Épisode 9 : "NAÏN-NAÏN"
Ce gros épisode aura été une des premières occasions de tester à fond ce que j'appelle depuis
les scénars "extrêmes". Comme pour du
sandbox, je crée un contexte aussi riche et cohérent que possible, puis j'y largue les protagonistes avec une poignée d'objectifs impérieux et, déjà, quelques problèmes.
Mais en mode "extrême", j'arrose le tout de kérosène et je distribue des briquets : je prévois différentes raisons et différents moyens pour les PJ (et quelques PNJs) de
dévaster le contexte dans un grand feu d'artifice spectaculaire (les enjeux scénaristiques, les règles spécifiques à la destruction, à la panique, etc.). Et puis on voit s'ils survivent.
Cet épisode fut aussi la première immersion sérieuse des PJ dans les barbouzeries du secteur spatiale, et il impliquait beaucoup de contexte astro-stratégique. Et comme ils ont eu pas mal de temps pour en discuter avant et pendant leur voyage avec Kay, les Chiméronautes disposaient déjà d'un certain nombre d'infos à l'arrivée sur Naïn-Naïn.
Si tous ces détails sur l'univers vous gonflent et que vous préférez passer directement aux barbouzeries, les aventures des PJ reprennent au post suivant.
Les médians préparent l'invasion du Triangle d'Orion.
Notamment par l'agitation politique (auprès des clones, des mineurs syndicalistes, des étudiants polliens...), mais surtout via le programme "
Secutor", dirigé par le légendaire
colonel Belisarius, et qui consiste en une petite 30aine de vaisseaux "galactiques" maquillés en vaisseaux pirates. Pour la plupart de vieux astronefs militaires cetans, capturés pendant la Guerre Galactique, modifiés pour le saut quantique à long rayon d'action et la piraterie sans laisser de témoins, leur mission première était de cartographier des points de sauts loin des routes galactiques : les forces d'invasion devaient pouvoir y sauter directement depuis l'espace médian et se regrouper avant de donner l'assaut contre les colonies du Triangle.
Leur mission secondaire était de rafler et d'étudier le matériel de la Fédération, en particulier l'équipement informatique : un des rares domaine où les Médians, qui n'ont jamais vraiment produit d'IA, accusent un certain retard sur la technologie galactique.
Pour ce faire, chaque vaisseau hybride (car "galacto-médian") est équipé d'une
Prima Cedera, c'est à dire un ordinateur de bord quasi-autonome qui enregistre les coordonnées spatiales, les crypte et les retransmet à travers l'espace en direction des autres
Secutor comme de leur "central" secret, d'où émet la "fréquence fantôme" camouflée dans les parasites électromagnétiques du Maelström. C'est ainsi que, tout en restant complètement cloisonné les uns des autres, les différents
Secutor participent à la cartographie du secteur, en reçoivent les mises à jour et des objectifs d'attaque, envoient leur rapports... Tout ça sous le contrôle de Belisarius et d'une équipe chevronnée de la Patriæ Obses ("PatrOb"), les fameux services secrets de l'UGSS, probablement installés sur Naïn-Naïn.
Mais comme Harmonie et Vlad l'ont assez vite compris durant leurs quelques mois à bord du
Secutor LVI (qui allait devenir
La Chimère), l'état-major médian n'avait pas vraiment prévu de solution de retour pour ces vaisseaux : à moins que l'invasion ne réussissent avant que les combats ou la panne sèche n'aient raison des équipages "pirates", le programme était une vaste mission-suicide...
Ce n'est qu'une fois l'opération en cours que les Médians ont réalisé que "quelqu'un" de très doué s'amusait à pourrir leurs coordonnées pour expédier vers une mort certaine un tel nombre de leurs vaisseaux que les accidents ne suffisaient pluss à l'expliquer. Ils se sont alors mis à la recherche de ces étranges "agents ennemis" qui s'évertuaient à saboter leur opération sans pour autant déclencher une alerte à l'échelon fédéral. S'attendant à quelques hackers de génie originaires d'Eridan (la plupart des accidents ayant été déclenchés par des données corrompues en provenance de l'astroport de Keid), ils ont commencé à cibler les ingénieurs et autres galactiques cybernétisés.
Et c'est ainsi qu'ils ont repéré l'
Andaman Blowfish sur lequel volaient Hansou Carlo (pilote ex-hacker), Vincent Panjari (cadre corporatiste à broche neurale), plusieurs ingénieurs en IA et même Soon Chi Kay (dîte "Kay", tout simplement), déclenchant le début de notre campagne...
Juste avant leur départ pour Naïn-Naïn, les PJ ont appris que les Médians, qui y étaient présents depuis longtemps mais sporadiquement, y avaient débarqué en force il y a quelques cinq mois (donc quelques jours avant le lancement du
Secutor LVI). Et quand je dis "en force", je veux dire que plusieurs centaines de leurs commandos ont éperonné la station à l'aide d'un énorme cargo doté d'un rostre bardé d'explosifs : après s'être accroché à la station spatiale comme une tique survitaminée et prête à tout faire péter si on voulait la dégager, les Médians ont pris le contrôle de la centrale à fusion et s'y sont barricadés pour soutenir un siège.
Depuis lors, comme ils ne sont quasiment plus intervenus dans les affaires des pirates
moudjahidine, que ceux-ci n'ont pas vraiment les moyens de les déloger et que la centrale tourne proportionnellement mieux qu'avant... hé ben heu : les choses sont restées en l'état. Sauf que l'Émir-pirate
Al Salim fulmine.
________
Novum Aurora, littéralement "Nouvelle Aube" dans le latin de cuisine que les Médians ont érigé en langue officielle, serait une organisation politique regroupant quelques très exceptionnels et extrêmement discrets citoyens de l'UGSS :
les dissidents politiques.
Car soyons clairs, en dehors du "léger" problème d'appauvrissement génétique dont la détection a valu à Vlad d'être expédié sur une mission-suicide,
la société médiane fonctionne bien mieux que ses voisines galactiques : la pauvreté, le racisme, l'enfance maltraitée et la discrimination n'y existent pas ; la maladie, l'illettrisme, l'esclavage, la cupidité et donc le crime ou la corruption y sont rarissimes, les arts sont vigoureux, les sciences ambitieuses et, globalement, les quelques 9 milliards de médians –
Mens,
Miles et
Labres des deux sexes– y vivent heureux en remplissant la destinée génétiquement conçue pour eux...
À l'exception, peut-être, de quelques rêveurs et aventuriers qui refusent de rester à leur place comme Vlad, Harmonie ou l'infâme Gregorius. C'est en cherchant d'autres dissidents que, depuis qu'ils se baladent en liberté dans la Fédération, notre couple surhumain a entendu parlé de l'organisation et plus particulièrement de la légendaire "
Ariane" : une transfuge de la PatrOb, paraît-il passée à la Fédération dans le but d'y créer un asile pour ses camarades avides de liberté.
________
Les Clones
Si le clonage humain a été interdit il y a bien longtemps au sein de la Fédération Galactique, l'autorité fédérale reste assez vague au sein des mondes-frontières et le lointain
Empire Soon -qui s'est développé tout seul dans son coin pendant un siècle avant d'être rattrapé par l'expansion galactique- n'avait simplement pas été prévenu. Et maintenant qu'il est averti, l'Empire s'en fout.
Depuis qu'ils fréquentent "
Jiang-Jià", leur assistant-mécanicien en charge d'une nombreuse famille à la ressemblance troublante, les PJ ont ainsi appris que la colonisation de MonSoon et des planètes voisines s'étaient faite avec une main d’œuvre largement clonée et divisée en castes, les
Jiang :
● les
Jiang Feng sont tout au bas de l'échelle, des ouvriers non-qualifiés, stériles et -avouons-le- un tantinet débiles qui servent dans les vastes plantations agricoles, les pêcherie ou les usines de MonSoon,
● les
Jiang Jià, déjà plus dégourdis, sont les techniciens "à tout faire" qui s'occupent aussi bien des machines-outils que de construction ou de mécanique. C'est évidemment à cette caste-là qu'appartient "
le Jiang Jià", celui que les Chiméronautes ont recueilli et qui à leur contact a commencé à s'individualiser au point de se doter finalement d'un nom propre :
"Jiang Marcus" (1). Et s'ils ne seraient pas tous capables de décrocher leur BEPC, ceux-là sont fertiles, pour peu qu'ils se reproduisent avec...
● les
Jiang Ling, des matrones aux larges hanches dont la double fonction est premièrement d'enfanter plein de main d’œuvre, deuxièmement de gérer les neuneus précédents : quand elles ne sont pas enceintes des Jiang Jià, les Ling sont donc généralement à la tête des exploitations, des chantiers et des entreprises où bossent les castes inférieures (mâles).
● les
Jiang Hué ont été conçues pour être les courtisanes
stériles, les infirmières, les secrétaires et les gouvernantes de l'aristocratie (patriarcale) des Soon : belles, intelligentes, élevées à être délicates et prévenantes, elles sont la fine fleur des Jiang... et elles le savent.
Depuis quelques décennies que l'expansion galactique a rattrapé l'Empire Soon, néanmoins,
des Jiang de différentes castes se sont dispersés à travers le secteur : des centaines de milliers de Feng et de Jià ont été vendus aux grosses corpo qui avaient besoin d'une main d’œuvre bon marché pour extraire du minerais des franges du Maelström (parce que c'est quand-même extrêmement dangereux) comme pour bâtir des centrales à fusion de l'hydrogène, des stations spatiales ou des villes (dont Mantile et Langton, oui).
Les Soon les moins délicats ont également trouvé un marché lucratif en vendant quelques milliers de "Hué" aux Triades pour leurs circuits de prostitution ou leur holo-porno les plus extrêmes. Mais parce que les corpo n'avaient guère l'usage de matrones moches et grandes gueules, à peine une poignée de Jiang Ling ont été proposées sur le marché... et elles ont été les premières à
s'enfuir.
Depuis quelques générations (car les Jiang, comme les Médians, ne vivent pas très vieux), un nombre grandissant de clones ont ainsi échappé à leur condition en s'évadant pour trouver refuge dans les bas-fonds des grandes villes, les colonies inhospitalières et même, parfois, jusque dans la Constellation d'Eridan (où on accepte vraiment n'importe qui). Ceux-là eurent la chance d'y être assez volontiers intégrés et de découvrir un truc qui allait complètement transformer leur existence : les théories gauchistes, qu'elles soient égalitaristes (prônant l'égalité de droit entre les Genos et les "autres" humains), libertaires ou carrément soviétiques.
Avec l'aide de quelques ONG éridiennes mais aussi en apprenant doucement à se prendre en main, des Jiang transformèrent bientôt la fuite sporadiques des leurs en un véritable exode organisé. Tout le problème restait de déterminer "
vers où ?", parce que les Clones, c'est comme les Auvergnats : quand il n'y en a qu'un ou deux, ça va, mais quand ils sont des centaines de milliers, même les gentils Éridiens ultra-tolérants n'en veulent plus.
En l'attente d'une réponse claire à cette grave question, les Jiang continuèrent de se disperser un peu n'importe où, et de se regrouper dans les "angles morts" du Triangle d'Orion...
1) En fait, l'ex-"Jiang Jià" est devenu le second perso de Cancrela (qui jouait déjà Vincent Panjari). Il a brièvement envisagé de se baptiser "Jiang Vlad" en l'honneur de son cher mentor mais, comme celui-ci a refusé, il a décidé de prendre le nom du mentor de Vlad, exécuté par Harmonie à la fin de l'épisode 1. Ça met une curieuse ambiance dans les dialogues...
________
Les IA Éco-Terroristes
Soon Chi Kay n'était que la fausse identité de l'androïde que les PJ ont rencontré en transit vers Mantile, mais "
Kay" est aussi le seul nom qu'ils connaissent pour désigner la super-IA qui a déclaré la guerre aux Médians. Et d'une certaine manière à l'Empire Soon. Et maintenant aux pirates
moudjahidine ! Grâce à la relation de plus en plus étroite que Hansou entretien avec l'IA comme par d'intenses et habiles déductions, les PJ ont appris que Kay n'est qu'une des "filles" qu'une IA-mère a expédiées à travers l'espace pour remplir diverses missions, dont le but final est de...
protéger MonSoon de la contamination génétique.
En très gros, Maman IA considère que l'humanité court à sa perte à force d'ingénierie génétique, de pollution spatiale et d'exploitation irraisonnée. Mais MonSoon possède deux grands atouts pour un "
reboot sur des bases saines" : une vie extra-terrestre indigène (bon, c'est des paramécies mais ça compte) et un génome humain préservé sur MonSoon par la stricte société de caste de l'Empire, puisque l'aristocratie non-clonée, elle, est presque "génétiquement pure" ! D'où la volonté de Maman-IA de ralentir le débarquement de galactiques "corrompus" sur MonSoon (et flinguer son ambassadeur auprès de la Fédération a certainement aidé) et d'éliminer les
Genos, dont les Jiang et les Nibelen simiesques mais surtout, prioritairement, les dangereux Médians avec leurs plans d'invasion...
D'ailleurs, Kay s'était "dédoublée" sur Langton-Cobre, déposant une copie d'elle-même dans le réseau de la cité-puits pour qu'elle se développe (voir
Épisode 7) et puisse, à termes, constituer un avant-poste défensif dans le système LHS-1723. Pendant que Kay parcourt l'espace pour mener d'autres missions et ensemencer le réseau de ses propres "enfants", cette petite sœur sur Langton est donc sensée empêcher les Médians de s'emparer de la planète minière par tous les moyens (on y reviendra).
Parce que bon, si on réfléchit, c'est quand-même le meilleur endroit où installer une tête de pont et conquérir le secteur : si l'UGSS s'y casse les dents, Maman-IA aura gagné plusieurs mois pour développer des défenses un peu partout ailleurs. Et tout ça pour préserver sa planète-chouchou, puisque c'est une question de "probabilités", apparemment : si les PJ avaient la puissance de calcul pour s'en apercevoir, ils réaliseraient eux-aussi que MonSoon est le meilleur espoir de l'humanité, donc d'un espace "sain" (!?!).
Étrangement, c'est aussi pour des questions probabilistes que Kay est à ce point intéressée par les PJ : parce qu'ils représentent à eux seuls une
singularité statistique invraisemblable ! Rien que si on voulait mesurer la probabilité que tout ce petit monde se rencontre un jour dans cet étrange vaisseau, ou même si on compte le nombre de fois où ils auraient dû mourir et s'en sont sortis, on comprend bien que les Chiméronautes sont des gens "
inquantifiables".
Et ça, pour notre chère IA voyageuse et avide d'apprendre, c'est presque aussi mystérieux -donc fascinant- que l'économie interstellaire, le sexe, l'engagement politique ou les holo-novellas romantiques qui passent sur le réseau...
________
Maranga vs the Galaxy
Quoiqu'à ce stade les PJ ignoraient encore l'existence de la CoordEX, Vincent avait déjà compris lors de l'
Épisode 2 que le diplomate-marchand-aventurier pollien Corrado Maranga était beaucoup plus malin et ambitieux qu'il ne le laissait paraître. Impression qui s'est confirmée au fil de la relation entre les Chiméronautes et le Conseiller pollien (du "Grand Conseil", le parlement bordélique de la République Pollienne).
Avec du pognon plein les poches, sa passion pour l'histoire militaire et son remarquable pragmatisme comme seules armes, Maranga était semble-t-il venu dans le Triangle d'Orion pour tout à la fois trouver des alliés militaires afin de protéger sa chère république d'une invasion médiane (passant semble-t-il une sorte de deal secret avec le Sultanat de Khem), convaincre les autorités fédérales de l'existence d'un plan d'invasion médian (dont les
Secutor sont la meilleure preuve) et fonder les bases des services secrets dont la République Pollienne avaient grandement besoin.
Mais Soon Chi Kay révéla aux PJ un des secrets les mieux cachés de Maranga : durant une opération de la PatrOb sur Saratan (la planète du blé et des harengs), les forces de sécurité polliennes ont capturé/retourné/recueilli (?) un redoutable agent médian, une espionne de haut-vol qui prêterait désormais son aide à la création des services secrets polliens. Cette fameuse médiane traîtresse/idéaliste/prisonnière (rayez la mention inutile si vous arrivez à la repérer) n'est par contre connue de Kay que sous son nom de guerre : "
Ariane".
Et c'est comme ça que furent ré-introduits dans la campagne les dissident que réclamaient depuis longtemps Argentarbre (qui joue "Harmonie" et, depuis peu, "Sergio le Stagiaire").