AUX ABORDS DES FORÊTS LIMBIQUES
Une fuite en avant qui plonge dans l'inconnu, où deux êtres déglingués et féroces s'aventurent dans la plus hallucinée des forêts. Un RP textuel à quatre mains.
(temps de lecture : 23 min)
Gabriele Negri, cc-by-nc-nd
Le jeu :
Les Forêts Limbiques, par Thomas Munier, un jeu de rôle d'errance dans le domaine des rêves, de la mémoire, des morts et des horlas
Joué en textuel du 26/12/2022 au 14/07/2023
Le contexte :
Ce
RP textuel a été réalisé dans
le forum dédié aux RP textuels Millevaux (encore un grand merci à Milloupe et Psum pour cette création). Il s'étale de décembre 2022 à juillet 2023, ce qui doit vous illustrer le fait qu'on a eu énormément de difficultés à se mettre en route.
J'y vois plusieurs explications. L'évident manque de disponibilité de chaque participant.e, y compris moi-même, en premier lieu. Je pense que le dispositif est également en cause. Les règles du forum étaient minimalistes, puisque la seule règle était de créer son personnage par questionnaire (à valider par l'admin) et ensuite de faire des posts de 350 mots minimum (ce qui représente 20 minutes d'écriture pour une personne expérimentée qui ne prend pas forcément la peine de se relire). Je pense que ces deux règles ont été un gros frein à l'engagement, il eut été préférable de pouvoir RP avec une création de perso minimale et sans limite basse de taille pour les posts. Par ailleurs, je pense que nous avons également pâti de l'absence de règles pour cadrer la narration. J'avais proposé
Les Forêts Mentales qui est ma réponse aux carences naturelles du RP textuel, mais ça n'a pas été retenu. Enfin, le fait de devoir se rendre sur un forum était un autre frein. Nous aurions, je pense, eu plus de succès avec un discord (ironie du sort, un discord était d'ailleurs associé à ce forum pour centraliser les discussions méta).
Le jeu était divisé en plusieurs zones (Les Enclaves, la Forêt, les Chemins de Compostelle, les Forêts Limbiques) et j'ai décidé de commencer mon RP dans les Forêts Limbiques. Je me suis pour cela appuyé sur le jeu
Les Forêts Limbiques, enfreignant la contrainte du sans-règle car j'avais besoin d'appui et de pouvoir relancer même quand personne ne me donnait la réplique.
Il n'y a eu que deux RP sur ce forum : ce dernier et un autre que je diffuserai prochainement. Depuis le forum est inactif. Ceci dit, l'outil demeure et n'attend plus que vous pour renaître
Et merci beaucoup à la personne qui jouait Trouvée pour m'avoir donné la réplique.
Les personnages :
Anthrax, botteur.euse de culs, malade et sexy
NOM : Anthrax
GENRE : ambigu. Pronoms : iel, ou alternance entre il et elle
ÂGE : 25 ans
ESPÈCE : humain.e
SURNOM : mauvais-cul
ORIENTATION SEXUELLE : pansexuel.le
LIEU(X) D'ATTACHE : Anthrax ne reste jamais très longtemps au même endroit, mais a du faire partie de communautés par le passé, pacifiques comme agressives, sédentaires comme nomades.
HANDICAP : Anthrax souffre de la sévencre, une maladie qui parfois lea booste et parfois la met en dessous de tout, physiquement comme psychiquement
MORPHOLOGIE : Anthrax est musclé.e sec. Indiscutablement sexy même quand les enracinements de sévencre pointe sur sa peau
VISAGE : joues creuses, front volontaires, yeux dans l'ombre, lèvres noires, quelques piercings (arcade, nez, lèvres, oreilles).
STYLE VESTIMENTAIRE : débardeur, baggy, bretelles, rangeos, des poches pour ranger un peu de matos.
SIGNES DISTINCTIFS : une épée-fusil à pompe pour se faire respecter en ces temps difficiles.
Thèmes
QUÊTE : trouver un remède à la maladie de la sévencre, pourtant réputée incurable et mortelle.
SYMBOLES : colère, désir
Fléaux
Anthrax est surtout frappé.e par l'emprise, via cette maladie de la sévencre qui la transforme parfois en berzerker, parfois en loque agonisante. Elle doit soit trouver un moyen de vivre avec cette fluctuation, soit trouver un remède. Les circonstances dans lesquelles Anthrax a attrapé la maladie sont derrière le voile de l'oubli.
Anthrax est plutôt préservé.e de la ruine. Comme iel est particulièrement mauvais-cul, iel arrive à survivre au milieu de cette guérilla permanente qu'est devenue l'humanité. Mais si le côté négatif de la sévencre devrait prendre trop souvent le dessus, iel deviendrait une victime à son tour.
HISTOIRE
Anthrax se rappelle peu de son histoire mais ça se voit dans ses yeux qu'elle a beaucoup vécu.
Il a dû faire tous un tas de métiers, mercenaire, garde du corps, pillarde, bûcheronne, ouvrier, peut-être même cheffe de bande.
Elle est actuellement en solitaire mais il a un fort instinct de couple, inconsciemment toujours à la recherche d'une personne à protéger ou d'un.e amant.e à baiser et plus si affinités.
Il sera toujours du côté des figures d'innocence mais sera sans pitié pour qui la trahit.
Anthrax a dû connaître son lot de traumatismes et de sévices, mais sa résilience est grande et l'oubli fait le reste. De reste, elle s'est toujours vengée au prix fort.
Anthrax fait partie des tueurs, ces personnes qui ne ressentent pas le choc mental* quand elles tuent des humains, des monstres ou des animaux. C'est pour cela qu'on l'envoie souvent botter des culs, mais cela l'a aussi amenée à être recrutée de gré ou de force dans des conflits armés pas toujours reluisants.
Tout ceci fait d'Anthrax quelqu'un de très dur à cuire, mais sa maladie de la sévencre progressant, ses phases berzerk comme ses phrases de souffrance augmentent en intensité, et cela pourrait le rendre de plus en plus vulnérable.
* : le choc mental est un phénomène magique propre à Millevaux. Quand on n'est pas un « tueur » et qu'on tue un humain, un monstre ou un animal, on ressent un violent choc physique ou mental qui peut vous altérer ou incapacité à courte ou longue durée.
COPYRIGHT : L'image a été trouvée sur internet et trafiquée. Anthrax est un personnage que j'ai d'abord utilisé pour
Apocalypse World (livret Beauté Fatale), puis que j'ai utilisé en personnage principal pour mon projet de livre-aventure Millevaux
L'Auvergne de tous les dangers.
NOM : Trouvée, ou Vée.
GENRE : Féminin, elle.
ÂGE : La quarantaine
ESPÈCE : Humaine
SURNOM : Vée
ORIENTATION SEXUELLE : Bisexuelle.
LIEU(X) D'ATTACHE : Elle a vécu à Fougières et y retourne souvent
HANDICAP : Un horla partage sa conscience, elle n'est jamais sûre que ses pensées soient les siennes.
AUTRE : C'est une sorcière, elle manipule une magie nourrie par les souvenirs (les siens ou ceux des personnes à qui elle rend service).
MORPHOLOGIE : Pas très grande, fatiguée, plutôt chétive.
VISAGE : Des yeux pâles cachés derrière des grosses lunettes abîmées, les cheveux mi-longs bruns attachés serré, des rides qui commencent à marquer le temps qui passe.
STYLE VESTIMENTAIRE : Un pantalon cargo avec plein de poches, une vieille veste en faux cuir trop grande, très souvent une écharpe qui cache la ronce de son épaule.
SIGNES DISTINCTIFS : Les grosses lunettes, une ronce pousse au niveau de sa clavicule gauche.
Thèmes
QUÊTE : Trouver un remède à la corruption, qui ne lui coûte pas tous ses souvenirs
SYMBOLES : Magie (alimentée par les souvenirs) et Perte de contrôle/Corruption
Fléaux
Horlas : Trouvée a frôlé de trop près le monde des horlas, et en est revenue changée. Elle n'est pas toujours sûre que ses pensées soient réellement à elle.
Emprise : Elle garde une empreinte très visible de cette rencontre : une ronce pousse entre son épaule gauche et son cou. À sa base, une grande tache noire suit les racines.
Égrégore et Oubli : Sa magie est alimentée par les souvenirs, elle est donc encore plus frappée par l'oubli que la moyenne. Il y a quelques mois, elle a dû sacrifier presque toute sa mémoire pour repousser un horla.
Ruine : Elle a été relativement protégée de la ruine aux alentours de Fougières, où elle a ce qui se rapproche le plus d'une habitation permanente.
HISTOIRE
Je suis Trouvée. Il paraît qu'on m'a donné ce nom parce qu'on m'a retrouvée dans la Forêt aux Lions quand j'étais petite, mais en vrai personne ne s'en rappelle. Et moi encore moins que les autres.
Dans mon plus lointain souvenir, je suis malade, trempée de sueur et grelottante sous une couverture. Mon épaule gauche me fait terriblement mal. À mon chevet, Lou, la gardienne de la crypte de Fougières, s'est endormie sur une chaise. On est dans sa cabane, où je loge d'habitude quand je rejoins l'enclave. Je suis épuisée, et déchirée entre un sentiment d'accomplissement et une terreur sombre. Je me dis que tout va bien, qu'on va me laisser tranquille et m'expliquer ce qu'il s'est passé. C'était il y a six mois à peine.
Plus tard. Je suis dans la cathédrale de Fougières, face à la Reine, je me relève d'une courbette douloureuse pour mes articulations vieillissantes. Je suis encore un peu malade. La Reine a l'air sereine, quelque chose en moi me dit que c'est exceptionnel. Peut-être juste à cause des cernes qui alourdissent son visage. Elle semble me féliciter. Elle me dit que j'ai repoussé une grande menace, que ce n'est pas la première fois, que Fougières m'est reconnaissante. Elle m'appelle « ma petite ». Ses mots se perdent dans ma mémoire, deviennent une bouillie flou sans intérêt.
Plus tard, de retour à la cabane de Lou. Je sors un gros livre aux feuilles brunies par le temps et l'humidité, couvertes de mon écriture en pattes de mouche. Lou l'appelle toujours « le grimoire » pour plaisanter, mais elle sait aussi bien que moi qu'il n'a rien de magique. En feuilletant ses pages, au hasard, deux choses reviennent sans cesse. La ronce de mon épaule gauche, et la perte de mes souvenirs. Aussi loin que je remonte, je les ai mentionnées encore et encore, avec toujours la même question : pourquoi ? Comment sont-elles liées ? Ont-elles un lien entre elles, et avec ma capacité à protéger Fougières ?
COPYRIGHT : Avatar par Ana Esteves
L'histoire :
Anthrax :
C'était pendant la grande vague de psychose dont le vent mauvais à soufflé à travers toute la forêt sur des lieues à la ronde. Il faisait pas du tout bon vivre dans les enclaves à ce moment car tout le monde pétait les plombs.
Je me suis donc taillé de Mortefontaine avec mon épée-fusil sur l'épaule et une vieille pomme à croquer.
Le mois de Péril annonçait un printemps pas trop dégueu s'il y avait pas eu cet air rempli de trouble mental. Pour le moment, je tenais bon, mais si jamais je descendais en pic bas de sévencre, je savais que j'allais pas tarder non plus à déguster et à cauchemarder éveillée. J'ai donc cherché un refuge où je pourrais me mettre en PLS sans blesser personne ni moi-même et y'avait ces bureaux désaffectés bouffés par le cancer du béton et le lierre anarchique.
J'ai un peu zyeuté s'il y avait quelque chose à récupérer dans ces open space remplis de chardons mais comme c'était déjà la nuit brune j'y ai vite rien vu et je ne voulais pas allumer de feu pour me faire repérer par un maraudeur random.
Je sais qu'il y a les expiatistes qui arpentent le bois. Des cinglés qui pense que l'humanité doit se suicider pour son salut éternel, et bien entendu comme personne ne veut les suivre dans leur délire, ils trucident tout le monde pour précipiter l'heure du ravissement. Non pas que leur défoncer la gueule me déplaise, mais ce soir je voulais pioncer et gérer tant bien que mal ma probable crise de psychose, alors j'avais pas envie qu'ils me tombent sur le paletot.
Orpaille s'est serré contre moi pour trouver un chaleur. Peut-être aurait-elle voulu davantage mais ce soir-là je voulais pas prendre de risque de dévisser en plein acte, alors ça a été juste un câlin et ensuite elle s'est endormie. Ma belle et naïve chercheuse d'or.
030_Rita Willaert & piphotos, cc-by-nc
Trouvée :
Je descends une par une les monstrueuses marches en pierre de l'amphithéâtre, m'aidant des branches des arbres qui ont éclaté les dalles pour pousser à travers. Un regard en arrière pour vérifier que personne ne m'a suivie, puis je descends la dernière marche en soufflant bruyamment. Mes poumons me brûlent, mais la boule d'angoisse qui m'étrangle accapare plus encore mon attention.
Pourquoi est-ce que j'ai promis d'aider ? L'état de la Reine n'a jamais été aussi catastrophique, son esprit semble s'être complètement perdu, on a dû l'enfermer. Qu'est-ce que ça a à voir avec moi ? Qu'est-ce que je fous là ?
Mais alors que je peste, réticente, mes pieds m'ont déjà menée jusqu'à derrière l'estrade de pierre au centre de l'amphithéâtre. Je ferme les yeux un instant, refoulant loin les images cauchemardesques -
Une forêt étouffante de poteaux électriques qui tissent un réseau sans fin de câbles, où des coucous mécaniques piaillent à chaque croisement, intimant leurs parents forcés de les nourrir des âmes des horloges défuntes. La puanteur de plumes mouillées et de bois en putréfaction, la noirceur d'une nuit malveillante où même les étoiles sont obscurcies par la nasse câbleuse - Je reviens à moi.
Pourquoi est-ce que je me rappelle de ça mais pas des choses plus importantes ? Et pourquoi je décide malgré tout de retourner là où cette vision (ou bien pire) risque de devenir réalité ? Et si je ne revenais pas ?
Je prends une grande inspiration, face aux marches montant depuis l'arrière-scène sur l'estrade, et j'ouvre mon esprit. Triturant un vieux briquet vide au fond de ma poche pour tromper la panique, j'avance.
Le silence de la traversée me fait perdre l'équilibre. Je me penche sur le côté et vomis une douloureuse gorgée de bile dans le néant entre les mondes. Quand je me relève, les larmes aux yeux, je suis de l'autre côté.
Anthrax :
Mass V, par Amenra, post-hardcore incantatoire scandé en l'honneur du Dieu-Corbeau.
Je pourrais aller dans les forêts limbiques pour me réfugier des Expiatistes. Je sais que je pourrais y retrouver,
Mahr, ce vieux grours est un ancien compagnon d'armes qui se planque d'autres menaces. Mais je sais aussi qu'il y a d'autres saloperies dans les forêts limbiques, donc on va éviter.
La nuit s'étire comme une graisse visqueuse. Je tremble de froid et pourtant je transpire à grosses gouttes. J'étreins mon épée-fusil compulsivement. Orpaille me regarde avec inquiétude. Elle sait que je suis en descente de sévencre. Je regarde mes mains. Elles sont parcourues de veines noires. Je devine qu'il doit aussi y en avoir sur mon front et mes tempes, et que mes yeux sont atteints de cette conjonctivite noire que je déteste.
Je les vois sortir de terre.
Les morts. Toutes les personnes que j'ai tuées.
La plupart du temps c'étaient des bâtards qui n'ont eu que ce qu'ils méritaient.
Orpaille n'a pas l'air de les voir et ce n'est pas eux qui lui font peur, mais moi.
Pourtant, elle m'étreint du mieux qu'elle peut, elle me console.
Je déteste ces moments où je suis à la fois vulnérable et où je représente un danger pour les personnes que j'aime.
« Prends l'épée-fusil, Orpaille. Je voudrais pas te prendre pour un zombie »
Elle doit me ligoter à un arbre le temps que ma crise de démence passe.
Cette nuit, c'est elle qui va devoir monter la garde et faire nuit blanche.
Demain matin, elle aura oublié un souvenir important, à cause de la fatigue, à cause de moi.
Il faudrait aller à
Fougières. Y quérir
Trouvée, la sorcière. Elle pourrait me guérir. La psychose est passagère du moment qu'on s'éloigne de Mortefontaine, mais la sévencre demeure. Elle est dans mes veines depuis aussi longtemps que je me souvienne, me faisant passer entre des phases de faiblesse et de force extrême qui me sont toutes les deux insupportables juste parce que ce n'est pas moi.
Je demande à Orpaille de tirer sur les zombies, selon mes instructions.
« Il n'y a rien... Rien que des feux-follets, me répond-t-elle.
- Alors, tire sur les feux-follets ! »
Elle proteste encore, mais j'insiste tellement, je hurle à m'en faire éclater les veines sur mon visage, qu'elle obtempère, et gaspille ce qu'il nous reste de munitions à tirer sur des feux-follets.
Au petit matin, une personne se présente à notre bivouac.
019_Sophus Tromholt, cc-by-sa & Pulpolux !!!, cc-by-nc
« J'ai entendu les coups de feu. Dites-vous bien d'ailleurs que tout le monde à des lieues à la ronde les a entendus.
- Nous chassions les feux follets, je réponds, exsangue. »
Orpaille s'est écroulé de sommeil sur un des bureaux vermoulus et criblés de chardons.
« Tout est lié, dit la femme, et voici mon histoire. Je m'appelle Coralixte et je suis un peu oiseau.
- Tout est lié, je réponds, je suis Anthrax et mon histoire c'est que je viens de mettre tout le monde dans la merde. Comme vous le dites, les expiatistes ont sûrement entendu les coups de feu, et je mettrais ma main à couper qu'ils sont en train de rappliquer fissa. »
« Voici de quoi vous aider à les fuir. »
Elle me tend une angeline, c'est-à-dire un vêtement de laine pour enfant mort-né.
Repartez tant qu'il fait encore un peu nuit. Dès que vous voyez les feux-follets, étreignez l'angeline en pensant à eux.
« Mais, et vous ? »
- Ne vous inquiétez pas, fait-elle avec un sourire hiératique. J'ai des ailes »
Je ne pose pas trop de question.
Je lui dis au revoir, je prends Orpaille sur mon épaule. Elle est légère du souvenir qu'elle a perdu à cause de sa veille. Je prends mon épée fusil de l'autre main, et on part dans la bouillasse du marais.
Quand je vois les feux-follets émerger de la fange comme des grosses bulles de gaz, j'étreins l'angeline.
C'est ainsi que nous passons dans cette partie des forêts limbiques qu'on appelle
la forêt des morts.
Anro, par Sachiko, de la musique tribale ritualiste pour un trip chamanique qui commence mal et qui finit complètement de travers.
Nous progressons dans une forêt cataclysmique garnie de piliers effondrés et amollis par la moisissure.
Un air de soufre plane et nous étouffe.
Je vais un peu mieux et j'ai repris l'épée-fusil. Les goules qui hantent ces lieux maudits n'ont qu'à bien se tenir.
Je sais que nous sommes dans l'antique forêt des morts.
Un parfum de cèdre brûlé et d'encens rance nous agresse.
C'est alors qu'elle surgit comme de nulle part, montée d'un puits, descendue d'un arbre, sortie d'un buisson, je ne le sais.
zoriah, cc-by-nc
Je la reconnais. Sylpheline. Elle est encore belle malgré les ravages qu'elle a subis.
Mais je sais qu'elle est morte.
Et tatoué sur son front, elle porte la marque de son péché : l'ingratitude.
Trouvée :
Je regarde lentement autour de moi et n'aperçois d'abord que de la nuit. L'odeur de ma peur, de mes larmes et de ma gerbe font mine de me faire tourner la tête, alors que c'est mon seul repère, la seule preuve que je suis en vie et pas perdue dans les limbes.
Je veux avancer d'un pas dans l'obscurité totale mais je bute contre de l'écorce. Je tâte autour de moi avec mes mains tremblantes, et suis obligée de me rendre à l'évidence : je suis enfermée dans un arbre, cercueil d'écorce hermétique large comme un gros tonneau et plus grand que ce que je peux atteindre en levant les bras. Ma respiration s'accélère, mes jambes tremblent, je me vois mourir de faim et de soif, lentement, dans cette prison. Le monde tourne, je m'appuie sur le mur d'écorce pour ne pas tomber.
Puis une vague de confiance étrangère m'envahit d'un coup et me dévore de l'intérieur. Je sens ma paume chauffer, brûler, s'enflammer. Je m'évanouis dans l'odeur de chair brûlée.
Quand je reviens à moi, je suis faible, allongée à terre, trempée de sueur, le bout de mes vêtements roussis par le feu. Je regarde lentement autour de moi. L'air est encore vibrant de chaleur, je suis allongée sur de la roche noire de suie, dans une espèce de grotte, et des cadavres calcinés d'arbres m'entourent. Mes paumes sont brûlées, je ne sens plus rien. Je me remets lentement debout en m'appuyant sur les coudes pour ne pas me servir de mes mains, encore tremblante de la perte de connaissance et d'un souvenir (lequel ? comment savoir ?)
L'odeur de suie et la chaleur m'étouffent, alors je me dirige lentement vers l'ouverture de la grotte. De l'autre côté, je vois la mort. Je vois les goules. Des souvenirs qui ne sont pas les miens viennent inonder ma conscience, des souvenirs de lutte de souffrance de massacre et de meurtres. Des souvenirs de spectres hantant les lieux, de cadavres s'entredéchirant pour l'éternité, coincés dans cette forêt maudite. Je n'y tiens plus. Je hurle de terreur. Des bruissements inhumains dans les alentours répondent à mon cri. On m'a entendue. Dans un dernier sursaut de raison, je cours de toutes mes forces sans but, entre les arbres à demi calcinés et la moisissure rampante.
Anthrax :
« Sylphelyne, que fais-tu là ?
- Et toi, que fais-tu là ? Je me doutais bien que tu avais une place en enfer, mais pas que ton heure était venue. Et qui est... cette fille ?
- Ah, Ah. Je ne me rappelle pas de tout concernant notre relation, Sylpheline, mais quand même je te reconnais bien là. C'est Orpaille, et c'est une de mes amoureuses. Je n'ai jamais été dans l'exclusivité, tu devrais t'en rappeler.
- Si tu es venue pour te moquer...
- Non. Non. Je suis juste de passage. Mais tu n'as pas l'air d'aller bien.
- Non, non. Il s'est passé... beaucoup de choses. Et les morts d'ici ne m'acceptent pas comme une des leurs. Ils me persécutent. Seulement, je n'ai nulle part ailleurs où aller.
- Il faut qu'on bivouaque. On est crevés. Mais on reparlera de tout ça, promis. »
Cette nuit, alors que la lune brûle d'un feu ardent dans le ciel embranché de la forêt des morts, je délaisse Orpaille pour une fois et je vais rejoindre Sylpheline. Je sais qu'elle a besoin de réconfort. Et moi, j'ai toujours la force de donner. Même si Sylpheline n'avait pas été reconnaissante à une époque. Une époque révolue.
Après ce moment d'intimité, la nuit n'est pas tranquille. Il y a beaucoup de morts en vadrouille, et certains sont dangereux. Je n'ai plus de munitions, mais je pense que les détonations en auraient attiré d'autres. On n'a cependant pas non plus besoin d'en arriver au corps-à-corps. Je crois que les goules nous jaugent, et que cette trêve sera de courte durée.
Au matin, je réalise que je me suis écroulée de sommeil, quand un profond hurlement m'en tire.
Nous découvrons une (femme ?) (créature ?) aux paumes brûlées et fumantes. Elle court vers nous.
J'ai un instant le réflexe de poser le doigt sur la gâchette de mon fusil. Flûte, c'est vrai.
Je réassure la paume sur la garde de mon épée. Il reste toujours le corps-à-corps si ça tourne mal. Donnons-lui juste une *petit chance*.
Trouvée :
Mes poumons sont prêts à exploser, ma vue est brouillée par la peur et l'épuisement, j'en oublie presque la douleur dans mes mains brûlées. Je sais que c'est dans cet état qu'il m'arrive des choses étranges, que je commence à voir les réalités cachées derrière le monde. Ici je vois la forêt, presque réelle même si je sais bien qu'elle ne l'est pas vraiment, mais j'aperçois les silhouettes de spectres furetant entre les arbres, clignotant parfois de branche en branche, s'éloignant à peine à mon approche.
Puis mes jambes s'arrêtent. Épuisée, j'arrive tout juste à rester debout alors que ma tête tourne et que ma gorge brûlante peine à aspirer l'air assez vite. J'attends que les fourmillements dans mon champ de vision disparaissent, mais les spectres demeurent, discrets, rapides.
Quand je regarde autour de moi, je réalise que je suis observée. Trois silhouettes, un peu plus loin, entourées de spectres curieux. L'une d'entre elles me paraît un peu spectrale également, mais les deux autres sont bien réelles, au moins autant que moi. J'ai toujours la tête qui tourne, et ma vision se trouble encore un peu plus, les spectres brillent plus fort et je vois une silhouette enfler, prendre des proportions immenses. Alors qu'elle prend en main ce qui est clairement une arme, je comprends que ce qui déborde autant, ce qui la fait paraître si grande et terrifiante, c'est sa colère.
Tétanisée, je fais l'effort colossal de lentement lever mes mains cramées pour signifier mes intentions pacifistes. Et malgré tout, la curiosité me gagne.
« Qu'est-ce que vous faites ici ? »
Anthrax :
Tristan Perish : Surface Plane, par Vicky Show : du piano minimaliste et funambule, comme une araignée sur la rosée.
« On a voulu échapper aux Expiatistes, répondis-je. Mais je crois qu'on a atterri dans l'enfer où ils voulaient nous amener. »
J'essaie de jauger l'inconnue du mieux que je peux. Elle n'a pas l'air agressive, mais pourrait bien avoir des pouvoirs dévastateurs.
Je remets mon épée-fusil au côté pour le moment.
« Vous connaissez une façon de sortir de la forêt des morts ? »
Sylpheline se permet de répondre à la place de Trouvée :
« Je peux vous conduire à la forêt des horlas. C'est le seul passage que je connaisse si vous ne voulez pas retomber sur vos pourchassants.
- Et toi, tu vas rester là ?
- Tu doutes que je n'ai pas le choix...
- Tu aurais voulu repartir avec nous ?
- J'aurais voulu repartir avec toi.
- Tu sais, tu as eu ta chance. Je t'ai donné autant que je pouvais te donner. Mais on aurait dit à l'époque que ça ne comptait pas tant que ça. Quant il a fallu que tu choisisses un otage de ta communauté à livrer aux assiégeurs, c'est moi que tu as désignée. »
Le visage de Sylpheline s'agrandit d'un coup, frappé sur le coup de la révélation.
« Alors c'est ça... Mon péché...
- Oui, tu ne peux pas le voir car il n'y a pas de miroir dans la forêt des morts. Mais c'est bien le mot « ingratitude » qui est marqué sur ton front.
- Pardonne-moi, pardonne-moi... Je t'aimais tant et je n'avais pas l'impression que tu m'aimais.
- Je te l'ai déjà dit, je n'ai jamais été exclusif. Te posséder pour moi seule et ne me livrer à personne, cela n'aurait pas été de l'amour. »
Des larmes coulent sur les joues de la morte, dans les rainures de ses balafres.
« Et si...
Et si on tentait le coup quand même ?
Allons-y, tentons de forcer le barrage qui empêche les morts de quitter les Enfers. Sois mon Orphée, je serai ton Eurydice.
- Si tu acceptes que je ne sois jamais l'Orphée d'une seule personne. »
Orpaille me prend la main.
Sylpheline comprend et me sourit douloureusement. Puis elle me prend la main, et désigne les sentes tortueuses qui remontent jusqu'à la forêt des horlas, au-delà du domaine des morts. Signe qu'elle accepte mon marché.
Orpaille sourit à son tour. Ma lumière.
Je m'adresse à Trouvée :
« Et vous ? Avez-vous envie de moisir ici où voulez-vous tenter l'aventure avec nous dans
la forêt des horlas ? »
Trouvée :
Je fais des efforts colossaux pour voir au-delà de la silhouette d'ange de colère qui englobe mon interlocutrice, tant que je peux encore. Son offre est intéressante, et quelque chose en moi me souffle que c'est peut-être là-bas que j'aurais enfin des réponses aux questions qui me taraudent. Je sens ma ronce me picoter la peau, mais refuse ce mauvais pressentiment.
Je hoche la tête, et emboîte le pas aux autres.
Je perds toute notion du temps qu'on passe à suivre les chemins sinuant entre les arbres. Seule la disparition progressive des spectres qui nous entourent me montre qu'on avance effectivement, qu'on ne tourne pas juste en rond. Cela fait longtemps que la douleur dans mes genoux est devenue constante quand on aperçoit la première tour en ruine.
Elle est couverte d'inscriptions indéchiffrables, marquées à la cendre sur la moindre pierre tenant encore debout. Les arbres et les ronces se tiennent étrangement à distance respectueuse, laissant visibles les amoncellements de pierres et de mortier jonchant le sol autour de la construction. L'air est vibrant d'un silence solennel, teinté d'une magie oubliée dans les profondeurs du temps. De grandes choses ont eu lieu ici, j'en ai la certitude, bien avant la première rencontre entre un humain et un horla.
Soudain, sans pour autant comprendre les glyphes de cendre, j'ai la certitude que ce sont des souvenirs qui sont inscrits, les souvenirs de vie qui ont été détruites en même temps que cette tour. Je m'approche lentement, enjambe les gravats pour arriver tout au pied du mur légèrement incurvé. Je lève ma main à la paume brûlée et la plaque contre les pierres froides et rêches.
Anthrax :
The Sachem’s Tale par Dzö-nga, du folk black metal inspiré du folklore amerindien (tribu des algonquins) alternant chant féminin éthéré et hurlé : la fragilité et la sauvagerie de la nature en plein conflit.
Les doigts de Trouvée s'enfoncent dans les anfractuosités des pierres de la tour. Elles parcourent les voussures tordues qui courent de brique en brique, dessinant de vastes motifs comme les griffures d'une bête colossale commises à l'aube de sa naissance.
La langue putride.
La langue primordiale.
La langue qu'instinctivement savent parler et déchiffrer tout animal, tout horla, tout sorcier.
Et Trouvée, instinctivement aussi, reçoit l'histoire contée par la fresque.
Non pas comme lue. Mais comme violemment téléchargée dans son esprit et sans son consentement.
L'aube des temps.
Shub-Niggurath, la bête noire aux mille chevreaux.
Ses cris, ses vagissements inscrits dans les plaies de la pierre comme autant de marques primales.
Comme si l'incommensurable passé de son apparition était plus réel que notre présent.
Comme si la préhistoire originelle était plus concrète que cet instant.
Comme si les forêts limbiques avaient plus de réalité que notre Terre matérielle.
Nous mettons du temps à nous remettre des révélations hurlées par Trouvée, et nous mettons du temps à la réconforter un peu.
Nous devons avancer, même si ces forêts ne sont peut-être pas moins hostile que la forêt des morts.
Comme si ces tours n'étaient que des guets, un avertissement.
Il nous faut pourtant passer au-delà.
Et c'est ainsi que nous nous enfonçons dans ce qui est le début de la forêt des horlas. À travers une friche d'éternité.
Et c'est alors qu'ils retentissent au-delà de notre champ de vision.
Les hurlements de nourrissons.
Trouvée :
(Musique :
A Solitary Reign - Amenra)
Merde, comme si j'avais besoin de tout ce bruit de mémoire dans ma caboche percée. J'ai la gorge en feu, les mains engourdies, la tête prête à exploser, et le monde tangue, tourne sans faire mine de s'arrêter.
Malgré tout. C'est donc de là que tout vient. Notre monde, notre peine, notre peur, notre haine. Je n'arrive pas à décider si le fait de connaître l'origine de ce monde me rassure, rationnellement, ou me donne le vertige.
Et puis je reprends doucement mon souffle, et regarde autour de moi, entre les branches qui dansent la farandole du haut des troncs millénaires. Je vois aussi mes camarades d'infortune, sonnées par mes cris, qui s'approchent doucement pour m'éloigner de la tour, me guider sur le chemin.
Ensemble, nous avançons. Nos pas irréguliers et fatigués martèlent le sol boueux pendant que mon cerveau dilue, filtre, fait macérer toutes les informations encombrantes et corrompues qu'on vient de m'injecter.
Quand mes oreilles sifflantes captent un son. Un bruit humain, dans ce monde irréel. Un bébé, ici ?
On s'approche, lentement. Je reste en retrait.
Au milieu du chemin, un couffin de roseau, d'où émerge un concert de hurlements. Désagréables, tentant de percer mes tympans endoloris, mais humains. Un bruissement me fait lever les yeux.
Des dizaines et des dizaines de corbeaux sont perchés sur les branches alentours, faisant pencher la forêt vers la sente que nous suivons.
Et un unique corbeau, au pelage luisant et englué, perché sur le bord du couffin. Observant notre approche avec son regard intelligent, comme nous défiant d'avancer.
Anthrax :
« C'est juste un enfant Corax. Ils sont comme nous. Ils sont libres »
Nous continuons notre pérégrination à travers les landes désolées qui composent le domaine des horlas.
Je suis en descente de sévencre. C'est la misère totale. Maintenant, c'est moi qui suis à la traîne et qu'il faut tirer histoire qu'on trouve un refuge décent avant la glauque clarté qui fait ici office de nuit.
Et nous arrivons devant un arbre mort. Une personne est enfermée dans le tronc.
Elle arrive juste à passer la main. Longue, maigre, sale, les ongles noirs.
« Par pitié, libérez-moi de cette prison... »
D'instinct, je braque le prisonnier avec mon épée-fusil (bon, OK, j'ai plus de munitions, donc c'est que de la gueule).
« 'Faut se méfier, que je crache entre mes dents. C'était peut-être un horla, ou même le diable. »
« Si vous me libérez... Je vous dirai quelque chose que vous devez absolument savoir. »
Je regarde les autres. Je suis trop stunned pour prendre une décision par moi-même. Mais si quelqu'un me dit de découper l'arbre à l'épée pour le sortir de là, je le ferai.
Trouvée :
Le chemin est long, pour tout le monde. Sylpheline est la seule a avoir l'air de vaguement savoir où elle se trouve, où elle nous emmène. Je serre les dents. Depuis quand est-ce que je me fie aussi facilement aux inconnues ?
Mais tout est différent ici, dans cet autre monde où ne se déplacent que des fantômes et des gens en passe de le devenir. Et tout est différent, maintenant, depuis que j'ai perdu toute ma mémoire, que j'ai dû accepter que tant de gens me connaissaient alors que pour moi elles n'étaient que des inconnues.
Le chemin est long, surtout pour la femme au fusil, celle qui gueule plus fort que les autres, mais qui là, maintenant, traîne les pieds en ayant l'air complètement perdue. J'ai un pincement au cœur en me rappelant mon dernier passage dans ces forêts irréelles, et l'état dans lequel j'avais fini. J'aurais aimé avoir quelqu'un à mes côtés, à ces moments, alors j'aide Orpaille à guider son amie, la pousser vers l'avant.
La nuit commence à tomber, je vois des formes sombres danser au bord de ma vision et mon corps est épuisé d'avoir tout ce temps tiré ma carcasse et une partie du poids de celle d'Anthrax, quand soudain un gémissement plaintif nous ramène d'un coup au présent.
Avant que j'aie le temps de réagir, Anthrax est déjà en posture de combat, prête à tirer sur cette pauvre forme à peine humaine bouffée par un arbre.
« Faut se méfier » qu'elle dit. Et je suis plutôt d'accord, mais je vois ses deux compagnes essayer de la calmer, l'empêcher de commettre l'irréparable.
Voyant une impasse arriver, je me rapproche lentement du tronc, faisant signe à la femme au fusil de ne pas me tirer dessus, que je gère.
Comme si je gérai quoique ce soit dans cet enfer étranger. Disons que j'ai besoin d'en savoir plus. Alors je regarde dans le trou du tronc, j'essaie de voir qui ou quoi s'y cache.
Le regard qui me répond n'est pas humain. Quand mes yeux croisent les orbites noires et luisantes qui observent depuis le fond du tronc, je sens un frisson me traverser de part en part. Et aussitôt, je n'ai qu'une envie, détruire cette abomination qui voulait nous tromper, brûler sa cachette et son âme en même temps.
Je sens cette force étrange monter en moi, mais mes paumes brûlées m'arrachent un hurlement de douleur quand la magie fait mine de sortir de moi. Alors je m'éloigne à toute vitesse du tronc.
« Merde merde merde »
J'arrive à nouveau au niveau d'Anthrax, son regard dur toujours braqué sur le tronc, une goutte de sueur perle à son front. La peur ne m'a pas quittée, je veux toujours à tout prix détruire le monstre. Je prends une grande inspiration en frottant mes mains l'une contre l'autre. Puis j'essaie d'avoir une voix calme qui ne laisse pas transparaître ma terreur.
« Bute-le. Il ne nous apportera rien. »
Anthrax :
Je suis à bout de force.
Mais j'ai comme une intuition. Que l'inconnue peut nous aider, d'une façon ou d'une autre. J'ai comme une sensation de déjà-vu la concernant et je vais devoir creuser ça.
Je me penche vers le tronc. Je vois les yeux noirs qui me fixent. Ils ne sont ni inquiétants ni implorants. Juste incapables de rendre une expression. D'une certain façon, cela m'arrange.
Je plante l'épée fusil dans le creux du tronc. Je plante à maintes reprises pour être sûr d'avoir bien fait le boulot.
Quand je ressors enfin mon âme, elle est noire d'hémolymphe, d'un sang qui n'est pas humain. Mais est-il pour autant sang de monstre ? Je n'approfondirai pas la réponse.
J'ai juste besoin de me reposer. J'ai besoin de soin et d'attention.
Sylpheline et Orpaille me portent sur les épaules.
Nous repartons.
Le chemin est encore long.
Car il n'a pas de fin.
[FIN DU ROLEPLAY D'ANTHRAX]
Anthrax :
[TWIST POST-FIN]
Il y a cette chose que les autres n'ont pas besoin de savoir.
Quand j'ai tué la personne dans l'arbre, je n'ai pas ressenti de choc mental. Non. Je suis un tueur après tout. C'est dans ma nature de ne pas le ressenti, quel que soit le niveau de compassion pour ma cible.
Par contre, je ne peux pas échapper à la deuxième chose qui se produit quand on tue quelqu'un.
Le souvenir.
J'ai eu cet écho de la mémoire de la prisonnière du tronc.
Et oui, si c'est bien un horla, ce n'était pas une mauvaise personne. Elle a juste été emprisonnée par un fanatique ennemi des horlas.
La victime, c'était elle.
Et je l'ai tuée parce qu'elle n'avait pas un aspect humaine, parce que nous ne méfions d'elle et que nous voulions pas prendre de risques.
Mais ça, les autres n'ont pas besoin de le savoir.
Faire le sale boulot, c'est aussi mon rôle. Mon rôle de protecteur. Mon rôle d'amante. Mon rôle d'adelphe.
[VRAI FIN DU ROLEPLAY D'ANTHRAX]