Hier, première partie de
Café Noir, en utilisant mon propre cadre de jeu : Country Noir, pour jouer du polar rural.
Séance préparatoire : création des lieux et des personnages.
Les lieux : Misty River, Montana, printemps 1968. Une petite ville connue pour ses disparitions inexpliquées qui se produisent depuis des générations sur la rivière qui lui donne son nom.
Les personnages :
- Un écrivain raté, ironiquement appelé
Ernest Hemingway (quoiqu'à Misty River, tout le monde a l'air de croire que c'est le nom d'un chanteur ou d'un présentateur télé), qui vit avec sa mère acariâtre, Darlene. Laquelle dirige l'abattoir et l'usine de corned-beef de la ville.
-
Dong Yu, jeune sino-américain (probablement le seul du comté), qui travaille à l'abattoir, et souffre du racisme agressif ou condescendant, particulièrement marqué en ces temps de guerre du Vietnam.
Leur lien : il y a un ou deux ans, Dong Yu a assisté à la mort du père d'Ernest, poussé dans un hachoir industriel par Darlene. On a dit que le pauvre homme avait disparu en pêchant sur la rivière, mais Ernest soupçonne fortement sa mère.
On a donc deux personnages un peu paumés, avec chacun un démon intérieur qui lui pourrit la vie, une petite ville malsaine, une atmosphère lourde. Noir, quoi.
La partie
Il pleut, et Ernest a une fuite dans le plafond de son bureau. Il a fait appel à un jeune couvreur,
Teddy Ames, mais celui-ci ne s'est pas présenté depuis hier pour réparer le toit. Darlene reproche à son fils d'avoir encore été incapable de s'occuper seul de cette affaire. Ernest décide d'aller chercher Teddy chez lui.
De son côté, Yu, qui a travaillé toute la nuit, est réveillé après deux heures de sommeil par
Janice Ames, une dame patronneuse agaçante, mais qui a fait beaucoup pour lui. Elle s'inquiète pour son fils Teddy, qui n'est pas réapparu depuis hier. Elle demande à Yu d'aller se renseigner chez les Hemingway, chez qui Teddy était parti travailler la veille. Malgré la fatigue, Yu accepte.
Après s'être rencontrés sur la route, nos deux personnages mal assortis vont se retrouver à enquêter ensemble sur la disparition de Teddy.
Leurs recherches auprès des amis de Teddy, de la communauté hippie de la ville puis de quelques notables leur apprend que le jeune homme est homosexuel, et qu'il a eu une relation d'un soir avec
Ralph Patterson, un voisin des Hemingway. Hélas, ce dernier a révélé à Darlene que Teddy avait parlé d'Ernest, qu'il semblait trouver à son goût.
Ernest commence à entrevoir l'affreuse vérité : il n'en a pas fallu plus pour que sa psychopathe de mère décide d'éliminer le pauvre Teddy qui risquait de pervertir son fils !
De son côté, Darlene se doute qu'Ernest et Yu enquêtent sur la disparition. Elle charge ses contremaîtres, les
frères Butts, qui se sont déjà occupé de Teddy, de régler son compte à son ouvrier chinois. Mais Ernest, après avoir récupéré son fusil de chasse, parvient à les maîtriser. Les deux frères avouent leur forfait, et révèlent le corps, caché dans la chambre froide de l'abattoir.
Ernest, malgré l'horreur que lui inspire sa mère, ne peut se résoudre à la faire arrêter. Il fait jouer ses relations pour que le shérif ne tiennent pas compte des déclarations des frères Butts la concernant. La justice conclura un à triste crime haineux.
Yu profite de l'affaire pour monnayer son silence auprès d'Ernest. L'argent lui permet de quitter définitivement Misty River et le Montana.
Ernest se retrouve à nouveau seul avec sa mère, avec un nouveau secret à ne pas évoquer...
Un extrait du tableau Miro.
Retour sur la partie
- Je ne me suis pas senti de jouer complètement "sur le pouce", puisqu'il y a eu quelques jours entre la préparation et la partie. Mais je n'avais rien prévu avant la phase de création, et le scénario est venu en dix minutes en tirant les éléments sur une table aléatoire (allez, je me suis permis de retirer un peu les dés). Et du coup, on a vraiment eu une intrigue adaptée aux personnages, avec un mystère pas trop complexe, ce qui a permis de mettre l'accent sur les personnages eux-mêmes et leurs problèmes personnels.
- Le système de Café Noir roule bien. Il y a quelques points sur lesquels j'ai des réserves (j'ai notamment laissé tomber le dé d'enquête en cours de partie), mais j'ai adoré le principe du dé d'usure (ou dé de risque). Tout s'érode, se délite et part en sucette : les ancres (les personnes qui nous remontent le moral), les dettes (celles qui nous doivent un coup de main), le matériel, les menaces...
Du coup, j'en ai même rajouté dans mon cadre de jeu : les personnages ont un démon intérieur (la mère toxique pour l'un, le racisme pour l'autre), et il y a une source de tension secondaire en plus de l'affaire criminelle (ici, la fuite dans le toit qui empirait). A chaque scène, on jetait au moins un dé de risque (la menace représentée par Darlene, un démon intérieur ou le problème du toit). Ça donnait vraiment l'impression que les emmerdes s'accumulaient sur les personnages, que tout se combinait pour leur pourrir la vie. Pour moi, on est exactement dans le Noir tel que je l'aime.
- Le joueur (
@184201739) de Yu et la joueuse (presque débutante) d'Ernest ont parfaitement interprété leurs losers. Du coup, on n'était pas dans une dynamique
"Comment faire gagner mon personnage ?" et ça a donné des réactions plutôt rares en jeu de rôle. Dans la même situation, combien de joueurs chevronnés auraient essayé de buter Darlene ? Qu'une joueuse accepte de laisser son personnage dans un statu quo parfaitement infernal (ne pas dénoncer sa mère, et continuer à vivre avec psychopathe), j'ai trouvé ça beaucoup plus fort.