[CR Solo] [DD5] Tombe de l'annihilation
Publié : lun. sept. 28, 2020 12:21 am
Suite à une partie en demie-teinte au cours de laquelle, plutôt mal inspiré, je me suis demandé à quoi je servais, une révélation : mais oui, au fait ? À quoi sert un MJ ? D'où l'idée de tenter l'aventure solo, dans une optique un peu littéraire, un peu ludique. C'est donc parti pour les aventures de Kass, ranger tieffline débarquée à Chult à la recherche du Psychophage. J'utilise le ranger de l'UA Class Feature, pour ceux que ça intéresse. Le projet est de bifurquer vers la sorcière ensuite. Le tirage au dé des caracs démarre sur les chapeaux de roue : 80 en tout, de quoi blinder la Dex, le Charisme pour la suite et les mondanités, puis la Wis. Constitution à 12, un peu juste, mais ça colle avec le perso. Background criminel, maîtrise en Acrobatie, Histoire, Perception, Discrétion et Survie (celui qui trouve d'où vient l'inspi du personnage gagne un bouquet garni avec un dinosaure dedans).
J'utilise les tables de CRGE et du Covetous Poet's pour les oracles et les intrusions, mais je conserve toute la mécanique DD pour les tests. J'ai eu un peu de mal à doser l'adversité mais tant pis, on verra bien où ça va nous mener !
Les parties en italiques sont les aspects techniques. Je ne sais pas si c'est utile de vous les laisser, vous me direz.
Je m’appelle Kass et j’ai la peau couleur de brique. Je le dis tout de suite parce que c’est toujours la première chose qu’on remarque, alors autant crever l’abcès. En vrai c’est pratique, on ne me voit jamais rougir. J’ai eu une enfance compliquée. Normal, me direz-vous : pour des parents, difficile d’accepter une fille pareille, sa peau bizarre, ses cheveux couleur de cendre épais comme des brindilles, sans même parler de ses cornes. Mon père a essayé de m’aimer je crois, mais il n’a pas réussi. Ma mère n’était pas méchante, seulement très triste, pour elle comme pour moi. À ma naissance, le choc était tel qu’ils n’ont pas réessayé de sitôt, et je suis restée fille unique jusqu’à mes treize ans. Et puis ma sœur Gladys est arrivée. Elle était normale. Un réel soulagement, pour tout le monde. Mon frère l’a suivie de près. Amos, un joli petit garçon tout blond. Je suis partie le jour de ses deux ans. Ça valait mieux. Pour tout le monde.
La Porte de Baldur n’est pas une ville facile pour une jeune fille seule. Alors avec ma tête, vous pensez. Mais j’avais quelques talents cachés dans mes bottes. Déjà, je n’ai pas froid aux yeux. Sûrement parce que je ne tiens pas à la vie tant que ça. Et puis je suis habile de mes mains. Et de mes pieds. Et de ma queue. Oh et je ne vous ai pas parlé de ma queue ? Eh oui, depuis la chute des reins jusqu’aux chevilles. Pas toujours facile à cacher, je le confesse. Heureusement, j’avais très jeune pris l’habitude de vivre sous un long chaperon noir. Ça tombait bien puisque dans le milieu que je me suis mise à fréquenter, c’était l’uniforme. Quelques rapines ici et là. Mais je ne suis pas voleuse dans l’âme et j’avais envie de voir du pays, de vivre l’histoire ailleurs que dans les livres.
Parce qu’il ne faut pas croire : mes parents m’ont caché autant qu’ils ont pu, mais ils m’ont quand même donné une bonne éducation. Enfin, ils m’ont appris à lire, et ils m’ont autorisé à piocher à loisir dans leur très vaste bibliothèque. Ça les arrangeait bien : je passais ainsi le plus clair de mon temps dans ma chambre, loin des regards indiscrets de leurs invités de marque. C’est de là que m’est venue ma passion pour l’histoire. Les peuples disparus. Les civilisations passées. La magie des anciens. Le premier artefact que j’ai déterré était un cristal gros comme le poing, la Lentille de Dürn. Un joli coup que j’avais monté toute seule, sur la foi d’un manuscrit planqué dans le carré interdit de la Grande Bibliothèque (je vous raconterai un jour ce que je faisais là). Le Balafré n’en revenait pas quand je le lui ai montré, il a roulé des yeux grands comme des soucoupes et n’a pas même pas marchandé quand je lui en ai demandé deux cents pièces ; c’était sans doute une première pour lui.
C’est devenu ma spécialité depuis : arcanologue, ou pilleuse de tombe, comme disent les mauvaises langues dont je fais partie. Ça ne s’est pas fait en un jour, surtout, ça s’est fait grâce à quelqu’un. Syndra Silvane, c’est son nom. Vous le connaissez peut-être. À la Porte de Baldur, tout le monde le connaît. C’est elle qui acheté le cristal au Balafré, et le Balafré lui a permis de remonter jusqu’à moi. Une première, encore une fois. Ça la fiche mal, un receleur qui balance ses sources. Je crois qu’il n’avait pas le choix. Depuis, le Balafré raconte partout que mieux vaut se méfier de la fille à la peau brique.
Syndra m’emploie depuis à son service. Je lui dois la vie, en quelque sorte : elle a payé ma dette à la Guilde (une autre longue histoire à raconter). J’essaye de la rembourser, et ça dure depuis quelques années déjà. Deux ou trois. Ça ne promet pas de s’arrêter bientôt. Syndra m’envoie déterrer des objets aux quatre coins du monde. En de rares occasions, elle m’y accompagne. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à Port Nyanzaru.
Chaleur moite, soleil éclatant, ciel transpercé d’orages d’une violence inouïe, maisons en adobe, toutes peintes de couleurs vives. Cette ville me convient bien. Elle sent bon. Syndra est allée négocier les détails de notre expédition auprès d’un prince marchand nommé O’tamu. Et comme je ne suis pas du genre à l’attendre bien sagement sur le perron d’une villa pimpante, je suis partie faire un tour en ville. Comme toujours dans ces cas-là, je commence par les bas-fonds. À Port Nyanzaru, les bas-fonds sont hors les murs, trois faubourgs miteux où s’entassent les trognes habituelles. Les pauvres se ressemblent sous toutes les latitudes. Le plus proche du Dôme d’or et de la belle villa d’O’Tamu, c’est la Vieille Ville, un dédale de cabanes en bambou et en stuc construit au petit bonheur sur des ruines fantastiques, des sortes de pyramides à degrés dont la fonction est perdue depuis des siècles. Ce sont à présent des marchés aux puces. C’est aussi dans la Vieille Ville que se trouve la Piste aux condamnés qui, pour le coup, n’a probablement jamais changé d’usage : on y fait détaler voleurs et criminels sous la menace de bêtes sauvages, aujourd’hui comme hier, comme tous les hiers depuis l’aube des temps.
— S’il vous plaît ! Ayez pitié !
La voix est chevrotante. Le désespoir s’y entend trop. J’ai envie de détourner la tête et d’accélérer le pas mais il m’attrape par la manche.
— Tenez ! Tenez, dit-il en me fourrant cinq grosses pièces dans la main. C’est tout ce que j’ai. C’est tout ce que nous avions. Aidez-moi ! S’il vous plaît !
Il doit y en avoir pour un quart de talent. De quoi se payer une nuit à l’auberge, peut-être, si vous n’avez rien contre les punaises de lit. S’il m’avait donné plus, j’aurais peut-être hésité. Mais un homme dont toute la fortune tient dans sa paume crasseuse et qui est prêt à la donner au premier étranger qui acceptera de l’aider, ça élève l’âme. La mienne en tout cas.
— Que se passe-t-il ?
— Ils vont le tuer ! Ils vont tuer Draza ! C’est le prochain sur la piste. Aidez-le, aidez-moi !
Je ne sais pas qui est ce Draza, je n’ai aucune idée du forfait qu’il a commis. Cela n’a aucune importance. Depuis le premier gradin, je jette un œil à la Piste en contrebas. Deux reptiles vicieux, gros comme des halflins, se disputent la carcasse d’un tire-laine. Au bout, la grille en bois se soulève. Un homme chétif tremblote derrière, tourne le dos à la piste mais les lances emplumées des geôliers le repoussent. Le voilà sur le sable, la grille retombe et dans le public la rumeur enfle. Les paris sont ouverts, des hommes s’échangent des bourses, des femmes vitupèrent, des enfants jettent de petits cailloux sur les bêtes pour les exciter un peu. Si Draza parvient jusqu’au bout de la Piste, une course de 200 pieds, puis à se hisser jusqu’aux gradins par les cordes qui y pendent, il sera sauvé. Il n’a aucune chance.
J’aime les combats perdus d’avance, pourvu que j’entrevoie la possibilité de les remporter en filoute. Problème : personne ici ne verrait d’un bon œil que j’intervienne dans ce qui est, après tout, une façon comme une autre de s’en remettre au destin en matière de jugement.
— Pousse-moi. Fort.
— Quoi.
— Pousse-moi vers la Piste !
Sans comprendre, l’homme s’exécute. Mollement. (Comprend-il ce qu'il doit faire ? 37 : Non.)
— Mieux que ça !
Sa deuxième tentative n’est pas meilleure (45 : non). Sur la piste, l’un des reptiles a cédé la dépouille à son comparse en découvrant une nouvelle proie potentielle. Le pauvre Draza, qui s’approchait à pas feutrés, se fige sur place. Autour de moi la foule est dense, excitée, nerveuse. J’aperçois un groupe de gros bras qui pourraient faire l’affaire. Je m’en approche. Il va falloir la jouer fine. (Tromperie : 19 +4 !)
J’en bouscule un, il réplique comme prévu. J’exagère un peu ma chute, je bascule le dos contre la rambarde (Acrobatie : 20 +6 !) et boum ! Après une chute parfaitement amortie, me voilà sur la piste juste devant Draza, bien contre mon gré du point de vue de la foule. Parfait. Cinquante pas me séparent du premier monstre, pas assez pour sentir son haleine de chacal, mais je la devine. Le reptile infect se hisse sur deux pattes et se lance vers moi à une vitesse surprenante, bientôt suivi par son collègue. Je n’aurai pas beaucoup de temps. Pas assez pour me servir de mon arc comme prévu. (Peuvent-ils m'atteindre rapidement ? 68 : oui.)
La première bête fond sur Draza qui recule juste à temps et se réfugie dans mon dos pendant que la deuxième se jette sur moi gueule en avant. Je pivote ma cheville droite, passe sous son encolure et laisse traîner une lame dans son cou avant de me dégager pour éviter qu'il ne m'écrase en s'effondrant. Il dégorge son sang à gros bouillons dans le sable de l’arène sans même m’éclabousser. La deuxième bondit dans ma direction, tente de m’accrocher la gorge avec ses canines. Je recule. Ses dents passent à une paume de ma jugulaire et cette fois, son haleine est bien là. Elle tente de m’attraper les tripes d’un coup de griffe pour me ramener à elle mais finit trop court. Elle n’aura pas de troisième chance. Ma lame est lancée. Elle achève sa course entre ses omoplates, comme on tue les taureaux.
La foule hésite un instant devant ce déroulé surprenant, dont la régularité doit se contester ici ou là dans les gradins. Le silence s’abat, puis viennent les acclamations, discrètes, puis nombreuses. Elles finissent en rugissement (Réaction de la foule : contente du spectacle ? 83 : Oui et). J’essuie une lame sur ma botte. L’autre n’aura pas servi. Je me retourne vers Draza et lui tend la main. Nous traversons la piste à pas lents. Au bout, je l’aide à se hisser sur les cordes. En haut l’attend son homme, qui le prend dans ses bras et le serre du plus fort qu’il peut (ce qui veut dire pas bien fort, comme nous l’avons vu). Je m’approche d’eux et leur rends leurs piécettes. J’ajoute même un talent d’or. Puis je remets mon chaperon et me fonds dans la foule.
Init :
Raptors 21
Draza 20
Kass 14
1er round : Les deux raptors foncent pour arriver au contact, l’un de Draza, l’autre de Kass.
Draza se désengage et recule. Kass attaque : 19 ! Dégâts 9, Un raptor mort (9 PV tirés aux dés !). Action bonus : Hunter’s mark sur le deuxième.
2e round : le raptor veut rattraper Draza mais Kass est sur son chemin. Il l’attaque. 9 et 1 : raté. Draza tremblote au fond de la piste. Kass attaque avec Hunter’s Mark. 15 et 3. Une attaque passe : 10 ! Raptor mort (10 PV tiré aux dés !).
Suite à ce combat, Kass passe niveau 2.
Un message de Syndra me parvient : elle en a encore pour quelque temps, je ferais mieux de commencer à me renseigner de mon côté en ville pendant qu’elle négocie le financement de notre expédition avec O’Tamu. Elle me rappelle notre objectif : nous sommes à la recherche du Psychophage, un puissant artefact nécromant capable de dévorer les âmes, la sienne en particulier. Il est à Chult, mais où ? Le pays en entier n’est qu’un gigantesque point d’interrogation qui n’a jamais été cartographié au-delà de ses côtes. La tâche est ardue. Qui connaît le mieux cette jungle ? Où recruter un guide ? Je fais le tour des puces et pose quelques questions à un marchand d’antiquités dont je me dis qu'il doit sûrement les récupérer dans les terres. Il s’appelle Ozu, gros type plutôt désagréable, bouffi de son importance. Je l’entreprends sur l’histoire de la région pour tenter de le mettre dans ma poche. (Histoire DC 12 : 1 !) Évidemment, je confonds tout et bafouille. Son mépris grimpe en flèche et, me croyant particulièrement sotte, il essaye de me refourguer sa camelote. Je décline poliment et tente malgré tout de tirer les vers de ce nez dégoûtant. Il me parle d’un temple à 30 lieues vers le sud. Bonne piste ? (non : j’ai demandé à l’oracle si le marchand allait en profiter pour embobiner Kass et c’est oui ! J’ai ensuite tiré pour voir si elle le croirait, oui aussi !) Ça mérite d’être exploré, à mon avis.
Je pars vers le quartier du port dans l’espoir d’y trouver un guide. (06 : non, mais). Cuisant échec, on me prend partout soit pour le rejeton du démon (j’ai l’habitude), soit pour une bille (ça moins). L’accent, sûrement. En revanche, un garçonnet pas bien propre me tire par la manche et m’explique qu’il peut me présenter quelqu’un. C’est dans la Gorge de Malar, me dit-il, un faubourg hors les murs. (Une mauvaise rencontre, là-bas ? 96 ! Oui, et contre toute attente... !) J’y vais confiante, il m’a l’air sympathique et j’ai toujours eu un faible pour les enfants. Je n’aurais pas dû. Le soir tombe et me voilà loin de la garde, étrangère dans une ville inconnue. Nous empruntons une ruelle, puis deux, et me voilà bientôt au fond d’un cul-de-sac. Il faut croire qu’Ozu avait raison : je peux vraiment être sotte, parfois. Dès que je m’aperçois du piège, je fais volte-face et me voilà nez à nez avec trois gros bras qui font résonner des gourdins dans leur paume. Parmi eux, je reconnais le type que j’ai bousculé au-dessus de la piste.
— Dis donc peau de brique [je soupire], tu m’as coûté 10 sacs là-bas tu sais. Des parieurs mécontents qu’il a fallu rembourser. Maintenant c’est toi qui va cracher au bassinet, si tu vois ce que je veux dire.
Je crois voir, en effet, mais pas précisément. Dix sacs ? J’ignore ce que ça représente. Ils sont trois, plutôt costauds. Je n’ai aucune marge de manœuvre dans ce réduit, et je ne connais pas le dédale qui s’étale au-delà. Mauvais plan. J’ai quatorze talents en poche. Dix suffiront-ils ? Je leur tends. (49 ! Non.)
— Tu te fous de ma gueule, rouge-gorge ? Je te demande dix fois plus !
Aïe. Je commence à entrevoir la rouste. Le petit a filé. Si j’arrive à me débarrasser de l’une de ces grosses brutes, je pourrais peut-être tenter d'en faire autant. Je fais mine de chercher dans mon dos. J’y trouve mon arc. Je suis plus rapide qu’eux, autant en profiter.
Ma flèche vient se planter droit dans le crâne de ce bavard peu inventif qui s’écroule. J’y ai inséré une surprise de ma confection : tandis que les deux autres regardent interloqués les spasmes fatidiques de leur camarade de beuverie, le bois explose et les couvre d’échardes. Ça n’a pas l’effet escompté malheureusement, il faudra que je perfectionne la technique, et les voilà tous deux aussi rouges que moi, qui se ruent à ma rencontre en agitant leurs gourdins. Et c’est qu’ils savent cogner, les bougres ! Le premier coup m’étourdit, le deuxième manque de m’envoyer dans les vapes. Mon arc tombe au sol, je dégaine mes épées mais je suis trop faible pour m’en servir. Un troisième s’abat sur mon crâne. Je m’écroule. Fondue au noir.
Init !
Kass : 19
Les bandits : 4
Action bonus : Hail of thorns. Attaque : 13 +6 touché, dégâts : 9. Jets de sauvegarde : le blessé : 4, raté. Les deux autres : 5 et 17, raté et réussi. Dégâts 3. Le premier s’effondre, le deuxième prend 3, le troisième 1.
Ils foncent et m’encerclent. Les deux touchent. 13 pts !
Je laisse tomber l’arc et dégaine. 5 et 3, raté. Ils enchaînent : 13 et 13. Dégâts 6, KO. Ils me laissent sur le carreau. Death saves : échec. Est-ce que quelqu’un vient ? 55 : Oui. Est-ce qu’il peut me sauver ? 41 : non. Death save : succès. Est-ce qu’il peut m’amener à quelqu’un qui le peut ? 86 : Oui, et : "plot thread pops up". On dirait bien que j'ai trouvé un guide, finalement.
J'utilise les tables de CRGE et du Covetous Poet's pour les oracles et les intrusions, mais je conserve toute la mécanique DD pour les tests. J'ai eu un peu de mal à doser l'adversité mais tant pis, on verra bien où ça va nous mener !
Les parties en italiques sont les aspects techniques. Je ne sais pas si c'est utile de vous les laisser, vous me direz.
***
Je m’appelle Kass et j’ai la peau couleur de brique. Je le dis tout de suite parce que c’est toujours la première chose qu’on remarque, alors autant crever l’abcès. En vrai c’est pratique, on ne me voit jamais rougir. J’ai eu une enfance compliquée. Normal, me direz-vous : pour des parents, difficile d’accepter une fille pareille, sa peau bizarre, ses cheveux couleur de cendre épais comme des brindilles, sans même parler de ses cornes. Mon père a essayé de m’aimer je crois, mais il n’a pas réussi. Ma mère n’était pas méchante, seulement très triste, pour elle comme pour moi. À ma naissance, le choc était tel qu’ils n’ont pas réessayé de sitôt, et je suis restée fille unique jusqu’à mes treize ans. Et puis ma sœur Gladys est arrivée. Elle était normale. Un réel soulagement, pour tout le monde. Mon frère l’a suivie de près. Amos, un joli petit garçon tout blond. Je suis partie le jour de ses deux ans. Ça valait mieux. Pour tout le monde.
La Porte de Baldur n’est pas une ville facile pour une jeune fille seule. Alors avec ma tête, vous pensez. Mais j’avais quelques talents cachés dans mes bottes. Déjà, je n’ai pas froid aux yeux. Sûrement parce que je ne tiens pas à la vie tant que ça. Et puis je suis habile de mes mains. Et de mes pieds. Et de ma queue. Oh et je ne vous ai pas parlé de ma queue ? Eh oui, depuis la chute des reins jusqu’aux chevilles. Pas toujours facile à cacher, je le confesse. Heureusement, j’avais très jeune pris l’habitude de vivre sous un long chaperon noir. Ça tombait bien puisque dans le milieu que je me suis mise à fréquenter, c’était l’uniforme. Quelques rapines ici et là. Mais je ne suis pas voleuse dans l’âme et j’avais envie de voir du pays, de vivre l’histoire ailleurs que dans les livres.
Parce qu’il ne faut pas croire : mes parents m’ont caché autant qu’ils ont pu, mais ils m’ont quand même donné une bonne éducation. Enfin, ils m’ont appris à lire, et ils m’ont autorisé à piocher à loisir dans leur très vaste bibliothèque. Ça les arrangeait bien : je passais ainsi le plus clair de mon temps dans ma chambre, loin des regards indiscrets de leurs invités de marque. C’est de là que m’est venue ma passion pour l’histoire. Les peuples disparus. Les civilisations passées. La magie des anciens. Le premier artefact que j’ai déterré était un cristal gros comme le poing, la Lentille de Dürn. Un joli coup que j’avais monté toute seule, sur la foi d’un manuscrit planqué dans le carré interdit de la Grande Bibliothèque (je vous raconterai un jour ce que je faisais là). Le Balafré n’en revenait pas quand je le lui ai montré, il a roulé des yeux grands comme des soucoupes et n’a pas même pas marchandé quand je lui en ai demandé deux cents pièces ; c’était sans doute une première pour lui.
C’est devenu ma spécialité depuis : arcanologue, ou pilleuse de tombe, comme disent les mauvaises langues dont je fais partie. Ça ne s’est pas fait en un jour, surtout, ça s’est fait grâce à quelqu’un. Syndra Silvane, c’est son nom. Vous le connaissez peut-être. À la Porte de Baldur, tout le monde le connaît. C’est elle qui acheté le cristal au Balafré, et le Balafré lui a permis de remonter jusqu’à moi. Une première, encore une fois. Ça la fiche mal, un receleur qui balance ses sources. Je crois qu’il n’avait pas le choix. Depuis, le Balafré raconte partout que mieux vaut se méfier de la fille à la peau brique.
Syndra m’emploie depuis à son service. Je lui dois la vie, en quelque sorte : elle a payé ma dette à la Guilde (une autre longue histoire à raconter). J’essaye de la rembourser, et ça dure depuis quelques années déjà. Deux ou trois. Ça ne promet pas de s’arrêter bientôt. Syndra m’envoie déterrer des objets aux quatre coins du monde. En de rares occasions, elle m’y accompagne. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à Port Nyanzaru.
*
Chaleur moite, soleil éclatant, ciel transpercé d’orages d’une violence inouïe, maisons en adobe, toutes peintes de couleurs vives. Cette ville me convient bien. Elle sent bon. Syndra est allée négocier les détails de notre expédition auprès d’un prince marchand nommé O’tamu. Et comme je ne suis pas du genre à l’attendre bien sagement sur le perron d’une villa pimpante, je suis partie faire un tour en ville. Comme toujours dans ces cas-là, je commence par les bas-fonds. À Port Nyanzaru, les bas-fonds sont hors les murs, trois faubourgs miteux où s’entassent les trognes habituelles. Les pauvres se ressemblent sous toutes les latitudes. Le plus proche du Dôme d’or et de la belle villa d’O’Tamu, c’est la Vieille Ville, un dédale de cabanes en bambou et en stuc construit au petit bonheur sur des ruines fantastiques, des sortes de pyramides à degrés dont la fonction est perdue depuis des siècles. Ce sont à présent des marchés aux puces. C’est aussi dans la Vieille Ville que se trouve la Piste aux condamnés qui, pour le coup, n’a probablement jamais changé d’usage : on y fait détaler voleurs et criminels sous la menace de bêtes sauvages, aujourd’hui comme hier, comme tous les hiers depuis l’aube des temps.
— S’il vous plaît ! Ayez pitié !
La voix est chevrotante. Le désespoir s’y entend trop. J’ai envie de détourner la tête et d’accélérer le pas mais il m’attrape par la manche.
— Tenez ! Tenez, dit-il en me fourrant cinq grosses pièces dans la main. C’est tout ce que j’ai. C’est tout ce que nous avions. Aidez-moi ! S’il vous plaît !
Il doit y en avoir pour un quart de talent. De quoi se payer une nuit à l’auberge, peut-être, si vous n’avez rien contre les punaises de lit. S’il m’avait donné plus, j’aurais peut-être hésité. Mais un homme dont toute la fortune tient dans sa paume crasseuse et qui est prêt à la donner au premier étranger qui acceptera de l’aider, ça élève l’âme. La mienne en tout cas.
— Que se passe-t-il ?
— Ils vont le tuer ! Ils vont tuer Draza ! C’est le prochain sur la piste. Aidez-le, aidez-moi !
Je ne sais pas qui est ce Draza, je n’ai aucune idée du forfait qu’il a commis. Cela n’a aucune importance. Depuis le premier gradin, je jette un œil à la Piste en contrebas. Deux reptiles vicieux, gros comme des halflins, se disputent la carcasse d’un tire-laine. Au bout, la grille en bois se soulève. Un homme chétif tremblote derrière, tourne le dos à la piste mais les lances emplumées des geôliers le repoussent. Le voilà sur le sable, la grille retombe et dans le public la rumeur enfle. Les paris sont ouverts, des hommes s’échangent des bourses, des femmes vitupèrent, des enfants jettent de petits cailloux sur les bêtes pour les exciter un peu. Si Draza parvient jusqu’au bout de la Piste, une course de 200 pieds, puis à se hisser jusqu’aux gradins par les cordes qui y pendent, il sera sauvé. Il n’a aucune chance.
J’aime les combats perdus d’avance, pourvu que j’entrevoie la possibilité de les remporter en filoute. Problème : personne ici ne verrait d’un bon œil que j’intervienne dans ce qui est, après tout, une façon comme une autre de s’en remettre au destin en matière de jugement.
— Pousse-moi. Fort.
— Quoi.
— Pousse-moi vers la Piste !
Sans comprendre, l’homme s’exécute. Mollement. (Comprend-il ce qu'il doit faire ? 37 : Non.)
— Mieux que ça !
Sa deuxième tentative n’est pas meilleure (45 : non). Sur la piste, l’un des reptiles a cédé la dépouille à son comparse en découvrant une nouvelle proie potentielle. Le pauvre Draza, qui s’approchait à pas feutrés, se fige sur place. Autour de moi la foule est dense, excitée, nerveuse. J’aperçois un groupe de gros bras qui pourraient faire l’affaire. Je m’en approche. Il va falloir la jouer fine. (Tromperie : 19 +4 !)
J’en bouscule un, il réplique comme prévu. J’exagère un peu ma chute, je bascule le dos contre la rambarde (Acrobatie : 20 +6 !) et boum ! Après une chute parfaitement amortie, me voilà sur la piste juste devant Draza, bien contre mon gré du point de vue de la foule. Parfait. Cinquante pas me séparent du premier monstre, pas assez pour sentir son haleine de chacal, mais je la devine. Le reptile infect se hisse sur deux pattes et se lance vers moi à une vitesse surprenante, bientôt suivi par son collègue. Je n’aurai pas beaucoup de temps. Pas assez pour me servir de mon arc comme prévu. (Peuvent-ils m'atteindre rapidement ? 68 : oui.)
La première bête fond sur Draza qui recule juste à temps et se réfugie dans mon dos pendant que la deuxième se jette sur moi gueule en avant. Je pivote ma cheville droite, passe sous son encolure et laisse traîner une lame dans son cou avant de me dégager pour éviter qu'il ne m'écrase en s'effondrant. Il dégorge son sang à gros bouillons dans le sable de l’arène sans même m’éclabousser. La deuxième bondit dans ma direction, tente de m’accrocher la gorge avec ses canines. Je recule. Ses dents passent à une paume de ma jugulaire et cette fois, son haleine est bien là. Elle tente de m’attraper les tripes d’un coup de griffe pour me ramener à elle mais finit trop court. Elle n’aura pas de troisième chance. Ma lame est lancée. Elle achève sa course entre ses omoplates, comme on tue les taureaux.
La foule hésite un instant devant ce déroulé surprenant, dont la régularité doit se contester ici ou là dans les gradins. Le silence s’abat, puis viennent les acclamations, discrètes, puis nombreuses. Elles finissent en rugissement (Réaction de la foule : contente du spectacle ? 83 : Oui et). J’essuie une lame sur ma botte. L’autre n’aura pas servi. Je me retourne vers Draza et lui tend la main. Nous traversons la piste à pas lents. Au bout, je l’aide à se hisser sur les cordes. En haut l’attend son homme, qui le prend dans ses bras et le serre du plus fort qu’il peut (ce qui veut dire pas bien fort, comme nous l’avons vu). Je m’approche d’eux et leur rends leurs piécettes. J’ajoute même un talent d’or. Puis je remets mon chaperon et me fonds dans la foule.
Init :
Raptors 21
Draza 20
Kass 14
1er round : Les deux raptors foncent pour arriver au contact, l’un de Draza, l’autre de Kass.
Draza se désengage et recule. Kass attaque : 19 ! Dégâts 9, Un raptor mort (9 PV tirés aux dés !). Action bonus : Hunter’s mark sur le deuxième.
2e round : le raptor veut rattraper Draza mais Kass est sur son chemin. Il l’attaque. 9 et 1 : raté. Draza tremblote au fond de la piste. Kass attaque avec Hunter’s Mark. 15 et 3. Une attaque passe : 10 ! Raptor mort (10 PV tiré aux dés !).
Suite à ce combat, Kass passe niveau 2.
Un message de Syndra me parvient : elle en a encore pour quelque temps, je ferais mieux de commencer à me renseigner de mon côté en ville pendant qu’elle négocie le financement de notre expédition avec O’Tamu. Elle me rappelle notre objectif : nous sommes à la recherche du Psychophage, un puissant artefact nécromant capable de dévorer les âmes, la sienne en particulier. Il est à Chult, mais où ? Le pays en entier n’est qu’un gigantesque point d’interrogation qui n’a jamais été cartographié au-delà de ses côtes. La tâche est ardue. Qui connaît le mieux cette jungle ? Où recruter un guide ? Je fais le tour des puces et pose quelques questions à un marchand d’antiquités dont je me dis qu'il doit sûrement les récupérer dans les terres. Il s’appelle Ozu, gros type plutôt désagréable, bouffi de son importance. Je l’entreprends sur l’histoire de la région pour tenter de le mettre dans ma poche. (Histoire DC 12 : 1 !) Évidemment, je confonds tout et bafouille. Son mépris grimpe en flèche et, me croyant particulièrement sotte, il essaye de me refourguer sa camelote. Je décline poliment et tente malgré tout de tirer les vers de ce nez dégoûtant. Il me parle d’un temple à 30 lieues vers le sud. Bonne piste ? (non : j’ai demandé à l’oracle si le marchand allait en profiter pour embobiner Kass et c’est oui ! J’ai ensuite tiré pour voir si elle le croirait, oui aussi !) Ça mérite d’être exploré, à mon avis.
Je pars vers le quartier du port dans l’espoir d’y trouver un guide. (06 : non, mais). Cuisant échec, on me prend partout soit pour le rejeton du démon (j’ai l’habitude), soit pour une bille (ça moins). L’accent, sûrement. En revanche, un garçonnet pas bien propre me tire par la manche et m’explique qu’il peut me présenter quelqu’un. C’est dans la Gorge de Malar, me dit-il, un faubourg hors les murs. (Une mauvaise rencontre, là-bas ? 96 ! Oui, et contre toute attente... !) J’y vais confiante, il m’a l’air sympathique et j’ai toujours eu un faible pour les enfants. Je n’aurais pas dû. Le soir tombe et me voilà loin de la garde, étrangère dans une ville inconnue. Nous empruntons une ruelle, puis deux, et me voilà bientôt au fond d’un cul-de-sac. Il faut croire qu’Ozu avait raison : je peux vraiment être sotte, parfois. Dès que je m’aperçois du piège, je fais volte-face et me voilà nez à nez avec trois gros bras qui font résonner des gourdins dans leur paume. Parmi eux, je reconnais le type que j’ai bousculé au-dessus de la piste.
— Dis donc peau de brique [je soupire], tu m’as coûté 10 sacs là-bas tu sais. Des parieurs mécontents qu’il a fallu rembourser. Maintenant c’est toi qui va cracher au bassinet, si tu vois ce que je veux dire.
Je crois voir, en effet, mais pas précisément. Dix sacs ? J’ignore ce que ça représente. Ils sont trois, plutôt costauds. Je n’ai aucune marge de manœuvre dans ce réduit, et je ne connais pas le dédale qui s’étale au-delà. Mauvais plan. J’ai quatorze talents en poche. Dix suffiront-ils ? Je leur tends. (49 ! Non.)
— Tu te fous de ma gueule, rouge-gorge ? Je te demande dix fois plus !
Aïe. Je commence à entrevoir la rouste. Le petit a filé. Si j’arrive à me débarrasser de l’une de ces grosses brutes, je pourrais peut-être tenter d'en faire autant. Je fais mine de chercher dans mon dos. J’y trouve mon arc. Je suis plus rapide qu’eux, autant en profiter.
Ma flèche vient se planter droit dans le crâne de ce bavard peu inventif qui s’écroule. J’y ai inséré une surprise de ma confection : tandis que les deux autres regardent interloqués les spasmes fatidiques de leur camarade de beuverie, le bois explose et les couvre d’échardes. Ça n’a pas l’effet escompté malheureusement, il faudra que je perfectionne la technique, et les voilà tous deux aussi rouges que moi, qui se ruent à ma rencontre en agitant leurs gourdins. Et c’est qu’ils savent cogner, les bougres ! Le premier coup m’étourdit, le deuxième manque de m’envoyer dans les vapes. Mon arc tombe au sol, je dégaine mes épées mais je suis trop faible pour m’en servir. Un troisième s’abat sur mon crâne. Je m’écroule. Fondue au noir.
Init !
Kass : 19
Les bandits : 4
Action bonus : Hail of thorns. Attaque : 13 +6 touché, dégâts : 9. Jets de sauvegarde : le blessé : 4, raté. Les deux autres : 5 et 17, raté et réussi. Dégâts 3. Le premier s’effondre, le deuxième prend 3, le troisième 1.
Ils foncent et m’encerclent. Les deux touchent. 13 pts !
Je laisse tomber l’arc et dégaine. 5 et 3, raté. Ils enchaînent : 13 et 13. Dégâts 6, KO. Ils me laissent sur le carreau. Death saves : échec. Est-ce que quelqu’un vient ? 55 : Oui. Est-ce qu’il peut me sauver ? 41 : non. Death save : succès. Est-ce qu’il peut m’amener à quelqu’un qui le peut ? 86 : Oui, et : "plot thread pops up". On dirait bien que j'ai trouvé un guide, finalement.