WeirdWolf a écrit :Les aborigènes australiens ont probablement exterminé la mégafaune locale avec juste des bouts de bois et des pierres. Et ils ont fait ça par accident, eux
Les amérindiens ont aussi liquidé tous les chevaux quand ils ont débarqué sur le continent, puis quand les espagnols ont relâchés (ou perdus) les chevaux qu'ils avaient amené, les tribus des grandes plaines ont appris à les domestiquer et les monter à cru en une génération
Juste pour amener quelques pistes. La question de l'extinction de la megafaune (plus de 45 kg, néanderal compris donc) (durant la fin du pléistocène et l'holocène (ou anthropocène mais ça bataille encore)) est très complexe. Quel rôle Sapiens y a-t-il réellement joué ? La tendance de ces dernières années est de rehausser l'impact des changements climatiques notamment et à une meilleure prise en compte de phénomènes locaux. Je ne souligne pas cela pour minimiser l'impact de l'homme moderne, du tout. Pour les changements climatiques, ce n'est pas tant le changement qui pose problème mais plutôt la succession rapide de réchauffement et glaciation (ce qui est "confirmé" par des périodes glaçiaires stables qui ne connaissent pas particulièrement d'extinction)*. De plus chaque espèce réagira différemment, certaines souffrant plus pendant la phase de réchauffement de l'interstadiaire alors que d'autres en chieront grave pendant les phases stadiaires (oui Megacéros, je pense à toi). Ces rapides et nombreuses variations ont forcément impacté la survivabilité des espèces animales (et on retrouve là aussi une des théories quant à la disparition du vrai homme préhistorique européen, néandertal). L'exemple du smilodon en Amérique est parlant, il n'a probablement pas su/pu s'adapter au changement du crtège faunique constituant son repas quotidien. D'ailleurs il est aussi très intéressant de noter quelles sont les espèces qui ont survécus. Pour les spécificités locales mieux prises en compte, le cas de l'Europe et de l’Australie sont justement intéressants. En eurasie occidentale, on assiste à une disparition de plusieus espèces bien après l'Amérique alors que ces espèces étaient en contact avec l'homme depuis bien plus longtemps. En Australie, il y a un problème d'intervalle. Faut savoir que nos méthodes de datations sont avant statistiques et impliquent des écarts-types, des portées de datations, parfois importantes (plus on remonte pour le C14 par exemple**). Du coup, il est très compliqué d'affirmer et de faire coïncider des évènements aussi éloignés dans le temps, c'est le problème de l'Australie (dont on n'arrête pas d'ailleurs de vieillir le peuplement, comme pour l'Amérique du nord (mais le problème est plutôt politique dans ce second cas)). Il est admis, par consensus, mais toujours débattu, du lien entre peuplement de l’Australie et la disparition de sa grande faune, effectivement, par le jeu des datations, rien n'indique que cette disparition ne serait pas juste antérieure au premier peuplement de l'île. A noter que d'autres causes peuvent être trouvées comme l'introduction de nouvelles espèces dans un milieu clos, l'anthropisation des milieux, concurrence sur les habitats, etc. Je ne parle que des périodes préhistoriques, les problématiques des disparitions actuelles sont autres.
*Par exemple : A. Cooper et coll. Abrupt warming events drove Late Pleistocene Holarctic megafaunal turnover, Science (2015) 349 602.
** Pour mes sites de la fin du 3e millénaire av. n. è., j'ai des dates à plus ou moins 30 ans (en fonction de la qualité des matériaux datables), pour ceusses du début de l'Holocène, j'ai déjà souvent plus d'un siècle d'écart-type, et sur de l'Aurignacien, je tape dans plus ou moins plusieurs siècles.
WeirdWolf a écrit :Et je ne vous parle pas des zoulous, qui ont démonté l'armée britannique à coup de lance. Même les super-prédateurs tels que les tigres, les ours ou les requins se sont fait botter le cul par des chasseurs-cueilleurs peu partageurs. Sans la technologie pour l'amollir, l'être humain c'est quelque chose. La preuve: un Predator avec son barda de chasse perd face à un marine et ses piège à con
Les zoulous ça n'a duré qu'un petit temps. Pour la technologie c'est précisément l'inverse

. C'est à poil qu'il est tout mou l'homme moderne.
WeirdWolf a écrit :Ca ne change rien. L'espèce humaine est le super-prédateur qui concurrence tous les super-prédateurs. en règle générale, il n'est pas intéressant de chasser un super-prédateur (trop d'efforts pour un résultat incertain et médiocre, somme toute), mais les êtres humains peuvent se permettre de faire cela pour le sport. Et quand un prédateur rival résiste (par exemple, le loup), on en fait des animaux de compagnie
C'est à la fois navrant et impressionnant. On parle quand même de grands singes maladroits à la base; avec notre grosse tête et nos membres frêles, on est même pas censés survivre à la phase d'apprentissage de la marche debout
A un niveau trophique pourtant notre espèce est très loin d'être un super-prédateur, mais alors très loin*. SAchant qu'en plus, en fonction des endroits ou nous vivons et de leur spécificités de régime alimentaire les différences peuvent être très importante. Au Burundi par exemple, le régime alimentaire moyen se compose à 97% de plantes alors qu'en Europe du Nord, l'alimentation est carnivore à plus de 50% (pour la période 1961-2009). Difficile d'en tirer des conclusions générales. Les superprédateurs n'ont d'ailleurs pas été chassés en masse (certains ont même parler d'interdit culturel pour l'expliquer, comme pour la chasse féminine). Ce point reste difficile à appréhender, les populations de superprédateurs sont pas bien grosses en général, donc est-ce un simple effet mathématique ?
La domestication du loup n'a probablement rien eu à voir avec de la concurrence ou de la rivalité, le commensalisme (synanthropisme à ce niveau là) à du jouer très fort (faut dire que les deux espèces partagent beaucoup de traits). Les phénomènes de domestications préhistoriques se font sur le long terme et passe par beaucoup d'étapes et celle du loup (en chien) ne déroge pas à la règle. Elle est très vieille, l'horloge génétique indiquerait une séparation il y a plus de 25000 ans mais les restes anciens sont très rares et sujets à controverses. En effet, comme pour les problème d'intervalles des datations, il y a souvent des problèmes d'identification de l'espèce domestiquée par rapport à la sauvage. Au début de la séparation des espèces, elles peuvent présenter des caractères très proches et très difficiles à identifier, c'est le cas du chien/loup, par exemple dans les grottes de Goyet en Belgique, les restes de canidés découverts et datés de 36000 ans sont soit ceux d'un loup soit ceux d'un chien selon le spécialiste.**
Et nos ancêtres grands singes ne devaient rien avoir de maladroit, ils ont survécu et ont même prospéré, plus longtemps que nous pour la plupart (pour rappel, Sapiens c'est, en gros sans parler des modèles proto-, 200 000 ans).
Je ne comprends pas la référence à la non survie à l'apprentissage de la marche debout. Il faut avoir en tête (huhuhuhu) que notre volume cérébral et notre aptitude à la bipédie sont corrélés. Biomécaniquement, il est tendu d'avoir un volume cérébral plus gros que le nôtre sans avoir une largeur de bassin chez la femme plus importante mettant en péril notre capacité de bipède (ça a d'ailleurs été une des pistes pour la disparition de néandertal, qui avait un volume cérébral plus important que le nôtre (1600/1700 cm3 pour 1400 pour nous). C'est aussi pour ça que les bébés humains naissent non terminés

.
* Bonhommeau et al. Eating up the world’s food web and the human trophic level,
lien
** Sur Toulouse en ce moment au museum, l'expo Entre chien et chat aborde ça et est pas mal orientée pour les enfants, ça permet de les sensibiliser à ça.
Ralph B. a écrit :Oh, c'est le début qui a sans doute été difficile, parce qu'une fois passé cet apprentissage, bien peu de bestioles pouvaient rivaliser avec un "singe" capable de faire ça...

Et en plus, c'est pas la taille qui compte

. Suffit de regarder les armatures hypermicrolithiques du Mésolithique montées en série sur des hampes de flèches et le catalogue de flèches à disposition (perçantes, tranchantes, combinant les deux, etc.) pour s'en convaincre.
Buggy a écrit :
En revanche c'est intéressant de regarder un peu comment l'espèce humaine, avant de devenir super-prédateur, est passée par la case charognard - case où la compétition est sévère et où chacun déploie des trésors d'ingéniosité et d'originalité pour griller tout le monde dans la course au macchabée gourmand. Dans quelle mesure nos "armes" primitives furent d'abord des outils pour dépecer et débiter le plus efficacement possible une bête morte avant l'arrivée de la nuit et son cortège de fâcheux ? Qu'un outil efficace ait permis d'achever un mort récalcitrant ou de fendre le proche museau d'une hyène insistante, pourquoi pas… N'empêche qu'il fallait arriver tôt aux obsèques si on voulait une place au premier rang lors de la distribution de protéines : un milieu compétitif, y a rien de mieux pour pousser l'évolution de l'espèce ; on comprend mieux la théorie du coureur de fond.
Alors méfiage là dessus aussi. Déjà le terme, l'espèce humaine correspond à Homo sapiens, qui est tout jeune et n'a jamais été exclusivement charognard (200 000 ans d'existence, le feu est maîtrisé ainsi que de nombreuses techniques de chasse). Au niveau plus large de la famille, il y a eu une certaine part de charognard (qui refuserait un repas facile ?) mais pas que. Le problème est qu'il est très compliqué d'estimer la part du végétal dans les alimentations préhistoriques (anciennes). L'étude des isotopes C4/C3 sur l'émail de dents d'australopithèques montrent par exemple que A. bahrelghazali se nourrissait majoritairement de graminées et carex (ça tombe bien, c'est ce qu'il y a dans son biotope), on est entre -3M et 3,5M d'années. Le charognage est souvent un vestige d'une antique image d'épinal de nos préhistoriques (comme le cannibalisme). Le problème des vieux outils est aussi que tout ce qui est en matière dure organique ne se conserve pas bien comparé au lithique (ce qui tronque la vision car absence de preuves n'est pas preuve d'absence). Je vais pas m'étaler sur le côté couteau-suisse des premiers chopper. De plus il existe des techniques de chasse n'impliquant pas nécessairement des armes ou alors des armes très basiques (rabattre des proies dans un aven par exemple, ou sur une falaise, des chasses féminines au gourdin ou à la lapidation sont attestées). Parmi les plus vieilles armes de chasse on a quand même des épieux en sapin trouvé en Allemagne (Schöningen) datés de -450000/-300000 ans (associés au squelette d'une grosse bestiole, mais je me souviens plus si c'est un mammouth ou autre chose). Le besoin important en protéines vient probablement avec la croissance du volume cérébral et de son fonctionnement très énergivore.
Fabien Lyraud a écrit :Le dernier auroch sauvage a été abattu à la fin du 14éme siècle.
Le derniers aurochs (qui est forcément sauvage, domestiqué ce n'est plus la même espèce, je ne comprends pas là dedans les tentatives de reconstruction de l'espèce récentes) est vu en 1627 en Pologne. L'espèce s'est éteinte en europe centrale. Dans la seconde moitié du 16e, les gardes chasse royaux en Pologne avaient recensé moins de 50 bestioles. Ils protégeaient et entretenaient l'espèce, déjà à l'époque. Leur braconnage était puni de mort. Autre cause non évoquée plus haut à leur extinction, la transmission de maladies depuis des troupeaux de bétails de bestioles domestiques. Pour ceusses qui se posent la question, l'aurochs est le Bos primigenius (voir taurus) probablement à l'origine de nos espèces domestiquées de bœufs. C'est une très grosse bête et sa domestication a probablement servi à choisir des individus de plus petite taille (c'est plus facile à gérer qu'une vache qui fait 1,80m au garrot) (vous seriez peut-être surpris de la taille des bœufs gaulois) et donnant du lait en quantité.
Voilà c'était long et pas intéressant, mais c'était juste pour apporter des pistes supplémentaires, et aussi montrer que tout n'est pas aussi trancher qu'on pourrait le croire (et pas nécessairement en stricte opposition à ce qui a été dit plus haut).