[CR] Mystères à Whitby
-
- Zelateur
- Messages : 56
- Inscription : mar. juil. 05, 2022 7:13 am
Re: [CR] Mystères à Whitby
Je dis la même chose à chaque fois , mais MERCI !!!



- Olivier.Legrand
- Prophète
- Messages : 909
- Inscription : mar. sept. 03, 2013 11:14 am
Re: [CR] Mystères à Whitby
Hello à toutes et à tous
Nous avons joué (enfin !) hier soir le deuxième épisode de la troisième saison (le dixième au total), intitulé DANS LES OMBRES... En attendant le CR de Laurent alias Mike Beckman, quelques petites précisions : c'était un scénario un peu différent des précédents dans sa structure, une sorte de "sandbox" (toutes proportions gardées) présentant une intrigue principale, plus trois-quatre pistes / amorces (à suivre ou non, selon les décisions des joueurs) menant vers de futurs épisodes. Une chose est sûre : le prochain Halloween à Whitby risque d'être... inoubliable.
Nous avons joué (enfin !) hier soir le deuxième épisode de la troisième saison (le dixième au total), intitulé DANS LES OMBRES... En attendant le CR de Laurent alias Mike Beckman, quelques petites précisions : c'était un scénario un peu différent des précédents dans sa structure, une sorte de "sandbox" (toutes proportions gardées) présentant une intrigue principale, plus trois-quatre pistes / amorces (à suivre ou non, selon les décisions des joueurs) menant vers de futurs épisodes. Une chose est sûre : le prochain Halloween à Whitby risque d'être... inoubliable.

-
- Zelateur
- Messages : 56
- Inscription : mar. juil. 05, 2022 7:13 am
Re: [CR] Mystères à Whitby
Grand grand hâte de vous lire. 
- Olivier.Legrand
- Prophète
- Messages : 909
- Inscription : mar. sept. 03, 2013 11:14 am
Re: [CR] Mystères à Whitby
Voici donc le début du nouveau CR de Laurent...
Journal de Mike Beckman
Whitby, 5 avril 2024
Ce calme ne pouvait pas durer.
Occupé que j’étais à aider Sondra à s’installer définitivement ici, j’ai sans doute baissé la garde. Pourtant, je savais que notre ennemi n’avait pas renoncé : ces cauchemars reviennent régulièrement, avec toujours cette grande roue. J’aimerais souvent être débarrassé de ce lien avec le No Man’s Land et dormir en paix, comme le fait Sondra, à mes côtés.
En fin d’après-midi, alors que je réglais quelques affaires courantes et assurais Ray que j’allais bientôt me remettre au travail et lui livrer quelque chose à se mettre sous la dent, j’ai découvert un étrange mail.
De whitbybaptist@gmail.com
Le Vendredi 5 Avril 2024, à 18.36
Bonjour,
J’allais le transférer à Rose quand son nom s’est affiché sur mon téléphone. Elle avait reçu peu ou prou le même message. Que se passait-il à Faith House, l’ancienne demeure du Révérend Stone, mort après les événements qui m’avaient accablé ? Nancy Harper, qui avait mené l’assaut à l’époque, venait de faire son retour dans l’église baptiste menée par son Pasteur d’époux. Elle prétendait avoir reçu des visions « célestes » et se prétendait en prise directe avec le Saint Esprit. Selon beaucoup des ouailles de cette congrégation, elle était le véritable leader de cette communauté.
Rose m’a aussi raconté qu’elle avait échangé avec la jeune Mary (qui se faisait une joie de promener sa chienne, Molly) et Norman, l’apprenti romancier que j’accompagnais depuis les incidents d’Amblin House. Ce dernier, en faisant des recherches à la bibliothèque, avait découvert quelque chose en rapport avec l’histoire de Whitby.
Demain, Rose et les deux jeunes passeront prendre un café. Nous ferons le point.
Whitby, 6 avril 2024
Rose ne travaille pas aujourd’hui et sa balade avec Molly l’a amenée jusque devant Faith House. Elle y a vu trois personnes : Nancy Harper, ainsi que Steve et Ali Henderson semblent occuper la grande maison. Quand Rose est arrivée, nous avons interrogé Dorothy au sujet de ces derniers : ils ont, paraît-il, envoyé leur fille Elsie à Fort Wayne, il y a deux semaines, dans une communauté baptiste. Pour quelle raison ?
Norman est arrivé avec Mary et le jeune garçon, sans toucher au thé que Dorothy lui avait préparé, s’est lancé dans un exposé, souvent confus mais dont nous avons fini par démêler l’essentiel. Il a voulu faire des recherches sur l’histoire de Whitby et a exploré les archives du Whitby Daily, versées à la bibliothèque. Norman s’intéressait tout particulièrement à Halloween, auquel notre quotidien consacrait un article chaque année, mettant en avant les déguisements les plus impressionnants. Or, Norman a découvert qu’une partie des archives manquaient : entre novembre 1924 et mai 1925, il y avait un trou dans les archives du journal. Plus étonnant encore, d’après Norman, lors de la fête d’Halloween 1925, un communiqué remplaçait le traditionnel article.
Il s’était passé quelque chose, lors d’Halloween 1924, à Whitby. Quelque chose d’horrible. Mais il n’en restait aucune trace.
Je haussai les épaules et tentai de rassurer Norman : ce genre de chose arrivait fréquemment, pour peu que l’employé des archives n’ait pas été trop zélé, cette année-là. Mais il n’était pas plus convaincu que moi.
Je sentais qu’il avait découvert quelque chose, un siècle plus tard. Et, surtout, je sentais que cela le dépassait, parce que notre vieil ennemi, le No Man’s Land, était derrière tout cela.
Prenant un air détaché, j’ai félicité Norman. Et si nous profitions de ce matériel pour écrire une histoire, tous les deux ? Il bredouilla, ravi et intimidé.
Quand Mary et Norman sont repartis, Rose et moi avons échangé un regard. Quoi qu’il se soit passé cette année-là, nous devions savoir.
Notre Town Marshal a exploré les archives de la police de Whitby, en vain. Les plus vieux cartons remontaient à 1933. Quant à moi, j’ai fait confiance aux moteurs de recherche et ai fini par tomber sur un blog nommé the Threshold (le seuil), pour lequel les mots « Whitby Halloween 1924 » avaient un sens.
En parcourant sur mon smartphone les pages de ce blog, j’ai frémi. Son webmestre, un certain Louis Devereaux, avait compilé des informations, des photos, des témoignages qui avaient tous un point commun : ce blog n’était ni plus ni moins qu’un site consacré au No Man’s Land. On y trouvait même une carte indiquant les lieux où cette « dimension noire » polluait notre réalité et Whitby y figurait, au même titre que Tall Pines (Etat de Washington) ou Le Seuil (Louisiane).
Une sueur glacée parcourait mon dos quand je découvris qu’à Halloween 1924, à Whitby, douze gosses avaient disparu de la surface de la terre. Les photos qui accompagnaient cet article me firent presque jeter mon téléphone. En 1924, à Whitby, un cirque s’était arrêté pour Halloween et y avait installé une grande roue...
Journal de Mike Beckman
Whitby, 5 avril 2024
Ce calme ne pouvait pas durer.
Occupé que j’étais à aider Sondra à s’installer définitivement ici, j’ai sans doute baissé la garde. Pourtant, je savais que notre ennemi n’avait pas renoncé : ces cauchemars reviennent régulièrement, avec toujours cette grande roue. J’aimerais souvent être débarrassé de ce lien avec le No Man’s Land et dormir en paix, comme le fait Sondra, à mes côtés.
En fin d’après-midi, alors que je réglais quelques affaires courantes et assurais Ray que j’allais bientôt me remettre au travail et lui livrer quelque chose à se mettre sous la dent, j’ai découvert un étrange mail.
De whitbybaptist@gmail.com
Le Vendredi 5 Avril 2024, à 18.36
Bonjour,
Il se passe des choses bizarres à Faith House. Méfiez-vous de Nancy Harper. Elle et ceux qui la suivent vous veulent du mal. J’ai aussi écrit au town marshal Wu pour l’avertir. Il y a quelque chose de mauvais à Whitby. Je préfère rester anonyme. Que Dieu vous garde.
XJ’allais le transférer à Rose quand son nom s’est affiché sur mon téléphone. Elle avait reçu peu ou prou le même message. Que se passait-il à Faith House, l’ancienne demeure du Révérend Stone, mort après les événements qui m’avaient accablé ? Nancy Harper, qui avait mené l’assaut à l’époque, venait de faire son retour dans l’église baptiste menée par son Pasteur d’époux. Elle prétendait avoir reçu des visions « célestes » et se prétendait en prise directe avec le Saint Esprit. Selon beaucoup des ouailles de cette congrégation, elle était le véritable leader de cette communauté.
Rose m’a aussi raconté qu’elle avait échangé avec la jeune Mary (qui se faisait une joie de promener sa chienne, Molly) et Norman, l’apprenti romancier que j’accompagnais depuis les incidents d’Amblin House. Ce dernier, en faisant des recherches à la bibliothèque, avait découvert quelque chose en rapport avec l’histoire de Whitby.
Demain, Rose et les deux jeunes passeront prendre un café. Nous ferons le point.
Whitby, 6 avril 2024
Rose ne travaille pas aujourd’hui et sa balade avec Molly l’a amenée jusque devant Faith House. Elle y a vu trois personnes : Nancy Harper, ainsi que Steve et Ali Henderson semblent occuper la grande maison. Quand Rose est arrivée, nous avons interrogé Dorothy au sujet de ces derniers : ils ont, paraît-il, envoyé leur fille Elsie à Fort Wayne, il y a deux semaines, dans une communauté baptiste. Pour quelle raison ?
Norman est arrivé avec Mary et le jeune garçon, sans toucher au thé que Dorothy lui avait préparé, s’est lancé dans un exposé, souvent confus mais dont nous avons fini par démêler l’essentiel. Il a voulu faire des recherches sur l’histoire de Whitby et a exploré les archives du Whitby Daily, versées à la bibliothèque. Norman s’intéressait tout particulièrement à Halloween, auquel notre quotidien consacrait un article chaque année, mettant en avant les déguisements les plus impressionnants. Or, Norman a découvert qu’une partie des archives manquaient : entre novembre 1924 et mai 1925, il y avait un trou dans les archives du journal. Plus étonnant encore, d’après Norman, lors de la fête d’Halloween 1925, un communiqué remplaçait le traditionnel article.
Il s’était passé quelque chose, lors d’Halloween 1924, à Whitby. Quelque chose d’horrible. Mais il n’en restait aucune trace.
Je haussai les épaules et tentai de rassurer Norman : ce genre de chose arrivait fréquemment, pour peu que l’employé des archives n’ait pas été trop zélé, cette année-là. Mais il n’était pas plus convaincu que moi.
Je sentais qu’il avait découvert quelque chose, un siècle plus tard. Et, surtout, je sentais que cela le dépassait, parce que notre vieil ennemi, le No Man’s Land, était derrière tout cela.
Prenant un air détaché, j’ai félicité Norman. Et si nous profitions de ce matériel pour écrire une histoire, tous les deux ? Il bredouilla, ravi et intimidé.
Quand Mary et Norman sont repartis, Rose et moi avons échangé un regard. Quoi qu’il se soit passé cette année-là, nous devions savoir.
Notre Town Marshal a exploré les archives de la police de Whitby, en vain. Les plus vieux cartons remontaient à 1933. Quant à moi, j’ai fait confiance aux moteurs de recherche et ai fini par tomber sur un blog nommé the Threshold (le seuil), pour lequel les mots « Whitby Halloween 1924 » avaient un sens.
En parcourant sur mon smartphone les pages de ce blog, j’ai frémi. Son webmestre, un certain Louis Devereaux, avait compilé des informations, des photos, des témoignages qui avaient tous un point commun : ce blog n’était ni plus ni moins qu’un site consacré au No Man’s Land. On y trouvait même une carte indiquant les lieux où cette « dimension noire » polluait notre réalité et Whitby y figurait, au même titre que Tall Pines (Etat de Washington) ou Le Seuil (Louisiane).
Une sueur glacée parcourait mon dos quand je découvris qu’à Halloween 1924, à Whitby, douze gosses avaient disparu de la surface de la terre. Les photos qui accompagnaient cet article me firent presque jeter mon téléphone. En 1924, à Whitby, un cirque s’était arrêté pour Halloween et y avait installé une grande roue...
(à suivre)
Dernière modification par Olivier.Legrand le mer. oct. 02, 2024 8:48 pm, modifié 1 fois.
- Blakkrall
- Dieu des girouettes
- Messages : 10454
- Inscription : dim. déc. 20, 2009 7:10 pm
- Localisation : Montivilliers
Re: [CR] Mystères à Whitby
La vache, j'ai dévoré les 5 pages de CR et c'est vraiment génial.
@Olivier.Legrand je comprends ton enthousiasme vis-à-vis de tes joueurs.
Je viens de terminer Salem de Stephen King, et les premiers chapitres sont tout à fait dans le ton de King. On perçoit les inspirations à travers les différents CR. Tu pourras une fois de plus féliciter Laurent pour la qualité de son écriture !
Tout ça m'a donné envie de me pencher sur TTB², que j'ai acheté puis remisé sur une étagère, honte sur moi ! J'aime beaucoup ce choix de jouer à notre époque, et ton idée de jouer dans la ville créée par Laurent, quel coup de génie !
Encore une fois bravo !
@Olivier.Legrand je comprends ton enthousiasme vis-à-vis de tes joueurs.
Je viens de terminer Salem de Stephen King, et les premiers chapitres sont tout à fait dans le ton de King. On perçoit les inspirations à travers les différents CR. Tu pourras une fois de plus féliciter Laurent pour la qualité de son écriture !
Tout ça m'a donné envie de me pencher sur TTB², que j'ai acheté puis remisé sur une étagère, honte sur moi ! J'aime beaucoup ce choix de jouer à notre époque, et ton idée de jouer dans la ville créée par Laurent, quel coup de génie !
Encore une fois bravo !
J’ai passé l’âge où la méchanceté me rendait furieux. Maintenant c’est la stupidité qui me met hors de moi. Arturo Perez Reverte Deux hommes de bien
- Olivier.Legrand
- Prophète
- Messages : 909
- Inscription : mar. sept. 03, 2013 11:14 am
Re: [CR] Mystères à Whitby
(Dans les Ombres, suite)
Journal de Mike Beckman
Whitby, 6 Avril 2024, plus tard
Dans mes souvenirs, il n’y a jamais eu de fête foraine à Whitby, que ce soit pour le 4 juillet ou le Whitby Day, quand la petite ville célèbre sa fondation, le 13 avril.
Lundi matin, nous irons aux archives du Comté de Wabash.
- Mike ?
La voix de Sondra m’arrache à la contemplation de la forêt, en bordure du lac. J’ai suggéré cette sortie dominicale, comme chaque fois que je sens que je m’éloigne d’elle, parce que le No Man’s Land tente de me happer. A genoux sur la nappe étendue sur le sol, elle aide Dorothy qui étale ce qu’elle a préparé pour ce pique-nique.
- Tu ne t’assieds pas ?
- J’ai.. pensé qu’on pourrait marcher un peu.. Elle m’a fixé, sans comprendre que c’était la peur qui faisait vaciller ma voix. Un sandwich dans la main, elle me sourit :
- On déjeune avant, d’accord ? Tout va bien, Mike ?J’ai haussé les épaules et ai fait le sourire le plus maladroit de tous les temps.
- Oui, oui, évidemment… Désolé, j’ai passé une sale nuit. Mes cauchemars de la nuit passée ne sont pas la vraie raison de mon état. Là-bas, parmi les arbres, quelque chose me met en garde. L’ombre est là, qui se rappelle sans cesse à moi, dans cette forêt où, des années plus tôt, Nigel a disparu.
Whitby, 8 avril 2024
Il doit falloir une formation spéciale pour s’y retrouver dans les archives du Comté. Tandis que je peinais à en comprendre l’organisation, Rose a trouvé sans mal ce que nous cherchions : les rapports de service du shérif pour l’année 1924.
Cette année-là, à la fin du mois d’octobre, à Whitby, douze enfants (six garçons et six filles) âgés de 8 à 13 ans ont disparu de la surface de la terre.
Un cirque itinérant, le Midnight Parade, s’était installé à Whitby pour Halloween, avec les attractions habituelles : des clowns, des freaks et une (putain de) grande roue. Cette dernière était installée, tout comme le cirque, sur le champ de foire, là où, des décennies plus se trouverait la casse auto.
Naturellement, les parents des jeunes disparus avaient accusé les gens du cirque qui s’étaient volatilisés. Les autorités avaient vite mis en doute cette thèse, d’autant plus qu’aucun cirque n’avait été identifié dans la région. Les fouilles n’avaient rien donné mais la thèse officielle était celle, plus sordide, d’un accident qui aurait causé la mort des gosses.
Pourtant, en examinant les dépositions des témoins, plusieurs faits troublants apparaissaient : plusieurs habitants affirmaient avoir des gens rôder « comme des ombres dans la nuit » et les enfants de Whitby avaient tous été terrifiés par le Hatman, le Monsieur Loyal du cirque, ainsi que l’effrayant Mr Mooney, le clown. La sœur d’une des disparues racontait que sa sœur allait « faire le ver », c’est-à-dire danser derrière le Hatman et elle affirmait que c’est lui qui avait entraîné les douze gosses.
L’enquête était restée non résolue et les gens de Whitby semblaient avoir renoncé à retrouver leurs gosses.
Evidemment, l’histoire du Hatman fleurait bon la légende urbaine, de celles qui mélangent les anciens contes, comme celui du joueur de flûte. Et les histoires de clowns tueurs parsemaient la littérature horrifique.
Sur le chemin du retour, nous avons fait halte au Wabash Lodge, le resort dirigé par Willie. Mon vieil ami nous a accueilli, Raven à ses côtés.
Après avoir écouté notre récit, Willie nous a raconté que son peuple connaissait Mr Mooney. Le nom wabashanee de ce terrifiant croque-mitaine était le Moharahani et les Shonokins le servaient, préparant sa venue. Ils se cachaient dans la forêt et c’est sans doute leur présence que j’avais ressenti la veille, au bord du lac.
Raven proposa de nous accompagner à Whitby et Willie décida de s’intéresser au cas de Louis Devereaux. Tout est lié, je le sens.
Sur la route du retour, plusieurs fois, j’ai jeté un œil dans le rétroviseur et y ai croisé le regard de Raven. Chaque fois, nous avons baissé les yeux, comme des gosses pris en faute.
Je dois lui parler de ce baiser volé qui flotte entre nous deux comme un spect
re et nous hante. Elle a proposé spontanément de loger chez Rose et cette dernière s’est empressée d’accepter. C’est mieux ainsi.
A peine ses bagages posés, Raven est allé faire un tour du côté de Faith House, tandis que je synthétisais tant bien que mal nos informations. Cette histoire ver me rappelait quelque chose et j’ai fini par mettre le doigt dessus.
En début de soirée, Rose m’a appelé : selon Raven, Ils étaient là, à Faith House. Les Shonokins. Mais sous quelle forme se cachaient-ils ? Il aurait fallu les surveiller en permanence, mais nous aurions révélé notre jeu. Enfin, Rose m’a appris que les mails qui nous étaient parvenus venaient de Wilma Wright, qui faisait toujours partie de la communauté baptiste et arrivait chez elle peu après.
Chez Rose, Raven m’attendait, inquiète. Selon elle, j’étais en danger. La peur que je lisais dans ses yeux en disait long : elle a pour moi des sentiments forts. Il faudra, un jour, que nous expliquions.
Que fais-tu dans le garage, Mike ?
Surpris, je découvre Dorothy à la porte, vêtue d’un gilet qui a connu des jours meilleurs. Je note dans un coin de ma tête que cela ferait une belle idée de cadeau, à l’occasion.
Je.. je voulais remettre la main sur un bouquin. Il était dans ce carton.
Je brandis Jerusalem’s Lot, de King, où est décrit le culte voué à un Ver démoniaque, qui évoque autant Lovecraft que Stoker ou Poe. Dorothy grimace : encore une de ces horribles histoires d’horreur, sûrement. Elle n’a pas tort, mais elle ignore que la vérité n’a rien à envier à la fiction, à Whitby.
Wilma Wright, en arrivant, a exposé la situation des baptistes. Le révérend Wade Harper faisait de son mieux, mais vivait mal la séparation toute récente avec son épouse Nancy. Cette dernière vivait désormais à Faith House et voulait créer sa propre communauté, depuis qu’elle avait ses « visions ». Certains la suivaient déjà, comme les époux Henderson, ses plus fidèles disciples. Dans ses prêches, elle appelait à s’ouvrir au Dieu Intérieur. Nous nous regardâmes : c’était ce que disait le sinistre Brother Nate, quelques mois plus tôt. Nancy avait pris sa place. Mais il y avait plus grave, selon Ms Wright.
Deux semaines plus tôt, Nancy et les Henderson avaient emmenée Elsie, la fille du couple, dans les bois et étaient revenus sans elle. Selon Wilma, la petite était morte : ses parents et Nancy Harper l’avaient fait disparaitre.
En partant, Wilma s’arrêta devant Raven et lui demanda pardon. Elle avait fait partie de celles qui s’en étaient pris à elle, devant chez moi.
Nous devons entrer dans Faith House : quelque chose de terrible se cache là-bas.
Mes doigts tremblent encore, après cette journée et je ne sais comment formuler ce qui s’est passé ces dernières heures…
(à suivre)
Journal de Mike Beckman
Whitby, 6 Avril 2024, plus tard
Dans mes souvenirs, il n’y a jamais eu de fête foraine à Whitby, que ce soit pour le 4 juillet ou le Whitby Day, quand la petite ville célèbre sa fondation, le 13 avril.
Lundi matin, nous irons aux archives du Comté de Wabash.
- Mike ?
La voix de Sondra m’arrache à la contemplation de la forêt, en bordure du lac. J’ai suggéré cette sortie dominicale, comme chaque fois que je sens que je m’éloigne d’elle, parce que le No Man’s Land tente de me happer. A genoux sur la nappe étendue sur le sol, elle aide Dorothy qui étale ce qu’elle a préparé pour ce pique-nique.
- Tu ne t’assieds pas ?
- J’ai.. pensé qu’on pourrait marcher un peu.. Elle m’a fixé, sans comprendre que c’était la peur qui faisait vaciller ma voix. Un sandwich dans la main, elle me sourit :
- On déjeune avant, d’accord ? Tout va bien, Mike ?J’ai haussé les épaules et ai fait le sourire le plus maladroit de tous les temps.
- Oui, oui, évidemment… Désolé, j’ai passé une sale nuit. Mes cauchemars de la nuit passée ne sont pas la vraie raison de mon état. Là-bas, parmi les arbres, quelque chose me met en garde. L’ombre est là, qui se rappelle sans cesse à moi, dans cette forêt où, des années plus tôt, Nigel a disparu.
Whitby, 8 avril 2024
Il doit falloir une formation spéciale pour s’y retrouver dans les archives du Comté. Tandis que je peinais à en comprendre l’organisation, Rose a trouvé sans mal ce que nous cherchions : les rapports de service du shérif pour l’année 1924.
Cette année-là, à la fin du mois d’octobre, à Whitby, douze enfants (six garçons et six filles) âgés de 8 à 13 ans ont disparu de la surface de la terre.
Un cirque itinérant, le Midnight Parade, s’était installé à Whitby pour Halloween, avec les attractions habituelles : des clowns, des freaks et une (putain de) grande roue. Cette dernière était installée, tout comme le cirque, sur le champ de foire, là où, des décennies plus se trouverait la casse auto.
Naturellement, les parents des jeunes disparus avaient accusé les gens du cirque qui s’étaient volatilisés. Les autorités avaient vite mis en doute cette thèse, d’autant plus qu’aucun cirque n’avait été identifié dans la région. Les fouilles n’avaient rien donné mais la thèse officielle était celle, plus sordide, d’un accident qui aurait causé la mort des gosses.
Pourtant, en examinant les dépositions des témoins, plusieurs faits troublants apparaissaient : plusieurs habitants affirmaient avoir des gens rôder « comme des ombres dans la nuit » et les enfants de Whitby avaient tous été terrifiés par le Hatman, le Monsieur Loyal du cirque, ainsi que l’effrayant Mr Mooney, le clown. La sœur d’une des disparues racontait que sa sœur allait « faire le ver », c’est-à-dire danser derrière le Hatman et elle affirmait que c’est lui qui avait entraîné les douze gosses.
L’enquête était restée non résolue et les gens de Whitby semblaient avoir renoncé à retrouver leurs gosses.
Evidemment, l’histoire du Hatman fleurait bon la légende urbaine, de celles qui mélangent les anciens contes, comme celui du joueur de flûte. Et les histoires de clowns tueurs parsemaient la littérature horrifique.
Sur le chemin du retour, nous avons fait halte au Wabash Lodge, le resort dirigé par Willie. Mon vieil ami nous a accueilli, Raven à ses côtés.
Après avoir écouté notre récit, Willie nous a raconté que son peuple connaissait Mr Mooney. Le nom wabashanee de ce terrifiant croque-mitaine était le Moharahani et les Shonokins le servaient, préparant sa venue. Ils se cachaient dans la forêt et c’est sans doute leur présence que j’avais ressenti la veille, au bord du lac.
Raven proposa de nous accompagner à Whitby et Willie décida de s’intéresser au cas de Louis Devereaux. Tout est lié, je le sens.
Sur la route du retour, plusieurs fois, j’ai jeté un œil dans le rétroviseur et y ai croisé le regard de Raven. Chaque fois, nous avons baissé les yeux, comme des gosses pris en faute.
Je dois lui parler de ce baiser volé qui flotte entre nous deux comme un spect
re et nous hante. Elle a proposé spontanément de loger chez Rose et cette dernière s’est empressée d’accepter. C’est mieux ainsi.
A peine ses bagages posés, Raven est allé faire un tour du côté de Faith House, tandis que je synthétisais tant bien que mal nos informations. Cette histoire ver me rappelait quelque chose et j’ai fini par mettre le doigt dessus.
En début de soirée, Rose m’a appelé : selon Raven, Ils étaient là, à Faith House. Les Shonokins. Mais sous quelle forme se cachaient-ils ? Il aurait fallu les surveiller en permanence, mais nous aurions révélé notre jeu. Enfin, Rose m’a appris que les mails qui nous étaient parvenus venaient de Wilma Wright, qui faisait toujours partie de la communauté baptiste et arrivait chez elle peu après.
Chez Rose, Raven m’attendait, inquiète. Selon elle, j’étais en danger. La peur que je lisais dans ses yeux en disait long : elle a pour moi des sentiments forts. Il faudra, un jour, que nous expliquions.
Que fais-tu dans le garage, Mike ?
Surpris, je découvre Dorothy à la porte, vêtue d’un gilet qui a connu des jours meilleurs. Je note dans un coin de ma tête que cela ferait une belle idée de cadeau, à l’occasion.
Je.. je voulais remettre la main sur un bouquin. Il était dans ce carton.
Je brandis Jerusalem’s Lot, de King, où est décrit le culte voué à un Ver démoniaque, qui évoque autant Lovecraft que Stoker ou Poe. Dorothy grimace : encore une de ces horribles histoires d’horreur, sûrement. Elle n’a pas tort, mais elle ignore que la vérité n’a rien à envier à la fiction, à Whitby.
Wilma Wright, en arrivant, a exposé la situation des baptistes. Le révérend Wade Harper faisait de son mieux, mais vivait mal la séparation toute récente avec son épouse Nancy. Cette dernière vivait désormais à Faith House et voulait créer sa propre communauté, depuis qu’elle avait ses « visions ». Certains la suivaient déjà, comme les époux Henderson, ses plus fidèles disciples. Dans ses prêches, elle appelait à s’ouvrir au Dieu Intérieur. Nous nous regardâmes : c’était ce que disait le sinistre Brother Nate, quelques mois plus tôt. Nancy avait pris sa place. Mais il y avait plus grave, selon Ms Wright.
Deux semaines plus tôt, Nancy et les Henderson avaient emmenée Elsie, la fille du couple, dans les bois et étaient revenus sans elle. Selon Wilma, la petite était morte : ses parents et Nancy Harper l’avaient fait disparaitre.
En partant, Wilma s’arrêta devant Raven et lui demanda pardon. Elle avait fait partie de celles qui s’en étaient pris à elle, devant chez moi.
Nous devons entrer dans Faith House : quelque chose de terrible se cache là-bas.
Whitby, 9 avril 2024
Par où commencer ?Mes doigts tremblent encore, après cette journée et je ne sais comment formuler ce qui s’est passé ces dernières heures…
(à suivre)
- Blakkrall
- Dieu des girouettes
- Messages : 10454
- Inscription : dim. déc. 20, 2009 7:10 pm
- Localisation : Montivilliers
Re: [CR] Mystères à Whitby
ah, tu nous tiens en haleine !!!
J’ai passé l’âge où la méchanceté me rendait furieux. Maintenant c’est la stupidité qui me met hors de moi. Arturo Perez Reverte Deux hommes de bien
-
- Zelateur
- Messages : 56
- Inscription : mar. juil. 05, 2022 7:13 am
Re: [CR] Mystères à Whitby
Clairement ça, c’est du suspense de qualité ça ma ptite dame!!!



- Olivier.Legrand
- Prophète
- Messages : 909
- Inscription : mar. sept. 03, 2013 11:14 am
Re: [CR] Mystères à Whitby
(Dans les Ombres, suite et fin)
Journal de Mike Beckman
Par où commencer ?
Mes doigts tremblent encore, après cette journée et je ne sais comment formuler ce qui s’est passé ces dernières heures…
Pour permettre à Rose d’entrer dans Faith House, Raven a passé un appel signalant des cris et probablement une bagarre dans la maison, sur un téléphone prépayé. On ne sait jamais…
Quand Rose a sonné là-bas, c’est Allie Henderson qui lui a ouvert. Evidemment, il ne se passait rien qui mérite l’irruption du town marshal, là-bas et, quand Rose a voulu savoir où était Elsie, sa mère a répondu qu’elle était dans un camp pour quelques semaines de vacances.
Quand Steve Henderson est arrivé, Rose a posé la même question : il a prétendu qu’elle était chez des parents, à Fort Wayne. N’importe quel flic aurait tiqué et Rose comptait bien en apprendre plus. Elle a donc demandé à voir Nancy Harper que Steve est allé chercher au sous-sol, d’où elle est remontée, confirmant que tout allait bien à Faith House et que l’appel qui lui valait la visite de Rose était une blague idiote.
En sortant, Rose sentait que, derrière la porte du sous-sol, d’où venait Mrs Harper, se cachait quelque chose de terrible. Mais il était pour l’instant hors de question d’y entrer de force.
Nous nous sommes retrouvés chez Rose, pour réfléchir à un plan : comment entrer dans cette fichue baraque ? Nous envisagions une expédition nocturne quand le téléphone de Rose a sonné : son adjoint, Bob Campbell, venait de recevoir un appel urgent. Après son passage, Allie Henderson avait fait une crise d’hystérie et demandait à parler au town marshal de toute urgence. Rose s’est précipitée, tandis que nous nous installions non loin, Raven et moi, dans ma voiture, prêts à intervenir.
L’ambiance avait changé du tout au tout. Allie Henderson s’était écroulée, tandis que son époux essayait en vain de la calmer, tandis que Nancy Harper semblait dépassée par les événements.
- Elsie… nous l’avons emmenée dans les bois. Elle est morte. Il nous a dit que nous aurions un nouvel enfant, bredouillait Allie en désignant du doigt la porte qui menait au sous-sol.
Cela suffit à Rose : elle arrêta Steve Henderson et Nancy Harper, et emmena tout ce petit monde au poste de police, avant de m’envoyer un texto. Notre tour était venu. Pendant qu’elle interrogerait les Henderson et Mrs Harper, nous allions entrer dans la maison.
Nous n’avions pas d’armes et avons fait un détour par la cuisine où j’ai pris un grand couteau qui m’a paru dérisoire et où Raven a empoché une boîte d’allumettes. Puis nous avons poussé la porte menant au sous-sol et avons commencé à descendre.
Très vite, l'odeur de pourriture et de résine a confirmé nos soupçons. C'était là.
La chose était allongée dans une vieille baignoire. L'odeur était écoeurante et emplissait la pièce. Il n'y avait aucune autre issue. Je restai quelques instants, paralysé, fasciné par la créature. Raven, tremblant de tous ses membres, fit craquer une allumette et la jeta sur l'être qui s'enflamma aussitôt.
Ses yeux s’ouvrirent et la chose commença à se débattre, mais le feu la dévorait déjà. Je ne pouvais détacher mon regard de ce spectacle, tandis que Raven me tirait par le bras, pressée de repartir.
L'être hurlait, mais je ne comprenais pas ce qu’il disait.
Pourtant, je l’avais déjà rencontrée.
Brother Nate.
Quand le Shonokin se tut enfin, réduit à un cadavre charbonneux, j’ai fini par la suivre et me suis retrouvé à l’air libre. Quelques battements de cœur plus tard, nous étions en route.
Lorsque nous avons retrouvé Rose chez elle, elle nous a raconté avoir arrêté Steve Henderson et Nancy Harper, avant de lancer l’avis de recherche pour la petite Elsie. Nous avons décrit notre expédition dans le sous-sol et la fin du Shonokin qui y attendait son heure. Raven avait les larmes aux yeux et je posai ma main sur son bras pour la rassurer : c’était fini, maintenant. C’est alors qu’elle s’est écriée :
- Mike... tu ne t’es pas rendu compte que cette chose avait ton visage ?
Je me suis assis et ai enfin compris : le plan de notre ennemi me visait directement. Il m'aurait remplacé par un de ses pantins... et qui sait ce qui se serait passé alors, tandis que mon corps pourrissait quelque part dans le No Man's Land ?
Whitby, 13 avril 2024
Aujourd’hui, ma ville célèbre son 238ème anniversaire. La fanfare joue un air de circonstance, mais le cœur n’y est pas. L’inquiétude est palpable, partout, lourde comme l’air avant l’orage. En regardant les visages de mes concitoyens, je comprends : ils dorment mal. Font-ils les mêmes rêves que moi ? Voient-ils cette grande roue, nuit après nuit ? Et ce cadavre calciné dans une baignoire crasseuse ?
Au loin, les vieux arbres de la forêt m’appellent. Bientôt, j’irai là-bas…
Archives du Département de Police de Whitby
Extrait de la Déposition de Mrs. Allie Henderson (9 Avril 2024)
… ça a recommencé, pour Elsie, ses crises. Elle disait des obscénités sur le Révérend. Elle était malade... nous avons prié longuement pour elle, pour que Dieu ait pitié de notre enfant…
Et Dieu nous a envoyé une révélation : nous devions sacrifier Elsie et Il nous donnerait un fils sans défauts. Il est là-bas, en train de naître dans la forêt : Abel...
Il aura à sa naissance l’âge qu’avait Elsie. Ce sera un miracle de Dieu !
Extrait de la Déposition de Mr. Steve Henderson (9 Avril 2024)
Il y a deux semaines, nous sommes allés à Wabash en famille. C’est là qu’Elsie a disparu. Nous pensons qu’elle a fait une fugue.
Archives Personnelles du Town Marshal Rose Wu
(Steve Henderson) - Il y a deux semaines, nous sommes allés à Wabash en famille. C’est là qu’Elsie a disparu. Nous pensons qu’elle a fait une fugue.
Whitby, 9 avril 2024
Par où commencer ?
Mes doigts tremblent encore, après cette journée et je ne sais comment formuler ce qui s’est passé ces dernières heures…
Pour permettre à Rose d’entrer dans Faith House, Raven a passé un appel signalant des cris et probablement une bagarre dans la maison, sur un téléphone prépayé. On ne sait jamais…
Quand Rose a sonné là-bas, c’est Allie Henderson qui lui a ouvert. Evidemment, il ne se passait rien qui mérite l’irruption du town marshal, là-bas et, quand Rose a voulu savoir où était Elsie, sa mère a répondu qu’elle était dans un camp pour quelques semaines de vacances.
Quand Steve Henderson est arrivé, Rose a posé la même question : il a prétendu qu’elle était chez des parents, à Fort Wayne. N’importe quel flic aurait tiqué et Rose comptait bien en apprendre plus. Elle a donc demandé à voir Nancy Harper que Steve est allé chercher au sous-sol, d’où elle est remontée, confirmant que tout allait bien à Faith House et que l’appel qui lui valait la visite de Rose était une blague idiote.
En sortant, Rose sentait que, derrière la porte du sous-sol, d’où venait Mrs Harper, se cachait quelque chose de terrible. Mais il était pour l’instant hors de question d’y entrer de force.
Nous nous sommes retrouvés chez Rose, pour réfléchir à un plan : comment entrer dans cette fichue baraque ? Nous envisagions une expédition nocturne quand le téléphone de Rose a sonné : son adjoint, Bob Campbell, venait de recevoir un appel urgent. Après son passage, Allie Henderson avait fait une crise d’hystérie et demandait à parler au town marshal de toute urgence. Rose s’est précipitée, tandis que nous nous installions non loin, Raven et moi, dans ma voiture, prêts à intervenir.
L’ambiance avait changé du tout au tout. Allie Henderson s’était écroulée, tandis que son époux essayait en vain de la calmer, tandis que Nancy Harper semblait dépassée par les événements.
- Elsie… nous l’avons emmenée dans les bois. Elle est morte. Il nous a dit que nous aurions un nouvel enfant, bredouillait Allie en désignant du doigt la porte qui menait au sous-sol.
Cela suffit à Rose : elle arrêta Steve Henderson et Nancy Harper, et emmena tout ce petit monde au poste de police, avant de m’envoyer un texto. Notre tour était venu. Pendant qu’elle interrogerait les Henderson et Mrs Harper, nous allions entrer dans la maison.
Nous n’avions pas d’armes et avons fait un détour par la cuisine où j’ai pris un grand couteau qui m’a paru dérisoire et où Raven a empoché une boîte d’allumettes. Puis nous avons poussé la porte menant au sous-sol et avons commencé à descendre.
Très vite, l'odeur de pourriture et de résine a confirmé nos soupçons. C'était là.
La chose était allongée dans une vieille baignoire. L'odeur était écoeurante et emplissait la pièce. Il n'y avait aucune autre issue. Je restai quelques instants, paralysé, fasciné par la créature. Raven, tremblant de tous ses membres, fit craquer une allumette et la jeta sur l'être qui s'enflamma aussitôt.
Ses yeux s’ouvrirent et la chose commença à se débattre, mais le feu la dévorait déjà. Je ne pouvais détacher mon regard de ce spectacle, tandis que Raven me tirait par le bras, pressée de repartir.
L'être hurlait, mais je ne comprenais pas ce qu’il disait.
Pourtant, je l’avais déjà rencontrée.
Brother Nate.
Quand le Shonokin se tut enfin, réduit à un cadavre charbonneux, j’ai fini par la suivre et me suis retrouvé à l’air libre. Quelques battements de cœur plus tard, nous étions en route.
Lorsque nous avons retrouvé Rose chez elle, elle nous a raconté avoir arrêté Steve Henderson et Nancy Harper, avant de lancer l’avis de recherche pour la petite Elsie. Nous avons décrit notre expédition dans le sous-sol et la fin du Shonokin qui y attendait son heure. Raven avait les larmes aux yeux et je posai ma main sur son bras pour la rassurer : c’était fini, maintenant. C’est alors qu’elle s’est écriée :
- Mike... tu ne t’es pas rendu compte que cette chose avait ton visage ?
Je me suis assis et ai enfin compris : le plan de notre ennemi me visait directement. Il m'aurait remplacé par un de ses pantins... et qui sait ce qui se serait passé alors, tandis que mon corps pourrissait quelque part dans le No Man's Land ?
Whitby, 13 avril 2024
Aujourd’hui, ma ville célèbre son 238ème anniversaire. La fanfare joue un air de circonstance, mais le cœur n’y est pas. L’inquiétude est palpable, partout, lourde comme l’air avant l’orage. En regardant les visages de mes concitoyens, je comprends : ils dorment mal. Font-ils les mêmes rêves que moi ? Voient-ils cette grande roue, nuit après nuit ? Et ce cadavre calciné dans une baignoire crasseuse ?
Au loin, les vieux arbres de la forêt m’appellent. Bientôt, j’irai là-bas…
Archives du Département de Police de Whitby
Extrait de la Déposition de Mrs. Allie Henderson (9 Avril 2024)
… ça a recommencé, pour Elsie, ses crises. Elle disait des obscénités sur le Révérend. Elle était malade... nous avons prié longuement pour elle, pour que Dieu ait pitié de notre enfant…
Et Dieu nous a envoyé une révélation : nous devions sacrifier Elsie et Il nous donnerait un fils sans défauts. Il est là-bas, en train de naître dans la forêt : Abel...
Il aura à sa naissance l’âge qu’avait Elsie. Ce sera un miracle de Dieu !
Extrait de la Déposition de Mr. Steve Henderson (9 Avril 2024)
Il y a deux semaines, nous sommes allés à Wabash en famille. C’est là qu’Elsie a disparu. Nous pensons qu’elle a fait une fugue.
(fin de l'enregistrement)
Archives Personnelles du Town Marshal Rose Wu
(Steve Henderson) - Il y a deux semaines, nous sommes allés à Wabash en famille. C’est là qu’Elsie a disparu. Nous pensons qu’elle a fait une fugue.
(Rose Wu) - Ce qui était dans la cave a été détruit, Mr Henderson.
(Steve Henderson) - Vous avez tué notre prophète ! Le Jour du Jugement approche... et quand le Dieu Intérieur se manifestera, vous serez tous perdus ! (après une pause) Vous ne retrouverez jamais Elsie.
- Blakkrall
- Dieu des girouettes
- Messages : 10454
- Inscription : dim. déc. 20, 2009 7:10 pm
- Localisation : Montivilliers
Re: [CR] Mystères à Whitby
La tension continue de monter !
J’ai passé l’âge où la méchanceté me rendait furieux. Maintenant c’est la stupidité qui me met hors de moi. Arturo Perez Reverte Deux hommes de bien
- Olivier.Legrand
- Prophète
- Messages : 909
- Inscription : mar. sept. 03, 2013 11:14 am
Re: [CR] Mystères à Whitby
Hello à toutes et à tous !
Un "mid-season special", en attendant l'épisode 3 de la saison 3 : ce soir, je mène un épisode solo pour Sylvie (Rose), tandis que, de son côté, Laurent (Mike) suit un solo "par mail" reflétant sa recherche d'informations et de documents sur (entre autres choses) le No Man's Land et le passé de Whitby.
Ce choix a été motivé par la nécessité pour chacun des deux persos de mener à bien un certain nombre de tâches potentiellement intéressantes voire cruciales (notamment sur le front strictement policier pour Rose) chacun de son côté. Ils auront donc pas mal de choses à se raconter au prochain épisode collectif...
Un "mid-season special", en attendant l'épisode 3 de la saison 3 : ce soir, je mène un épisode solo pour Sylvie (Rose), tandis que, de son côté, Laurent (Mike) suit un solo "par mail" reflétant sa recherche d'informations et de documents sur (entre autres choses) le No Man's Land et le passé de Whitby.
Ce choix a été motivé par la nécessité pour chacun des deux persos de mener à bien un certain nombre de tâches potentiellement intéressantes voire cruciales (notamment sur le front strictement policier pour Rose) chacun de son côté. Ils auront donc pas mal de choses à se raconter au prochain épisode collectif...

- Olivier.Legrand
- Prophète
- Messages : 909
- Inscription : mar. sept. 03, 2013 11:14 am
Re: [CR] Mystères à Whitby
Nous jouons un nouvel épisode ce soir - il s'agira en fait de la deuxième partie de "Dans les Ombres" (l'épisode précédent), dont l'intrigue était restée un peu en suspens. Après réflexion, il m'a paru intéressant de poursuivre sur notre lancée...
Ce sera aussi l'occasion pour Mike et Rose de mettre en commun les infos découvertes lors de leurs intermèdes solos respectifs (voir message précédent).
Ce sera aussi l'occasion pour Mike et Rose de mettre en commun les infos découvertes lors de leurs intermèdes solos respectifs (voir message précédent).
- Olivier.Legrand
- Prophète
- Messages : 909
- Inscription : mar. sept. 03, 2013 11:14 am
Re: [CR] Mystères à Whitby
(merci à Laurent-alias-Mike pour ce nouveau CR plein d'émotion - je n'en dis pas plus et laisse place sans tarder au...)
Quatre heures du matin, je ne dors toujours pas.
Dans quelques heures, je vais quitter Whitby et n’y reviendrai que quand je serai prêt à affronter ce qui la menace.
Je suis seul dans cette maison.
Dans la nuit du vendredi 3 mai, Dorothy est morte dans mes bras.
Pour une fois, j’étais plongé dans un sommeil sans rêves quand un cri m’a réveillé. J’ai cru un instant que c’était Sondra, à mes côtés, mais elle aussi venait d’être tirée du sommeil par ce cri bref.
Il était 3h59 et j’ai bondi hors du lit, pour foncer vers le deuxième étage, que Dorothy occupe (occupait), et l’ai trouvée là, gisant en chemise de nuit, inconsciente. Je me suis penché sur elle, en bafouillant son nom. Ses yeux se sont vissés aux miens tandis qu’elle serrait mon poignet en murmurant quelque chose.
Et elle mourut. La vie s’est éteinte dans son regard, tandis que son visage crispé se relâchait d’un coup. J’ai alors commencé un massage cardiaque brouillon et inutile. Elle était partie.
Mais j’ai continué, m’acharnant contre tout espoir, tandis que j’entendais la voix de Sondra au loin, qui téléphonait, sans doute au docteur Maxwell ou à la police. Puis sa main s’est posée sur mon épaule et j’ai arrêté de lutter.
Sondra me parlait, mais je ne l’entendais pas. Les paroles prononcées quelques instants plus tôt par Dorothy, ses derniers mots, résonnaient en moi. J’étais sûr de ce que j’avais entendu.
Et puis Rose est arrivée, parce que Sondra avait eu la présence d’esprit de l’appeler. Elle a vite compris que la mort de Dorothy n’était pas naturelle et m’a montré la blessure à sa cheville.
Une morsure. J’ai alors répété à mi-voix les derniers mots de la vieille femme et Rose est allée inspecter sa chambre, là-haut. Il y avait des traces de griffure sur les plinthes.
Brown Jenkins.
Sans mot dire, nous pensions tous les deux à cette créature surgissant de l’ombre. Il était entré dans ma maison et avait tué Dorothy, je le savais.
Le Docteur Maxwell est arrivé et a confirmé son décès. Il m’a tendu un petit fagot de brindilles en me disant que Dorothy le serrait dans sa main.
Sondra et moi avons passé la matinée à régler les formalités liées au décès de Dorothy. Ce n’est qu’en fin de journée que j’ai pu aller au poste de police pour voir Rose. Nous devions parler de Brown Jenkins.
Celle-ci m’a dit, de but en blanc, que la mort de Dorothy était une conséquence de ce qu’elle avait fait, quelques jours plus tôt. J’ai écarquillé les yeux, puis ai écouté son histoire. J’ai appris à croire à l’improbable, voire à l’incroyable, depuis que je suis revenu à Whitby.
Rose avait enclenché une procédure à l’encontre des époux Henderson, suite à la disparition d’Elsie, malgré les réticences du shérif du Comté. Conformément à la procédure en de pareils cas (disparition d'enfants de moins de 13 ans), le FBI a dépéché deux de ses agents chez nous pour enquêter sur le cas d'Elsie Henderson. Ces derniers étaient pilotés par l’agent Winninger, qui avait contacté Rose et semblait tout connaître de l’histoire de Whitby, telle que nous la connaissions aussi. Proche de Fred Hurt, l’ancien town marshal, Winninger fait donc partie de ceux qui savent, pour le No Man’s Land.
Il disposait d’un dossier relatif aux disparitions de 1924, dont il avait fourni une copie à Rose. J’ouvris le document et sentis une fois de plus une sueur glacée couler entre mes omoplates. Parmi les noms des gosses évaporés cette année-là, plusieurs m’étaient familiers.
White
Cooper.
J’ai refermé le dossier comme si j’allais y découvrir mon propre nom. Rose a repris son récit.
Un certain Brook, féru d’ornithologie, avait voulu observer et enregistrer les oiseaux et s’était retrouvé à Madden’s Hollow, la clairière où Nigel avait disparu. Là, parmi le chant des engoulevents, son enregistrement avait capté autre chose. Rose me fit écouter les quelques minutes de fichier audio sur son téléphone.
Rose s'était rendue à la clairière où l’odeur de résine était omniprésente et, dans les racines d’un vieil arbre, avait distingué ce qui ressemblait au corps recroquevillé d'un enfant, comme enraciné sous l'arbre.
Le lendemain, elle était retournée là-bas et avait mis le feu à la chose. Celle-ci s'était alors éveillée et déracinée, avant de se consumer et de tomber en cendres. Une sorte d'embryon shonokin. "Abel", "l'enfant parfait" promis aux Henderson en échange de leur propre fille. Je sais que son corps à elle ne sera jamais retrouvé.
Je lui ai livré le résultat des recherches que j’avais entrepris de mon côté : les Shadow People et le Hat Man, leur guide, les informations détenues par Devereaux sur son site, tout.
Quand elle m’entendit évoquer le Hat Man et les troubles du sommeil provoqués par les Shadow People, Rose m’expliqua que, la nuit dernière, elle s’était réveillée en sursaut et qu’elle avait senti une présence dans l’ombre. Molly, sa chienne, avait hurlé à la mort, aux alentours de quatre heures du matin.
Willie. Je n’avais pas encore appelé mon vieil ami pour l’informer de la mort de Dorothy. Il fallait qu’il sache tout ce qui se passait ici. Il était persuadé que les Shonokins avaient renoncé, depuis que nous avions éliminé plusieurs d’entre eux, mais il était inquiet. Raven viendrait bientôt pour nous aider. Je suis rentré chez moi, pour retrouver Sondra.
En fin de soirée, Raven est arrivée chez Rose et a vite identifié le fagot trouvé dans les mains de Dorothy. Il s’agissait d’un twanas, popularisé par le film Blair Witch. C’était en quelque sorte un anti-talisman, destiné à faciliter le passage de Brown Jenkins dans notre dimension.
Raven a voulu inspecter la chambre de Rose et y a trouvé, sous le lit, un autre de ces twanas, accompagné de minuscules empreintes de mains. IL était venu ici aussi.
Elles brûlèrent le twanas et Raven pratiqua un des rituels que lui avait enseigné Willie, en traçant sur les traces des spirales, avec le sang de Rose. Brown Jenkins était venu ici et allait revenir, si l’on ne faisait rien. Son pouvoir se renforcerait et bientôt, il pourrait contrôler Rose. Mais qui l’avait envoyé ? Selon Raven, il y avait un sorcier ou une sorcière à Whitby et nous étions sur sa route. Un nom s’imposa à elles deux : Nancy Harper. Rose prit son téléphone et m’appela.
Nous étions directement visés. En rentrant, j’ai convaincu Sondra et nous sommes allés dormir chez elle pour quelques jours. J’avais prétexté le besoin de quitter le lieu où Dorothy était morte, mais elle comprit vite que ma motivation était toute autre. C’est alors que j’ai choisi de tout lui raconter : ce qui rôdait dans l’ombre, à Whitby, ce que nous affrontions, Rose et moi, et ce à quoi nous avions fait face, quand nous étions gosses et qu’elle avait oublié.
J’ai vu la peur dans ses yeux. La peur que je perde la raison, comme autrefois, quand notre ami Nigel avait disparu et que j’avais fini dans une clinique psychiatrique.
J’ai voulu prendre Sondra dans mes bras mais, pour la première fois, elle a évité mon étreinte. C’est alors que j’ai choisi de lui ouvrir mon journal, ce journal. Tout était là, elle n’avait qu’à lire. J’ai décroché le téléphone quand Rose m’a appelé, et suis parti.
En la quittant à cet instant, j’ignorais si Sondra lirait ce que j’avais écrit, ces derniers mois.
Chez Rose, j’ai été mis au courant de la découverte faite par Raven. Brown Jenkins servait d’intermédiaire à Nancy Harper et lui avait sans doute appris à utiliser quelque pouvoir. Il nous fallait la neutraliser et, avant cela, à deviner où allait surgir Brown Jenkins.
Sondra.
Rose et moi avons sauté dans la voiture et sommes arrivés chez elle, tremblant qu’il ne soit trop tard.
Elle était assise, l’ordinateur portable sur les genoux, les yeux rougis. En me voyant entrer, elle eut un regard plein de pitié et de désespoir.
Evidemment, j’aurais dû m’y attendre. N’importe quel être humain sensé, en lisant ce journal, y verrait au mieux une fiction fantastique assez peu crédible, au pire le délire d’un psychotique.
Elle se tourna vers moi et commença à bredouiller qu’il me fallait des soins, que c’était une rechute, quand deux coups de feu retentirent.
Rose s’était rendue dans la chambre et, là, avait découvert, au fond du placard, quelque chose.
Sondra grimpa l’escalier et fit face à Rose, criant de colère jusqu’à ce qu'elle voie la carcasse sanguinolente. Découvrant le faciès et les mains presque humaines, le corps d’un énorme rat, Sondra resta un instant tétanisée, tandis que nous mettions le cadavre dans une boîte.
Puis la raison fit son retour dans l’esprit de celle que j’aime. Ça n’était qu’un gros rat, rien d’autre, et nous étions tous deux en proie à quelque folie qui nous dévorait l’esprit.
Rose leva la main et commença à tout expliquer à Sondra, jusqu’à lui faire écouter l’enregistrement de Brook.
C’est à ce moment que la boîte s’est mise à bouger. A l’intérieur, le cadavre de Brown Jenkins vibrait. Il avait réparé son corps et commençait à se métamorphoser, marmonnant des mots que nous ne comprenions pas. Nous avons emmené la boîte dans la salle de bains et jeté la chose dans la baignoire. J’ai trouvé une bouteille de térébenthine et en ai versé la moitié sur la créature avant que Rose ne craque une allumette. Poussant des hurlements, la chose s’est tordue puis a fini par se taire, dévorée par les flammes.
Il ne restait presque rien de la créature, à part quelques morceaux charbonneux.
C’en fut trop pour Sondra, qui s’écroula, en larmes, dans mes bras.
Rose a ramassé les restes de la chose et est repartie. Raven et elle allaient pratiquer un rituel pour faire définitivement disparaître Brown Jenkins.
Sondra et moi sommes retournés dormir à la maison. Elle a sombré dans un sommeil lourd, sans doute sans rêves, que je me suis pris à lui envier.
J’ai rejoint Rose et Raven au poste de police, à l’aube. Je n’avais pas fermé l’œil depuis plus de trente heures. A Whitby, le sommeil engendre des monstres.
Raven avait parlé à Willie : tous deux étaient parvenus à la même conclusion, celle que Rose et moi connaissions déjà, sans l’affronter. On ne pouvait combattre le feu que par le feu. La bataille contre la sorcière de Whitby restait à mener. Et j’étais celui qui devait suivre cette voie.
Les funérailles de Dorothy ont eu lieu le mardi suivant. Il y avait une centaine de personnes autour de la tombe. J’ai aperçu Luke, Lex et Raven, les Wilson et les Langman, mais aussi Veronica Wood et Wilma Wright, Cassandra Kubasik, Jessie, Norman et Marvin, les jeunes résidents d’Amblin House.
Sondra m’a étreint une dernière fois près de la tombe de Dorothy. J’ai lu dans son regard un immense chagrin mais aussi quelque chose que je n’avais jamais vu jusqu’à ces derniers jours : de la peur. Quand tout sera fini, sera-t-elle à mes côtés ?
La maison est vide.
Malgré le soleil de printemps, j’ai l’impression qu’il y fait froid comme dans une tombe. Sondra est retournée chez elle et Dorothy repose maintenant sous terre, aux côtés de mon père.
Dans la semaine qui a suivi l’inhumation, sans doute sur les conseils de Nancy Harper, Allie Henderson a avoué le meurtre de sa fille. Elle a reconnu avoir perdu la raison et jeté son corps dans la Wabash. Rose Wu, en regardant les plongeurs explorer le fond de la rivière, a haussé les épaules : ils ne trouveront rien, la petite Elsie, ou ce qui reste d’elle, gît quelque part dans la forêt.
La maison est vide.
J’ai mis quelques affaires dans un sac de voyage et me prépare à partir. Je vais rejoindre Willie et Raven au Wabash Lodge. Là, mon vieil ami m’apprendra tout ce qu’il sait, afin que je puisse défendre cette ville et ceux que j’aime.
Quand je reviendrai, je pourrai faire face aux cauchemars qui prennent vie à Whitby.
Journal de Mike Beckman
Whitby, 14 avril 2024
Le numéro de Ray s’est affiché pour la quatrième fois sur mon téléphone. Je soupire et je finis par décrocher.
- Mike ? C’est l’enfer, pour te joindre, dans ton trou paumé !
La colère irradie chacun de ses mots et je laisse passer le flot de paroles, avant de lui annoncer que, non, je n’ai pas de nouveau roman en cours et que je ne lui en livrerai pas d’ici la fin de l’année. Ray reste muet quelques secondes.
- Et une suite aux Persécuteurs ?
- J’y ai pensé, Ray, mais je ne le sens pas, ça serait trop… artificiel.
J’ai failli dire “commercial”. Mon précédent roman s’est bien vendu, en surfant malgré lui sur l’air du temps, chargé de paranoïa et de défiance envers les pouvoirs. Malgré de confortables royalties, j’ai mal vécu ce malentendu.
- Pour tout te dire, j’ai en cours un travail plus “local”. J’aimerais raconter l’histoire de ma ville…
Ray réfléchit vite quand il s’agit d’argent et de droits.
- Pas de souci, Mike. Ton contrat te l’autorise… tout comme il t’impose de me livrer un ouvrage avant la fin de l’année.
Ça s’appelle un ultimatum. Mais je suis sûr de moi, pour une fois. Je remercie Ray et raccroche, avant de me pencher sur le cahier à spirale devant moi, retrouvé dans un vieux carton du grenier. A l’époque, j’avais douze ans et le professeur d’histoire nous avait demandé de faire des recherches sur l’histoire locale.
La pièce qui me sert de bureau n’a jamais été si encombrée de papiers et de vieux documents. Il flotte une odeur de poussière dans la pièce. Sondra et moi avons passé des heures dans les archives de la bibliothèque pour exhumer ces témoignages des temps passés, de l’histoire de notre ville. Il aura fallu des heures pour qu’elle brandisse devant moi un vieux manuscrit relié, datant du siècle passé. J’ai alors su que nous avions mis la main sur un trésor, réalisé à l’occasion du centenaire de Whitby.
91 pages venues d’un autre siècle, que j’ai manipulé avec précaution, découvrant à chaque page de la matière à exploiter.
Quand Dorothy est entrée, une tasse de café en main, elle a tout de suite été intriguée par ce compendium.
Elle s’est penchée sur les vieilles feuilles et, après avoir lu quelques lignes, s’est arrêtée sur un nom. Le même que celui que je venais de souligner dans mes notes : Crane.
- Crane ? Mais c'est le nom... c'était le nom de jeune fille de ton arrière-grand-mère paternelle...
Forcément, j’ai interrogé Dorothy, tandis que le café refroidissait. C’est ainsi que ‘j’ai appris que mon père s’était piqué de généalogie, sur ses vieux jours. Elle m’a alors apporté un arbre généalogique qu’il avait réalisé et où figurait une certaine Eliza Crane, sa grand-mère paternelle, née en 1882 et morte en 1918 (de la grippe espagnole). Aucune précision sur son ascendance à elle mais Dorothy étaitformelle : elle venait d'une "vieille famille de Whitby", qui semble s'être éteinte avec elle.
Cette Eliza Crane aurait-elle pu être la petite-fille ou l'arrière-petite-fille d'Abigail Twiceborn ?
Serais-je le dernier héritier du vieux clan Whitby ?
J'ai eu comme un vertige. Dans un de mes romans, ce serait ainsi que le héros verrait l'abîme s'ouvrir sous ses yeux et comprendre qu'il est maudit.
- Mike ?
La voix de Dorothy m'a ramené sur terre.
- Oui.. je réfléchissais, ai-je répondu.
La petite voix dans ma tête me chuchotait que si j'étais revenu à Whitby, il y avait une raison et que cette raison, c'était moi, tout simplement. Mon destin était lié à cette ville.
J'ai refermé le manuscrit un peu trop brutalement, comme si je craignais que quelque chose en jaillisse et me saute au visage.
Il fallait que j'en sache plus sur cette Eliza Crane.
Whitby, 18 avril 2024
J’ai passé une partie de la journée à explorer le site The Threshold.com qui recense des manifestations et phénomènes inexpliqués, liés au No Man’s Land, comme le nomme lui aussi Louis Devereaux, le webmaster. Cet occultiste amateur s’intéresse essentiellement aux événements s’étant déroulé autour de Le Seuil (Louisiane), mais évoque aussi d’autres lieux, comme Whitby ou Tall Pines (Washington).
Tall Pines, c’est d’ici que vient Rose. D’après ce que je sais, elle était adjointe du shérif local et aurait arrêté un tueur en série surnommé « Picasso ». Il faudra que je l’interroge à ce sujet. Ce serait une trop grosse coïncidence.
Devereaux connaît Whitby et son histoire « particulière ». Il y évoque les disparus d’Halloween 1924, mais aussi plusieurs vieux souvenirs que j’aurais préféré oublier. La disparition de Nigel est mentionnée et, si mon nom ne figure nulle part, il n’est pas possible qu’il ignore mon implication dans cette histoire.
Mais le plus intéressant parmi les articles de ce site à l’ergonomie douteuse est celui évoquant ces êtres à la lisière de notre perception, ces présences que l’on capte alors que nous plongeons dans le sommeil.
J'ai commencé par hausser les épaules en lisant ces histoires de Shadow Persons, mais quelque chose en moi était fasciné par cette histoire... et deux mots ont surgi, au détour d'une page web.
Hat Man.
Selon Devereaux, il s’agirait de celui qui mène les êtres d’ombre.
Ça ne pouvait pas être une coïncidence de plus. D'ailleurs, j'ai fini par ne plus croire aux coïncidences.
1924 : des enfants disparaissent à Whitby et certains témoignages évoquent ce Hat Man, le Monsieur Loyal du Midnight Parade, le cirque sorti de la nuit pour enlever douze enfants.
J'ai cherché sur le site web de ce Desvereaux une adresse pour le contacter. Ca a été facile.
Puis je suis resté devant l'écran, tournant et retournant les formules dans ma tête. J'ignorais encore à quel homme je pouvais avoir affaire, de l'autre côté de l'écran.
Il fallait que je le rencontre, sous prétexte d'un prochain roman à écrire.
Mais s'il était ne serait-ce qu'un peu curieux, il apprendrait vite où j'habitais et, aussi simple qu'un et un font deux, il comprendrait la raison de mon message.
Mon message était prêt et il me suffisait d'un clic pour l'envoyer.
Le soleil brillait, cet après-midi-là. Mon regard s'est porté vers la fenêtre et j'ai vu, au-dehors, Dorothy et Sondra qui discutaient dans le soleil d’hiver.
Alors, j'ai su pourquoi je faisais tout cela.
J'ai envoyé le message et ait refermé l'ordinateur, avant d'aller les rejoindre...
Whitby, 28 avril 2024
Je suis allé au Wabash Lodge. J’avais besoin de parler à Willie de ce que j’avais appris, en particulier au sujet de ce Hat Man.
Selon lui, le Hat Man et les Shadow People sont à l'œuvre à Whitby depuis bien longtemps - mais personne n'en a vraiment conscience, conformément au modus operandi de ce phénomène (c'est de cette façon que la population "nourrit" le No Man's Land sans le savoir). Rose et moi sommes normalement protégés de cette forme d'influence psychique grâce aux fameux dreamcatchers fabriqués par Raven et Willie... mais il ne fait aucun doute qu'un grand nombre d'habitants de Whitby souffre de "sleep paralysis". Le Dr Maxwell lui-même avait fait allusion à son "mauvais sommeil" et au fait qu'il avait beaucoup de patients avec ce même problème...
Willie est également assez fasciné par les révélations du manuscrit. Il ignorait tout de son ascendance mais va faire des recherches sur le métis Joseph Crane dans les documents tribaux dont il dispose
En revanche, il a été formel sur ces étranges frères Dupin évoqués dans les récits sur Abigail Twiceborn. Pour lui, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une déformation (intentionnelle ou non) de la formulation française d'origine : "les frères du pin" (brothers of the pine)... autrement dit les Shonokins !
Quand j’ai quitté Wabash Lodge, je me suis retourné une dernière fois pour saluer Willie.
J’ai cru apercevoir la silhouette de Raven derrière une fenêtre. Il faudra que nous parlions, tous deux, un jour.
Whitby, 15 mai 2024
Whitby, 14 avril 2024
Le numéro de Ray s’est affiché pour la quatrième fois sur mon téléphone. Je soupire et je finis par décrocher.
- Mike ? C’est l’enfer, pour te joindre, dans ton trou paumé !
La colère irradie chacun de ses mots et je laisse passer le flot de paroles, avant de lui annoncer que, non, je n’ai pas de nouveau roman en cours et que je ne lui en livrerai pas d’ici la fin de l’année. Ray reste muet quelques secondes.
- Et une suite aux Persécuteurs ?
- J’y ai pensé, Ray, mais je ne le sens pas, ça serait trop… artificiel.
J’ai failli dire “commercial”. Mon précédent roman s’est bien vendu, en surfant malgré lui sur l’air du temps, chargé de paranoïa et de défiance envers les pouvoirs. Malgré de confortables royalties, j’ai mal vécu ce malentendu.
- Pour tout te dire, j’ai en cours un travail plus “local”. J’aimerais raconter l’histoire de ma ville…
Ray réfléchit vite quand il s’agit d’argent et de droits.
- Pas de souci, Mike. Ton contrat te l’autorise… tout comme il t’impose de me livrer un ouvrage avant la fin de l’année.
Ça s’appelle un ultimatum. Mais je suis sûr de moi, pour une fois. Je remercie Ray et raccroche, avant de me pencher sur le cahier à spirale devant moi, retrouvé dans un vieux carton du grenier. A l’époque, j’avais douze ans et le professeur d’histoire nous avait demandé de faire des recherches sur l’histoire locale.
La pièce qui me sert de bureau n’a jamais été si encombrée de papiers et de vieux documents. Il flotte une odeur de poussière dans la pièce. Sondra et moi avons passé des heures dans les archives de la bibliothèque pour exhumer ces témoignages des temps passés, de l’histoire de notre ville. Il aura fallu des heures pour qu’elle brandisse devant moi un vieux manuscrit relié, datant du siècle passé. J’ai alors su que nous avions mis la main sur un trésor, réalisé à l’occasion du centenaire de Whitby.
91 pages venues d’un autre siècle, que j’ai manipulé avec précaution, découvrant à chaque page de la matière à exploiter.
Quand Dorothy est entrée, une tasse de café en main, elle a tout de suite été intriguée par ce compendium.
Elle s’est penchée sur les vieilles feuilles et, après avoir lu quelques lignes, s’est arrêtée sur un nom. Le même que celui que je venais de souligner dans mes notes : Crane.
- Crane ? Mais c'est le nom... c'était le nom de jeune fille de ton arrière-grand-mère paternelle...
Forcément, j’ai interrogé Dorothy, tandis que le café refroidissait. C’est ainsi que ‘j’ai appris que mon père s’était piqué de généalogie, sur ses vieux jours. Elle m’a alors apporté un arbre généalogique qu’il avait réalisé et où figurait une certaine Eliza Crane, sa grand-mère paternelle, née en 1882 et morte en 1918 (de la grippe espagnole). Aucune précision sur son ascendance à elle mais Dorothy étaitformelle : elle venait d'une "vieille famille de Whitby", qui semble s'être éteinte avec elle.
Cette Eliza Crane aurait-elle pu être la petite-fille ou l'arrière-petite-fille d'Abigail Twiceborn ?
Serais-je le dernier héritier du vieux clan Whitby ?
J'ai eu comme un vertige. Dans un de mes romans, ce serait ainsi que le héros verrait l'abîme s'ouvrir sous ses yeux et comprendre qu'il est maudit.
- Mike ?
La voix de Dorothy m'a ramené sur terre.
- Oui.. je réfléchissais, ai-je répondu.
La petite voix dans ma tête me chuchotait que si j'étais revenu à Whitby, il y avait une raison et que cette raison, c'était moi, tout simplement. Mon destin était lié à cette ville.
J'ai refermé le manuscrit un peu trop brutalement, comme si je craignais que quelque chose en jaillisse et me saute au visage.
Il fallait que j'en sache plus sur cette Eliza Crane.
Whitby, 18 avril 2024
J’ai passé une partie de la journée à explorer le site The Threshold.com qui recense des manifestations et phénomènes inexpliqués, liés au No Man’s Land, comme le nomme lui aussi Louis Devereaux, le webmaster. Cet occultiste amateur s’intéresse essentiellement aux événements s’étant déroulé autour de Le Seuil (Louisiane), mais évoque aussi d’autres lieux, comme Whitby ou Tall Pines (Washington).
Tall Pines, c’est d’ici que vient Rose. D’après ce que je sais, elle était adjointe du shérif local et aurait arrêté un tueur en série surnommé « Picasso ». Il faudra que je l’interroge à ce sujet. Ce serait une trop grosse coïncidence.
Devereaux connaît Whitby et son histoire « particulière ». Il y évoque les disparus d’Halloween 1924, mais aussi plusieurs vieux souvenirs que j’aurais préféré oublier. La disparition de Nigel est mentionnée et, si mon nom ne figure nulle part, il n’est pas possible qu’il ignore mon implication dans cette histoire.
Mais le plus intéressant parmi les articles de ce site à l’ergonomie douteuse est celui évoquant ces êtres à la lisière de notre perception, ces présences que l’on capte alors que nous plongeons dans le sommeil.
J'ai commencé par hausser les épaules en lisant ces histoires de Shadow Persons, mais quelque chose en moi était fasciné par cette histoire... et deux mots ont surgi, au détour d'une page web.
Hat Man.
Selon Devereaux, il s’agirait de celui qui mène les êtres d’ombre.
Ça ne pouvait pas être une coïncidence de plus. D'ailleurs, j'ai fini par ne plus croire aux coïncidences.
1924 : des enfants disparaissent à Whitby et certains témoignages évoquent ce Hat Man, le Monsieur Loyal du Midnight Parade, le cirque sorti de la nuit pour enlever douze enfants.
J'ai cherché sur le site web de ce Desvereaux une adresse pour le contacter. Ca a été facile.
Puis je suis resté devant l'écran, tournant et retournant les formules dans ma tête. J'ignorais encore à quel homme je pouvais avoir affaire, de l'autre côté de l'écran.
Il fallait que je le rencontre, sous prétexte d'un prochain roman à écrire.
Mais s'il était ne serait-ce qu'un peu curieux, il apprendrait vite où j'habitais et, aussi simple qu'un et un font deux, il comprendrait la raison de mon message.
Mon message était prêt et il me suffisait d'un clic pour l'envoyer.
Le soleil brillait, cet après-midi-là. Mon regard s'est porté vers la fenêtre et j'ai vu, au-dehors, Dorothy et Sondra qui discutaient dans le soleil d’hiver.
Alors, j'ai su pourquoi je faisais tout cela.
J'ai envoyé le message et ait refermé l'ordinateur, avant d'aller les rejoindre...
Whitby, 28 avril 2024
Je suis allé au Wabash Lodge. J’avais besoin de parler à Willie de ce que j’avais appris, en particulier au sujet de ce Hat Man.
Selon lui, le Hat Man et les Shadow People sont à l'œuvre à Whitby depuis bien longtemps - mais personne n'en a vraiment conscience, conformément au modus operandi de ce phénomène (c'est de cette façon que la population "nourrit" le No Man's Land sans le savoir). Rose et moi sommes normalement protégés de cette forme d'influence psychique grâce aux fameux dreamcatchers fabriqués par Raven et Willie... mais il ne fait aucun doute qu'un grand nombre d'habitants de Whitby souffre de "sleep paralysis". Le Dr Maxwell lui-même avait fait allusion à son "mauvais sommeil" et au fait qu'il avait beaucoup de patients avec ce même problème...
Willie est également assez fasciné par les révélations du manuscrit. Il ignorait tout de son ascendance mais va faire des recherches sur le métis Joseph Crane dans les documents tribaux dont il dispose
En revanche, il a été formel sur ces étranges frères Dupin évoqués dans les récits sur Abigail Twiceborn. Pour lui, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une déformation (intentionnelle ou non) de la formulation française d'origine : "les frères du pin" (brothers of the pine)... autrement dit les Shonokins !
Quand j’ai quitté Wabash Lodge, je me suis retourné une dernière fois pour saluer Willie.
J’ai cru apercevoir la silhouette de Raven derrière une fenêtre. Il faudra que nous parlions, tous deux, un jour.
Whitby, 15 mai 2024
Quatre heures du matin, je ne dors toujours pas.
Dans quelques heures, je vais quitter Whitby et n’y reviendrai que quand je serai prêt à affronter ce qui la menace.
Je suis seul dans cette maison.
Dans la nuit du vendredi 3 mai, Dorothy est morte dans mes bras.
Pour une fois, j’étais plongé dans un sommeil sans rêves quand un cri m’a réveillé. J’ai cru un instant que c’était Sondra, à mes côtés, mais elle aussi venait d’être tirée du sommeil par ce cri bref.
Il était 3h59 et j’ai bondi hors du lit, pour foncer vers le deuxième étage, que Dorothy occupe (occupait), et l’ai trouvée là, gisant en chemise de nuit, inconsciente. Je me suis penché sur elle, en bafouillant son nom. Ses yeux se sont vissés aux miens tandis qu’elle serrait mon poignet en murmurant quelque chose.
Et elle mourut. La vie s’est éteinte dans son regard, tandis que son visage crispé se relâchait d’un coup. J’ai alors commencé un massage cardiaque brouillon et inutile. Elle était partie.
Mais j’ai continué, m’acharnant contre tout espoir, tandis que j’entendais la voix de Sondra au loin, qui téléphonait, sans doute au docteur Maxwell ou à la police. Puis sa main s’est posée sur mon épaule et j’ai arrêté de lutter.
Sondra me parlait, mais je ne l’entendais pas. Les paroles prononcées quelques instants plus tôt par Dorothy, ses derniers mots, résonnaient en moi. J’étais sûr de ce que j’avais entendu.
- Mike… il y a un rat dans la maison.
Et puis Rose est arrivée, parce que Sondra avait eu la présence d’esprit de l’appeler. Elle a vite compris que la mort de Dorothy n’était pas naturelle et m’a montré la blessure à sa cheville.
Une morsure. J’ai alors répété à mi-voix les derniers mots de la vieille femme et Rose est allée inspecter sa chambre, là-haut. Il y avait des traces de griffure sur les plinthes.
Brown Jenkins.
Sans mot dire, nous pensions tous les deux à cette créature surgissant de l’ombre. Il était entré dans ma maison et avait tué Dorothy, je le savais.
Le Docteur Maxwell est arrivé et a confirmé son décès. Il m’a tendu un petit fagot de brindilles en me disant que Dorothy le serrait dans sa main.
Sondra et moi avons passé la matinée à régler les formalités liées au décès de Dorothy. Ce n’est qu’en fin de journée que j’ai pu aller au poste de police pour voir Rose. Nous devions parler de Brown Jenkins.
Celle-ci m’a dit, de but en blanc, que la mort de Dorothy était une conséquence de ce qu’elle avait fait, quelques jours plus tôt. J’ai écarquillé les yeux, puis ai écouté son histoire. J’ai appris à croire à l’improbable, voire à l’incroyable, depuis que je suis revenu à Whitby.
Rose avait enclenché une procédure à l’encontre des époux Henderson, suite à la disparition d’Elsie, malgré les réticences du shérif du Comté. Conformément à la procédure en de pareils cas (disparition d'enfants de moins de 13 ans), le FBI a dépéché deux de ses agents chez nous pour enquêter sur le cas d'Elsie Henderson. Ces derniers étaient pilotés par l’agent Winninger, qui avait contacté Rose et semblait tout connaître de l’histoire de Whitby, telle que nous la connaissions aussi. Proche de Fred Hurt, l’ancien town marshal, Winninger fait donc partie de ceux qui savent, pour le No Man’s Land.
Il disposait d’un dossier relatif aux disparitions de 1924, dont il avait fourni une copie à Rose. J’ouvris le document et sentis une fois de plus une sueur glacée couler entre mes omoplates. Parmi les noms des gosses évaporés cette année-là, plusieurs m’étaient familiers.
White
Cooper.
J’ai refermé le dossier comme si j’allais y découvrir mon propre nom. Rose a repris son récit.
Un certain Brook, féru d’ornithologie, avait voulu observer et enregistrer les oiseaux et s’était retrouvé à Madden’s Hollow, la clairière où Nigel avait disparu. Là, parmi le chant des engoulevents, son enregistrement avait capté autre chose. Rose me fit écouter les quelques minutes de fichier audio sur son téléphone.
Transcription de l’enregistrement audIo effectué par
JAMES BROOK le vendredi 22/03/2024 à Madden’s Hollow
(bruits confus, chants d’engoulevents, échos de voix)
Un chœur de voix discordante (trois ou quatre personnes dont un homme) répète ad lib les syllabes suivantes : MO-HA-RA-HA-NI, comme un mantra scandé.
Voix féminine n°1 – Dieu intérieur, (indistinct) notre appel…
(le chœur continue sa litanie)
Voix féminine n°1 – Dieu intérieur, reçois notre (indistinct)…
(confusion sonore ; bruits indistincts ; saturation)
Voix masculine (peu distincte) – Dieu tout puissant…
(voix féminine n°2, très jeune, pousse un hurlement de terreur abjecte)
Voix féminine n°1 (criant) – VIENS A NOUS !
Voix féminine n°2 (hurlant) – Maman…
Voix féminine n°1 (criant) – (indistinct) volonté soit faite ! Ton règne (indistinct)
(énorme distorsion de son puis arrêt brutal de l’enregistrement)
Rose s'était rendue à la clairière où l’odeur de résine était omniprésente et, dans les racines d’un vieil arbre, avait distingué ce qui ressemblait au corps recroquevillé d'un enfant, comme enraciné sous l'arbre.
Le lendemain, elle était retournée là-bas et avait mis le feu à la chose. Celle-ci s'était alors éveillée et déracinée, avant de se consumer et de tomber en cendres. Une sorte d'embryon shonokin. "Abel", "l'enfant parfait" promis aux Henderson en échange de leur propre fille. Je sais que son corps à elle ne sera jamais retrouvé.
Je lui ai livré le résultat des recherches que j’avais entrepris de mon côté : les Shadow People et le Hat Man, leur guide, les informations détenues par Devereaux sur son site, tout.
Quand elle m’entendit évoquer le Hat Man et les troubles du sommeil provoqués par les Shadow People, Rose m’expliqua que, la nuit dernière, elle s’était réveillée en sursaut et qu’elle avait senti une présence dans l’ombre. Molly, sa chienne, avait hurlé à la mort, aux alentours de quatre heures du matin.
Willie. Je n’avais pas encore appelé mon vieil ami pour l’informer de la mort de Dorothy. Il fallait qu’il sache tout ce qui se passait ici. Il était persuadé que les Shonokins avaient renoncé, depuis que nous avions éliminé plusieurs d’entre eux, mais il était inquiet. Raven viendrait bientôt pour nous aider. Je suis rentré chez moi, pour retrouver Sondra.
En fin de soirée, Raven est arrivée chez Rose et a vite identifié le fagot trouvé dans les mains de Dorothy. Il s’agissait d’un twanas, popularisé par le film Blair Witch. C’était en quelque sorte un anti-talisman, destiné à faciliter le passage de Brown Jenkins dans notre dimension.
Raven a voulu inspecter la chambre de Rose et y a trouvé, sous le lit, un autre de ces twanas, accompagné de minuscules empreintes de mains. IL était venu ici aussi.
Elles brûlèrent le twanas et Raven pratiqua un des rituels que lui avait enseigné Willie, en traçant sur les traces des spirales, avec le sang de Rose. Brown Jenkins était venu ici et allait revenir, si l’on ne faisait rien. Son pouvoir se renforcerait et bientôt, il pourrait contrôler Rose. Mais qui l’avait envoyé ? Selon Raven, il y avait un sorcier ou une sorcière à Whitby et nous étions sur sa route. Un nom s’imposa à elles deux : Nancy Harper. Rose prit son téléphone et m’appela.
Nous étions directement visés. En rentrant, j’ai convaincu Sondra et nous sommes allés dormir chez elle pour quelques jours. J’avais prétexté le besoin de quitter le lieu où Dorothy était morte, mais elle comprit vite que ma motivation était toute autre. C’est alors que j’ai choisi de tout lui raconter : ce qui rôdait dans l’ombre, à Whitby, ce que nous affrontions, Rose et moi, et ce à quoi nous avions fait face, quand nous étions gosses et qu’elle avait oublié.
J’ai vu la peur dans ses yeux. La peur que je perde la raison, comme autrefois, quand notre ami Nigel avait disparu et que j’avais fini dans une clinique psychiatrique.
J’ai voulu prendre Sondra dans mes bras mais, pour la première fois, elle a évité mon étreinte. C’est alors que j’ai choisi de lui ouvrir mon journal, ce journal. Tout était là, elle n’avait qu’à lire. J’ai décroché le téléphone quand Rose m’a appelé, et suis parti.
En la quittant à cet instant, j’ignorais si Sondra lirait ce que j’avais écrit, ces derniers mois.
Chez Rose, j’ai été mis au courant de la découverte faite par Raven. Brown Jenkins servait d’intermédiaire à Nancy Harper et lui avait sans doute appris à utiliser quelque pouvoir. Il nous fallait la neutraliser et, avant cela, à deviner où allait surgir Brown Jenkins.
Sondra.
Rose et moi avons sauté dans la voiture et sommes arrivés chez elle, tremblant qu’il ne soit trop tard.
Elle était assise, l’ordinateur portable sur les genoux, les yeux rougis. En me voyant entrer, elle eut un regard plein de pitié et de désespoir.
Evidemment, j’aurais dû m’y attendre. N’importe quel être humain sensé, en lisant ce journal, y verrait au mieux une fiction fantastique assez peu crédible, au pire le délire d’un psychotique.
Elle se tourna vers moi et commença à bredouiller qu’il me fallait des soins, que c’était une rechute, quand deux coups de feu retentirent.
Rose s’était rendue dans la chambre et, là, avait découvert, au fond du placard, quelque chose.
Sondra grimpa l’escalier et fit face à Rose, criant de colère jusqu’à ce qu'elle voie la carcasse sanguinolente. Découvrant le faciès et les mains presque humaines, le corps d’un énorme rat, Sondra resta un instant tétanisée, tandis que nous mettions le cadavre dans une boîte.
Puis la raison fit son retour dans l’esprit de celle que j’aime. Ça n’était qu’un gros rat, rien d’autre, et nous étions tous deux en proie à quelque folie qui nous dévorait l’esprit.
Rose leva la main et commença à tout expliquer à Sondra, jusqu’à lui faire écouter l’enregistrement de Brook.
C’est à ce moment que la boîte s’est mise à bouger. A l’intérieur, le cadavre de Brown Jenkins vibrait. Il avait réparé son corps et commençait à se métamorphoser, marmonnant des mots que nous ne comprenions pas. Nous avons emmené la boîte dans la salle de bains et jeté la chose dans la baignoire. J’ai trouvé une bouteille de térébenthine et en ai versé la moitié sur la créature avant que Rose ne craque une allumette. Poussant des hurlements, la chose s’est tordue puis a fini par se taire, dévorée par les flammes.
Il ne restait presque rien de la créature, à part quelques morceaux charbonneux.
C’en fut trop pour Sondra, qui s’écroula, en larmes, dans mes bras.
Rose a ramassé les restes de la chose et est repartie. Raven et elle allaient pratiquer un rituel pour faire définitivement disparaître Brown Jenkins.
Sondra et moi sommes retournés dormir à la maison. Elle a sombré dans un sommeil lourd, sans doute sans rêves, que je me suis pris à lui envier.
J’ai rejoint Rose et Raven au poste de police, à l’aube. Je n’avais pas fermé l’œil depuis plus de trente heures. A Whitby, le sommeil engendre des monstres.
Raven avait parlé à Willie : tous deux étaient parvenus à la même conclusion, celle que Rose et moi connaissions déjà, sans l’affronter. On ne pouvait combattre le feu que par le feu. La bataille contre la sorcière de Whitby restait à mener. Et j’étais celui qui devait suivre cette voie.
Les funérailles de Dorothy ont eu lieu le mardi suivant. Il y avait une centaine de personnes autour de la tombe. J’ai aperçu Luke, Lex et Raven, les Wilson et les Langman, mais aussi Veronica Wood et Wilma Wright, Cassandra Kubasik, Jessie, Norman et Marvin, les jeunes résidents d’Amblin House.
Sondra m’a étreint une dernière fois près de la tombe de Dorothy. J’ai lu dans son regard un immense chagrin mais aussi quelque chose que je n’avais jamais vu jusqu’à ces derniers jours : de la peur. Quand tout sera fini, sera-t-elle à mes côtés ?
La maison est vide.
Malgré le soleil de printemps, j’ai l’impression qu’il y fait froid comme dans une tombe. Sondra est retournée chez elle et Dorothy repose maintenant sous terre, aux côtés de mon père.
Dans la semaine qui a suivi l’inhumation, sans doute sur les conseils de Nancy Harper, Allie Henderson a avoué le meurtre de sa fille. Elle a reconnu avoir perdu la raison et jeté son corps dans la Wabash. Rose Wu, en regardant les plongeurs explorer le fond de la rivière, a haussé les épaules : ils ne trouveront rien, la petite Elsie, ou ce qui reste d’elle, gît quelque part dans la forêt.
La maison est vide.
J’ai mis quelques affaires dans un sac de voyage et me prépare à partir. Je vais rejoindre Willie et Raven au Wabash Lodge. Là, mon vieil ami m’apprendra tout ce qu’il sait, afin que je puisse défendre cette ville et ceux que j’aime.
Quand je reviendrai, je pourrai faire face aux cauchemars qui prennent vie à Whitby.
-
- Zelateur
- Messages : 56
- Inscription : mar. juil. 05, 2022 7:13 am
Re: [CR] Mystères à Whitby
J’ai envie de sauter tellement c’est trop bien, mais en fait c’est juste que je trépigne d’impatience de connaître la conclusion de l’histoire. J’ai vraiment la sensation de découvrir un bouquin de King, avec la même appétence que lorsque j’étais encore sous le charme de sa plume et sans avoir encore compris la mécanique qu’il appliquait à la plupart de ses récits.
Bref, c’est du tout bon, et merci a vous de partager tout cela!!
Bref, c’est du tout bon, et merci a vous de partager tout cela!!
- Blakkrall
- Dieu des girouettes
- Messages : 10454
- Inscription : dim. déc. 20, 2009 7:10 pm
- Localisation : Montivilliers
Re: [CR] Mystères à Whitby
Tellement impatient de lire la suite !
J’ai passé l’âge où la méchanceté me rendait furieux. Maintenant c’est la stupidité qui me met hors de moi. Arturo Perez Reverte Deux hommes de bien