allez voici le dernier CR tout frais écrit par Lady Lyanna, plus enceinte que jamais...
Y'a des spoils sur la situation politique au Nord, mais c'est léger, ça rentre pas encore dans les détails et les événements des livres 9,13,14,15 (en vf)
Chapitre 36
Pendant que Deathwatch panse ses plaies fer-nées, je profite du répit qui m’est accordé pour prendre un peu de repos. Le mestre a en effet été très ferme à ce sujet : à cinq mois de grossesse, les petites sorties guerrières façon Torrhen’s Square sont à proscrire à tout prix. Il voudrait même me contraindre à rester alitée jusqu’à mon accouchement… Mais il rêve ! Il ne sera pas dit que lady Lyanna Blacksword est restée impotente aussi longtemps.
D’autant plus que tous les tracas fer-nés qui ont envahi nos esprits ces derniers temps n’ont pas chassé du mien un élément essentiel : nous ne sommes toujours pas certains d’avoir châtié les vrais coupables pour le meurtre d’Astreïa, et nous courons potentiellement toujours une grande menace à ne pas considérer les Ryswell restants, soit Roose et Andre, comme des ennemis.
Ma décision est donc prise : avant que mon état ne m’empêche complètement tout voyage, j’irai passer quelques semaines à Blazetower, pour tenter d’y « prendre la température ». Lorsque j’évoque mon projet auprès d’Edrick, ce dernier tente aussitôt de m’en dissuader, arguant que cela pourrait mettre en danger la santé de son futur frère et qu’il est hors de question que je prenne des risques inconsidérés. Je lui rétorque que, si nous laissons courir l’assassin de sa femme, de bien plus grands dangers sont à redouter pour notre famille. L’argument ne fait absolument pas mouche : dans son incommensurable naïveté, je crois Edrick persuadé d’une part que le gentil Roose est incapable de faire du mal, et d’autre part que les liens qui l’unissent désormais à Andre sont trop forts pour que l’ancien bâtard puisse en vouloir aux Blacksword. Quel bougre d’ingénu ! De toute façon, il n’a jamais pu m’interdire quoi que ce soit, et cette fois-ci ne fera pas exception à la règle : je partirai, qu’Edrick le veuille ou non.
Lorsque j’informe ensuite son cousin de mon projet, je ne rencontre pas la réticence à laquelle je m’attendais. Lui qui était toujours le premier à vouloir me materner et me cloîtrer dans ma chambre au moindre signe de danger, surtout depuis ma grossesse, le voilà qui me pousse au contraire à me rendre illico presto chez nos voisins. Je comprends vite la raison de ce volte-face : avec son arrogance habituelle, il m’affirme sans rougir que, plus je serai loin de lui, et plus il me manquera, ce qui me poussera à revenir au triple galop. Je suis à deux doigts de lui éclater de rire au nez, mais me contente de lui faire remarquer l’inepte assurance avec laquelle il présume de son irrésistible pouvoir d’attraction.
Il me suggère cependant tout de suite de profiter de l’occasion pour aller consulter l’espion que lui-même a installé à Blazetower. Après m’avoir indiqué son nom, il me fait part du mot de passe convenu : « L’ourse resplendit dans mon lit ». Là, ce n’est plus le rire qui me vient naturellement, mais un profond agacement. Mais bref, passons… Volken me conseille également d’emmener avec moi l’ancien prisonnier de Torrhen’s Square : Wyndom Wyatt, qui remplissait, si j’ai bien compris, la fonction de maître-espion auprès de feu mon mari, et à qui Edrick Junior compte redonner cette place de choix. Il est vrai que nous manquons cruellement d’informateurs souterrains.
La conversation s’achève sur un tour qui m’est désormais familier : invoquant le besoin que mes enfants auront de grandir avec deux parents plutôt qu’une mère seule, Volken remet sur le tapis notre éventuel mariage. Je ne peux pas dire que cet argument n’ait jamais effleuré mes pensées : je m’interroge souvent, en ce moment, sur l’avenir que je pourrai offrir à mes petits, et sur les bienfaits que pourrait leur apporter une union, surtout au vu des circonstances. Mais je suis une ourse avant tout, et je n’ai moi-même jamais eu besoin de père pour grandir. À l’idée de perdre ma liberté à peine retrouvée, je sens mon âme qui se rebelle. Si mariage il doit y avoir, il se fera selon mes règles et avec un homme qui pourra m’apporter autre chose qu’une simple figure paternelle pour mes enfants.
Volken insiste tout de même en arguant qu’il a déjà repoussé Illirya par trois fois, pour me prouver à quel point son amour pour moi lui est plus cher que tout. Grand bien lui fasse ! Un peu d’abstinence de temps à autre, voilà de quoi lui faire les pieds ! Je clos rapidement la discussion pour aller au plus vite demander à Edrick d’envoyer Wyndom à Blazetower avec moi.
C’est chose faite, et nous voici rapidement dans la cité des Ryswell. L’accueil d’Andre est on ne peut plus amical : depuis que nous avons combattu côte-à-côte, il me traite comme un « frère » d’armes, peut-être même de façon encore plus virile que celle avec laquelle il considère Edrick. Je constate vite que l’état du vieux Rodrick n’a guère changé depuis son départ de Deathwatch, après la mort de sa fille : il erre dans le château comme un fantôme, marmonnant des paroles sans queue ni tête, tout entier enfermé en lui-même.
Laissant Wyndom aller à la pêche aux renseignements dans les bas-fonds et chez les petites gens de la ville, je m’installe pour ma part dans les quartiers nobles et profite de mon statut pour tisser des liens avec les courtisans les plus proches de la famille Ryswell, mais également avec leurs serviteurs. Il semblerait que la plupart des domestiques éprouvent encore une certaine crainte à l’égard de leur nouveau seigneur, conséquence sans doute de la triste réputation qu’il traînait du temps où il était encore un bâtard.
Je découvre d’ailleurs que sa mère et sa demi-sœur, qui vivaient auparavant dans un petit village au nord de la capitale ¬– le même petit village, d’ailleurs, où s’était achevée dans de pitoyables conditions le pistage d’Andre par Volken, feu Merrick et feu Harren, il y a des mois de cela… – ont été installées au château. Andre lui-même semble faire grand cas du petit peuple : avec le ravissement et l’enthousiasme d’un enfant à qui on aurait offert un magnifique jouet – et quel jouet plus splendide que le pouvoir ? –, il dépense sans compter pour ses sujets, notamment pour acheter les provisions qui leur serviront à passer l’hiver. Je n’apprends rien de plus de ce côté-là.
Je constate en revanche que Roose passe régulièrement au château : ces visites de courtoisie semblent tenir davantage de son devoir de vassal que d’une quelconque amitié pour Andre. Mais il ne manque jamais d’aller voir Rodrick, pour qui il semble entretenir une véritable affection. La plupart des domestiques et même des nobles tiennent le plus jeune des Ryswell en haute estime, et ne cessent de s’apitoyer sur le terrible sort de « ce pauvre Roose » que l’on a privé en un coup de ses deux frères et de son héritage.
Il faut l’avouer : la piste Blazetower n’est guère fructueuse et rien, dans les confidences que je parviens à obtenir des uns ou des autres, ne semble pointer du doigt le coupable idéal. Retour à la case départ ! Mais j’espère au moins que les jalons d’amitié et d’influence que j’ai placés en territoire Ryswell porteront leurs fruits sous peu.
De retour à Deathwatch, je partage mon temps entre mon fils, le bois sacré et mon lit. Il me tarde désormais de venir à bout de cette grossesse, qui semble ne jamais vouloir finir : je me fais l’impression d’être une baleine obèse, bien plus que lorsque je portais Jeor, et, à quelques jours du terme, j’éprouve de plus en plus de difficultés à me déplacer.
Je constate au passage qu’une nouvelle « œuvre d’art » a fait son apparition à l’une des portes de la ville : une statue de moi-même, en armure, aux côtés d’une ourse. C’est très beau, je ne peux pas le nier, et cela flatte mon ego au plus haut point. Cependant, quand j’apprends que c’est encore Volken l’instigateur de cette… chose, je ne sais pas si je dois m’en offusquer ou en rire. Las ! Il est tenace, l’animal. Enfin… Pas tant que cela, car les rumeurs me rapportent, quelques jours plus tard, qu’il aurait passé la nuit avec la Braavienne. Au temps pour ses belles promesses !
Lors de mes promenades au bois sacré, je croise désormais fréquemment le chemin d’Illirya. Si je ne porte pas la sorcière braavienne dans mon cœur – loin de là ! –, sa présence m’est tout de même moins pénible qu’auparavant. Il faut dire que, depuis que je sais le rôle qu’elle a joué dans le trépas de mon mari, et bien qu’elle ne l’ait pas fait pour moi, j’éprouve quelque reconnaissance à son égard.
Pas assez cependant pour autoriser le geste familier qu’elle tente un jour : me poser la main sur le ventre, tandis que nous parlons de ma grossesse. Dès que sa paume m’effleure, je ne peux m’empêcher d’avoir un mouvement de recul, et un frémissement me parcourt : j’ai toujours en tête, à chaque seconde passée en sa compagnie, la puissance de sa magie, et je n’ose penser à quelle terrible malédiction elle pourrait transmettre à mon enfant, par ce simple contact…
***
Voilà des heures que je souffre le martyr. J’ai beau y mettre toutes mes forces, cet enfant ne veut décidément pas sortir ! Je crois même que j’ai déjà perdu connaissance à plusieurs reprises. J’étouffe dans cette chambre et dans ce lit, je voudrais tellement que ce soit terminé ! Tandis que le mestre s’affaire à essayer par tous les moyens d’accélérer le processus, j’aperçois du coin de l’œil Cerrah, plus blanche qu’un linge, qui semble redouter encore plus que moi l’issue de l’accouchement. Elle n’est présente que parce que je l’ai souhaité, et je sens bien qu’elle ne demanderait qu’à céder sa place.
Par l’entrebâillement de la porte, je vois Stillgar, au comble de l’agitation, jeter des coups d’œil inquiets vers moi, malgré l’interdiction que j’ai faite à quiconque d’entrer. Il me semble également entendre, au-delà de mes propres cris, la voix de Volken qui s’énerve dans le couloir.
Encore un petit effort et… ça y est ! Je tiens ma minuscule fille dans mes bras. Tout à ma joie de mère, j’entends à peine le mestre m’annoncer : « Tenez bon, il y en a un deuxième. ». Tandis que ces paroles se frayent un chemin jusqu’à mon cerveau, une angoisse terrible m’étreint, et je me rappelle les paroles de Ferrego, il y a quelques mois, dans le bois sacré… « Tu vas avoir des bébés. », m’avait-il affirmé de sa candide petite voix, alors même que ma grossesse était encore un secret bien gardé.
À l’époque, j’avais été frappée que ce gamin ait su deviner ce que personne d’autre encore n’avait soupçonné, et m’en étais ouverte immédiatement à Volken. Je m’étais même demandé si le petit n’avait pas hérité des pouvoirs maléfiques de sa mère… avant de me raisonner et de me persuader qu’il était simplement bien plus observateur qu’un adulte lambda, comme peuvent l’être les enfants de son âge.
En cet instant, ces mots me reviennent de plein fouet. « Des bébés »… « Des bébés »… « DES bébés »… Comment aurait-il pu savoir ? Si ce n’est par quelque maléfice de ce dieu rouge dont sa mère est adepte ? Mon sang se glace à cette pensée.
Mais la réalité se rappelle vite à moi, et je dois rassembler mes forces une dernière fois pour la naissance du second, qui s’avère être un garçon. Épuisée, mais comblée, je demande à Cerrah qu’elle fasse immédiatement venir Jeor.
Volken, livide, en profite pour se précipiter dans la chambre, suivi quelques instants plus tard par un Edrick beaucoup plus calme que son cousin. La première question porte bien sûr sur les prénoms que je compte donner à mes enfants. Le choix s’impose de lui-même pour ma fille : en hommage à ma défunte sœur, elle s’appellera Dacey. Pour mon fils, j’hésite encore. Par jeu, je demande à Jeor ce qu’il en pense, et ses réponses – « On n’a qu’à les appeler Bleu et Rouge » – me font rire… Même sa suggestion de l’appeler « Volken », soufflée bien sûr à mon fils par l’intéressé.
Reprenant vite son sérieux, le cousin d’Edrick évoque, comme choix de prénom, celui « d’une personne qui vous a fort bien accueillie, ici, ma Lady, à votre arrivée ». Edrick saute aussitôt sur l’occasion : « Stillgar ? » Je ne sais pas s’il faut y voir de la naïveté ou de la malignité… Je reprends donc :
« L’idée de l’appeler comme votre père, Volken, m’avait déjà effleurée, je dois l’avouer. Après tout, ce petit ne connaîtra jamais ce grand homme qu’était son… oncle… »
Et Edrick de se récrier aussitôt, horrifié que je souhaite donner à mes enfants les prénoms de morts, quand bien même seraient-ils de notre famille. Il ne comprend pas que c’est un honneur et un besoin, que de perpétuer le souvenir des êtres qui nous sont chers à travers ceux qui nous le sont encore plus. Que ces êtres chers soient morts ou simplement loin de nous, comme mon oncle Jeor, ce n’est pas cela, l’important. La réaction d’Edrick suffit à me décider : mes enfants se nommeront Dacey et Jorren, fin de la discussion.
On me laisse finalement me reposer plusieurs heures, avant de solliciter ma présence, ainsi que celle des jumeaux, dans la salle du trône, où l’on a entamé un grand banquet en l’honneur de leur naissance. Edrick est passablement éméché, mais la palme de l’ivrognerie revient sans conteste à Volken, qui a dû arroser cela bieeeen copieusement. Ivre comme un guerrier des clans au soir de ses noces, il vitupère et braille à toutes les oreilles. Tout y passe : les ribauderies les plus infâmes, les toasts en l’honneur de ses… neveux, les lampées de vin en souvenir de toutes les femmes qu’il a connues… Jusqu’à ce qu’Illirya tente de lui venir en aide, mais se fasse violemment repousser.
Cela aurait pu rester drôle. Mais les vociférations se transforment bientôt en crise de larmes au sujet du prénom de ma fille : « Dacey… C’est pour me torturer… » et autres inepties du même genre. Il finit par réclamer celle qu’il repoussait quelques instants plus tôt, et Illirya le reconduit tant bien que mal jusqu’à sa chambre. Vu l’état de Volken, je ne suis pas très inquiète sur ce qu’il s’y passera cette nuit. Pour ma part, je profite de l’agitation pour remonter me coucher avec mes enfants.
***
Une profonde liesse envahit les rues de Deathwatch dans les jours qui suivent. Il est vrai que cela faisait longtemps que nous n’avions pas connu de véritable joie ici. Joie de courte durée, comme toujours : quelques jours plus tard, nous recevons une lettre marquée du sceau de l’écorché.
Edrick Blacksword,
Seigneur des Tertres
Au nom de sa majesté Joffrey de la maison Baratheon, Roi des Andals, de Rhoynar et des Premiers Hommes, Seigneur des Sept Couronnes et Protecteur du Royaume, le seigneur Roose Bolton, seigneur du Dreadfort, a été nommé Gardien du Nord.
À partir de ce jour, vous êtes prié de reconnaître la suzeraineté des Bolton sur votre maison et vos bannerets. Nous attendons un serment d’allégeance par corbeau, et l’envoi d’une délégation représentative des Blacksword qui demeurera au Dreadfort pour entretenir la relation entre nos deux maisons.
scellé & signé par Roose de la maison Bolton
Seigneur du Dreadfort,
Gardien du Nord
Ce n’est ni plus ni moins qu’une demande d’allégeance, doublée d’une demande d’otages. Les avis sont unanimes : hors de question de nous soumettre à cette requête ! Volken veut même se rendre en personne au Dreadfort pour signifier notre refus à Bolton et littéralement lui cracher au visage. Les autres sont plus mesurés, mais Edrick et Illirya appuient l’idée d’une expédition au Dreadfort : il serait, selon eux, « intéressant » d’aller y capturer le fils bâtard de Bolton, Ramsay Snow, pour décapiter l’armée de l’écorché. Du moins, celle qui se trouve dans le nord, car le gros des troupes de Roose Bolton est encore massé au sud, maintenues dans l’impossibilité de rentrer chez elles par les Fer-nés stationnés à Moat Cailin.
Volken, d’abord très enthousiaste, voit ses ardeurs refroidir quand on évoque son devoir de protéger sa famille à Deathwatch, puis de nouveau s’enflammer à l’idée de la gloire qu’il pourrait acquérir si cette mission était menée à bien. Il insiste d’ailleurs pour qu’Illirya accompagne l’expédition. Les pouvoirs de la sorcière sont décidément devenus indispensables à nos redoutables chefs de guerre Blacksword.
Mais le plus motivé est sans doute Wyndom Wyatt, qui montre une exaltation sans bornes à l’idée de participer à cette expédition. Je suis dans un premier temps très étonnée de la réaction ardente de notre maître-espion, habituellement plutôt discret et mesuré. Puis je me rappelle qu’il doit justement à Bolton sa longue captivité à Torrhen’s Square. La vengeance est le plus efficace des aiguillons.
Il est cependant convenu qu’avant de prendre une décision qui pourrait s’avérer fâcheuse, nous attendrons l’arrivée du nouveau meilleur ami d’Edrick : Andre Ryswell, qui nous a informé par corbeau avoir reçu une lettre identique.