AVANT LA NUIT
Pete Fromm
Difficile de s’intéresser à ce que produit Gallmeister sans tomber sur du Pete Fromm. Compte tenu de leur passion pour cet auteur et de la qualité de leur catalogue, au moins sur ce que j’ai lu jusqu’à présent, je me suis laissé tenté par l’un de ces livres, essentiellement en raison de la couverture, qui promettait du silence, de la solitude et un certain lien avec la nature.
En ouvrant le livre, j’ai découvert 1. Que c’était un recueil de nouvelles, ce qui n’a pas manqué de m’effrayer après le Diable est au piano et 2. Qu’il était dédicacé à quelqu’un en raison de son amour pour la pèche. Passer d’un recueil de nouvelles frustrantes à un recueil de nouvelles ennuyeuse, quelle était ma chance ?
Heureusement, Pete Fromm sait écrire. Sans fioriture ni grandes envolées lyriques, mais son écriture est très correcte. Plus que des nouvelles sur la pêche, ces nouvelles sont des portraits de gens en lien avec la pèche et les rivières de l’Amérique rurale. La pèche occupe une grande place et l’auteur aime à parler de mouches, de cuissardes (mais pas celles qu’envisagent nos amis allemands dans leurs productions familiales), de fil de nylon et de poissons que nous ne connaissons pas ou de loin (des poissons d’eau douce, c’est comme les marins célébré régulièrement par le Capitaine Haddock ?). Mais chaque nouvelle est centrée autour d’une problématique, la pèche n’étant qu’un moyen de vivre la différence, que ce soit pour ce fils de divorcé pour qui elle est un lien avec son père, ce couple qui se marie avant de partir, en voyage de noce, sur un bateau sur leur rivière, de ce sourd qui est à la recherche du record de prise d’un type de poisson qui trouve, dans les sorties de pèche avec son frère, un espace dans lequel il peut exprimer sa différence, pour un homme fait qui découvre qu’une importante distance s’est créée entre lui et son meilleur ami qui n’a pas pu ou pas su quitter ce qu’il était quand ils étaient enfants, pour ce jeune garçon dont le meilleur et le seul ami est celui qui l’a initié à la pèche et avec lequel il a trouvé et rénové un bateau improbable, ou ce jeune garçon qui part à la pèche avec le petit copain de sa sœur et ses amis, pour essayer, pour la première fois de sa vie, la pèche en bateau.
On pourrait presque se dire que, finalement, la pèche n’est qu’un moyen d’illustrer ces histoires. Mais, malgré tout, elle est au cœur de chaque nouvelle et occupe une place importante. Elle définit les qualités et la moralité de ceux qui la pratiquent, une grande partie des intervenants péchant pour relâcher leur poisson, à l’exclusion de ceux qui pèchent pour se nourrir et uniquement pour cela.
Mais la pèche est, depuis longtemps, en littérature, un outil, une source d’histoire de quête de soi, que ce soit le capitaine Achab ou le vieil homme et son espadon. On retrouve un peu de cela dans ce roman qui, contrairement aux textes d’Hemmingway, met quand même la pèche très en avant, comme une nécessité absolue, une source d’équilibre et, quelque part, une façon d’éviter de trop s’interroger et constitue, en quelque sorte, une réponse à toutes les questions des acteurs des nouvelles.
Sans être exceptionnel, c’est un recueil assez agréable qui se lit bien, avec une chouette galerie de personnages, qui m’a donné envie d’aller voir plus avant ce que Pete Fromm peut écrire comme roman. Dispensable mais agréable.