Après quelques séances préliminaires, nous avons décidé de tester les possibilités d'Inflorenza en campagne en mode Carte rouge, c'est à dire sans "MJ" (je suis le confident, à savoir, pour ceux qui n'ont pas lu le jeu, le joueur qui anime la partie, mais sans pouvoir supplémentaire que d'être force de proposition). Nébal a déjà posté les comptes-rendus sur son blog avec lien dans le fil "Père Castor", mais je me suis dit que, puisque ça fonctionne, autant les reprendre tous à la suite dans un fil dédié. C'est donc son œuvre que vous allez lire, grâces lui soient rendues. Ca permettra à ceux qui sont curieux de voir ce qu'Inflorenza donne sur le long terme.
Je vais poster d'abord la première partie que l'on a joué, sur le Théâtre "Les Chemins de Compostelle" fourni dans le livre de base - qui était aussi notre première partie d'Inflorenza - puis les deux parties déjà jouées. A priori, on n'est encore loin d'être arrivés, ça devrait donc continuer le temps de quelques sessions encore!
Petite règle maison que nous avons employé avec bonheur: un tour de table préliminaire où chaque joueur propose un lieu ou un pnj que les personnages pourront rencontrer. Ça permet d'avoir, en plus de la description du théâtre, une boîte à outils dans laquelle on peut puiser des idées ou des situations d'entrée de jeu.
[CR] Inflorenza - Les chemins de Compostelle
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Dernière modification par Ozen le mar. août 26, 2014 10:41 am, modifié 1 fois.
Le ciel étoilé a des constellations rares et prodigieuses qui ont pour mission de se rapprocher sans cesse et doucement des mondes misérables et de les éclairer peu à peu d’un jour qui commence par être crépusculaire et qui arrive à être flamboyant
La Partie du Lundi - Traces rôlistiques
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Re: [CR] Inflorenza - Les chemins de Compostelle
Prologue- Le meurtre du frère
http://nebalestuncon.over-blog.com/arti ... 60518.html
Nous étions cinq joueurs (les retours à la ligne marquent les instances). Le théâtre choisi était celui des chemins de Compostelle.
Un petit homme laid (dont on apprendra plus tard qu'il se nomme Siméon) s'abrite de la pluie sous un dolmen ; il veut se racheter de la mort de son frère, qu'il a tué sur un mouvement de colère, et s'est pour cette raison lancé dans le pèlerinage de Compostelle.
La compagne de ce frère assassiné, Alexia, le suit avec trois heures de retard, et entend bien se venger.
Mais ledit frère sort de son caveau. Il trouve une lettre déchirée de Siméon, qui lui indique son intention de partir. Il se lance à son tour sur le chemin de Compostelle, désireux de retrouver « son amour ».
Un aubergiste, sur la route, entend bien dépouiller autant que possible les pèlerins.
Je suis un pseudo-druide des environs, je veux exercer mon emprise sur les pèlerins en faisant de faux miracles.
Le petit homme poursuit son chemin et atteint l'auberge. Satisfait de sa bonne fortune, il y entre. C'est la morte saison, mais l'aubergiste l'accueille avec un grand sourire, et compte bien le délester de son petit pécule.
Alexia rencontre le druide, elle prend le chemin de l'auberge qu'il lui a indiqué. Elle est à la merci des brigands, sur ces routes mal famées.
Le frère est-il en vie ? Il erre dans le village, dont on le chasse bien vite. Il prend deux pelotes, les lâche et les suit, afin de retrouver sa bien-aimée et son frère.
L'aubergiste pousse Siméon à dépenser son argent : il prend la suite la plus chère, et considère qu'il l'a bien mérité, après cette horrible journée dans la nature ; il est également prêt à recourir aux services du druide.
Un loup s'est approché du dolmen peu après le départ d'Alexia ; j'ai essayé de l'apprivoiser, afin d'en disposer pour impressionner les pèlerins, mais il m'a mordu.
Siméon s'éveille d'une semi torpeur après avoir beaucoup dépensé. Le remords l'assaille. Sa culpabilité a pris la forme d'un loup près du dolmen. Il geint au comptoir, se plaignant de son sort... tout en finissant son verre de bière. La porte s'ouvre.
Alexia s'approche de l'aubergiste. Elle jette son alliance en or sur le comptoir « pour le dédommagement ». Elle s'approche alors de Siméon. L'aubergiste s'interpose. Mais Alexia parvient à planter sa dague dans le dos de Siméon. Sa soif de vengeance est assouvie. Siméon, qui a perdu son argent et sombre dans l'inconscience, ne cherche plus à se racheter.
Son frère marche longtemps, le temps s'étire. Un loup prend la pelote noire dans sa gueule. Les deux pelotes se mélangent et l'emmêlent. Il arrive devant le dolmen, le druide est tout près. Il craint d'arriver trop tard.
L'aubergiste se réveille ; son auberge est désertée, l'homme et la femme ont disparu. L'aubergiste, sous le coup d'une illumination, pense se lancer à leur poursuite, mais la pluie lui fait faire demi-tour. Il se réfugie près du feu. Il est sous l'emprise d'un maléfice du druide, qui l'empêche de quitter cet endroit.
Quand je me réveille, je vois le frère et le loup. Je veux fuir. Le loup se jette sur moi, me plaque au sol, et me mord à l'autre bras, symétriquement. Il chemine aux côtés du frère. Siméon sent ce que le loup ressent. Mes blessures s'infectent trop vite.
Salement blessé, Siméon titube un moment. Il a compris son acte. Il se sent injuste envers son frère, qui l'a toujours protégé. Il essaye de retourner au dolmen. Alexia le regarde ramper. Il se couche sous le dolmen en demandant pardon. Mais son frère ne l'entend pas.
Alexia regarde Siméon se vider de son sang. Une caravane de pèlerins s'arrête alors près du dolmen. Trois gardes s'approchent d'eux. Alexia les baratine, mais elle est prise au dépourvu. Ils tentent de sauver Siméon. Elle pleure des larmes de boue.
Le frère a assisté à tout cela. La bobine noire a achevé de se dérouler. La bobine blanche est aspirée par la boue. Le druide, à côté, voit les lèvres du frère bouger, mais il ne l'entend pas parler. Il sait qu'il se manifeste quelque chose de surnaturel, mais il n'a pas peur.
L'aubergiste prend conscience de sa condition d'aliéné et de prisonnier qui lui est imposée par le druide. Sous le coup de la colère, il maudit ce dernier. Il veut qu'il le libère de son emprise. Il met le feu à l'auberge. Alexia ne laisse que des cendres derrière elle. Le druide apparaît, cède et tombe à genoux ; ses blessures, ses stigmates, saignent. Il est aux mains d'une justice qui le dépasse. Tout ce en quoi l'aubergiste croyait était un mensonge...
Je sors de l'auberge en rampant et en saignant. Je cherche à me racheter ; sans croire vraiment à l'existence d'une entité supérieure, je décide de ne plus escroquer les pèlerins... et prends le chemin de Compostelle.
Siméon est couvert de sang, la pluie a repris de plus belle. L'auberge s'enflamme, et les manifestations des Horlas sont puissantes. Les pèlerins effrayés s'en vont. Siméon découvre qu'une cordelette est attachée à sa jambe et voit le visage de son frère entouré d'une couronne de lierre. Il voudrait s'excuser, mais le loup gronde depuis le haut du dolmen. D'une pression, le frère défait la ficelle, qui s'enroule autour du loup et le muselle. « Pourquoi m'as-tu tué ? » Siméon est pathétique quand il profère ses excuses, et s'apitoie surtout sur lui-même. Le frère a coupé le lien qui les unissait. Siméon ne fera pas long feu sur le chemin du retour.
Alexia voit son bien-aimé, elle s'en approche en rampant difficilement. Son image se décompose peu à peu et il disparaît définitivement quand elle veut le toucher. Il n'y a plus, derrière, que Siméon, qui gémit comme il a toujours gémi... et elle sait qu'il ne rentrera pas au village.
Commentaire de Nébal:Ben c'était très bien. Sous la forme de ce compte rendu, c'est très sec, et ça peut paraître confus (je vais peut-être essayer d’en tirer quelque chose de plus « écrit »), mais sur le moment, c'était assez magique... Pleinement convaincu (même si on n'a finalement presque pas utilisé le background...).
Mon ressenti: La partie a duré, avec l'exposition des règles, un peu plus de 3 heures.
Peu de choses à dire de cette partie sinon que tout le monde s'est vite senti à l'aise avec le système et que, dès le deuxième tour d'instances, le système était maîtrisé. en tant que confident, je n'ai pas eu trop de travail à faire, à part, parfois, proposer quelques pistes pour que l'histoire reste homogène. C'était un peu sec, peu de descriptions, un cadre restreint et des actions de faible amplitude. Les nombreux tirages "nature" et "Egregore" ont fait s'accumuler les circonstances fantastiques un peu trop rapidement pour qu'on les maîtrise vraiment.
http://nebalestuncon.over-blog.com/arti ... 60518.html
Nous étions cinq joueurs (les retours à la ligne marquent les instances). Le théâtre choisi était celui des chemins de Compostelle.
Un petit homme laid (dont on apprendra plus tard qu'il se nomme Siméon) s'abrite de la pluie sous un dolmen ; il veut se racheter de la mort de son frère, qu'il a tué sur un mouvement de colère, et s'est pour cette raison lancé dans le pèlerinage de Compostelle.
La compagne de ce frère assassiné, Alexia, le suit avec trois heures de retard, et entend bien se venger.
Mais ledit frère sort de son caveau. Il trouve une lettre déchirée de Siméon, qui lui indique son intention de partir. Il se lance à son tour sur le chemin de Compostelle, désireux de retrouver « son amour ».
Un aubergiste, sur la route, entend bien dépouiller autant que possible les pèlerins.
Je suis un pseudo-druide des environs, je veux exercer mon emprise sur les pèlerins en faisant de faux miracles.
Le petit homme poursuit son chemin et atteint l'auberge. Satisfait de sa bonne fortune, il y entre. C'est la morte saison, mais l'aubergiste l'accueille avec un grand sourire, et compte bien le délester de son petit pécule.
Alexia rencontre le druide, elle prend le chemin de l'auberge qu'il lui a indiqué. Elle est à la merci des brigands, sur ces routes mal famées.
Le frère est-il en vie ? Il erre dans le village, dont on le chasse bien vite. Il prend deux pelotes, les lâche et les suit, afin de retrouver sa bien-aimée et son frère.
L'aubergiste pousse Siméon à dépenser son argent : il prend la suite la plus chère, et considère qu'il l'a bien mérité, après cette horrible journée dans la nature ; il est également prêt à recourir aux services du druide.
Un loup s'est approché du dolmen peu après le départ d'Alexia ; j'ai essayé de l'apprivoiser, afin d'en disposer pour impressionner les pèlerins, mais il m'a mordu.
Siméon s'éveille d'une semi torpeur après avoir beaucoup dépensé. Le remords l'assaille. Sa culpabilité a pris la forme d'un loup près du dolmen. Il geint au comptoir, se plaignant de son sort... tout en finissant son verre de bière. La porte s'ouvre.
Alexia s'approche de l'aubergiste. Elle jette son alliance en or sur le comptoir « pour le dédommagement ». Elle s'approche alors de Siméon. L'aubergiste s'interpose. Mais Alexia parvient à planter sa dague dans le dos de Siméon. Sa soif de vengeance est assouvie. Siméon, qui a perdu son argent et sombre dans l'inconscience, ne cherche plus à se racheter.
Son frère marche longtemps, le temps s'étire. Un loup prend la pelote noire dans sa gueule. Les deux pelotes se mélangent et l'emmêlent. Il arrive devant le dolmen, le druide est tout près. Il craint d'arriver trop tard.
L'aubergiste se réveille ; son auberge est désertée, l'homme et la femme ont disparu. L'aubergiste, sous le coup d'une illumination, pense se lancer à leur poursuite, mais la pluie lui fait faire demi-tour. Il se réfugie près du feu. Il est sous l'emprise d'un maléfice du druide, qui l'empêche de quitter cet endroit.
Quand je me réveille, je vois le frère et le loup. Je veux fuir. Le loup se jette sur moi, me plaque au sol, et me mord à l'autre bras, symétriquement. Il chemine aux côtés du frère. Siméon sent ce que le loup ressent. Mes blessures s'infectent trop vite.
Salement blessé, Siméon titube un moment. Il a compris son acte. Il se sent injuste envers son frère, qui l'a toujours protégé. Il essaye de retourner au dolmen. Alexia le regarde ramper. Il se couche sous le dolmen en demandant pardon. Mais son frère ne l'entend pas.
Alexia regarde Siméon se vider de son sang. Une caravane de pèlerins s'arrête alors près du dolmen. Trois gardes s'approchent d'eux. Alexia les baratine, mais elle est prise au dépourvu. Ils tentent de sauver Siméon. Elle pleure des larmes de boue.
Le frère a assisté à tout cela. La bobine noire a achevé de se dérouler. La bobine blanche est aspirée par la boue. Le druide, à côté, voit les lèvres du frère bouger, mais il ne l'entend pas parler. Il sait qu'il se manifeste quelque chose de surnaturel, mais il n'a pas peur.
L'aubergiste prend conscience de sa condition d'aliéné et de prisonnier qui lui est imposée par le druide. Sous le coup de la colère, il maudit ce dernier. Il veut qu'il le libère de son emprise. Il met le feu à l'auberge. Alexia ne laisse que des cendres derrière elle. Le druide apparaît, cède et tombe à genoux ; ses blessures, ses stigmates, saignent. Il est aux mains d'une justice qui le dépasse. Tout ce en quoi l'aubergiste croyait était un mensonge...
Je sors de l'auberge en rampant et en saignant. Je cherche à me racheter ; sans croire vraiment à l'existence d'une entité supérieure, je décide de ne plus escroquer les pèlerins... et prends le chemin de Compostelle.
Siméon est couvert de sang, la pluie a repris de plus belle. L'auberge s'enflamme, et les manifestations des Horlas sont puissantes. Les pèlerins effrayés s'en vont. Siméon découvre qu'une cordelette est attachée à sa jambe et voit le visage de son frère entouré d'une couronne de lierre. Il voudrait s'excuser, mais le loup gronde depuis le haut du dolmen. D'une pression, le frère défait la ficelle, qui s'enroule autour du loup et le muselle. « Pourquoi m'as-tu tué ? » Siméon est pathétique quand il profère ses excuses, et s'apitoie surtout sur lui-même. Le frère a coupé le lien qui les unissait. Siméon ne fera pas long feu sur le chemin du retour.
Alexia voit son bien-aimé, elle s'en approche en rampant difficilement. Son image se décompose peu à peu et il disparaît définitivement quand elle veut le toucher. Il n'y a plus, derrière, que Siméon, qui gémit comme il a toujours gémi... et elle sait qu'il ne rentrera pas au village.
Commentaire de Nébal:Ben c'était très bien. Sous la forme de ce compte rendu, c'est très sec, et ça peut paraître confus (je vais peut-être essayer d’en tirer quelque chose de plus « écrit »), mais sur le moment, c'était assez magique... Pleinement convaincu (même si on n'a finalement presque pas utilisé le background...).
Mon ressenti: La partie a duré, avec l'exposition des règles, un peu plus de 3 heures.
Peu de choses à dire de cette partie sinon que tout le monde s'est vite senti à l'aise avec le système et que, dès le deuxième tour d'instances, le système était maîtrisé. en tant que confident, je n'ai pas eu trop de travail à faire, à part, parfois, proposer quelques pistes pour que l'histoire reste homogène. C'était un peu sec, peu de descriptions, un cadre restreint et des actions de faible amplitude. Les nombreux tirages "nature" et "Egregore" ont fait s'accumuler les circonstances fantastiques un peu trop rapidement pour qu'on les maîtrise vraiment.
Le ciel étoilé a des constellations rares et prodigieuses qui ont pour mission de se rapprocher sans cesse et doucement des mondes misérables et de les éclairer peu à peu d’un jour qui commence par être crépusculaire et qui arrive à être flamboyant
La Partie du Lundi - Traces rôlistiques
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Re: [CR] Inflorenza - Les chemins de Compostelle
1- Les abus de la mémoire
http://nebalestuncon.over-blog.com/arti ... 04055.html
Nous étions trois joueurs (les retours à la ligne marquent les instances ; les thèmes tirés aux dés sont indiqués en italiques et entre crochets). Nous avons repris le théâtre des chemins de Compostelle, désireux de voir si on pouvait en tirer autre chose que lors de la première partie. Nous nous sommes mis d’accord pour constituer un groupe de pèlerins dès le départ ; enfin, nous avons développé des éléments de décor lors d’un tour préalable.
Les « phrases » sont indiquées par le soulignement (j’ai cette fois également relevé quelles phrases étaient rayées en cas de sacrifice).
Décor
La forêt longe la côte, elle s’éclaircit avant d’aboutir à une falaise ; on y trouve une petite église érodée avec un cimetière attenant. Impression de bout du monde.
Dans des montagnes, un vieux pont de pierre au dessus d’un ravin au fond duquel coule un torrent ; il y a un péage.
Le vent est très violent en ces lieux ; est-il propice aux manifestations de l’Egrégore ?
Premier tour
Il fait chaud, c’est une journée de septembre évoquant l’été indien. La forêt est humide, l’expédition (composée d’une dizaine de personnes) est épuisée et veut faire une pause, alors qu’un vent léger apporte un peu de réconfort. Le premier personnage s’appelle Childe. De forte carrure, il a pris tout naturellement la tête du groupe : on ne le fait pas chier, mais ceux qui l’accompagnent non plus. Il bouscule un gringalet : « On n’est pas là pour se reposer ! Lève-toi, chiffe molle ! » Ces derniers jours, il tend de plus en plus à passer ses nerfs sur les pèlerins, en commençant par les plus faibles… C’est néanmoins un bon compagnon et quelqu’un de serviable. Il vient d’un pays lointain à l’est et obéit à son seigneur. [Société] Je veux aller à Compostelle parce que mon Seigneur m’a dit d’y aller. Il montre une coquille sur une borne indiquant un relais tout proche, et avance sans attendre les autres.
Gritte a entendu Childe beugler sur le gringalet, mais elle est à la traîne. Elle sait qu’elle ne tiendra pas jusqu’à la fin du jour, ni, à ce rythme-là, jusqu’à Compostelle. Elle a un bébé dans les bras ; ce n’est pas le sien, et elle ne sait pas vraiment comment s’en occuper. Le village l’a chargée d’emmener ce bébé à Compostelle. Un homme avait été désigné pour l’accompagner, mais il est mort. Je veux aller à Compostelle pour y déposer un enfant qui n’est pas le mien.
Mon nom est Tak, et j’accompagne Childe, que j’envie et admire, en méprisant quelque peu le reste du groupe qui traîne la patte. Nous arrivons à un pont, au-dessus d’un torrent jaunâtre et boueux. J’y lâche une pierre, qui s’enfonce lentement dans un bruit répugnant et un panache de fumée ; l’odeur est infecte. Cela me rend curieux, car je suspecte quelque chose de surnaturel (j’ai entendu parler des sources de mémoire, et d’eaux qui produisent des effets étranges ; serait-ce cela ?) [Horlas] Je veux impressionner Childe par ma connaissance du terrain.
Deuxième tour
Le reste du groupe finit par rejoindre Childe et Tak. Childe moleste le Baveux, étrange personnage qui marche à côté de Gritte et ne cesse de lorgner le bébé. [Pèlerins] C’est mon groupe, tout le monde ira au bout.
Quand les pèlerins sont sortis du couvert de la forêt, la lumière (ou le souffre ?) a brûlé les yeux de Gritte et du bébé. Elle est la dernière. Childe multiplie les allers-retours pour filer des taloches aux traînards. Le groupe passe progressivement le pont, qui vibre un peu. Dans la guérite de l’autre côté, on trouve de l’eau claire, de la nourriture, dont du pain frais… mais il n’y a personne. Chacun mange jusqu’à être repu, tout le monde est parfaitement rassasié quand les plats sont terminés. La nuit est tombée, et le groupe loge (tout juste) dans le bâtiment. Le bébé ne crie pas ; il ne crie plus depuis des jours. [Société] Au milieu de la nuit, le groupe est réveillé par des coups frappés à la porte. Le Douanier vient réclamer le prix du passage, de la nourriture et du gîte. On s’en doutait : Il faut bien payer.
Je décide de prendre l’initiative pendant que Childe dort en ronflant. Je discute avec le Douanier, vieil homme bourru qui suinte l’autorité. Je prétends être le chef du groupe, mais devoir en référer à la communauté avant de prendre une décision concernant le paiement. J’affirme que nous sommes fiables… mais interromps brutalement le Douanier quand je le pense distrait en essayant de lui planter un couteau dans le ventre. Mais il m’intercepte, me tord le poignet, et je laisse tomber la lame. [Pèlerins] Je n’ai pas le charisme d’un chef. J’essaye de me justifier en prétendant que le supposé Douanier est un escroc et un brigand, mais personne ne m’écoute… [Mémoire] Ce n’est pas la première fois que mon ambition me nuit.
Troisième tour
Le Douanier ramasse le couteau : « J’accepte ton paiement. » Childe se réveille enfin. Il a un peu peur, comme tout le monde, règne un profond sentiment de malaise. Il regarde autour de lui pour voir si quelque chose pourrait lui servir d’arme, au moins pour intimider le Douanier. Ce dernier se tourne vers Gritte : « C’est pour moi ce que tu as dans les bras ? » dit-il en évoquant le bébé. Gritte ne répond pas. Le sang de Childe ne fait qu’un tour. Il se redresse et défie le Douanier, retrouvant son statut de chef. Le Douanier s’approche de lui à demi amusé : « C’est toi le représentant maintenant que l’autre a payé son écot ? » « Je ne suis pas un représentant, je suis le chef ! » Childe refuse de payer quoi que ce soit. Le Douanier dit qu’il ne peut pas le laisser passer, dans ce cas. Childe cherche à le frapper. Mais le Douanier attrape son poing, le tire dehors et le pousse dans le ravin. Le Douanier se retourne vers le reste du groupe : « Ça a valeur de paiement pour tout le monde. » Childe raye ses deux phrases et est éliminé. Gritte raye Il faut bien payer. Je raye Je veux impressionner Childe par ma connaissance du terrain.
Le corps de Childe a fait un bruit répugnant quand la rivière l’a englouti. Il n’a presque pas crié. Le jour allait se lever. Tout le monde refait les paquetages et reprend la route… à la suite de Tak, qui « mime » ce que faisait Childe. Tout le monde a la trouille et obéit. Certains voulaient faire une prière pour Childe, mais on se contente d’édifier un petit cairn. Le groupe marche pendant quelques jours, et le sentier redescend dans la forêt. Le Baveux fait un peu trop souvent des risettes au bébé. Gritte a peur qu’il ne le lui prenne pendant la nuit… pour le manger. [Horlas] Le chemin longe de loin en loin la rivière. Elle remarque que cela produit un effet bizarre sur le Baveux, qui en a peur. On ne me prendra pas l’enfant.
Je suis assez content de moi : mon échec face au Douanier s’est retourné en ma faveur. Je suis devenu chef un peu malgré moi, mais je l’assume, et me montre plus conciliant que Childe. Le fait de longer toujours la rivière attise ma curiosité. S’agit-il d’une source de mémoire ? Ou a-t-elle des effets dangereux ? Je veux en avoir le cœur net : il faut essayer… mais pas sur moi. J’essaye d’envoyer le Baveux y goûter. (Le joueur de Childe incarne désormais le Baveux : ses première phrases sont [Folie] Je vais à Compostelle parce que j’ai tout le temps faim et [Science] Je développe des théories fumeuses sur tout.) Je baratine le Baveux, lui disant que l’eau de la rivière est semblable à de la soupe et pourrait apaiser sa faim. Je parviens à le persuader de boire, mais Je fais un compromis terrible… En effet, le Baveux me réclame l’enfant ([Société] Je crois que le bébé représente la solution à mes problèmes).
Quatrième tour
Le Baveux descend au bord de la rivière. Il est franchement dégoûté, mais plonge la main dans l’eau jaunâtre, et en ramène un liquide filandreux qu’il porte à sa bouche, et recommence par trois fois. Il regarde Tak, qui lui jette des coups d’œil intéressés, mais rien ne semble se produire. Le Baveux remonte, son estomac gargouille et il a un goût répugnant en bouche. Il dit à Tak que ça ne lui a rien fait. Quelques jours plus tard : la troupe continue de suivre la rivière de loin en loin ; d’autres cours d’eau s’y mêlent, mais elle garde sa teinte et son odeur infecte, aussi monte-t-on le campement aussi loin que possible. Mais le vent marin finit par couvrir les remugles. Le Baveux, plus vif, prend la tête du groupe, et attend le moment propice pour réclamer son dû à Tak. Les arbres s’écartent à nouveau. La route se perd dans une lande grisâtre qui donne sur une falaise. La rivière se jette dans la mer qui s’étend sur tout l’horizon et est couverte de nuages. Une église se dresse non loin, érodée par le vent très violent. Le groupe avance en file indienne. L’herbe est plus verte autour de l’église. C’est un signe positif, le premier depuis longtemps. Le cerveau du Baveux s’est mis à tourner à toute vitesse. Des choses lui reviennent en tête, une ritournelle, des couleurs, une vieille fable, des visages… Il a de terribles migraines. Il ouvre la porte de l’église et pénètre à l’intérieur pour s’abriter du vent. Il n’entend pas que ça bouge dans l’église. Il fait un signe de croix, apostrophe abstraite pour lui-même. [Brigands] Le Baveux se voit souvent lui-même dans ses « rêves », mais plus épais, moins affamé ; ses rêves s’organisent : il était un bandit trop gourmand dans ses méthodes de pillage. Cette église (pas celle-ci précisément, mais le fait que ce soit une église) lui rappelle quelque chose. Les églises me rappellent mes mauvais actes passés.
Gritte n’a ni vu ni entendu le pacte entre Tak et le Baveux. Mais elle a vu le Baveux descendre à la rivière et boire. Il est remonté et Tak a ordonné le départ. Le Baveux a depuis des espèces de longs regards sur le bébé, qui la mettent mal à l’aise, mais pas de la même manière qu’auparavant. Quand le groupe voit enfin l’église, celui lui fait du bien (il n’y avait pas d’abri depuis des jours). Gritte est loin derrière les autres quand ils entrent. Quand elle arrive à son tour, tout le monde est abattu et prostré par terre dans une profonde léthargie. Il n’y a pas de place pour elle à l’intérieur, l’église est trop petite. Elle s’abrite sous un caveau qui la protège quand même du vent. Elle voit ressortir huit personnes, qui ressemblent à celles du groupe mais sans être les mêmes : le Baveux, un grand gars bien bâti avec des armes à la ceinture, le gringalet qui compte des pièces, Tak l’air d’avoir trouvé la paix… Ils repartent tous en sens inverse. L’église fait quelque chose aux souvenirs des gens ou à ce qui les pousse à faire le pèlerinage. [Pulsions] Gritte serre le bébé contre elle, elle entre à son tour dans l’église, elle trébuche sur les gens qui dorment jusqu’à l’autel, où elle pose le bébé avant de s’endormir à son tour. Suis-je arrivé au bout ?
C’était trop beau pour durer : le Baveux est devenu plus vif et a pris la tête du groupe ces derniers jours. Je suis intrigué par l’eau de la rivière, j’aimerais procéder à d’autres tests, mais les gens veulent que l’on s’en éloigne autant que possible à cause de l’odeur et je ne trouve pas d’arguments à leur opposer. Quand on arrive à l’église, refuge bienvenu, tout le monde s’endort très vite. Je suis cependant réveillé par Gritte qui me trébuche dessus avant de poser le bébé sur l’autel. Cette vision me rappelle mon pacte avec le Baveux et, comme il s’agit d’un lieu saint, je m’en veux, suis pris de remords, mais me sens désarmé… [Mémoire] Le plus troublant, cependant, c’est que j’ai déjà vu cette scène, dans cette église précisément. Je suis déjà venu ici.
Cinquième tour
La nuit s’est avancée. Le Baveux se réveille avec une forte migraine. Il a vu en rêve les membres de l’expédition : il se souvient de leurs noms, de les avoir vus dans d’autres endroits, moins maigres, il revoit Childe… Il se souvient de la motivation première du pèlerinage : un prédicateur était arrivé, qui disait qu’il fallait envoyer des marcheurs à Compostelle, mais il ne se souvient plus pour quelle raison. C’est néanmoins à cause de ce prêche que tous se sont mis en route. Le Baveux, quand il ouvre les yeux, voit trois silhouettes penchées sur l’enfant. Il les fait fuir : « Laissez cet enfant ! Il est à moi ! » Il ne distingue pas les visages des silhouettes qui sortent de l’église en courant. Il se rend à l’autel, mais, au moment d’approcher la main du bébé, est pris d’une sorte de regret et de doute. Manger l’enfant n’est peut-être pas ce qu’il faut en faire… Il observe son visage calme, et voit quelques gouttes de liquide perler au coin de sa bouche ; il reconnaît l’eau de la rivière. Bravant le mal de tête, il se lance dans le noir à la poursuite des trois silhouettes. Au bord de la rivière, un chemin descend : ils ont dû passer par là. Il y a des vasques aménagées dans lesquelles on trouve de l’eau à différents stades. Un filet d’eau claire ruisselle, qui se mêle à l’eau jaunâtre de la rivière. Il y a du bruit en bas des marches. [Société] Je dois trouver ma place au sein du groupe.
En s’endormant, Gritte pensait avoir atteint quelque chose, mais dans ses rêves elle ne sort pas de l’église, contrairement à ceux qu’elle avait vus. Elle voit trois silhouettes penchées sur le bébé, et en reconnaît les visages : le juge qui l’avait accusée de sorcellerie, le prédicateur qui lui a ordonné de partir en pèlerinage, le père de l’enfant qui la rendait responsable de la mort en couches de la mère (Gritte était sage-femme). Le Baveux fait peur aux silhouettes, puis part à leur suite. Gritte s’approche de l’autel, voit le liquide aux lèvres de l’enfant, trempe son doigt et lui fait une bénédiction sur le front. Elle laisse l’enfant là et part derrière le Baveux. [Science] L’obscurantisme m’a chassée de mon village.
[Pèlerins] Je me suis rendormi après ma vision de l’enfant sur l’autel. Mon sommeil est perturbé par des images issues de la mystique chrétienne : trinité, sacrifice… Je me méfie du Baveux, et ne fais pas confiance à Gritte pour protéger l’enfant : c’est à moi de le faire… mais je ne sais pas comment. Quand je me réveille, tous deux sont partis, ce qui ne fait que renforcer ma conviction. Je vais voir l’enfant sur l’autel, m’humecte les lèvres du liquide sur son front. J’acquiers la conviction que nous tournons en rond : nous n’allons pas à Compostelle, mais nous en venons. Je veux comprendre ce qui se passe, j’ai le sentiment d’être manipulé. Je veux comprendre où nous allons.
Sixième tour
Le vent colle le Baveux à la paroi. Il descend au bord de la rivière. Il entend des chuchotements. En tournant le dos à la chute, il arrive à des cavités dans la pierre : les silhouettes ont dû se réfugier là. Il se sent très léger, mais son estomac recommence à se faire entendre. Dans la caverne, il y a une demi-douzaine de personnes en robes de bure, recroquevillées les unes sur les autres. Il entre, Gritte n’est pas loin derrière lui. Le Baveux a l’impression de connaître les lieux. Il avance vite, de crainte de « tomber » s’il s’arrête. Les six vieillards le regardent. Il sent l’eau de la rivière, mêlée à du sel, de la fumée… Il demande aux vieillards qui ils sont, ce qu’ils ont fait à l’enfant, ce qu’est cette eau (d’autant qu’il en a mis dans les gourdes des autres ! Il avait bien compris ce que Tak voulait faire…) Les vieillards sont effrayés. Le Baveux crache un jet de bile par terre. Ils ont l’air un peu plus rassurés. Gritte arrive dans son dos. Les vieillards disent qu’ils voulaient offrir la mémoire à l’enfant. [Science] L’eau de la rivière me rend la mémoire.
Gritte connaît bien la douleur des autres, et se rend compte de ce que le Baveux souffre et est devenu fou : il beugle dans le vide, il dit qu’il a mis de l’eau jaunâtre dans les gourdes… Or on sait que cette eau est un poison. Pendant qu’il parle à des personnes qu’elle ne voit pas, elle passe derrière lui… et le pousse dans la vasque. Elle veut le noyer ; ça n’est pas difficile de lui maintenir la nuque sous l’eau. Elle attend qu’il ne bouge plus, et ressent une sorte de délivrance après tout ce temps où elle avait souffert pour un crime qu’elle n’avait pas commis ; cette fois, c’est bien un crime qu’elle a commis, et il ne faut pas s’arrêter là : elle retourne vers l’église… (Elle raye Je veux aller à Compostelle pour y déposer un enfant qui n’est pas le mien.) Le Baveux, la tête sous l’eau, ne comprend pas ce qui lui arrive. Il est assailli par des images. Il se souvient du prédicateur de Compostelle, de l’accusation portée contre la sage-femme, dont il était amoureux, et du départ du pèlerinage. Il revoit sa vie défiler, les pillages auxquels il s’est livré, le meurtre d’un prêtre… Childe était le seigneur de la ville. Le Baveux perd conscience. [Chair] Je suis sujet à des douleurs terribles depuis que j’ai bu de l’eau. [Science, puissance] Je connais un remède temporaire à l’oubli.
Je suis le Baveux et Gritte, me doutant qu’ils sont allés vers la rivière. J’assiste au « meurtre » du Baveux par Gritte. Je me cache pour ne pas être vu d’elle. Je me rends ensuite près de la vasque, en sors le Baveux : il est inconscient mais toujours vivant. Je me dis qu’il est vraiment temps que je goûte moi-même à cette eau et, poussé par une intuition mystique, procède à une sorte de baptême par immersion totale. Je me souviens : j’étais le prédicateur, conseiller du seigneur Childe de Compostelle. J’ai lancé l’idée d’un pèlerinage perpétuel pour expier nos péchés et « guérir » l’Europe, en jouant sur le syndrome de l’oubli. Mais j’avais moi-même oublié tout cela…Dois-je perpétuer mon dessein ? En cas de réussite, je considère que ce passage à l’église est obligatoire dans la boucle… et la relance pour un tour ; sinon, je me dis que cette entreprise est un échec, surtout depuis la mort de Childe, et décide de rompre la boucle. [Société] Je me suis fourvoyé. J’ai péché en manipulant les gens, et suis tombé dans mon propre piège… Je ne peux pas exercer mon ministère par la manipulation.
Commentaire de Nébal: Une partie fort sympathique dans l’ensemble. Si tout ne colle pas parfaitement et si des éléments ont été laissés en plan – mais sans doute est-ce inévitable ? –, le récit nous a tous parlé de son départ à sa conclusion, en gros. Les personnages ont probablement été un peu plus élaborés que dans les parties précédentes, et leurs interactions assez riches. En n’usant pas (ou peu) de l’Egrégore, notamment, nous avons évité d’en faire trop dans la surenchère surnaturelle, et surtout dans le final « pyrotechnique ». Je ferais bien un petit mea culpa très personnel : j’ai peut-être un peu trop essayé d’orienter l’intrigue de mon côté (souvenir de la partie précédente où on avait connu des difficultés en ne prenant pas assez de décisions ?) Nous avons peu fait intervenir les PNJ, par ailleurs, en dehors du Douanier… Mais le cadre était assez riche et, même si on avait tendance à se focaliser sur la perception de son propre personnage, on a davantage utilisé d’éléments « extérieurs » que précédemment. Dernier point, enfin : j’étais sceptique sur la possibilité de jouer en campagne ; je le reste un peu, mais cette histoire devrait pouvoir appeler une suite, et on va sans doute tester ça prochainement…
Mon commentaire: Temps de jeu: environ 4 heures. Ca a à peu près roulé tout seul. La fabrication du décor a priori a été fort utile pour relancer l'aventure et faire un bout de route. Et surtout, ça a permis de très chouettes descriptions qui ont beaucoup contribué à l'ambiance de cette session, très fort. Pas mal d'ellipses et de voyage, l'aventure couvre une période de près de trois semaines en temps de jeu, et ça passe très bien. Les instances se sont allongées, chacun prend la mesure de ses libertés et de la manière dont il peut jouer avec l'environnement. Mon seul regret: le manque de PNJ, et notamment dans la troupe même des pèlerins, où hors des PJ et du gringalet, les caractères sont indistincts. Concernant les duels, il y en a eu un bon nombre avec des conséquences variées, mais qui ont à chaque fois relancé le jeu vers une situation inattendue. Mais nous avons tous poussés dans le même sens quant à la résolution (contrairement à ce que pouvait penser Nébal juste après la partie) qui s'est avérée, pour ma part, très satisfaisante. Une excellente partie!
http://nebalestuncon.over-blog.com/arti ... 04055.html
Nous étions trois joueurs (les retours à la ligne marquent les instances ; les thèmes tirés aux dés sont indiqués en italiques et entre crochets). Nous avons repris le théâtre des chemins de Compostelle, désireux de voir si on pouvait en tirer autre chose que lors de la première partie. Nous nous sommes mis d’accord pour constituer un groupe de pèlerins dès le départ ; enfin, nous avons développé des éléments de décor lors d’un tour préalable.
Les « phrases » sont indiquées par le soulignement (j’ai cette fois également relevé quelles phrases étaient rayées en cas de sacrifice).
Décor
La forêt longe la côte, elle s’éclaircit avant d’aboutir à une falaise ; on y trouve une petite église érodée avec un cimetière attenant. Impression de bout du monde.
Dans des montagnes, un vieux pont de pierre au dessus d’un ravin au fond duquel coule un torrent ; il y a un péage.
Le vent est très violent en ces lieux ; est-il propice aux manifestations de l’Egrégore ?
Premier tour
Il fait chaud, c’est une journée de septembre évoquant l’été indien. La forêt est humide, l’expédition (composée d’une dizaine de personnes) est épuisée et veut faire une pause, alors qu’un vent léger apporte un peu de réconfort. Le premier personnage s’appelle Childe. De forte carrure, il a pris tout naturellement la tête du groupe : on ne le fait pas chier, mais ceux qui l’accompagnent non plus. Il bouscule un gringalet : « On n’est pas là pour se reposer ! Lève-toi, chiffe molle ! » Ces derniers jours, il tend de plus en plus à passer ses nerfs sur les pèlerins, en commençant par les plus faibles… C’est néanmoins un bon compagnon et quelqu’un de serviable. Il vient d’un pays lointain à l’est et obéit à son seigneur. [Société] Je veux aller à Compostelle parce que mon Seigneur m’a dit d’y aller. Il montre une coquille sur une borne indiquant un relais tout proche, et avance sans attendre les autres.
Gritte a entendu Childe beugler sur le gringalet, mais elle est à la traîne. Elle sait qu’elle ne tiendra pas jusqu’à la fin du jour, ni, à ce rythme-là, jusqu’à Compostelle. Elle a un bébé dans les bras ; ce n’est pas le sien, et elle ne sait pas vraiment comment s’en occuper. Le village l’a chargée d’emmener ce bébé à Compostelle. Un homme avait été désigné pour l’accompagner, mais il est mort. Je veux aller à Compostelle pour y déposer un enfant qui n’est pas le mien.
Mon nom est Tak, et j’accompagne Childe, que j’envie et admire, en méprisant quelque peu le reste du groupe qui traîne la patte. Nous arrivons à un pont, au-dessus d’un torrent jaunâtre et boueux. J’y lâche une pierre, qui s’enfonce lentement dans un bruit répugnant et un panache de fumée ; l’odeur est infecte. Cela me rend curieux, car je suspecte quelque chose de surnaturel (j’ai entendu parler des sources de mémoire, et d’eaux qui produisent des effets étranges ; serait-ce cela ?) [Horlas] Je veux impressionner Childe par ma connaissance du terrain.
Deuxième tour
Le reste du groupe finit par rejoindre Childe et Tak. Childe moleste le Baveux, étrange personnage qui marche à côté de Gritte et ne cesse de lorgner le bébé. [Pèlerins] C’est mon groupe, tout le monde ira au bout.
Quand les pèlerins sont sortis du couvert de la forêt, la lumière (ou le souffre ?) a brûlé les yeux de Gritte et du bébé. Elle est la dernière. Childe multiplie les allers-retours pour filer des taloches aux traînards. Le groupe passe progressivement le pont, qui vibre un peu. Dans la guérite de l’autre côté, on trouve de l’eau claire, de la nourriture, dont du pain frais… mais il n’y a personne. Chacun mange jusqu’à être repu, tout le monde est parfaitement rassasié quand les plats sont terminés. La nuit est tombée, et le groupe loge (tout juste) dans le bâtiment. Le bébé ne crie pas ; il ne crie plus depuis des jours. [Société] Au milieu de la nuit, le groupe est réveillé par des coups frappés à la porte. Le Douanier vient réclamer le prix du passage, de la nourriture et du gîte. On s’en doutait : Il faut bien payer.
Je décide de prendre l’initiative pendant que Childe dort en ronflant. Je discute avec le Douanier, vieil homme bourru qui suinte l’autorité. Je prétends être le chef du groupe, mais devoir en référer à la communauté avant de prendre une décision concernant le paiement. J’affirme que nous sommes fiables… mais interromps brutalement le Douanier quand je le pense distrait en essayant de lui planter un couteau dans le ventre. Mais il m’intercepte, me tord le poignet, et je laisse tomber la lame. [Pèlerins] Je n’ai pas le charisme d’un chef. J’essaye de me justifier en prétendant que le supposé Douanier est un escroc et un brigand, mais personne ne m’écoute… [Mémoire] Ce n’est pas la première fois que mon ambition me nuit.
Troisième tour
Le Douanier ramasse le couteau : « J’accepte ton paiement. » Childe se réveille enfin. Il a un peu peur, comme tout le monde, règne un profond sentiment de malaise. Il regarde autour de lui pour voir si quelque chose pourrait lui servir d’arme, au moins pour intimider le Douanier. Ce dernier se tourne vers Gritte : « C’est pour moi ce que tu as dans les bras ? » dit-il en évoquant le bébé. Gritte ne répond pas. Le sang de Childe ne fait qu’un tour. Il se redresse et défie le Douanier, retrouvant son statut de chef. Le Douanier s’approche de lui à demi amusé : « C’est toi le représentant maintenant que l’autre a payé son écot ? » « Je ne suis pas un représentant, je suis le chef ! » Childe refuse de payer quoi que ce soit. Le Douanier dit qu’il ne peut pas le laisser passer, dans ce cas. Childe cherche à le frapper. Mais le Douanier attrape son poing, le tire dehors et le pousse dans le ravin. Le Douanier se retourne vers le reste du groupe : « Ça a valeur de paiement pour tout le monde. » Childe raye ses deux phrases et est éliminé. Gritte raye Il faut bien payer. Je raye Je veux impressionner Childe par ma connaissance du terrain.
Le corps de Childe a fait un bruit répugnant quand la rivière l’a englouti. Il n’a presque pas crié. Le jour allait se lever. Tout le monde refait les paquetages et reprend la route… à la suite de Tak, qui « mime » ce que faisait Childe. Tout le monde a la trouille et obéit. Certains voulaient faire une prière pour Childe, mais on se contente d’édifier un petit cairn. Le groupe marche pendant quelques jours, et le sentier redescend dans la forêt. Le Baveux fait un peu trop souvent des risettes au bébé. Gritte a peur qu’il ne le lui prenne pendant la nuit… pour le manger. [Horlas] Le chemin longe de loin en loin la rivière. Elle remarque que cela produit un effet bizarre sur le Baveux, qui en a peur. On ne me prendra pas l’enfant.
Je suis assez content de moi : mon échec face au Douanier s’est retourné en ma faveur. Je suis devenu chef un peu malgré moi, mais je l’assume, et me montre plus conciliant que Childe. Le fait de longer toujours la rivière attise ma curiosité. S’agit-il d’une source de mémoire ? Ou a-t-elle des effets dangereux ? Je veux en avoir le cœur net : il faut essayer… mais pas sur moi. J’essaye d’envoyer le Baveux y goûter. (Le joueur de Childe incarne désormais le Baveux : ses première phrases sont [Folie] Je vais à Compostelle parce que j’ai tout le temps faim et [Science] Je développe des théories fumeuses sur tout.) Je baratine le Baveux, lui disant que l’eau de la rivière est semblable à de la soupe et pourrait apaiser sa faim. Je parviens à le persuader de boire, mais Je fais un compromis terrible… En effet, le Baveux me réclame l’enfant ([Société] Je crois que le bébé représente la solution à mes problèmes).
Quatrième tour
Le Baveux descend au bord de la rivière. Il est franchement dégoûté, mais plonge la main dans l’eau jaunâtre, et en ramène un liquide filandreux qu’il porte à sa bouche, et recommence par trois fois. Il regarde Tak, qui lui jette des coups d’œil intéressés, mais rien ne semble se produire. Le Baveux remonte, son estomac gargouille et il a un goût répugnant en bouche. Il dit à Tak que ça ne lui a rien fait. Quelques jours plus tard : la troupe continue de suivre la rivière de loin en loin ; d’autres cours d’eau s’y mêlent, mais elle garde sa teinte et son odeur infecte, aussi monte-t-on le campement aussi loin que possible. Mais le vent marin finit par couvrir les remugles. Le Baveux, plus vif, prend la tête du groupe, et attend le moment propice pour réclamer son dû à Tak. Les arbres s’écartent à nouveau. La route se perd dans une lande grisâtre qui donne sur une falaise. La rivière se jette dans la mer qui s’étend sur tout l’horizon et est couverte de nuages. Une église se dresse non loin, érodée par le vent très violent. Le groupe avance en file indienne. L’herbe est plus verte autour de l’église. C’est un signe positif, le premier depuis longtemps. Le cerveau du Baveux s’est mis à tourner à toute vitesse. Des choses lui reviennent en tête, une ritournelle, des couleurs, une vieille fable, des visages… Il a de terribles migraines. Il ouvre la porte de l’église et pénètre à l’intérieur pour s’abriter du vent. Il n’entend pas que ça bouge dans l’église. Il fait un signe de croix, apostrophe abstraite pour lui-même. [Brigands] Le Baveux se voit souvent lui-même dans ses « rêves », mais plus épais, moins affamé ; ses rêves s’organisent : il était un bandit trop gourmand dans ses méthodes de pillage. Cette église (pas celle-ci précisément, mais le fait que ce soit une église) lui rappelle quelque chose. Les églises me rappellent mes mauvais actes passés.
Gritte n’a ni vu ni entendu le pacte entre Tak et le Baveux. Mais elle a vu le Baveux descendre à la rivière et boire. Il est remonté et Tak a ordonné le départ. Le Baveux a depuis des espèces de longs regards sur le bébé, qui la mettent mal à l’aise, mais pas de la même manière qu’auparavant. Quand le groupe voit enfin l’église, celui lui fait du bien (il n’y avait pas d’abri depuis des jours). Gritte est loin derrière les autres quand ils entrent. Quand elle arrive à son tour, tout le monde est abattu et prostré par terre dans une profonde léthargie. Il n’y a pas de place pour elle à l’intérieur, l’église est trop petite. Elle s’abrite sous un caveau qui la protège quand même du vent. Elle voit ressortir huit personnes, qui ressemblent à celles du groupe mais sans être les mêmes : le Baveux, un grand gars bien bâti avec des armes à la ceinture, le gringalet qui compte des pièces, Tak l’air d’avoir trouvé la paix… Ils repartent tous en sens inverse. L’église fait quelque chose aux souvenirs des gens ou à ce qui les pousse à faire le pèlerinage. [Pulsions] Gritte serre le bébé contre elle, elle entre à son tour dans l’église, elle trébuche sur les gens qui dorment jusqu’à l’autel, où elle pose le bébé avant de s’endormir à son tour. Suis-je arrivé au bout ?
C’était trop beau pour durer : le Baveux est devenu plus vif et a pris la tête du groupe ces derniers jours. Je suis intrigué par l’eau de la rivière, j’aimerais procéder à d’autres tests, mais les gens veulent que l’on s’en éloigne autant que possible à cause de l’odeur et je ne trouve pas d’arguments à leur opposer. Quand on arrive à l’église, refuge bienvenu, tout le monde s’endort très vite. Je suis cependant réveillé par Gritte qui me trébuche dessus avant de poser le bébé sur l’autel. Cette vision me rappelle mon pacte avec le Baveux et, comme il s’agit d’un lieu saint, je m’en veux, suis pris de remords, mais me sens désarmé… [Mémoire] Le plus troublant, cependant, c’est que j’ai déjà vu cette scène, dans cette église précisément. Je suis déjà venu ici.
Cinquième tour
La nuit s’est avancée. Le Baveux se réveille avec une forte migraine. Il a vu en rêve les membres de l’expédition : il se souvient de leurs noms, de les avoir vus dans d’autres endroits, moins maigres, il revoit Childe… Il se souvient de la motivation première du pèlerinage : un prédicateur était arrivé, qui disait qu’il fallait envoyer des marcheurs à Compostelle, mais il ne se souvient plus pour quelle raison. C’est néanmoins à cause de ce prêche que tous se sont mis en route. Le Baveux, quand il ouvre les yeux, voit trois silhouettes penchées sur l’enfant. Il les fait fuir : « Laissez cet enfant ! Il est à moi ! » Il ne distingue pas les visages des silhouettes qui sortent de l’église en courant. Il se rend à l’autel, mais, au moment d’approcher la main du bébé, est pris d’une sorte de regret et de doute. Manger l’enfant n’est peut-être pas ce qu’il faut en faire… Il observe son visage calme, et voit quelques gouttes de liquide perler au coin de sa bouche ; il reconnaît l’eau de la rivière. Bravant le mal de tête, il se lance dans le noir à la poursuite des trois silhouettes. Au bord de la rivière, un chemin descend : ils ont dû passer par là. Il y a des vasques aménagées dans lesquelles on trouve de l’eau à différents stades. Un filet d’eau claire ruisselle, qui se mêle à l’eau jaunâtre de la rivière. Il y a du bruit en bas des marches. [Société] Je dois trouver ma place au sein du groupe.
En s’endormant, Gritte pensait avoir atteint quelque chose, mais dans ses rêves elle ne sort pas de l’église, contrairement à ceux qu’elle avait vus. Elle voit trois silhouettes penchées sur le bébé, et en reconnaît les visages : le juge qui l’avait accusée de sorcellerie, le prédicateur qui lui a ordonné de partir en pèlerinage, le père de l’enfant qui la rendait responsable de la mort en couches de la mère (Gritte était sage-femme). Le Baveux fait peur aux silhouettes, puis part à leur suite. Gritte s’approche de l’autel, voit le liquide aux lèvres de l’enfant, trempe son doigt et lui fait une bénédiction sur le front. Elle laisse l’enfant là et part derrière le Baveux. [Science] L’obscurantisme m’a chassée de mon village.
[Pèlerins] Je me suis rendormi après ma vision de l’enfant sur l’autel. Mon sommeil est perturbé par des images issues de la mystique chrétienne : trinité, sacrifice… Je me méfie du Baveux, et ne fais pas confiance à Gritte pour protéger l’enfant : c’est à moi de le faire… mais je ne sais pas comment. Quand je me réveille, tous deux sont partis, ce qui ne fait que renforcer ma conviction. Je vais voir l’enfant sur l’autel, m’humecte les lèvres du liquide sur son front. J’acquiers la conviction que nous tournons en rond : nous n’allons pas à Compostelle, mais nous en venons. Je veux comprendre ce qui se passe, j’ai le sentiment d’être manipulé. Je veux comprendre où nous allons.
Sixième tour
Le vent colle le Baveux à la paroi. Il descend au bord de la rivière. Il entend des chuchotements. En tournant le dos à la chute, il arrive à des cavités dans la pierre : les silhouettes ont dû se réfugier là. Il se sent très léger, mais son estomac recommence à se faire entendre. Dans la caverne, il y a une demi-douzaine de personnes en robes de bure, recroquevillées les unes sur les autres. Il entre, Gritte n’est pas loin derrière lui. Le Baveux a l’impression de connaître les lieux. Il avance vite, de crainte de « tomber » s’il s’arrête. Les six vieillards le regardent. Il sent l’eau de la rivière, mêlée à du sel, de la fumée… Il demande aux vieillards qui ils sont, ce qu’ils ont fait à l’enfant, ce qu’est cette eau (d’autant qu’il en a mis dans les gourdes des autres ! Il avait bien compris ce que Tak voulait faire…) Les vieillards sont effrayés. Le Baveux crache un jet de bile par terre. Ils ont l’air un peu plus rassurés. Gritte arrive dans son dos. Les vieillards disent qu’ils voulaient offrir la mémoire à l’enfant. [Science] L’eau de la rivière me rend la mémoire.
Gritte connaît bien la douleur des autres, et se rend compte de ce que le Baveux souffre et est devenu fou : il beugle dans le vide, il dit qu’il a mis de l’eau jaunâtre dans les gourdes… Or on sait que cette eau est un poison. Pendant qu’il parle à des personnes qu’elle ne voit pas, elle passe derrière lui… et le pousse dans la vasque. Elle veut le noyer ; ça n’est pas difficile de lui maintenir la nuque sous l’eau. Elle attend qu’il ne bouge plus, et ressent une sorte de délivrance après tout ce temps où elle avait souffert pour un crime qu’elle n’avait pas commis ; cette fois, c’est bien un crime qu’elle a commis, et il ne faut pas s’arrêter là : elle retourne vers l’église… (Elle raye Je veux aller à Compostelle pour y déposer un enfant qui n’est pas le mien.) Le Baveux, la tête sous l’eau, ne comprend pas ce qui lui arrive. Il est assailli par des images. Il se souvient du prédicateur de Compostelle, de l’accusation portée contre la sage-femme, dont il était amoureux, et du départ du pèlerinage. Il revoit sa vie défiler, les pillages auxquels il s’est livré, le meurtre d’un prêtre… Childe était le seigneur de la ville. Le Baveux perd conscience. [Chair] Je suis sujet à des douleurs terribles depuis que j’ai bu de l’eau. [Science, puissance] Je connais un remède temporaire à l’oubli.
Je suis le Baveux et Gritte, me doutant qu’ils sont allés vers la rivière. J’assiste au « meurtre » du Baveux par Gritte. Je me cache pour ne pas être vu d’elle. Je me rends ensuite près de la vasque, en sors le Baveux : il est inconscient mais toujours vivant. Je me dis qu’il est vraiment temps que je goûte moi-même à cette eau et, poussé par une intuition mystique, procède à une sorte de baptême par immersion totale. Je me souviens : j’étais le prédicateur, conseiller du seigneur Childe de Compostelle. J’ai lancé l’idée d’un pèlerinage perpétuel pour expier nos péchés et « guérir » l’Europe, en jouant sur le syndrome de l’oubli. Mais j’avais moi-même oublié tout cela…Dois-je perpétuer mon dessein ? En cas de réussite, je considère que ce passage à l’église est obligatoire dans la boucle… et la relance pour un tour ; sinon, je me dis que cette entreprise est un échec, surtout depuis la mort de Childe, et décide de rompre la boucle. [Société] Je me suis fourvoyé. J’ai péché en manipulant les gens, et suis tombé dans mon propre piège… Je ne peux pas exercer mon ministère par la manipulation.
Commentaire de Nébal: Une partie fort sympathique dans l’ensemble. Si tout ne colle pas parfaitement et si des éléments ont été laissés en plan – mais sans doute est-ce inévitable ? –, le récit nous a tous parlé de son départ à sa conclusion, en gros. Les personnages ont probablement été un peu plus élaborés que dans les parties précédentes, et leurs interactions assez riches. En n’usant pas (ou peu) de l’Egrégore, notamment, nous avons évité d’en faire trop dans la surenchère surnaturelle, et surtout dans le final « pyrotechnique ». Je ferais bien un petit mea culpa très personnel : j’ai peut-être un peu trop essayé d’orienter l’intrigue de mon côté (souvenir de la partie précédente où on avait connu des difficultés en ne prenant pas assez de décisions ?) Nous avons peu fait intervenir les PNJ, par ailleurs, en dehors du Douanier… Mais le cadre était assez riche et, même si on avait tendance à se focaliser sur la perception de son propre personnage, on a davantage utilisé d’éléments « extérieurs » que précédemment. Dernier point, enfin : j’étais sceptique sur la possibilité de jouer en campagne ; je le reste un peu, mais cette histoire devrait pouvoir appeler une suite, et on va sans doute tester ça prochainement…
Mon commentaire: Temps de jeu: environ 4 heures. Ca a à peu près roulé tout seul. La fabrication du décor a priori a été fort utile pour relancer l'aventure et faire un bout de route. Et surtout, ça a permis de très chouettes descriptions qui ont beaucoup contribué à l'ambiance de cette session, très fort. Pas mal d'ellipses et de voyage, l'aventure couvre une période de près de trois semaines en temps de jeu, et ça passe très bien. Les instances se sont allongées, chacun prend la mesure de ses libertés et de la manière dont il peut jouer avec l'environnement. Mon seul regret: le manque de PNJ, et notamment dans la troupe même des pèlerins, où hors des PJ et du gringalet, les caractères sont indistincts. Concernant les duels, il y en a eu un bon nombre avec des conséquences variées, mais qui ont à chaque fois relancé le jeu vers une situation inattendue. Mais nous avons tous poussés dans le même sens quant à la résolution (contrairement à ce que pouvait penser Nébal juste après la partie) qui s'est avérée, pour ma part, très satisfaisante. Une excellente partie!
Le ciel étoilé a des constellations rares et prodigieuses qui ont pour mission de se rapprocher sans cesse et doucement des mondes misérables et de les éclairer peu à peu d’un jour qui commence par être crépusculaire et qui arrive à être flamboyant
La Partie du Lundi - Traces rôlistiques
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Re: [CR] Inflorenza - Les chemins de Compostelle
2- Halte à Glaise
http://nebalestuncon.over-blog.com/arti ... 35627.html
Pour continuer le pèlerinage, il a été décidé que nous produirions ou utiliserions chacun à tour de rôle un théâtre original. Pour le rôle de confident, j'aimerais bien qu'il soit exercé par le créateur du théâtre... on verra si l'on y arrive lors de la prochaine session.
Nous avons donc joué dans la ville de Glaise, inventée pour l'occasion en se basant sur le Carnet de Voyage paru dans Casus Belli n°10. une description rapide:
Glaise se situe quelque part au nord de Rift, sur une importante route menant à Compostelle. C’est un havre pour les pèlerins au milieu d’une région particulièrement désertée. La cité est troglodyte, creusée dans des caves d’argile. Quelques rares bâtiments subsistent en surface où s’organise un commerce intense entre pouilleux parcourant les routes et habitants du coin. C'est aussi un centre religieux où se croisent toutes les hérésies, versions personnelles du christianisme et culte du roi en jaune. On dit qu'une guerre se mène dans les étages les plus profonds, mais rares sont ceux qui sont remontés pour en parler.
Le théâtre au complet avec une description plus fouillée se trouve sur le blog de Nébal. Je peux aussi fournir au format word sur demande en MP.
Comme le lieu était bien caractérisé, pour le tour préliminaire, nous avons créé des PNJ.
Tour préliminaire : PNJ
Un prêtre dans les galeries intermédiaires de Glaise. Il a une petite chapelle, fréquentée par des simples d’esprit. On le surnomme le Lapin mystique, car il a élaboré une doctrine selon laquelle l’homme n’est pas central, mais Dieu a créé le lapin à son image…
Lizard, un tatoueur « à la Memento », qui tatoue ce dont les gens veulent se souvenir ; mais, si on ne le paye pas assez, il utilise une encre pourrie qui s’efface progressivement… (en fait, ses pouvoirs et ses tatouages se sont révélés sensiblement différents)
Victor Champagne est un inquisiteur itinérant auto-proclamé, obsédé par les cultes dévoyés du Roi en Jaune et de Shub-Niggurath. Il se lie avec les patriciens et les marchands grâce à sa richesse et à ses connaissances (il est arrivé assez récemment à Glaise, mais suffisamment pour cela) ; il appelle à une croisade dans les profondeurs.
Premier tour (transition) (On reprend exactement là où la précédente partie s’était arrêtée.)
Dans l’église, tout le monde est somnolent quand Gritte rentre. Elle dénoue le lacet de cuir qui lui sert de ceinture et étrangle le Gringalet. Le bébé, sur l’autel, se met à pleurer, et les autres pèlerins commencent à réagir. Quelques-uns arrivent à attraper Gritte, et essayent de lui faire lâcher prise. Ils y parviennent. Elle raye Suis-je arrivée au bout ? et L’obscurantisme m’a chassée de mon village. Elle s’effondre en sanglots pendant que les pèlerins la traînent dans un coin de l’église. « Mon Dieu, mais qu’ai-je fait ? » Je raye Je fais un compromis terrible : je protègerai l’enfant contre tout le monde. Le Baveux raye Je vais à Compostelle parce que j’ai tout le temps faim.
Je rentre un peu plus tard dans l’église, après m’être assuré que le Baveux était bien vivant. Je redoute ce que Gritte peut faire. Mais quand j’entre, les pèlerins s’en prennent violemment à elle ; j’essaye de les en empêcher, voulant croire à la possibilité de la rédemption pour tous (moi y compris…), mais je n’y parviens pas. [Mémoire] Mes actions font souffrir les autres. Gritte [Religion] Mes pulsions sont un péché, je dois les restreindre. Les pèlerins disent que je suis complice de Gritte, et que je n’ai fait que prendre des mauvaises décisions depuis le départ : ils me passent également à tabac…
Le Baveux achève de se réveiller, sous l’effet du vent. Le ciel commence à s’éclaircir. Il se souvient de tout… puis de plus rien, et vomit tout ce qu’il a avalé quand Gritte a essayé de le tuer. Les souvenirs reviennent ensuite de manière plus ordonnée (ses sentiments pour Gritte, la venue de Tak le prédicateur…). La tête lui tourne, sa migraine est terrible. Il reste une dizaine de minutes à réfléchir, puis décide de remonter vers l’église : il y rentre au moment où les pèlerins sont le plus violents. Il crie, mais la clameur est telle qu’on ne l’entend pas. Il brise alors le dernier vitrail de l’église avec une pierre, ce qui calme tout le monde. « Arrêtez ! Ce n’est pas le moment ! Nous ne savons pas où aller, ni même ou nous sommes ! Les tuer ne servirait à rien ! » Ses souvenirs lui ont rappelé qu’une ville se trouve un peu plus au sud, peut-être peut-on commencer par s’y rendre ? Il insiste pour qu’on ne tue pas des gens dans une église (il se souvient qu’il l’avait lui-même fait autrefois…). « On s’en va ! » [Folie] J’ai tendance à confondre mes souvenirs lointains avec la réalité.
Deuxième tour
Le discours du Baveux – qui veut qu’on l’appelle Romuald, désormais – finit par produire son effet. Le groupe est reparti ; Gritte a mécaniquement suivi, en prenant le bébé. Pendant quelques semaines, tout le monde suit le Baveux, Gritte et Tak en fin de cortège. On croise régulièrement des bornes arborant la coquille Saint-Jacques, ainsi que d’autres pèlerins, dans les deux sens, mais tous persuadés de se rendre à Compostelle. On arrive enfin à la ville de Glaise. [Folie] Tous les chemins mènent à Compostelle.
Je suis le groupe avec Gritte. Je suis très déprimé tout au long du voyage, accablé tant par ce qui s’est passé que par le poids de ma culpabilité. Mais quand nous arrivons à Glaise, une scène me rend le sourire. Le Lapin mystique réprimande en effet gentiment des pèlerins de passage qui font cuire un lapin, mais qui n’y mettent pas les formes, ce qui est indigne du corps du Seigneur. L’atmosphère est bon enfant. Mais l’Inquisiteur Victor Champagne observe la scène, et demande bientôt de cesser ces blasphèmes. J’interviens, prenant la défense du Lapin mystique, arguant que ceci n’est pas bien grave, que le pardon est au cœur de la religion, et que de toute évidence le pauvre homme n’a pas toute sa tête et n’est pas dangereux ; Romuald me soutient. Je raye Mes actions font souffrir les autres. Je me concilie l’assistance, en tournant tout ça à la blague, et fais ainsi comprendre indirectement à l’Inquisiteur qu’il ne pourra rien faire tant nous sommes nombreux. Il s’en va en se drapant dans sa toge, après avoir adressé des remarques perfides au Lapin mystique et à « ces pèlerins qui ne savent ni ce qu’ils font, ni pourquoi ».
Romuald est impressionné par l’Inquisiteur. [Une imprécation surtout lui fait fort effet, lorsque l'homme d'Eglise arguant que la plupart des pèlerins ne savent même pas où est Compostelle et errent comme des pouilleux sur les routes.] Le Lapin mystique propose de partager le corps du Seigneur dans sa chapelle. Tak joue l’invité qui se plie aux coutumes locales, et, même s’il ne pratique pas le culte du Lapin, accepte volontiers de suivre les rites de leur hôte. Le bébé tend la main pour attraper la croix (avec un lapin) du prêtre. Tout le groupe se met à suivre le Lapin mystique dans les entrailles de la ville. On croise en chemin de nombreux cultes bigarrés. On passe par de nombreuses galeries. Romuald essaye d’éviter que le groupe, séduit par l’opulence de la ville, ne se disperse. C’est difficile… Les pèlerins veulent en effet oublier les terribles révélations qui leur ont été faites, et ne comptent pas attendre trois ans que le syndrome de l’oubli fasse son effet : ils veulent boire ! Le Gringalet veut rester ici. Il entre dans un bâtiment d’où s’échappent musique et fumées délicieuses. Les douleurs reprennent Romuald. Il raye L’eau de la rivière me rend la mémoire. Le groupe ne se disperse pas ; Romuald rattrape le Gringalet ; dans la pièce, il y a une huitaine de personnes dans des burqas, autour d’une pipe, qui ont l’air interloquées. Romuald et le Gringalet, ramené à la raison, ressortent, et suivent de nouveau le Lapin mystique, qui dit que ces fumées sont mauvaises, et que l’air est bien meilleur dans sa chapelle. On finit par y arriver. Un grill se trouve à la place de l’autel ; une vieille femme y fait cuire un lapin. Le prêtre nous dit de nous asseoir.
Troisième tour
Les pèlerins se sont assis en cercle autour du grill. Le Lapin mystique fait des signes rituels, et la Vieille distribue les morceaux. Tout le monde a faim, et personne n’écoute les élucubrations du prêtre. Gritte est assise un peu à l’écart. La Vieille vient lui apporter un morceau de lapin. Gritte fait suçoter un os au bébé. « C’est ton gamin ? » lui demande la Vieille. Gritte le sert contre elle. La Vieille lui raconte qu’elle avait deux enfants, mais qu’elle les a étranglés un jour avec ses propres cheveux ; c’est pourquoi elle les attache désormais en chignon, et sert le Lapin mystique. Romuald est écœuré par ce récit. Gritte en a une peur bleue, et s’enfuit en courant avec le bébé. Elle rebondit contre des étals, renverse des paniers, aussi des gens essayent-ils de l’arrêter. [Brigands] Gritte prend ensuite les galeries les moins bondées, et finit par prendre un tunnel désert, qui déboule sur une place où sont rassemblés des enfants estropiés. Elle tombe à genoux. Mon chemin croise celui des criminels.
J’ai vu Gritte partir. Poussé par un sentiment paternaliste de responsabilité à son égard et à celui de l’enfant, j’essaye d’inciter Romuald à la poursuivre, mais il fait la sourde oreille, et me renvoie à mes propres erreurs. J’accuse le coup, et décide de suivre Gritte seul. En me repérant aux attroupements suscités par son passage, je parviens à retracer son itinéraire, jusqu’au tunnel déserté, dont je me doute qu’elle l’a emprunté. Je me rends sur la place alors que les enfants estropiés sortent des couteaux et s’avancent l’air menaçant vers Gritte et le bébé. J’essaye de les inciter à partir, mais rien n’y fait. [Horlas] Alors que je leur parle, de plus en plus paniqué, la boue se met à glouglouter au centre de la place ; quand les enfants s’en rendent compte, ils fuient terrifiés ; un golem se matérialise dans la boue, qui nous fixe, autant qu’il est possible de le faire avec un visage sans yeux… Le tatoueur Lizard arrive derrière nous ; il nous demande un paiement contre sa protection. Des puissances supérieures nous protègent.
Le lapin passe mal, Romuald ne se sent pas très bien… Il a dédramatisé quand les deux parias sont partis, alors que le Lapin mystique poursuivait ses rites. Peut-être connaît-il le chemin de Compostelle ? Tout le monde est très fatigué. La « nuit », artificielle – on souffle les flambeaux –, tombe. Romuald rêve de Gritte, il repense à ses sentiments pour elle, et s’en veut de l’avoir laissée partir. Il se dit qu’il faut faire quelque chose. Il va réveiller le Lapin mystique, qui dort avec la Vieille. Mais celui-ci dit qu’il ne peut pas faire grand-chose : « Il y a peu de chances pour qu’ils reviennent, ils peuvent être partout… » Romuald sait qu’il ne pourra pas compter sur le reste du groupe, qui en veut toujours à Gritte et Tak. Désemparé, il part à leur recherche. Mais la peur le saisit vite, et il retourne dans la chapelle. Le Lapin mystique a l’air inquiet : des gens sont venus lui parler ; Gritte et Tak auraient été pris par le gang de Lizard, tatoueur qui fabrique ses encres avec les ombres des souterrains, ce qui lui donne des pouvoirs magiques. Il vivrait loin en dessous, où il créerait un peuple à son image. Quand les gens ne peuvent pas le payer, il les emmène chez lui dans les profondeurs, et personne ne sait ce qu’il leur fait. Romuald s’en veut terriblement, alors que son mal de tête le reprend. [Souterrains] Il y a des choses là-dessous, et elles ne sont pas amicales.
Quatrième tour
Gritte voit Lizard qui réclame son paiement. Depuis l’épisode de Childe, elle sait qu’on peut payer autrement qu’en pièces… Tak et elle se laissent guider sans résister dans un escalier en colimaçon. Le golem apparaît de loin en loin dans la paroi. On arrive dans une grande pièce très encombrée d’étranges sculptures de glaise. Il y a un fauteuil en glaise au milieu de la salle, avec tout un attirail de tatoueur à côté. Lizard demande à nouveau son paiement. Gritte s’assoit sur le fauteuil, et lui dit qu’elle lui donnera son talent pour voir la vie chez les femmes et la favoriser, et ses pulsions de meurtre. Le Tatoueur sort un flacon qui a l’air vide, y trempe une aiguille, et la tatoue sur chaque bras (on ne voit pas les motifs). Quand il en a fini avec le premier bras, une silhouette de Gritte bienveillante sort du mur ; quand il en a fini avec le deuxième bras, c’est une silhouette de Gritte avec quelque chose de dur et de violent dan les traits. Les deux silhouettes s’éloignent. [Chair] On a posé deux tatouages d’ombres sur mes bras.
Je reste paralysé pendant l’opération sur Gritte. Ce n’est que quand le Tatoueur a achevé sa tâche que je me mets à réagir, très violemment. Je lui dis qu’il est un hérétique, qui, par son opération, a privé Gritte de toute possibilité de rédemption. Le tatoueur dit qu’il s’agit là d’un paiement, qu’il vaudra pour nous deux même s’il aurait sans doute mieux valu pour tout le monde que ce soit moi, avec toute ma rancœur, qui y passe, et nous laisse partir, après avoir regardé le bébé, songeur. Je ramène Gritte dans les étages supérieurs, en faisant bien attention de ne pas toucher ses bras. Le golem nous conduit en apparaissant régulièrement, et nous laisse sur une place où se trouve le tribunal de l’Inquisiteur, dans lequel je reconnais une sorte de double, qui me fascine d’autant plus (Romuald est également présent). [Pulsions] La justice arme mon bras vengeur ! Je dénonce Lizard et ses pratiques impies à l’Inquisiteur, et réclame justice.
Romuald a poursuivi ses recherches en l’absence de Gritte et de Tak. Le Lapin mystique n’a pas pu faire grand-chose. Il a sorti une cage à lapins, qui sont partis dans tous les sens. Romuald s’en va sous le coup de la colère, et cherche quelqu’un de plus expérimenté et compétent ; c’est pourquoi il se rend auprès de l’Inquisiteur. Il allait s’avancer vers lui quand Tak l’a doublé pour plaider sa cause. L’Inquisiteur réclame, en guise de préalable, la repentance de Tak, qui dit expier ses péchés. Il appelle alors à une sorte de croisade. Tandis que Romuald se perd dans ses souvenirs, la foule se masse, et les échoppes ferment de peur que ça ne dégénère. Après une prière, la foule me suit, je pense pouvoir retrouver Lizard. Je raye Je ne peux pas exercer mon ministère par la manipulation (dé de sacrifice donné par Ozen/Romuald et que Nébal/Tak accepte). Romuald cherche Gritte, il est persuadé que cette foule s’est assemblée pour la brûler comme sorcière. Mais, alors qu’il tombe inconscient, il a le temps de la voir ainsi que l’enfant, ce qui le soulage quelque peu.
Cinquième tour
Gritte, qui était hébétée depuis le tatouage, a repris conscience quand Tak est monté sur l’estrade du tribunal. Au cours du prêche, des bribes de son propre procès lui sont revenues, aussi s’est-elle reculée. Finalement Tak a indiqué une direction, et tout le monde est parti à sa suite. Il ne reste plus que Romuald, sonné. Quand elle s’approche de lui, il s’effondre. Elle reste à ses côtés jusqu’à ce qu’il revienne à lui. Quand c’est le cas, il s’étonne qu’on n’ait pas brûlé Gritte : « Ils croient que tu as tué la mère de l’enfant ! » Mais Gritte lui rappelle que c’était ailleurs et autrefois. La foule est partie s’en prendre à Lizard. Mais « Tu sais ce qui se passe quand on suit Tak… » Gritte est persuadée que, s’il arrive du mal au Tatoueur, il lui arrivera également quelque chose à elle. Gritte et Romuald veulent revoir le Lapin mystique, pensant qu’il pourra peut-être les aider. Ils ne sont pas sûrs du chemin. Ils se retrouvent à un embranchement où les attendent les deux silhouettes de Gritte en boue, chacune indiquant une direction différente. Gritte suit machinalement la silhouette douce et bienveillante, qui, petit à petit, se dissout dans un coin d’ombre. Gritte et Romuald se retrouvent devant la chapelle du Lapin mystique ; il est absent, de même que ses ouailles. Ils sont seuls dans le sanctuaire vide, où la boue n’a pas l’air de pouvoir prendre vie. [Souterrains] Il y a un motif que je ne comprends pas dans le labyrinthe. Romuald [Société] J’ai failli à mes responsabilités.
Je suis persuadé de connaître le chemin qui nous mènera à Lizard. Je suis poussé par une forme d’exaltation religieuse, qui me rappelle ma charge d’antan. Au bout d’un moment, cependant, nous arrivons devant un embranchement qui ne me dit rien, et je ne sais plus quoi faire. C’est à ce moment que surgisse, des deux chemins qui s’ouvrent à nous, deux lapins. Ils nous regardent l’air étonné un instant, puis détalent ensemble dans la même direction. L’Inquisiteur en profite aussitôt, et dit à la foule de suivre ce signe d’activités impies. Craignant que la situation ne tourne mal (une fois de plus à cause de moi…), j’essaye de les en dissuader. Cependant, quand la foule arrive à la chapelle du Lapin mystique, elle la saccage, détruisant ou volant tous les objets du culte, à la grande joie de l’Inquisiteur. Je finis cependant par reprendre l’ascendant, disant que ce n’est pas là que réside le vrai mal qui pourrit Glaise, et reprenant la direction des profondeurs. Je ne sais pas où je vais, mais ma seule intention est d’éloigner autant que possible la foule de la chapelle du Lapin mystique… Je raye Je n’ai pas le charisme d’un chef. Le groupe me suit un moment, et, quand je me mets à hésiter une nouvelle fois sur la route à prendre, ce qui pourrait avoir de fâcheuses conséquences, le golem sort du mur.
Romuald reste dans la chapelle saccagée. Les gens sont partis avec les cages et les outils du sacrement. Le Lapin mystique arrive dans un grand silence. Il tombe à genoux devant le désastre, et se met à pleurer comme un petit garçon. Il se demande pourquoi son dieu l’a abandonné. S’est-il détourné du chemin ? N’a-t-il pas choisi le bon animal ? L’enfant gémit légèrement. Romuald se tourne vers Gritte, et voit qu’elle ne ressemble pas à ses souvenirs d’avant la venue de Tak dans le village. Cela fait des mois qu’ils avancent en haillons dans la forêt. Tak et lui ont été de piètres chefs depuis la mort de Childe. Ses illusions sont anéanties, comme celles du Lapin mystique. Une chose qui le réconforte, pourtant, c’est que le regard que Gritte porte sur lui a changé… Il faut retrouver les autres, et régler les choses dans les profondeurs. Un lapin vient poser sa tête contre le genou du Lapin mystique. [Urbanisme délirant] Ce sont les voies modestes qui conduisent au but.
Sixième tour
Gritte a eu un geste pour réconforter le Lapin mystique, mais ne l’a pas achevé, le bébé réclamant son attention. Elle s’est figée dans une image de vierge à l’enfant. Elle fait le constat de l’étendue des dégâts, de ces spirales de folie qui n’en finissent pas. Mais c’est comme si elle commençait à oublier ce que cela fait d’être entière, elle se sent légère mais pas vide. Le petit lapin a-t-il parlé au prêtre ? Toujours est-il qu’il relève la tête avec un air déterminé. Il part dans un couloir étroit et sombre que personne n’avait encore remarqué. Ses ouailles le suivent bêtement. Gritte de même, en entraînant Romuald. La troupe marche longtemps sans éclairage, presque à tâtons. Ils finissent par entendre une clameur et par voir des flammes qui dansent sur les murs. [Commerce] Le Tatoueur ne m’a pas volée.
Nous sommes dans une immense salle, dans laquelle je reconnais une église monolithe. J’affirme que le golem est une créature impie, témoignage des maléfices de Lizard. La foule en a peur, mais des mineurs finissent par en sortir, qui s’attaquent à la créature à coups de pioche. Mais cela ne lui fait absolument rien… C’est alors que le Lapin mystique arrive avec ses ouailles… et bientôt Lizard se retrouve également de la partie, qui arrive le sourire aux lèvres. Je lui dis qu’il va payer pour le mal qu’il a fait, notamment en corrompant ce lieu sacré. Le Lapin mystique intervient… et l’on se retrouve à avoir une sorte de débat théologique farfelu. Poussé par mon exaltation religieuse et un sursaut de confiance en moi, je finis par me jeter sur Lizard. Je raye Ce n’est pas la première fois que mon ambition me nuit. Je frappe le Tatoueur avec une vigueur et une violence peu dignes d’un homme d’Eglise… Je l’ai surpris en agissant ainsi, ce qui l’empêche d’user de ses pouvoirs surnaturels.
Les créatures d’argile de la salle cessent de bouger. Tout le monde regarde la bagarre. Les fidèles du Lapin mystique – qui connaît une véritable extase dans ce lieu saint – se dispersent dans l’église. Romuald regarde sans trop comprendre. Il s’approche de l’Inquisiteur, et lui demande ce qui lui tient par-dessus tout à cœur : où est Compostelle ? C’est pour le bébé… L’Inquisiteur demande s’il a été baptisé ; devant la réponse positive de Romuald, il affirme que Compostelle se trouve au sud et à l’ouest de Glaise. [Société] Il faut croire ceux qui savent. Pendant ce temps, le combat s’éternise. Le sol sous le Tatoueur se teinte de l’encre de ses flacons brisés.
Septième tour
L’encre s’est écoulée, a serpenté par terre, puis est remontée sur les créatures de glaise, comme des larmes qui coulent à l’envers. Les golems se sont animés, ont repoussé délicatement Tak, et emporté le corps de Lizard. Une des silhouettes de Gritte, également présentes, s’est retournée, et a fait un geste à la sage-femme. Un serpent d’ombre est tombé de sa main et s’est mis à ramper vers Gritte. Romuald raye Je dois trouver ma place au sein du groupe. Il écarte violemment Gritte du passage du serpent ; elle s’écrase contre un pilier, son bras craque. Le serpent se perd en direction du groupe qui s’enfuit ; s’est-il enroulé autour de la jambe de l’Inquisiteur ? Gritte, sous le choc, lâche le bébé, mais Romuald le rattrape. « Faut pas traîner ici ! Remontons Tak, il a l’air d’avoir souffert… » Gritte [Pèlerins] Romuald m’a empêchée d’atteindre la rédemption.
(Nous avons décidé d’arrêter là pour l’instant.)
Mon commentaire: Temps de jeu: C'est de mieux en mieux. Le théâtre travaillé et le tour préliminaire avec la création de PNJ ont marché à fond, les instances se sont développées, le jeu a pris de l'ampleur. On s'est répartis l'interprétation des PNJ à mesure que les situations se présentaient, ce qui a donné encore plus de vie et a cassé le côté "on raconte l'histoire à tour de rôle". La participation des PJ des joueurs "non racontants" est encore assez faible dans les instances des autres, mais ça vient aussi à mesure que l'on trouve la bonne formule pour ne pas se brider les uns les autres.
Du point de vue technique, les personnages avaient cette-fois-ci beaucoup de phrases en leur possession (Romuald est monté à 11, les autres à 8 en moyenne). Ca fait pas mal de choses à gérer et ça guide l'interprétation. Beaucoup de dés de sacrifice ont été obtenus lors des duels, on a pas mal rayé, et Gritte est passée à deux doigts de la mort suite à une contamination par le sacrifice. La tension ludique se résout bien en s'arrangeant les uns les autres dans la distribution des dés après les résultats, forcés (beaucoup d'alliances, même dans les conflits simples), ou libres (quand on donne des dés à un joueur non impliqué, il a tendance à les accepter. Résultat, on a fait le ménage dans les phrases inutiles très facilement.
à suivre!
http://nebalestuncon.over-blog.com/arti ... 35627.html
Pour continuer le pèlerinage, il a été décidé que nous produirions ou utiliserions chacun à tour de rôle un théâtre original. Pour le rôle de confident, j'aimerais bien qu'il soit exercé par le créateur du théâtre... on verra si l'on y arrive lors de la prochaine session.
Nous avons donc joué dans la ville de Glaise, inventée pour l'occasion en se basant sur le Carnet de Voyage paru dans Casus Belli n°10. une description rapide:
Glaise se situe quelque part au nord de Rift, sur une importante route menant à Compostelle. C’est un havre pour les pèlerins au milieu d’une région particulièrement désertée. La cité est troglodyte, creusée dans des caves d’argile. Quelques rares bâtiments subsistent en surface où s’organise un commerce intense entre pouilleux parcourant les routes et habitants du coin. C'est aussi un centre religieux où se croisent toutes les hérésies, versions personnelles du christianisme et culte du roi en jaune. On dit qu'une guerre se mène dans les étages les plus profonds, mais rares sont ceux qui sont remontés pour en parler.
Le théâtre au complet avec une description plus fouillée se trouve sur le blog de Nébal. Je peux aussi fournir au format word sur demande en MP.
Comme le lieu était bien caractérisé, pour le tour préliminaire, nous avons créé des PNJ.
Tour préliminaire : PNJ
Un prêtre dans les galeries intermédiaires de Glaise. Il a une petite chapelle, fréquentée par des simples d’esprit. On le surnomme le Lapin mystique, car il a élaboré une doctrine selon laquelle l’homme n’est pas central, mais Dieu a créé le lapin à son image…
Lizard, un tatoueur « à la Memento », qui tatoue ce dont les gens veulent se souvenir ; mais, si on ne le paye pas assez, il utilise une encre pourrie qui s’efface progressivement… (en fait, ses pouvoirs et ses tatouages se sont révélés sensiblement différents)
Victor Champagne est un inquisiteur itinérant auto-proclamé, obsédé par les cultes dévoyés du Roi en Jaune et de Shub-Niggurath. Il se lie avec les patriciens et les marchands grâce à sa richesse et à ses connaissances (il est arrivé assez récemment à Glaise, mais suffisamment pour cela) ; il appelle à une croisade dans les profondeurs.
Premier tour (transition) (On reprend exactement là où la précédente partie s’était arrêtée.)
Dans l’église, tout le monde est somnolent quand Gritte rentre. Elle dénoue le lacet de cuir qui lui sert de ceinture et étrangle le Gringalet. Le bébé, sur l’autel, se met à pleurer, et les autres pèlerins commencent à réagir. Quelques-uns arrivent à attraper Gritte, et essayent de lui faire lâcher prise. Ils y parviennent. Elle raye Suis-je arrivée au bout ? et L’obscurantisme m’a chassée de mon village. Elle s’effondre en sanglots pendant que les pèlerins la traînent dans un coin de l’église. « Mon Dieu, mais qu’ai-je fait ? » Je raye Je fais un compromis terrible : je protègerai l’enfant contre tout le monde. Le Baveux raye Je vais à Compostelle parce que j’ai tout le temps faim.
Je rentre un peu plus tard dans l’église, après m’être assuré que le Baveux était bien vivant. Je redoute ce que Gritte peut faire. Mais quand j’entre, les pèlerins s’en prennent violemment à elle ; j’essaye de les en empêcher, voulant croire à la possibilité de la rédemption pour tous (moi y compris…), mais je n’y parviens pas. [Mémoire] Mes actions font souffrir les autres. Gritte [Religion] Mes pulsions sont un péché, je dois les restreindre. Les pèlerins disent que je suis complice de Gritte, et que je n’ai fait que prendre des mauvaises décisions depuis le départ : ils me passent également à tabac…
Le Baveux achève de se réveiller, sous l’effet du vent. Le ciel commence à s’éclaircir. Il se souvient de tout… puis de plus rien, et vomit tout ce qu’il a avalé quand Gritte a essayé de le tuer. Les souvenirs reviennent ensuite de manière plus ordonnée (ses sentiments pour Gritte, la venue de Tak le prédicateur…). La tête lui tourne, sa migraine est terrible. Il reste une dizaine de minutes à réfléchir, puis décide de remonter vers l’église : il y rentre au moment où les pèlerins sont le plus violents. Il crie, mais la clameur est telle qu’on ne l’entend pas. Il brise alors le dernier vitrail de l’église avec une pierre, ce qui calme tout le monde. « Arrêtez ! Ce n’est pas le moment ! Nous ne savons pas où aller, ni même ou nous sommes ! Les tuer ne servirait à rien ! » Ses souvenirs lui ont rappelé qu’une ville se trouve un peu plus au sud, peut-être peut-on commencer par s’y rendre ? Il insiste pour qu’on ne tue pas des gens dans une église (il se souvient qu’il l’avait lui-même fait autrefois…). « On s’en va ! » [Folie] J’ai tendance à confondre mes souvenirs lointains avec la réalité.
Deuxième tour
Le discours du Baveux – qui veut qu’on l’appelle Romuald, désormais – finit par produire son effet. Le groupe est reparti ; Gritte a mécaniquement suivi, en prenant le bébé. Pendant quelques semaines, tout le monde suit le Baveux, Gritte et Tak en fin de cortège. On croise régulièrement des bornes arborant la coquille Saint-Jacques, ainsi que d’autres pèlerins, dans les deux sens, mais tous persuadés de se rendre à Compostelle. On arrive enfin à la ville de Glaise. [Folie] Tous les chemins mènent à Compostelle.
Je suis le groupe avec Gritte. Je suis très déprimé tout au long du voyage, accablé tant par ce qui s’est passé que par le poids de ma culpabilité. Mais quand nous arrivons à Glaise, une scène me rend le sourire. Le Lapin mystique réprimande en effet gentiment des pèlerins de passage qui font cuire un lapin, mais qui n’y mettent pas les formes, ce qui est indigne du corps du Seigneur. L’atmosphère est bon enfant. Mais l’Inquisiteur Victor Champagne observe la scène, et demande bientôt de cesser ces blasphèmes. J’interviens, prenant la défense du Lapin mystique, arguant que ceci n’est pas bien grave, que le pardon est au cœur de la religion, et que de toute évidence le pauvre homme n’a pas toute sa tête et n’est pas dangereux ; Romuald me soutient. Je raye Mes actions font souffrir les autres. Je me concilie l’assistance, en tournant tout ça à la blague, et fais ainsi comprendre indirectement à l’Inquisiteur qu’il ne pourra rien faire tant nous sommes nombreux. Il s’en va en se drapant dans sa toge, après avoir adressé des remarques perfides au Lapin mystique et à « ces pèlerins qui ne savent ni ce qu’ils font, ni pourquoi ».
Romuald est impressionné par l’Inquisiteur. [Une imprécation surtout lui fait fort effet, lorsque l'homme d'Eglise arguant que la plupart des pèlerins ne savent même pas où est Compostelle et errent comme des pouilleux sur les routes.] Le Lapin mystique propose de partager le corps du Seigneur dans sa chapelle. Tak joue l’invité qui se plie aux coutumes locales, et, même s’il ne pratique pas le culte du Lapin, accepte volontiers de suivre les rites de leur hôte. Le bébé tend la main pour attraper la croix (avec un lapin) du prêtre. Tout le groupe se met à suivre le Lapin mystique dans les entrailles de la ville. On croise en chemin de nombreux cultes bigarrés. On passe par de nombreuses galeries. Romuald essaye d’éviter que le groupe, séduit par l’opulence de la ville, ne se disperse. C’est difficile… Les pèlerins veulent en effet oublier les terribles révélations qui leur ont été faites, et ne comptent pas attendre trois ans que le syndrome de l’oubli fasse son effet : ils veulent boire ! Le Gringalet veut rester ici. Il entre dans un bâtiment d’où s’échappent musique et fumées délicieuses. Les douleurs reprennent Romuald. Il raye L’eau de la rivière me rend la mémoire. Le groupe ne se disperse pas ; Romuald rattrape le Gringalet ; dans la pièce, il y a une huitaine de personnes dans des burqas, autour d’une pipe, qui ont l’air interloquées. Romuald et le Gringalet, ramené à la raison, ressortent, et suivent de nouveau le Lapin mystique, qui dit que ces fumées sont mauvaises, et que l’air est bien meilleur dans sa chapelle. On finit par y arriver. Un grill se trouve à la place de l’autel ; une vieille femme y fait cuire un lapin. Le prêtre nous dit de nous asseoir.
Troisième tour
Les pèlerins se sont assis en cercle autour du grill. Le Lapin mystique fait des signes rituels, et la Vieille distribue les morceaux. Tout le monde a faim, et personne n’écoute les élucubrations du prêtre. Gritte est assise un peu à l’écart. La Vieille vient lui apporter un morceau de lapin. Gritte fait suçoter un os au bébé. « C’est ton gamin ? » lui demande la Vieille. Gritte le sert contre elle. La Vieille lui raconte qu’elle avait deux enfants, mais qu’elle les a étranglés un jour avec ses propres cheveux ; c’est pourquoi elle les attache désormais en chignon, et sert le Lapin mystique. Romuald est écœuré par ce récit. Gritte en a une peur bleue, et s’enfuit en courant avec le bébé. Elle rebondit contre des étals, renverse des paniers, aussi des gens essayent-ils de l’arrêter. [Brigands] Gritte prend ensuite les galeries les moins bondées, et finit par prendre un tunnel désert, qui déboule sur une place où sont rassemblés des enfants estropiés. Elle tombe à genoux. Mon chemin croise celui des criminels.
J’ai vu Gritte partir. Poussé par un sentiment paternaliste de responsabilité à son égard et à celui de l’enfant, j’essaye d’inciter Romuald à la poursuivre, mais il fait la sourde oreille, et me renvoie à mes propres erreurs. J’accuse le coup, et décide de suivre Gritte seul. En me repérant aux attroupements suscités par son passage, je parviens à retracer son itinéraire, jusqu’au tunnel déserté, dont je me doute qu’elle l’a emprunté. Je me rends sur la place alors que les enfants estropiés sortent des couteaux et s’avancent l’air menaçant vers Gritte et le bébé. J’essaye de les inciter à partir, mais rien n’y fait. [Horlas] Alors que je leur parle, de plus en plus paniqué, la boue se met à glouglouter au centre de la place ; quand les enfants s’en rendent compte, ils fuient terrifiés ; un golem se matérialise dans la boue, qui nous fixe, autant qu’il est possible de le faire avec un visage sans yeux… Le tatoueur Lizard arrive derrière nous ; il nous demande un paiement contre sa protection. Des puissances supérieures nous protègent.
Le lapin passe mal, Romuald ne se sent pas très bien… Il a dédramatisé quand les deux parias sont partis, alors que le Lapin mystique poursuivait ses rites. Peut-être connaît-il le chemin de Compostelle ? Tout le monde est très fatigué. La « nuit », artificielle – on souffle les flambeaux –, tombe. Romuald rêve de Gritte, il repense à ses sentiments pour elle, et s’en veut de l’avoir laissée partir. Il se dit qu’il faut faire quelque chose. Il va réveiller le Lapin mystique, qui dort avec la Vieille. Mais celui-ci dit qu’il ne peut pas faire grand-chose : « Il y a peu de chances pour qu’ils reviennent, ils peuvent être partout… » Romuald sait qu’il ne pourra pas compter sur le reste du groupe, qui en veut toujours à Gritte et Tak. Désemparé, il part à leur recherche. Mais la peur le saisit vite, et il retourne dans la chapelle. Le Lapin mystique a l’air inquiet : des gens sont venus lui parler ; Gritte et Tak auraient été pris par le gang de Lizard, tatoueur qui fabrique ses encres avec les ombres des souterrains, ce qui lui donne des pouvoirs magiques. Il vivrait loin en dessous, où il créerait un peuple à son image. Quand les gens ne peuvent pas le payer, il les emmène chez lui dans les profondeurs, et personne ne sait ce qu’il leur fait. Romuald s’en veut terriblement, alors que son mal de tête le reprend. [Souterrains] Il y a des choses là-dessous, et elles ne sont pas amicales.
Quatrième tour
Gritte voit Lizard qui réclame son paiement. Depuis l’épisode de Childe, elle sait qu’on peut payer autrement qu’en pièces… Tak et elle se laissent guider sans résister dans un escalier en colimaçon. Le golem apparaît de loin en loin dans la paroi. On arrive dans une grande pièce très encombrée d’étranges sculptures de glaise. Il y a un fauteuil en glaise au milieu de la salle, avec tout un attirail de tatoueur à côté. Lizard demande à nouveau son paiement. Gritte s’assoit sur le fauteuil, et lui dit qu’elle lui donnera son talent pour voir la vie chez les femmes et la favoriser, et ses pulsions de meurtre. Le Tatoueur sort un flacon qui a l’air vide, y trempe une aiguille, et la tatoue sur chaque bras (on ne voit pas les motifs). Quand il en a fini avec le premier bras, une silhouette de Gritte bienveillante sort du mur ; quand il en a fini avec le deuxième bras, c’est une silhouette de Gritte avec quelque chose de dur et de violent dan les traits. Les deux silhouettes s’éloignent. [Chair] On a posé deux tatouages d’ombres sur mes bras.
Je reste paralysé pendant l’opération sur Gritte. Ce n’est que quand le Tatoueur a achevé sa tâche que je me mets à réagir, très violemment. Je lui dis qu’il est un hérétique, qui, par son opération, a privé Gritte de toute possibilité de rédemption. Le tatoueur dit qu’il s’agit là d’un paiement, qu’il vaudra pour nous deux même s’il aurait sans doute mieux valu pour tout le monde que ce soit moi, avec toute ma rancœur, qui y passe, et nous laisse partir, après avoir regardé le bébé, songeur. Je ramène Gritte dans les étages supérieurs, en faisant bien attention de ne pas toucher ses bras. Le golem nous conduit en apparaissant régulièrement, et nous laisse sur une place où se trouve le tribunal de l’Inquisiteur, dans lequel je reconnais une sorte de double, qui me fascine d’autant plus (Romuald est également présent). [Pulsions] La justice arme mon bras vengeur ! Je dénonce Lizard et ses pratiques impies à l’Inquisiteur, et réclame justice.
Romuald a poursuivi ses recherches en l’absence de Gritte et de Tak. Le Lapin mystique n’a pas pu faire grand-chose. Il a sorti une cage à lapins, qui sont partis dans tous les sens. Romuald s’en va sous le coup de la colère, et cherche quelqu’un de plus expérimenté et compétent ; c’est pourquoi il se rend auprès de l’Inquisiteur. Il allait s’avancer vers lui quand Tak l’a doublé pour plaider sa cause. L’Inquisiteur réclame, en guise de préalable, la repentance de Tak, qui dit expier ses péchés. Il appelle alors à une sorte de croisade. Tandis que Romuald se perd dans ses souvenirs, la foule se masse, et les échoppes ferment de peur que ça ne dégénère. Après une prière, la foule me suit, je pense pouvoir retrouver Lizard. Je raye Je ne peux pas exercer mon ministère par la manipulation (dé de sacrifice donné par Ozen/Romuald et que Nébal/Tak accepte). Romuald cherche Gritte, il est persuadé que cette foule s’est assemblée pour la brûler comme sorcière. Mais, alors qu’il tombe inconscient, il a le temps de la voir ainsi que l’enfant, ce qui le soulage quelque peu.
Cinquième tour
Gritte, qui était hébétée depuis le tatouage, a repris conscience quand Tak est monté sur l’estrade du tribunal. Au cours du prêche, des bribes de son propre procès lui sont revenues, aussi s’est-elle reculée. Finalement Tak a indiqué une direction, et tout le monde est parti à sa suite. Il ne reste plus que Romuald, sonné. Quand elle s’approche de lui, il s’effondre. Elle reste à ses côtés jusqu’à ce qu’il revienne à lui. Quand c’est le cas, il s’étonne qu’on n’ait pas brûlé Gritte : « Ils croient que tu as tué la mère de l’enfant ! » Mais Gritte lui rappelle que c’était ailleurs et autrefois. La foule est partie s’en prendre à Lizard. Mais « Tu sais ce qui se passe quand on suit Tak… » Gritte est persuadée que, s’il arrive du mal au Tatoueur, il lui arrivera également quelque chose à elle. Gritte et Romuald veulent revoir le Lapin mystique, pensant qu’il pourra peut-être les aider. Ils ne sont pas sûrs du chemin. Ils se retrouvent à un embranchement où les attendent les deux silhouettes de Gritte en boue, chacune indiquant une direction différente. Gritte suit machinalement la silhouette douce et bienveillante, qui, petit à petit, se dissout dans un coin d’ombre. Gritte et Romuald se retrouvent devant la chapelle du Lapin mystique ; il est absent, de même que ses ouailles. Ils sont seuls dans le sanctuaire vide, où la boue n’a pas l’air de pouvoir prendre vie. [Souterrains] Il y a un motif que je ne comprends pas dans le labyrinthe. Romuald [Société] J’ai failli à mes responsabilités.
Je suis persuadé de connaître le chemin qui nous mènera à Lizard. Je suis poussé par une forme d’exaltation religieuse, qui me rappelle ma charge d’antan. Au bout d’un moment, cependant, nous arrivons devant un embranchement qui ne me dit rien, et je ne sais plus quoi faire. C’est à ce moment que surgisse, des deux chemins qui s’ouvrent à nous, deux lapins. Ils nous regardent l’air étonné un instant, puis détalent ensemble dans la même direction. L’Inquisiteur en profite aussitôt, et dit à la foule de suivre ce signe d’activités impies. Craignant que la situation ne tourne mal (une fois de plus à cause de moi…), j’essaye de les en dissuader. Cependant, quand la foule arrive à la chapelle du Lapin mystique, elle la saccage, détruisant ou volant tous les objets du culte, à la grande joie de l’Inquisiteur. Je finis cependant par reprendre l’ascendant, disant que ce n’est pas là que réside le vrai mal qui pourrit Glaise, et reprenant la direction des profondeurs. Je ne sais pas où je vais, mais ma seule intention est d’éloigner autant que possible la foule de la chapelle du Lapin mystique… Je raye Je n’ai pas le charisme d’un chef. Le groupe me suit un moment, et, quand je me mets à hésiter une nouvelle fois sur la route à prendre, ce qui pourrait avoir de fâcheuses conséquences, le golem sort du mur.
Romuald reste dans la chapelle saccagée. Les gens sont partis avec les cages et les outils du sacrement. Le Lapin mystique arrive dans un grand silence. Il tombe à genoux devant le désastre, et se met à pleurer comme un petit garçon. Il se demande pourquoi son dieu l’a abandonné. S’est-il détourné du chemin ? N’a-t-il pas choisi le bon animal ? L’enfant gémit légèrement. Romuald se tourne vers Gritte, et voit qu’elle ne ressemble pas à ses souvenirs d’avant la venue de Tak dans le village. Cela fait des mois qu’ils avancent en haillons dans la forêt. Tak et lui ont été de piètres chefs depuis la mort de Childe. Ses illusions sont anéanties, comme celles du Lapin mystique. Une chose qui le réconforte, pourtant, c’est que le regard que Gritte porte sur lui a changé… Il faut retrouver les autres, et régler les choses dans les profondeurs. Un lapin vient poser sa tête contre le genou du Lapin mystique. [Urbanisme délirant] Ce sont les voies modestes qui conduisent au but.
Sixième tour
Gritte a eu un geste pour réconforter le Lapin mystique, mais ne l’a pas achevé, le bébé réclamant son attention. Elle s’est figée dans une image de vierge à l’enfant. Elle fait le constat de l’étendue des dégâts, de ces spirales de folie qui n’en finissent pas. Mais c’est comme si elle commençait à oublier ce que cela fait d’être entière, elle se sent légère mais pas vide. Le petit lapin a-t-il parlé au prêtre ? Toujours est-il qu’il relève la tête avec un air déterminé. Il part dans un couloir étroit et sombre que personne n’avait encore remarqué. Ses ouailles le suivent bêtement. Gritte de même, en entraînant Romuald. La troupe marche longtemps sans éclairage, presque à tâtons. Ils finissent par entendre une clameur et par voir des flammes qui dansent sur les murs. [Commerce] Le Tatoueur ne m’a pas volée.
Nous sommes dans une immense salle, dans laquelle je reconnais une église monolithe. J’affirme que le golem est une créature impie, témoignage des maléfices de Lizard. La foule en a peur, mais des mineurs finissent par en sortir, qui s’attaquent à la créature à coups de pioche. Mais cela ne lui fait absolument rien… C’est alors que le Lapin mystique arrive avec ses ouailles… et bientôt Lizard se retrouve également de la partie, qui arrive le sourire aux lèvres. Je lui dis qu’il va payer pour le mal qu’il a fait, notamment en corrompant ce lieu sacré. Le Lapin mystique intervient… et l’on se retrouve à avoir une sorte de débat théologique farfelu. Poussé par mon exaltation religieuse et un sursaut de confiance en moi, je finis par me jeter sur Lizard. Je raye Ce n’est pas la première fois que mon ambition me nuit. Je frappe le Tatoueur avec une vigueur et une violence peu dignes d’un homme d’Eglise… Je l’ai surpris en agissant ainsi, ce qui l’empêche d’user de ses pouvoirs surnaturels.
Les créatures d’argile de la salle cessent de bouger. Tout le monde regarde la bagarre. Les fidèles du Lapin mystique – qui connaît une véritable extase dans ce lieu saint – se dispersent dans l’église. Romuald regarde sans trop comprendre. Il s’approche de l’Inquisiteur, et lui demande ce qui lui tient par-dessus tout à cœur : où est Compostelle ? C’est pour le bébé… L’Inquisiteur demande s’il a été baptisé ; devant la réponse positive de Romuald, il affirme que Compostelle se trouve au sud et à l’ouest de Glaise. [Société] Il faut croire ceux qui savent. Pendant ce temps, le combat s’éternise. Le sol sous le Tatoueur se teinte de l’encre de ses flacons brisés.
Septième tour
L’encre s’est écoulée, a serpenté par terre, puis est remontée sur les créatures de glaise, comme des larmes qui coulent à l’envers. Les golems se sont animés, ont repoussé délicatement Tak, et emporté le corps de Lizard. Une des silhouettes de Gritte, également présentes, s’est retournée, et a fait un geste à la sage-femme. Un serpent d’ombre est tombé de sa main et s’est mis à ramper vers Gritte. Romuald raye Je dois trouver ma place au sein du groupe. Il écarte violemment Gritte du passage du serpent ; elle s’écrase contre un pilier, son bras craque. Le serpent se perd en direction du groupe qui s’enfuit ; s’est-il enroulé autour de la jambe de l’Inquisiteur ? Gritte, sous le choc, lâche le bébé, mais Romuald le rattrape. « Faut pas traîner ici ! Remontons Tak, il a l’air d’avoir souffert… » Gritte [Pèlerins] Romuald m’a empêchée d’atteindre la rédemption.
(Nous avons décidé d’arrêter là pour l’instant.)
Mon commentaire: Temps de jeu: C'est de mieux en mieux. Le théâtre travaillé et le tour préliminaire avec la création de PNJ ont marché à fond, les instances se sont développées, le jeu a pris de l'ampleur. On s'est répartis l'interprétation des PNJ à mesure que les situations se présentaient, ce qui a donné encore plus de vie et a cassé le côté "on raconte l'histoire à tour de rôle". La participation des PJ des joueurs "non racontants" est encore assez faible dans les instances des autres, mais ça vient aussi à mesure que l'on trouve la bonne formule pour ne pas se brider les uns les autres.
Du point de vue technique, les personnages avaient cette-fois-ci beaucoup de phrases en leur possession (Romuald est monté à 11, les autres à 8 en moyenne). Ca fait pas mal de choses à gérer et ça guide l'interprétation. Beaucoup de dés de sacrifice ont été obtenus lors des duels, on a pas mal rayé, et Gritte est passée à deux doigts de la mort suite à une contamination par le sacrifice. La tension ludique se résout bien en s'arrangeant les uns les autres dans la distribution des dés après les résultats, forcés (beaucoup d'alliances, même dans les conflits simples), ou libres (quand on donne des dés à un joueur non impliqué, il a tendance à les accepter. Résultat, on a fait le ménage dans les phrases inutiles très facilement.
à suivre!
Le ciel étoilé a des constellations rares et prodigieuses qui ont pour mission de se rapprocher sans cesse et doucement des mondes misérables et de les éclairer peu à peu d’un jour qui commence par être crépusculaire et qui arrive à être flamboyant
La Partie du Lundi - Traces rôlistiques
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