A présent ma critique du livre de base d'Antika (fraîchement postée sur le GROG) :
Antika, le livre de base
Antika est un jeu qui a certainement du potentiel sur le fond, mais ce livre de base ne l'aide vraiment pas à réaliser ce potentiel, car il m'a laissé une impression de travail bâclé. Les défauts de forme et de finition sont le principal point faible de ce livre. Je leur donne beaucoup d'importance au risque de paraître sévère, mais, pour un livre qui coûte 40 euros de la part d'un éditeur "pro", j'ai été déçu et agacé.
Ce livre commence donc par une belle couverture rigide en couleurs avec effets de texture. Superbe ? Arrêtez-vous une seconde, regardez la lance du hoplite, en biais, puis le reste de l'image. Oui, on voit les pixels. C'est assez représentatif de ce qui vous attend à l'intérieur :
- - Dans ce livre, on ne trouve pas de sommaire ou table des matières, ce qui complique bêtement sa découverte et sa consultation en cours de partie.Je ne pensais pas qu'une table des matières pouvait me manquer à ce point jusqu'à ce que j'essaie de m'en passer pour lire ce jeu...
- Chose encore plus incroyable, on n'y trouve pas de feuille de personnage vierge (vous devrez aller vite la récupérer sur le site Internet de l'éditeur, et tant pis pour vous si vous lisez ces lignes 10 ou 15 ans après la sortie du jeu et que le site n'est plus disponible).
- Moins grave mais frustrant : si vous pensiez acheter ce jeu pour avoir une de ces belles cartes du monde que seul un éditeur de jeu de rôle "pro" peut offrir, ce sera là aussi la déception. On n'y trouve que des cartes partielles en noir et blanc (aux bords noyés dans une pénombre quelque peu malvenue), qui vous contraindront à un savant travail de puzzle ou à des recherches personnelles pour savoir quelle région se trouve où. Là encore, des complications bêtes et faciles à éviter. (Je me suis laissé dire que les souscripteurs sur Ulule avaient eu droit à une belle carte complète : j'en suis ravi pour eux, mais cela veut-il dire alors que payer "seulement" 40 euros en boutique n'est pas assez pour avoir une simple carte pratique de l'univers de jeu ?)
- La mise en page, claire et agréable, laisse toutefois une impression de maladresse. Les 200 pages du livre de base sont aérées, très aérées, avec des marges qui occupent un bon tiers de la largeur de la page. Le confort de lecture est indéniable, mais on tombe régulièrement sur des colonnes vides, des blancs ou des illustrations qui auraient gagné à rester en plus petit (encore des pixels apparents).
- Les auteurs et relecteurs du jeu n'ont visiblement que des relations assez incertaines avec l'orthographe et la typographie. Je pense que je pourrais ouvrir une double page au hasard et être à peu près sûr de tomber sur une faute d'orthographe. (Allez, j'essaie... Hop, page 52, un oubli d'accord du verbe à la 4e ligne de la première colonne. Autre essai, page 112, un peu mieux, mais un "aà" étrange au bas de la 2e colonne, 4 lignes avant la fin. Allez, un dernier pour la route : page 168... voilà, un s oublié à "semaine" à la huitième ligne.) Je comprends qu'il puisse rester toujours quelques coquilles, mais à ce niveau-là ça pique vraiment les yeux, et j'ai l'impression que les textes n'ont même pas été relus.
- Je pourrais aussi parler de la qualité d'écriture des textes, qui n'est pas toujours au rendez-vous. Je ne vais pas me lancer dans une analyse stylistique, mais le niveau de langue laisse aussi une impression de maladresse, voire de relâchement. Non seulement ça n'est pas agréable à lire, mais ça ne met pas vraiment dans l'ambiance du jeu.
Aucun de ces défauts n'est horrible considéré isolément, mais l'accumulation fait vraiment beaucoup et, moi qui ne suis pas du genre à râler sur ce que me coûte un livre de jeu de rôle, j'ai l'impression que ce livre de base ne vaut pas son prix.
Bon, mais si on dépasse ces défauts de forme, que trouve-t-on ? Un jeu correct, qui plaira sans doute davantage aux amateurs de
God of War et de
Age of Mythology ou encore de
Percy Jackson qu'aux étudiants en Lettres classiques. En effet, malgré les louables intentions de la préface de l'auteur, le résultat est nettement plus orienté "péplum" que vers une stricte fidélité à la mythologie grecque qui aurait demandé un travail de documentation beaucoup plus poussé. Antika est donc plus à ranger à côté d'
Agôn ou du DVD de
Jason et les Argonautes qu'à côté de votre dictionnaire grec-français préféré, mais il y a quand même moyen de bien s'amuser, une fois tout malentendu évité.
L'univers d'
Antika est donc une sorte de pendant mythologisant à celui d'
Oikouméné publié chez le même éditeur. Il mêle des éléments mythologiques à des éléments historiques, le tout joyeusement mélangé pour les besoins du jeu. Ainsi la chronologie du jeu commence par les grands événements mythologiques et se termine par les guerres médiques (en poussant jusqu'à Alexandre le Grand, le jeu aurait été entièrement raccord avec
Oikouméné). La grande complexité des régions, des cités-états et des lignées héroïques mythologiques a été ramenée à quelques grandes factions : les Mycéniens en Grèce centrale, les Minoens en Crète et la Troade et ses alliés en Asie Mineure, sans compter les peuples barbares. La géographie de l'univers est bien présentée, de même qu'un chapitre d'us et coutumes un peu chaotique.
La création de personnage, typique des jeux péplumesques (un personnage dispose de pouvoirs surnaturels déterminées en partie par son ascendance divine), offre des possibilités variées et intéressantes. Le système de jeu, qui semble simple, inclut des règles qui m'ont paru très intéressantes pour prendre en compte la démesure (appelée de son nom grec, l'Ubris, transcrit ici sans h), qui est une sorte d'équivalent local du Coté Obscur de Star Wars, plus facile et plus puissant à court terme mais qui vous mène tout droit à votre perte, ainsi que la Moïra (le destin) qui permet de mettre en place une prophétie ou une vérité sur la mort d'un personnage dès le moment de sa création.
Ces règles, où réside à mes yeux le meilleur potentiel du jeu, auraient pu être mieux organisées (il faut aller chercher la règle sur les prières dans le chapitre sur la théogonie et la religion, alors qu'elle avait plutôt sa place avec le reste du système de jeu).
Ma principale réserve de fond sur ce jeu réside encore une fois dans le contenu trop léger de ce livre de base. D'accord, on a une petite chronologie, la géographie de la Grèce, des exposés mythologiques sur les divinités, etc. mais je trouve que la présentation de la vie quotidienne dans cet univers reste bien légère. A quoi ressemble un village ou une ville grecque typique ? Ou une forteresse ? A quoi ressemblent les rites religieux de base (on s'attendrait à trouver ça dans le chapitre sur la religion, eh non) ? Quels genre de noms va-t-on donner aux personnages ? Quels sont les profils techniques des PNJ typiques ? Autant de choses qui faciliteraient grandement le travail des MJ.
D'autant que, et c'est le dernier gros défaut du livre de base, il n'y a pas de scénario complet, seulement des idées de scénarii certes nombreuses, mais qui ne dépassent jamais un paragraphe.
En conclusion, même si cela peut sembler sévère, les défauts de forme du livre de base, accumulés avec des défauts de fond pas rédhibitoires mais réels, font que je ne lui mets pas la moyenne, alors même que le jeu pourrait tout à fait donner quelque chose de très convenable. J'ai vraiment l'impression d'un jeu lourdement handicapé par un livre de base publié dans la précipitation et auquel ont manqué du temps et quelques efforts supplémentaires pour atteindre à la qualité qu'on peut attendre de la part d'un éditeur "pro". J'en viens presque à souhaiter une édition révisée et augmentée qui éliminerait ces défauts et ajouterait une cinquantaine de pages d'univers en plus ainsi qu'un petit scénario.
Note : 2 sur 5.