Crois-en le graphiste, il serait compliqué de faire fonctionner ce diagramme sans le rouge : même en encaissant sans pleurer la perte sèche côté signalétique dès que l'Adversité devient "pas rouge", sachant que le fond doit rester à 30% de noir pour que la ligne blanche des Aptitudes soit lisible malgré tout le merdier qu'elle surplombe, c'est pas comme s'il restait tellement de nuance de gris que je n'exploite pas déjà...
Très franchement, l'explication ludologique n'est pas ma priorité dans un bouquin de JdR : je trouve moi aussi que ce serait cool, mais on y a trop peu de place et trop d'autres choses à raconter. C'est donc une des raisons pour lesquelles je reporte ces explications sur le blog (en plus de voir si je peux "populariser" un peu de game-design et faire de la promo).
Mais à mes yeux, c'est une super-bonne question puisqu'elle pointe vers
"Quelles sont donc mes priorités dans ce bouquin ?"...
Il y a plein de raisons pour qu'aussi peu de jeu s'expliquent de la sorte (des bonnes et des mauvaises, comme souvent), mais la plus ferme de toutes reste
le signage : la théorie prend par nature une place folle alors même qu'elle n'intéresse pas tant de gens que ça. Moi par exemple, j'ai droit à 120 pages A5
grand max par bouquin (après négociation, et dans le but d'étendre les scénarios d'initiation), sachant que le LdB peut consacrer environs
40p à la mécanique. Si j'en veux plus, il faudra que je les gratte sur autre chose, et je n'ai guère de "gras" sur mes 120p.
En comptant 1/8° d'illustrations dans une maquette pas trop serrée, ces 40p me mettent vers 140k signes pour les règles elles-mêmes, plus leurs exemples et leurs explications (qui me prennent pas loin d'1/4 du signage). Dans ces explications, ma priorité est la
jouabilité : permettre aux gens de s'en servir au mieux.
Ce qui inclue déjà quelques indications quant aux intentions des règles ("
à quoi sert ce mécanisme, qu'est-ce qu'il produit à la table,
qu'est-ce qui se passe quand on ajuste telle variable"), mais très peu de notions de game-design. Pour l'instant, j'ai déjà exclu l'encadré sur l'agentivité (et mon cœur saigne), la demi-page de "
Mécanique, dynamique et esthétique du jeu" pourrait être la prochaine victime.
Mais au moins ça me permet de dégager de la place pour le
didactisme, qui prime sur presque tout après les règles elle-mêmes : les notions qui méritent d'être ré-expliquées 3 fois de différentes manières, des conseils pour gérer et mettre en scène l'Adversité (parce que ça prend plein de MJ par le travers), plein de choses que les MJ de
D3 ont réclamé –à raison– depuis sa parution, 7 questions pour donner un vécu au PJ avant de se jeter sur les règles de créa, guider l'usage des règles dans les scénarios d'intro et même un segment "
Lisez-moi à haute voix" (ou
Ce qu'il faut expliquer aux joueurs).
Chaque fois que je dois choisir entre didactisme et game-design, devine qui tombe à l'eau ?
Si tout va bien, je prévois néanmoins d'inclure
4 à 6 pages d'explications "ludologiques" réparties à des endroits stratégiques du LdB, dont une note d'intention dans l'avant-propos ("
pourquoi le jeu est fichu comme ça, que pouvez-vous en espérer"), un avertissement en intro du système ("
jouez-y sans tricher, ne bidouillez rien avant d'avoir essayé et bien compris, sans quoi l'équilibrage partira en sucette"), la structure particulière de nos donjons et les effets de l'Adversité sur l'exploration, qu'est-ce qu'on gagne à ce que la MJ ne lance pas les dés et un résumé du modèle statistique (1p max, c'est le premier qui saute si je manque de place).
Idéalement, je publierais volontiers
un pdf gratos avec plein de trucs qui ne tenaient pas dans les livres, dont un peu de ludologie (peut-être ces articles et le graphique), le modèle statistique
développé, peut-être un CR de partie et des versions "détachées" de plusieurs éléments importants du LdB (dont le fameux "
Lisez-moi"). Mais, pour reprendre une métaphore que j'ai déjà bien usée dans "
Jeter les dés ne me suffit plus...", il y a une raison pour laquelle les manuels de bagnole n'expliquent pas le moteur à explosion, alors que c'est vraiment fascinant : parce que les conducteurs n'en ont pas besoin, et qu'il faut plutôt leur dire où est le dégivrage.