Vous manquez d'idées de grimoires potentiellement indicibles ayant réellement existé ? Penchez-vous donc sur l'oeuvre d'
Opicinus de Canistris (lien vers Wikipédia).
Ce prêtre français, qui a vécu à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle, est l'auteur de deux manuscrits illustrés de sa main sur lesquels les chercheurs ne sont pas d'accord entre eux. En effet, toute une partie des gens qui ont étudié l'oeuvre d'Opicinus en concluent que c'était un "artiste psychotique", autrement dit un fou qui a consigné ses délires sur du parchemin avec une minutie acharnée.
Avant ces deux livres, Opicinus a mené une carrière de prêtre assez classique, un peu menacé par le conflit entre les guelfes et les gibelins (dont un certain Dante a eu aussi à se plaindre). Il a écrit divers traités restés souvent confidentiels (réservés à ses proches), mais qui le font paraître sain d'esprit. Et puis voilà que le 31 mars 1334, Opicinus est victime d'une crise de paralysie accompagnée d'une léthargie et peut-être d'hallucinations ; le tout dure une bonne dizaine de jours. C'est à partir de cet événement qu'il commence à rédiger le premier des deux manuscrits retrouvés ensuite, et qu'il n'a jamais montrés de son vivant.
Le premier, l'actuel
Vaticanus latinus 6435, se compose de 87 feuillets de papier. Il contient dans sa première moitié un texte très dense qui semble être un journal personnel, puis, dans la seconde moitié, un ensemble de cartes et de dessins extrêmement détaillés. On y trouve des cartes géographiques anthropomorphes, c'est-à-dire que des silhouettes humaines y suivent les contours des côtes. On y voit aussi des animaux, réels ou monstrueux. Les uns et les autres s'emboîtent, semblent parfois figés dans des poses de dévoration ou de copulation.
Le second manuscrit, l'actuel Palatinus latinus 1993, a été rédigé trois ans plus tard, comprend une grosse cinquantaine de pages sur parchemin. Ce sont de grandes planches montrant des schémas faits de réseaux de figures géométriques enchevêtrés très complexes, accompagnés de notations calendaires et de citations bibliques. Comme dans le précédent manuscrit, certaines pages montrent des cartes géographiques et des silhouettes de personnages.
A la mort d'Opicinus, en 1352, ses affaires restent intouchées. Trois ans après, un juriste venu d'un village voisin les vend au titre du droit de dépouilles des biens. Elles semblent avoir été conservées un temps au Palais d'Avignon. En 1594, ils sont peut-être à la Bibliothèque Apostolique Vaticane : un inventaire décrit l'un des manuscrits comme "un livre plein de figures difficilement compréhensibles […] avec de nombreux mystères". Puis, plus aucune mention ou trace de ces livres jusqu'au XXe siècle, où ils été redécouverts à la Bibliothèque Apostolique Vaticane, qui les conserve encore à l'heure actuelle. Sont-ils toujours restés là-bas ? Si oui, comment se fait-il que personne ne s'y soit intéressé avant en dépit de leur étrangeté ? S'ils n'ont pas toujours été là-bas, où diable ont-ils pu traîner avant ?
Que voulait faire Opicinus avec ces deux écrits ? Pourquoi n'en a-t-il parlé à personne ? Qui a pu s'en emparer et s'en servir jusqu'au XXe siècle ? Il n'y a pas de réponse claire, ce qui fait de ce monsieur et de ses écrits personnels une source d'inspiration idéale pour n'importe quel jeu fantastique, de
L'Appel de Cthulhu à
Ars Magica.
Quelques détails supplémentaires dans
un article du blog Libération des 400 culs qui contient aussi quelques images.