues que je fais une découverte fascinante : une statuette de guerrier chultien en clibanon… et au visage intact. Elle correspond point pour point à la grande statue sous le dôme effondré, dont elle a dû être le modèle en miniature. Je m’imprègne de sa figure, jusque dans les moindres détails. La courbure de ses sourcils, l’arête de son nez, la forme des pommettes. Je ne veux rien laisser au hasard. [Performance DC12 avec avantage : 18+4] Ceci fait, je remonte me sécher au soleil. La pierre humide exhale des vapeurs délicates, parmi lesquelles le soufre passerait presque inaperçu.

Le soir venu, ce n’est pas dans ma robe à plumes que je m’approche de la table, ou plutôt si, mais pour mes yeux seuls : les autres voient arriver un superbe guerrier en armure, le front haut et l’air sévère. [Performance DC 12 avec avantage : 11+4] Zalkoré tressaille. Je prends place devant l’assiette restée intacte la veille et prend sa main dans la mienne. [La reine tombe-t-elle tête baissée dans le subterfuge ? 4 oui, 18 (résolution) ET, 12 multiplication : l’effet est démultiplié par les hallucinogènes dont elle s’est gavée toute la journée.]
— Ma Reine, quel plaisir de me trouver à votre table.
— Général… Vous… Je… Je croyais que…
— C’est bien moi, Zalkoré.
Je me lève de table sans lâcher sa main.
— Venez, ma mie. Rentrons, je n’ai pas faim. Je vous veux à moi. Je veux que vous puissiez retirer ce voile en ma présence, à la faveur du soir.
[Deception DC15 avec avantage : 17+7, les affaires reprennent.]
Elle me suit sans dire un mot. Nous passons les lourdes portes de bronze que je repousse derrière moi, laissant derrière nous les éblis circonspectes. Je dépose la reine sur la banquette avant de faire le tour de la pièce pour éteindre les torches une à une. Je repère le coffret qui contient l’anneau de l’hiver et l’ouvre sans un bruit. [Et là l’utlime : Sleight of hand DC15 avec avantage : 13+4 !] Il est vide. Suni ! Tyr ! Chauntea ! Où est-il ? Je regarde partout autour, tout en continuant ma sirupeuse litanie à destination de Zalkoré. [Investigation DC15 : 17+1, heureusement que les dés sont avec moi] Là, au sol, sous le coffret : une plume. Une plume de cette petite crapule de Cricri.
Je m’assois sur la banquette. Ce n’est pas le moment d’agir dans la précipitation. Je vois pendu au mur le sac qui contient mes affaires, mes lames et mon armure. Il me les faut. Mais comment ? Lentement, je soulève le voile de la méduse. Elle n’ose pas ouvrir les paupières. Quand bien même, elle ne verrait que l’ombre qui m’ensevelit. Malgré tout, sa beauté me glace le sang.
— C’est fait, ma Reine. Votre splendeur peut de nouveau éclairer la face du monde.
Je me lève.
— Je vais dire aux éblis que tout est pardonné. Qu’elles aillent répandre la nouvelle jusqu’à Omu, jusqu’à Mezro, jusqu’à Kir Sabal, aux quatre coins du royaume. La reine et son consort, enfin réunis, peuvent régner de nouveau.
— Non, restez !
— Je n’en ai pas pour longtemps. Je reviendrai bien vite. Nous avons devant nous toute l’éternité.
J’attrape mon sac sur le chemin, j’ouvre la porte. Les éblis s’écartent prudemment. Je sens qu’elles se méfient mais qu’elles n’osent aller contre les désirs de leur maîtresse. Reste à retrouver le filou qui m’a volé l’anneau.
Il est là. Là où je l’avais trouvé la première fois. Du haut de son arbre, il me nargue, l’anneau en main. Et l’enfile. [Jets de charisme en oppo : 15+3 contre 4 – 2, L’anneau prend possession de lui] Un vent de glace se lève d’un seul coup qui me saisit jusqu’à la moelle. J’en reste transie, effarée [32 PV perdus, gloups]. J’entends au loin les éblis qui accourent, probablement la reine aussi. Il faut faire vite. Je saute dans l’arbre, tente d’attraper Cricri mais il s’échappe. Ma marque est sur lui, il n’ira pas bien loin. Partout où il passe, des panaches de glace s’élèvent. Je le poursuis d’arbre en arbre tandis qu’autour de moi la température baisse jusqu’à givrer les feuilles. Je me rends à l’évidence : je ne sauverai pas Cricri. Je tire mon arc du sac, l’aligne, mais le cœur n’y est pas. Les éblis sont à trente pas, et Zalkoré derrière elles. Je lâche la corde et ma flèche, pourtant facile, vient se planter dans le tronc tandis que le singe s’envole. Ma compassion me perdra.
J’allais me résoudre quand j’entends un bruit sourd. Cricri est retombé comme une pierre, la tête fendue par un galet. Apdrag accourt mais je lui hurle de reculer, de s’enfuir avec moi de ces jardins maudits. J’attrape la dépouille de Cricri et murmure une formule pour dérober Apdrag au regard de la Méduse. Nous nous enfonçons tous les deux dans la nuit. Zalkoré n’a plus que son voile pour pleurer.
[Et niveau 6 ! Un quatrième niveau de ranger.]
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BenjaminP
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

La suite, et clôture du chapitre 2 (ouf !).

***


Nous ne sommes pas allés bien loin avant que les ennuis nous rattrapent. À quelques lieues des jardins, alors que nous progressions bien à couvert de la forêt, le monde autour de nous s’est mis à tanguer et à changer de couleur. Les éblis nous avaient retrouvés. Une bande de sept, qui a bien failli me déchiqueter à coups de bec. De coriaces volatiles, qui, après nous avoir ainsi hypnotisés, ont été terriblement pénibles à combattre. On les croyait ici, elles étaient là. On les pensait devant, elles étaient derrière. Heureusement, une fois atteinte, les grues perdaient cette curieuse propriété. Nous avons pu nous débarrasser d’elle, mais je m’en suis retrouvée couturée de partout.
Apdrag a insisté pour que nous prenions le temps de soigner mes blessures. J’avais un mauvais pressentiment à ce propos, et il ne tarda pas à se concrétiser : ces répugnants pterochtones, toujours dans les parages, ont décidé que nous étions suffisamment affaiblis pour se jeter sur nous à ce moment-là. J’ai ainsi pu constater, pour la première fois, qu’Apdrag n’avait pas peur de rien : ces satanés bestioles l’ont proprement terrorisés. Nous n’avons dû notre survie qu’à l’anneau de l’hiver dont j’ai pu, pour la première fois, déchaîner la puissance. Une tempête de grêle s’est abattue sur nos ennemis afin de les clouer au sol, où un vent de givre a fini de les rendre inoffensifs. Nous pouvions enfin prendre un repos bien mérité.

Le reste du voyage s’est passé sans anicroche, d’autant que nous avons trouvé sur l’Olung un canot amarré qui nous a bien facilité la vie. De retour à Kir Sabal, Eku nous attendait, fière comme un paon. Le rituel pouvait commencer. J’ai pour cette occasion revêtue ma plus belle robe, souvenir de Nangalore qui fera un malheur à la porte de Baldur, quand ce cauchemar sera derrière moi.
Je suis allé présenté les respects de la reine Zalkoré à la princesse Mwaxanaré, qui les a accueilli sans grâce particulière, avant de me rendre au monastère. Apdrag y fume paisiblement sa pipe fourrée aux feuilles de menga rapportées de Nangalore. Na, toutes ailes déployées, tournent autour d’Asharra qui pilent l’orchidée pour les besoins de la cérémonie, en l’assommant de questions sur les vertus magiques de cette fleur si rare. Je rejoins Eku au bord du précipice qui s’ouvre dans le plancher. Elle balance ses pieds dans le vide. Elle a l’air heureuse.
— C’est curieux de ne plus pouvoir sauter. De pouvoir perdre la vie pour si peu. Si simplement.
— Il y a malheureusement bien d’autres méthodes, pas beaucoup plus compliquée !
— Raconte-moi les jardins.
Je m’exécute : mes deux journées contemplatives, ma tentative avortée du premier soir, le dîner avec la Reine. Puis ma découverte des statues, des pouvoirs de la méduse. Surtout : ma conviction que son état psychique était suffisamment altérée pour pouvoir lui faire croire à peu près n’importe quoi qui recouvre tant soi peu son histoire fantasmée. Ma transformation en Thiru-taya. Cricri. La fuite. Asharra nous appelle. « La danse peut commencer. »
Le brasier est allumé sous le mortier qui contient les résidus pilés de la fleur de Nangalore. Asharra, penchée au-dessus, en inhale les vapeurs. Elle nous a disposés devant elle et tourne à présent autour de nous, invoquant la puissance des seigneurs du vent d’Aaqa. À mesure de sa danse, ses ailes s’amenuisent, s’atrophient, tandis que sur nos omoplates naissent leur réplique. D’abord brimborions, vestigiales, elles gagnent en envergure à chaque grain du sablier, se déploient et s’étendent sous nos yeux ébahis. Des ailes ! J’ai des ailes ! Eku est extatique. Apdrag enivré. Na applaudit à tout rompre et exige d’Asharra qu’elle accomplisse un jour le rituel pour lui.
— Vous avez trois jours, nous dit-elle, sa concentration retombée. Pas un de plus, pour trouver la cité d’Omu. Suivez l’Olung jusqu’au lac Luo. Les courants ascendants de la vallée des braises vous porteront jusqu’aux pics des Flammes. Longez-les vers l’ouest et ne déviez plus. Vous la survolerez au cours de la troisième journée. Ne perdez pas de temps.
*

Magiques, fantastiques, extraordinaires. Les adjectifs me manquent pour décrire ces deux journées passées à survoler Chult. La jungle est si belle, vue de haut. Le lac Luo et ses effluves de soufre, tache verte sur fond jaune, la vallée des Braises et ses coulées rouges au milieu des pierres grises si chaudes que l’air forme par-dessus comme de petits coussins. La menace n’est pas très loin, pourtant, nous l’avons même suivie tout du long, à main droite ; la forêt morte, où la verdure devient noirceur, où s’ébattent les cadavres et les spectres. Mais nous ne rampions plus dans la fange, cette fois. Nous volions, loin, très loin du danger, avec les aigles et les quetzacoatl. Je n’ai jamais vu Eku si heureuse.

Au mitan du troisième jour, comme l’avait prévu Asharra, la ville apparaît soudain dans un repli abrupt de la canopée. Elle occupe un creux de presque un quart de lieue, bordé de falaises, où se déverse en haute cascade une rivière anonyme née du pic des Flammes dont le lit s’est beaucoup élargi depuis les temps de la splendeur. À présent, l’eau prend ses aises au milieu des ruines et gagne de nombreuses allées avant d’achever sa course, au sud, dans un immense cratère où le magma bouillonne, soulevant jusqu’à nous un épais nuage de vapeur au travers duquel nous plongeons. Un cri attire mon attention à ce moment, sur ma droite. J’ai dû mal à distinguer ce qu’il se passe au sein des volutes, et ce n’est qu’une fois le nuage franchi que j’aperçois, quelque cent pieds plus bas, Apdrag pris dans un filet tenu de chaque côté par deux statues de pierre qu’une magie ancienne arrive on ne sait comment à faire voler. Je tire mon arc pour lui venir en aide mais un reçoit aussitôt un coup puissant derrière la tête qui m’envoie dans les nues.
J’ai tout juste le temps de me retourner avant que deux de ces monstres ne soient sur moi, griffes et bec furieux. Je m’efforce de me défendre mais mes lames sont inefficaces et ricochent sur leur peau de granit. Je parviens tout de même à puiser dans l’âme de Dendar de quoi embrouiller l’esprit fruste de l’une de ces gargouilles, ce qui me laisse assez d’espace pour remplacer une épée par la dague d’Artus, certainement plus adaptée. Enfin, j’entaille, je perce, je coupe, mais les monstres me rendent coup pour coup. Il faudrait que je prenne le large, mais mon vol est encore trop maladroit pour espérer les distancer, d’autant que la tête commence à sérieusement me tourner.
Alors que mes forces s’épuisent, je plante solidement la dague dans l’aile de l’une d’elles et me laisse tomber en piqué, déchirant la membrane minérale. La gargouille me suit dans ma chute. Elle ne remontera pas. Quant à moi je disparais dans le nuage pour revenir au-dessus de l'autre statue volante, et la voilà qui suit son acolyte jusqu’au lac de lave.
Eku et Apdrag se sont débarrassés des leurs pendant ce temps. Ils ont meilleure mine que moi, mais le combat nous a tous coûté quelques plumes. Nous décidons de nous poser de prendre un peu de repos, afin d’envisager plus sereinement la suite. Au-dessus du magma, un pic solitaire nous tend son sommet, où nous ne risquerons pas d’être dérangés… Nous devrions disposer de nos ailes jusqu’à l’aube prochaine, espérons que nous aurons redécollé d’ici là !

***

Et voilà la petite compagnie parvenue à Omu. Je vais découvrir la ville et ses secrets en même temps que vous.
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

Nous voilà enfin au chapitre 3, ce qui me fait dire que j'ai une petite chance de finir cette aventure un jour. Ça mérite un petit point d'étape technique sur le module proprement dit :
Cette aventure est bel et bien un hexcrawl, pas de doute, mais ce n'est pas du tout un bac à sable (faut pas confondre). L'agentivité est plutôt limitée jusqu'à Omu et même un peu au-delà, en fait jusqu'au Temple du Serpent, qui est en revanche un mini-bac à sable pouvant se transformer en donjon à tout moment.
En revanche, dans le genre, elle est plutôt chouette, très bien calibrée. La progression des joueurs sur les différents chapitres se fait comme par miracle : je suis arrivé à Omu niveau 6 (niveaux conseillés : 5-8) et le passage chez les Yuan-tis se fera niveau 7 (niveaux conseillés : 7-10). Je serai probablement un peu juste pour la Tombe des Neuf parce que la malédiction de Dendar va beaucoup modifier l'étape Yuan-ti, avec beaucoup de moins de combats.
Autre point très positif : je pense qu'elle est hautement rejouable, pour peu qu'on aime ça, car il est impossible que deux parties se déroulent de la même manière et les chemins pour arriver à Omu divergent très tôt. Une fois passé ce cap, cela dit, ça doit méchamment se ressembler.
Ce qui est à peu près sûr, c'est que je ne l'aurais pas jouée de sitôt si je n'étais pas passé par cette expérience solo. Je la ressortirai peut-être un jour à mes enfants, cela dit.
And now, without further ado, la suite !

SPOILER : bon, c'est un peu hypocrite de vous dire ça maintenant, il y a de gros spoilers depuis le début, mais là c'est un peu particulier. À Omu, beaucoup de lieux proposent des énigmes, dont je vais donc révéler les réponses cash au fur et à mesure. Vous êtes prévenus !


***

Magiques, fantastiques, extraordinaires. Les adjectifs me manquent pour décrire ces deux journées passées à survoler Chult. La jungle est si belle, vue de haut. Le lac Luo et ses effluves de soufre, tache verte sur fond jaune, la vallée des Braises et ses coulées rouges au milieu des pierres grises si chaudes que l’air remonte en volutes pour former de petits coussins tièdes et légers qui nous transportent comme des baldaquins. Féérique, idyllique, merveilleux. La menace n’est pas très loin, pourtant, nous l’avons même suivie tout du long, à main droite ; la forêt morte, où la verdure devient noirceur, où s’ébattent les cadavres et les spectres. Mais nous ne rampions plus dans la fange, cette fois. Nous volions, loin, très loin du danger, avec les aigles et les quetzacoatl. Je n’ai jamais vu Eku si heureuse.

Au mitan du troisième jour, comme l’avait prévu Asharra, la ville apparaît dans un repli abrupt de la canopée. Elle occupe un creux de presque un quart de lieue, bordé de falaises, où se déverse en haute cascade une rivière anonyme née du pic des Flammes, dont le lit s’est semble-t-il beaucoup élargi depuis les temps de la splendeur. À présent, l’eau prend ses aises, déborde les ruines et gagne de nombreuses allées avant d’achever sa course, au sud, dans un immense cratère où le magma bouillonne, soulevant jusqu’à nous un épais nuage de vapeur au travers duquel nous plongeons.
Un cri attire mon attention à ce moment, sur ma droite. J’ai dû mal à distinguer ce qu’il se passe au sein des volutes, et ce n’est qu’une fois le nuage franchi que j’aperçois, quelque cent pieds plus bas, Apdrag pris dans un filet tenu de chaque côté par deux statues de pierre qu’une magie ancienne a su animer on ne sait comment, jusqu'à les faire voler. Je tire mon arc pour lui venir en aide mais reçois aussitôt un coup puissant derrière la tête qui m’envoie dans les nues. J’ai tout juste le temps de me retourner avant que deux de ces monstres ne soient sur moi, griffes et bec furieux. Cherchant avant tout à stabiliser mon vol, je me défends mal. Mes lames sont inefficaces et ricochent sur leur peau de granit. Je parviens tout de même à puiser dans l’âme de Dendar de quoi embrouiller l’esprit fruste de l’une de ces gargouilles, ce qui me laisse assez d’espace pour remplacer une épée par la dague d’Artus. Enfin, je retrouve le nord ; j’entaille, je perce, je coupe. Cependant les monstres me rendent coup pour coup. Il faudrait que je prenne le large mais mon vol est encore trop maladroit pour espérer les distancer, d’autant que la tête commence à sérieusement me tourner. Alors que mes forces s’épuisent, je plante solidement la dague dans l’aile de l’une d’elle et me laisse tomber, déchirant la membrane minérale dans ma chute. La gargouille suit, mais ne remontera pas. J’arrive même à surprendre la deuxième en passant dans le nuage, pour revenir au-dessus, et la voilà qui rejoint son acolyte jusqu’au lac de lave. Les gardiens des ruines ne sont plus : Eku et Apdrag se sont aussi débarrassés des leurs. Ils ont meilleure mine que moi mais le combat nous a tous coûté quelques plumes. Nous décidons de nous poser de prendre un peu de repos, afin d’envisager plus sereinement la suite. Au-dessus du magma, un pic solitaire nous tend son sommet, où nous ne risquerons pas d’être dérangés… Nous devrions disposer de nos ailes jusqu’à l’aube prochaine, espérons que nous aurons redécollé d’ici là !

C’est une colonne de pierre de deux cents pieds, où règne une chaleur extrême, ce qui nous convient bien à Apdrag et moi. Eku s’éponge abondamment le front tandis qu’elle s’occupe rapidement de nos contusions nombreuses. Je prends le temps de souffler avant d’aller inspecter la petite bâtisse carrée qui occupe, solitaire, le haut du pic. Des murs partiellement écroulés l’entourent. Des palmiers poussent au ras de ses murs décorés de serpents enroulés sur eux-mêmes. Je me sens comme chez moi.
Une petite heure passe ainsi à panser nos blessures et enduire nos muscles fourbus d’un onguent bienfaisant. Pendant que mes compagnons se préparent, je passe pour la première fois l’enceinte des murs. Des jaculis en embuscade ne tardent pas à vouloir profiter de cette proie qu’ils croyaient facile (il faut dire qu’elles ne doivent pas être légion sur ce pic isolé), mal leur en prend : je les découpe sur-le-champ. Mes compagnons me rejoignent vite et achèvent les survivants. Nous nous dirigeons vers le perron. Mais cette fois, plus de blague : nous serons prudents. [Perception DC15 : 20+5] Au fronton, un message en vieil omuéen nous prévient : « Moa nous enseigne que les secrets cachent la vérité. » Entendu. Je me saisis du bâton d’Eku et en tâte toutes les marches jusqu’à l’entrée où s’ouvre un long couloir. Ses murs sont couverts de toiles d’araignée et percés de meurtrières qui ne me disent rien qui vaille… Je repère bien vite le piège : le sol m’a l’air articulé. Cependant, impossible de comprendre le mécanisme. Qu’à cela ne tienne : je passe par les murs, que j’escalade prudemment tout du long, puis je fixe une corde à l’autre bout pour faciliter le passage d’Eku et Apdrag [Problème à l’escalade ? Peu probable, 5, oui !], qui se précipite et dévisse ! Eku est restée bien accrochée, mais le pauvre saurien s’écrase au sol, qui s’efface sous son poids. Je repars précipitamment à l’assaut du mur afin de me trouver à l’aplomb de la scène. Le trou n’est pas très profond, heureusement, et une substance verte gélatineuse, sur laquelle il a atterri à plat dos, a ralenti sa chute. Il remonte à toute vitesse, mais son bouclier a été endommagée au contact de cette chose, qui lui a même brûler la peau. Je lui tends la main pour qu’il puisse atteindre la corde, et nous passons cette fois sans encombre.

Nous parvenons dans une salle au centre de laquelle un cube de pierre de la taille d’un poing repose sur un piédestal. Les statues de douze guerriers tribaux sont prises dans les murs, comme s’ils avaient été pétrifiés sur place, leurs arcs pointés sur le cube. Le piège parfait. Devant, une mosaïque mangée par la mousse représente un monstrueux serpent qui s’enroule autour d’un singe furieux. Je gratte la végétation, une inscription apparaît : « La mort récompense le voleur trompé. La vérité sort de la bouche du serpent. » Notant l’absence d’une autre issue à cette pièce qui mènerait aux salles sur lesquelles s’ouvrent les meurtrières du couloir, j’inspecte les murs [Perception 18+5]. Gagné : deux panneaux secrets s’y cachent. Je pousse celui de gauche. Une petite pièce rectangulaire, occupée en son centre par la statue d’un serpent enroulé sur lui-même. Sa tête cassée gît sur le sol au milieu des toiles d’araignée, à côté d’un cube de pierre très semblable au précédent. Je pousse le second panneau. La même statue, cette fois entière. Dans sa bouche, un cube. Hmm… Pendant ce temps, Eku inspecte le premier d’entre eux, sur son piédestal.
— C’est un faux, affirme-t-elle. Une illusion.
Pourtant, elle le tape de l’index et produit un son. Je m’approche du deuxième, celui tombé au sol, l’effleure. Il m’a l’air bien réel. Je me concentre, m’efforce de sentir sa présence. Je le touche, il est froid. Pourtant, il n’est pas là.
— Le deuxième aussi est un faux.
Que sont donc ces cubes ? Pourquoi ces illusions ? Je me dirige vers le dernier. Eku le regarde d’un œil circonspect.
— Celui-là est réel, dit-elle. Et enchanté. Un sort d’abjuration.
[Kass comprend-elle ? 6, oui.]
— « La mort récompense le voleur trompé », « Les secrets cachent la vérité ». Prendre les cubes illusoires déclenchera le piège. Mais à quoi sert le vrai, le secret caché ?
— Aucune idée.
— Qui est Moa ?
[Eku connaît-elle la légende des neuf rois ? Très probable, 2, non.]
— Ce nom me dit quelque chose… Mais c’est si loin.
[Na a-t-il raconté l'histoire d'Omu à Kass ? 4, oui, 14, mais : très incomplet.]
— On aurait dû emmener Na avec nous !
Apdrag, assis dans un coin de la pièce à tenter de réparer son bouclier, réprime un gloussement.

[Je note ici un gros défaut de ce module : nulle part n’est indiqué qui sait quoi de la ville d’Omu. Or, l’oracle d’Orolunga, Eku le Couatl immortel, la princesse Mwaxanaré de la famille royale omuéenne, son frère Na, la reine Zhalkoré d’Omu en exil à Nangalore, Asharra la moniale de Kir Sabal, ça fait quand même pas mal de gens censés connaître un tout petit peu l’histoire du bled ! Mais comme ce n’est pas indiqué, et comme rien n’en parle dans le chapitre précédent, avant d’arriver à Omu, je suis obligé de retconner un peu ici… Et je suis dans le noir concernant le BBE, Acerrerak, dont rien n’y personne ne semble soupçonner l’existence jusqu’ici. On va continuer comme ça, on verra bien.]

Je me saisis du cube et le tourne. Un serpent est gravé sur une de ses faces. Ce lieu est le sanctuaire d’un dieu serpent.
— Ne rigole pas, Apdrag, il en savait long, ce garçon. Omu a abandonné le culte d’Ubtao il y a deux siècles, perverti par la danse du ventre de neuf esprits qu’il appelait les Neuf Usurpateurs, selon sa sœur les dieux légitimes. Chacun disposait de son sanctuaire en ville, un lieu comme celui-ci, qui servait à tester les fidèles. Nous sommes dans le sanctuaire de Moa, le serpent.
— Oui, je me souviens, maintenant, reprend Eku. Les Neuf d’Omu. Le serpent, l’escargot, le drung, le singe, l’éblis… Un culte transitoire, balayé par le mal qui s’est abattu sur la ville il y a un siècle et précipité la chute. La famille royale s’est enfuie à ce moment, les arrières-grands-parents de Na.
— Le mal ? Ras Nsi ?
— C’est ce que pensait Artus. Je n’en suis pas si sûre… Ras Nsi était un paladin d’Omu, banni avant la chute. Il n’est retourné à Omu qu’après, quand elle n’était que ruine.
— Qu’est-ce qui a causé cette chute, Eku ? Ne gardais-tu la jungle quand elle s’est produite ?
— J’ai su. Je ne sais plus. Probablement un souvenir de Nani Pu.
— Eh bien, nous avons toute une ville à fouiller pour en savoir plus ! Allons, filons avec ce souvenir en poche, avant que nos ailes nous tombent. Ce serait ballot de nous retrouver coincés sur ce pic.
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par Vorghyrn »

BenjaminP a écrit : ven. nov. 20, 2020 10:00 pm [Je note ici un gros défaut de ce module : nulle part n’est indiqué qui sait quoi de la ville d’Omu. Or, l’oracle d’Orolunga, Eku le Couatl immortel, la princesse Mwaxanaré de la famille royale omuéenne, son frère Na, la reine Zhalkoré d’Omu en exil à Nangalore, Asharra la moniale de Kir Sabal, ça fait quand même pas mal de gens censés connaître un tout petit peu l’histoire du bled ! Mais comme ce n’est pas indiqué, et comme rien n’en parle dans le chapitre précédent, avant d’arriver à Omu, je suis obligé de retconner un peu ici… Et je suis dans le noir concernant le BBE, Acerrerak, dont rien n’y personne ne semble soupçonner l’existence jusqu’ici. On va continuer comme ça, on verra bien.]
Perso, c'est le genre de détail que je modifie assez fréquemment (en solo ou pas d'ailleurs). J'utilise pas mal en manoeuvre douce des trucs du style "montrer le canon du flingue", "mettre quelqu'un sous les feu des projecteurs" "offrir une opportunité avec ou sans prix à payer" ou des trucs similaires pour distiller des infos, même si le scénar officiel ne précise rien.

Pour le solo, j'alterne entre les éléments "core" que je connais en tant que MJ (qui est le BBE, qu'est-ce qu'il veut etc...) et des détails ajoutés sur le pouce pour rester un peu surpris ("tient, la serveuse est en fait une nécromancienne repentie qui a fait partie de l'organisation du BBE")
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

Vorghyrn a écrit : ven. nov. 20, 2020 10:11 pm Perso, c'est le genre de détail que je modifie assez fréquemment (en solo ou pas d'ailleurs). J'utilise pas mal en manoeuvre douce des trucs du style "montrer le canon du flingue", "mettre quelqu'un sous les feu des projecteurs" "offrir une opportunité avec ou sans prix à payer" ou des trucs similaires pour distiller des infos, même si le scénar officiel ne précise rien.

Oui, grave. J'ai un problème méthodologique, là (enfin, disons plutôt une conséquence de ma manière d'aborder le truc) : comme j'avance dans le noir sans avoir lu le module avant, je ne dispose pas de ces outils ou, plutôt, j'ai un peu peur de m'en servir. Peut-être trop, d'ailleurs. Si j'avais mené ça pour une table, je pense que tout le monde, arrivé à ce point, aurait pu rédiger une petite thèse sur la civilisation omuéenne avec les infos que je leur aurais balancées.
Là, si j'avais voulu "montrer le canon du flingue", il aurait fallu que j'aille faire un tour dans les pages interdites !
Spoiler : c'est un peu ce que j'ai fait pour préparer la suite, le passage chez les Yuan-tis.
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

L'exploration d'Omu se poursuit...

***

Avant de nous envoler, je contemple la ville à nos pieds. À l’ouest, une grande avenue aboutit sur un amphithéâtre d’un côté, et de l’autre à un petit quartier fortifié qui paraît habité. Au centre, un vaste camp à l’abandon. Le palais royal est clairement visible à l’est. Derrière son enceinte circulaire percée de deux accès, ses divers bâtiments forment dans ce cercle le dédale d’un labyrinthe, vestige du culte d’Ubtao. Un peu partout, des temples, très variés de formes et de structures.
Nous nous envolons vers le sud-ouest de la ville, où un escalier monumental est taillé dans la falaise jusqu’à la jungle. Nous pourrons y monter notre camp pour la nuit. Les prochains jours promettent d’être longs. Mais avant cela, je tiens à m’assurer de ce que contient le poste de garde au bas de l’escalier. Nous attendons que la nuit tombe, ainsi que nos ailes au grand regret d’Eku, avant de nous en approcher. La cahute est petite. Quatre murs en adobe autour d’une herse de guingois qui commande l’accès aux ruines. Quelques meurtrières. Une porte sur le côté. [Kass distingue-t-elle le chemin de chevriers ? Perception DC18, 11+5, non] Je me dirige vers la porte, enveloppée par la nuit noire. Elle est ouverte. Personne à l’intérieur. Un chaos antique. Des bestioles partout aux murs, de l’herbe partout. Quelques traces de feux de camp préhistoriques. Des graffitis, écrits dans ma langue. Tiens, tiens.

« Craignez les crocs de Ras Nsi ! »
« Erik, je suis parti en quête des neuf sanctuaires. » Signé : V.
« Les cubes sont la clé. »
« Attention aux crapauds ! »
« Qui est Unkh ? »
« Gloire au Roi des Plumes ! »
« Les serpents ne sont pas ce qu’ils paraissent. »
« Kubazan : courage. Shagambi : Sagesse. Moa : ? »

Les écritures sont toutes différentes. Et cette histoire de cubes m’intéressent, évidemment. Il y en aurait donc plusieurs, sûrement un par sanctuaire. Moa (qui doit être soit le mensonge, soit la vérité ; et comme les deux autres sont des vertus, j'opterais pour la seconde possibilité), Kubazan, Shagambi… Nous progressons. Attendons demain pour en savoir plus.

Je remonte l’escalier jusqu’à notre campement. Juste avant d’arriver sous le couvert des arbres en haut de la falaise, un cri derrière moi. Je me retourne et n’ai guère le temps que de distinguer cinq formes indistinctes avant qu’Apdrag ne me dépasse d’un seul bond et se rue sur l’une d’entre elles. Prise de court, je me lance sur le côté, vers un tronc que j’escalade précipitamment jusqu’à sa première branche, mais l’une des formes m’y a suivie, son corps serpentin enroulé autour de l’écorce. Je tente de la repousser mais deux bras m’agrippent et me voici bientôt capturée par cette créature mi-homme, mi-serpent, qui serre et resserre son étreinte. Le bruit indistinct d’un combat sous mes pieds me parvient de plus en plus étouffé, tandis que les dernières goulées d’air quittent ma gorge. J’essaye de déclencher le pouvoir de l’anneau sans y parvenir. Des étoiles passent derrière mes paupières et ma tête devient légère. Je ne distingue plus rien. Et puis un cri d’Eku déchire l’atmosphère et je reprends pied. Le monstre a relâché son étreinte, imperceptiblement, mais cela me suffit, l’anneau fera le reste. Ses écailles refroidissent soudain jusqu’à devenir glissantes et friables. Je m’extrais de son étreinte, secoue ma torpeur et m’accroche à la branche supérieure avant de sauter dans l’arbre voisin, vers le cri d’Eku. Le genou à terre, elle saigne abondamment. Entre ses bras, le cadavre d’une créature aux bras de serpents qui la protège des coups de cimeterre d’une autre qui la domine et s’apprête à frapper. Ma flèche la transperce juste à temps. De l’autre côté, Apdrag s’est débarrassé de l’un de ses adversaire et résiste fièrement aux assauts du dernier, qui sent le vent tourner et tourne casaque. Vengeresse ne parvient qu’à lui entailler le dos. Il faut faire vite. Il ne doit pas prévenir ses congénères. Je me déplace dans la futaie à toute allure pour trouver un angle de tir avant qu’il ne dévale l’escalier et ne m’en prive. Là, voilà ! Je tire. Il s’écroule. Moi aussi.

Nous voilà autour du feu comme trois éclopés dans une léproserie. Nos contusions sont nombreuses après cette première rencontre face à des Yuan-tis. Eku et moi avons bien failli y laisser la vie. Avec des forces pareilles, Ras Nsi promet d’être un sacré morceau. Omu nous promet de belles surprises, il faudra être prudent.
Nous restons encore quelques temps ainsi, sans échanger un mot, avant d’aller à tour de rôle prendre un peu de repos dans nos hamacs bien camouflés. Il faudra peut-être les déplacer à un moment, mais nous les laisserons-là demain afin d’être surs de disposer d’un point de repli, l’exploration promet d’être longue. La nuit aussi. [Le spectre de Dendar vient-il hanter Kass ? 3, Non.]

Le lendemain, nous repartons vers la cahute et descendons prudemment jusqu’en bas des marches. Je repère le sentier par lequel nos assaillants de la veille nous ont épiés et suivis et je pars y faire un tour. Une caverne, des paillasses, plus personne. De beaux arcs, en revanche. Sculptés en serpents. Très équilibrés, délicatement sertis. J’en saisis un, le bande et l’adopte.

Nos pas nous portent ensuite vers le quartier fortifié d’où s’élève une fumée suspecte. Les portes sont fracassées. De l’autre côté, les bâtiments présentent des traces d’incendie. Une odeur de mort et de chair brûlée. Nous commençons par faire le tour des murs par l’ouest, à bonne distance. C’est là que nous trouvons, coincé entre l’enceinte et la falaise, un petit temple couvert de lierre devant lequel s’étend un bassin rectangulaire, boueux, malodorant, où flottent les restes putrescents des ponts de corde qui le traversaient jadis. Un monolithe gît lui aussi couché dans l’eau, ce qui me permet d’atteindre à pied sec le centre du bassin où s’élève la statue d’une grenouille. « Attention aux crapauds… » Je l’observe de près : sa bouche contenait quelque chose qu’on a récemment enlevé, si j’en crois cette trace de pierre propre bien visible au milieu de la mousse. Je sors du bassin et m’intéresse au temple. Ses portes sont ouvertes. Une lourde clé en pierre dépasse de la serrure. Il y a eu du passage.
Nous descendons ensemble les marches qui mènent à l’intérieur. À leur base, une vaste fosse, et en son fond les cadavres d’hommes et de femmes chauves, tout de rouge vêtus, empalés sur des pics. Morts il y a peu. Quelques jours peut-être. Je ne descendrai pas vérifier. Des poutres traversent la pièce, qui permettraient de la traverser en sautant de l’une à l’autre. Un bas-relief sur le mur du fond représente un monstrueux crapaud doté de tentacules, en plein combat contre une éblis. Sous la fresque, un piédestal, vide. Apdrag renifle et émet une odeur que je connais bien maintenant, proche de l’ananas, qui signifie : poison. Le piège a été déclenché par nos prédécesseurs, qui y ont laissé quelques plumes, mais ils ont embarqué le cube. Mon intuition était fondée : ces cubes sont la clé de quelque chose.

Nous sortons et pénétrons cette fois dans le quartier fortifié. Comme nous le présagions, c’est une scène de carnage où les seuls être vivants qui demeurent sont les chacals qui se disputent les corps brûlés. Une longue guisarme est plantée sur la place centrale au sommet d’un charnier. Des crânes ophidiens, des os, des vertèbres y sont embrochés. Sur un mur, un grand symbole a été dessiné à la cendre : un serpent enroulé en spirale, un cercle entre ses mâchoires. Dendar. Je frissonne et me caresse machinalement l’épaule. Les écailles sont toujours là. Elles ont régressé depuis que j’ai enfilé l’anneau, mais cette amélioration s’est arrêtée il y a quelques jours. Je ne me débarrasserai pas du Dévoreur aussi facilement.
Un cri parmi les chacals attire soudain mon attention. Un cri humain. Je m’approche et fais siffler mes lames pour chasser les charognards. Dans la pile des cadavres en robe rouge qu’ils déchiraient de leurs crocs, un bras décharné s’agite. Je le saisis et tire. Un vieil homme couvert de sang s’en extirpe et tombe à genoux à mes pieds. Il est un maigre comme un clou, vêtu très simplement, la peau cuivrée des gens de la presqu’île. Je lui présente mon épaule. Il a un mouvement de recul à la vue des écailles, mais il est trop faible pour faire autre chose qu'obtempérer. Je le relève, le soutiens et l’éloigne de l’empilement macabre pour l’adosser à un mur. Il traîne la patte, mais il est encore là. Je lui propose ma gourde, qu’il vide goulûment en crachant ses poumons par intermittence.
— Et tu t’appelles ?
— Orvex, tousse-t-il. Orvex Ocrammas.
— Que s’est-il passé ?
— Des Yuan-Tis. Des hommes-serpents. Ils sont arrivés en pleine nuit et nous sont tombés dessus comme la foudre.
La peur est gravée dans ses yeux. Eku se penche sur ses blessures.
— Tu vivras, le rassure-t-elle.
Il opine et soupire.
— J’ai cru entendre sonner ma dernière heure.
Je lui demande :
— Qui, "nous" ?
— Quoi ? Pardon ?
— "Ils nous sont tombés dessus". Qui, "nous" ?
— Eux. Les sorciers rouges de Thay.

***

Il y a, bien caché dans les ruines d'Omu, la possibilité d'un jeu de pistes à qui retrouvera les cubes le plus rapidement entre les sorciers rouges et les PJs. Mais si je lis bien le module, une fois ce camp fortifié visité, c'est un peu râpé pour Thay. C'est dommage, parce qu'il est vraiment à l'entrée de la ville. Je gage que la plupart des groupes y passeront très tôt dans leur exploration...
Dernière modification par BenjaminP le sam. nov. 28, 2020 11:33 pm, modifié 1 fois.
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Re: [CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation

Message par BenjaminP »

Mais que font donc les Sorciers rouges de Thay à Omu ? Vous le saurez en blablabla...

***
Les légendes d'Omu

Après quelques minutes des soins d’Eku, voilà Orvex capable de se tenir sur ses jambes grêles. Nous le sortons de l’enceinte et nous installons à bonne distance pour un repas à l’abri des regards, dans une petite maison en ruines, d’où déguerpissent quelques étranges petites créatures à notre approche, sortes de Chwingas végétalisés au corps couvert de fleurs. Orvex reprend des forces grâce à quelques fruits frais et une tranche de capibara séché qu’il mâchonne avec insistance malgré sa bouche presque édentée. Il en sait long sur la ville et ne se prive pas de nous le faire savoir, ce qui me le rend sympathique : il a bien compris qu'il valait mieux pour lui se rendre très utile, très vite.
Selon lui, les sorciers rouges, où ce qu’il en reste à présent dans ces ruines, sont à la recherche de neuf cubes tels que celui que nous avons trouvé la veille. Il ignore pourquoi exactement, mais j'ai ma petite idée. Les sorciers rouges de Thay sont les nécromants les plus célèbres, et les plus dangereux, de Faërun. Leur présence ici ne peut indiquer qu'un chose : ils sont eux aussi sur la piste du Psychophage. Et s'ils veulent les neuf cubes, c'est nécessairement parce qu'ils les mèneront à lui.
« Pourquoi neuf ?
— Un par dieu scélérat. »
Je l’assomme alors de questions à ce propos pour reconstituer la légende qui entoure ces neuf, qu’il me détaille entre deux longs assauts contre sa tranche de viande.

Il y a longtemps, Ubtao endurcit son cœur et cessa de pleurer pour le peuple d’Omu. La pluie s’arrêta, la jungle flétrit et la mort se répandit sur la ville. Un matin, une sage zorbo sortit de son arbre creux pour parler aux Omuéens moribonds. Afin de convaincre Ubtao de leur valeur, elle entreprit de lui cuisiner un ragoût composé de toutes leurs qualités. Seulement, se les procurer n’était pas chose facile, elle demanda donc son aide à un almiraj rusé. L’almiraj ajouta l’impétuosité au pot, car il l’identifiait comme une qualité, mais Ubtao, quand il goûta le ragoût, ne put l’avaler et le recracha. Depuis ce jour, Obo’laka le zorbo et I’jin l’almiraj devinrent des ennemis résolus.
À midi, une courageuse kamadane descendit de son rocher. Elle vit le mal dans le cœur des Omuéens et décida de l’inciser tel un furoncle. La kamadane conçut une lance sacrée, mais elle la laissa sur la rive et un grung ingénieux la déroba. Dans sa rage, Shagambi la kamadane oublia tout des Omuéens. Depuis, elle chasse Nangnang le grung partout dans les cieux.
Le soir venu, une éblis sournoise sortit de son abri de roseaux. Elle n’aimait pas les Omuéens, mais sans eux ne restait personne pour leur jouer des tours. L’éblis envoya donc une grenouille des marais négocier avec Ubtao, mais la grenouille en colère se fâcha et s’en prit au dieu. Celui-ci s’en amusa et donna à l’amphibien des tentacules pour la rendre plus effrayante. Quand Kubazan la grenouille à tentacules retrouva Papazotl l’éblis, il la pourchassa dans le marais grâce à ses nouveaux appendices.
Cette nuit, un Su pénétra par effraction dans le palais d’Ubtao, où il déroba un seau d’eau pour les Omuéens. Quand Ubtao accourut, le monstre Su cacha le seau dans le terrier d’un jaculi. Ubtao interrogea les animaux de la jungle pour savoir où était passé son seau, et Moa le jaculi était trop honnête pour lui mentir. Mongo, le Su, se sentit trahi. Il jura alors d’attraper le jaculi et de l’avaler tout rond.
Pendant tout ce temps, Unkh, l’escargot fléau, vivait loin sous la terre. Le raffut que causait les animaux le fit émerger à la surface, et quand l’aube poignit et éclaira sa coquille, le reflet éblouit Ubtao si bien qu’il en eut les larmes aux yeux. La vie retourna à Omu, et les habitants bâtirent des sanctuaires pour honorer les neuf animaux.

« Intéressant. Les légendes sont un puissant levier pour comprendre l’histoire et déchiffrer le présent. Mais cela n’explique pas qu’on les appelle les dieux "scélérats". C’est terrible, comme adjectif, pour des dieux, non ? Et plutôt inhabituel. Il faudrait, pour les en affubler, que leurs disciples se soient sentis profondément trahis.
Je sens Orvex gêné aux entournures. Ce n’est jamais simple d’aborder avec recul une histoire qui modèle encore le monde autour de vous.
— Vous en savez plus n’est-ce pas ? Vous avez déjà démêlé la vérité du mythe ?
[Persuasion DC 15 : 13+7]
Il reprend, mais son ton change du tout au tout. Il me regarde à présent droit dans les yeux, d’égal à égal. D’arcanologue à historien…
— Après la disparition subite d’Ubtao, neuf esprits sont sortis de la forêt pour prendre sa place. Ils ont promis aux habitants de grands trésors en échange de leur dévotion. C’est ainsi que les Omuéens ont abattu les vieux temples et construits les neuf sanctuaires. Mais les neuf esprits ont bien vite révélé leur nature scélérate. Ils ont conçu des rituels cruels et absurdes pour asservir le clergé, des épreuves auxquelles assistait toute l’aristocratie décadente. La mort y sanctionnait tout échec. Les neuf dieux scélérats ont ainsi régné neuf décennies sur Omu. La ville était bien loin de sa splendeur passée mais, au moins, sous leur férule, elle survécut.
Cependant, cette débauche de cruauté attira le mauvais œil. Acererak, Un esprit maléfique, bien plus cruel et bien plus puissant que les précédents, s’intéressa de près à leur culte sadique. Il s’abattit sur la ville et balaya les neuf scélérats pour s’approprier leur œuvre. Puis il asservit les Omuéens désemparés et les força à construire une tombe pour leurs neuf dieux défunts. Ceci fait, Acererak, le mauvais œil, les massacra tous et les enferma pour toujours avec leurs neuf usurpateurs. »

[Encore une fois, rien ni personne, dans la campagne telle qu’écrite, pas même Valindra Shadowmantle pourtant bien au fait de ce genre de choses, ne soupçonne Acererak ni rien d’approchant. C’est de l’information gâchée, à mon sens. Il faut l’introduire plus tôt que la campagne ne le prévoit, et cela me semble le moment idéal.]

Je réfléchis un instant. Neuf dieux scélérats, neuf sanctuaires, probablement neuf cubes, et une tombe scellée. « Les cubes sont la clé », bien sûr. Nous avons trouvé celui de Moa le jaculi, et les sorciers rouges ont mis la main sur celui de Kubazan, la grenouille aux tentacules. Où est-il à présent ?
« Orvex, où est le cube de Kubazan ?
— Ils l’ont sorti du camp pendant l’attaque. Il doit être quelque part en ville, avec le dernier contingent de sorcier.
— Où projetait-il de se rendre ensuite, ces sorciers ?
— De l’autre côté de l’avenue. Le sanctuaire de Shagambi. »
Le kamadan, un léopard endémique, doté de six têtes de serpents sur le dos. Bien. Nous savons où aller. Avec un peu de chance, ce sera pour récupérer deux cubes d’un coup.

Nous n’avons pas cherché bien longtemps : devant le sanctuaire circulaire de Shagambi, une petite troupe de malfrats dirigée par une femme en robe rouge, tous blessés et épuisés, ont tenté de nous tendre une embuscade. Ils avaient le nombre, mais plus l’énergie, et la sorcière s’est bien vite retrouvée à portée de mes lames. Elle est tombée à genoux.
« Pitié ! Ma mission a échoué, je n’ai plus de raison de combattre. Nous… nous nous protégions contre les Yuan-Tis, pas contre vous. Nous ne faisions que nous défendre, je vous l’assure.
Je hausse le sourcil.
— Votre mission ? Laquelle ? Et pour le compte de qui ?
— Valindra. Valindra Mantodombre. Elle nous a envoyés à Omu retrouver le psychophage qui menace les seigneurs de Thay.
[Kass a-t-elle déjà entendu parler de Valindra ? Histoire, DC20 : 10+4, non. Elle l’a croisée sans le savoir au Cœur d’Ubtao, en revanche.]
— Comment ?
[Persuasion DC15 : 1+7]
— Je l’ignore.
J’approche la lame d’Artus près de sa gorge. [Intimidation DC12 : 17+4]
— Les… seigneurs de Thay sont des liches. Des magiciens dont les pouvoirs les protège de la mort. Le psychophage menace leur existence, ils…
— Ils ?
— Ils dépérissent.
L’idée que les seigneurs de Thay dépérissent ne m’est pas vraiment désagréable, à vrai dire. Mais Syndra risque de subir le même sort. Et bien d’autres avec elles. [La détermination de Kass à accomplir la quête originelle vacille-t-elle ? Peu probable, 5, oui !] Pourquoi ne m’en a-t-elle rien dit ? Se disait-elle que je douterais du bien fondé de sa cause ? Si c'est le cas, elle avait raison. Après tout, quoi de mal à laisser cet artefact ramener les morts à lui ? Surtout que cela signifierait débarrasser Faërun de la menace de Thay, une bonne fois pour toutes… Cela mérite réflexion.
— Et les cubes ?
— Ils sont la clé du tombeau des neuf, qui contient le psychophage.
— Vous avez trouvé le cube de Kubazan, n’est-ce pas ?
Elle hésite, mais le métal froid sur sa peau est très persuasif.
— Tenez.
Elle me le tend. Je l’empoche et rengaine ma lame.
— Partez. Par l’escalier, au sud-ouest. Vous ne ferez pas de mauvaises rencontres. Du moins, pas avant d’avoir rejoint la jungle. »
Elle hoche la tête et déguerpit avec le peu d’hommes qui lui reste. J’ignore qui est cette Valindra, mais j’espère pour eux qu’elle est plus douce et indulgente que la réputation des seigneurs de Thay ne le laisse entendre.

***

Et on remercie les Sorciers rouges pour leur apparition éclair dans la campagne ! Il y a bien sûr bien des chemins à prendre qui les auraient rendus plus importants, à commencer par Valindra, qui fait partie des PNJ capables d'indiquer la position d'Omu sur la carte. L'histoire aurait été bien différente avec en son centre ces antagonistes habituels ici alliés de circonstance. (C'est un point plutôt positif pour sa rejouabilité.)
Cela dit, ils ont beau passer dans ma version un peu comme des figurants, le seul fait de savoir que le Psychophage les menace est, à mon avis, suffisant pour les rendre intéressants et susceptibles d'ouvrir grand les vannes des fins possibles à la campagne. En tant que joueur, je sais que j'aurais réfléchi à deux fois, et que j'aurais pu voir là le twist de fin de deuxième acte, à la Metal Gear : notre employeur n'est pas vraiment le gentil de l'affaire. Et si ne pas remplir la mission était préférable ? J'imagine que la réponse dépend beaucoup du vécu des personnages, et même des joueurs, vis-à-vis des sorciers rouges. Mais pour moi, la question se pose vraiment... On a quand même la possibilité de modifier en profondeur la physionomie des Royaumes Oubliés, là. (Et de laisser prospérer une autre liche, certes, mais justement : c'est encore mieux pour la suite !)
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