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Le club des policiers yiddish
Michael CHABON
Sitka, ville de l’île Baranof, en Alaska, en zone indienne, a été le point d’accueil des juifs qui ont fuit l’Europe à la fin de la deuxième guerre mondiale, lorsque leur tentative de créer un état en Israël a échoué. Les Etats-Unis ont alors accepté de leur fournir, sous la forme de concession, cette zone géographique loin de tout et, finalement, assez inhospitalière, même si elle l’est tout de même moins que les pays d’Europe quelques temps auparavant. Nous sommes à deux mois de la rétrocession. Les habitants doivent quitter le territoire mais une grande partie ignore même où aller. Une partie importante, sauf les Verbovers, les rabbins truands qui dominent la pègre de l’île, en dehors des maffieux russes. Meyer Landsman, ex époux de l’inspectrice principale de Sitka et cousin de son coéquipier, Berko Shemets, cuve sa dépression dans un hôtel miteux lorsqu’il est appelé par le gérant qui a découvert un cadavre dans une chambre. Le junkie, qui a reçu une balle dans la tête, portait le nom d’un joueur d’échec célèbre et a laissé, comme tout élément, une partie étrange en cours. Cette affaire replonge Landsman dans son passé, son père et son oncle étant de fameux joueurs du club local, le Einstein Club, de quoi refuser encore, pendant quelques temps, de penser à l’après rétrocession…
Pour commencer, c’est un roman ardu. Ardu de par son style, l’auteur pratiquant visiblement couramment le yiddish, ce qui n’est pas mon cas. J’ai donc, pendant la première moitié du roman, passé mon temps à osciller entre la lecture du roman et le dictionnaire à la fin de l’ouvrage, découvrant, parfois, que tel élément n’est pas du yiddish ou est si courant qu’il n’est pas nécessaire de le citer dans un lexique.
Cette difficulté s’ajoute à une autre : c’est une uchronie. Mais là où la majeure partie des uchronies prennent le temps d’expliquer le pourquoi du comment, les conséquences éventuelles de la modification historique sur la réalité des personnages, elle est ici totalement secondaire. Elle se place à la fois au premier plan (que viendraient faire autant de Yids dans l’Alaska si Israël existe ?) mais surtout au second plan (les conséquences que cela peut avoir, la grande place prise par les ashkénazes, le yiddish comme langue courante…). Les explications sont données au détour d’un développement (les sionistes se sont fait rejeter, hop, on passe à autre chose).
Bref, tout cela pour dire que la première moitié du livre m’a été difficile, surtout que l’auteur est avare en développement sur les points annexes de son roman. J’ai eu l’impression qu’il était indispensable de bien connaitre ce coin de l’Alaska pour réellement comprendre le livre, l’auteur ne prenant aucunement le temps de poser les explications nécessaires, si ce n’est pour mettre en avant les éléments essentiels de son livre : une implantation réelle mais inachevée, incertaine, chaotique.
Alors, qu’en penser ? Du bien, quand même. C’est, avant tout, un livre policier uchronique avant d’être un livre uchronique sur une enquête policière. Comme nous sommes dans une ucrhonie, nous pouvons monter le cran d’incrédulité ou des menaces potentielles, hors du temps et, en même temps, dans l’air du temps puisque j’ai croisé des idées/pistes/motivations dans deux autres livres. Mais surtout, il y a un certain humour noir dans le discours. Fin, mais présent, comme le style de l’auteur. Ce n’est pas un écrivain de science-fiction et cela se sent. Cela rend même le tout encore plus intéressant, car il n’écrit pas comme on peut en avoir l’habitude.
Si vous n’avez pas peur d’un livre exigent, au commencement et qui s'éloigne de la vision classique de la SF, vous pouvez y aller.