Or donc nous continuons notre périple dans le temps avec cette livrée du numéro 42 paru juste avant la fin d’année 1987 (les événements présents dans le Calendrier des Nouvelles du Front sont relatés autour de Noël), exactement comme sa descendance BBE 35 ans plus tard.
Didier nous refait le coup d’un édito qui se résume à une planche de crapougnat, et qui salue le Casus Belli sorti dans les délais les plus courts du journal (avec une couverture de Rolland Barthelemy mettant en scène les célébrissimes Joe Casus et Annabella Belli). Ce qui résonne bizarrement avec le CB 42 de BBE qui, suite à l‘abandon de la correction collective des erratas, doit être celui aussi sorti avec le petit écart avec le numéro précédent ?
Le délai avec le numéro 41 étant resserré, l’actualité l’est de même : ce crépuscule de 1987 lance la première Intifada en Israël - Palestine, pour malheureusement un conflit qui est resté statique depuis, et annonce une année 1988 de campagne présidentielle avec la France et les Etats-Unis. En France, cette fin d’année voit aussi la première édition du Téléthon.
Point de blague sur le numéro 42, le roman Le Guide du Routard Galactique n’étant pas encore le gimmick d’une culture geek devenue universelle, et restant encore à cette époque une lecture très confidentielle, même quand on est un familier de Casus Belli.
Dans les produits à mettre sous le sapin pour ce Noël 1987, on trouvera évidemment le
Star Wars de WEG que j’évoquais précédemment, qui a droit à sa tête d’affiche et dont Descartes annonce la VF déjà pour le 25 janvier 1988 (c’est la fête car Warhammer et James Bond sont aussi annoncés pour 1988) !
Maléfices est tout autant à l’honneur en cette fin d’année 1987 qu’en 2022, avec la sortie du Bestiaire de la 1ère édition. Sur le front d’AD&D toujours 1ère édition,
Dragonlance occupe encore l'espace avec les deux premiers volets de la campagne en VF et l’Atlas en VO. La production VF continue à bien se porter avec du matériel original pour
Paranoïa (On ne vit que 6 fois, exécuté par le regretté Pierre Lejoyeux), Zonequest la campagne pour
Zone (et une magnifique pub pleine page p. 23), et le tome II de l’
Encyclopédie Galactique. Du côté des Inspis, pour la rubrique Ciné de Wolverine, on retiendra la sortie de Robocop. Les Inspis Bouquins sont occupées par Roland Wagner qui met surtout en avant l’œuvre de Cordwainer Smith, parmi les autres auteurs évoqués. Toujours instructif pour le novice que je suis en SF de regarder les auteur(e)s qui ont réussi à traverser les décennies de ceux qui sont tombés dans les limbes depuis.
La presse rôliste est elle aussi très dynamique en cette fin d’année 1987 : je ne l’ai jusqu’ici pas évoquée mais à côté de notre Casus Belli, on trouvait alors
Dragon Radieux et
Chroniques d’Outre Monde, et
Graal qui pointe donc son numéro 1 avec ce numéro de Casus, et qui est étrillé à fleuret moucheté par André Foussat qui n’était en général pas tendre quand les publications n’étaient pas dans ses chouchous…
Après les actualités, on passe maintenant sur le matériel de jeu avec d’abord un Profession : Gardien des Arcanes, non pas rédigé par le jeune
@Tristan mais par Jean Balczesak qui est encore le référent « officiel » de l’AdC dans les pages de Casus. Bon, ce n’est pas pour jeter des fleurs à Tristan mais cette aide de jeu est un peu terne, même si elle évoque déjà à l’époque le fameux canon de 75mm tracté
L’autre aide de jeu bien plus conséquente est consacrée aux provinces environnantes de
Laelith et qui ont été reprises depuis dans la gamme lancée par BBE. C’est écrit avec le même fun que pour la Cité Sainte, et comme il s’agit de contrées et non pas de cité, ce n’est pas sans faire penser à ce qu’on pourra lire avec Paorn quelques années plus tard... Casus d’ailleurs évoque avec cette aide de jeu un développement qu’ils auraient voulu faire avec le premier univers mort-né du magazine (Alarian, lui-même réédité depuis par BBE, vous suivez toujours ?), et on trouve aussi un mini panorama des quelques univers med-fan qui existent alors sur le marché (dans la mesure où Les Royaumes Oubliés viennent de paraître et est présenté comme tout nouveau, ça vous donne une idée de la taille étriquée de la chose), par rapport à l’explosion qu’on trouvera ensuite.
Trois scénarios pour ce numéro dont un solo. Il nous reste donc comme matériel exploitable un scénario
Maléfices qui est donc la 2ème production de Tristan et qui est toujours recommandable, notamment pour sortir de la production Gaudo / Fontanières, et un scénario
AD&D de Pierre Rosenthal directement reliée à l’aide de jeu de Laelith (et donc malheureusement pas repris dans la gamme BBE puisque ce n’est pas un scénario de Denis Beck) : c’est encore un scénario loufoque mais bien mieux exécuté que celui du scénario précédent, et qu’on pourrait même détourner moyennant adaptation avec le
Donjon & Cie de
@Sammael99 .
On clôture ce Casus Belli avec la partie wargame toujours copieuse et toujours passionnante, avec d’abord une double page écrite
en corps 5 consacrée à la série
Europa, et l’enthousiasme qu’on connaît de Laurent Henninger sur les jeux grand stratégiques. Un autre jeu mis en lumière et qui a le droit aux éloges est
Central America – the United States Backyard War qui, comme je l’évoquais sur ma revue du numéro précédent, s’intéresse aux crises d’Amérique Centrale qui étaient encore centrales (!) dans les actualités de ces années 1980 : invasion de Grenade en 1983, guérilla au Salvador et au Honduras, régime Sandiniste au Nicaragua. Ce wargame propose donc un contexte de conflit moderne, mais qui sort des affrontements traditionnels Pacte de Varsovie contre OTAN qu’on ne trouvait globalement alors que comme unique proposition des wargames contemporains. Il est « amusant » d’ailleurs de constater quand on se replonge dans la situation du Nicaragua de cette époque que la crainte était encore une expansion soviétique dans cette arrière-cour américaine, alors que l’URSS était à bout de souffle, et que la menace de transformation en narcocratie de ces Etats ne dépassait justement pas le stade de simple traitement d’affaires criminelles liées au trafic de drogue… Laurent Henninger redit d’ailleurs fort justement pour ce wargame, et les conflits modernes qui sont encore les nôtres, que la solution est moins militaire que politique et économique, et donc que le plateau de jeu est un peu limité pour parvenir à simuler le tout.
Je termine sur la rubrique des Petites Annonces qui est toujours intéressante pour avoir un panorama de la sociologie rôliste de l’époque. Au milieu des Olivier, Hervé, Marc, Antoine, etc. seule une annonce de Sabine qui cherche des LDVELH surnage, ainsi que David qui recherche des partenaires féminines. Ouf, l’inclusivité est (presque) sauve !
Au final, un Casus pas vraiment mémorable en raison de sa parution très accélérée. On sent que la rédac a dû utiliser du matériel qui avait été mis au congélo okazou et s’est surtout appuyée sur les rédacteurs capables de sortir un papier très rapidement : on trouve ainsi trois critiques pour du matériel Living Steel qui n’a ni marqué l’époque, ni la postérité. Et, après son premier scénario Cthulhu dans le numéro précédent, c’est peut-être ce qui a pavé la voie au prolixe Tristan de fournir du contenu rapidement (à moins que le scénario Maléfices avait déjà été envoyé très antérieurement) ?
Rendez-vous pour le prochain numéro 43 l’année prochaine en 1988 !