Je vais mettre en application les fruits de mes échanges récents sur la conception de donjons et la taille des villes médiévales à travers la conception d’un donjon. Je vais essayer aussi, à l’instar de @Snorri et de son Dodécaèdre, d’y recycler le rare matériel que j’ai développé par le passé sur des donjons, des forteresses, des tours.
Voici les note de conception d’un donjon basé sur les principes suivants :
un cadre low fantasy
la cohérence hickmanienne, à savoir une cohérence en matière d’architecture et de fonctionnalité d’un lieu/bâtiment habité
un naturalisme gygaxien, autrement dit une écologie cohérente
une ludicité xanderienne (xandering the dungeon)
La cohérence hickmanienne Les dimensions Pour cela, je me base sur les données historiques :
une ville médiévale compte 3 à 6 000 habitants (je pars sur 4 000)
ce type de ville a un surface d’environ 2 km²
il faut à un habitant 0,2 tonnes d’équivalent blé par an
Compte tenu des apports caloriques, traduit en repas végétarien cela implique 0,013 t d blé et 0,07 t de haricots
la permaculture assure des rendements équivalent à ceux de l’agriculture conventionnelle, à savoir 8 tonnes de blé et 2 tonnes de haricots à l’hectare.
il faut donc 520 m² de cultures par habitant, soit 2 km² pour 4 000 habitants
La dimension du donjon doit donc être de 4 km², soit un cercle de 1,13 km de rayon.
Les fonctions Pour assurer les besoins vitaux des habitants, il faut :
une ventilation (respiration)
une rivière (boisson, culture, hygiène, énergie mécanique)
de la lumière (pour la photosynthèse notamment. Ici seule une solution magique était possible : un cristal lumineux géant)
une source de chaleur et d’énergie thermique (mine de charbon)
des cultures (cultures en permaculture en terrasse irriguées façon jardins suspendus ; champignonnières ; bassin piscicole ; ruches ; animaux de basse-cours)
un système de compostage/purinage des déchets (pour la permaculture, l’hygiène)
Une rivière souterraine est donc captée tout en haut de l’édifice et divisée en 3 canaux :
le canal des minoteries et des marteaux mécaniques de la forge, à la façon du complexe minotier de Barbegal, qui aliment ensuite le lavoir collectif et les bains
le canal d’irrigation, qui alimente les terrasses cultivées qui descendent en colimaçon 6 niveaux plus bas
le canal d'évacuation du trop plein, qui arrive directement dans le bassin piscicole de l’avant-dernier niveau (qui recueille aussi les eaux des bains)
un bassin collecteur de toutes les eaux, où se trouvent aussi les activités artisanales polluantes (rouissage pour le textile, teinturerie, etc.) avant de se vider dans un exutoire.
La forme J’imagine une sorte de tour de Babel/jardins suspendus inversés avec des terrasses qui entourent le “soleil” de cristal, à la façon d’un puits Baoli indien :
Les 6 niveaux sont constitués de terrasses cultivées de 200 m de large et d’une section troglodyte accueillant les lieux de vie, de culte, d’artisanat, de stockage, de décisions, etc.
Un niveau sera réservé aux tombes des morts prestigieux (les autres alimentant les cultures, le compostage est vital en permaculture !), et donc au butin et aux mort-vivants
L’histoire du donjon Le donjon “Kaer de Grande-Mère” prend place dans l’univers d’Earthdawn, c'est donc une forteresse-refuge contre des démons (les Horreurs dans Earthdawn) devant ravager le monde pendant des siècles mais sensible à l'art. Ce Cataclysme étant prévu, la communauté de la ville de 4 000 habitant a eu le temps de se préparer, notamment en développant une agriculture très performante (permaculture, terra petra, forêt-jardin) et en concevant ce donjon (“kaer”). L’entrée principale est un temple à la divinité protectrice du foyer (la Grande Mère) couvert de gravures façon bas-reliefs des temples de Khajurâho.
On y trouve aussi des “momies vivantes” (Sokushinbutsu) protectrices et un passage secret semé de pièges vers le donjon.
Puis le donjon subit l’infiltration d’un cristal démoniaque (Horreur de cristal dans Earthdawn, en version titan) qui cristallisa/corrompit bâtiments et corps et entraina une lutte et l'édification d’un rempart de quarantaine. De l'extérieur, un immense pic de cristal “poussa” sur la montagne et lui donna son nom et sa réputation de “montagne de cristal”/”montagne maudite”.
Plus tard, un terrible effondrement se produisit, détruisant un tiers du donjon (ça de moins à cartographier !) et créant monticules et failles (certaines menant à la surface), détournant l’eau des canaux.
Dernier évènement, une secte née au sein d’une communauté naine qui exploitait une mine de jais, suite à une révélation au sein de ladite mine, entrepris un “retour à la terre” et la colonisation du donjon, après avoir immolé les nains “surfacistes” qui ne voulaient pas revenir à ce mode de vie souterrain et obscurantiste. Cela contribua à la réputation de malédiction de la montagne de cristal (et de la mine de jais). Je fais ici l’hypothèse que les nains civilisés vivent à la surface et que ce n’est que dans leur préhistoire qu’il y avait des “nains des cavernes”.
Je me tâte encore à ajouter une autre colonisation, par des êtres-grenouilles venus par la rivière.
Le naturalisme gygaxien Les lieux seront peuplés de créatures troglodytes ou issues des élevages du donjon ou de la rivière : chauve-souris, serpents aveugles, ruches d’abeilles, carpe koi géante, etc.
Il y aura aussi les créatures démoniaques engendrées par le cristal : zombis de cristal, vers et abeilles monstrueuses cristallines, bâtiments de cristal vampires, etc.
Et les habitants du donjon, anciens comme plus récents : nains illuminés (et possédés ?), êtres-grenouilles tribaux, fantômes.
Les pièges seront surtout présents dans les entrées officielles du donjon, ainsi que sous forme de dangers dans la minoterie (machines marteaux-pilons toujours en marche), dans la mine de charbon, aux alentours de l’éboulement, ainsi que sous la forme de bâtiments semi-sentients animés par le cristal démoniaque.
La ludicité xanderienne Ce donjon a donc :
une multiplicité d’entrées (l’entrée principale et une sortie de secours ; l’entrée et la sortie de la rivière souterraine depuis un lac glaciaire ; les failles de l’effondrement ; la connexion entre la mine de charbon du donjon et la mine de jais des nains) ;
une multiplicité de niveaux (les 6 terrasses et lieux de vie troglodytes ; la mine de charbon/jais ; l’amont et l’aval de la rivière ; les failles d’effondrement) ;
une multiplicité de cheminements (les terrasses et rues, les canaux, les failles, les monticules, etc.) ;
Une multiplicité de moyens pour explorer et triompher des obstacles (déduction logique de l’architecture ; interactions sociales avec les factions ; religion ; art ; navigation/plongée ; etc.) ;
une multiplicité de factions (fantômes, mort-vivants, créatures cristallisées, sectateurs nains, êtres-grenouilles…).
Je n’ai pas encore réfléchi aux différentes phases d’évolution des lieux et des factions.
Voilà où j'en suis, et l'aspect recyclage de mes anciennes campagnes est encore peu intégré (je viens juste de me rappeler d'un scénario en écrivant tout ça).
Que pensez-vous de cette approche ? La voie "réaliste" vous parait tout de même permettre de dungeon crawler (pas trop de couloir, plutôt des rues et jardins...) ?
EDIT : dans mes anciennes productions à recycler
gros scénario basé sur les bibliothèques suspendues paru dans Casus Bell V1 HS n°17
un grand kaer créé pour Earthdawn au lycée
une tour improvisée pour Earthdawn à la fac, avec une forme de spirale, dans les années 2000
un scénario-kaer ayant servi de point de départ à ma campagne de Prélude à la guerre dans les années 2010
une forteresse-volante corrompu à la fin de campagne de Prélude à la guerre
un projet de gros scénario sur un donjon vivant volant façon titans de Ico, mais jamais joué (fin années 2010, début années 2020)
Ton projet est très intéressant et c’est déjà inspirant avec le peu que tu as decris. Le côté réaliste de l’écosystème est un vrai plus et permet d’envisager le dungeoncrawling et les moteurs de l’histoire sous des angles divers
Oui, il y a une immense voûte, sur laquelle est accroché le "soleil de cristal" (pour la photosynthèse, l'éclairage). Je ferais un diagramme de coupe pour présenter la topologie globale. J'imagine y faire nicher des oiseaux insectivores ou des hybrides écureuil/chauve-souris qui serviraient initialement de gibier/lutte contre les ravageurs des cultures, et qui pourraient être devenus plus dangereux.
J'imagine effectivement des terrasses en pente douce, formant une spirale. ce n'est peut-être pas réaliste avec les dimensions et la vitesse d'écoulement d'un canal de navigation, je ne sais pas. Mais rien n'empêche qu'il y ait des ruptures de pente régulières avec des chutes d'eau de 1 m et qu'on soit sur un modèle de culture en terrasse plus classique.
une carte de five-rooms dungeon pour le temple à l’entrée (entrée et gardien : statue de la déesse-mère, énigme/défi RP -momie et défi artistique ?-, piège ou contretemps : dalle perforée, grand combat/climax, révélation/récompense : passage secret vers le donjon)
des plans de grottes vierges pour les mines, pour la ziggourat (cf. plus bas)
un générateur aléatoire pour la cité-donjon + un pointcrawl + table d'évènements-rencontres
des fronts pour les factions et PNJ
un village-base arrière pour les expéditions (je ne sais pas encore quelle forme il prendra)
des manœuvres pour l’influence cristalline
une intrigue générale (sur le cristal, sur des savoirs de cette communauté d’érudits agriculteurs .)
Un générateur aléatoire de bouquins (forme, contenu) avec leur valeur en PO
Accroches
La légende des bibliothèques suspendues qui auraient été dans les ruines de la ziggourat à proximité des montagnes maudites. Il est dit qu’on y trouvait les collections des plus grands érudits, des savoirs et des œuvres littéraires aujourd’hui perdus. Les quelques fragments que l’on découvre dans les ruines sont très recherchés.
un souterrain inconnu viendrait d’être découvert dans les ruines de la ziggourat (un five-rooms dungeonrévélant la création d’un donjon sous les montagnes)
l’antique statue monumentale de la Grande-Mère contre un escarpement des montagnes de cristal est un lieu de pèlerinage réputé pour ses miracles liés à la fécondité, la guérison, et même, dit-on, pour la résurrection.
l’ancienne mine de jais a produit de magnifiques joyaux, mais elle est maudite suite à la folie qui a mené l’ensemble de la communauté naine à s’immoler au siècle dernier.
De rares edelweiss poussent en été autour du lac glaciaire des montagnes maudites. cette fleur a beaucoup de valeur car elle est l’ingrédient principal d’un philtre capable de réveiller les amours passés. Dommage que ce lac soit si difficile d’accès…
Clefs de compréhension :
clin d'œil à l’aventure basée sur les Bibliothèques suspendues Casus Belli V1 HS n°17 + accroche pour ceux intéressés par le savoir, le pouvoir magique voire l’or,
une piste pour découvrir le donjon + un lieu pouvant servir de base arrière,
une piste pour découvrir le donjon (entrée principale) + une accroche pour ceux intéressés par des soins ou une résurrection,
une piste pour découvrir le donjon (entrée des mines) + une accroche pour ceux intéressés par le mystère ou l’or,
une piste pour découvrir le donjon (entrée de la rivière souterraine) + une accroche pour ceux intéressés par la romance ou l’or,
Merci, c'était simplement de la curiosité, je trouve le concept très inspirant
Pour ce qui est du colimaçon, le risque serait peut-être qu'à terme toute la terre glisserait dans le sens de la pente, mais je ne suis pas qualifié.
Dernière modification par fafnir le dim. sept. 08, 2024 3:08 pm, modifié 1 fois.
Le faux donjon de la Grande-Mère Classification : PG 13/PG 16 (sexualité reproductive, morts-vivants).
A priori pour des personnages de niveau inférieur à 10.
Ce donjon contient des défis de player et de character skill, des défis martiaux (combat), intellectuel (énigme), artistique (musique, poésie). Il révèle aussi les thèmes du donjon : la déesse-mère (fertilité, croissance) et l'invasion du cristal démoniaque.
Entrée et gardiennes
Spoiler:
La statue monolithique de la Grande-Mère est un lieu de pèlerinage auprès de la divinité du foyer, de la fertilité et de la vie réputé pour ses miracles. Les pèlerins viennent décorer sa coiffure de cette statue de 4 mètres de haut et se presser entre ses cuisses en frottant son clitoris pour l’implorer.
Ce que les pèlerins ignorent c’est que si l’on applique suffisamment de force sur le clitoris, le vagin de pierre de la grande mère s’ouvre comme une porte à double battant et permet d’entrer accroupi dans son temple secret. Le sol des couloirs, les murs et les voûtes sont richement décorés de mosaïques et de bas-reliefs aux couleurs défraîchies. Un décor de lianes parallèles chargées de fruits dissimule une partition de musique qui accompagne les prières gravées sur les murs.
Si les pèlerins ne chantent pas ces prières selon la partition, ils réveillent deux nonnes momifiées assises en lotus dans des niches plus loin dans le couloir. Celles-ci ne quitteront pas le temple.
En matière de compétence, il s’agit d’un test d’érudition/intelligence (lecture des prières, découverte et compréhension de la partition de musique) et d’un test de chant/charisme.
Énigme poétique
Spoiler:
Plus loin, le couloir se divise en 3 courts couloirs réticulés se terminant chacun par des dalles percées de trou*, comportant des mots et pouvant être déplacées façon “jeu de pousse-pousse”. Un test d'érudition/intelligence permet d’obtenir 3 séries de mots :
“Il y”*2 ; “Mais il y” ; “Et*2” ; “Puisqu’il y”.
“avait” ; “eut”*3 ; “c'était” ; “ce fut”.
un silence ; un enfant ; l’amour ; un cri ; un chant ; un poète.
Il faut alors reconstituer le poème suivant :
Il y avait l’amour
Il y eut un silence.
Mais il y eut un cri
Et c’était un enfant.
Et ce fut un poète
Puisqu’il y eut un chant.
(Poème de Bernard Lorraine, extrait de “Chaque enfant est un poème”).
Ou alors il faut juste faire un test de poésie/charisme.
Le poème reconstitué, il reste à souffler dans un trou de chaque verset pour émettre une mélodie façon flute qui provoque la résonance d'un mécanisme et fait basculer une dalle bascule qui révèle un souterrain qui se termine dans une salle face à une grande dalle monolithique.
A noter que de ce côté-ci du mécanisme, la manipulation à faire pour faire basculer la dalle est évidente et facilitée par des poignées et des flèches.
Obstacle de la vie et de la mort
Spoiler:
Cette grande dalle monolithique richement décorée dispose de deux éléments curieux, une grande fleur de pierre en son milieu et un bas-relief décentré vers la droite des pèlerins représentant la Grande Mère.
En analysant la dalle, les PJ peuvent comprendre que celle-ci pivote autour d’un axe passant par la fleur de pierre. Si, avec un test de force, il la font tourner dans le sens des aiguilles d’une montre, faisant disparaître la Grande Mère sous le sol, ils font apparaître un orifice de 20 cm de diamètre qui vomit immédiatement un gaz toxique et lourd (qui restera donc dans le souterrain). Dans l’autre sens, ils révèleront le bas du corps de la Grande Mère et son vagin, un autre orifice franchissable en rampant.
La dalle mobile est en granit et a une épaisseur de [à déterminer] . Le bruit d’une entreprise de tunnelage attirerait les nonnes momies.
De l'autre côté, ils peuvent se relever dans une grande salle qui a servi à mettre en place ce piège et où il est possible de le démonter.
Tunnel cristallisé
Spoiler:
Les PJ sont désormais dans un grand hall richement décoré mais défiguré par des cristaux qui ont déformé, brisé, détaché les mosaïques, bas-reliefs et peintures. Un bourdonnement désagréable résonne en ces lieux.
A un endroit, les cristaux ont tellement poussé qu’il est difficile de passer. De l’autre côté, la momie d’une abbesse obèse est devenue une “cristo-momie”. Cette “cristo-momie” est elle-même piégée par les cristaux qui l’ont animée.
Bibliothèque et passage secret vers le donjon
Spoiler:
Une dernière salle, dont l’entrée est en partie encombrée par des cristaux, est une bibliothèque aux ouvrages couvrant une très grande variété de sujets et valant une belle somme à la revente.
En étudiant la bibliothèque de pierre, on peut repérer que les étagères sont sensibles au poids et qu’elles sont chacune dédiées à une thématique. Si l’on range les grimoires en fonction de ces thèmes, on obtient le juste poids de chaque étagère et on ouvre la porte secrète du couloir vers le véritable donjon de la Grande Mère.
Dernière modification par Qui Revient de Loin le mer. sept. 11, 2024 12:09 pm, modifié 2 fois.