Re: [CR] Les jeux d'Outsider
Publié : lun. sept. 04, 2017 5:28 pm
CEUX QUI SÈMENT
Never trust a fougère ! Un récit assorti d'ateliers et d’un théâtre d’asile psychiatrique inspiré de Patient 13, par Eugénie.
Compte-rendu initialement posté par Eugénie sur le blog La partie du lundi.
Le jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Le contexte
Une partie proposée dans le cadre de l’UdoCon, avec Manuel, Eugénie, Orfeo, Gabzeta et Chestel.
On joue en mode Classic et Carte Rouge (avec dés, sans MJ).
Le théâtre est à retrouver sur la page téléchargements, il est librement inspiré du jeu Patient 13 d’Anthony « Yno » Combrexelle.
De l’hôpital, personne ne s’échappe. Depuis combien de temps les patients sont-ils là ? Est-ce qu’il y a encore un monde au dehors ? De tous côtés, la forêt presse la bâtisse et s’infiltre. Elle remonte par les canalisations, crève des fenêtres ou grimpe le long des grilles. A l’intérieur, un claquement de talons aiguilles, la roue déglinguée d’un brancard, les ongles sur les murs. Les hurlements.

Les personnages
Fougère, Petite Peau, Le Muet, Le Gourmet, La Petite Fille
L'histoire :
Semis de médicaments, graines de folie
« Docteur, ça va pas très fort ». Fougère prend son psychostimulant pendant sa séance avec son Supérieur. Il ressort un peu flottant dans le couloir. Dans sa chambre, il est accueilli par la gouaille de Bob, sa fougère.
« J’ai des problèmes de déglutition ». Petite Peau tente de convaincre la Blouse blanche qu’elle est dispensée de médicament mais ça ne prend pas, et elle finit par avaler. Dans le couloir, elle croise Fougère qui lui tend un petit brin de fougère. Elle le remercie d’une voix d’enfant qui n’est pas raccord avec son corps de trentenaire. Elle passe ensuite à l’infirmerie pour son rendez-vous du lundi où un Supérieur en fauteuil roulant la fait asseoir sur un lit. Elle remonte sa blouse en fermant les yeux : sur sa poitrine, sa peau est fermée par de gros boutons, comme un manteau.
« … » Le petit Muet fait semblant de prendre son médicament, mais dès que la Blouse blanche est partie, il relève ses couvertures et révèle une forêt de petits pots de fleur cachés sous son lit. Il y plante soigneusement la gélule qu’il vient de recracher. Un jour, ça va pousser.
« J’adore mes médicaments ». Le Gourmet attend avec impatience ses médicaments, c’est le plus beau moment de sa journée. Il les déguste avec soin. Il pourrait en avoir plus, s’il le voulait… Il sait où en trouver. Contrairement aux autres, Le Gourmet se souvient de tout depuis le début de l’hôpital, de tout, bien sûr, de tout, vraiment. Il. Se. Souvient. De. Tout.
« Si je prends la bonne, je pourrai revoir ma soeur, c’est ça ? » La Petite fille a le choix entre deux gélules. Elle tient une poupée avec des boutons dessinés sur le torse. Elle hésite puis prend une des deux gélules. Fondu au noir.
La Petite Fille entre dans la chambre de Fougère mais elle ne voit qu’une plante en pot, au milieu de la pièce. Elle sort un petit coupe-ongles de sa blouse et commence à en découper les feuilles, petit bout par petit bout. Bob la Fougère l’engueule et lui explique que les esprits peuvent parler. Fugacement, la Petite Fille entend un écho de sa soeur. Mais juste après, le silence.
Trésors volés
Une Blouse blanche utilise une monstrueuse seringue pour injecter son médicament à Fougère, directement dans la moelle épinière. Ce dernier hurle et se tortille sur le sol, les membres raidis par la douleur. Petite Peau s’invite dans la chambre et lui tient compagnie, sans remarquer le problème. Fougère s’accroche à son poignet. La feuille tatouée le long de sa colonne vertébrale est devenue couleur rouille. Petite Peau demande : « C’est l’automne ? »
Petite Peau essaie de convaincre la Blouse Blanche qu’elle est dispensée de médicament, c’est marqué dans son dossier. Mais la Blouse Blanche lui inflige une gélule pour maman, et une gélule pour papa… Elle avale. Dans le couloir, elle tombe sur Le Gourmet qui lui suggère de faire semblant de prendre ses médicaments et les lui apporter. En échange, il l’aidera à retrouver ce qu’elle voulait dire à Fougère, car il se souvient de tout. Elle s’est perdue dans le couloirs et petit à petit le carrelage a changé, les murs ont disparu. Elle évolue dans une immense forêt en noir et blanc. Un bruit et elle est à nouveau dans le couloir de l’hôpital.
Le Muet est invité à parler par sa Supérieure mais il s’obstine à se taire. Puis il revient prendre son médicament dans sa chambre. Quand il se penche pour le mettre en pot sous son lit, il fait un faux mouvement et en renverse un : horreur, la terre se répand sur le sol et il n’y a plus de gélule dedans. Il enfonce ses doigts dans tous les pots mais quelqu’un lui a volé ses « graines de médicament ». Il entre dans une rage folle et jette les pots contre les murs de sa chambre. Une silhouette entre dans la chambre. Heureusement ce n’est pas une Blouse Blanche, c’est la Petite Fille.
Le Gourmet adore prendre ses médicaments, c’est le plus beau moment de sa journée. Il convainc une autre Patiente, Roulade, de faire diversion pour qu’il puisse voler le contenu du « chariot à médicaments » qui sert à faire le tour des patients. Mais les Blouse Blanches les surprennent tous les deux et les montent aux lits à clous. Le Gourmet suffoque. Soudain, il est au sous-sol, dans environnement saturé de champignons, qui suintent des murs, en noir et blanc. Il essaie désespérément de respirer pendant qu’il se fait entraîner vers le lit à clous, et qu’il entend Roulade hurler et supplier qu’elle n’y est pour rien.
La Petite Fille hésite devant les deux gélules. Sa poupée a une fermeture éclair sur le torse. Fondu au noir.
Dans la chambre saccagée du Muet, la Petite Fille lui demande s’il a vu sa soeur ou s’il entend les esprits. Pour la première fois le Muet parle à quelqu’un. Beaucoup. Même trop. En parallèle, Fougère s’adresse à la Petite Fille, mais il ne perçoit pas la présence (ni les paroles) du Muet. Dialogue à trois surréaliste.
La Petite Fille se tourne vers Bob la fougère, un sécateur à la main. Mais l’outil se retrouve dans les mains de Fougère, et c’est lui qui lui coupe la langue. Mais au moment où elle se détache, il se demande ce que la langue aurait eu à lui dire. Il regrette.
Les mots de la fin
Petite peau entre dans la chambre de Fougère où elle ne voit que Bob la fougère en pot qui lui parle avec sa gouaille habituelle. Elle ne l’entend pas, mais elle soliloque avec la fougère, en un apparent dialogue. Elle finit par la déposer contre la fenêtre pour qu’elle ait plus de lumière.
Petite Peau essaie de convaincre la Blouse Blanche qu’elle est dispensée de médicaments. Sans succès. Elle avale. Elle se rend à sa visite médicale du lundi, où elle retrousse sa blouse. Sur son torse, les boutons sont devenus une fermeture éclair. Le Supérieur farfouille dans ses entrailles en marmonnant puis la referme. Il lui conseille de faire attention, une graine s’est infiltrée et ça pourrait déboucher sur une infection.
Petite Peau erre dans les étages, elle fait toc-toc à la porte du lit à clous du Gourmet pour s’excuser de ne pas avoir pu lui apporter de gélule… Une Blouse Blanche lui enjoint de fiche le camp, c’est interdit de rester là. « Vous savez j’ai appris ce matin que j’ai un grain… une graine », lui répond Petite Peau d’une voix d’adulte.
Les médecins ont cousu une nouvelle langue au Muet, qui parle. Il parle tout le temps. Il parle, il parle, il parle. Au réfectoire, alors que chacun doit manger en silence, lui est autorisé à parler. Les autres patients sont exaspérés. Les Blouses Blanches aussi. Il ne se rend pas compte qu’il est seul, des heures après, dans le réfectoire vide. Il parle toujours. Des patients entrent dans son dos et l’immobilisent sur une table, lui tenant le menton dans un linge mouillé. Ils veulent le faire taire. Mais sa langue s’échappe, et c’est tout l’hôpital qui est contaminé. Gagné par le flot verbal, tout le monde se retrouve à marmonner des mots qu’on ne trouvait plus, la fin des phrases qui n’a jamais été terminées, des secrets qu’on voulait taire.
Le Gourmet marmonne, sur son lit à clous :« Je me souviens, je suis le Directeur, je me souviens, je suis le Directeur… »
Fougère a disparu, reste une plante en pot au milieu de la chambre, qui répète : « Je suis sain d’esprit, il faut me laisser sortir maintenant ».
Petite Peau se regarde dans la vitre. Elle enlève sa blouse, et ouvre la fermeture éclair sur son torse. Il en sort une fillette, en tous points semblables à la poupée de la Petite Fille, qui dit : « laisse-moi partir, je ne suis pas ta poupée, laisse-moi vivre, je ne suis pas ta soeur ».
Feuilles de personnage
Fougère (N°12)
[Règlement] Je ne veux pas qu’on sache de quoi est capable ma fougère (rayé)
Ma fougère est saine d’esprit
[Nature] Fougère craint la rouille
[Egregore] Fougère sait faire le tri des mensonges
[Mystère] Il faut que je trouve ce que la langue a à dire
[Corruption] Il faut que je me fasse pardonner auprès de qui j’ai coupé la langue
Petite Peau (N°7)
[Mystère] Je veux retrouver ce que j’avais à dire à Fougère
[Chair] Ma peau est un manteau
[Nature] Un jardin m’attend quelque partenaire
[Folie] Il paraît que j’ai un grain
Le Muet (N°23)
[Pulsion] Je veux récupérer la feuille que Fougère a offerte à N°7 (rayé)
[Corruption] Un jour ça finira par pousser (rayé)
[Thérapie] Les docteurs ont inventé quelque chose pour m’aider à parler
Le Gourmet (N°8)
[Hôpital] Je veux goûter tous les médicaments cachés du potager
[Mémoire] Je me souviens de tout, vraiment
[Nature] Faut pas respirer les champignons, j’asphyxie !
Je suis le Directeur
La Petite Fille
[Quotidien] Je veux retrouver ma soeur
Maintenant j’entends parfois des esprits
Les esprits mentent
Fougère m’a coupé la langue
Je comprends ce que ça fait de couper la parole
Débrief d’Eugénie
Le retour sur les ateliers est à retrouver par ici.
Plusieurs très belles expérimentations sur cette partie :
– sur le corps : Fougère a mimé ses torsions de douleur, des joueurs ont joué physiquement le passage du chariot à médicaments, les roulades de Roulade et l’attaque du chariot ;
– sur les réalités : la Petite Fille et Petite Peau étaient manifestement connectées mais nous avons fait attention à ne jamais les jouer ensemble dans la même scène. Difficile de savoir si l’une était la soeur de l’autre, la poupée ou projection de l’autre, ou la même personne ;
– des dialogues/monologues : sur une des scènes, Le Muet et Fougère s’adressent à la Petite Fille, mais les deux ne se voient pas l’un l’autre. Les réponses de la Petite Fille à l’un perturbent l’autre et ils en font la remarque (mais pourquoi tu me parles de ça ?) ; sur une scène entre Fougère et Petite Peau, Petite Peau ne voit que la fougère et soliloque en s’adressant à elle, alors qu’à la table Fougère parle et répond…
Deux légers regrets : certains éléments n’ont pas été utilisés (ce que Petite Peau avait à dire à Fougère par exemple) et les phrases d’objectif n’étaient pas assez fortes ou n’ont pas été vraiment jouées.
Au final, une super chouette partie !
Débrief du joueur de Fougère
La volonté intense d’expérimenter sur la perte de repères et les obsessions personnelles ont pu rendre les choses un peu confuses et décousues. A lire le compte-rendu, je me dis qu’on aurait gagné à un tour de parole de plus (au moins) avant de foncer sur la conclusion de chacun. Là on a la prémisse, un bon développement de l’hôpital et des relations préliminaires, mais je trouve que la l’accélération est vraiment trop brutale vers la conclusion et qu’il manque d’un développement un peu plus charnu. Mais comme on bricolait beaucoup, on aurait probablement risqué de s’y perdre.
On a un récit sans schéma actanciel clair (voir même 4 récits), et on a posé un paquet de fusils en ne voyant qu’une toute petite partie des coups de feu partir. Je sais pas si c’est lié au jeu, au nombre de joueur ou à la disposition d’esprit dans laquelle on était, mais en tant que joueur spectateur, c’est un peu frustrant. Et je pense que c’est aussi ça qui rend les actions de la partie difficiles à mémoriser : ce sont plein de beaux moments, mais on a pas suffisamment d’enchaînement logique pour qu’un souvenir appelle le suivant.
Pour faire quelque chose qui oscille entre la folie et la reverie, ça marche très bien, mais d’un point de vue narration, ça donne l’impression (et ça sonne plus dur que ça n’st en réalité) qu’on ne raconte rien. On juxtapose des moments et des motifs, comme un exercice de surréalisme, on crée un ensemble indéniablement poétique, mais pas vraiment une histoire « cohérente ».
Reste que si ça ne fait pas une grande fresque cohérente, il reste des putains de scènes (parce qu’elles sont toutes individuellement assez super). C’est très cohérent pour du surréalisme. ?
Never trust a fougère ! Un récit assorti d'ateliers et d’un théâtre d’asile psychiatrique inspiré de Patient 13, par Eugénie.
Compte-rendu initialement posté par Eugénie sur le blog La partie du lundi.
Le jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Le contexte
Une partie proposée dans le cadre de l’UdoCon, avec Manuel, Eugénie, Orfeo, Gabzeta et Chestel.
On joue en mode Classic et Carte Rouge (avec dés, sans MJ).
Le théâtre est à retrouver sur la page téléchargements, il est librement inspiré du jeu Patient 13 d’Anthony « Yno » Combrexelle.
De l’hôpital, personne ne s’échappe. Depuis combien de temps les patients sont-ils là ? Est-ce qu’il y a encore un monde au dehors ? De tous côtés, la forêt presse la bâtisse et s’infiltre. Elle remonte par les canalisations, crève des fenêtres ou grimpe le long des grilles. A l’intérieur, un claquement de talons aiguilles, la roue déglinguée d’un brancard, les ongles sur les murs. Les hurlements.

Les personnages
Fougère, Petite Peau, Le Muet, Le Gourmet, La Petite Fille
L'histoire :
Semis de médicaments, graines de folie
« Docteur, ça va pas très fort ». Fougère prend son psychostimulant pendant sa séance avec son Supérieur. Il ressort un peu flottant dans le couloir. Dans sa chambre, il est accueilli par la gouaille de Bob, sa fougère.
« J’ai des problèmes de déglutition ». Petite Peau tente de convaincre la Blouse blanche qu’elle est dispensée de médicament mais ça ne prend pas, et elle finit par avaler. Dans le couloir, elle croise Fougère qui lui tend un petit brin de fougère. Elle le remercie d’une voix d’enfant qui n’est pas raccord avec son corps de trentenaire. Elle passe ensuite à l’infirmerie pour son rendez-vous du lundi où un Supérieur en fauteuil roulant la fait asseoir sur un lit. Elle remonte sa blouse en fermant les yeux : sur sa poitrine, sa peau est fermée par de gros boutons, comme un manteau.
« … » Le petit Muet fait semblant de prendre son médicament, mais dès que la Blouse blanche est partie, il relève ses couvertures et révèle une forêt de petits pots de fleur cachés sous son lit. Il y plante soigneusement la gélule qu’il vient de recracher. Un jour, ça va pousser.
« J’adore mes médicaments ». Le Gourmet attend avec impatience ses médicaments, c’est le plus beau moment de sa journée. Il les déguste avec soin. Il pourrait en avoir plus, s’il le voulait… Il sait où en trouver. Contrairement aux autres, Le Gourmet se souvient de tout depuis le début de l’hôpital, de tout, bien sûr, de tout, vraiment. Il. Se. Souvient. De. Tout.
« Si je prends la bonne, je pourrai revoir ma soeur, c’est ça ? » La Petite fille a le choix entre deux gélules. Elle tient une poupée avec des boutons dessinés sur le torse. Elle hésite puis prend une des deux gélules. Fondu au noir.
La Petite Fille entre dans la chambre de Fougère mais elle ne voit qu’une plante en pot, au milieu de la pièce. Elle sort un petit coupe-ongles de sa blouse et commence à en découper les feuilles, petit bout par petit bout. Bob la Fougère l’engueule et lui explique que les esprits peuvent parler. Fugacement, la Petite Fille entend un écho de sa soeur. Mais juste après, le silence.
Trésors volés
Une Blouse blanche utilise une monstrueuse seringue pour injecter son médicament à Fougère, directement dans la moelle épinière. Ce dernier hurle et se tortille sur le sol, les membres raidis par la douleur. Petite Peau s’invite dans la chambre et lui tient compagnie, sans remarquer le problème. Fougère s’accroche à son poignet. La feuille tatouée le long de sa colonne vertébrale est devenue couleur rouille. Petite Peau demande : « C’est l’automne ? »
Petite Peau essaie de convaincre la Blouse Blanche qu’elle est dispensée de médicament, c’est marqué dans son dossier. Mais la Blouse Blanche lui inflige une gélule pour maman, et une gélule pour papa… Elle avale. Dans le couloir, elle tombe sur Le Gourmet qui lui suggère de faire semblant de prendre ses médicaments et les lui apporter. En échange, il l’aidera à retrouver ce qu’elle voulait dire à Fougère, car il se souvient de tout. Elle s’est perdue dans le couloirs et petit à petit le carrelage a changé, les murs ont disparu. Elle évolue dans une immense forêt en noir et blanc. Un bruit et elle est à nouveau dans le couloir de l’hôpital.
Le Muet est invité à parler par sa Supérieure mais il s’obstine à se taire. Puis il revient prendre son médicament dans sa chambre. Quand il se penche pour le mettre en pot sous son lit, il fait un faux mouvement et en renverse un : horreur, la terre se répand sur le sol et il n’y a plus de gélule dedans. Il enfonce ses doigts dans tous les pots mais quelqu’un lui a volé ses « graines de médicament ». Il entre dans une rage folle et jette les pots contre les murs de sa chambre. Une silhouette entre dans la chambre. Heureusement ce n’est pas une Blouse Blanche, c’est la Petite Fille.
Le Gourmet adore prendre ses médicaments, c’est le plus beau moment de sa journée. Il convainc une autre Patiente, Roulade, de faire diversion pour qu’il puisse voler le contenu du « chariot à médicaments » qui sert à faire le tour des patients. Mais les Blouse Blanches les surprennent tous les deux et les montent aux lits à clous. Le Gourmet suffoque. Soudain, il est au sous-sol, dans environnement saturé de champignons, qui suintent des murs, en noir et blanc. Il essaie désespérément de respirer pendant qu’il se fait entraîner vers le lit à clous, et qu’il entend Roulade hurler et supplier qu’elle n’y est pour rien.
La Petite Fille hésite devant les deux gélules. Sa poupée a une fermeture éclair sur le torse. Fondu au noir.
Dans la chambre saccagée du Muet, la Petite Fille lui demande s’il a vu sa soeur ou s’il entend les esprits. Pour la première fois le Muet parle à quelqu’un. Beaucoup. Même trop. En parallèle, Fougère s’adresse à la Petite Fille, mais il ne perçoit pas la présence (ni les paroles) du Muet. Dialogue à trois surréaliste.
La Petite Fille se tourne vers Bob la fougère, un sécateur à la main. Mais l’outil se retrouve dans les mains de Fougère, et c’est lui qui lui coupe la langue. Mais au moment où elle se détache, il se demande ce que la langue aurait eu à lui dire. Il regrette.
Les mots de la fin
Petite peau entre dans la chambre de Fougère où elle ne voit que Bob la fougère en pot qui lui parle avec sa gouaille habituelle. Elle ne l’entend pas, mais elle soliloque avec la fougère, en un apparent dialogue. Elle finit par la déposer contre la fenêtre pour qu’elle ait plus de lumière.
Petite Peau essaie de convaincre la Blouse Blanche qu’elle est dispensée de médicaments. Sans succès. Elle avale. Elle se rend à sa visite médicale du lundi, où elle retrousse sa blouse. Sur son torse, les boutons sont devenus une fermeture éclair. Le Supérieur farfouille dans ses entrailles en marmonnant puis la referme. Il lui conseille de faire attention, une graine s’est infiltrée et ça pourrait déboucher sur une infection.
Petite Peau erre dans les étages, elle fait toc-toc à la porte du lit à clous du Gourmet pour s’excuser de ne pas avoir pu lui apporter de gélule… Une Blouse Blanche lui enjoint de fiche le camp, c’est interdit de rester là. « Vous savez j’ai appris ce matin que j’ai un grain… une graine », lui répond Petite Peau d’une voix d’adulte.
Les médecins ont cousu une nouvelle langue au Muet, qui parle. Il parle tout le temps. Il parle, il parle, il parle. Au réfectoire, alors que chacun doit manger en silence, lui est autorisé à parler. Les autres patients sont exaspérés. Les Blouses Blanches aussi. Il ne se rend pas compte qu’il est seul, des heures après, dans le réfectoire vide. Il parle toujours. Des patients entrent dans son dos et l’immobilisent sur une table, lui tenant le menton dans un linge mouillé. Ils veulent le faire taire. Mais sa langue s’échappe, et c’est tout l’hôpital qui est contaminé. Gagné par le flot verbal, tout le monde se retrouve à marmonner des mots qu’on ne trouvait plus, la fin des phrases qui n’a jamais été terminées, des secrets qu’on voulait taire.
Le Gourmet marmonne, sur son lit à clous :« Je me souviens, je suis le Directeur, je me souviens, je suis le Directeur… »
Fougère a disparu, reste une plante en pot au milieu de la chambre, qui répète : « Je suis sain d’esprit, il faut me laisser sortir maintenant ».
Petite Peau se regarde dans la vitre. Elle enlève sa blouse, et ouvre la fermeture éclair sur son torse. Il en sort une fillette, en tous points semblables à la poupée de la Petite Fille, qui dit : « laisse-moi partir, je ne suis pas ta poupée, laisse-moi vivre, je ne suis pas ta soeur ».
Feuilles de personnage
Fougère (N°12)
[Règlement] Je ne veux pas qu’on sache de quoi est capable ma fougère (rayé)
Ma fougère est saine d’esprit
[Nature] Fougère craint la rouille
[Egregore] Fougère sait faire le tri des mensonges
[Mystère] Il faut que je trouve ce que la langue a à dire
[Corruption] Il faut que je me fasse pardonner auprès de qui j’ai coupé la langue
Petite Peau (N°7)
[Mystère] Je veux retrouver ce que j’avais à dire à Fougère
[Chair] Ma peau est un manteau
[Nature] Un jardin m’attend quelque partenaire
[Folie] Il paraît que j’ai un grain
Le Muet (N°23)
[Pulsion] Je veux récupérer la feuille que Fougère a offerte à N°7 (rayé)
[Corruption] Un jour ça finira par pousser (rayé)
[Thérapie] Les docteurs ont inventé quelque chose pour m’aider à parler
Le Gourmet (N°8)
[Hôpital] Je veux goûter tous les médicaments cachés du potager
[Mémoire] Je me souviens de tout, vraiment
[Nature] Faut pas respirer les champignons, j’asphyxie !
Je suis le Directeur
La Petite Fille
[Quotidien] Je veux retrouver ma soeur
Maintenant j’entends parfois des esprits
Les esprits mentent
Fougère m’a coupé la langue
Je comprends ce que ça fait de couper la parole
Débrief d’Eugénie
Le retour sur les ateliers est à retrouver par ici.
Plusieurs très belles expérimentations sur cette partie :
– sur le corps : Fougère a mimé ses torsions de douleur, des joueurs ont joué physiquement le passage du chariot à médicaments, les roulades de Roulade et l’attaque du chariot ;
– sur les réalités : la Petite Fille et Petite Peau étaient manifestement connectées mais nous avons fait attention à ne jamais les jouer ensemble dans la même scène. Difficile de savoir si l’une était la soeur de l’autre, la poupée ou projection de l’autre, ou la même personne ;
– des dialogues/monologues : sur une des scènes, Le Muet et Fougère s’adressent à la Petite Fille, mais les deux ne se voient pas l’un l’autre. Les réponses de la Petite Fille à l’un perturbent l’autre et ils en font la remarque (mais pourquoi tu me parles de ça ?) ; sur une scène entre Fougère et Petite Peau, Petite Peau ne voit que la fougère et soliloque en s’adressant à elle, alors qu’à la table Fougère parle et répond…
Deux légers regrets : certains éléments n’ont pas été utilisés (ce que Petite Peau avait à dire à Fougère par exemple) et les phrases d’objectif n’étaient pas assez fortes ou n’ont pas été vraiment jouées.
Au final, une super chouette partie !
Débrief du joueur de Fougère
La volonté intense d’expérimenter sur la perte de repères et les obsessions personnelles ont pu rendre les choses un peu confuses et décousues. A lire le compte-rendu, je me dis qu’on aurait gagné à un tour de parole de plus (au moins) avant de foncer sur la conclusion de chacun. Là on a la prémisse, un bon développement de l’hôpital et des relations préliminaires, mais je trouve que la l’accélération est vraiment trop brutale vers la conclusion et qu’il manque d’un développement un peu plus charnu. Mais comme on bricolait beaucoup, on aurait probablement risqué de s’y perdre.
On a un récit sans schéma actanciel clair (voir même 4 récits), et on a posé un paquet de fusils en ne voyant qu’une toute petite partie des coups de feu partir. Je sais pas si c’est lié au jeu, au nombre de joueur ou à la disposition d’esprit dans laquelle on était, mais en tant que joueur spectateur, c’est un peu frustrant. Et je pense que c’est aussi ça qui rend les actions de la partie difficiles à mémoriser : ce sont plein de beaux moments, mais on a pas suffisamment d’enchaînement logique pour qu’un souvenir appelle le suivant.
Pour faire quelque chose qui oscille entre la folie et la reverie, ça marche très bien, mais d’un point de vue narration, ça donne l’impression (et ça sonne plus dur que ça n’st en réalité) qu’on ne raconte rien. On juxtapose des moments et des motifs, comme un exercice de surréalisme, on crée un ensemble indéniablement poétique, mais pas vraiment une histoire « cohérente ».
Reste que si ça ne fait pas une grande fresque cohérente, il reste des putains de scènes (parce qu’elles sont toutes individuellement assez super). C’est très cohérent pour du surréalisme. ?