Personnages joués : trois personnages prêts à jouer du livre de base : Euménès le vieux roi meneur de char, Bélos le prince archer, Hagias l’aède (livre de base), plus un personnage créé par une joueuse : Hypatie prêtresse de Delphes.
Nous prenons la suite directe de la partie précédente, quelques jours après les événements du Jour où les aèdes balbutièrent. Le groupe en profite pour dépenser les points d'expérience accumulés pendant les dernières aventures et augmenter quelques attributs.
Les PJ se sont fait un ami du berger Argydès, qu'ils ont sauvé. Les PJ sont occupés à faire un sacrifice à Apollon afin de l'apaiser, car ils l'ont probablement froissé au cours de l'aventure précédente. Ils troquent une chèvre à un berger qui se trouve non loin du sanctuaire, Amyntas, qui leur propose une chèvre éclatante de santé au pelage magnifique. Une fois devant le temple d'Apollon avec la victime, le prêtre Théagène, un collègue d'Hypatie, se charge du sacrifice, quand l'animal s'échappe et part au galop !
Trois des PJ, Bélos, Hagias et Hypatie, se lancent à la poursuite de la chèvre, tandis que le roi d'Aïdoné, Euménès, père de Bélos, reste près du temple : courir après une chèvre est au-dessous de lui, il laisse son fils s'en charger. Je divise alors le temps en rounds et j'alterne entre les PJ. Pendant que les autres poursuivent l'animal, Euménès sermonne les gens du sanctuaire et peut ainsi se renseigner.
La poursuite est l'occasion d'une série de jets d'agilité. Tandis qu'Hagias puis Hypatie finissent par rater un jet et faire des chutes heureusement sans gravité (Hagias perd 1 PV), Bélos prend la tête, mais peine à rattraper la chèvre. Le groupe rechigne un peu à dépenser des points d'héroïsme, soit parce que je n'ai pas expliqué qu'ils les retrouvaient tous à la fin de chaque scénario, soit parce qu'ils pensent que la poursuite ne sera pas si difficile. La chèvre, de son côté, grimpe les terrasses du sanctuaire jusqu'au mur nord et saute par-dessus le mur en un saut spectaculaire, dont peu de bêtes seraient capables.
Resté auprès de Théagène, d'Amyntas et des serviteurs, le roi Euménès se démène. Il enjoint vertement le berger à lancer son chien à la poursuite de la chèvre. Ce dernier, intimidé, s'exécute : « Poursuis la chèvre, Basileus ! lance-t-il à son chien. » Puis, avec un regard effrayé à Euménès : « Heu, je suis désolé, il s'appelle Basileus mais ne vous en fâchez pas... » (« Basileus » signifie « roi » en grec.) Le chien court et s'attaque vaillamment à la paroi assez raide de la montagne, mais a bien de la peine comparé aux héros. Euménès interroge Amyntas au sujet de la chèvre, et, sentant que le berger lui cache quelque chose (jet d'esprit réussi), il l'intimide pour l'amener à parler. Le berger avoue que la chèvre n'est pas vraiment à lui : elle a rejoint subrepticement le troupeau pas plus tard que le matin même, peu avant que le berger ne descende de la montagne pour gagner le sanctuaire. « Des bêtes égarées, ça arrive... » Euménès tempête et Amyntas s'inquiète : « J'espère que je n'ai pas courroucé les dieux... » Ce à quoi Euménès répond : « Vous m'avez contrarié, moi, et c'est presque pire ! » Je saisis au vol la phrase de la joueuse et, devant cette pointe d'orgueil du personnage très roleplay (Euménès a le désavantage « arrogant »), je lui demande un jet de Mesure. Il est réussi : Euménès garde le sens de la mesure et précise qu'il plaisante.
Pendant ce temps, la chèvre grimpe au flanc de la montagne et les héros entament l'escalade à sa suite, mais cela devient éreintant. Devant la difficulté de la poursuite, Hypatie a l'idée d'utiliser sa petite formation d'aède pour jouer de la musique afin de charmer l'animal et de l'attirer vers elle. Ce n'est pas évident, car un tel chant est puissant et suppose une difficulté d'au moins 14, or elle n'a qu'1 point en esprit et 1 point dans la carrière « aède ». Mais comme elle a obtenu l'avantage « Artiste » à l'issue de l'aventure précédente, elle bénéficie d'un dé de bonus. Et elle obtient un superbe résultat aux dés : son idée fonctionne ! Envoûtée par la musique, la chèvre ralentit sa progression... mais elle semble encore hésiter à s'enfuir.
Euménès, resté dans le sanctuaire, interroge Théagène et les autres prêtres. Théagène, d'une voix lente, reconnaît que la victime pourrait ne pas avoir été très partante malgré son signe de consentement rituel (elle a frissonné quand on l'a aspergée d'eau glacée). Peut-on consulter la Pythie à propos de la chèvre ? Oui, mais cela prendra plusieurs heures, le temps de faire un autre sacrifice avant la consultation, et... Impatient, Euménès réclame autre chose. Théagène et les prêtres recourent alors à une divination d'ornithomancie (l'observation du vol des oiseaux). Ils en concluent que la chèvre est bel et bien aidée par une divinité, voire deux, mais qu'Apollon n'est pas mêlé directement à l'affaire. « Il approuve ce qui se passe », précise Théagène doctement. « Mais qu'approuve-t-il ? La fuite de la chèvre qui lui était destinée ? La poursuite ? » Euménès s'impatiente, mais, comme le dit Théagène, « consulter les dieux, ce n'est pas comme discuter avec sa grand-tante ». Et les avis d'Apollon sont connus pour leur obscurité.
Accroché au flanc de la montagne, Bélos parvient à s'approcher tout près de la chèvre retenue par le chant des deux aèdes. Mais voilà que des insectes harcèlent la bête, qui sursaute et reprend son ascension ! Ce sont des taons, de grosses mouches à bétail capables d'infliger des piqûres très douloureuses.
Hagias joint son chant puissant (elle a 3 en esprit et 4 dans la carrière « aède ») à celui d'Hypatie. A la porte du sanctuaire, au bas de la montagne, une petite foule de serviteurs et de bergers se forme, auxquels s'ajoutent les sentinelles. Tous, fascinés, écoutent la mélodie enchanteresse des deux aèdes, qui résonne dans la montagne.
La chèvre, les taons et Basileus le chien de berger tombent tous les trois sous le charme des chants conjugués des aèdes. Les taons se dirigent vers Hagias et volettent autour de lui, inoffensifs, pendant que la chèvre redescend quelques rochers. Bélos, parvenu tout près d'elle, tente alors de l'attraper, une fois, deux fois... Mais ses jets de dés échouent inexplicablement ! Il faut croire que la chèvre est aidée par une divinité ! (Si les jets avaient réussi, j'aurais recouru à des interventions divines pour les faire échouer, mais je n'en ai même pas eu besoin : le joueur a réellement raté le jet deux rounds de suite alors qu'il était doté d'une bonne agilité et que la difficulté n'avait rien d'insurmontable.)
Du coin de l'oeil, le héros aperçoit des silhouettes qui descendent à flanc de montagne. Quand elles s'approchent, il reconnaît une demi-douzaine de satyres. Les hommes-boucs, nus et hirsutes, semblent s'intéresser à la chèvre, qu'ils montrent du doigt en discutant. Quand le chant des aèdes s'élève, ils sont aussitôt fascinés et s'approchent plus doucement. Quand Bélos les salue, il ne reçoit d'abord en réponse que des « Chhht ! » agacés.
Au moins, Bélos finit par réussir à attraper la chèvre à sa troisième tentative, en dépensant un point d'héroïsme pour relancer un jet raté ! Il la prend dans ses bras et la retient par les cornes. Toujours charmée par la musique, la bête ne se débat pas.
Les satyres finissent par prendre place sur un entablement rocheux non loin de Bélos et de la chèvre. Le plus vieux et le plus sage d'entre eux se présente sous le nom de Guéloïon. Il révèle à Bélos que la chèvre n'est autre qu'une nymphe du Parnasse, Orthia, ancienne chasseresse d'Artémis, séduite par Zeus, puis changée en chèvre par ce dernier pour échapper au courroux d'Héra. Cette dernière, hélas, a lancé à sa poursuite des taons qui malmènent la pauvre bête. Les satyres sont envoyés par Dionysos en personne à la demande de Zeus, afin d'emmener la chèvre jusque dans le cortège du dieu. Là, elle n'aura plus à craindre les insectes envoyés par Héra. Bélos s'assure que le satyre dit la vérité (jet d'esprit réussi avec l'avantage « perspicace ») et accepte de lui remettre la chèvre. Guéloïon propose même d'apporter une autre chèvre en compensation afin que le sacrifice à Apollon puisse avoir lieu. Ces courtes négociations terminées, Guéloïon donne une claque sur le crâne de deux de ses congénères occupées à regarder respectivement Hagias et Bélos avec des yeux trop lubriques, et toute la bande remonte dans la montagne.
Tandis que Bélos redescend, Hypatie rate de peu son jet d'Exploit de musique et doit s'arrêter de jouer. Hagias, lui, parvient à continuer, et se demande ce que les taons vont faire quand il s'arrêtera... Hypatie se souvient (jet d'esprit réussi avec l'avantage « érudite ») que les bergers ont pour habitude de prier Zeus sous son épithète de Chasse-mouches afin de protéger leurs bêtes contre les insectes. Avec Bélos, elle entonne une Prière en promettant au dieu trois belles chèvres s'il les aide à se débarrasser des taons. C'est une offrande plus qu'alléchante pour quelques insectes ! La Prière est à peine terminée qu'un vol d'oiseaux file tout près d'Hagias, qui cligne des yeux. Quand il les rouvre, les taons ont disparu, gobés par les oiseaux.
Les PJ se regroupent alors au pied du temple d'Apollon pour se remettre de leurs émotions. Amyntas s'excuse piteusement et se fait tancer par le berger Argydès. En compensation, il offre d'autres chèvres (vraiment à lui, précise-t-il) pour le sacrifice à Zeus. Quelques heures plus tard, deux satyres redescendent de la montagne en compagnie d'une belle chèvre que les PJ peuvent sacrifier à Apollon. Gageons que les dieux seront sensibles à leurs pieux efforts pendant cette aventure !
Les PJ gagnent chacun deux points d'expérience, qu'ils n'ont pas dépensés tout de suite.