L'exaltation sur le fil du rasoir (2/3)
Quand on fait face à un gros problème de MJ, on peut être tenté par des solutions jusqu’au-boutistes. C’est ce qui peut arriver avec les cartes d’exaltation d’Oltréé, notamment lorsque l’on considère que nos joueurs ont bien trop de chance, trop de cartes, trop de puissance
Et c’est dommage, parce qu’en voulant limiter le nombre de cartes, on va logiquement hésiter à en donner pour récompenser les joueurs (1).
Une des premières solutions est de chercher à limiter l’accès aux effets majeurs de certaines cartes, comme a pu le proposer Saladdin quelques mois après la sortie du jeu. Une autre pourrait être de limiter le nombre de cartes de départ, comme tu le proposes Zeben. Ou encore de renouveler les cartes en ajoutant des nouveautés, pour diversifier les possibilités et éviter les répétitions, ou/et pour amoindrir les effets spécifiques.
Mais avant de faire chauffer sa laser, sa plastifieuse, et son coupe-papier à levier, on peut déjà observer ses fameuses cartes. Comme on pourra le voir, certaines cartes les plus puissantes ont justes besoin d’être interprétées autrement.
CONSEILS ENTRE MJ
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Le premier est simple : si ce n'est déjà fait, tant pis pour les spoilers, lisez toutes les cartes tranquillement en dehors de la partie. Vous verrez que la plupart sont sympas mais limitées : 70% sont temporaires ou mineures. Au point de faire passer une explosion de dés pour un cataclysme. 10% sont là pour faire mumuse avec la pioche ou la main de cartes. Et enfin seules les 20% restantes sont permanentes et demandent toute votre attention. Au final, une seule est vraiment balaise puisqu'elle permettra de gagner deux niveaux d'un coup à la fin d'un objectif. Mais un gros, un où tout le monde en a bavé.
• Le second conseil est radical :
vous ne devez pas permettre aux joueurs d'insérer une ruine dans votre bac à sable à l'aide des cartes de patrouille. Ils peuvent décrire des décombres si ça leur chante, mais vous devez toujours garder la main sur ce qu’est exactement chaque champ de gravats :
- "non, ta bâtisse délabrée n'est pas une ruine" :
Dans Oltréé une ruine est un lieu spécifique recelant dangers et trésors (2). Il ne faut pas qu'un joueur puisse systématiquement en caser une dès qu'il en a besoin pour jouer sa carte "Tiens, ya un truc qui traîne par là" (3). Pourquoi ? Non seulement car elle peut être totalement à côté de la plaque ("et hop, encore une ruine antédiluvienne accolée secrètement à une cité..."), mais surtout parce que si vous laissez les joueurs placer une ruine dès que ça leur chante, une carte comme "Jadis des hommes vivaient ici" perd tout son intérêt (4).
De cette façon, en limitant le nombre de ruines à celles que vous avez prévues lors de la création de votre bac à sable, vous limitez l’utilisation de certaines cartes, et ce sans avoir besoin d’en tenir le compte.
- "non cette tour écroulée n'est pas celle d'un fortin comme tu le prétendais" :
Quand un de vos joueurs prévoit de jouer la carte "Partout les patrouilleurs ont laissé les marques de leur longue et douloureuse histoire"(5), vous n’êtes nullement obligé d’accepter sa « proposition ». Sinon vous allez vous retrouver avec une ruine de fortin minimum par séance, et un nombre tout aussi conséquent de rangs de métier supplémentaires. Placez deux ou trois ruines de fortin maximum dans votre satrapie, et abstenez-vous d'en accepter de nouvelles : aux patrouilleurs de se démerder pour les trouver.
Franchement, s'ils font leurs vierges effarouchées devant votre oui-mais, placez au milieu de chaque ruine de fortin qu’ils vous décrivent une horde de nécromants lubriques, une fratrie de monstres mulaphiles, ou pire, un dragon vénérable avec une rage de dents. Au pire, ils auront mérité leur rang supplémentaire.
- non, rien ne vous oblige à suivre les deux points au dessus systématiquement : si vous voulez vous lâcher, récompenser vos joueurs qui se sont donné à fond et qui en ont bavé à mort, lâchez leur un fortin délabré. Si vous voulez un peu d'action, et qu'une ruine non prévue tombe à point nommé, surtout faites vous plaisir. Mais faites le parce que vous l'avez décidé, pas parce que c'est suggéré sur un bout de carton.
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Ne donnez rien gratuitement : le prochain qui veut un rang de métier via un Maître (6) va devoir cracher au bassinet d’une manière ou d’une autre (7). Oui, vous respectez l’effet de la carte ("(...)
vous parvenez à le convaincre (...)"), mais pas question de prendre un cador pour un benêt. L’ardoise doit être salée à tel point que les suivants se poseront sérieusement la question avant de rejouer à nouveau la carte.
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Défaussez les cartes d’exaltation jusqu’à la fin de l’objectif : cette petite
house rule comporte plusieurs avantages. En premier lieu elle permet d’éviter les répétitions d’effet au cours d’une ou deux séances, le temps que l’épisode se termine. Ensuite elle vous permet éventuellement de durcir les conditions (voir ci-dessous). De plus si les joueurs savent que la pioche est limitée, ils feront beaucoup plus attention, ne dépensant plus leurs cartes à tort et à travers.
Et si jamais ils se plaignent en attendant le paquet de cartes additionnelles, répondez leur que ça leur fait 13 cartes chacun à 4, 10 à 5, ou 9 à 6 joueurs pour mener à bien un objectif. Largement de quoi renouveler leur main une fois. Seul un groupe de 6 pèlerins aura du mal à placer ses 12 persécutions avant l'épuisement de la pioche
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Durcissez les conditions : Vous trouvez qu'une carte revient trop souvent ? Qu'elle est trop facile à utiliser ? Que son effet devient répétitif ? Alors changez ses conditions. Il suffit d'ajouter une condition au crayon de papier (ou sur un bout de feuille si vous utilisez des protège-cartes), et il n'y paraîtra plus. Par exemple
[DV4+] après qu'une carte ait été jouée, et l'effet majeur de la carte ne fonctionnera plus pendant plusieurs séances, le temps que l’un des patrouilleurs soit parvenu à ce niveau. Puis changez le en
[DV8+], voir
[DV16+] pour renvoyer l’effet majeur aux calendes grecques.
D’autres idées de conditions ? Déjà, vous pouvez également exiger un score minimum dans une vocation, par exemple
[Soldat 3+] ou
[Erudit 5+]. Puis augmenter à nouveau le minimum.
Mais vous pouvez également en cumuler plusieurs, en liant telle carte à telle
[origine] + telle
[motivation] (ce qui revient à réserver la carte à un seul joueur la plupart du temps).
Puis vous pouvez également utiliser d’autres conditions, comme un
[métier], voir d’un certain rang :
[métier 4+]. Et là la tentation de créer des coups spéciaux est grande...
Enfin, il est possible de lier de nouvelles cartes à un
[rôle] de la patrouille pour varier les plaisirs (8), à un
[bâtiment] du fortin (Com p.35), ou à une
[Puissance] (Com p.91).
Mais tout ceci serait plus intéressant avec des cartes effectives. Dont certaines où les Dieux s'en mêlent
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(1) RAPPEL : idées de génie ou ambiance, rebondissement, séances de plus de quatre heures (glf p.27), sacrifice d’un personnage (glf p.30), tenue du journal de la patrouille, ou encore flashback (glf p.68).
(2) le fameux "donjon" de D&D qui fait s’étrangler tout médiéviste.
(3) trouver un objet magique dans une ruine.
(4) permet à un Archéologue de trouver les traces d'une ruine.
(5) qui permet de gagner un rang de métier au choix.
(6) "Des cadors comme ce type, vous n’en rencontrerez pas beaucoup"
(7) des clients mécontents bastonnent le nouvel apprenti du cador ; le patrouilleur se réveille marié à sa fille caractérielle ; la guilde du maître réclame les arriérés de gabelle au fortin ; le magister exige son droit de jambage avant de livrer ses derniers secrets…
(8) ou à certaines du jeu de base : par exemple « Je ne sais pas ce que tu as mis dans ton frichti, mais ça requinque » colle parfaitement au [Maisselier].