
1.) Quoi que c'est ?
Hillfolk, A Game of Iron Age Drama, le dernier système de jeu original de Robin D. Laws (Il a fait ensuite la seconde édition de Feng Shui ou encore Gumshoe One-2-One qui est une modification de Gumshoe pour un MJ et un joueur).
2.) Vous en avez entendu parler où pour la première fois ?
La première fois, je ne sais plus, probablement quelque part lors du buzz qu'il a fait autour de son Kickstarter ?
Récemment : je suis dans une phase "Laws", j'ai envie de lire tout ce qu'à fait Laws depuis que je me suis procuré Esoterrorist, que j'ai adoré. J'adore aussi Heroquest/QuestWorld qui est l'un de mes systèmes préférés.
3.) Achat compulsif, impulsif ou réfléchi ?
Impulsif, il était là, pour pas cher, je l'ai pris.
4.) Vous pensiez trouver quoi ?
Un système mettant les personnages des joueurs, et leurs relations, au centre de l'histoire couplé à un système extrêmement "pur" et adaptable, avec une attention portée à la reproduction de la logique sérielle aussi bien en littérature qu'en œuvres "cinématographiques".
5.) Vous avez trouvé quoi ?
Exactement ça. Le Dramasystem est dans la continuité du travail de Laws. Là où le système Gumshoe proposait un système de résolution des enquêtes réduit à sa forme la plus pure, facilitant son usage en-dehors de son système de résolution des conflits totalement optionnel, le Dramasystem propose une analyse et un "système" de création de situations dramatiques à table qui peut être d'autant plus facilement importé dans d'autres jeux qu'il n'est au fond qu'une manière de distribuer la parole à table et la mise en place d'une économie de jetons favorisant les conflits entre les joueurs et la création de situations les forçant à sortir de leur zone de confort, le tout couplé à un système de résolution des conflits (appelé "scènes procédurales") très simple et lui aussi facilement remplaçable par un autre (je pense qu'Heroquest ferait très bien l'affaire).
Ce n'est pas pour autant, contrairement à ce que j'ai souvent lu à son encontre, qu'il est sans intérêt.
En ce qui concerne les règles de création de scènes dramatiques il s'agit, que je l'ai déjà dit, de règles de distribution de la parole couplées à un système de jetons permettant de refuser l'inclusion de son personnage dans une scène, d'intervenir dans une scène dans laquelle nous n'étions pas appelé etc. etc. Ces jetons ne sont pas "puissants", ils invintent simplement à créer du "drama" en mettant les autres joueurs dans des situations imprévues, embarrassantes, stressantes, dans lesquelles ils n'auraient pas voulu se mettre, où dont ils se tirent en s'éclipsant alors que ça ne nous arrange pas du tout.
Ce système suppose des joueurs proactifs et désireux de créer ces effets à table, sinon ça ne fonctionne pas du tout.
Le système de résolution des "scènes procédurales" se base sur un jeu de carte et consiste, du côté du MJ, à choisir parmi trois niveaux de difficultés représenté par un jeton d'une couleur spécifique. Le MJ cache le jeton mais ne montre pas le niveau de difficulté. Il tire ensuite une carte. Chaque joueur utilise un jeton parmi les trois dont il dispose (ou moins s'il a déjà utilisé certains de ses jetons ; s'il n'en a plus, il récupère à nouveau tous ses jetons), l'un des jetons lui donne 2 cartes, un autre une seule et le dernier une seule carte et le devoir pour le MJ de retirer l'une des cartes posée par n'importe quel joueur.
Chaque joueur compare sa carte à celle du MJ et décrit son action en fonction de son seuil de réussite (Pas de correspondance c'est une action sans effet ; Couleur équivalente c'est une action solide ; même groupe de carte (cœur, pique etc.) c'est une action impressionnante ; et même valeur (Roi, Ace, 4 etc.) c'est une action décisive). Une fois que chacun des joueurs à agit le MJ présente son jeton ce qui détermine le niveau de réussite global de la scène (une scène difficile, par exemple, implique que l'un des joueurs dispose d'une carte de même valeur que celle du MJ).
Le compagnon d'Hillfolk propose manifestement quelques enrichissements supplémentaires à ce système.
Je l'aime personnellement beaucoup. C'est un système fondamentalement narratif dont la simplicité mécanique colle bien avec la proposition du jeu dans son ensemble, et surtout, cette présentation tardive du jeton impose une tension dramatique jusqu'à la toute fin : rien n'est joué avant cette révélation finale. De plus, comme le MJ est lui aussi soumis à la rège de la perte progressive des jetons et de leur récupération une fois les trois dépensés, l'ordre de difficulté des scènes choisis va imposer un rythme à la partie : ça n'est pas la même chose de s'engager dans une troisième scène avec comme seul jeton restant celui indiquant une scène "difficile" que celui indiquant une scène facile.
Ce système a été souvent un peu dénigré dans les revues du jeu que j'ai pu lire, comme s'il s'agissait d'un truc secondaire à remplacer rapidement. Je ne suis pas d'accord, je pense que c'est un excellent système pour peu qu'on le prenne dans la continuité de la logique narrative du jeu. Il est assez significatif qu'il n'y a dans ce jeu ni points de vie, évidemment, ni même, véritablement, de gestion des états (comme un Heroquest par exemple), les conséquences de la scène ne suivent que la logique du récit, rien d'autre.
Le bouquin propose un univers de base antiquisant et sans magie aucune se déroulant dans un espace géographique inspiré du Moyen-Orient et illustré Jan Pospisil, qui avait déjà illustré Heroquest Glorantha, créant un lien esthétique intéressant entre ces deux univers pourtant très différents. Il est accompagné de 24 autres propositions d'univers très originales et inspirantes.
La mise en page de ce livre est absolument sublime, et il s'agit, pour moi, de l'un de mes plus beaux ouvrages de jdr. La typographie est parfaite.
6.) Allez vous vous en servir ?
J'aimerai oui, mais quand, où et avec qui, je n'en ai aucune idée. Mais je me fais la promesse de trouver un jour les joueurs pour lancer une partie.
7.) En conseilleriez vous l'achat ?
Oui et non, mais plutôt oui, sauf si vous êtes allergique aux systèmes fondamentalement "narratifs" dans lequel il s'agit moins d'interpréter son personnage (bien qu'on puisse bien évidemment le faire) que de le "mettre en scène", d'être dans une posture "d'auteur" comme l'exprime Laws lui-même.
C'est un point essentiel : Hillfolk est moins bien moins un "jeu" qui outil permettant la création collaborative orale d'une histoire dramatique (même si la dimension de "jeu" reste un peu présente aussi bien dans le système de scènes dramatiques, que le système de scènes procédurales).
Si vous aimez cela, pensez pouvoir aimer, ou voulez découvrir une autre manière de faire du jdr, allez-y, sinon vous risquer de vous retrouver face un truc dont, au mieux, vous pourrez retirer quelques idées tout en ajoutant : "je faisais déjà tout ça très bien sans avoir besoin de lire tout ce fatra !", ou, au pire, un truc que vous mépriserez de toute votre âme, ne comprenant pas l'intérêt de ce système plat et sans saveur qui semble réinventer l'eau chaude pour cuire un plat de nouilles sans sel.
En vérité Hillfolk est une petite pépite, mais une pépite qui s'adresse à une niche.
Je vais essayer de dire les choses autrement : on peut adorer D&D sans aimer les wargames. Là, c'est pareil. Je m'explique : si vous réduisez D&D à ses combats tactiques vous êtes face à quelque chose de quasi similaire à un wargame, pourtant il existe des personnes qui adorent D&D et ne s'intéressent pas du tout aux wargames, pourquoi ? Parce que tout ce qui il y a autour des purs règles de combats de D&D font de ce jeu autre chose qu'un wargame, quelque chose de tout à fait différent. Ce que nous appelons un jdr.
Ajouter des règles ou en retirer, faire le focus sur un aspect d'un jeu plutôt qu'un autre peut tout changer.
Là, c'est pareil. Si vous coller le Dramasystem à Pathfinder vous aurez un truc qui donne un peu de profondeur au roleplay des personnages de votre jeu et à la mise en place de situations dramatiques. Si vous utiliser le système de scènes procédurales fondamentalement narratif (ou le remplacez par QuestWorld dans sa forme la plus narrative) pour donner toute leur place aux scènes dramatiques, vous serez face à tout à fait autre chose qui n'a plus rien à voir avec le jdr "classique".
De votre désir de tenter l'expérience dépendra l'intérêt que vous pourrez porter à l'ouvrage.