Le Dossier Maldoror (Fabrice Du Welz, 2025) : Belgique, 1995. La disparition de deux enfants, très médiatisée, devient une affaire nationale. Un gendarme idéaliste mène l'enquête.
Deux mois après le magnifique
La Passion selon Béatrice, Fabrice Du Welz est de retour avec ce polar "librement inspiré de l'affaire Dutroux". Une grande partie de sa famille cinématographique est de l'aventure : Jackie Berroyer, Laurent Lucas, Alba Gaïa Bellugi, Mélanie Doutey, Béatrice Dalle... on peut même apercevoir Benoît Poelvoordre pendant une demi-seconde si on ne cligne pas des yeux à ce moment-là. Les deux "nouveaux" sont Anthony Bajon, dans ce qui est peut-être son meilleur rôle, le gendarme en l'occurrence, et Sergi Lopez absolument ignoble et terrifiant en pseudo Marc Dutroux.
La première partie du film, terre à terre et "réaliste" (librement inspirée donc) présente ce coin désœuvré de Belgique, ce jeune gendarme colérique mais rigoureux qui a l'avenir devant lui, et ces disparitions, horribles. Le quotidien des enquêteurs et l'enquête elle-même sont minés par une guerre des polices (qui a apparemment réellement eu lieu à cette époque en Belgique, des intertitres très utiles présentent le contexte), les informations et les indices qui pourraient s'avérer primordiaux ne circulant pas entre les différentes forces de police.
Puis dans sa seconde partie, le film, qui dure quand même 2h35, prend un virage plus "genre" en se concentrant sur l'obsession du protagoniste pour l'enquête. Et là, ça devient plus classique, le métrage y perd un peu de son identité, notamment parce que Du Welz n'hésite pas à se vautrer dans quelques clichés (le coup du flic obsessionnel qui recouvre ses murs de photos de l'affaire, ça devrait être interdit). On est dans complètement autre chose, un peu thriller paranoïaque, un peu horreur (une séquence bien dégueu avec des cochons :lol: ), un peu cri du cœur cathartique du réalisateur, Belge, qui a été profondément marqué par cette affaire.
Ça m'a surpris j'avoue, je m'attendais pas à ça, surtout que j'aimais bien le mood "grisaille du quotidien et paperasse" du début. Un poil déçu donc, même si quelques jours après le film vieillit plutôt bien dans ma tête. C'est ça de rien lire/regarder sur un film avant d'aller le voir, on a des surprises.
Ni juge, ni soumise (Yves Hinant & Jean Libon, 2018) : la juge d'instruction belge Anne Gruwez tente d'élucider une affaire de meurtres vieille de plus de vingt ans.
C'est un documentaire fait par des anciens de
Strip Tease (où la juge apparaissait déjà) et ça se sent. Je comprends qu'ils aient voulu en faire un film, ils ont trouvé un sujet en or avec cet incroyable personnage plus grand que nature, qui roule en 2 CV, qui fait des vannes de mauvais goût dans un cimetière lors de l'exhumation d'un cadavre, qui reste stoïque face aux pire horreurs et qui conseille la prière pour se sentir mieux. Le fil rouge du film est donc une affaire de meurtres de prostituées commis deux décennies avant, mais ce n'est finalement pas ce qui est le plus intéressant.
Entre temps Anne Gruwez continue à recevoir d'autres "clients" dans son bureau et devant la caméra. Et là j'ai pris en pleine gueule la misère et l'horreur. Du tox pathétique qui a agressé un retraité au voleur qui menace de partir en Syrie et de revenir tout faire péter, la juge, tous les jours, fait face à cet univers. Cela peut être très drôle (la prostituée spécialisée dans le BDSM qui raconte les demandes de ses clients) ou absolument glaçant (la maman qui a tué son fils, persuadée qu'il était un reptilien fils de Satan, et qui relate les événements comme on raconterait sa journée de boulot).
Alors, oui, les questions sont vieilles au moins depuis comme
Strip Tease : est-ce que c'est voyeuriste ? Est-ce qu'on peut rire de ce malheur ? Est-ce que la présence de la caméra modifie les comportements ? Pour ma part, autant l'émission TV a pu me paraître très limite à certains moments, autant j'ai apprécié ce film, pour cette juge improbable certes (je serais curieux de savoir si, concrètement, elle a fait du bon travail), mais surtout pour avoir pu être témoin d'événements que je ne pouvais qu'imaginer.
