Hey les amis, cela faisait longtemps que je ne vous avais pas embêté avec une histoire !!
Vous avez cru vous débarrasser des méchants archéologues ? C’est raté… j’ai une petite source d’inspiration sous la main que j’ai envie de partager (amis marseillais, elle est pour vous).
Une fouille archéologique en plein Marseille a eu lieu entre juillet 2003 et mars 2004 dans le quartier de la Joliette, à la rue Malaval. Le projet ayant motivé la fouille est la construction d’un parking. Jusque-là, rien de super original. Mais qu’ont découvert les archéologues ? Ont-ils caché des choses à la populace dans leur complot mené conjointement avec ces « c******* d’universitaires » ? Ces empêcheurs de poêller en rond ? En fait un très beau site, une église à vocation funéraire accompagnée de plus de 200 sépultures et d’un ossuaire de relégation sur environ 800 m². Le tout daté du V-Vie siècle. Alors la présence de sépultures n’était pas une surprise en soit, par contre l’église oui, totalement inédite surtout pour la période. Les connaissances de la période justement pour Marseille se voient pas mal renouvellées ces dernières années. Il aura fallu attendre l’après-seconde GM pour voir des gens s’intéresser sérieusement aux témoins tardo-antiques et paléochrétiens.
Comment s’insèrent les découvertes de la rue Malaval dans le contexte du V/Vie de Marseille ? Nous sommes en dehors de la ville antique. Il s’agissait d’un espace sépulcral en bordure de voie (comme j’en avais parlé dans le sujet sur les inspis architecturales) avec à minima un mausolée. La mise en place de l’église au Ve a nécessité la vidange du mausolée et de quelques tombes puis l’église a été abandonnée au Vie, comme tout ce coin-là qui ne sera réinvesti qu’à partir du XVIIIe. Nous avons donc une probable perduration de cet espace comme zone funéraire entre la fin de l’antiquité et le V/Vie.
Et matériellement ? Voilà un petit plan de la fouille restituée pour vous rendre compte du truc.
Les vestiges étaient protégés par endroit par 5 mètres de sédimentation. On a un donc un bâtiment massif avec nef unique et une abside à l’est retrouvée presque entière. Ce ne sont que les fondations, les élévations n’étant pas conservées (explication à la fin). Au centre de la nef, un autel avec base en marbre et à sa base un reliquaire (mais plus de reliques malheureusement et qui est un réemploi d’un fragment d’architecture impériale gallo-romaine, classique). De nombreuses sépultures ont été mises au jour à l’extérieur de l'église, à proximité immédiate de l’église mais aussi à l’intérieur (ce qui était aussi très classique).
Mais alors un des trucs super intéressant est la présence au chœur du bâtiment d’une sépulture vénérée, une
memoria contenant
tumulatio ad sanctos. Elle était présente dès la construction du bâtiment, deux mètres de côté pour un mètre de haut, et plutôt austère en fait. Remarquable certes mais avec une volonté d’anonymiser les défunts. Car oui, dedans, ils étaient deux à partager la couche sépulcrale, deux hommes. Dans ce petit monument funéraire se trouvaient donc deux sarcophages avec cercueil en plomb. Nous avons donc là deux individus (probables saints) dont la mémoire et le souvenir sont mis en lien avec l’érection de l’église mais ce n’est pas tout. Le plus étonnant vient maintenant !
L’ensemble funéraire était percé d’opercules circulaires sur les dalles et un tuyau en bronze a été mis au jour inséré horizontalement au chevet de l’un de ces sarcophages. Les opercules montrent des traces de bronze et un tuyau vertical encore conservé. A quoi servait donc ce curieux dispositif ? Les analyses de résidu ont montré des traces d’acides oléiques, on a utilisé de l’huile d’olive dans ce système. Il s’agit en fait d’un distributeur d’huile sainte, pratique connue par les écrits et renseignées par d’autres mises en œuvre au Proche-Orient notamment. On introduisait de l’huile par les orifices supérieurs, l’huile se sanctifiait par contact avec les corps des saints et ressortait en bas par ce tuyau en bronze (comme le montre le schéma et la photo ci-dessous). Plus qu’à recueillir et à consommer, vénérer pardon.
A noter qu’après l’abandon vers la fin du Vie ou le tout début du VIIe, les tombes ont été en partie pillées et l’église épierrée pour récupération sauf la zone de la
memoria encore en élévation et peut-être encore révérée.
Avec ça en tête, j’ai envie de jouer une version altérée de l’archétype du pilleur de tombe ou du trafiquant de cadavres de Warhammer, l’arnaqueur préparant de la fausse huile sacrée pour la revendre. Huile qui serait mise en contact avec un faux saint bien entendu. Ou alors une enquête sur un truc un peu crade qui se propagerait au sein d’une population dont la source serait cette
memoria contaminée par quelque-chose…