Ce nom (tiré du poème de Charles Baudelaire intitulé "Le Vampire") sera abrégé dans la suite de cette critique par "Toi Qui".
Avant de commencer ma critique, autant être clair dès le début sur trois éléments :
- Je n'ai fait que lire Toi Qui, je ne l'ai pas encore joué
- Je suis fan de cette ambiance gothique/vampirique
- J'ai adoré le jeu (mais je lui ai trouvé quelques défauts tout de même)
Une fois posées ces choses, c'est parti ! Je vais opter pour une réponse à une série de questions, les mêmes qu'on peut trouver sur le forum CasusNo dans leur section Retours JDR.
1.) Quoi que c'est ?
Autant reprendre directement la description de ce jeu :
"Toi qui" est un jeu de rôle romantique et vampirique sans meneur pour trois à cinq joueuses. Il est écrit par Simon Pettersson et a été traduit et adapté du Suédois par Matthieu Braboszcz et Simon Li.
2.) Vous en avez entendu parler où pour la première fois ?
J'aime bien suivre tout ce qui se fait un peu sur l'univers vampirique. Et je traine sur C'estPasDuJDR le Discord, repaire du jeu indé, où le projet de traduction s'est monté. Donc j'ai suivi ça de loin, et je me suis jeté dessus quand le projet est sorti définitivement.
3.) Achat compulsif, impulsif ou réfléchi ?
Toi Qui, c'est du gratuit pour le PDF et du coût coutant pour l'imprimé. Le lien pour le PDF est par ici :
https://angeldustjdr.itch.io/toi-qui-co ... f-es-entre et pour la version imprimée c'est par là :
https://www.lulu.com/en/en/shop/simon-pettersson/toi-qui-comme-un-coup-de-couteau-dans-mon-coeur-plaintif-est-entr%C3%A9e/paperback/product-qqkwq8.html?page=1&pageSize=4
Je l'ai donc "acheté" assez rapidement !
4.) Vous pensiez trouver quoi ?
Sur le principe, comme j'ai suivi de loin le projet, je m'attendais globalement à une nouvelle façon, plus indé, de voir l'univers des vampires, du gothique sombre et de l'horreur personnelle.
5.) Vous avez trouvé quoi ?
Et bien pile ce que je voulais, mais en dix fois mieux ! Et je vais même vous expliquer pourquoi j'ai vraiment eu un coup de cœur à la lecture.
D'abord, sur la forme. On a un jeu maquetté très proprement. Rien à redire sur l'organisation, c'est clair, net et précis. Certes, on a une maquette qui change à chaque page, mais pour moi, ce n'est pas du tout un souci. Tout est noté en gros, bien lisible, et la maquette sert bien le propos. On se sent vraiment intégré dans quelque chose de profond, de sombre, et qui ne respire ni la joie, ni la bonne humeur. Quelques exemples :
La mécanique de jetons est au cœur du système
Un élément très important pour résoudre les Conflits
Comment aider à construire la carte relationnelle avant les parties
Sur le fond maintenant : on est sur un jeu sans meneuse. Il y a un très bel accompagnement pour ça dans le bouquin d'ailleurs, à la fois sur la construction de la carte relationnelle initiale, des personnages, et même de la façon dont les scènes se montent. On dit sans meneuse parce que même si chaque joueuse va lancer une scène à tour de rôle, elle ne contrôle plus ensuite la scène et ne garde pas l'autorité narrative. Chaque joueuse est invitée à incarner son personnage s'il est présent dans la scène, ou des PNJs, voire le décor. Les joueuses sont aussi invitées à incarner deux autres rôles tournants : le Diable et le Sublime.
C'est au niveau du Diable que se passe vraiment le cœur de la mécanique de Toi Qui, et qui fait, à mon goût du moins, tout son sel. Chaque joueuse est invitée, quand elle le peut, à incarner le Diable d'un autre PJ. Ce Diable (pour ceux qui ont joué à Vampire, c'est assez proche de la Bête), c'est le Prédateur qui s'incarne en chaque vampire. C'est le Prince des Mensonges, celui qui pousse chaque vampire à faire des choses innommables, à se laisser aller à leurs penchants. Mais sans pour autant les pousser à l'auto-destruction, parce que le Diable aime sincèrement le vampire qu'il accompagne. Sincèrement, mais de manière tordue. Le jeu le décrit comme suit :
Il est violent, dominateur, avide de pouvoir, furieux, pernicieux, menteur, injuste, agressif et sanguinaire. Il cherche à détruire tout ce qui est humain chez le vampire. Il veut que celui-ci lui ressemble.
A mon sens, il faut le voir comme un vilain petit démon sur son épaule. Et le jeu pousse à fond cette comparaison en invitant la joueuse censée l'incarner à chuchoter à l'oreille de la joueuse qui doit l'entendre. Et le vampire peut choisir de l'écouter, ou de l'ignorer, de lui obéir quand il donne un ordre ou de ne pas le faire. S'il décide d'ignorer, ou de refuser l'ordre donné, il doit prendre un jeton. S'il obéit (et qu'il avait des jetons préalables), il doit en défausser un. A quoi servent les jetons vous demandez-vous ? Ils servent lors de la résolution des Conflits. Quand des vampires rentrent en opposition entre eux, ou avec n'importe quoi d'ailleurs, on utilise l'échelle de prédation. On l'utilise aussi quand le vampire fait usage d'un pouvoir de Domination sur les autres (avec quelques règles spécifiques).

Ainsi, les jeunes vampires perdent toujours sur les vieux vampires, les humains ne peuvent rien contre un vampire même tout juste apparu, et une foule en colère fait même reculer un ancien vampire. Et les jetons viennent faire la différence au sein des mêmes catégories. Mettons que votre PJ affronte un autre PJ : c'est celui qui a le moins de jetons qui l'emporte et qui décide ce qui se passe (avec votre accord bien entendu, la règle de
celui qui subit, choisit est clairement mise en avant). Logique après tout : plus vous avez refusé des choses au Diable, moins vous êtes en phase avec, et moins vous êtes efficace. En cas d'égalité, c'est celui qui engage le conflit qui gagne. Il est à noter que tous les PNJs ont 0.5 jeton, donc tout adversaire vampire de votre âge pourra vous battre aisément si vous avez un jeton. Mais il existe une solution ! Vous pouvez Libérer le Diable. Et là, vous gagnez contre tout le monde, car le premier à libérer le Diable l'emporte sur tout le monde. Mais il y a une contrepartie : vous ne contrôlez plus ce que fait votre personnage, c'est la joueuse qui incarne le Diable à ce moment là qui décide ce qu'il arrive. Et autant vous prévenir : ça ne sera probablement jamais un bon moment. Pire encore, si vous avez trop souvent refusé ses ordres ou ses conseils, vous pouvez même voir le Diable se refuser à vous, et vous finissez alors tout en bas de l'échelle de prédation, destiné à tout subir. Dès lors, la mécanique amène nécessairement un effet : vais-je refuser cet ordre, cette demande à l'approche d'un conflit qui me semble inévitable ? Le livre de règles propose de mettre tout cela en jeu facilement, via des gestes, pour éviter la rupture de l'immersion par une interruption "méta".
A côté de ce rôle, il y a le rôle du Sublime : Ce rôle tournant sert à magnifier l'ambiance. C'est un rôle qui consiste à ajouter des descriptions pour approfondir l'ambiance, poser l'atmosphère. A lui d'ajouter de petites mentions pour décrire par exemple la pluie qui tombe sur les carreaux, le soleil qui se lève, l'atmosphère poussiéreuse lourde du grenier etc.
A noter : il existe aussi des possibilités de jouer des chasseurs et de simples humains, avec des mécaniques différentes. En quelques mots : les chasseurs sont définis par des souffrances, ce sont elles qui leur donnent leurs pouvoirs/leurs motivations. Ils n'ont pas de Diable, ils ne peuvent pas évoluer sur l'échelle de prédation. De plus lorsqu'ils finissent par dépasser leurs souffrances, ils redeviennent de simples humains. Les simples humains quant à eux sont définis par des Beautés Fragiles, des éléments d'une telle pureté/beauté que le Diable doit s'incliner, et les vampires avec lui. Les Dominations s'arrêtent, les Conflits aussi. Tout peut recommencer ensuite, mais le moment de beauté a tout stoppé.
A la fin du livre, il y a de nombreux conseils pour bien expliquer les enjeux, ajouter quelques éclaircissements de règles etc.
Pour autant, je ne dirais pas que le jeu est parfait, de mon point de vue. Aussi bien expliqué qu'il le soit (avec des exemples clairs et descriptifs) le fait qu'il soit sans meneuse me laisse un peu froid. J'ai du mal à me projeter en tant que joueur, à voir les scènes que je pourrais construire. J'aime également beaucoup les mécaniques mais je peux entendre qu'on trouve ça trop simple, parce qu'il n'y aucun moyen de résolution en dehors de la Domination et du Conflit.
6.) Allez vous vous en servir ?
Partiellement déjà fait ! Même si je n'ai techniquement pas joué au jeu, je suis tombé sous le charme de l'idée du Diable et je l'ai mise en jeu dans ma partie de Vampire, pas sous sa forme de jetons, mais sous la forme de leur Bête qui chuchote à l'oreille, qui les encourage à faire certaines choses, qui les tente. Et ça a l'air de plutôt bien fonctionner !
Et j'ai très envie de tester le jeu tel qu'écrit. Mais je me tâte encore, parce que le côté sans meneuse me refroidit pas mal.
7.) En conseilleriez vous l'achat ??
Il est gratuit, alors n'hésitez surtout pas à aller le parcourir ! C'est rapide, aisé à lire, écrit en gros, et ça pourrait bien vous tenter !