Dis-moi, tu respires l'optimisme et la volonté de lutter aux côtés des gens qui subissent des torts, toi, aujourd'hui
Tes arguments reviennent en substance à dire que toute réglementation est vouée à l'échec si elle n'est pas appliquée partout par tout le monde tout de suite, et à affirmer que les pays les moins scrupuleux, qui ne règlementent rien, s'en sortiraient forcément mieux. Or la réalité est bien plus nuancée que ça. Autant dire que ça ne sert à rien de forcer les constructeurs automobiles à mettre des ceintures de sécurité et des airbags dedans parce que les voitures qui en ont coûtent plus cher et sont donc moins concurrentielles que celles qui n'en ont pas... ben non, parce que les gens n'ont pas envie de mourir. Même chose avec les règlementations sur l'amiante : les gens n'ont pas envie de mourir de cancer et, avec un peu de prévoyance, ils peuvent concevoir les conséquences à moyen et long terme de l'usage d'une technologie et agir à l'avance pour exiger des normes et l'application de ces normes.
Il n'y a aucune raison que le secteur de l'IA soit traité différemment. Ce n'est pas exactement la première tentative d'automatisation mise en œuvre par les patrons, et ce n'est certainement pas la dernière. Et, comme toutes, elle porte avec elle son lot d'abus, motivés par la cupidité et par un court-termisme qui a mis la planète dans l'état où on la voit aujourd'hui.
D'ailleurs, un pays qui ne règlementerait rien en matière d'IA serait très loin de s'en sortir nécessairement mieux. Déjà parce que tout dépend de la nationalité des entreprises qui gèrent ces IA. À moins d'avoir un secteur de l'IA solide dans le pays en question, ça enrichira autant voire davantage les pays qui possèderont les entreprises en question, donc aussi les serveurs pour les entraîner, stocker les données, etc. Les gens qui utilisent ChatGPT en France ne gagnent pas forcément beaucoup plus, par contre OpenIA s'en met plein les poches.
Ensuite parce que des IA non réglementées posent d'énormes problèmes de souveraineté, économique, politique, probablement militaire aussi. C'est juste impossible de ne pas les encadrer.
Je ne parle même pas des enjeux artistiques et sociaux. Est-ce que j'ai envie de passer ma vieillesse dans un monde où les films, les podcasts, les livres audios, etc. seront remplis de voix de synthèse ? Si bien faites soient-elles, je préfère un travail fait par des humains. Parce qu'il y a une performance artistique humaine, mais aussi parce que cela crée un lien social entre moi et l'artiste. Je veux une société d'humains qui vivent ensemble, pas une société où chacun reste tout seul à interagir avec des versions un peu plus sophistiqués du service client automatisé d'EDF. (Et même à EDF on peut demander à parler avec des humains, d'ailleurs.)
Il y a des IA partout ? Il y a des travailleurs et des travailleuses partout aussi. Ce n'est qu'une affaire de rapport de forces et de débat public sur le monde que nous voulons.
Bref, les salariés n'ont pas perdu d'avance et la lutte en vaut la peine. C'est juste toi n'es pas d'humeur à sympathiser avec leur lutte, ou juste trop fatigué aujourd'hui pour t'impliquer dans le rapport de forces.
Cryoban a écrit : ↑jeu. déc. 05, 2024 12:42 pm
Pour moi les lois ne suffiront pas car les IA sont partout dans le monde et il y a pleins de pays où elles seront mise en œuvre sans restriction aucune. Donc seule des décisions à l’échelle planétaire pourrons etre efficace, mais vu l’état des relations internationales je pense que c’est sans espoir de ce côté.
Je suis tout à fait d'accord avec toi sur le fait que c'est un enjeu de droit international. Mais justement, par principe, l'effort vers un droit international ne peut pas se permettre de désespérer. C'est "too important to fail". Et la diplomatie internationale a pour raison d'être d'amener des pays radicalement différents vers des terrains d'entente. Ce qui n'est vraiment pas si infaisable que ça en matière d'IA.