1/10/2016 - 2e partie de TimeWatch
Avant de vous narrer la suite de notre enquête temporelle, il me faut faire une petite mise au point. Moi, Sauron, ait pu constater de la part de mes collègues Patrouilleurs du Temps une certaine forme de racisme/xénophobie à l’encontre des orques, des gobelins, des trolls et de leurs leaders éclairés. A la décharge de mes coéquipiers, il faut dire qu’ils ont été victimes d’une forme de désinformation insidieuse distillée à travers les écrits d’un certain JRR Tolkien, écrivain médiocre mais titulaire d’une prestigieuse chaire de littérature, qui n’a fait que retranscrire les mensonges de propagande de cette bitch manipulatrice de Galadrielle, et de sa clique.
Devant l’ampleur surprenante de l’impact de ce ramassis de menteries, je me devais de rétablir la vérité. Grace à mon ami Кирилл Еськов (Kirill Yeskov), qui a su voir au delà de mon apparence d’alien immatériel (ou spectre comme vous autres terriens diriez), il a été possible de publier une partie de la véritable histoire de cette réalité maintenant disparue. Malheureusement, ma méconnaissance des cultures terriennes m’a fait méjuger de l’impact d’un ouvrage écrit en russe. Последний кольценосец (Poceldnii koltsenocets) n’a pas touché un grand nombre de lecteur, malgré une traduction en anglais librement disponible (The Last Ringbearer,
http://ymarkov.livejournal.com/270570.html,
http://www.sendspace.com/file/a75r7u).
Bref, j’espère avoir convaincu mes camarades qu’il ne fallait pas me juger sur mon apparence de spectre: d’ailleurs il est bien connu que TimeWatch emploie un certain nombre de Sophosaures, qui à ma connaissance n’ont jamais dévoré un collègue malgré leur apparence très proche de celle du vélociraptor.
Or donc, nous en étions à avoir un besoin urgent de renseignements au sujet du cerveau désincarné d’un certain M. Chen, richissime Qatari du 24e siècle.
Nous avions remonté le temps au jour de sa naissance en 2123, mais il nous fallait des infos sur la vie qu’il aurait dû normalement mener. Malheureusement, notre troupe de choc était composée d’agents issus d’époques antérieures au 22-24e siècle, voire d’univers parallèles. Aucun de nous n’avait retenu grand chose des détails de “l’histoire future” enseignée à l’Académie de TimeWatch. Nous avons donc envoyé une demande d’aide, et aussitôt un nouvel agent est arrivé par sa bulle temporelle violette.
Le Commodore Archon Ken Teron, dans un uniforme impeccablement repassé, s’est joint à notre groupe, porteur de tout son savoir de guerrier du futur. Ses premiers mots furent toutefois une douche froide: TimeWatch voulait savoir si on avait progressé dans notre enquête sur les causes de l’hivers nucléaire brusquement advenu au 24e siècle, une déviance majeure de l’histoire temporelle officielle. Nous avons alors réalisé que M. Chen ne bluffait pas lorsqu’il avait laissé entendre que ses signes vitaux étaient reliés à son arsenal nucléaire. En l’éliminant nous avions effectivement provoqué une énorme explosion nucléaire, ce qui visiblement avait entrainé une guerre mondiale, plongeant la planète dans un hivers nucléaire pour des siècles …. Ooops. Bon, on s’en n’est pas vanté auprès du psychorigide Commodore.
Nous avons tenté de faire bonne figure, mais la discussion s’est rapidement enlisée après que le nouvel arrivant insista pour qu’on s’adresse à lui en l’appelant “commodore”. Sherlock Holmes demanda qu’on l’appelle “inspecteur”, TiJenTi voulu qu’on utilise “votre honneur”, ils se mirent à me qualifier de “votre noirceur” ou de “maître des ténèbres”, et un débat sans fin s’amorça pour savoir quel serait le titre approprié pour une déesse (nonobstant l’imposture d’Artémia).
Bref, l’avenir du temps était mal barré.
Après une petite mise au point qui s’imposait sur la réalité des écrits de ce collabo de Tolkien (“seigneur des ténèbres” franchement … j’étais outré), j’usais de mon leadership pour recentrer les débats sur notre mission.
Nous étions partagés entre deux hypothèses:
- soit quelqu’un avait manipulé M. Chen pour qu’il s’intéresse maladivement aux bombes atomiques (je supputais l’introduction d’un virus dans les circuits du réceptacle à cerveau).
- soit quelqu’un avait manipulé la génialissime Dr Bree (inventeur de la machine temporelle de Chen) pour arriver au résultat que nous avions observé.
Dans la timeline officielle (rapportée par le Commodore Archon), M. Chen était richissime et de première importance, mais jamais on n’avait enregistré une propension à collectionner des bombes atomiques, et jamais il n’avait été en contact avec le Dr Bree. Cette dernière était une brillante physicienne travaillant sur les déplacements quantiques et la courbure de l’espace temps, qui disparaissait mystérieusement au 24e siècle (“cooptée” par TimeWatch peut-être).
Après avoir vérifié en 2123 l’absence d’anomalie dans la vie des parents de M. Chen (et découvert qu’ils avaient changé leur nom de Ben Laden à Chen), nous avons fait un bon en avant d’environ un siècle pour arriver une semaine avant l’opération de transplantation du cerveau de M. Chen, à l’Hôpital ultra select de Qatar City. Notre ami MSI a piraté le système informatique de l’hôpital pour nous donner des identités crédibles (psychologues, docteurs, agents de maintenance, etc…) afin de pouvoir circuler librement dans cet hôpital pour riches très sécurisé. Recherche sur le passé de Chen: aucune déviance à ce jour. Discussion avec M Chen, vieillard alité à cette date, pour établir son profil psychologique: peur de la mort, mais toujours aucune propension à collectionner les bombes. Caméra placée dans la salle d’opération pour veiller à ce qu’aucune interférence ne se produise à ce moment là. Logiciel discret placé dans la machine accueillant le cerveau pour pouvoir détecter une éventuelle modification anormale si elle devait survenir dans le futur.
So far rien d’anormal.
Saut en 2340, un mois avant le recrutement décisif du Dr Bree par M Chen. A l’université de Neo-Stockholm le Dr Bree a 32 ans. C’est une star montante de la physique, l’Einstein de son temps peut-être, mais nous ne détectons rien d’anormal dans sa vie. Apparemment ce n’est pas elle la grosse méchante.
On fouille la vie de M. Chen entre l’époque de son opération et 2340. Le logiciel de son “porte-cerveau” n’a pas été altéré, mais sur le Net notre hacker repère qu’à travers divers sociétés-écrans M. Chen a investi massivement dans le nucléaire depuis une dizaine d’années. Ceci n’est pas du tout dans sa biographie de la timeline “correcte”.
Saut en 2330. Tous ces déplacements temporels commencent à sérieusement mettre à mal notre Stabilité Temporelle. Nos instruments ultra-sensibles détectent déjà une perturbation temporelle dans le gratte-ciel de Chen. On s’introduit dans le bâtiment pour enquêter de plus près. En fouillant dans les archives du système de surveillance du bâtiment, nous découvrons une période où les enregistrements ont été effacés ou altérés. Aucune image. Mais le monitoring de la radioactivité dans le bâtiment n’a pas été modifié. Nous découvrons la date exacte d’une brusque augmentation de la radioactivité à l’étage qui abrite la perturbation temporelle (et où le trou de ver fera son apparition dans le futur). Une analyse fine de la perturbation temporelle montre que ce sont les résidus d’un saut venant du 71e siècle, saut effectué par trois “sauvages”, des animaux qui ont naturellement la capacité à se déplacer dans le temps. Lors de notre formation, TimeWatch nous avait vaguement parlé d’une sorte de cafards géants du 71e siècle qui ont cette capacité, mais apparemment ce n’est pas très clair si ce sont des animaux qui ravagent accidentellement notre timeline, ou bien s’il y a une intelligence “de ruche” derrière tout ça.
On a la date et l’heure, on a le lieu, y’a plus qu’à intercepter. C’est le moment de se préparer sérieusement, les “bugs” sont très résistants (et radioactifs). MSI, notre “Tony Starck /Mac Giver” à nous, bricole un fusil qui émet un rayon désintégrant allié à un réfrigérant puissant capable de rendre la chitine des bestioles très fragile. Il nous bricole aussi un écran défensif. Le Commodore annonce qu’il dispose d’un système pour empêcher les déplacements temporels autour de lui, ainsi les bugs ne pourront pas fuir à travers le temps (sauf si elles ont un contre-système). Grace à ma Préparation, je mets la main “fortuitement” sur un lance-flamme monté sur trépied et télécommandé à distance. On s’équipe aussi de C4.
Saut 30 minutes avant l’arrivée des bestioles. On est surarmés, surmotivés, la crème de TimeWatch en action … et on découvre que les bestioles vont apparaître dans une salle qui actuellement abrite les trois puissants générateurs nucléaires qui alimentent la tour Chen et son ascenseur spatial. Douche froide. MSI, notre agent du 20e siècle, fait une référence à “Alien 2”, mais Sauron ne peut pas comprendre.
En plus il y a 4 gardes en armure de combat dans un poste de contrôle qu’on ne peut atteindre qu’en traversant la salle des générateurs. Le blindage est tellement dense que même un spectre ne peut traverser les murs. En plus, je ne la sens pas cette salle des générateurs, y’a surement plein de rayonnements qui risquent d’interférer gravement avec on essence constituée uniquement d’ondes électromagnétiques.
Mes collègues se déguisent en personnel de la sécurité de Chen, et traversent sans se cacher la salle des générateurs. Ils essaient de faire croire aux gardes qu’il y a une fuite radioactive (avec l’aide d’un compteur Geiger trafiqué que notre Préparation nous fournit). Ca marche à merveille. L’autorité naturelle de Sherlock et du Commodore fait des merveilles. Toute l’équipe (sauf Sauron) est maintenant dans le poste de contrôle avec les gardes, ça fera 4 combattants de plus de notre coté lorsque les bugs arriveront. Quand à moi, j’ai prudemment évité d’entrer dans la salle des générateurs. Je dispose le lance-flamme télécommandé à l’entrée de la salle et reste prudemment dans le couloir d’accès.
A l’heure H trois cafards géants (plus de 2m de long) se matérialisent au sommet des générateurs. Le Commodore active ses gadgets, Artemia déploie son arc à nanoparticules et tire en un clin d’oeil deux flèches-laser. Le désintégrateur-réfrigérant crache son rayon. Les tireurs prennent grand soin de ne pas toucher les générateurs. Le combat semble s’engager sous de bons hospices. C’était sans compter avec la vivacité des bugs. Malgré leur taille imposante, deux d’entre elles bondissent en une fraction de seconde dans la salle de contrôle (je suspecte qu’elles jouent avec le temps à petite échelle). TiJenTi se retrouve au contact malgré lui et est gravement blessé. Un garde succombe avant de comprendre ce qui se passe. Tout part à veau l’eau. La troisième bestiole se jette sur moi. J’ai à peine le temps d’activer le lance-flamme. La bestiole est blessée, mais superficiellement seulement. A quelques mètres de moi elle jauge la situation en une fraction de seconde et n’utilise pas le même mode d’attaque “physique” que ses congénères contre les humains. Elle canalise une sorte de faisceau radioactif qui dissipe une part importante de mon essence. Dans le poste de contrôle la situation dégénère. Malgré l’aide des gardes, mes collègues subissent de nombreuses blessures. Il faut dire que les bugs agissent deux fois plus vite que nous. Les stiches sont largement mis à contribution pour amplifier les dégâts, réduire les blessures, ou régénérer notre combativité (avec son inaptitude à manipuler la matière Sauron ne dispose que de 2 pts en Tir, à chaque round je dois utiliser un stich pour pouvoir continuer le combat). Dans cette situation critique les actions héroïques sont légion - ce qui permet de récupérer des stiches.
De mon coté j’active à nouveau le lance-flamme et blesse grièvement le bug qui m’attaque, mais il arrive à ne pas perdre conscience. Il riposte avec son rayon dévastateur. Je ne suis pas sur de survivre à une autre attaque de ce type, je frôle la perte de conscience et me retrouve handicapé pour agir. Heureusement, ma Préparation (Preparedness) supérieure me confère un avantage unique: j’ai un plan de contingence même si je n’en n’avais pas parlé avant. J’annonce que j’avais déployé devant moi une mesure défensive; un filet étourdisseur invisible sur le sol. Lorsque le cafard s’approche le filet se referme sur lui en déchargeant son potentiel … mais la sale bête encaisse sans perdre conscience. Heureusement elle est suffisamment sonnée pour rater son attaque, et un dernier coup de lance flamme l’achève. Mes camarades arrivent aussi à venir à bout des deux autres bestioles.
Soudain nous sentons une vibration secouer l’espace temps. Tout l’univers se réadapte à la nouvelle réalité. Notre Stabilité Temporelle se prend une grande claque dans la gueule, mais nous survivons. Le temps de faire disparaître toute trace des bestioles et de notre intervention (enregistrements de sécurité notamment) et nous rentrons à la forteresse de TimeWatch. Nous avons assommé les gardes encore en vie et placés des MemTags sur eux, une équipe du QG s’occupera de leur effacer la mémoire.
Mais jamais nous ne saurons ce qui, exactement, a déclenché chez M. Chen l’envie de collectionner les bombes: manipulation mentale des bugs, ou simple peur suite à cette infestation. Une chose est sure, à la façon dont mon agresseur a analysé mes points faibles, ces bestioles sont très intelligentes.
A suivre …